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Comportement sexuel non autonome et risque à  l'infection au VIH/sida


par Joseph Delouis Dutreuil
Université D'Etat D'Haà¯ti / Faculté des Sciences Humaines (FASCH) - Licence en Psychologie 2007
  

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Chapitre 5

DONNÉES THÉORIQUES RELATIVES À LA SEXUALITÉ

Les études réalisées dans le domaine de la sexualité font état de trois approches explicatives d'un comportement sexuel104(*) . Il s'agit de l'approche socioculturelle selon laquelle l'adoption d'un comportement sexuel serait le produit d'une construction sociale. Le comportement sexuel adopté par l'individu traduit donc les attentes de son milieu à son égard. Par conséquent l'individu doit être en mesure de rentrer dans une dynamique de conformisme par rapport aux normes et valeurs véhiculées par ces différents groupes d'appartenance. La seconde approche a une dimension économique. En ce cas, la sexualité n'est pas seulement vue par rapport au besoin de l'individu de satisfaire ses pulsions sexuelles, mais surtout dans le but de répondre à des besoins d'ordre économique et social. La dernière approche, dite approche institutionnelle, tient compte de la régularisation des relations sexuelles par les législations. Pour ce qui concerne notre travail, nous allons mettre beaucoup plus d'accent sur les deux premières approches.

4.1.-L'EXCITATION SEXUELLE ET SA RÉGULATION

La sexualité humaine comporte une dimension biologique et une dimension psychosociale. Le principal but de la sexualité consiste à apaiser des tensions sexuelles, soit à satisfaire des besoins d'ordre physiologique. Tenant compte de la pyramide des besoins de Maslow, la sexualité serait inscrite dans la catégorie des besoins primaires, qualifiés d'indispensables pour la survie de l'individu. D'ailleurs, elle fait partie du premier des cinq niveaux de cette pyramide à l'instar de la faim et de la soif.

Les nombreuses recherches réalisées en ce domaine prouvent bien que diverses parties du système nerveux interviennent dans le comportement sexuel. Le fonctionnement sexuel est étroitement lié aux subdivisions du système nerveux autonome : le système sympathique et le système parasympathique105(*). Ces deux systèmes interviennent tour à tour dans l'excitation sexuelle. Ainsi le système parasympathique a surtout une influence dans l'excitation sexuelle initiale et le système sympathique pour sa part intervient dans l'orgasme et la détente. A l'instar du système autonome, l'action du système nerveux central n'est pas moins importante. Les diverses composantes du système nerveux central comme la moelle épinière et l'encéphale influent grandement sur le comportement sexuel. Par exemple, le mécanisme de la pensée est réglé par la moelle épinière, le centre du plaisir pour sa part se retrouve à travers les sous-composantes de l'encéphale. La formation réticulée est considérée comme le centre de l'excitation et le système limbique comme le siège des émotions. Par là, il faut comprendre qu'un état émotif peut provoquer de la stimulation sexuelle tout comme un autre peut l'inhiber.

La première phase de toute relation sexuelle normale commence par une attirance que l'un éprouve vis-à-vis de l'autre. Cette attirance se fait par rapport à un mécanisme psychologique. Les Allgeier considèrent l'attirance et l'excitation sexuelle comme des sentiments intérieurs106(*). Il est important de préciser qu'on n'est pas stimulé sexuellement pour n'importe quelle personne. Sans nul doute, c'est dans ce contexte que Freud met en évidence la pudeur, le dégoût, la compassion et la construction sociale de l'autorité comme des forces qui limitent les pulsions sexuelles107(*). Plusieurs éléments peuvent rentrer en évidence pour ce qui concerne l'attirance sexuelle. La théorie d'attraction interpersonnelle trouve aussi son application en matière de sexualité. Il importe de chercher à comprendre ce qui explique qu'un individu est attiré sexuellement vers une autre personne et manifeste de la répulsion vis-à-vis d'une autre.

Pour répondre à cette interrogation, on est obligé d'aborder les arguments avancés par les psychologues sociaux. La thèse de la similitude des attitudes et celle qui se fonde sur la complémentarité peuvent expliquer un tel phénomène. Pour la première thèse, on avance l'hypothèse selon laquelle `'qui se ressemblent s'assemblent''. Tandis qu'en vertu de la seconde thèse ``les contraires s'attirent''. De ces deux thèses, on peut déduire qu'une personne peut être attirée vers une autre personne par le fait qu'elle perçoit chez elle certaines ressemblances soit sur le plan physique, soit sur le plan affectif, soit sur le plan socio-économique. L'attraction sexuelle peut s'expliquer aussi par la perception de l'individu d'une personne qu'il estime pouvant l'aider à combler certains vides de sa vie tant sur le plan affectif que sur le plan socio-économique.

La beauté constitue l'un des critères les plus importants dans l'attraction sexuelle. Ceci n'est pas un fait récent. Les Allgeier avancent à ce propos : ``Tout au long de l'histoire de l'humanité, les conceptions de la beauté et de la séduction ont été étroitement associées''108(*). L'idée de la jouissance prend souvent naissance à partir de l'apparence physique. Ceci est surtout fondamental pour les hommes. Très souvent on se fait une idée de la satisfaction sexuelle que l'on peut tirer d'une relation avec l'autre seulement en essayant d'associer par la pensée son attrait physique au plaisir prétendu que ce dernier peut procurer. D'où le rôle des fantasmes dans l'attraction sexuelle. Car les fantasmes et les rêves diurnes peuvent être une source de divertissement en nous permettant de nous transporter dans des lieux excitants, de rencontrer des personnes célèbres et de nous lancer en des aventures érotiques passionnantes''109(*). Ce qui pose problème ce sont les critères considérés pour désigner la beauté. Car celle-ci relève de l'ordre de la subjectivité. En dépit de tout, le degré de jouissance à tirer lors d'une relation sexuelle dépend en grande partie de l'idée que l'on se fait de l'attrait physique de la personne avec qui on noue une telle relation. C'est vrai que l'attrait physique joue un rôle important dans l'attirance sexuelle, mais on n'est pas toujours attiré vers une personne estimée très belle. Pour expliquer l'attraction sexuelle, les théoriciens de la psychologie sociale mettent en évidence le phénomène de l'appariement selon lequel, les gens tiennent compte de leur chance de conquête avant de s'aventurer auprès de la personne de l'autre sexe. Gergen et collaborateurs, pour leur part, avancent cette hypothèse : ``Les personnes qui doutent de leur propre valeur ne peuvent pas imaginer réussir auprès d'une personne belle''110(*). Juste pour ne pas se procurer d'ennuis, tout être rationnel devrait procéder à une juste évaluation de la réalité avant de prendre des risques.

Mais, il faut souligner que la beauté ne revêt pas la même importance pour les individus des deux sexes. En général, les hommes semblent réagir beaucoup plus à la beauté que les femmes111(*). La beauté est censée être l'un des critères retenus par l'homme pour s'aventurer auprès d'une femme. Il en est autrement pour une femme. La femme pour sa part privilégie les intérêts matériels et les avantages sociaux. Gergen et coll. continuent dans cette même lancée pour émettre cette hypothèse : ``Il semble que les hommes peuvent négocier sur le marché hétérosexuel avec un grand nombre d'atouts, incluant leurs ressources financières, leur expérience et leur rang social, et que leur apparence a moins d'importance112(*)''.

On doit comprendre que la relation sexuelle n'est pas seulement le résultat du jeu des organes génitaux. Il y a tout un ensemble de mécanismes qui rentrent en jeu dans ce processus. Si nous parlons de l'apparence physique ceci sous-entend que le regard joue un rôle fondamental à travers les rencontres à connotation sexuelle. A côté du regard, on peut dire que tous les organes des sens prennent part d'une manière ou d'une autre dans une relation sexuelle. A ce propos, les Allgeier stipulent : ``Le plaisir sexuel est associé à une grande variété de stimuli sensoriels. Une chanson, un parfum et une réclame publicitaire sont quelques-uns des stimuli qui peuvent devenir sexuellement excitants pour certains.113(*) En cela, on peut repérer la place de l'ouï, de l'odorat et de la vue. Si ces organes interviennent comme des préliminaires, quant à ce qui concerne le goût et le toucher ce sont les organes de sens très actifs dans l'acte sexuel même. De toute façon autant que l'individu est exposé à des stimuli qui suggèrent en lui l'idée de passer à l'acte sexuel c'est autant qu'il sera tenté d'adopter des comportements appropriés en vue d'atteindre une telle fin. Car le comportement sexuel est lié pour toujours à la nature psychologique114(*).

Il est très important de considérer le comportement sexuel comme l'un des manifestations comportementales de l'individu. Vu que tout comportement s'inscrit toujours dans un cadre motivationnel, il convient de rappeler que le schéma du cycle motivationnel, de neuf étapes,115(*) peut nous aider à mieux comprendre les raisons explicatives d'un comportement sexuel. Essayons de relater ces neuf étapes du cycle de la motivation tout en l'appliquant au cas de la sexualité.

La motivation commence avec l'existence d'un besoin considéré comme un stimulus, celui-ci va donner lieu à un état de déséquilibre, ce qui porte le sujet à prendre conscience de l'existence des moyens d'assouvissement. A partir de cette prise de conscience, le sujet commence par se fixer des objectifs en tenant compte de sa potentialité. Une fois les objectifs se sont fixés, il va adopter des modes de comportements appropriés dans le but de les atteindre. A la sixième étape, le sujet procède à une évaluation du profit tiré. La conséquence tirée va lui permettre de faire une réévaluation de son état de déséquilibre. Dans le cas où ce besoin a été satisfait, il y a de l'assouvissement, mais dans le cas contraire, le sujet pourrait toujours être tenté de recommencer le cycle jusqu'à la satisfaction de ce besoin.

Dans le cas de la sexualité, le besoin se traduit par le désir de l'individu de rentrer en intimité avec une personne de l'autre sexe. Un tel désir pourrait être source d'un état de déséquilibre chez l'individu dans la mesure où il peut donner lieu à une diminution de la performance de l'individu dans certains domaines du fonctionnement. Face à la persistance de cet état de déséquilibre, l'individu commencera par prendre conscience qu'il peut trouver la compagnie d'une personne de l'autre sexe. Par conséquent, il va se fixer des objectifs à atteindre à travers la relation avec une personne de l'autre sexe ; la nature de ses objectifs le canalisera vers l'adoption du comportement approprié, soit de s'aventurer auprès de la personne avec qui il pense qu'il pourrait partager cette intimité et atteindre ses objectifs. Après avoir trouvé une personne de l'autre sexe avec qui le sujet partage son intimité, il procédera à une comparaison de son bien être émotionnel actuel eu égard à son état émotionnel avant d'avoir eu une telle relation. Cette comparaison lui permettra de réévaluer son état de déséquilibre. En ce cas, il se rendra compte dans quelle mesure cette relation lui a apporté quelque chose de positive, est-ce que ses attentes ont été comblées ou non. Sa subjectivité compte pour beaucoup. Dans la mesure où il est satisfait de cette relation, il n'envisagerait pas de rentrer en relation avec d'autres personnes, mais dans la mesure où ses objectifs n'ont pas été atteints, bref, si les attentes de l'individu pour une telle relation n'ont pas été comblées, il pourrait mobiliser à nouveau toutes ses ressources en vue de trouver une autre personne qui pouvont combler son état de déséquilibre.

4.2.-LA PLACE DE LA SITUATION SOCIO-ÉCONOMIQUE DANS L'ADOPTION D'UN COMPORTEMENT SEXUEL

A côté de l'aspect psychophysiologique du comportement sexuel, il y a d'autres éléments importants à considérer dans l'adoption d'un comportement sexuel. Ainsi la situation socio-économique influe grandement sur le comportement sexuel de l'individu. Tout comme, un comportement sexuel peut viser à combler un besoin affectif chez l'individu, il peut aussi servir comme un moyen pouvant lui permettre de combler d'autres besoins pour qui la relation sexuelle n'a pas été conçue. Un autre besoin quelconque peut occasionner l'adoption d'un comportement sexuel donné chez l'individu.

En dépit du fait que le but de la relation sexuelle est de donner à l'autre sa volupté et recevoir de l'autre la sienne116(*), l'acte sexuel sert parfois de moyen pouvant permettre d'aboutir à l'assouvissement de besoins de portée économique. Donc il y a en quelque sorte un déplacement quant au but visé par la relation sexuelle. C'est ce qui explique le phénomène de la prostitution. Si nous sommes d'accord avec la définition selon laquelle la prostitution serait des relations sexuelles payantes, on peut avancer que la prostitution prend diverses dimensions. Le commerce sexuel légal qui se fait par l'entremise des proxénètes n'est que l'une de ces manifestations. C'est un fait fondamental dans notre société où les choix sexuels se font beaucoup plus en fonction d'intérêts matériels qu'en fonction de critères d'ordre affectif.

Quand les relations sexuelles se fondent surtout sur des intérêts matériels, il y a une possibilité d'aboutir à un manque d'implication des deux partenaires. En ce sens, le partenaire le plus aisé pourrait avoir une tendance à chercher à prendre l'emprise sur le partenaire le moins fortuné. Par conséquent, l'autonomie sexuelle de l'individu se trouve automatiquement en jeu. La plupart des recherches portant sur la sexualité des adolescents ont montré qu'il existait un lien entre la situation socio-économique familiale et les attitudes, les croyances et les actions des adolescents117(*). Un jeune plus ou moins défavorisé est beaucoup plus susceptible d'avoir des relations sexuelles précoces que quelqu'un de condition socio-économique plus ou moins aisée. La vulnérabilité est aussi fonction du sexe de l'individu. Ainsi, dans une même famille défavorisée, la jeune fille est beaucoup plus exposée. Car dans notre culture, l'organe sexuel de la femme est perçue comme source de richesse, tandis que la possibilité pour l'homme de tirer des profits matériels d'une relation sexuelle est peu élevée. Toutefois, certaines femmes fortunées exploitent sexuellement des hommes en leur procurant des profits matériels.

L'aspect socio-économique ne se réduit pas seulement à la potentialité financière, il englobe aussi le niveau d'études de l'individu. D'ailleurs, dans une certaine mesure quelqu'un ayant un niveau intellectuel enviable peut même parvenir à concurrencer un partenaire ayant un niveau économique supérieur dont le niveau d'étude est inférieur. De toute façon, certains jeunes aimeraient toujours avoir des relations avec des gens qu'ils estiment valorisés socialement.

Dans notre société, la situation socio-économique pèse beaucoup plus pour les hommes que pour les femmes. On estime que l'homme devrait avoir une situation socio-économique plus favorisée que la femme. Bien qu'on accepte le fait que les deux partenaires peuvent être au moins de même situation socio-économique, surtout si celle-ci n'est pas aussi défavorisée, on n'admet pas que la femme puisse avoir une situation socio-économique supérieure à l'homme. Un homme de son côté peut même se laisser aller à un complexe d'infériorité au point que l'idée d'avoir des relations sexuelles avec de telles femmes ne soit pas sa préoccupation. Donc, l'homme est beaucoup plus susceptible de chercher la compagnie de la personne de l'autre sexe ayant une situation socio-économique inférieure à la sienne tandis que chez la femme défavorisée, c'est l'inverse qui se produit. Par conséquent, l'homme de niveau socio-économique peu favorisé qui arrive à avoir des relations sexuelles avec une femme fortunée est traité en macho.

A côté de ses préférences, il y a aussi le poids des exigences sociales, notamment les exigences familiales à l'endroit de l'individu par rapport à la situation socio-économique du partenaire de l'autre sexe. Le plus souvent, les parents peu fortunés nourrissent l'espoir que leurs filles contribueront à changer leur situation. Parallèlement, ils n'attendent rien de meilleur de leurs fils, car selon eux, ces derniers n'auront qu'à travailler pour répondre aux besoins de leurs éventuelles femmes. Voilà une conception traditionnelle qui oriente les jeunes dans leur choix sexuel. En fait, la fille est considérée comme source de richesse pour ses parents, tandis que l'homme lui-même comme source de richesse pour la femme.

La situation socio-économique est aussi exploitée par l'homme comme un moyen pour avoir autant de partenaires sexuels qu'il désire. Il y a là une relation de cause à effet. Comme beaucoup de jeunes filles défavorisées se servent du sexe comme moyen de subvenir à leurs besoins matériels et à ceux de leur famille, l'homme tire profit de cette situation en prétendant qu'il peut orienter la relation selon ses caprices. Ceci pose même un obstacle à travers l'usage du condom. C'est ainsi que la recherche réalisée par AIDSCAP prouve qu'il est beaucoup plus difficile pour une femme de condition socio-économique défavorisée de porter un homme à mettre le condom qu'une femme aisée118(*). La réalité c'est que le rôle de la femme dans les relations sexuelles se fonde sur une question de pouvoir. Donc le genre importe peu dans certaines relations intimes, l'initiative revient à celui dont la situation socio-économique est mieux favorisée. D'où autant qu'il y a un certain équilibre par rapport à la situation socio-économique des deux partenaires, c'est autant que leur relation peut être mieux harmonisée, c'est-à-dire on peut aboutir à une meilleure implication des deux partenaires dans la relation. Ce qui est important c'est que chacun réalise qu'il n'est pas indispensable pour l'autre.

4.3.-LE COMPORTEMENT SEXUEL : SYMBOLE DE RÉSISTANCE OU DE COMPROMIS

La sexualité peut avoir plusieurs interprétations. A l'adolescence, elle peut se présenter comme un symbole de résistance tout comme elle peut se présenter comme un symbole de compromis. Résistance c'est surtout par rapport aux figures d'autorité, compromis par rapport aux groupes de pairs. La sexualité humaine est avant tout un phénomène social. D'ailleurs, d'après Oraison, la rencontre sexuelle proprement dite est un acte profondément social119(*). A l'instar de tous les actes sociaux, la sexualité est soumise à un ensemble de principes véhiculés par la société à travers ses principaux agents de socialisation comme la famille, l'école, l'église et les institutions étatiques qui tendent à limiter l'individu dans les manifestations de son comportement sexuel. C'est dans ce contexte que Foucault avance le fait selon lequel notre sexualité à la différence de celle des autres espèces est soumise à un régime de répression120(*). Malheureusement, très souvent les répressions de la sexualité se font sans tenir compte des besoins physiologiques et naturels de l'individu. Le fait important qui mérite d'être compris est cette hypothèse émise par Reich : « Tout comme pour la pulsion alimentaire il y a un mécanisme, un métabolisme ordonné ou désordonné, il en est de même pour la pulsion sexuelle »121(*).

En dépit de tout, on ne peut pas sous-estimer les normes sociales régissant la matière. D'ailleurs, Reich continue pour dire que le mécanisme qui intervient dans la satisfaction de la pulsion sexuelle dépend essentiellement de l'attitude de la société et de ses institutions face à cette satisfaction122(*). Par conséquent, la sexualité normale sous-entend que l'individu a une certaine habileté à accommoder les exigences de la société à sa pulsion sexuelle. Quand les contraintes sociales sont tellement élevées, l'individu peut choisir de se révolter. C'est à ce niveau que les jeunes peuvent être amenés à manifester une très grande volonté de s'affranchir. L'affranchissement des contraintes sexuelles peut être pour l'individu un signe d'affranchissement de toutes les autres contraintes. Donc engager des relations sexuelles peut traduire la conquête d'une liberté totale pour l'individu. D'après Tordjman, nombre d'adolescents ont pris conscience que la libération sexuelle était une forme de libération personnelle123(*).

Tout comme l'adoption d'un comportement sexuel peut être interprétée comme signe de résistance, il peut résulter aussi du désir de l'individu de se conformer aux règles du jeu de sa bande. Par conséquent, l'individu peut adopter un comportement sexuel pour se montrer qu'il est digne de faire partie d'un tel groupe donné. La peur d'être ridiculisé constitue l'une des raisons expliquant l'adoption d'un comportement sexuel donné. D'ailleurs, sous la pression verbale et quelquefois physique de ses pairs, le jeune peut être amené à se questionner sur son intégrité psychique et émotionnelle. Le fait pour un jeune d'être le seul à avoir adopté un comportement donné en matière de la sexualité peut l'entraîner à de sérieuses remises en question. Se conformer aux autres lui devient donc une alternative.

4.4.- LA PLACE DES VALEURS À TRAVERS LE CHOIX D'UN COMPORTEMENT SEXUEL

Selon Guy Rocher, une valeur est définie par ``une manière d'être ou d'agir qu'une personne ou une collectivité reconnaisse comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquels elle est attribuée''124(*). Toute société par l'intermédiaire de ses institutions oriente le comportement de ses membres d'une manière ou d'une autre. Ce qui caractérise avant tout une valeur c'est son caractère de sacré et d'inviolabilité.

Les valeurs véhiculées par la société constituent normalement ce que l'on appelle le surmoi en fonction de la théorie psychanalytique. Celles-ci sont reproduites sous formes d'interdits. On parle surtout d'interdits parentaux et d'interdits religieux. Bref, il s'agit d'interdits sociaux, c'est-à-dire des limites que la société pose à nos actions. Comme il a été déjà mentionné, l'individu n'est pas totalement libre par rapport au type de comportement sexuel qu'il est tenu d'adopter. Il y a tout un ensemble de facteurs indépendants de sa volonté, quelquefois de manière inconsciente qui l'orientent vers l'adoption d'un comportement donné. Si l'individu choisit d'adopter un comportement sexuel juste pour se conformer à ses pairs, les interdits sociaux peuvent aussi le porter vers des comportements sexuels bien spécifiques. Fort de ce constat, Dr Legrand Bijoux a fait cette considération : ``L'enfant n'a qu'à s'identifier à ses proches, les adultes n'ont qu'à suivre la tradition''125(*). L'idée de rester attacher aux manières d'agir de ses ascendants peut se traduire tout au moins par un certain conformisme. Par exemple, le fait pour une jeune fille vivant dans une famille qui accorde de grande importance à la virginité, peut porter celle-ci à résister à toute excitation sexuelle juste pour ne pas transgresser les normes familiales suivie par toutes les autres filles de la même lignée familiale ; les transgresser peut rendre l'individu indigne des autres membres de la famille. On peut même interpréter son acte comme une infamie. Il en est de même pour les valeurs véhiculées par l'église, la classe sociale et même d'autres clans. C'est à ce propos que Lévy et coll. émettent cette hypothèse : ``La religiosité, l'éducation, la classe sociale et le degré d'urbanisation influent les standards sexuels126(*).

Ce qui est important d'être compris c'est que la société elle-même envisage des standards sexuels se rapportant à chaque groupe de personnes distinctement. Si tel comportement sexuel est accepté pour des personnes qui ne pratiquent pas le christianisme, on le reprouve pour ses adhérents. De même, on pourrait accepter que quelqu'un ayant tel niveau d'étude ou ayant été dans telle institution scolaire puisse adopter tel comportement sexuel qu'on reprouverait pour quelqu'un d'autre. Il en est ainsi pour la provenance sociale et le milieu d'habitat.

Par conséquent l'intériorisation des valeurs peut mettre l'individu en face d'un dilemme dont l'incapacité de mieux trouver l'équilibre entre ses besoins et les attentes des autres à son égard peut devenir pour lui source de conflit interne, ce que l'on pourrait qualifier de conflit intrapsychique opposant le Ça avec le Surmoi.

Normalement, tout humain vit avec des besoins qui demandent d'être assouvis. Il y a trois instances dans l'appareil psychique qui interviennent dans la régulation des besoins de l'individu. En effet, on a le Ça, une composante que l'individu hérite dès sa naissance. Son fonctionnement est régi par le principe du plaisir. Ce qui importe c'est qu'on a un besoin, on devrait le satisfaire, advienne que pourra. Il n'est donc pas question à ce niveau de tenir compte de la réalité voire de se référer à des normes préalablement établies. Le Surmoi lui-même intervient en vue de poser des bornes aux actions de l'individu. Par conséquent, l'individu se trouve au conflit qui oppose ses pulsions aux exigences du milieu. Agir dans un sens ou un autre est susceptible d'avoir des impacts négatifs sur l'intégrité psychologique de l'individu.

Dans le cas de la sexualité, satisfaire les besoins du Ça sans tenir compte des exigences du Surmoi peut provoquer à l'avenir un sentiment de culpabilité chez l'individu au point que le remords peut en résulter. Parallèlement, répondre aux exigences du Surmoi en faisant fi de ses propres besoins sous-entend que l'individu cesse d'exister et devient le simple jeu des attentes des autres. L'intervention du Moi permettra à l'individu de pouvoir lier les exigences du Surmoi à ses besoins. Il faut souligner que le Moi agit en fonction des intérêts de l'individu. C'est en ce sens que Gonet avance que c'est le besoin de se protéger qui donnera lieu à la formation du Moi127(*). Quand le Moi s'implique davantage dans l'adoption du comportement sexuel de l'individu à ce moment, on pourrait parler du comportement sexuel autonome.

4.5.- LES IMPLICATIONS DU COMPORTEMENT SEXUEL AUTONOME

Comme il a été préalablement mentionné, le comportement sexuel autonome c'est un comportement sexuel que l'on adopte tout en étant prêt à assumer les conséquences qui peuvent en résulter. Par conséquent, pour parler de comportement sexuel autonome, il est indispensable que l'individu tienne compte de ses besoins, attentes et idéaux tout en cherchant à les concilier aux exigences parentales, religieuses et tout autre interdit. Il convient donc pour l'individu non pas de réprimer ses pulsions, ni de rejeter les normes sociales admises par sa société en matière de la sexualité, mais de les questionner juste pour voir dans quelle mesure il peut les accepter pour ce qui concerne son comportement sexuel.

En adoptant un comportement sexuel, l'individu doit toujours penser à son bien être. A travers tout ce qui vient d'être considéré, on peut dire que le comportement sexuel autonome se définit avant tout par la capacité de l'individu de pouvoir jouer avec les facteurs externes qui peuvent influer sur son comportement sexuel. Celui-ci ne doit pas s'expliquer par la conséquence des situations auxquelles l'individu est confronté. Sinon on pourrait parler d'un manque de cohérence au niveau de son comportement. Car, la personne cohérente établit un équilibre entre sentiments, pensées et actions128(*). Adopter un comportement sexuel autonome sous-entend que l'individu détient la capacité de pouvoir s'affirmer en présence des circonstances bien spécifiques. Il ne faut pas oublier que l'affirmation de soi suppose de prendre des risques. Car se poser c'est risquer de déplaire et de se perdre129(*).

Cette affirmation de soi revêt plusieurs aspects. D'abord, pour être autonome dans son comportement, on ne peut pas manifester un désir de plaire constamment aux autres tout en voulant conserver son estime. On doit de toute façon faire un choix, mais un choix que l'on peut assumer. Il ne faut pas s'adonner à un comportement sexuel juste pour faire plaisir à son partenaire ou aux groupes de pairs, du moins adopter une position imposée par les figures d'autorité. Ainsi, pour Lemieux : ``Quelque soit le sentiment éprouvé au départ d'une relation, si deux êtres sont assurés de leur valeur individuelle, ce qui est recherché ou découvert dans l'autre , c'est ce qui nous avait toujours manqué, un complément, et non une raison d'existence qu'on peut tout aussi trouver en soi''130(*). L'important pour l'individu à travers une relation sexuelle c'est d'agir de manière à combler avant tout ses attentes même lorsqu'on doit chercher à plaire à l'autre partenaire ou à se conformer aux valeurs sociales.

Un comportement sexuel qui exclut l'implication personnelle de l'individu en question ne saurait être considéré comme un comportement sexuel autonome. C'est ainsi, dans le cadre de notre travail empirique, nous aurons à questionner le degré d'implication de l'individu dans ses actes sexuels en vue de voir dans quelle mesure ceux-ci pourraient permettre de parler de comportement sexuel autonome. Dépendamment du degré d'implication du sujet, on pourrait amener à parler de comportement sexuel très autonome, peu autonome ou non autonome.

TROISIÈME PARTIE

CADRE MÉTHODOLOGIQUE

* 104 RWENGE, Mburano, Facteurs contextuels des comportements sexuels : Le cas des jeunes de la ville de Bamenda (Caméroune), Institut de Formation et de Recherche Démographiques, (IFORD), Yaoundé/Cameroun, octobre 1999.

* 105 Allgeier, A. R./ Allgeier, A. R./, Sexualité humaine: dimensions et interactions, Centre éducatif et culturel inc, Montréal, 1989, page 204.

* 106 Allgeier, A. R./ Allgeier, A. R./, Sexualité humaine: dimensions et interactions, Centre éducatif et culturel inc, Montréal, 1989, page 256.

* 107 Freud, Sigmund, Trois essais sur la théorie sexuelle, collection Folio/Essais, Gallimard, paris, 1987, page 180.

* 108 Allgeier, A. R./ Allgeier, A. R./, Sexualité humaine: dimensions et interactions, Centre éducatif et culturel inc, Montréal, 1989, page 232.

* 109 Idem, page 254.

* 110 Gergen, Kenneth et coll., Psychologie sociale, Etudes vivantes, 2e edition, Québec, 1992, page 113.

* 111 Idem, page 114.

* 112 Idem.

* 113 Allgeier, A. R./ Allgeier, A. R./, Sexualité humaine: dimensions et interactions, Centre éducatif et culturel inc, Montréal, 1989, page 234.

* 114 Van Pelt, Nancy, Pour le meilleur et pour la vie, Vie et Santé, Dammarie les Lys Cedex, 1987.

* 115 Szilagyi et Wallace cites par Léandre Maillet, Psychologie et organisation: L'individu dans son milieu de travail, Agence d'ARC inc., Ottawa, 1988, page 147.

* 116 Oraison, Marc, Le Mystère humain de la sexualité, Seuil, Paris, 1966, page 111.

* 117 Lévy, Joseph et collaborateurs, Sexualité, contraception et Sida chez les jeunes adultes, variations ethno-culturelles, collection Vision globale, Méridien, Québec, 1992, page 40.

* 118 Family Health International/AIDSCAP, Evaluation qualitative des connaissances, attitudes et comportements concernant les MST/SIDA en Haïti, Synthèse globale par Calixte Clérismé, pages 17, 18.

* 119 Oraison, Marc, Le Mystère humain de la sexualité, Seuil, Paris, 1966, page 116, 117.

* 120 Foucault, Michel, Histoire de la sexualité, tome 1, La Volonté de savoir, collection Tel, Gallimard, Paris, 1976, page 170.

* 121 Reich, Wilhelm, L'irruption de la morale sexuelle, Petite Bibliothèque Payot, Paris, 1972, page 179.

* 122 Idem.

* 123 Tordjman, Gilbert, Réalités et problèmes de la vie sexuelle - Adolescents, Hachette, Paris, 1978, page 137.

* 124 Rocher, Guy, Introduction à la sociologie générale. 1, L'action sociale, Editions Hurtubise HMH, Montréal, 1969, page 56.

* 125Legrand, Bijoux, Coup d'oeil sur la famille haïtienne, Edition des Antilles, Port-au-prince, 1990, page 31.

* 126 Lévy, Joseph et collaborateurs, Sexualité, contraception et Sida chez les jeunes adultes, variations ethno-culturelles, collection Vision globale, Méridien, Québec, 1992, page 11.

* 127 Gonet, Louis, Adolescents, drogue et toxicomanie, Chronique sociale, Lyon, 1992, page 49.

* 128 Jongeward, D./ Scott, D, Gagner au féminin, l'analyse transactionnelle pour la nouvelle femme, Inter Editions, Paris, 1979, page 33.

* 129 Portelance, C., Relation d'aide et amour de Soi, 2e CRAM, Montréal (Québec), 1991.

* 130 Roger Lemieux in Teach-in sur la sexualité, collection Vie moderne dirigée par Hélène Pilote, Edition de l'homme, Montréal, 1970, page 21, 22.

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Cactus Bungalow - Bar Restaurant on the beach @ Koh Samui


"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon