UNIVERSITE PARIS 7 DENIS DIDEROT
DEA « Migrations et Relations Interethniques
»
Unité de Recherches Migrations et Société.
(URMIS)
Place et rôles des temples
protestants
malgaches dans la construction d'une
communauté à Paris
Mémoire de DEA
Présenté par Hery Andry I.V
RAKOTONANAHARY
|
Sous la Direction de Madame la Professeur Maryse
TRIPIER
Sommaire
Remerciements
1. Introduction
1.1 Quel est l'intérêt du sujet?
p4
1.2 Migration malgache : protestantisme et rapports avec la
France 1.2.1 Quelques traces du protestantisme dans l'Histoire de Madagascar
p6 1.2.2 Une très brève histoire de la
migration malgache vers la
France p12 1.2.3 De l'ethnicisation de
l'émigration et de l'immigration
malgache ? p16
1.3 La construction communautaire
p19
1.3.1 Question de place et de rôle
p19
1.3.2 Communauté, religion : usages
p21
1.4 Présentation de l'enquête
p24
1.4.1 Méthodologie p24
1.4.2 Population et lieux d'enquête
p25
1.4.3 Difficultés et apprentissages
p28
1.5 Le développement de l'objectif de la recherche
p29
2. Résultats sur les institutions
2.1 La FPMA, une institution religieuse
p31
2.2 Trois facettes de l'offre institutionnelle
p33
2.2.1 Une facette religieuse p33
2.2.2 Une facette sociale p38
2.2.3 Une facette idéologico politique
p44
3. Résultats sur les jeunes
enquêtés
3.1 Les Temples et la diversité des histoires
p47
3.1.1 Une affiliation communautaire
p47
3.1.2 Une segmentation de l'expérience sociale
p49
3.1.3 Des expériences sociales contradictoires
p50
4. Conclusion
Références bibliographiques Annexes
i : deux guides d'entretien (leaders et jeunes)
ii : guide d'observation
iiii : carte de la présence FPMA en France
iiii : information sur la Directrice du
mémoire
Remerciements
Je voudrais témoigner mes reconnaissances à
l'ensemble des personnes enquêtées lors de mon terrain qui ont
beaucoup donné de leur disponibilité.
Je tiens à remercier l'équipe d'encadrement
de l'URMIS, les Professeurs et en particulier mon encadreur Madame la
Professeur Maryse Tripier qui a accepté de me suivre pendant toute cette
année universitaire. Vos encouragements et vos conseils ont
été de véritables motivateurs pour la finalisation de ce
DEA et un immense éclaircissement pour le sujet que j'ai traité
mais aussi pour moi-même: un éclairage de mes capacités
aveugles.
J'ai eu beaucoup de chance d'avoir été admis
dans ce DEA. En fait, j'ai beaucoup appris avec mes collègues
étudiants ce que la sociologie peut bien être. Je remercie, ici,
ces collègues qui m'ont aidé à avoir une année
universitaire joyeusement productive.
Je remercie aussi mes Professeurs, du Département
de Sociologie, à l'Université d'Antananarivo qui m'ont appris
tôt à éveiller ma sensibilité sociologique.
Aussi, je remercie aussi les auteurs qui ont
travaillé de près ou de loin sur mon sujet, toute une
bibliographie, car ils constituent une aide inséparable à la
réalisation de ce mémoire. J'ai vécu des moments
bibliographiques et documentaires inoubliables. J'ai compris ce que comprendre
et écrire l'Histoire peut signifier- ce que produire des savoirs peut
avoir comme valeur. J'ai découvert mes lacunes concernant la
connaissance de l'Histoire de Madagascar et je continue encore à
apprendre.
Je remercie la famille Rakotondramanga de m'avoir
hébergé pendant cette année universitaire, vous m'avez
donné une maison et vous constituez avec ma famille mes grands
supporters.
A mes Parents et mes soeurs, qui m'ont toujours soutenus
à mon projet de continuer mes études, je vous remercie
spécialement.
Chapitre 1 : INTRODUCTION
Ce mémoire est une étude concernant la
construction communautaire des immigrés Malgaches installés
à Paris et qui fréquentent les églises protestantes
malgaches dans la Région Parisienne. La question que je me suis
posé est: comment la communauté malgache migrante à Paris
vit et organise la religion protestante à travers les institutions
religieuses et comment ces institutions religieuses créent un groupe
communautaire?
Mon hypothèse est que l'offre institutionnelle que
proposent les églises se crée en même temps que la demande
d'une construction communautaire. L'objectif est de démontrer, en
choisissant les jeunes présents dans ces églises comme population
d'enquête, qu'une structuration plus ou moins constatable d'un groupe
communautaire malgache est en cours et que cette structuration est la
résultante de deux phénomènes sociaux liés :
l'organisation de la religion et l'institutionnalisation du religieux d'une
part, et l'attachement qui raccroche une population du même pays
d'origine (Madagascar) dans ces églises de la Région Parisienne
d'autre part.
La finalité de cette recherche n'est donc pas de
mesurer en une quelconque façon les pratiques protestantes, ou en
chercher des spécificités qui vont construire une
catégorisation stricte des protestants Malgaches à Paris
1. Il ne s'agit pas non plus de transmettre aux lecteurs des «
marqueurs » particuliers des Malgaches que j'ai rencontré. Et
quoique plusieurs différences peuvent être constatées entre
mon échantillon de population d'enquête que j'ai rencontré
et d'autres échantillons que d'autres historiens ou sociologues
2ont travaillé avant moi, on peut affirmer qu'il y a quand
même un trait commun, c'est que nous parlons de la population malgache et
nous traitons chacun, selon leur manière, un trait qui peut construire
la « malgachitude »3.
Il est important de noter cette remarque car c'est une
conséquence parmi tant d'autres de cette recherche. Je ne peux pas
parler des Malgaches, ou des Protestants malgaches comme des explorateurs ou
quelques ethnologues ont voulu parler des « Bambara » 4 sans les
définir ou en les définissant
1 Il ne s'agit pas de saisir des
spécificités comme l E.G LEONARD le faisait dans « Le
protestant français », 1955 pour désigner les protestants
français; ou VOETZEL René dans « Les protestants s'ils vont
au culte » (1985).
2 Mahatody Henri Jocelyn, sociologue malgache
travaillait par exemple sur les femmes immigrées malgaches originaires
du Nord-ouest de Madagascar en 2000 (MAHATODY, 2000).
3 Ce qui fait l'identité malgache.
4 BAZIN Jean, 1985
uniquement en bien ou en mal. C'est pourquoi une «
description clinique » de ma population d'enquête sera offerte dans
le sous chapitre 1.4.
Aussi, Il ne s'agit non plus de mesurer des pratiques et des
croyances et en faire des typologies (en rapport avec le religieux et la vie
religieuse). On ne trouvera pas une description des « pratiquants
dominicaux », des « pratiquants occasionnels », des «
pratiquants mensuels » ou des « non pratiquants ». Ce qui
importe dans ce travail c'est d'appréhender le terrain d'abord dans
l'ordre social, d'une manière globale et de ne pas s'enfermer
particulièrement dans la logique tentante de la religion et de voir le
religieux partout.
On essayera dans ce mémoire de valider à travers
une enquête si les hypothèses proposées sont vraies. Une
communauté « malgache » est-elle en construction ? La logique
« institutionnelle » des temples protestants malgaches à Paris
et la logique « des migrants », élaborée par ces
derniers se manifestent-elles ? Se combinent et se rencontrent-elles
effectivement, dans une certaine liaison particulière, pour construire
une communauté ?
Ce travail de recherche rassemble des hypothèses
concernant la construction communautaire. Il est un préliminaire et une
invitation possible sur une étude plus étendue concernant la
migration et le poids des phénomènes religieux.
1.1 QUEL EST L' INTERET DE CE SUJET ?
L'intérêt social du sujet est évidemment
de plusieurs ordres. Premièrement, il est historique, c'est à
dire que le fait de travailler dans un temps particulier, sur des Malgaches de
Paris est une manière de constater comment cette population vit son
histoire. On peut y saisir des liens, des continuités ou des
discontinuités relatifs à l'histoire générale de
Madagascar ou à l'histoire particulière de ces migrants. On peut
y saisir une histoire des institutions ou des mouvements communautaires et
religieux comme on peut y puiser des anecdotes racontées par les
enquêtés ou vécues par le chercheur.
Ceux qui s'intéresseront au devenir de Madagascar
devraient, à mon avis, avoir une idée sur les Malgaches qui
émigrent et en construire une histoire. Une histoire qui ne serait pas
détachée a priori de l'histoire nationale. Cette recherche leur
donnera certainement plus qu'une idée.
Ceux qui s'intéresseront à ce qui est advenu du
christianisme malgache en général et du protestantisme malgache
en particulier trouveront dans cette recherche un exemple -un cas- pour
confirmer ou infirmer leurs hypothèses.
Enfin, ceux qui attendent qu'un travail sur les migrants
malgaches offre quelques réalités vécues par cette
population migrante seraient satisfaits, même si nos
enquêtés sont uniquement des jeunes malgaches rencontrés
dans des temples parisiens.
Deuxièmement, l'intérêt social du sujet
est politique, entendu ici comme stratégique. Je pense en fait que mes
propos sur les temples étudiés sont des « feed- backs »
pour ces institutions religieuses. J'appelle « feed-back »,
l'ensemble de mes conclusions, des perceptions et des faits que j'ai
constatés et que je veux faire partager aux responsables. Ils pourront
peut être les aider à affermir leur stratégie ou leur
communication. Les responsables de ces Temples pourraient y voir des
apprentissages (ou non) concernant leurs manières de se mettre en
rapport avec leur public. Je sors délibérément, ici, de
mon rôle d'étudiant.
Ceux qui ont compris depuis longtemps que le destin de
nombreux Malgaches est lié à leur rapport avec ce qui est
religieux et sacré, trouveront dans cette recherche un cas qui
mériterait d'être retenu. La place et les rôles des
églises protestantes dans la construction d'une communauté
malgache se veulent être un reflet d'un milieu de vie commune impliquant
d'une part les responsables et les jeunes présents dans ces
églises d'autre part.
Ce travail présente aussi un intérêt
scientifique car il centre son objet sur la structuration communautaire
cultuelle pour comprendre la situation migratoire d'une population
donnée. Il s'agit de saisir le poids des relations interethniques dans
la structuration religieuse des Temples malgaches à Paris et dans la
Région Parisienne.
1.2 DE LA MIGRATION MALGACHE : protestantisme et
rapports avec la France
1.2.1 Quelques traces du protestantisme dans l'Histoire de
Madagascar
La première présence des missionnaires
protestants à Madagascar date de la fin du 18e siècle. Cette
présence était exclusivement anglaise. Le but des Anglais
n'était pas uniquement de faire du commerce avec Madagascar mais c'est
surtout une évangélisation protestante, menée
périphériquement au début dans l'Est de l'île. Cette
évangélisation anglaise a trouvé sa force
stratégique en s'ancrant après au centre de l'île chez les
Merinas5.
Le roi RADAMA I, règnant de 1810 à 1828,
très favorable à une ouverture aux étrangers engagea un
dialogue avec ces derniers. Ce qui a bien arrangé les deux parties car
« Les Anglais, soucieux d'encourager dans l'Océan Indien des
gouvernements hostiles à la traite des esclaves, favorisèrent
l'unification de Madagascar sous l'égide d'une monarchie mérina
avec laquelle ils passèrent un traité en 1817 »6.
En contre partie, les Anglais promettaient aux Merinas de les faire
reconnaître comme Nation « civilisée » et de les aider
à assurer une hégémonie dans toute l'île. Deux fils
de RADAMA I sont envoyés à Londres pour étudier. On trouve
ici un exemple illustrant la doctrine en usage dominant à cette
époque, celle des missionnaires qui pour « traduire dans les faits
l'abolition de la traite, prône la doctrine des « trois
C » : christianisme, commerce, civilisation. C'est par
une initiative économique que le christianisme arrivera à
détruire l'institution économique de l'esclavage ».
(BEAUBEROT, 1987)7. Théoriquement, le commerce d'esclaves
entre Madagascar et les Iles Mascareignes (Réunion, Maurice et
dépendances) cesse en 1817, par ce traité signé entre
RADAMA I et le Général Robert Farquhar. Pratiquement, d'une
manière ou d'une autre, La Réunion continua à importer
illicitement des esclaves venant de Ma d ag asca r8.
L'une des organisations missionnaires anglaises la plus
influente a été la London Missionary Society (LMS), crée
en 1795, qui à travers un traité daté de 1817 a pu
traduire la Bible en langue malgache quelques années après.
« C'est, en effet, le premier janvier 1827 que les missionnaires
protestants purent mettre entre les mains de leurs catéchumènes
le premier Chapitre de l'Evangile de Luc dans leur langue »9
(ESCANDE, 1923)10.
5 Le missionnaire anglais David Jones arrive à
Antananarivo le 3 Octobre 1820. Les Merinas étant des habitants des
Hauts Plateaux de Madagascar, dans la région d'Antananarivo.
6 Crenn 1 p169 (Raison-Jourde)
7 p102
8 Voir COLE Jennifer p305
9 ESCANDE p 15
La présence de la Bible a été
déterminante dans l'Histoire de Madagascar11. «Pour eux
(les Malgaches), elle est plus douce que le miel et plus désirable que
l'or » (ESCANDE, 1923)12. C'est surtout dans la vie politique
malgache que l'utilisation de la Bible semble jusqu'à nos jours, la plus
remarquable10.
Cette présence de la Bible a été
renforcée par des mythes qui assimilaient les Malgaches à une
lignée descendante des Prophètes bibliques. Andrew BURN, un
prébystérien écossais, de cette époque,
évoquait dans son rapport13 que « selon la Bible, les
Malgaches sont des descendants des Cananéens qui ont passé vers
la mer (Genèse, X, 18) mais qui, après une période de
plusieurs années seront réintégrés dans le sein du
peuple de Dieu (Ezechiel, XXVI, 18-21) » (HUYGHUES-BELROSE,
2001)14. L'usage de l'écriture selon l'alphabet dans la
langue malgache s'apprenait de plus en plus vite avec la diffusion de la Bible
en langue malgache.
Après la mort de RADAMA I, la Reine RANAVALONA I
(1828-1861), ferma Madagascar et elle se montra anti-européens et anti-
chrétiens. La Bible a été interdite et elle a
été perçue comme un talisman. Les baptêmes furent
interdits et les missionnaires ont été expulsés.
C'était le temps de la persécution et des premiers martyrs
malgaches15. Ce régime a été suivi
jusqu'à la mort de la Reine.
Après 1861, Madagascar a vécu une période
précoloniale marquée par un retour du christianisme et un nouveau
rapport avec les étrangers16. Le protestantisme voit le
catholicisme prendre et conquérir le terrain avec lui à
Madagascar. Les deux successeurs de la Reine RANAVALONA I, se montraient
favorables au christianisme. Le premier envoya une lettre au Pape PIE IX,
rendit hommage aux architectes étrangers qui apportèrent les
10 Avant fin 1827 : 1500 exemplaires de Saint Luc
étaient tirés. En 1930, c'est le Nouveau Testament tout entier
qui est imprimé et 300O mis en vente. Le 26 juin 1835, La Bible
entière était imprimée, reliée et mise en vente. En
1886, il y a eu 40.335 Bibles, 112..192 Nouveaux Testaments et 276.706
fragments du Livre Saint. En 1904, On était arrivé à
95.858 Bibles. (Source : ESCANDE, 1923)
11 La référence est l'ouvrage de
Françoise RAISON-JOURDE, « Bible et pouvoir à Madagascar au
XIXe siècle. Invention d'une identité chrétienne et
construction de l'Etat (1780-1 880) ». Eds Karthala, 1991.
12 p 26
10 Voir « L'usage de la Bible dans le discours
politique malgache depuis l'indépendance (1960-1990)", in
J.-D.Durand et R. Ladous dirs. Histoire religieuse. Histoire globale -
Histoire ouverte. Mélanges offerts à Jacques Gadille, Paris,
Beauchesne, 1992, p. 199-220.
13 dans Evangelical magazine, « memories of the
life of Maj Gen Andrew Burrn « , Christian's Biography of religion tract
Society. N°22, 1817.
14 p 186
15 Le premier martyr protestant malgache la plus
connue est une femme : Rasalama en 1837. Elle est une figure importante dans le
protestantisme malgache. La commémoration du 150e anniversaire e sa mort
en 1987 a été un évènement historique pour le pays.
La première Bible en malgache a été traduite en 1835, sous
le règne de Ranavalona I, peu de temps avant que son anti-christianisme
a été radical.
16 1865 : un nouveau traité d'amitié
malgacho-anglais
soutiens technologiques à la fabrication des palais, des
écoles, des hôpitaux, des temples et églises.
Tous les écoliers de Madagascar se souviennent encore
de la devise d'ouverture du roi RADAMA II, « tout pour le peuple et pour
les Blancs ». Les écoles missionnaires commencèrent à
fleurir dans toute l'île et principalement dans la Région
d'Antananarivo, « Ce fut alors une poussée, une rage d'enseignement
comme jamais, certes, pays barbare n'en avait vu. Et des temples ou des
églises, qui servaient en même temps d'écoles,
s'élevèrent dans tous les villages des hautes vallées
»17(CAROL, 1908).
La reine RANAVALONA II, dans un contexte de rivalité
franco-anglaise, se convertit au protestantisme. Elle s'est faite baptiser en
186918 et imposa le protestantisme comme religion d'Etat, tout en
tolérant la présence catholique. 19
La stratégie protestante anglaise devançait
largement celle des catholiques soutenues par les Français. «
Pasteur ELLIS aurait touché jusqu'à 1,3 millions de francs de son
gouvernement pour faire progresser la cause anglaise. Le traité
anglo-malgache, conclu en 1865, sous RASOHERINA, comprendrait des clauses
secrètes défavorables au catholicisme. L'afflux des missions
anglaises, puis norvégienne a le don de les exaspérer : Church
Missionary Society, Society for the Propagation of the Gospel, les Friends
Foreign Mission Association et la Norvegian Missionary Society »
20(KOERNER, 1994).
La présence protestante se renforce avec
l'arrivée de nouveaux missionnaires luthériens : le Norvegian
Luthérian Church of America (1888) et le Lutherian Board of Mission
(1890). L'expansion de ces missions à travers l'île a
été globale, les luthériens s'emparent du Sud de
l'île, chez les « Betsileo », à Fort Dauphin et à
Tuléar, les Anglais travaillaient à l'Est de l'île et
à Antananarivo depuis 1875
La Mission Catholique a eu un moindre impact par rapport aux
Anglais, quoique leur progrès a été sensiblement
ressenti21. Les catholiques arrivent à s'installer en
Imerina (Région d'Antananarivo) en 1861. On peut citer
17 p318 « chez les Hovas », Paris 1908
18 D.RALIBERA : « recherche sur la conversion de
RANAVALONA II » in OMALY SY ANIO, N° 5-6, pp303-31 2
19 D'après un traité franco-malgache du
8 août 1868, qui considère la liberté des cultes à
Madagascar
20 p 15
21 En 1871, 5 églises construites à
Antananarivo et une quarantaine de « stations » dans les campagnes
environnant. Un corps missionnaire de 114 personnes qui ont pu formé 700
instituteurs. (Source : KOERNER, 1994)
l'arrivée des soeurs de Saint- Joseph de Cluny suivies
quelques temps après par les frères Jésuites, les soeurs
Franciscaines et bien d'autres encore.
L'aide politique venant de la France pour la Mission
Catholique a été réelle en ce temps là. Des
députés et sénateurs de La Réunion22 en
voulaient à cette tiédeur catholique pour le cas des Missions sur
la Grande Ile. La Réunion s'intéressait déjà
à Madagascar. La région Est de Madagascar abritait des
plantations de colons vazaha23 pendant cette période
précoloniale24.
A partir de 1861, une véritable concurrence
intermissionaire a eu lieu entre les protestants et les catholiques surtout sur
le plan de la scolarisation des nouveaux fidèles. « A travers les
enfants, on visait des objectifs plus lointains et d'abord à former
l'adulte non seulement en tant qu'homme mais surtout en tant que
catholique ou protestant » (RAVELOMANANA,
1985)25. Les journaux périodiques d'obédience
confessionnelle de cette époque s'échangeaient des propos
critiques l'un sur l'autre26. Le premier usage de la notion de
péché mortel a eu lieu en langue malgache (fahotana
mahafaty), il s'agissait des mariages mixtes.
L'annexion de Madagascar est proche, « de 1894 à
1896, certains évêques du Midi de la France sont animés
d'un véritable esprit de croisade »27 (MONDAIN, 1968). L'annexion
de Madagascar par la France a été faite en 189628,
mais cela n'a pas beaucoup aidé la Mission Catholique « très
déçue par la politique de Gallieni qui fait appel à la
Mission Protestante de France pour « protéger » les missions
anglaises et instaure l'école laïque »29 (KOERNER, 1994).
Il est important de rappeler, ici, le congrès
d'Edimbourg (1910) qui est déterminant sur l'évolution du rapport
entre les Français qui détenaient le pouvoir à Madagascar
et les Missions chrétiennes, majoritairement protestantes. Ce
congrès a été le résultat des efforts de
regroupement et de coordination des entreprises missionnaires protestantes
mondiales.
22 L'île de la Réunion dépendait
économiquement des commerces avec l'Est de Madagascar à cette
époque.
23 Le mot vazaha
désigne ici des Réunionnais, des Allemands et des Mauriciens
24 Jennifer COLE rapporte en parlant de son
terrain, la region de Mahanoro à l'Est de Madagascar : « By 1882, a
Réunionais named Fourbon had already built ten buildings « modern
for the time » and had two hundred slaves as laborers. That same year,
Reverend R.P Lacomme wrote that there were as many as one hundred indigenous
Catholics and around fifty whites livings in the area. » (COLE, 2001)
25 p63, La femme et la politique. Recueil de
recherches; Ministère de la culture et de l'art
révolutionnaire
26 « Resaka » (catholiques) et « ny teny soa
», « ny mpanolotsaina », ou « ny mpivahiny »
(protestants)
27 p311, G.MONDAIN, Histoire du protestantisme
28 Voir Virginia THOM PSON et Richard ADOLF (1965),
avec l'ouverture du canal de Suez, les Anglais ont voulu éliminer
l'influence française en Egypte, ils ont accepté que la France
ait main libre sur Madagascar. En 1890, La Grande Bretagne et la France ont
conclu un accord que la France puisse contrôler Madagascar et que
l'île de Zanzibar soit sous contrôle anglaise.
29 p21
Les missions françaises et anglaises qui se
déployaient à Madagascar ont dû accepter l'esprit
oecuménique et les valeurs de laïcité insufflés et
renforcés lors de ce congrès. Le Gouverneur Victor Augagneur qui
gouvernait l'île opta pour une politique anti-religieuse. Comme son
prédécesseur le Général « Gallieni qui
s'appuya sur l'église dissidente Tranozozoro30 comme
ralliement des églises qui rejetaient la tutelle des missions
européens » (KOERNER, 1994)31, il contribue lui aussi,
à faire vivre dans la Grande Ile un Etat laïc. Au début de
la colonisation française, la laïcité de la vie publique, en
particulier, de l'enseignement était prioritaire. L'idéal
républicain pratiqué à Madagascar veut que l'Etat soit le
nouveau missionnaire.
La présence protestante s'est
révélée dans la résistance à
l'administration française colonisatrice. Les intellectuels malgaches
(médecins et pasteurs) du mouvement VVS32 étaient
majoritairement des protestants. Ceci ne signifie pas que les protestants
étaient absents dans le rang des favorables à la naturalisation
française.
Pendant la colonisation deux missions restent très
importantes, la LMS et le FFMA. Elles se sont mises en
confédération deux ans avant l'indépendance en 1960, en
créant la FFPM (Fédération des églises protestantes
de Madagascar) avec la Mission Protestante Française et les Eglises
Luthériennes. Cette période est marquée par le
commencement de l'abandon des missionnaires protestants du terrain malgache.
Les missions catholiques de leur côté s'appliquaient à
organiser politiquement et plus fortement encore ses assises. Elles soutenaient
entre autres actions les premiers syndicats de travailleurs malgaches.
Actuellement, on constate que les écoles protestantes,
vestiges du temps colonial, sont devenues modestes et très peu
entretenues. Il n'y a presque plus de construction de nouvelles écoles
confessionnelles. Les protestants malgaches investissent depuis quelques
années maintenant dans la rénovation des temples33. De
leur côté, les installations catholiques (écoles,
hôpitaux, organisations non gouvernementales, églises) à
Madagascar sont légions et elles sont en progression.
Après l'indépendance, la branche protestante
existe en trois tendances principales, les reformés (FJKM), les
luthériens et les anglicans. L'église
30 Dissidente de la Mission Protestant de France
31 p67, « tant de remous crées autour de
Madagascar depuis 1895 décidèrent les Missions protestantes
à choisir la Grande île comme champs de l'expérience de
« l'esprit d'Edimbourg » »
32 Vy Vato Sakelika, un mouvement nationaliste
malgache, un des plus important. Avant 1920. On peut aussi citer ici le parti
politique indépendantiste MDRM qui existait quelques années
après et comptait dans ces rangs des leaders majoritairement
protestants.
33 De nombreux temples protestants sont centenaires
à Madagascar. Et la décision de rénovation de ces temples
se fait le plus souvent lors des jubilées.
catholique continue à s'étendre sur toute
l'île. Les statistiques avancent des approximations sur la
quasi-égalité des effectifs des fidèles. Et avec les
églises indépendantes, les institutions chrétiennes,
toutes confondues, n'arrivent pas à faire adhérer jusqu'à
maintenant plus de la moitié34 des Malgaches. Une
majorité des Malgaches vivent encore hors des pratiques et croyances
chrétiennes35.
A la fin des années soixante dix, les principales
églises chrétiennes se sont fédérées en une
organisation oecuménique : la FFKM. Une puissante organisation
d'influence politique à Madagascar, qui menait les mouvements populaires
de 1991 dont on a vu la fin du premier régime Ratsiraka36 .
Et cette organisation a été aussi un des lobbies
influents dans l'arrivée au pouvoir du nouveau président de
Madagascar, Ravalomanana37.
Saisir ces quelques traces du protestantisme dans l'Histoire
de Madagascar est important car elle permet de comprendre le contexte et les
dimensions qui sont encore présents dans la migration malgache en France
et contribue à lui donner sens. Je note que mon terrain est
peuplé de protestants « fidèles » de l'Eglise
Protestante Malgache d'« Outre Mer » (ou la FPMA) et dont la
présentation sera faite dans le chapitre II. L'histoire du
protestantisme malgache se sert donc comme une explication des conditions de
l'émigration des migrants malgaches en France.
1.2.2 Une très brève histoire de la migration
malgache vers la France
J'ai trouvé deux textes majeurs pour illustrer
l'histoire de la migration des Malgaches vers la France, et
particulièrement des immigrés : un texte du sociologue malgache,
le Professeur Auber RABENORO (« Trois générations de
Malgaches en France : trois formes d'adaptation? (1930-1945; 1945-1960;
1960...) »)38 et un article de l'anthropologue
française, Chantal CRENN (« L'espace migratoire franco-malgache.
D'une migration temporaire à une migration définitive
»)39. Les descriptions du premier ne concernent que la
34 « indigenious beliefs 52%, christians 41%, muslims 7%
» (source : site :
www.cia.Gov/publications/factbacks/geos/ma.htlm)
35 La croyance traditionnelle malgache attache une
grande importance aux Ancêtres, (« Razana ») à un Dieu
(«Andriamanitra » ou « Zanahary ») et à un
peuplement d'esprits et de forces invisibles de plusieurs ordres (« fanahy
», « ambiroa », «lolo », « angatra »...).
Cette croyance se voit, par exemple, dans le quotidien malgache à
travers des pratiques comme le respect des tabous et des interdits, aux usages
de mots et de talismans sacrés. Les personnels influents dans cette
croyance s'appelent entre autres : les
« Ombiasy », « les « Mpanandro » et les
« Pamosavy ». (L'étude la plus récente, voir BLANCHY,
2001)
36 Président de Madagascar de 1975 à
1991 et de 1996 à 2001, un président catholique.
37 Président actuel de Madagascar, protestant
et vice président de la FJKM, la fédération des
églises protestantes à Madagascar.
38 1975
39 1998
première génération40 du
second auteur. Je n'exposerai pas cette petite histoire de la migration
malgache avec des « âges »41 selon la «
génération » bien définie, mais uniquement selon une
simple chronologie historique en mettant juste en avant les liens entre
immigration et faits historiques en France et à Madagascar.
La première migration malgache vers la France date
probablement de la fin du XIXe siècle. Quelques migrants ont fait le
voyage pour étudier en métropole, cet envoi d'étudiants
vers la France a pris fin en 1916 à cause des complots des mouvements
Vy Vato Sakelika.
La première vague était venue pendant la
Première Guerre mondiale. Ils étaient 4.500
Malgaches42 à travailler sur le sol français dont
« 83% furent affectés aux usines d'armement ou aéronautique
comme main d'oeuvre non qualifié » (DORNEL, 1998)43 .
Cette migration ressemble à une migration de travail,
pendant cette période les emplois liés à la marine
marchande et aux activités portuaires embauchaient des marins africains.
« De 1915 à 1918, 440.000 étrangers sont introduits en
France, avec des contrats de travail les conduisant avec rigueur dans
l'agriculture (pour un tiers d'entre eux) et dans l'industrie »
(BLANC-CHALEARD, 2001).
« Le recrutement et le statut des ouvriers coloniaux sont
assez complexe. Dans un premier temps, le recrutement repose sur le
volontariat, sauf pour les Malgaches qui, « appartiennent, presque tous,
à des formations militaires (réserve) de leur colonie,
étaient donc militaires et furent traités comme tels »
(DORNEL, 1998). Cette vague de migration a été
déterminante dans la perception de la France pour ces Malgaches qui ont
fait le voyage44.
Enfin, il est important de noter que de 1909 à 1930, on
comptait 31.000 naturalisations de Malgaches au Ministère
française des colonies. En 1938, à
40 Je note que les deux auteurs parlent de
génération en terme de« génération historique
» et non en terme de « génération démographique
»
41 Voir « Les trois « âges » de
l'émigration algérienne en France » de Abdelmalek SAYAD, in
Actes de la Recherche en Sciences Sociales. N°15, 1997.
42 DORNEL Laurent, p 48
4 3 p69
4 4 RABENORO : Ralaimongo, une des figures historiques de
l'époque était parmi ces engagés et montra une autre image
de la France, « héritiers de la Révolution de 1789, ces
Français de France épris de justices et de liberté »,
« une certaine idée de la France, restée d'ailleurs, presque
intacte jusqu'à nos jour », p 25
Madagascar, seuls 2080 « vrais Malgaches » furent
naturalisés, et le 99,50%45 de la population est sous le
« Code d'exception d'indéginat »46.
L'Exposition coloniale de 1931 a permis à quelques
étudiants en médecine d'Antananarivo avec quelques mouvements de
jeunesse et artistes folkloriques de venir en France et de pouvoir entrer dans
le zoo humain47 parisien. Quelques uns d'entre eux
restèrent en France après l'Exposition. Dans cette population
primo migrante estudiantine, RABENORO précise dans notre entretien qu'
« elle était surtout faite d'une population mérina,
particulièrement, des gens sortis de l'aristocratie et de la noblesse
mérina ».
A cette époque, le débat des immigrés
malgaches touchait principalement la question de l'assimilation ou non avec la
France et la culture française. RABENORO rapporte que l'ensemble des
immigrés malgaches « se demande si l'opération
d'assimilation ne porte pas en fin de compte atteinte à la «
personnalité malgache » » Ils étaient regroupés
dans des cercles d'entr'aide et politique comme l'association des
étudiants Originaire de Madagascar (AEOM) qui existait à Paris
depuis 1931, pour discuter de ce genre de débat.
Pendant la deuxième Guerre Mondiale, Madagascar apporta
aussi un important effectif de soldats. Leur séjour en France, pendant
la guerre n'a pas été facile. Prisonniers par les Allemands, ils
étaient 3.888 en avril 1941 à être retenus dans les
Frontstalags en France ou dans des usines d'armement. Ils y trouvaient
leurs propres officiers français comme
géoliersprisonniers48. Nommés « militaires
indigènes coloniaux rapatriables » (MIRC), avec les originaires
d'Indochine, leur nombre atteignait 16.000 en 1943.
CRENN remarque que « deux événements vont
bouleverser la vision enchantée que les Malgaches
enrôlés avaient de la France : la défaite de
45 (Source KOERNER, p199), ce nombre
élevé de Malgaches naturalisés est dû au fait que
des
« zanatany » (étrangers habitants Madagascar :
réunionnais, mauriciens, indopakistanais) ont demandé et ont eu
facilement la naturalisation.
46 A Madagascar, pendant cette époque, on
catégorisait juridiquement les gens en deux : les citoyens et les
indigènes. Les premiers ont la nationalité française,
naturalisés ou non et les seconds, 99,50% des Malgaches, sont
définis par le « Code d'exception d'Indigénat ».
4 7 Mot emprunté à l'oeuvre collectif dirigé
par Nicolas BANCEL intitulé « zoos humains ».Ce genre
d'Exposition était courant en Europe de 1874 aux années
trente.Eds La Découverte, 2002.
48 MABON Armelle, « Les prisonniers de guerres
coloniaux durant l'occupation en France » in Hommes et Migrations,
l'héritage colonial, un trou de mémoire. N°1228, novembre
-décembre 2000. A la page 26 on retiendra le témoignage d'un
prisonnier « Non seulement nous, gens de couleurs, n'avons
bénéficié d'aucun des accords qui ont rendu à leurs
foyers de très nombreux prisonniers de race blanche, mais encore ce sont
maintenant des Français blancs qui nous gardent en captivité. Il
est douloureux de souffrir des effets d'une telle distinction » (AN F9
2258, Lettre de l'adjudant- Chef Gernet, Frontstalag 194 à monsieur
Scapini, Nancy, le 21 août 1943).
1940 et l'occupation par l'armée
anglaise49de Madagascar ralliée à Vichy
»50. Les Malgaches n'ont eu ni la naturalisation51,
ni l'indépendance juste au lendemain de la guerre. « Pour eux, rien
ne sera plus comme avant. Utilisés pendant sept ans et oubliés
plus rapidement, l'ingratitude française restera ancrée dans leur
mémoire. Certains intégreront des sociétés
sécrètes qu'ils utiliseront pour que cesse la domination
française. Ce mouvement sera à l'origine de l'insurrection de
1947 52».
Après la Deuxième Guerre Mondiale, une grande
vague d'étudiants émigre pour la France53. Comme
l'enseignement à Madagascar dans l'ensemble paraît être
dominé par les merinas54 selon une organisation
discriminatrice coloniale, cette vague d'émigrés apporta une
marque de cette distinction. L'inexistence d'établissement
supérieur à Madagascar incite, pendant ce temps là,
l'émigration des étudiants malgaches vers la
France55.
De 1945 à 1960, 90% des immigrés malgaches
présents en France étaient des « intellectuels
»56. « La majorité n'est plus constituée par
les enfants de la « Haute Bourgeoisie » tananarivienne : mais par
contre, les originaires des Hauts Plateaux représentent 85% de
l'ensemble : et on y compte 75% de Protestants.57 Ils sont
répartis dans les grandes universités du pays : 65% à
Paris, et le reste, par ordre d'importance numérique à Toulouse,
Montpellier, Aix-Marseille, Bordeaux et Strasbourg »58. En
France, pendant cette période le flux d'immigrants est
lent59.
Désignés comme « deuxième «
génération » »60 par CRENN, les Malgaches
qui ont émigré de 1975 à 1990 étaient
marqués par une migration temporaire pour une immigration
définitive : une masse de migrants malgaches, une fois arrivés en
France décident d'y rester. Le Président
49 C'est moi qui souligne
50 p313
51 En 1936, une reforme a été faite sur
la naturalisation des Malgaches mais elle restait insuffisante et non
effective, entre 1909 et 1940. Seuls 31.000 cas de naturalisations sont
enregistrés au Ministère des Colonies pour Madagascar et sur cela
on ne comptaient que 2080 « vrais Malgaches » naturalisés
(Source KOERNER. P199. (1994)).
52 Le plus grand massacre colonial français
avec 89.000 morts. Le 29 mars 1947 est commémoré à
Madagascar depuis 1967 et plus fortement encore sous le régime
Ratsiraka., 1975, 1987...
53 1945 à1975 est nommé « les
Trentes Glorieuses de la migration», par BLANC-CHALEARD.
54 KOERNER, pp53-54. Résultats d'admission des
Malgaches, de 1902 à1912, à l'école Normale « Le Myre
de Villers », sur 567 inscrits, on a 400 Merinas et pour l'Ecole
Administrative, sur 514 élèves admis on a eu 440 Merina.
55 Un seul établissement supérieur
uniquement, pour les garçons, pour toute l'île et pas
d'établissement supérieur pour les filles.
56 RABENORO, p28, « étudiants, stagiaires,
lycéens, collégiens, médecins, professeurs, avocats, gens
de maison »
57 C'est moi qui souligne
58 p29
59 45.000 entrées annuelles en moyenne, 11.000
membres des familles (Source : A. Armengau, 1983)
60 p316
Ratsiraka menait sa révolution socialiste à
Madagascar 61 . En France, les immigrés étaient
perçus comme étant de plus en plus encombrant et l'immigration
devient extrêmement politisée62.
A Madagascar, les événements de 1991 marquent
une nouvelle orientation politique et la fin de la Révolution Socialiste
malgache. Une nouvelle vague d'émigrés malgaches est partie de la
Grande Ile à partir des années quatre vingt dix (des «
étudiants- travailleurs » selon les termes de CRENN). Et comme l'a
remarqué RABENORO lors de notre entretien, « la proportion semble
être inversée : on a maintenant 75% des immigrés qui sont
là pour travailler et une petite minorité d'étudiants pour
poursuivre leurs études ». Les Malgaches émigrent
majoritairement 63maintenant pour travailler, et rares sont les
étudiants malgaches fraîchement arrivés qui ne travaillent
pas en même temps qu'ils font leurs études. Un bon nombre de ces
« travailleurs » arrivent en France, beaucoup ont choisi d'autres
pays comme le Canada ou le Liban.
Les conditions de travail dans les pays d'accueil ne sont pas
toujours perçues comme idéales et nombreux sont les Malgaches qui
nourrissent les faits divers des journaux nationaux ou internationaux,
notamment à travers les histoires d'esclavage moderne64.
1.2.3 De l'ethnicisation de l'émigration et de
l'immigration malgache?
Beaucoup de recherches historiques attestent la migration
importante des Mérinas (DESCHAMPS (1959), RANDRIAMARO (1997), CRENN
(1998)) à l'intérieur comme à l'extérieur de
Madagascar. De l'intérieur de Madagascar, ces originaires des
Hauts-Plateaux, les Mérinas, ont conquis la Grande île pour
diverses raisons : politique, économique, agricole ou
démographique. La première présence des Mérinas
dans de nombreux lieux de Madagascar se trouve encore vivante dans la
mémoire des Malgaches65. C'est surtout avec
61 « Cette répression contre la culture
française et l'enfermement de l'île sur elle même,
contribuèrent à la fuite de ces mêmes Merina qui avaient
pourtant lutté contre l'oppression française. Si la
malgachisation de Didier Ratsiraka a dépassé leur désir,
elle a toutefois accéléré la prise de conscience de leur
ambivalence latente ».Crenn, 1998, p317.
62 Cette politisation se manifeste par les
modifications des ordonnances de 1945. L'ordonnance du 2 novembre 1945 «
relative aux conditions d'entrée et de séjour des
étrangers en France » contient l'essentiel des règles
françaises en matière d'immigration. Elle a été
modifiée une 25 e fois par la loi Chevènement en 1998. La
montée du Front National comme l'utilisation des idées sur
l'immigration lors des élections sont aussi parmi cette politisation de
l'immigration.
63 MAHATODY (2000), dans son rapport analyse une forme
particulière de la migration malgache, pour l'auteur les migrants
malgaches (Nord Ouest de Madagascar) participent à un marché
matrimonial mondial. Ce qui n'est pas une exception des filles du Nord Ouest de
Madagascar.
64 Menja, prénom d'une jeune fille malgache
victime de l'esclavage moderne est la plus connue pendant l'été
2001. Voir aussi l'article de Thierry PARISOT « Sur la piste de
l'esclavage moderne » in Manière de voir N°62. Le Monde
Diplomatique mars avril 2002 titré « Histoire(s) d'immigration
».
65 Voir COLE (2001), la présence mérina
dans la mémoire collective betsimisaraka.
le Roi RADAMA II, au début du XIXe siècle que la
dispersion des Mérinas a été la plus visible. Pendant ce
temps là, plus de la moitié de la Grande île ont
été mise sous administration mérina. L'usage d'une
structure communautaire appelé « fokon'olona »66
pour dominer les « petites » structures communautaires des lieux
à conquérir, la création des taxes67 pour
réguler les activités socio-économiques ainsi que l'appel
aux corvées ont été parmi les principaux moyens
utilisés pour asseoir l'hégémonie mérina.
Sous l'administration française, cette mobilité
mérina a été suivie et renforcée dans le nouveau
contexte colonial. DESCHAMPS (1959), rapporte que la majorité des
fonctionnaires recrutés sont des Mérinas68 et ils ont
été envoyés dans tous les recoins de l'île pour
administrer les lieux. L'auteur observait que la migration intérieure
« malgache » est caractérisée pendant cette
période par une part d'individualisme et des regroupements
ethniques.69Dans cette migration intérieure, on remarque une
forte mobilité des Mérinas.70
Concernant la migration à l'extérieur de
Madagascar, étant moi- même Mérina, je trouve
ethnocentrique le fait d'attribuer et de croire à une importance
déterminante de la présence massive des Mérinas à
l'extérieur de Madagascar. Aucune statistique basée sur une
catégorisation ethnique n'est disponible actuellement dans les
Ministères malgaches pour affirmer que les Merinas sont effectivement la
masse majoritaire des migrants malgaches71. D'autre part, affirmer
une lignée mérina à chacun des individus présent
hors de Madagascar, en particulier, dans les Temples parisiens est impossible.
Cela supposerait que ces individus s'identifient à une origine
mérina, ce qui ne va pas du tout de soi. Le profil des
enquêtés (chapitre 1.4) ainsi que le résultat de mes
entretiens (Partie deux) offrira une identification et révélera
les auto-identifications qui ne présupposeront pas une valeur
automatique et première à cette appartenance mérina. La
communauté des Temples a sa propre identification.
66 « fokon'olona », concept désignant la
structure sociale et son fonctionnement sous le règne du Roi
ANDRIANAMPOINIMERINA. Voir ARBOUSSET (1950)
67 Exemples les « isampangady », «
isandahy » littéralement taxe pour chaque bêche ou
travailleur de terre, et taxe pour chaque homme.
68 Sur 10.956 fonctionnaires malgaches 59% (6465)
sont Mérinas. P99, « l'occupation française, loin de freiner
l'expansion mérina l'a accélérée en achevant la
pacification, en ouvrant des route, en créant des villes ».p90
69 « Le maintien des ethnies est cependant beaucoup plus
fréquent que la fusion ». p265 (1959).
70 Déjà en 1948, selon les statistiques
de l'administration coloniale avançaient que 16, 38% des Mérinas
est en diaspora (source : RANDRIAMARO, p75)
71 Exception peut être le livre de
François ROUBAUD (2000) qui évoque en terme ethnique
l'appartenance sociale des enquêtés. Voir le Projet MADIO, agence
statistique officielle à Madagascar. Le livre décompte les
Mérinas, Betsileo...
Quoi qu'il en soit, c'est à travers des observations,
des entretiens et des documents de recherches72 que j'ai pu admettre
la présence quasi- majoritaire des Mérinas du moins dans les
Temples protestants en France.
En utilisant le mot générique «
Mérina » pour désigner les gens des Hauts Plateaux, je
participe moi-même à réifier une catégorisation
polysémique. « La nomination n'est pas un énoncé qui
relève de la vérité, ce n'est pas la constatation d'un
état de fait »73, mais la désignation
mérina est pertinente dans la mesure où même si elle n'est
pas une référence première, elle est une
réalité vécue et commune pour les Malgaches. «
Lorsqu'un peuple existe en tant qu'acteur historique collectif, il se
reconnaît nécessairement un nom, quel qu'il soit- symbole parmi
d'autres de son unité ». 74
De nombreux discours concernant Madagascar peuvent faire
admettre qu'il y a une certaine pesanteur historique à toujours voir la
réalité malgache à travers ses ethnies (souvent
présentée à dix huit ethnies), plus distinctement,
à travers le couple « Mérina »/ «Côtier
» 75.
Cette vision de chose n'est pas nouvelle et elle n'est pas
exclusivement propre entre Malgaches. L'administration coloniale
française, les premiers historiens et les premiers voyageurs occidentaux
qui ont débarqué sur la Grande Ile ont plus ou moins
contribué à voir et à faire voir la réalité
du peuplement de Madagascar sous cet angle. En 1898, on a pu lire dans le
« Guide de l'Immigrant à Madagascar » que « les
Mérinas demeurent l'élément central de la vision
européenne des Malgaches. C'en est aussi la référence
obligée par rapport à laquelle se hiérarchisent ensuite
les autres groupes de l'île. Les superlatifs ne manquent pas pour
traduire cette supériorité ».76
Par ailleurs, les Mérinas sont parmi les populations
les plus évangélisées, c'est une des
caractéristiques de la population au Centre de Madagascar. La
réalité est tout autre sur le littoral77.
Une mobilité géographique déjà
forte à l'intérieur de Madagascar, une culture majoritairement
chrétienne, un contact historique fort avec les
Français peuvent ils être considérés comme des
indices explicatifs de la présence de
72 La présence quasi effective des
Mérinas dans les paroisses est confirmée par CRENN (19991) et
MAHATODY (2000).
73 p123 Jean BAZIN
74 Idem. p 123.
75 Voir le chapitre « l'opposition Mérina
/Côtier » dans J-R RANDRIAMARO « Padesm et lutte politique
à Madagascar. De la fin de la deuxième guerre mondiale à
la naissance du PSD »Eds Karthala. 1997. pp74-80.
77 . « Les chrétiens
représentent moins de la moitié de la population totale du pays,
que leur proportion est inférieure à 10% dans l'ensemble des
régions côtières » dans « Histoire
oecuménique. Madagascar et le christianisme » dirigée par
Bruno HÜBSCH. Eds Ambozontany, ACCT, Karthala. 1993. p459.
76 Dans A.CHALLAND, Paris, 1898 cité par CLESSE
dans RANDRIAMARO (1997). p115.
la diaspora mérina en France actuellement? Peut on
affirmer que ces indices ont pu se constituer en une culture spécifique
: une sorte de culture du migrant malgache?
Ce que je peux affirmer c'est que la configuration actuelle de
la migration des Malgaches en France est déterminée par des
dimensions historiques. Donc le fait que la présence malgache en France
est visiblement protestante et elle est en rapport étroite avec les gens
des Hauts-Plateaux (les Merina) n'est pas une donnée surprenante de
point de vue historique.
1.3 LA CONSTRUCTION COMMUNAUTAIRE
1.3.1 Question de place et de rôle
A Madagascar, on constate que les institutions religieuses ont
tenu des rôles divers dans l'histoire nationale. Elles ont eu des
implications politiques dans la création de la nation malgache :
l'histoire de la royauté Merina et de la résistance au
régime colonial sont des exemples avérés. C'est à
travers la Bible que les Malgaches ont appris à lire. C'est avec les
missions chrétiennes que les premiers écoliers ont vu
naître les premières écoles tout comme les premières
architectures occidentales. Cette fonction « civilisatrice » est
perçue comme un des premiers rôles des institutions
chrétiennes à Madagascar. Aujourd'hui encore les institutions
religieuses se lancent dans des activités humanitaires et plus encore
dans des projets divers de développement.
A travers l'histoire aussi, on peut remarquer que ces
institutions ont eu pour mission de gérer ses propres ressources dans le
but de regrouper toute une communauté autour d'elles. L'appellation
générique de l'église en malgache « fiangonana »
rappelle que ces institutions se manifestent par des « réunions
», comme si le fait de se réunir est premier avant tout.
Le premier rôle des institutions religieuses est de
réunir et de renforcer les communautés locales. Elles offrent des
lieux (Temples, églises, « stations »,...) pour que ces
réunions puissent se réaliser. Par ce fait, les institutions
religieuses n'offrent-elles pas des lieux d'interaction pour la construction
d'une nouvelle communauté ou du moins pour raviver les anciennes
interactions sociales ?
On peut penser que le religieux est un élément
qui renforce le communautaire mais en tout cas il n'est jamais tout seul. Il y
a aussi des liens linguistiques, des liens de proximité territoriale et
des liens d'appartenance, d'identification « ethniques ». Comment ces
liens se reproduisent-ils en France et comment la religion,
particulièrement la religion protestante, organise et renforce- t-elle
la communauté malgache en situation de migration en France ? Quels sont
les indicateurs visibles de cette volonté d'organisation communautaire
de la part des institutions religieuses ?
Les immigrés malgaches en France ne peuvent pas tous
être cadrés dans une quelconque matrice religieuse. Mais le
passage du fait d'être immigré au fait d'être présent
dans les Temples pour certains (le cinquième des immigrés en
France78) est intéressant dans la mesure où les
communautés territoriales, ou ethniques, des migrants ont fini par se
donner une religion.
78 Source : le discours du fondateur de la fpma,
« 40e anniversaire ».
La religion qu'elles se donnent est l'expression de leur
culture et les institutions religieuses sont là pour faire vivre cette
religion. Comment les institutions renvoient-elles la religion à la
communauté? Et comment elles voient se créer une religion et une
communauté en même temps?
Si les migrants malgaches que j'ai rencontré dans les
Temples constituent a priori une communauté, je me demande sur
quelle base est structurée cette communauté : est-ce une
communauté nationale ou une communauté basée sur un
modèle ethnique? Est-ce une communauté sur une base religieuse ou
une base générationnelle? En sachant que l'ancestralité
est un des premiers facteurs de l'identité collective à
Madagascar? Quelle place tient-elle en situation de migration pour les
Malgaches de France et en particulier pour les individus que j'ai
rencontré dans les Temples?
Quels sont les vecteurs de cette structuration, est-ce
uniquement politique? Est-ce économique ou est-ce typiquement religieux?
Quelle est la place de l'économie dans cette migration? Ces «
travailleurs-étudiants »79 dont une partie sont des
travailleurs clandestins, sont-ils vraiment dans cette migration
alternante80 où c'est le marché mondial qui
régule tout avant toute autre chose?
Quelles sont les tendances ou orientations qui guident la
structuration? S'agit-il d'une reproduction d'un modèle communautaire?
Lequel? Ou est ce que la communauté à observer est une migration
ancienne et importante en nombre qui pourrait se structurer sur un
modèle communautaire, le sien.
Quelles sont les conséquences de cette structuration?
Est-ce un nouveau calquage, une répétition, une reproduction
sociale? Quelles sont les conséquences des rapports interethniques, du
processus d'éthnicisation? Quels sont les rapports mis en jeu : les
rapports entre gens de la campagne et gens de la ville?, entre gens « plus
occidentalisés » et gens « moins occidentalisés »?
ou entre gens à capital économique élevé et les
gens pauvres? Ou s'agit-il d'un décalquage, dans le cas d'une migration
ancienne, avec des problèmes et des problématiques de leur
regroupement propre à la France?
Toutes ces interrogations m'ont amené à expliquer
mon objectif : comment s'organise le religieux à travers les
institutions religieuses et en même temps comment le regroupement d'
une communauté d'un
79 Terme utilisé par CRENN pour désigner
les Malgaches migrants arrivés en France à partir des
années quatre vingt dix.
80 La migration alternante est
caractérisée par l'idée selon laquelle le monde est
caractérisé comme un immense marché sans
frontières, régulé par la loi de l'offre et de la demande
de travail. Elle suppose une mobilité totale des travailleurs. Voir
TRIPIER in « l'immigration de la classe ouvrière en France »,
Eds L'Harmattan, 1990, p310.
pays -Madagascar- participent-ils à la
structuration plus ou moins d'un groupe? Ce groupement qui est
réel, dynamique, visible et que je vais rencontrer lors de mon
terrain.
Pour pouvoir mesurer concrètement l'organisation du
religieux à travers les institutions religieuses et le regroupement des
fidèles à ces institutions, les lieux de cultes constituent un
terrain d'observation intéressant. Mais les observations seules des
lieux de cultes -Temples- sont insuffisantes, il faut avoir un discours qui
témoigne les pratiques, les attitudes et les croyances des individus
concernés. Des entretiens seront menés sur les deux faces, d'une
part un recueil de discours des leaders81 des institutions
religieuses protestantes de la FPMA et d'une autre part, un recueil de discours
des individus que j'ai rencontrés dans ces Temples, le discours des
jeunes présents dans ces Temples. A travers ces discours se
révéleraient les choix identitaires des immigrés.
L'observation lente de la liturgie et la volonté de
savoir une partie de l'histoire individuelle des enquêtés m'ont
permis de voir ce qu'il en est de mes hypothèses. Cette observation et
ces entretiens constituent une expérience en elle-même, une
expérience d'intégration qui mérite à son tour
d'être élucidée et racontée.
1.3.2 Communauté, Religion : usages
Deux mots mériteraient d'être éclaircis avant
de continuer : le mot communauté et le mot religion avec son corollaire
religieux
Communauté
La notion de communauté doit être définie
dans ce travail. Dans ma
conception, elle ne définit pas directement la
réalité dans laquelle s'identifie les enquêtés.
Même si les éléments racontés dans leurs discours
tendent à rendre concrète son existence.
Je pense a priori que la communauté malgache en France
en générale est une communauté fictive, car c'est
plutôt le sentiment d'appartenance82 qui regroupe des Malgache
dans un ou des lieux communs. Les Temples sont parmi ces lieux tout comme les
autres lieux de réunions ou de fêtes malgaches qui existent
à Paris. Et les Temples gèrent à leur manière ce
sentiment d'appartenance à travers une organisation et des
modalités de participation diverses. Les leaders, autorités de
ces Temples, fondateurs ou élus se caractérisent par leur offre
communautaire et religieuse. D'autre part, les membres -les gens qui arrivent
pour prier les dimanches- ont leurs
manières de se voir, et de voir leurs co-religionnaires
dans ces lieux communs.
Je veux pouvoir saisir des images de la communauté
malgache observée dans ces Temples. Une résultante des
perceptions des leaders et des jeunes sur ces institutions et la
communauté qui se forme sous les Temples et en dehors des Temples. Hors
des Temples car la communauté malgache du Temple ne prend pas uniquement
vie sous les Temples.
La communauté est donc pensée, ici, comme un
processus, sociétaire ou communautaire. Ce qui importe alors, c'est de
pouvoir identifier, entre autre chose, les orientations en cours de
réalisation. Ce processus ne peut être unique car les individus
qui la constituent ont des images différentes de la communauté
construite -ou en construction-. La vision des leaders prise comme offre
communautaire contraste avec la vision des jeunes individus
enquêtés dans ces Temples. Enfin, je pense que c'est un des
défis qui m'attend dans cette recherche.
Religion
Dans cette recherche j'emploierai tout le temps les termes
religion, religieux et religiosité. La religion, je la conçois
comme WEBER la définit, c'est « une espèce
particulière de façon d'agir en communauté », dont
tout reste à déterminer dans cette recherche : quelle
communauté? Quelle façon d'agir? Et quelles
particularités?
Pour HERVIEU-LEGER, « le religieux ne se définit
pas uniquement à travers les objets sociaux (les « religions
») dans lesquels il se manifeste de façon compacte et
concentrée. Le phénomène humain, qui travaille, de
façon active ou latente, explicite ou implicite, toute
l'épaisseur de la réalité sociale, culturelle et
psychologique, selon des modalités propres à chacune des
civilisations au sein desquelles on s'efforce d'identifier sa présence
».
83 C'est une définition qui prend en profondeur la
réalité humaine de la communauté priante. Je
suggère pour limiter la portée de ce travail que le religieux
reste seulement au niveau du phénotype de la vie religieuse et que la
religiosité soit considérée comme la face vivante,
émotionnelle et active de ce qui est religieux.
Je m'appuie surtout sur cette précision car mes propos
ne constituent pas une description des textes sacrés et leur
transmission, il s'agit de mettre en lumière les conditions
communautaires de la vie religieuse.
83 HERVIEU-LEGER (1999) p19
1.4 PRESENTATION DE L'ENQUETE
1.4.1 Méthodologie
Deux techniques d'enquêtes ont été
choisies et utilisées lors de cette recherche : l'observation et
l'entretien semi directif. Les documents trouvés sur le terrain et la
bibliographie ont permis d'illustrer ce rapport.
Deux questionnaires, guides d'entretien, ont été
élaborés pour que je puisse réaliser le terrain. Un
questionnaire pour les jeunes et un autre pour les leaders.
Les Entretiens Semi-directifs
Avec les jeunes, il s'agit de recueillir leurs perceptions de
la communauté priante et de savoir leur propre parcours, en tant
qu'émigrant mais aussi en tant que membre de la communauté des
Temples. Avec les leaders, l'objectif est de les faire raconter l'histoire
institutionnelle de chaque Temple et de saisir leurs perceptions de la
communauté priante. Dans les deux cas la présentation de soi
tient une place importante.
Le choix de cette technique a été fait pour
plusieurs raisons. D'abord pour la pertinence des résultats à
recueillir en fonction de la problématique. Ensuite, parce que les
entretiens semi directifs permettent de réaliser aisément le
débroussaillage d'un terrain que je ne connais pas assez. Cette
technique choisie est qualitative et ma démarche n'a pas d'ambition de
généralisation mais plutôt une recherche d'exemples de vie.
La réalisation de ces entretiens en enregistrement audio m'a permis de
les réécouter lors de mes analyses.
Les deux guides d'entretiens sont offerts en annexes.
J'ai réalisé une quinzaine d'entretiens avec les
jeunes mais les sept dernières constituent ceux qui suivent exactement
les éléments du guide d'entretien. Seuls ces sept entretiens
seront pris en considération dans ce rapport. Avec les leaders, j'ai
réalisé quatre entretiens. Le total horaire des entretiens est de
10 heures d'enregistrement audio.
OBSERVATION
La technique de l'observation s'est imposée toute
seule. Elle m'a permis de faire le terrain proprement dit, de descendre donc
sur les lieux (Temples, mais aussi quelques lieux concernés par les
activités des Temples) et de constituer prioritairement ma propre
expérience communautaire priante dans ces Temples, mais aussi
d'élaborer un corpus d'éléments observés, un
recueil
de mes impressions, des indicateurs pour mieux centrer ma
problématique et mieux élaborer mes hypothèses.
J'ai constitué un carnet de bord pour recueillir les
données observées. Ce carnet regroupe quelques réflexions
et les interrogations qui me préoccupent.
1.4.2 Population Et Lieux d'Enquête
La population d'enquête est
composée de deux catégories d'individus : la première
catégorie que j'appelle « leaders » et l'autre
catégorie les « jeunes ». Les leaders sont des dirigeants,
responsables au sein des Temples. On peut y mettre toute personne
attachée aux Temples qui de par sa participation contribue à la
conception et à l'organisation globale des activités des
Temples.
Je mets dans cette catégorie les fondateurs de la
Fédération FPMA84, et les primo arrivants dans ces
Temples, les Pasteurs et les membres directeurs de chaque Temple -car il faut
rappeler que les Eglises en France sont statuées sous les lois de 1905
et 1907, les identifiants comme associations et indépendantes-, les
présidents des Temples, les dirigeants des petites branches et
commissions à l'intérieur du Temple.
L'appellation leader signifie plusieurs choses. D'abord, ils
sont considérés comme ceux qui se placent en haut de la
hiérarchie. Toutefois ils peuvent aussi être invisibles mais
relativement influents dans la prise de décision au sein des Temples,
tel peut être le cas des personnes fondatrices . Aussi les leaders sont
des gens qui définissent les objectifs mais qui, en même temps,
génèrent les forces pour attirer des « compagnons » et
réaliser les objectifs. Ils ont le pouvoir et l'autorité requis
pour gérer un changement au sein de leur organisation. C'est pour cela
qu'à mon avis les leaders sont les personnes qui offrent la
définition de la situation sensée être exacte.
Je reconnais comme faisant partie des « jeunes »,
les individus qui sont entre 15 et 30 ans. Ils étaient présents
dans les Temples lors de mes passages dans ces Temples. Eventuellement, ils ont
des parents malgaches. On peut penser des individus que je catégorisais
comme jeunes qu'ils sont d'une même génération mais cela ne
pourrait être vrai car une génération devrait supposer,
à mon avis, une condition de vie et un minimum de destin commun ou
semblable. Etre né après les années soixante dix ne
supposerait pas ni une condition de vie commune, ni un minimum de ressemblance
de
84 Eglise Protestante Malgache en France, une
organisation cultuelle chrétienne malgache dont sont membres les Temples
que j'ai étudiés.
destin. Une enquête approfondie serait
ultérieurement nécessaire pour analyser cela.
Concrètement, j'identifiais mes enquêtés
à travers mes conversations
personnelles les premières fois où je venais
dans ces Temples. Je prenais directement rendez-vous avec chaque
enquêté après. Avec les leaders, les enquêtés
sont facilement identifiables et nombreux sont les gens -leaders en
particulier- qui me recommandaient de rencontrer tel ou tel personnage
important dans la hiérarchie des Temples. Pour les jeunes, je
m'attachais à les aborder directement sans intermédiaires. Les
rencontres avec les jeunes sont le fruit d'un pur hasard. Certains ont
été abordés avant le commencement des cultes et d'autres
après les cultes. La présentation de soi et les premiers mots
échangés sont importants pour pouvoir accrocher les gens
pressentis.
Les leaders interviewés sont les deux pasteurs des
Temples de la rue CHAUCHAT et de la rue DANTON, le président de bureau
de CHAUCHAT et un des fondateurs de la FPMA, un pasteur85.
Je note que pour garder l'anonymat des jeunes
enquêtés, j'utiliserai des pseudonymes.
85 RABENORO est pasteur et professeur de
sociologie.
Fiche signalétique des jeunes
enquêtés
Pseudonymes
|
ENDRIKA
|
LUCIEN
|
MITIA
|
RAVO
|
TINNE
|
TRISTAN
|
VOLA
|
Sexe
|
fille
|
garçon
|
fille
|
garçon
|
fille
|
garçon
|
fille
|
Age
|
27
|
24
|
24
|
23
|
20
|
25
|
19
|
Temple de notre rencontre
|
DANTON
|
DANTON
|
CHAUCHAT
|
CHAUCHAT
|
DANTON
|
CHAUCHAT
|
CHAUCHAT
|
Durée de présence dans ce
Temple
|
8 mois
|
2 an (presque)
|
3 mois
|
2 ans
|
1 mois
|
7 ans
|
10 mois
|
Types de participation
|
chorale
|
aucun
|
aucun
|
aucun
|
aucun
|
ancien choral
|
choral
|
Présence de parents ou famille dans ce
Temple
|
aucun
|
un oncle
|
aucun
|
un oncle,
une tante et trois cousins
|
aucun
|
toute sa famille et
une cousine
|
une cousine
|
Activité en France
|
employée jeune fille au pair
|
livreur
|
étudiante et
animatrice dans une crèche
|
employé de bureau
|
étudiante
|
étudiant
|
étudiante
|
Année d'entrée en
France
|
2000
|
1999
|
2000
|
1999
|
1998
|
1992
|
1999
|
Nombre de retours à Madagascar depuis la
première arrivée en France
|
O
|
O
|
1
|
O
|
1
|
3
|
O
|
Lieu de l'enquête
|
restaurant
|
chez lui
|
restaurant
|
Temple
|
chez un ami
|
Temple
|
université
|
Date de l'entretien
|
samedi 11 mai 2002
|
vendredi 29 mars 2002
|
mercredi 5 mai 2000
|
dimanche 28avril 2002
|
lundi 15 avril 2002
|
dimanche 17mars 2002
|
vendredi 3 mai 2002
|
Durée de l'entretien
|
50'
|
40'
|
1 h
|
1 h 20'
|
1 h
|
45'
|
1 h
|
Les Lieux
Il s'agit de deux Temples de la FPMA (Eglise Protestante
Malgache d'Outre mer). Le premier se trouve dans le dixième
arrondissement à Paris : 16, rue CHAUCHAT. Et le second se trouve dans
la région parisienne à Kremlin- Bicêtre au 10 rue
DANTON.
Les deux temples sont affiliés à la FPMA . Ils
font partie des 24 Temples de la FPMA dans le monde (France
métropolitaine, Abidjan et Saint Denis de La Réunion). A
remarquer qu'au début, en 195986, la FPMA ne comptait que 8
paroisses.
Les deux lieux étaient sous conjonctures
particulières, le premier vivait un conflit de leadership pendant mon
terrain et le second n'était pas encore reconnu comme Paroisse mais
juste une assemblée de communauté priante par la FPMA.
1.4.3 Difficultés Et Apprentissages
Le terrain sur lequel se base ce rapport a été fait
à Paris de Décembre 2001 à Juin 2002 dans les deux temples
protestants.
Les premières difficultés ont été
dans l'élaboration des questionnaires. Il a fallu faire quelques
entretiens avant d'avoir pu valider les questionnaires des deux guides
d'entretiens. Puis j'ai vécu quelques difficultés dans les
entretiens. Avec les leaders, pour CHAUCHAT par exemple où un conflit de
leadership était toujours présent au sein du Temple. Et une fois
avec le fondateur qui est aussi un professeur en sociologie. L'entretien avait
eu du mal à commencer87.
Avec l'usage du cahier de bord et de la technique
d'observation, la difficulté se trouvait dans la prise de
décision du temps où l'enquête (le terrain) devrait se
terminer. Heureusement que les entretiens étaient là pour
résoudre les difficulté d'interprétation.
86 « C'est en effet au mois d'avril 1959 que M Daniel
Ralibera, pasteur-aumonier de l'époque convoqua à
Villemétrie en région parisienne les représentants des
communautés malgaches d'alors : entre autres celles de Paris,
Strasbourg, Montpellier, Bordeaux, Toulouse. Ces communautés ainsi
réunies décidèrent de s'ériger en Assemblée
Constituante qui sera également de facto le Premier Synode
Général de la FPMA «. Extrait du discours de RABENORO
pendant la 40e anniversaire de la FPMA en 1999.
87 Trois heures d'entretien le 22 avril 2002.
1.5 LE DEVELOPPEMENT DE L'OBJECTIF DE LA RECHERCHE
Essayer de borner et de définir un projet de recherche
en s'appuyant uniquement sur ses premières intuitions et
hypothèses est une chose difficile mais nécessaire dans un
travail sociologique, car se laisser emmener par des idées
imprécises est dangereux et non productif. En effet, cette
dernière situation peut faire dépenser beaucoup plus
d'énergie au chercheur.
Il est de bon sens alors de se rappeler d'une phrase qu'un des
mes amis aime toujours répéter, « si tu ne sais pas
où tu vas, n'importe quel chemin t'emmènera là-bas
»88. Il est important d'avoir un objectif et accessoirement un
plan de travail ne serait-ce que provisoire.
Dans le premier plan que j'ai proposé aux responsables
du DEA de l'URMIS, un plan inspiré de mes interrogations sur le
passé et le devenir des immigrés Malgaches présents en
France, et globalement sur le rapport des Malgaches avec l'«Autre»,
je me posais des questions relatives aux représentations que les
Malgaches peuvent avoir des Français (une des figures réelles et
possibles de l'autre), je voulais mesurer le rôle des
représentations de l'autre dans la manière de l'accueillir ou de
se faire accueillir. Mes questions étaient « comment les Malgaches
se sentent-ils étrangers en France?, Les Français sont-ils les
mêmes étrangers (représentations), qu'ils soient
Français sur le territoire français ou des Français vivant
à Madagascar? »89.
Des questions qui touchent principalement les notions
d'altérité, d'intégration et d'identité. J'avais un
plan de travail dont la population d'enquête serait présente en
France et d'autre à Madagascar. Bref, mes questions
s'intéressaient à la fois aux Français et aux Malgaches.
Je rallongeais interminablement mon temps documentaire. J'avais beaucoup de
difficultés à me rassembler et à dessiner un plan de
travail moins vaste et plus pertinent aux attentes de ce DEA. Un plan
réalisable dans le temps de travail qui me restait.
Lors des premières journées des
mémoires90, les professeurs m'ont surtout invité
à ancrer mon sujet dans un lieu plus concret et à se limiter dans
mon objet de recherche. Celui-ci était senti comme très abstrait.
Ce qui est vrai car je voulais tant traiter les questions sur l'identité
sans avoir une question particulière qui s'y rapporte. Je n'avais pas
encore fait de terrain jusqu'ici. Et je voulais travailler la question
d'identité d'une manière globale, en soi.
88 Conversation personnelle. Je me rappelle ici les
mots de Sénèque « Il n'y a pas de bon vent pour celui qui ne
sait pas où aller »
89 Tiré du document de projet de recherche
présenté à l'URMIS, intitulé « Projet de
recherche pour une contribution à la compréhension de la
situation des immigrés malgaches en France : leurs pensées, leurs
identités et leurs logiques d'intégration ».
90 15/16 janvier 2002
Il était urgent à ce moment là de trouver
un lieu d'ancrage, et me mettre sur le terrain, en situation. C'est là
que j'ai commencé à chercher des associations ou des groupements
particuliers de Malgaches. Le milieu estudiantin malgache à Paris m'a
beaucoup attiré car c'est aisé à faire mais ce qui se
montrait comme le terrain évident c'était les temples où
se regroupent des communautés protestantes malgaches à Paris.
Ce terrain me paraissait évident pour au moins trois
raisons. D'abord, le lien avec ma problématique, mon sujet se centrait
d'avantage sur la construction communautaire et ne concerne plus du tout les
logiques identitaires. Aussi, parce que dans mes temps bibliographiques, de
nombreux auteurs semblent témoigner le fait que la migration malgache en
France est largement liée à l'Histoire du protestantisme malgache
(CRENN, 1994, 1995, 1998, 1999. KOERNER, 1994. RAISON-JOURDE, 1991...). Enfin,
ce terrain me fait disposer des lieux d'observation pertinents : les temples,
avec une population d'enquête précise : les jeunes.
J'essaie de caractériser, en tenant compte des
différents rôles que tiennent les églises protestantes dans
la construction communautaire tels qu'ils sont décrits dans les
chapitres qui vont suivre la communauté que j'ai rencontrée. Ce
voyage -qui commence avec une vue sur l'emprise de l'offre institutionnelle des
églises, qui continue avec une image des demandes des jeunes Malgaches
vis à vis de ces institutions, et qui va se terminer par
considérer à des degrés variés la complexe
articulation des deux- répète mon propre processus de
participation à la structuration d'une communauté malgache
à Paris.
CHAPITRE 2 : RESULTATS SUR LES INSTITUTIONS
2.1 La FPMA, une institution religieuse
En tant qu'institution religieuse, la FPMA regroupe à
travers ses Temples quelques 5000 personnes sur les 25.00091
Malgaches estimés présents sur le sol français. Ces 5.000
Malgaches se rajoutent probablement aux 700.000 protestants comptés en
France92. Selon le statut de la FPMA, ces temples sont quasiment des
nouveaux territoires pour les Malgaches « étrangers » en
France, les Malgaches « Français par acquisition actifs
»93 et les Malgaches en situation irrégulière. La
FPMA a ses propres manières de mettre en avant ses offres pour une
diversité de « fidèles » malgaches. Le but est de faire
naître une communauté formellement institutionnalisée.
Je cite l'article 2.1 du statut de l'association : « La
FPMA est une association cultuelle constituée en France, en
conformité avec les dispositions légales et réglementaires
en vigueurs pour les associations régies par la loi de 1901, et
notamment celles des lois du 29 décembre 1905 et du 07 janvier ».
(2.2) « La création de la FPMA a été publiée
au JORF n°57 du 3 mars 1963, page 2296, sous la déclaration
primitive n°62/1161 ». Cette formalité offre l'aspect
légal de la présence communautaire dans les Temples.
L'association s'est offerte une structure légale qui fonctionne sur
trois niveaux hiérarchiques : niveau FPMA (global,
national/international), niveau Régional et niveau paroissial ou
local.
Dans le statut, les objectifs sont clairs selon l'article 4
intitulé « objectifs- oeuvres ». En paraphrasant je
résume qu'il s'agit de :
- annoncer l'Evangile, en particulier aux Malgaches
« résidents ou de passage en France »
- célébrer des cultes en langue
malgache
- faire la propagation de la foi et de l'éthique
chrétienne
91 Cette estimation est faite par RABENORO lors de son
discours en 200O, le discours intitulé « 40e anniversaire. Un
défi, une attente, une victoire acquise. ». Par ailleurs, on a
remarqué qu'aucune statistique officielle n'a pu offrir le chiffre exact
des Malgaches en France. Pour CRENN (1998), « En quinze ans, le nombre des
Malgaches a doublé. Ils sont passés de 20.000 à 50.000
»
92
- promouvoir la culture et former
spirituellement ses membres
« On dénombre environ 700.000 protestants en France,
une enquête a montré que 1,7 million de personnes se
déclaraient « proches du protestantisme », et parmi elles une
proportion élevée de catholiques qui ne songent pas pour autant,
à abandonner leur confession d'origine mais qui se reconnaissent
spirituellement dans le protestantisme. (Enquête, CSA, La Vie, ARM,
Réforme, Christianisme au Xxe siècle, 1995).
93 Termes utilisés par l'INSEE (Institut
National des Statistiques et des Etudes Economique) dans sa publication de
1991. On compte dans ce rapport, 8863 Malgaches dans la rubrique «
Etrangers par nationalité détaillée », et 4989
Malgaches dans la rubrique « Français par acquisition actifs par
nationalité ».
- sensibiliser les membres au respect et à la
préservation de la culture malgache
- concrétiser des oeuvres sociales et de
développement
- soutenir des efforts pour l'oecuménisme
- s'interdire de prendre parti pour une organisation
politique.
Ces objectifs sont un des moyens - celui ci ayant un ton
très officiel- de présenter les offres de l'institution FPMA en
générale. Les activités connexes pour chaque objectif sont
présentées dans le statut à travers les activités
des petits regroupements par synode, comités, commissions,
départements ou sections.
La présentation de la FPMA insiste sur son aspect
légal. Même au niveau local, la légalité est un
critère réclamé. Le pasteur de l'assemblée de la
rue DANTON précisait « oui, on est reconnu, on a même
déposé notre statut à la préfecture, on est reconnu
par l'Etat, avec un pasteur et quelques dirigeants comme dans toutes les
églises en France »94.
Mais, l'analyse de l'offre institutionnelle ne devrait pas se
limiter à la présentation de ces mises en forme statutaire et
à la reconnaissance légale des regroupements communautaires
malgaches dans les Temples. Ma question est toujours de savoir sur quelle base
est faite la proposition de structuration communautaire de la FPMA et
particulièrement des deux Temples observés. Cette proposition
est-elle sur une base ethnique? Malgacho-malgache? Religieuse? Est-ce une
nouvelle structuration communautaire différente ou hors de toutes autres
structurations communautaires qui puissent exister en France?
Je suppose qu' une part de cette proposition de structuration
communautaire se tient dans sa structure même et en partie dans ses
moeurs et culture. Les rites observés ont leurs propres règles et
leurs propres évocations et vécus. Dans les Temples, la
religiosité est aussi exprimée par ces rites, dans les
comportements des gens et leurs attitudes mais pas uniquement dans les
croyances. Les rites, hérités, inventés ou
représentés constituent une mise en avant de l'identité
religieuse des activités vécues dans les Temples. La proposition
structurelle de la FPMA - considérée ici comme offre
institutionnelle- tient compte de la religiosité pour réguler la
question des origines et de la réalisation des rites. C'est cette
facette de l'offre institutionnelle qui a une teneure religieuse
déterminante que j'appelle ici facette religieuse. Les leaders sont
impliqués dans la formulation et la réalisation de cette
offre.
A travers les temples, j'ai pu aussi observer que les offres
institutionnelles sont marquées par les activités menées
dans ces lieux cultuels. Il s'agit principalement de transmettre l'Evangile,
mais aussi il s'agit de faire vivre et de vivre à travers quelques
activités définies, improvisées ou non
94 Entretien du 3avril 2002.
contrôlées, une expérience communautaire
réelle qui tient compte d'une certaine affinité du groupe dans un
espace communautaire où la filiation communautaire est toujours mise en
avant. Cette facette sociale est sous l'emprise des leaders dont le rôle
est de maintenir une expérience communautaire vivante et de transmettre
ce qui est à vivre dans (et avec) ces Temples.
Le dernier grand rôle des leaders que j'ai
identifié, est la régulation idéologique du croire. C'est
comme si les leaders définissent eux mêmes qui croire et comment
croire. Il s'agit donc de légitimer le croire avec des convictions et
des volontés en façonnant le culturel. Cette facette de l'offre
institutionnelle, je l'ai appelée idéologico politique.
2.2 Trois facettes de l'offre institutionnelle
2.2.1 Une Facette Religieuse
Une Ritualité
« La FPMA a ses pratiques cultuelles, utilise une
liturgie rituelle et des cantiques fixés par le règlement
»95. Je prends trois pratiques où le rituel est
fortement marqué. Il s'agit de la pratique de la liturgie, l'utilisation
des différents postes à responsabilité au sein d'un Temple
et les réunions cultuelles quasi-liturgiques des
revivalistes96 (fifohazana), une section au sein du Temple
de la rue CHAUCHAT.
La liturgie protestante suivie par les Malgaches protestants
des deux Temples combine deux traditions majeures, celle des protestants
réformés de Madagascar (FJKM) et celle des luthériens
malgaches. Les chants et les manières même de réaliser un
dimanche suivent ces deux tendances.
A CHAUCHAT, la liturgie est formalisée et chaque membre
a une feuille dans laquelle est imprimée la séquence des moments
liturgiques entre autres les chants, les prières et la quête. A
DANTON, la feuille pour la liturgie est publiée et distribuée
tous les dimanches. Le pasteur cherche à diversifier les tendances : un
dimanche, ils suivent la liturgie luthérienne et le prochain dimanche
celle qui se rapproche des réformés.
Mais la liturgie proprement dite a son préliminaire,
c'est l'accueil et la préparation du lieu. Les responsables s'affairent
pendant ce temps là à terminer leurs tâches avant le
commencement du culte.
Dans mes notes d'observation j'écrivais «
À DANTON, le Temple a la surface triangulaire, les gens observaient le
silence tout en se regardant.
95 L'article 6 du statut de la FPMA, intitulé :
« rites et pratiques »
96 Jean BAUBEROT décrit les Réveils dans
son livre « Histoire du Protestantisme » (1998,) pp86-99.
Ils se saluent doucement en malgache ou en
français. Une personne essaie de répéter sur les claviers
de l'orgue les chants qui vont probablement être chantés tout
à l'heure. On est treize dans la salle et le pasteur vient de retarder
pour quelques temps le commencement du culte. Sur les bancs se trouvent les
feuilles qui annoncent le déroulement du culte. Je prends une des
feuilles qui se trouvait par là et voici mes descriptions. La feuille
est une moitié d'une feuille A4 avec en haut le logo de la FPMA, la date
et l'adresse, tout est écrit en malgache. Pour chaque séquence de
la liturgie est marquée la section responsable, pour aujourd'hui, la
section jeune va lire avec la section musique la Bible. Une personne de la
section Eveil va prier etc.... En bas de la feuille se trouvent la date,
l'heure et le lieu où va se dérouler le culte pour la semaine
sainte. Les chants sont référencés selon le numéro
et le titre dans cette feuille. Les bruits du clavier m'empêchent
d'entendre la conversation des gens».
Dans la liturgie on constate une forte gestion de la
participation de tous. C'est le pasteur qui a rédigé la liturgie
à suivre. J'ai eu l'impression que les gens qui se trouvent à
DANTON se sont rencontrés depuis longtemps. Ils se connaissent c'est
peut être parce qu'ils sont peu nombreux (ils étaient au maximum
47 individus). Mais ceci vient aussi du fait de les avoir fait participer lors
des liturgies.
Le culte à travers la liturgie est une
cérémonie religieuse. « A CHAUCHAT, l'emplacement des
gens est significatif: les maîtres de la cérémonie se
trouvent devant, ils sont composés de diacres habillés ou non
d'un costumes appropriés (de couleur blanche). La chorale se place dans
les premiers bancs. J'ai mainte fois vérifié que les gens ont
tendance à garder les mêmes places (a droite, à gauche,
devant, derrière). Le pasteur monte à la chaire pour faire le
sermon et uniquement pour le sermon. La salle est sonorisée. Les gens
sont endimanchés »
L'aspect religieux des rites est marqué dans les lieux.
La religiosité et son maintien sont dictés par l'offre
liturgique. La répétition de la liturgie fait que les gens
incorporent des habitudes et des manières d'être dans les
Temples.
La participation des gens lors de la liturgie est une forme
des participations possibles offertes par les Temples. A CHAUCHAT, les sections
ont des tâches d'intérêt général comme le fait
de balayer l'église après les cultes. Chaque section a son tour.
Mais les tâches de chaque section sont déjà
identifiées et identifiables par les réglementations
intérieurs de chaque temple.
A travers des postes à responsabilité, les
membres97 sont appelés à adhérer. Le discours
commun étant celui tout le temps répéter : « pour le
Temple ».
Des membres sont élus pour être membre du
diacre98 et ils sont invités pour être responsables de
section ou pour être chorale. Les postes à responsabilité
sont nombreux. C'est ce qui donne une variété de
possibilité de participation pour les membres. La réalisation des
responsabilités pour le Temple est facilement observable et
contrôlable pour les leaders qui gèrent la communauté. La
religiosité se démontre ici par la pratique et la prise de
responsabilité.
Le rituel, intitulé Travail et foi (asa sy
finoana), est un rite mené par la section d'Eveil99, tous les
deuxièmes dimanches du mois dans le Temple de CHAUCHAT. C'est une sorte
de deuxième culte après le culte. L'expérience que j'ai
vécue une fois dans le cadre de cette recherche m'a fait voir que le
culte des revivalistes est très fort en émotion et pleinement
riche en religiosité. Je notais dans mon carnet : « les
personnes habillées en blanc se trouvent devant et ils se tiennent
debout, une vingtaine. Ils lisent quelques versets en malgaches puis la
traduction séquentielle par une autre personne. Deux trois chants et
puis ils avancent vers le public (une trentaine) en criant tous vade retro
satana (« Miala ny satana »). Je crois que c'est le moment fort de
cette réunion- culte. Il y a tellement de cris, de pleurs et de
mouvements. Après, ils reviennent avec leur cri et au retour deux
personnes se trouvent sur le sol pour une séance individuelle
d'exorcisme. Ces personnes me font rappeler les gens possédés par
des esprits (en particuliers ceux des ancêtres) à Madagascar.
Cataplexiques. Après la séquence de l'exorcisme, c'est un temps
plus calme : les revivalistes distribuent la bénédiction en
mettant leurs mains sur la tête de quelques membres qui vont
volontairement un par un devant eux pour demander une
bénédiction. Pathétique».
La religiosité s'exprime ici par un partage
d'émotion forte et la pratique de l'exorcisme. La scène est
terriblement spectaculaire. Ce partage d'émotion renforce la
cohésion du groupe et de la communauté. Les leaders responsables
de cette réunion tiennent leur discours sur l'aspect spirituel de leur
pratique.
97 Il existe deux catégories de membres
selon le statut de la FPMA les membres simples (a reçu le baptême,
est inscrit sur la liste, reconnaît et adhère à la FPMA),
et les membres responsables ou à part entière (admis à la
sainte cène, ont suivi une instruction religieuse adéquate, voix
délibérative dans les activités du Temple,
responsables)
98 Un des rôles des diacres selon RAISON-JOURDE
: « il est enfin reconnu que les diacres doivent mettre leur aisance
personnelle au service de la paroisse : le diaconat est une institution de la
redistribution que les plus démunis attendaient déjà de la
famille large comme un devoir des parents riches à leur égard
». (1992) p364.
99 4 mouvements d'Eveil existent à Madagascar,
chaque mouvement porte le nom du lieu de leur centre : Ankaramalaza, Soatanana,
Manolotrony, et Farihimena. A CHAUCHAT, les revivalistes sont d'Ankaramalaza
dont le centre en France se trouve à Gardagne.
Des Dispositifs Visibles Et Constatables
Pour qu'un rite trouve bien sa ritualité et dans cette
recherche sa religiosité, il faut observer les dispositifs visibles et
constatables mis en oeuvre. Je prendrais comme faisant partie de ces
dispositifs : les chants, une revue publié par la FPMA (le « vatsy
»), et les temps des actions particulières.
Les chants constituent un dispositif particulier pour faire
vivre le rituel cultuel. A travers les chorales, certainement, mais aussi par
le fait que les Malgaches peuvent chanter ensemble et en langue malgache
dans les Temples à Paris. Chaque chant exécuté
ressemble à une performance communautaire. HUYGHUES-BELROSE Vincent
(2001, p339) trouve dans son livre cette importance des chants religieux pour
les Malgaches : « deux facteurs ont concouru à donner au chant
religieux une importance exceptionnelle à Madagascar : les dispositions
culturelles et le goût des Malgaches pour le chant choral d'une part, la
technique d'enseignement et conversion des missionnaires et leur propre
arrière-plan culturel et religieux d'autre part ». Ce ne sont peut
être pas les seuls facteurs qui expliquent cette ritualisation des chants
religieux. Il y a aussi le fait que ces chants sont tout le temps
modelés pour être exécutés dans une autre version
plus folklorique : le 100zafindraony. Tout cela
semble être fait pour faire sentir dans chacun présent dans les
cultes un sentiment malgache.
Aussi, la FPMA s'est dotée d'une revue « vatsy
»101. Une revue rédigée en malgache et en
français pour les membres. Cette revue regroupe des nouvelles venant des
Temples FPMA, mais aussi elle informe sur l'histoire des Temples choisis et les
idées religieuses de la FPMA.
Lors des liturgies, il existe des moments particuliers. Ce que
j'ai appelé le temps des actions particulières. Il s'agit du
temps de la quête, du temps des informations et du temps des voeux. Ces
moments sont remarquables. Pour la quête, tout le monde se lève
à CHAUCHAT, pour apporter sa contribution devant et quelquefois il y a
deux quêtes pour un seul dimanche. C'est un temps pour voir les gens qui
sont présents et donc un temps aussi pour marquer sa présence.
Le temps des informations est aussi capital car c'est
là que les activités à réaliser et
déjà faites sont rapportées. La participation de chacun
peut être nommée lors des informations. Chaque nouvelle porte un
verset de la Bible ou un extrait de texte de chants protestants. C'est un temps
mémorable qui a une portée historique. Les
événements comme les décès, mariage, baptême
sont rapportés lors des temps des informations. C'est aussi un temps du
devenir car les activités et projets du futur sont annoncés.
C'est un temps pour les appels à la construction.
100 Nom d'un style de chant originaire du centre de
Madagascar, particulièrement dans la région de Fianarantsoa, une
région à forte implantation de congrégations catholiques.
Une dizaine de chants protestants existent, à ma connaissance,
actuellement en zafindraony. RAISON-JOURDE définit le Zafindraony comme
« l'art du chant métissé ». (1991). p546
101 Publié à 500 exemplaires.
Enfin, il y a le temps des voeux (voady). Qu'on
veuille faire un voeux ou qu'on ait vu réaliser son voeux, le temps des
voeux qui se trouve juste après le temps des informations marque une
autre forme de participation au rite liturgique. Chaque voeu est
accompagné d'une somme d'argent et quelquefois de son attribution
(exemple : tel pourcent pour le pasteur et tel autre pour une autre section).
C'est aussi un moment particulier pour celui qui le fait, car il s'agit de
reconnaissance si le voeu est exaucé et d'acte de confiance s'il est
à exaucer. Je rappelle que les Malgaches sont des gens qui font beaucoup
de voeux à travers des rituels divers102. Faire un voeu se
valorise dans les cultes comme un temps religieux, un temps sacré parce
que c'est un engagement vis à vis des autres, de toute la
communauté présente et vis à vis de Dieu.
Un Espace Du « Donné à Croire »
« Les institutions religieuses ne sont pas les seules
à offrir du « donné à croire » » (Willaime,
1998). Ceci est vrai dans le sens où riche de croyances traditionnelles,
les gens qui débarquent dans les Temples ont la possibilité de se
retrouver dans une « fidélité paradoxale » à ces
traditions ou avec d'autres croyances. Ceci est vrai pour les Malgaches et
rappelons- le encore au passage que la religion traditionnelle est majoritaire
à Madagascar et que le fait de s'affilier à la religion
chrétienne ne signifie nullement que la référence aux
valeurs des ancêtres soit impossible.
Les Temples sont des lieux où se réalise , pour
reprendre l'expression de Michel de Certeau (1984)103, un «
mouvement de l'espace vers la place ». Toutes les
références se façonnent pour être incarnées
dans les rites cultuels. A la fois, les Temples se refèrent aux messages
de l'Evangile mais aussi ils se réfèrent aux caractères de
la spiritualité attendue par la FPMA, aux valeurs de cette institution.
Ce qui ne peut pas être forcement contradictoire mais plutôt
complémentaire et cumulatif.
On peut voir la religiosité ici dans son aspect
essentiel qui est le contenu de la croyance. La valeur des croyances est mise
en scène lors des présences dans les cultes. Pour certains, la
valeur de la malgachitude, de l' « âme malgache » est aussi
importante que la valeur du protestantisme. Pour d'autres c'est plutôt
l'inverse. Ce propos veut juste faire admettre une possibilité.
Là où, d'autres voient réaliser un mouvement de l'espace
communautaire malgache vers la place religieuse104, certains voient
un mouvement de l'espace religieux vers la place communautaire. En tout cas
c'est un mouvement où la répétition et la
commémoration tiennent leur place respective.
2.2.2 Une facette sociale
Place Des Rencontres
Les temples sont des « nouveaux » territoires
communautaires. Beaucoup d'activités y sont menées à part
les cultes : les écoles de dimanches, les différentes
réunions des sections de l'église (les chorales, les revivalistes
et autres regroupements). Pour mieux apprécier la valorisation de la
présence sur le Temple et la valeur du Temple et de ses
représentations, je pense singulariser trois expériences
vécues. A chacune de ces expériences, les leaders se montrent
être les acteurs principaux et gèrent les changements qu'y
prévalent.
La première expérience, est celle de l'accueil
des nouveaux membres. Pour les Malgaches de passage ou avec les convertis, les
premières présences au Temple sont toujours remarquables. En tout
cas les leaders tiennent à créer une sorte de moment particulier
pendant lequel, ils évoquent ces nouvelles présences. A CHAUCHAT,
les nouveaux inscrits sont priés de se lever pour être vus de
toute l'assemblée. A DANTON, le pasteur m'a offert une fiche à
remplir pour pouvoir être compté parmi les siens. Ces
comportements sont de véritables appels à l'adhésion qui
déterminent les prochaines participations.
La gestion des premières présences des nouveaux
venus par les leaders se fait donc par ces appels à l'affiliation. La
participation dans la communauté paroissiale est alors modulée en
plusieurs degrés, de la simple présence dominicale à la
présentation de soi devant l'assemblée, dans une réunion
de section ou avec un responsable du lieu. On peut participer aussi en tant que
responsable de section ou simple membre de ces sections. Les premiers temps,
les leaders savent que les gens ont besoins d'un maximum d'information sur le
Temple et les activités (participations) existantes. Dans ce rapport de
dépendance, les responsables cherchent avant tout à
fidéliser ces nouveaux venus.
Le Temple est présenté comme une place commune,
nouvelle pour celui qui est arrivé en dernier, mais aussi nouvelle par
le fait que le dernier occupant est arrivé là bas et il fait
partie de la communauté maintenant, ce qui renouvelle la
communauté toute entière. Le pasteur précisait que «
La présence des nouveaux donne toujours une nouvelle vie spirituelle
(aim-panahy vaovao ho an'ny fiangonana) à l'église
». Et par dessus tout, le Temple est une nouvelle place car il se trouve
« en terre étrangère » (an-tanin'olona).
Quelques caractéristiques du Temple sont
décrites dans le petit livret « Ce qui fait la FPMA ». Ce
livret qui est une présentation de la FPMA, démontre
l'identité voulue (une auto-définition) de l'institution FPMA .
« La FPMA est une église de mission et une église
universelle, on peut voir cela de deux manières :
géographiquement, l'église n'est pas déterminée sur
un
seul lieu car elle se trouve partout. Et puis, il est de sa
responsabilité de ne pas se fermer sur une seule mission (par exemple :
uniquement pour les affaires religieux) car elle concerne la vie toute
entière. Ces deux aspects évoquant son universalité sont
visibles dans la vie de la FPMA ».105Un regroupement des
anciens de la FPMA (Maintimolaly FPMA) est crée à Madagascar pour
continuer la perpétuation des valeurs de cette institution.
La deuxième expérience démontrant le
rôle particulier des leaders dans la création de ces lieux
concerne le processus de validation d'un regroupement d'une communauté
priante malgache par l'institution mère, la FPMA. Il s'agit de
l'expérience des communautés malgaches de la rue DANTON. Selon le
statut de la FPMA, il est du ressort d'un comité nommé Permanent
et d'une assemblée nommée Synode Géneral de proposer, de
décider de radier une paroisse. DANTON est une paroisse qui attend son
adhésion à la FPMA, elle est déjà reconnue comme
« assemblée » par l'institution mère. De nombreux
fidèles de DANTON, jeunes majoritairement, se trouvaient avant dans la
paroisse FPMA Montrouge (Val-de-Marne). Cette dernière était
radiée de la liste des Temples FPMA car les leaders locaux avaient
décidé de créer une nouvelle église en France, en
important telle qu'elle l'église réformé de Madagascar. Le
petit déplacement à DANTON est vu comme une grande chose
marquante pour les fidèles et surtout pour les leaders. Répondant
à ma question : « pouvez vous choisir deux ou trois
événements qui vous ont marqués, des moments historiques
de votre église? », le pasteur m'a répondu deux dates «
le trois septembre 1999 et le quatre juin 2000 ». Le premier est la date
du premier culte de ce qui va créer plus tard la communauté de
DANTON (ce culte n'était pas fait à DANTON). La seconde date est
l'ordination des pasteurs et la célébration du jubilée
(40e anniversaire de la FPMA). C'est la première fois que les pasteurs
de la FPMA ont été ordonnés. La première
réponse met en avant la naissance de la communauté priante et la
seconde valorise le poids symbolique des leaders des Temples, ce qui valorise
ensuite la communauté qu'ils dirigent.
Dans l'histoire des Eglises à Madagascar, on trouve
toujours cette image de Temple et avant- temple (ou « presque Temple
»). Les premiers missionnaires distinguaient déjà les
structures institutionnelles entre un « fiangonana » (église)
et les « preaching-stations »106. Les premiers ont une
durée et une permanence, les seconds sont provisoires .
Le pasteur de DANTON définit « l'assemblée
» comme différente des paroisses (dans le langage officiel et
folklorique, on a « Tafo » ou toit en français pour
désigner les paroisses et « assemblée » pour
désigner les communautés priantes qui ont émis la
volonté de devenir FPMA).
105 Dans « Ce qui fait la FPMA ». p14.
106 Voir RAISON-JOURDE (1993), KOERNER (1994).
« L'assemblée est une église qui a encore
besoin d'être dirigée (tantanana), elle n'a pas droit
normalement à avoir des diacres comme dans les paroisses. Nous sommes
sous encadrement du Temple de Paris (CHAUCHAT), mais on n'a jamais vu venir les
responsables de ce Temple par ici. Ils sont préoccupés par leur
problème ». Seuls les églises reconnues sont retenues comme
officielles. Et elles devraient être reconnaissantes107
à leur tour vis à vis de la grande structure de l'église
mère. Les leaders s'y impliquent pour pouvoir terminer le processus
d'adhésion à la FPMA.
La troisième expérience est aussi
démonstrative des rôles majeurs des leaders dans la mise en valeur
du Temple . Le Temple est un espace social source de divers conflits et de
problèmes sociaux pour la communauté qui s'y abrite. Je crois que
l'expérience du conflit à CHAUCHAT (« l'affaire CHAUCHAT
») mérite d'être exposée. « L'affaire CHAUCHAT
» a commencé par l'annonce des règles de l'élection
des nouveaux diacres, ces responsables officiels des paroisses, en septembre
dernier. Comme chaque paroisse à son propre Règlement
intérieur108, les responsables ont défini des
critères pour ceux qui peuvent voter et ceux qui sont éligibles.
Ces critères sont vus par une partie des membres comme exclusifs et non
démocratiques.
C'est à partir de là qu'est installée une
instabilité. L'élection n'a pas eu lieu et un groupe se
constituait en s'opposant au bureau en place. Ce groupe se constituait pour le
report d'une nouvelle éléction et le changement des
critères d'éligibilité et de droit au vote des diacres et
aussi pour le renouvellement du bureau. Mais, les premiers organisateurs de
l'élection se fixant sur le fait que la paroisse est indépendante
et reconnue comme une association indépendante devant l'Etat
français jouait sur cet élément pour limiter
l'ingérence des personnes qui mettaient en avant l'appartenance de
CHAUCHAT à la FPMA. Ils ont fait appel à la justice
française qui leur a donné raison, l'ancien bureau est remis en
place. Ils ont immédiatement organisé une élection en
avril 2002.
« L'affaire CHAUCHAT » est un exemple de conflit qui
impose son temps. Les leaders des deux groupes s'exprimaient devant la
communauté chaque dimanche pendant ces six mois. Soit à travers
des tracts distribués aux gens qui viennent au Temple, soit les cas
échéants dans l'église devant tout le monde. Les deux
parties s'échangeaient des mots durs. Chacun se proclamait
légale. Tout est pris pour justifier sa position. Quelquefois, les
« raisons » se trouvent dans le sermon. L'autre fois, une
107 Le pasteur RABARY, une des figures historiques du
protestantisme malgache écrivait dans le journal missionnaire
protestante malgache MPAMAFY, n°1 du janvier 1904 « Les fiangonana
sont encore des poussins nouvellement éclos, des enfants encore au sein.
L'époque actuelle est encore l'enfance pour ces Malgaches. S'il ya des
gens qui nous excitent à nous séparer de ceux qui nous
conduisent, ceux là nous trompent. Je vous dis chers membres des
fiangonana malgaches, que si vous vous séparez des missions qui sont
votre père/mère, vous resterez nains et finalement vous mourez
étant encore petits ». (KOERNER 1994p 138).
108 Selon le statut FPMA
personne âgée bousculée par une personne
du groupe adverse méritait d'être racontée à tout le
monde. On assignait à l'autre groupe tous les maux sensés le
représenter. Dans un des tracts1°9, je notais les mots
qu'un des groupes ont choisi et écrit pour assigner l'autre : «
direction intégriste », « agresseur », « fasciste
», « secte », « intolérance », « fanatisme
», « au temps des Talibans », « dictature », « ce
qu'ils appellent leur « guerre sainte» (hetraketraka
masina), « brigands », la liste est longue si on ajoute tous les
mots des autres tracts.
Dans ce conflit, les deux parties tentent d'influencer les
membres de la communauté priante réunis dans le Temple. Les
membres du Temple suivent tous ces événements, non pas uniquement
comme spectateurs mais aussi comme faisant partie prenante du
déroulement de ces événements. Une fois, alors qu'un des
leaders d'un groupe annonçait une nouvelle devant l'assemblée,
une partie des gens qui approuvaient ont applaudi. Une autre partie
rouspétait. C'était très animé et spectaculaire.
Je retiens de cette expérience quelques conclusions : le
conflit
interpersonnel dans ce Temple a été une source
d'interaction considérable. Les leaders créaient des moments pour
pouvoir communiquer avec l'assemblée et le groupe adverse. Ils
renforcent leur propre appartenance et attendent de l'autre une identification.
Toute la communauté se structure de la sorte, sur une base
conflictuelle. Les leaders tentent toujours à tout moment de l'existence
du Temple de transmettre des idées et des valeurs qui méritent
d'être défendues et peut-être aussi vécues. La
communauté priante vit cette transmission d'une manière fortement
conflictuelle comme ce qui s'est passé à CHAUCHAT. La
communauté est donc en structuration permanente et les
éléments figés dans les statuts ne peuvent pas annoncer la
face dynamique (constat) de la réalité de la communauté.
Le groupe dominant cherche à garder sa place dans l'adversité. Si
le conflit a l'apparence première de diviser les gens, ici, on remarque
que c'est ce conflit qui crée une dynamique de rassemblement.
Les conflits au sein des Temples existent aussi à
Madagascar. Il s'agit surtout des conflits entre ceux qui se disent «
fondateurs » du Temple et ceux qui par l'efficacité de leur
leadership ou par opportunité arrivent aux postes à
responsabilité au sein des Temples. Bref, un conflit à
l'intérieur d'une communauté d'immigrés est toujours
perçu comme différent d'un conflit qui aurait pu se passer dans
un temple quelconque à Madagascar. Leur résolution peut
être aussi différente11°.
109 Tract en avril 2002 distribué à la sortie du
Temple. Intitulé « F3'F » (fifankatiavana, fahamarinana,
firaisana : littéralement, amour, vérité, unité)
110 « Le patronage de l'élément andriana [de
la noblesse mérina] (pouvoir d'un leadership traditionnel historique),
était estimé essentiel dans la réussite du projet
(église) et on lui laissait entendre qu'il se devait de donner un
terrain et de se muer en Mpitarika [dirigeant le rite cultuel] de la
congrégation » RAISON-JOURDE (1993) p359.
Des Activités De Regroupement
Les deux Temples offrent des activités connexes aux
cultes dominicaux. A travers les sections et autres regroupements au sein de
chaque Temple. Ces activités ne se situent pas directement dans la
partie religieuse car elles cherchent plutôt à satisfaire les
désirs de regroupement communautaire des membres. Les chorales par
exemple se voient deux fois toutes les semaines, de même que les scouts.
Les Temples proposent aussi des rencontres hors du Temples comme les
excursions111. Ces moments sont remplis de commémorations. On
essaie de reproduire les manières de travailler à Madagascar et
les occupations de chacun dans les différentes sections. Mais quand les
gens reproduisent le contexte local, les contingences de l'histoire font qu'ils
produisent inévitablement des nouveaux contextes112.
La langue malgache reste la langue utilisée lors de ces
activités connexes. Les leaders cherchent à transmettre les
valeurs défendues par la FPMA, à savoir, en particulier, la
réalisation de la culture malgache. Cet aspect est aussi constatable
dans les quelques tâches réalisées par le pasteur pendant
la semaine : il s'agit de visiter les membres de l'église, de se mettre
en relation tous les membres, donc d'être une personne pivot de la
relation interpersonnelle dans le Temple. Relier chacun dans une « grande
famille » paroissiale (fianakaviambe) pour essayer de vivre une
idée de parenté universelle : le « fihavanana
»113.
Ces activités de raccrochement ont une importance pour
les protestants qui n'ont pas mis une importance fondamentale à la
pratique cultuelle114.j'ai remarqué que les gens arrivent
massivement au Temple pendant les grands événements uniquement. A
CHAUCHAT par exemple, un dimanche ordinaire regroupe entre 120 et 200 individus
alors que dans les dimanches où on prend la sainte cène, le
Temple peut arriver à regrouper jusqu'à 500 individus.
Ces activités de racrochement ne sont jamais
indépendantes des valeurs partagées sous le Temple. L'offre
sociale de l'institution religieuse s'aligne et se confond avec les autres
offres sociales existantes à Paris. La présence dans le Temple
est aussi donc une manière de vivifier ses autres filiations : les
amitiés, les mariages, les affaires commerciales et les réseaux
du marché de l'emploi se trouvent en partie dans les Temples. Une
étude plus approfondie des réseaux sociaux existants à
Paris
111 A CHAUCHAT, deux excursions ont eu lieu dans un intervalle de
temps de cinq mois.
112 Voir SAHLINS (1989) et aussi APPADURAI (1996)
113 Il est très difficile de définir cette notion
de fihavanana, mais elle contient généralement
l'idée d'amitié, d'alliance et de paix. C'est à la fois
une valeur que beaucoup de Malgaches croient et c'est surtout une idée
véhiculée dans les discours. BOUILLON (1981) critique aussi cette
notion : « Mais qu'est ce que ce « fihavanana »?
L'étranger avance le concept d'amitié, mais le fihavanana, lui
dit-on, est « autre et mieux » Alors est-ce du « parentalisme
»? En fait c'est moins et plus (c'est essentiellement du Fraternalisme
humanitaire) ». p344.
« L'assistance au culte n'ayant aucune caractère
d'obligation dans la théologie protestante »
WILLAIME (1998 p51)
114
permettra certainement de distinguer les différentes
stratégies d'affiliation des Malgaches dans la Capitale
française.
2.2.3 Une facette idéologico-politique
La Régulation Du Croire
Un des rôles majeurs des leaders est de rendre religieux
cette croyance et son organisation communautaire. Cela nécessite des
structures matérielles et des outils idéologiques
appropriés. En plus, les leaders communautaires au sein des Temples ne
sont pas les seuls leaders référencés et influents pour
les membres115. Le religieux peut se trouver partout et hors de
toute influence des Temples.
Les membres de la communauté priante sont
présents pour croire (adhérer à certaines croyances). Ils
sont là pour croire à Dieu et aux principes du
protestantisme116. Je rappelle les deux principes du protestantisme
selon Jean BAUBEROT qui sont « un, le principe formel » :
l'autorité souveraine de l'Ecriture en matière de foi. Deux, le
principe matériel, la justification par la foi (ou le salut par la seule
grâce) »117. Ils sont présents pour que
l'institution puisse leur offrir des marques de leur croyance. La FPMA leur
offre des identités à la fois religieuse et communautaire. Le
livret « Ce qui fait la FPMA » et le statut de l'institution offrent
les éléments de ces identités.
Toutes ces croyances sont là pour être prises par
les membres, tels des offres gratuites étalées sur un support
visible. Comment sont elles régulées? La FPMA au niveau global,
s'est muni d'un armement managériale. Le ton est donné dans le
livret « ce qui fait la FPMA » qui parle de l'institution comme
étant sans le traduire un « Learning organization » avec
utilisation de l' « évaluation »118 et d'une
structure performative. Des activités et rituels sont
créés pour gérer les membres à devenir plus «
ouverts », plus impliqués dans le Temple. La présence dans
les Temples doit respecter les nouveaux codes de conduite attendue. Les
nouveaux venus doivent apprendre les comportements et les informations que tout
le monde doit avoir.
115 Ici, je fais allusion aux leaders ethniques des
différents membres des Temples ou des Temples eux-mêmes.
116 Voir la profession de foi dans le statut de la FPMA.
117 BAUBEROT (1988) « Le protestantisme doit-il mourir?
» p190
118 Pp14-15 FPMA comme « self reliance », « self
gouverning » et « self propagating »
La légitimité Du Croire
Il y a d'abord cette volonté de s'inscrire dans ce que
la FPMA appelle « le sceau de l'universalité »119.
C'est l'idée de la participation au niveau international et
l'idée d'être reconnue au niveau mondial. Il s'agit d'une
validation du croire au niveau global. C'est pour cette raison que la FPMA
s'est affiliée à plusieurs grandes organisations mondiales
notamment la Fédération Protestante de France en 1979, la
Fédération Luthérienne Mondiale et l'Alliance
Réformée Mondiale en 1999. Elle est aussi affiliée au
niveau national à la Fédération des Eglises Protestants de
Madagascar (avec l'église réformée malgache,
l'église luthérienne et l'église anglicane à
Madagascar). En s'efforçant de se faire connaître comme
rassembleur des différentes tendances protestantes à Madagascar,
elle semble être reconnue comme seule église protestante malgache
hors de Madagascar120.
Par ailleurs, l'implication de la FPMA dans les
activités politiques malgaches121 témoigne non
seulement de sa volonté de se démarquer d'une simple institution
religieuse mais aussi de se faire entendre au niveau international en
particulier de la vie politique et culturelle malgache (le choral de Chauchat
s'est déplacé à Antananarivo pour faire une levée
de fond afin de contribuer à la construction du Palais de la Reine
brûlé en 1996) . Ce qui fait que l'identité politique des
membres de la FPMA est alors marquée à l'attachement à un
territoire : au Temple mais aussi à la Grande Ile.
L'adhésion à des structures plus fortes au
niveau mondial, les quelques prises de position politique faites par la FPMA
sont des actions menées par la FPMA pour pouvoir maintenir l'aspect
légitime de leur existence. C'est une caractéristique forte de
l'offre institutionnelle de la FPMA.
On a vu dans ce chapitre, la part des actions des leaders dans
la création, la réalisation et l'orientation d'une offre
communautaire. On a aussi démontré que la construction
communautaire perçue à travers la face institutionnelle de la
FPMA et incarnée par les leaders est une construction communautaire
inégalitaire et conflictuelle.
Cette inégalité -non singulière- vient en
partie de l'offre institutionnelle et elle est conditionnée par les
conditions d'existence des communautés priantes protestantes (conditions
d'existence à/de Madagascar et conditions d'existence actuelle en
France). Les Temples dans leur aspect institutionnel et territorialisé
sont devenus des créateurs de communautés
dont l'exposition des dominants est renforcée
symboliquement par le fait que le regroupement communautaire est fait sur une
base à priori religieuse. Comme CRENN l'a remarqué, le Temple
« sera également le lieu de l'identification aux dominants
»122, ou du moins un lieu ou le rapport de domination
perdure.
Les conditions d'existence des offres institutionnelles sont
aussi importantes que les offres elles mêmes. Décrites par les
leaders, ces offres sont produites de la formation de la communauté
priante au sein des Temples. On a une « communalisation sociétaire
» selon les termes de WEBER. La communauté vit un apprentissage
d'institutionnalisation permanente. Les activités socioreligieuses
distribuées dans des échelles de regroupements sont sous
contrôle des leaders. La transmission de l'héritage cultuel est
alors faite par ces leaders où ils tiennent à la fois le
rôle de celui qui donne une image référence de l'entre soi
confessionnel et aussi l'image du catalyseur des différentes
mémoires collectives du groupe.
Les Temples FPMA sont devenus pour les leaders une
création et un continuum d'un mode de croire particulier. Leur offre
n'est pas seulement institutionnelle, elle est globale. Les membres constituent
la communauté priante en s'appropriant et en se mettant en rapport avec
leur culture. Avec les supports idéologiques élaborés ou
véhiculés par les leaders, les membres peuvent comprendre et
vivre leur identité confessionnelle et de marquer cette distinction. Une
interdépendance se crée à l'intérieur du Temple et
cette interdépendance décrit l'offre globale offerte par la
communauté du Temple. Les leaders ont leur part dans la formulation des
offres institutionnelles et communautaires du lieu, ils n'ont pas le
monopôle.
122 CRENN (1999), p167.
Chapitre 3 : RESULTATS SUR LES JEUNES ENQUETES
Dans ce chapitre, je cherche à analyser les attitudes
des jeunes vis à vis des Temples et des offres institutionnelles dans
lesquelles la part de participation des leaders a été
démontrée lors du chapitre précèdent.
Comment les jeunes perçoivent-ils leur affiliation
communautaire? Sur quelles frontières délimitent-ils l'existence
des Temples et de la communauté confessionnelle dans leur vie
quotidienne?
La problématique concerne la structuration
communautaire. Maintenant il importe de déterminer ce qu' en font les
jeunes de cette structuration. Est- ce que c'est autour du Temple que
s'organise vraiment la communauté? Comme l' institution religieuse
propose une offre communautaire, comment se fait-il que certains jeunes
prennent le religieux et pas le reste de l'offre? Et que d'autres jeunes
prennent juste l'affiliation communautaire mais pas le religieux?
Il est important aussi de savoir qui sont ces jeunes? Ils sont
différents : des primo arrivants, des enfants d'immigrés et de
simples jeunes de passage. Les réponses qu'ils ont offertes mesurent les
raisons pour lesquelles ils sont présents dans les Temples. Ces
réponses seront considérées comme étant des paroles
qui viennent après l'émigration (la condition
d'énonciation). Je remarque toutefois que les jeunes n'ont pas les
mêmes ressources pour produire leur propre récit croyant.

3.1 LES TEMPLES ET LA DIVERSITE DES HISTOIRES
3.1.1 Une Affiliation Communautaire
L'affiliation à une communauté définie
par un style de vie cultuelle peut être illustrée par une jeune
fille, ENDRIKA, 27ans, qui travaille en tant que jeune fille
au pair chez une famille malgache protestante qui va
régulièrement au Temple de Chauchat. Elle a vécu avant de
rencontrer cette famille, une vie cultuelle protestante particulièrement
épisodique ; par ce biais, elle a eu accès aux réseaux et
aux lieux de rencontre des Malgaches protestants dans cette ville où
elle est venue résider : Paris. La rencontre avec cette famille a
beaucoup changé sa vie, ce réseau est devenu son cadre de
relations sociales et partiellement son milieu professionnel.
« J'ai découvert un milieu que je ne
connaissais pas, et à la limite, je trouvais ça sympathique. En
fait, c'était un milieu où cette famille était connue
depuis quelques années. J'étais l'employée attitrée
de Untel, c'est tout. Je trouvais ça très convivial, très
sympa. Quand j'ai changé d'emploi après, j'y suis toujours
retournée, je me suis rendue compte qu'en fait Chauchat me va
très bien. Je crois sincèrement que j'assume bien ma
présence dans ce Temple mais j'assume très mal mon
milieu.
Actuellement, je travaille en tant que fille au pair dans
une famille française (non protestant) et c'est un tout autre milieu,
j'ai dû discuter fortement avec eux pour qu'on me libère le
dimanche. Un ami de Chauchat n'a pas eu tort de me dire un jour que « Si
t'assume pas ton milieu, c'est que tu t'assumes pas complètement en tant
que malgache protestante ».
La question de l'affiliation communautaire se pose en termes
de recherche d'une cohérence de l'expérience autour de l'attribut
central de l'identité, constitué par la cultualité
protestante. Malgré la critique qu'elle porte au milieu dans lequel elle
se trouve, elle s'y affilie car, en dehors de la vie de travailleur
immigré qu'elle mène, c'est pour elle la seule façon
d'être malgache protestante pratiquante de venir toutes les dimanche
à Chauchat.
A ces yeux, la « malgachitude » est une
réalité dont toute la communauté religieuse malgache doit
tenir compte. Pour permettre l'existence d'une identité et un mode de
vie cultuelle, elle considère qu'il est nécessaire d'adopter des
attitudes et comportements adéquats. Cela l'a conduit dans son travail
de fille au pair à toujours prier « tout le temps »
et à mettre dans son emploi de temps hebdomadaire des moments de
rencontre pour prier avec des co-religionnaires de Chauchat. La
présentation de soi comme personne responsable, porteur de la
réalité d'une communauté, va de pair avec la
désignation d'un autrui anormal qui ne se conforme pas aux attentes
d'«un bon chrétien ». Pour identifier cet autrui
anormal, elle épouse le préjugé à l'égard
des immigrés « ghetthoïsés » et le
préjugé de certaines autorités religieuses à
l'égard des non pratiquants. Cela lui fournit des principes pour
associer la cultualité à des situations sociales
particulières.
« Plus on se sent immigré, moins il y a de
fidélité aux cultes. Moi, je me sens d'abord comme
chrétienne, et ma présence dans les réunions cultuelles
malgaches est pour marquer la différence entre les fidèles et les
infidèles à la foi protestante. Au travail, seule, j'ai pas de
problème particulier comme d'autres peuvent en avoir avec leur
employeur».
L'anticipation d'une non intégration à venir
pour les autres (« infidèles ») sert d'argument pour souligner
l'importance de l'affiliation à une communauté et pour
revendiquer une normalisation des conduites autour d'un style de vie
intégrant des pratiques cultuelles.
La rationalité des comportements de ces jeunes pour qui
l'affiliation communautaire est le premier rôle des Temples tend à
aboutir à l'adhésion à celui-ci caractérisée
par une condition cultuelle partagée, et à l'adoption d'un style
de vie et de manière de penser. Parce qu'elle engage son
identité, cette adhésion peut être définie donc
comme une véritable affiliation sociale de l'individu. L'inscription de
la communauté malgache
(ou cultuelle malgache) dans l'ensemble social passe par des
présences dominicales dans les Temples.
Pour d'autres, le Temple est un complexe d'engagement. Pour
MITIA, 24ans, étudiante, le Temple est une «
aide qui me soutient dans ma vie en France, il m'incite à un
surcroît de fidélité pour le Seigneur et ma patrie
». Les temples sont alors perçus comme rassembleur de
repères pour se situer. Pour elle, c'est la certitude qu'elle appartient
à la communauté du Temple. Il n'y a pas de contradictions
apparentes dans les contenus de ses croyances. C'est une sorte de ré
affiliation communautaire où les jeunes s'engagent dans les
activités proposées par le Temple.
3.1.2 Une Ségmentation De l'Expérience
Sociale
Le cloisonnement entre des sphères de relations
sociales peut être illustré par l'expérience de
LUCIEN, 24 ans. Travaillant seul dans une banlieue parisienne
en tant que livreur, il prend part aux activités communautaires locales
: fêtes, sports et autrefois études. Depuis une année il
est en situation irrégulière en France. En dehors de son lieu de
vie, il a des relations cultuelles occasionnelles avec les Malgaches
protestants de Danton. Il rencontre également des Malgaches et
particulièrement des protestants malgaches des autres Temples
protestants à Paris, lors des fêtes malgaches et dans sa
profession car ils sont nombreux dans ce domaine. J'ai observé que le
parking de Danton abrite lors des cultes une dizaine de voitures de livraison
que les Malgaches utilisent pour se rendre au Temple.
Pour lui, ses présences au culte peuvent
s'insérer dans les catégories culturelles du milieu dans lequel
il vit et il travail. « Mes parents, il me semble que pour eux la vie
chrétienne n'existe pas. Quand j'habitais chez eux, tous mes amis ne
sont pas des pratiquants dominicaux et ils ne sont pas tous malgaches. Ils en
ont apprécié certains de mes amis. Ils ne m'ont jamais fait
aucune reproche lorsque nous n'étions présents au Temple que
lorsqu'on a rien à faire les dimanches, et encore ». Si les
pratiques cultuelles ont essentiellement lieu en dehors de son milieu local de
vie, ses pratiques peuvent également se glisser dans les interstices du
jeu social de façade et des non-dits d'une communauté d'individus
partageant le même territoire. « Disons que j'étais un
infidèle aux pratiques cultuelles, en même temps je ne me suis
jamais caché, je vais au Temple quand j'en ai envie et que la
disponibilité était là car il faut le dire que je
travaille quelquefois les dimanches. Les gens le savent, mais dans la mesure
où je ne cherche pas à m'absenter trop longtemps dans nos
rendez-vous hebdomadaires, ça ne pose pas problème, je n'ai
jamais eu aucune reproche, aucun mot, aucune allusion venant du Pasteur.
»
différents contextes dans lesquels il agit et par une
adaptation aux principes qui les caractérisent. Ainsi, sa
réussite économique, socialement valorisée dans la
communauté malgache, témoigne de valeurs partagées comme
l'effort et le dépassement de soi. Sa participation aux cultes, à
l'entraide entre malgache, tout en créant un tissu
d'interdépendances, indique que sa réussite s'accompagne du
respect des codes de voisinage. Ce subtil dosage et ces liens crées
empêchent des stratégies d'accusation de prendre forme et ses non
pratiques cultuelles d'être sélectionnées comme argument de
discrédit. Tout en participant à un groupe, il ne s'affilie pas
totalement à lui : il est livreur avec les livreurs, malgache avec les
Malgaches et immigré avec les immigrés. Mais il n'est jamais l'un
ou l'autre, ni à plus forte raison l'un et l'autre. En participant
à plusieurs groupes, il affirme son indépendance à
l'égard de toute affiliation exclusive : cela vaut pour le voisinage,
cela vaut aussi pour les réseaux socio ethniques ou protestantes qu'il
fréquente. L'enjeu pour lui consiste à préserver une
segmentation entre ses différentes expériences sociales et
à maintenir une réussite économique qui assure une
protection de son style de vie. Etre immigré en situation
irrégulière est une situation qu'il ne peut pas envisager car
elle remettrait en cause cet équilibre.
Je considère aussi comme faisant partie de ceux qui
vivent cette segmentation de l'expérience sociale, RAVO,
23ans. Pour lui la communauté priante est juste comme il l'a
dit « une communauté d'accompagnement » quand il en a
besoin et au sein de laquelle il marque ses différences voulues.
« Quelques fois il est utile de se faire remarquer comme étant
de CHAUCHAT, quelques fois non ». Les Temples donnent des empreintes,
parmi d'autres marqueurs, de l'expérience de vie menée ici en
France. Le temple a une fonction presque décorative alors pour lui. Le
sens de l'expérience vécue à CHAUCHAT est accessoirement
religieux.
3.1.3 Des Expériences Sociales Contradictoires
L'association de l'état d'immigré malgache et de
croyant protestant pratiquant peut être utilisée comme une
ressource culturelle pour réconcilier des expériences sociales
contradictoires. Cela prend appui sur un effet d'équivalence culturelle
: la fidélité aux cultes dans les Temples protestants parisiens
observés en vient à être l'attribut d'une identité
malgache alors que sans cet attribut, cette identité ne parvient pas
à être comprise ou reconnue. Je rappelle que l'histoire de
l`immigration malgache en France nous enseigne l'arrivée en masse des
protestants malgaches et particulièrement des gens des Hautes Terres,
les Mérinas.
Cette relation d'attribution fonctionne à double sens.
Etre Malgache dans ces Temples parisiens , c'est être pratiquant
protestant et être Merina. A l'inverse, la figure de celui qui n'est pas
pratiquant protestant semble être à la fois un non Mérina
comme en témoigne le récit d'une jeune fille (TINNE, 20
ans, parents à Madagascar) que j'ai rencontrée à
Chauchat. Elle n'est pas protestante et a un père non Merina. Elle a
dit:
« Par rapport à mes parents, j'ai l'impression
d'avoir une identité flottante. C'est tellement dans l'esprit des gens
qu' être protestante malgache et immigré mérina sont
liés qu'ils oublient la diversité des pratiques culturelles et
cultuelles à Madagascar. Je sais qu'ils m'ont éduqué pour
que je puisse m'adapter à toutes les situations mais il y a des choses
qui devraient changer. On est tous des immigrés malgaches et moi je suis
catholique. Ma présence au Temple dimanche dernier n'est pas fortuite.
J'y étais parce que j'ai des amis qui sont là bas et je connais
la liturgie protestante. Si mes parents m'ont éduquée ainsi c'est
parce qu'ils veulent que je sois reconnue comme malgache et que j'en sois
fière». Les parents manipulent cette équivalence
culturelle pour attribuer conjointement une pratique cultuelle protestante et
une identité malgache (mérina) à leur fille. A la fois ils
veulent faire accepter son origine non protestant dans la limites
étroites d'une meilleure intégration dans le Temple protestant.
On trouve là une expression que GOFFMAN (1975)123 qualifie de
stigmatisation honoraire d'un individu que « la structure sociale
lie à une personne affligée d'un stigmate, relation telle que,
sous certains rapports, la société en vient à les traiter
tous deux comme s'ils n'étaient qu'un ». C'est dans ce cas, la
qualité attribuée à un type général
d'individus immigrés malgaches non protestants qui se reconnaissent
entre eux.
Pour TINNE, la communauté du Temple est une
communauté d'« une minorité migrante ». Le respect des
normes sociales occidentales est naturel pour elle et les responsables du
Temple semblent bien contrôler cet aspect.
La présence au Temple est aussi une expérience
contradictoire pour TRISTAN, 25 ans. Pour lui c'est la
communauté du Temple qui constitue son identité malgache.
« C'est là-bas que je continue ma vie en tant que malgache
»124. Aussi, il s'attache au Temple parce que
l'expérience religieuse en elle-même est importante pour lui.
L'institution religieuse est ici perçue alors comme une institution
offrant un ensemble cohérent de « données religieuses »
et une croyance à son existence sociale. Malgré ses comportements
de croyant pratiquant, il a conscience de la fragilité de son
affiliation.
123 E.Goffman (1975) »Stigmates. Les usages sociaux des
handicaps » Paris, Minuit.
124 Alors que pour d'autres, c'est le tombeau, la
parenté...
Chapitre 4 : CONCLUSION
A supposer que l'offre des Temples puisse se constituée
en une offre sociale globale et que l'attente des membres des Temples (ici,
j'ai choisi les jeunes) n'est pas unique et uniforme. Est ce que les offres
communautaires proposées par les leaders religieux à travers les
Temples répondent aux attentes des jeunes? L'expérience de cette
recherche ne permet pas de tirer une réponse concluante par contre elle
nous a permis d'avoir quelques nouvelles hypothèses qui
mériteraient d'être travaillées de nouveau et quelques
figures des perceptions des jeunes et des leaders sur leur temple.
La présence dans les Temples n'est pas seulement
déterminée socialement par les offres mais elle est aussi
déterminante pour les individus. En tout cas les Temples sont
producteurs d'identité communautaire.
L'organisation de la religion et la présence des
migrants malgaches dans ces Temples suivent effectivement une construction
communautaire qui combine à la fois une religiosité
définie par l'encadrement institutionnel, une construction communautaire
à teneur et référence nationaux et à une croyance
à une communauté unique malgache.
Ma population d'enquête, limitée aux jeunes, a
certainement contribué à circonscrire une image de la vie
confessionnelle des membres de ces Temples protestants étudiés.
Elargir l'étude à des types sociaux diversifiés -suivant
les générations, suivant les lieux d'origine à Madagascar,
suivant la profession, suivant d'autres confessions religieuses- aurait permis
de voir un approfondissement de mon sujet et de mieux marquer par exemple
l'écart entre les discours de deux générations
démographiques différentes ou l'écart d'attitude entre les
nouveaux venus et les « établis ».
Par ailleurs, la communauté qui se trouve dans le
Temple gère à sa manière la mémoire du groupe.
Quelques fois l'assemblée donne une « nostalgie collective » ,
elle arrive à maintenir gelées les images du passé (ou du
« non-lieu ») et les règles de conduite héritées
des fondateurs ou véhiculées par les imaginaires de chacun sur
Madagascar. Il se trouve qu il n'y a pas de continuité forte entre les
générations de Malgaches migrants en France si on se limite
à cette recherche.
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culte. Paris, 1985. - WEBER, Max. Economie et
société. Paris : Plon, 1994.
- WILLAIME, Jean-Paul. Sociologie des religions. Paris :
PUF, 1998 (2e édition), 127p.
GUIDE D' ENTRETIEN POUR LES JEUNES
1- introduction
objectif de la recherche, anonymat et neutralité,
durée environ 40 minutes, sujet, petite présentation de soi
2- signalétique
sexe, âge, niveau d'étude, activité,
année d'entrée en France, nombre de retour à Madagascar
depuis le premier arrivée en France.
3- Choix du lieu de culte
églises fréquentées en France
durée de présence dans la dernière
église types de participation et d'adhésion
mode d'entrée en contact avec l'église
raisons du choix de l'église
Présence de parents ou famille dans ce Temple
conséquences (satisfactions et insatisfactions)
4- Perception du lieu de culte
normes et fonctionnement (rôles, participation,
horaire...) description des co-religionnaires pendant le culte
les activités de l'église pour les jeunes
5- Perception des expériences cultuelles personnelles
préliminaire : activités de
préparation, mode de déplacement...
liminaire : liturgie, processus, quel est le moment
important dans la liturgie? Expliquer pourquoi?
Postliminaire : activités après le culte
(comportements...)
autres volets ou temps religieux ou spirituels hors de
l'église (usages quotidiens...)
6- Vision de l'avenir
projet individuel
Perception des rapports avec Madagascar (usages de la langue,
va-et- vient, politique, traditions, valeurs...)
Guide d'entretien pour les leaders
1-Introduction
objectif, anonymat, neutralité, pour une durée 40
minutes, sujet
2- Signalétique sexe, situation du leader,
parcours individuel (en tant que leader)
3- Histoire des institutions (offre et structure)
historique globale de la fpma: protestantisme, ramification et
réseaux histoire du fonctionnement de l'église, organigramme,
schéma des prises de décision et des plans de communication
Commentaire sur les pratiques religieuses (liturgie)
des temps historiques marquants
4- Public
Qui
situation actuelle
participation (type et niveau)

GUIDE D'OBSERVATION DES PAROISSIENS DU
DIMANCHE
- premier temps d'observation : le
pré-liminaire ( la rentrée, rue devant l'église, à
l'intérieur de l'église
niveau d'observation
|
éléments à observer
|
- individuel
- couple/tandem - groupe (famille)
- jeunes/non jeunes
- malgaches/ non malgaches - femmes/hommes
|
QUI? fait QUOI? COMMENT (c'est à dire?
détails)?OU?
comportements/attitudes(regroupement) temps et sa
gestion/attente
activités réalisées
éspace/présence
|
- deuxième temps d'observation : le
liminaire (pendant la liturgie dans l'église
niveau d'observation
|
éléments à observer
|
- individuel
|
QUI (choisis)? fait QUOI? COMMENT (c'est
|
- couple/tandem
|
à dire? détails)? OÙ?
|
- groupe (famille)
|
|
|
comportements/attitudes (regroupement)
|
- jeunes/non jeunes
|
temps et sa gestion/attente
|
- malgaches/ non malgaches
|
activités réalisées
|
- femmes/hommes
|
espace (salle)/présence
|
- leaders
|
|
|
contenu des messages (prêche)
|
- troisième temps d'observation : le
post-liminaire (la sortie, rue devant l'église et à
l'intérieur de l'église
niveau d'observation
|
éléments à observer
|
- individuel
|
QUI? fait QUOI? COMMENT (c'est à dire?
|
- couple/tandem
|
détails)? OÙ?
|
- groupe (famille)
|
|
- jeunes/non jeunes
|
comportements/attitudes (regroupement)
|
- malgaches/ non malgaches
|
temps et sa gestion/attente
|
- femmes/hommes
|
activités réalisées
|
- leaders
|
espace/présence
|

LA PROFESSEUR MARYSE TRIPIER
tripier@paris7.jussieu.fr
Maryse Tripier, directrice adjointe de
l'URMIS est Professeur de sociologie à l'Université de Paris7 -
Denis Diderot. Elle a participé activement dès les années
70 au développement du domaine de la sociologie de l'immigration et des
relations interethniques en France. Elle est co-fondatrice du DEA "Migrations :
Espace et Société".
Elle joue un rôle actif dans la vie collective de la
discipline : membre du CNU 19ème section pendant 12 ans, membre de la
direction de l'Association des Sociologues de l'Enseignement supérieur,
membre de divers conseils et institutions dans l'université.
Ses domaines de recherche sont :
- La place des immigrés dans la classe ouvrière en
France, le rôle des syndicats dans l'intégration des ouvriers
étrangers.
- Le devenir scolaire et social des enfants issus de
l'immigration.
- Participation aux travaux du groupe de travail de l'URMIS sur
les discriminations " ethniques ".
Recherches en cours : projet de manuel à
l'intention d'un public étudiant.
Quelques uns de ses publications récentes :
- (avec Véronique de Rudder et François Vourch)
«Foreigners and immigrants in the french labour market: structural
inequality and discrimination» in Migrants, Ethnic minorities and the
labour market (integration and exclusion in Europe) edited by John Wrench,
Andrea Rea and Nouria Ouali, Macmillan Press, 1999, pp72-92
- «étranger», «immigration»,
«migration», «relations interethniques» entrées de
dictionnaire in Vocabulaire critique de sociologie, sous la direction
de P.Ansart et A.Akoun, collection Le Seuil/Le Petit Robert, septembre 1999
(avec Jean-Luc Richard) « Les travailleurs
immigrés en France : Des trente glorieuses à la crise» in
Immigration et Intégration: l'état des savoirs. Sous la
direction de Philippe Dewitte , La Découverte, mars 1999, pp173-185
- «billet» sur l'usage des statistiques «
ethniques ». in Hommes et Migrations, juin 1999.
- (avec Valérie Simon) : «Immigrés en
France:La longue marche vers l'égalité?» in Images et
mouvements du siècle chronique sociale, publication de l'Institut
d'Histoire sociale de la CGT», tome 3
- "Des trente glorieuses à la crise: les travailleurs
immigrés sur le marché du travail", in P. Dewitte (dir),
Immigration et intégration : l'état des savoirs, Paris,
La Découverte, 1999,
- "La population étrangère en France;
Principales évolutions des années soixante aux années
quatre-vingt", Analyses et documents économiques, coll. Cahiers
du CCEE de la CGT, 1998.
- "L'immigration dans la classe ouvrière en France :
quelques propositions", Société Française. Cahiers de
l'IRM, 1998 avril-juin, p. 28- 35.
- (avec Aubert France, et Vourc'h François) (Eds.),
Jeunes issus de l'immigration. De l'école à l'emploi,
Paris, L'Harmattan-C IEMI, 1997.
A paraître
(avec Andrea Rea) Sociologie de l'immigration, La
Découverte, collection Repères
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