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Les procédés de modalisation dans l'oeuvre romanesque de jules verne: le cas de Michel Strogoff

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par Bauvarie Mounga
Université Yaoundé I - DEA 2007
  

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

Autour de 1960, se développe une linguistique qui s'occupe de la mise en oeuvre de la langue par des locuteurs éventuels : l'énonciation. Cette dernière s'oppose au structuralisme et à la grammaire générative qui opèrent une coupure entre le langagier et le cognitif, et séparent les énoncés de l'activité qui les a produits. Parler ne se réduit donc pas, pour les linguistes de l'énonciation, à transposer en langue des morceaux de réalité. Cette réalité ne peut être envisagée que par une subjectivité, c'est-à-dire qu'elle est obligatoirement interprétée, appréciée, jugée. C'est dire que l'énonciation permet l'étude des différents indices qui révèlent la présence du locuteur dans un discours, elle rend donc évidemment compte de la modalisation. A cet effet, Dubois et co-auteurs (1999 :305) définissent la modalisation comme étant  la composante du procès d'énonciation permettant d'estimer le degré d'adhésion du locuteur à son énoncé. Autrement dit, la modalisation définit la marque donnée par le sujet parlant à son discours.

L'INTÉRÊT DU SUJET

La modalisation est une notion conflictuelle de la linguistique contemporaine. Cela résulte de sa polymorphie et de son caractère vaste et mouvant. De plus, elle peut être abordée sous divers angles et elle est étudiée aussi bien en logique, en linguistique qu'en sémiotique. Meunier (1974) souligne que le terme modalité duquel dérive celui de modalisation est en lui-même déjà complexe. De ce fait, ce dernier (1974 : 8) écrit :

Parler de modalité, sans plus de précision, c'est s'exposer à de graves malentendus. Le terme est en effet saturé d'interprétations qui ressortissent explicitement ou non, selon les linguistes qui l'utilisent, de la logique, de la sémantique, de la psychologie, de la syntaxe, de la pragmatique ou de la théorie de l'énonciation.

Il faut donc s'entendre sur une conception de la modalité pour éviter les malentendus, d'autant plus qu'il existe plusieurs approches de la notion. Il est question pour nous dans le cadre de ce travail de construire une définition mieux adaptée à la modalisation. Nous tenterons d'apporter notre modeste contribution à la résolution de la complexité de cette notion tout en sachant qu'un tel projet doit être conscient des limites auxquelles il se heurtera nécessairement. Nous nous intéresserons, de ce fait, aux procédés de modalisation dans l'oeuvre romanesque de Jules Verne, notamment dans Michel Strogoff. Jules Verne est un écrivain qui a le souci de l'exactitude dans les informations qu'il transmet. Nous voulons montrer que, bien qu'étant un spécialiste des oeuvres scientifiques d'aventure, Jules Verne met en exergue dans Michel Strogoff des instances énonciatives dont les discours ne sont pas dénués de commentaires subjectifs. Ainsi, même chez un auteur qui se sert des faits historiques pour écrire une oeuvre, on peut trouver des procédés de modalisation.

En ce qui concerne justement notre support d'étude, il relate l'histoire de Michel Strogoff, courrier du czar de Russie, qui doit traverser les steppes de Sibérie, pour aller prévenir le frère du czar (à Irkoutsk) de la présence d'un traître dans son entourage. Son voyage de plus de 5500 km sera compromis par les Tartares commandés par un ancien officier impérial révolté contre le czar, Ivan ogareff, qui envahissent la Sibérie. Capturé, Strogoff est torturé et ses yeux brûlés au fer rouge. Mais Michel Strogoff finit par tuer le traître.

Nous tenons à préciser, par ailleurs, que la notion de modalisation a déjà servi de prétexte à plusieurs travaux. Ces derniers permettent de mesurer l'ampleur de la complexité que revêt la notion de modalisation. On se propose donc de revisiter les points de vue de Bally (1942, 1965), Gardies (1979, 1981) et Charaudeau (1992). Cet exposé vise à présenter la modalisation sous certains aspects problématiques qui ont nourri notre réflexion et nous ont permis d'élaborer notre approche de la notion.

L'ÉTAT DE LA QUESTION

- Bally et l'héritage de la logique modale : le modus et le dictum

Les premières réflexions sur la modalité ont été effectuées par la logique. C'est Aristote qui les développe en premier à travers des questions philosophiques soulevées dans De l'interprétation et les premiers analytiques. Cette étude est prolongée par les analyses de la logique modale classique, poursuivie par les philosophes et logiciens. La logique modale limite les modalités au quaterne nécessité, possibilité, impossibilité, contingence. De plus, elle n'envisage la modalité que d'un point de vue formel, c'est-à-dire sans se préoccuper du sens des mots.

Après le moyen âge, le concept de modalité est repris en linguistique de l'énonciation par Bally. Cet auteur propose essentiellement une approche linguistique de la modalité qu'il associe étroitement à la phrase. Toute phrase renferme en son sein une modalité et c'est même elle qui lui confère le statut de phrase. Bally (1942 :3) donne de la modalité la définition suivante : la modalité est la forme linguistique d'un jugement intellectuel ou d'une volonté qu'un sujet pensant énonce à propos d'une perception ou d'une représentation de son esprit.

Une telle définition montre clairement que pour Bally (1942), la modalité est une opération psychique que le locuteur opère sur une représentation. Il faut donc distinguer dans une phrase le modus et le dictum. Bally fait de cette dichotomie la base de sa théorie de l'énonciation. Il part du postulat que la langue est un instrument permettant la communication, l' « énonciation » de pensées par la parole. Et la forme la plus simplifiée de la communication d'une pensée est la phrase. De plus, ce linguiste précise qu'une pensée est une réaction soit par un constat, soit par une appréciation ou un désir. La distinction entre modus et dictum relève d'une distinction entre les aspects logique, psychologique, linguistique qui conditionnent toute énonciation de la pensée par la langue. A en croire Bally (1965 :36),

La phrase explicite comprend donc deux parties: l'une est le corrélatif du procès qui constitue la représentation (p.ex: la pluie, une guérison); nous l'appellerons, à l'exemple des logiciens, le dictum. L'autre contient la pièce maîtresse de la phrase, celle sans laquelle il n' y a pas de phrase, à savoir l'expression de la modalité, corrélative à l'opération du sujet pensant. La modalité a pour expression logique et analytique un verbe modal (par exemple: croire, se réjouir, souhaiter), et son sujet, le sujet modal, tous deux constituent le modus, complémentaire du dictum.

La modalité se définit donc comme l'attitude prise par le sujet parlant à l'égard du contenu de son énoncé. L'analyse logique d'une phrase suppose l'existence d'éléments corrélatifs au procès et d'éléments qui ressortissent à l'intervention du sujet parlant.

La conception de la modalité de Bally va connaître des critiques notamment de la part de Ducrot (1989). Ainsi, dans son étude sur l'énonciation et la polyphonie chez Bally, Ducrot (1989 :186-187) fait remarquer que la distinction entre modus et dictum suppose que toute pensée se décompose en un élément actif ou subjectif, la réaction, et en un élément positif ou objectif, la représentation.

Cette distinction entre subjectif et objectif paraît insoutenable pour Ducrot (1989) dès lors qu'il pense que des énoncés de la langue pourraient décrire le monde tel qu'il est sans la médiation d'un sujet parlant et d'une subjectivité, c'est-à-dire sans passer par une instance énonciative quelconque.

- Gardies et l'analyse syntaxique de la modalité

Gardies (1981) estime que la logique modale réservait à la notion de modalité une définition restreinte puisqu'elle était limitée aux notions de nécessité, impossibilité, possibilité, contingence. Ce dernier opte plutôt pour une conception plus large de la modalité. Gardies (1981 :13) parle de la modalité dans

Tous les cas où le contenu d'une proposition se trouve transformé dans un sens quelconque, soit par adjonction d'un verbe, soit encore par une subordination de son énoncé qui lui confère le statut de proposition complétive.

La modalité est ainsi présentée surtout sous un aspect syntaxique dans la mesure où c'est la façon dont les mots sont disposés dans une phrase qui lui confère le statut de modalité. Gardies (1979) relève, par ailleurs, que la prépondérance des modalités aléthiques dans la logique modale est accidentelle. Aristote les a étudiées dans le cadre de sa philosophie, et c'est ce qui a donné un sens à cette étude. Autrement dit, le privilège de ces modalités tient au fait qu'Aristote en avait besoin pour exprimer son système philosophique. Gardies (1979 :14) propose donc de dépasser ce point de vue pour  considérer sur un pied d'égalité les modalités épistémiques, déontiques, temporelles, aléthiques, etc. 

Cependant, Picavez (2003) déplore le fait que Gardies (1981) focalise son étude de la modalité sous un angle syntaxique comme si c'était le seul critère susceptible de définir cette notion.

L'on s'aperçoit que les auteurs tels que Bally (1942, 1965) et Gardies (1981) subordonnent l'étude de la modalisation à celle de la modalité. Toutefois, certains linguistes de l'énonciation et du discours s'efforcent de préciser la notion de modalisation : c'est le cas de Charaudeau (1992).

- Charaudeau et l'approche énonciative de la modalisation

Charaudeau (1992 :572) considère la modalisation comme une partie importante de l'énonciation puisqu'

Elle en constitue le pivot dans la mesure où c'est elle qui

permet d'expliciter ce que sont les positions du sujet

parlant par rapport à son interlocuteur (Loc Interloc),

à lui-même (Loc Loc) et à son propos (Loc Propos).

C'est dire que dans le processus d'appropriation de la langue, le sujet parlant est amené à se situer par rapport à son interlocuteur, au monde qui l'entoure et par rapport à ce qu'il dit. Par ailleurs, à en croire Charaudeau (1992), la modalisation se compose d'un certain nombre d'actes énonciatifs de base: ce sont les actes locutifs. Ces derniers se divisent en trois : les actes allocutifs, élocutifs, délocutifs. Ils ont pour sous-catégories les différentes modalités énonciatives.

Toutefois, nous déplorons le fait que Charaudeau (1992) privilégie surtout l'analyse des modalités énonciatives dans son étude de la modalisation. Vion (2001 :219), quant à lui, s'étonne que l'auteur appréhende les modalités élocutives à partir du schéma Loc > Loc alors même que dans sa définition, il les associe à la relation que le locuteur entretient vis-à-vis de son propos.

Dans cette perspective, Charaudeau (1992) crée une confusion quant au contenu sémantique des modalités élocutives.

A travers les différentes approches de la modalisation que nous venons de présenter, on constate un problème définitionnel lié à la notion d'autant plus que la diversité d'angles sous lesquels elle est appréhendée ne permet pas de la cerner.

PROBLÉMATIQUE ET ORIGINALITÉ

Comme nous l'avons dit plus haut, le rapport entre modalisation et modalité n'est pas explicité, et l'on pourrait croire que ces deux concepts sont équivalents. C'est dans cette optique que Vion (2001 :219-220) prend l'exemple de Le Querler (1996) qui mentionne la notion de modalisation cinq fois sur la quatrième de couverture de son ouvrage (Typologie des modalités) ; mais à l'intérieur même de cet ouvrage, la modalisation n'est pratiquement jamais évoquée et c'est plutôt le terme de modalité qui y est fréquent. Néanmoins, les notions de modalité et modalisation sont parfaitement distinctes. Le concept de modalité renvoyant à une réalité statique, alors que celui de modalisation apparaît plutôt comme un processus. C'est pourquoi Arrivé, Gadet et Galmiche (1986: 389) considèrent que la modalisation est le processus par lequel le sujet de l'énonciation manifeste son attitude à l'égard de son énoncé. Ainsi, la modalisation permet au locuteur de manifester une attitude par rapport à ce qu'il dit. Nous partons de l'hypothèse que la modalisation est un phénomène occasionnel, caractérisé par un dédoublement énonciatif avec un commentaire réflexif portant sur l'énoncé du locuteur.

La modalisation pourrait alors être définie comme un phénomène de double énonciation dans lequel l'une des énonciations se présente comme un commentaire porté sur l'autre, les deux énonciations étant à la charge d'un même locuteur. Il s'agira donc pour nous de montrer comment le recours à la modalisation permet à un locuteur de se construire l'image d'un sujet distancié par rapport à son dire, entraînant ainsi une incidence sur le sémantisme de son énoncé. Ce faisant, nous nous posons les questions suivantes : quels sont les phénomènes syntaxiques, sémantiques, auxquels renvoie la modalisation ? Comment se manifestent dans Michel Strogoff les procédés de modalisation à travers les relations que le locuteur entretient avec son discours ? Comment s'effectue la mise en valeur par le locuteur de son propre énoncé ? La modalisation ne constitue t-elle pas finalement une stratégie argumentative employée par Jules Verne pour mieux rallier le lecteur à la cause qu'il défend dans son oeuvre ?

On se propose de construire une grille d'approche qui permette de développer quelques aspects des questions soulevées et d'en esquisser des solutions.

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"Et il n'est rien de plus beau que l'instant qui précède le voyage, l'instant ou l'horizon de demain vient nous rendre visite et nous dire ses promesses"   Milan Kundera