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Les procédés de modalisation dans l'oeuvre romanesque de jules verne: le cas de Michel Strogoff

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par Bauvarie Mounga
Université Yaoundé I - DEA 2007
  

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CHAPITRE SIXIÈME :

LA MODALISATION : UNE STRATÉGIE ARGUMENTATIVE

L'étude des procédés de modalisation à l'aide de la stylistique de l'expression indique que ces procédés participent d'une stratégie argumentative. En effet, ils fonctionnent, à en croire Perelman (1989 :437), comme des techniques discursives permettant de provoquer ou d'accroître l'adhésion des esprits aux thèses que l'on présente à leur assentiment. Cela n'est pas étonnant puisque la stylistique de l'expression accorde une place importante à l'action des faits de langage sur la sensibilité. On se pose donc la question dans ce chapitre de savoir comment s'emploie Verne pour faire passer son message ainsi que la nature de ce message. Autrement dit, quelles sont les stratégies argumentatives que favorise l'emploi des procédés de modalisation dans Michel Strogoff ? Et à quel but sont destinées ces stratégies ? Cela étant, nous allons voir dans un premier temps comment l'éthos, l'ironie et l'atténuation permettent à Jules Verne de crédibiliser son univers de croyance. Dans un second temps, il sera question pour nous de montrer que ces stratégies se conjuguent pour présenter Michel Strogoff comme un discours sur le devoir.

I- LE SOUCI DE CRËDIBILISER SON UNIVERS DE CROYANCE

Produire un texte littéraire c'est, selon les besoins, chercher à faire partager ou à imposer une certaine vision du monde, un certain système de croyance, voire à faire agir l'autre, et cela en fonction d'une intention se trouvant à l'origine de tout acte d'énonciation. Ce d'autant plus que, comme le dit Hamon (1981 :119),  l'art d'écrire [est] une praxis, une technique d'action sur le lecteur.  Le texte littéraire n'est donc pas destiné à être contemplé, il est une énonciation tendue vers un co-énonciateur qu'il faut mobiliser, faire adhérer à un certain univers de sens. C'est pourquoi Verne dans Michel Strogoff se sert des procédés de modalisation pour véhiculer son idéologie au lecteur. On le voit notamment à travers les stratégies discursives telles l'éthos, l'ironie, l'atténuation.

I.1- L'éthos

L'éthos renvoie à l'image que le locuteur donne à voir de lui-même à travers des représentations collectives au lecteur. Il recouvre l'ensemble des traits de caractère que l'auteur doit montrer au lecteur pour faire bonne impression. Il ne s'agit pas, précise Ducrot (1984 :201),

 des affirmations flatteuses que l'orateur peut faire sur sa propre personne dans le contenu de son discours, affirmations qui risquent au contraire de heurter l'auditeur, mais de l'apparence que lui confèrent le débit, l'intonation, chaleureuse ou sévère, le choix des mots, des arguments. 

Dans cette perspective, le locuteur se construit une personnalité grâce aux choix de ses idées, de ses arguments, ce qui rend plus crédible son discours aux yeux du lecteur. Dans Michel Strogoff, à travers sa parole, Verne se donne une identité à la mesure du monde qu'il est censé faire surgir dans son oeuvre. Il joue sur la sensibilité du lecteur, il présente des faits, des personnages d'une manière qui suscite l'émotion de ce dernier. On s'aperçoit ainsi que l'auteur de Michel Strogoff a prévu les effets que son discours est susceptible d'avoir sur le lecteur. C'est dans ce sens que Meyer (1991 :32) souligne dans son introduction à La Rhétorique d'Aristote : [...] convaincre, suppose que l'on connaisse ce qui met en branle le sujet auquel on s'adresse, c'est-à-dire ce qui le meut, ou plus exactement, l'émeut. 

Ainsi, les idées de Verne se présentent à travers une manière de dire qui renvoie à une manière d'être. Il construit un discours adéquat, adapté, empreint de représentations sociales valorisées ou dévalorisées. Dans Michel Strogoff, nous l'avons déjà dit, il est question d'une guerre qui oppose les Russes aux Tartares. Ces derniers, sous la conduite d'Ivan Ogareff, veulent assiéger la ville d'Irkoutsk. Le czar fait alors appel au capitaine Strogoff afin d'empêcher les basses manoeuvres d'Ivan Ogareff. Jules Verne va s'atteler ainsi à présenter tout au long de l'oeuvre d'une part Michel Strogoff totalement respectueux et soucieux du bien être des autres et d'autre part Ivan Ogareff sans pitié et cruel. Voici trois exemples qui résument assez bien l'image que l'auteur présente au lecteur de ces deux personnages:

(184) De plus, il était cruel, et il se fût fait bourreau au besoin. (p.144)

(185) Ce beau et solide garçon, bien campé, bien planté, n'eût pas été facile à déplacer malgré lui, car lorsqu'il avait posé ses deux pieds, il semblait qu'ils s'y fussent enracinés. (p.34)

(186) En vérité, si un homme pouvait mener à bien ce voyage de Moscou à Irkoutsk, à travers une contrée envahie, surmonter les obstacles et braver les périls de toutes sortes, c'était entre tous, Michel Strogoff. (p.36)

En (184), l'adjectif cruel et le substantif bourreau ont une coloration péjorative. Ils montrent au lecteur qu'Ivan Ogareff est un homme totalement dénué de bon sens, de compassion, il est prêt à tout pour trahir ses compatriotes et assiéger la ville d'Irkoutsk. En (185), on note la présence de deux adjectifs mélioratifs antéposés au substantif garçon : beau et solide. Le narrateur a également fait recours à l'adverbe bien qui détermine les adjectifs verbaux campé et planté. Michel Strogoff se présente alors comme un jeune homme qui allie beauté et force. De plus, il n'hésite pas à mettre cette force au service d'une noble cause comme le montre l'exemple (186). En effet, le modalisateur épistémique en vérité vient authentifier le fait que Michel Strogoff soit le seul homme capable de surmonter les épreuves difficiles pour déjouer le complot d'Ivan Ogareff. Il est fidèle à sa patrie et sait allier avec audace sang-froid et prudence. A la lecture de ces énoncés, le lecteur est normalement tenté de prendre le parti de Michel Strogoff car il représente les valeurs justes qui sont défendues par toute société. De ce fait, on comprend mieux les propos suivants de Maingueneau (2002 :81) : le pouvoir de persuasion d'un discours tient pour une part au fait qu'il amène le lecteur à s'identifier à la mise en mouvement d'un corps investi de valeurs socialement spécifiées. C'est dire que pour exercer un pouvoir de captation, l'éthos doit être en phase avec la conjoncture idéologique. Justement, les potentiels lecteurs de notre corpus face au discours de Jules Verne souhaiteront, sans doute, s'identifier à Michel Strogoff qui incarne les valeurs morales.

On le voit, l'éthos est bien une stratégie argumentative au moyen de laquelle Verne essaye de crédibiliser son univers de croyance. Cependant, cet auteur recourt souvent à l'ironie, mieux à la satire pour se distancier de certaines attitudes et montrer au lecteur les valeurs auxquelles il adhère.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote