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Communication politique et séduction à  travers la Déclaration de politique générale du Premier ministre Idrissa Seck à  l'Assemblée nationale le 03 février 2003

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par Mamadou THIAM
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Dea Science du langage 2005
  

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2.4 L'homme sincère

L'ethos de la sincérité se déploie dans le discours de politique générale du Premier ministre à travers un diagnostic sans complaisance de la réalité, et la formulation de mesures, pas toujours populaires, mais susceptibles d'améliorer la situation. Ainsi, dans le domaine de la répartition budgétaire, le Premier ministre exprime, sans détours, son insatisfaction par rapport à la manière dont l'importante somme allouée à l'éducation est dépensée, sans pour autant donner des résultats probants :

Le moment est peut-être venu de se pencher sérieusement sur la façon de dépenser cet argent en relation avec les objectifs poursuivis car, pour l'heure, le rendement de l'investissement consenti par la Nation est très en deçà des résultats observés. (Seck 2003 : 15)

Ce faisant, le Premier ministre est conscient qu'il s'en prend à un secteur des plus sensibles. En effet, l'Education est le secteur d'où partent la plupart des mouvements sociaux. Par conséquent, remettre en cause le budget qui lui est allouée ou contester la pertinence de ses résultats ne manquerait pas de déplaire à ses membres qui sont, en même temps, très bien représentés au sein de l'Assemblée nationale42(*).

Mais cette sincérité fonctionne moins comme un reproche, qu'une interpellation des différentes composantes de la société, afin de créer les conditions d'une remise en cause et d'un sursaut, à mêmes de conduire le pays dans la voie du développement durable. La sincérité, ici, est d'abord d'ordre délibératif et non judiciaire. Elle n'est point mise au service d'un réquisitoire contre certaines composantes de la société. Elle permet, au contraire, sur la base d'un diagnostic, d'amorcer le dialogue pour définir, ensemble, la voie la meilleure pour la Nation. Cette dimension purement utilitaire, et non polémiste de la sincérité, est rendue par le choix des pronoms personnels dans l'expression de cette sincérité. En effet, dans la plupart des passages où la sincérité se déploie à travers un diagnostic non complaisant, c'est le nous inclusif qui est utilisé comme c'est le cas pour la question de la mobilité urbaine :

La résolution du problème de la mobilité urbaine implique des sacrifices que nous devons accepter. Il s'agit notamment des expropriations à faire pour l'agrandissement de routes, avec, bien entendu, l'indemnisation des expropriés, conformément aux lois et règlements en vigueur. (Seck 2003 : 21)

Il en est de même lorsque le Premier ministre décrit les difficultés auxquelles est confronté le tissu industriel sénégalais et les mesures idoines à prendre :

Nous devons être prêts, dans les meilleurs délais, à affronter une rude compétition sur nos marchés, national, sous-régional et international. Pour assurer à nos entreprises les outils de leur participation à cette compétition, c'est tout notre système économique qui exige d'être mis à niveau. (Seck 2003 : 18)

Ce tableau peu reluisant des composantes de l'économie sénégalaise interpelle tous les acteurs, aussi bien le secteur public que les entrepreneurs privés. Chacun ayant un rôle à jouer. Ainsi, l'Etat est prêt à recourir à la « privatisation » du réseau ferroviaire, « handicapé par la vétusté des voies et du matériel roulant  qui n'autorise que des vitesses commerciales extrêmement faibles» (Seck 2003 : 20), afin de favoriser l'activité économiques des entreprises sénégalaises. De même, le Gouvernement « a choisi, à l'échelle du continent comme chez nous, de faire du secteur privé le moteur principal de la croissance et du développement » (Seck 2003 : 19). Toutefois, l'engagement de l'Etat ne saurait, à lui seul, suffire. Il est essentiel que le secteur privé joue pleinement sa partition. Ainsi, selon le Premier ministre, « les entreprises elles-mêmes devront se mettre à niveau pour tirer profit de ces efforts » (Seck 2003 : 19)

La sincérité devient même un mode de gestion des affaires de la Cité ; un cri de ralliement autour duquel tout le monde devra se retrouver. D'où sa forme d'énonciation qui n'est pas sans rappeler la tournure du slogan : « Faisons une autre chose pour nos enfants » (Seck 2003 : 15) ou encore : « Il nous faut soutenir ce qui marche et optimiser les dépenses que nous réalisons » (Seck 2003 : 15).

Au-delà de sa dimension « utilitaire », la sincérité s'avère comme une exigence d`ordre éthique qui impose au locuteur de reconnaître ses limites en refusant de prendre des engagements qu'il ne saurait tenir. C'est pourquoi, bien que conscient de la nécessité de « (...) garantir, à chaque Sénégalaise et chaque Sénégalais qui, par la grâce de Dieu, atteint l'âge limite de la retraite, l'accès aux revenus conservés pour lui tout au long de sa vie active » (Seck  2003 : 24), le Premier ministre avoue son impuissance, en l'état actuel des choses, à assurer ce droit :

Aujourd'hui, je ne suis pas en mesure de l'assurer, du fait de la hausse de l'espérance de vie et de la baisse du nombre des cotisants. (Seck  2003 : 24)

De la sorte, le Premier ministre donne l'image d'un homme en rupture avec la représentation classique en cours à propos des politiques. Ceux-ci, au sein de l'opinion publique, sont perçus comme étant prompt à faire des promesses sans jamais les respecter. Par là, l'ethos de l'homme sincère participe à instaurer l'image singulière d'un homme qui appartient à la classe politique tout en s'en détachant de par ses qualités intrinsèques. A telle enseigne que la sincérité finit par prendre les allures de reproches et de critiques véhémentes de certaines pratiques sociales. En effet, le Premier ministre s'étonne de constater que malgré les avancées technologiques et sociales qui ont fait que l'Homme « a transformé le vent impétueux en électricité, bravé les airs par ses avions, exploré l'espace par satellites et fusées », « certaines choses apparemment simples restent encore à l'état de chantier » :

Je veux parler de ce chauffeur qui brûle le feu de Soumbédioune, ce monsieur qui, à la banque, refuse de faire la queue, de cet agent d'entreprise ou de l'Etat qui veut monnayer illégalement son service. (Seck  2003 : 28)

Tout en faisant preuve de raison pratique, par la clarté et la cohérence du discours respectueux des formes et innovant par un souci didactique et pédagogique marqué ; affiché les attributs d'un homme vertueux, à travers la foi, la justice, l'humilité, la sincérité, le Premier ministre montre son attachement à son auditoire en affichant toute sa bienveillance.

* 42 Le corps enseignant serait la catégorie socioprofessionnelle majoritaire à l'Assemblée nationale.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle