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Quand les lettres masquent les maux

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par Jean-François LEMOIGNE
Institut de formation en soins infirmiers de Laxou - Diplôme d'infirmier d'état 2011
  

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IV. ANALYSE DES ENTRETIENS

Pour commencer, avant chaque début d?entretien, j?ai demandé l?autorisation de pouvoir enregistrer nos conversations, de façon à pouvoir rester le plus fidèle possible aux réponses apportées, lors de la retranscription.

Voici d?ailleurs un tableau46 qui reprend les caractéristiques de chacune des interlocutrices, afin de pouvoir mieux les situer, par rapport à leur ancienneté dans la profession, la fonction qu?elles occupent, et le lieu où elles exercent :

Lieu

Interlocuteur

Fonction

$nnéI-W LId'I-(I-LFice dans la fonction

 
 


·

Infirmière depuis


·

16 ans

Service de
chirurgie

Mme S

 

1994

 
 
 
 


·

Cadre depuis 2006


·

04 ans

 
 


·

Infirmière depuis


·

18 ans

Service de
neurologie

Mme X

 

1992

 
 
 
 


·

Cadre depuis 2006


·

04 ans

 
 


·

Infirmière depuis


·

19 ans

Service de
pneumologie

Mme Z

 

1991

 
 
 
 


·

Cadre depuis 2000


·

10 ans

 
 


·

Infirmière depuis


·

35 ans

Service de
réanimation

Mme A

 

1975

 
 
 
 


·

Cadre depuis 1988


·

22 ans

Service de
cardiologie

Mme L


·

Infirmière depuis 2006


·

04 ans

46 J?ai décidé d?attribuer une couleur différente à chaque personne, de façon à pouvoir reconnaître ses propos plus facilement, par la suite.

Lors de mes différentes requêtes, j?avais demandé à pouvoir m?entretenir soit avec des cadres, soit avec des infirmier(e)s. Il se trouve que j?ai rencontré quatre cadres infirmiers, et une seule infirmière. Je me suis fait cette remarque, pensant que cela pourrait peut-être fausser mon analyse.

Puis finalement, je me suis dit, qu?avant d?être cadre, il fallait être infirmier(e). Cela m?a permis, en quelque sorte, de pouvoir connaître l?opinion de ces personnes, sous deux angles différents : d?abord le point de vue d?une infirmière, et ensuite celui d?une infirmière cadre.

De plus, chacune d?entre elles ayant un cursus différent, et évoluant dans des services de soins tout à fait différents également, les réponses apportées n?en sont que plus utiles dans la conduite de mes recherches sur le sujet.

Ensuite, l?idée que ces personnes ont de la rigueur est partagée. Dans l?ensemble, lorsque je les ai questionnées sur le sujet, celles-ci m?ont cité assez rapidement l?application des protocoles, le fait de savoir prendre en compte les conseils des collègues plus anciens, le respect des horaires de travail. Egalement le fait de pouvoir être méticuleux dans son organisation, afin d?être plus efficace, mais aussi avoir un comportement irréprochable, vis-à-vis du patient. Que ce soit dans la manière de communiquer, ou dans la façon d?exécuter les soins.

A ce titre, Mme S. pense que cette rigueur, bien que nécessaire au travail, doit être mesurée pour tout ce qui touche la relation à l?autre et dit : 44 ...rigueur sur la qualité des soins, mais rigueur à tempérer sur tout ce qui est organisation relationnelle, car la rigueur dans du relationnel, c'est, à mon sens, pas du tout pertinent... Donc, voilà, rigueur sur certains points, mais pas sur tout. »

Quant à Mme A., qui travaille dans un service de réanimation, la rigueur peut-être associée à de la discipline, qu?elle soit dans la façon de dispenser les soins, dans le rangement des locaux ou dans l?organisation des différentes taches. Elle précise que l?habitude est un facteur dont il faut se méfier : 44 D'ailleurs, l'habitude, c'est quelque chose de très mauvais pour la rigueur.»

En poursuivant l?analyse de mes entretiens, il s?avère qu?une personne seulement, Mme Z, m?a parlé de la nécessité d?effectuer des transmissions claires et précises : « Et ben ça se traduit par le fait qu'on fait les choses dans les temps..., et puis, dans les transmissions, essayer d'être bien précis, dans ce qu'on dit, dans ce qu'on écrit ». Je me suis alors demandé si les autres personnes interrogées pensaient qu?elles n?étaient sujettes à aucun dysfonctionnement.

J?ai donc, lors des entretiens, essayé d?en savoir plus sur ce qu?elles pensaient de l?utilisation du dossier de soins, des pratiques de langage au sein des équipes, qu?elles soient orales ou écrites.

Et notamment, connaître la place qu?occupent les sigles, les acronymes et les abréviations dans leur quotidien professionnel.

La réponse ne s?est pas faite attendre car toutes m?ont affirmé en utiliser régulièrement dans leur service. Je leur ai donc demandé à quelle occasion, et dans quelles situations elles étaient amenées à le faire. Et quels avantages cette façon de communiquer présentait-elle?

Il en ressort que, dans la pratique professionnelle, l?ensemble des infirmières utilise cette façon de communiquer, car cela revêt, pour elles, quelques avantages. D?abord, cela a un côté pratique, dans la mesure où le langage et la lecture paraissent plus fluides47. Certaines précisent, à ce sujet, que le fait d?avoir « des cases trop petites » ,dans les dossiers, ou sur les tableaux réservés aux plannings de soins, nécessite d?adapter son écriture pour gagner de la place.

Ensuite, l?écriture est plus rapide, et en même temps, cela leur évite d?avoir à réécrire ou répéter, chaque fois, les mots en entier. Et puis, selon elles, le fait de prononcer tous les mots en entier alourdirait les phrases, à l?instar du texte de J.HESKA48, et constituerait une perte de temps. D?ailleurs, les cinq personnes interrogées se rejoignent sur ce point :

- Mme S. se montre catégorique et me dit, au cours de l?entretien : 44...la rapidité d'écriture, c'est indéniable ». Ses propos sont rejoints par ceux de Mme X, qui affirme : 44 ...c'est un gain de temps dans l'écriture, c'est vrai ! Mais, sinon, j'en vois pas d'autre, c'est juste un gain de temps ».

- Mme L., qui est la seule infirmière, sans occuper la fonction de cadre, se montre un peu plus précise, quant aux raisons qui la motivent à s?exprimer de la sorte : 44 ...La rapidité

47 Idée reprise par le Dr Di COSTANZO. Cadre conceptuel, p.9.

48 Cf. Annexes. Texte intitulé 44 Un monde idéal où les acronymes n'existent pas ».

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d'écriture. On a tellement de paperasse à faire, on a tellement de choses à remplir... que s'il faut commencer à écrire tous les mots en entier... On en finira pas. En plus, les termes médicaux sont assez compliqués, alors c'est plus facile de les écrire en abréviations ou en acronymes 0. Puis, plus tard, elle me confie y trouver un avantage, également, lors de la relève : 44 Lors des relèves, aussi, on n?a pas beaucoup de temps pour faire le tour des patients49. Du coup, il faut aller à l?essentiel, et c?est vrai que les acronymes et les abréviations permettent d?aller plus vite 0.

- Mme Z., quant à elle, est plutôt axée sur l?expression elle-même, et pense que cela permet un débit plus rapide : 44 ...ben, ça raccourcit peut-être certains termes, donc peut-être une rapidité dans la formulation des choses... que l'on n'a pas si on utilise le terme exact 0.

- Mme A., la plus anciennement diplômée parmi mes cinq interlocutrices, se montre plus réservée sur le sujet et ne voit, dans l?utilisation des sigles et des abréviations, qu?un avantage relatif, dans les écrits : 44 Moi j'en vois...j'en vois pas... A l'écrit peut-etre... 0.

Plus tard, elle précise que ceux qu?elle tolère sont uniquement ceux qui sont admis et reconnus, dans son service, et qui ne sont donc sujet à aucun problème d?interprétation : 44 On a le droit à l'acronyme si on a donné sa définition en premier lieu. Par exemple, si, on a des acronymes qu'on utilise souvent~ Je ne vois pas une infirmière marquer « fréquence respiratoire, fréquence cardiaque », elle va mettre « FR, FC a». Mais là, c'est vrai qu'on estN Là, c'est des acronymes de terrain. Effectivement, ceux-là, ouis 0.

D?autres raisons viennent s?ajouter au fait que les professionnels continuent d?utiliser cette forme de langage :

1) L'habitude : en effet, ayant l'occasion de les utiliser régulièrement, « c'est

rentré dans les moeurs », comme m?a confié une de mes interlocutrices, Mme X.

Mme S, quant à elle, avoue utiliser exclusivement une base commune de sigles et d?abréviations qui, à ses yeux, ne peuvent etre la cause d?une quelconque erreur d?interprétation. Elle me dit : 44 ...tous ceux que nous utilisons sont issus du tronc commun, que tout le monde connaît 0 .

Et si danger il y avait, notamment dans les écrits, il lui paraîtrait alors nécessaire d?en préciser le sens, dès la première utilisation.

Elle ajoute, par rapport à cela : 44 Moi-mame, quand je fais un courrier et que j'utilise plusieurs fois les mames acronymes ou abréviations, comme vous voulez, j'aime bien établir une liste avec les définitions, pour éviter de les réexpliquer à chaque fois 0.

En outre, plusieurs des personnes interrogées pensent que les acronymes sont surtout d?origine médicale, et que les infirmières ne font que reproduire ceux qui leur sont transmis par les médecins avec lesquels elles travaillent. Elles précisent alors, qu?en cas de doute, il est toujours possible de contacter l?auteur afin de corriger une éventuelle ambiguïté.

Par exemple, Mme Z. qui parle de ses souvenirs d?étudiante : 44 C'est un peu, je me souviens... comme quand on est en cours... On prend des notes, on recopie les acronymes et les abréviations des médecins, et si on ne comprend pas, on demande, et après, on peut les utiliser, en sachant de quoi on parle 0.

Mme A, quant à elle, se réfère à ce qu?elle voit dans les dossiers médicaux et affirme : 44 Oui...Oui... Et là, on en retrouve ! Parce que bien souvent, les infirmières recopient comme c'est écrit dans le dossier médical...ça vient des médecins ! Enormément. D'ailleurs, les acronymes sont médicaux. 0

2) Un facteur d'intégration et d'identité professionnelle : lorsque nous avons abordé les conditions favorables à l?intégration d?un nouveau membre, dans une équipe de soins, plusieurs éléments ont retenu mon attention.

D?abord, certaines interlocutrices m?ont avoué préférer etre présentes lors du premier entretien d?embauche, car elles estiment que leur approbation doit rester primordiale dans le choix d?un candidat. En effet, comment un nouveau professionnel pourrait-il s?épanouir, au sein d?une équipe, sans avoir été accepté par son futur supérieur hiérarchique direct ?

49 Cf. propos d?Olivier GUEGUAN. Op. Cit. Cadre conceptuel, p.9

A ce sujet, Mme S pense que cette situation constituerait un frein important dans le bon déroulement du travail quotidien, voire un facteur de mauvaise ambiance au sein de l?équipe : 44 ...je pense qu'il est important de participer à l'entretien d'embauche. Je pense que c'est intéressant, car si on propose un professionnel à un cadre, alors que le cadre n'a pas fait le choix de ce professionnel, ça peut être déstabilisant et le professionnel peut le ressentir ».

Ensuite, l?accueil du nouvel arrivant, qui passe par une présentation de l?équipe, du service et des locaux, des pathologies rencontrées, avec éventuellement la remise d?un livret d?accueil, livret qui tend à titre de plus en plus présent dans les services de soins. Ce dernier a pour but d?aider la personne à se familiariser, progressivement, avec son nouvel environnement. Le fait d?avoir accès à cet outil serait d?ailleurs, pour certaines, une façon de rendre les premiers jours moins anxiogènes pour le nouveau soignant.

Dans la mesure du possible, une doublure également, d?une durée plus ou moins longue (de deux à quinze jours selon le service) est quelquefois mise en place, de façon à ce que la personne, nouvellement arrivée puisse bénéficier de l?expérience d?un collègue plus ancien. Cependant, il semble que la doublure soit devenue quasiment impossible, dans certains services comme celui de Mme X., qui me dit, lors de l?entretien : 44 ...quand on arrive à faire une doublure de deux jours, avec le planning, c'est déjà bien !... Voilà... Il n'y en pas, parce qu'aujourd'hui, on recrute de date à date. Quelqu'un arrive quand quelqu'un d'autre part... Alors, des fois, avec le planning, on arrive à jongler deux jours ».

Ce soutien peut prendre la forme d?un apprentissage technique sur de nouveaux appareils, de connaissances théoriques complémentaires et spécifiques, quant à la prise en charge des patients, ou encore sur l?organisation et l?acquisition du langage propres au service.

En effet, le fait de faire partie d?un meme groupe, et de parler un langage commun à l?équipe, favoriserait, selon les personnes que j?ai pu rencontrer, une meilleure intégration et, par la suite, une reconnaissance du nouvel arrivant par ses pairs : 44...Et quand le jeune professionnel commence à bien utiliser le vocabulaire et les acronymes, ben oui, c'est comme une porte qui s'ouvre... La reconnaissance professionnelle... », pour reprendre les termes de Mme X, cadre de santé en neurologie.

Mme A. également, pense que cette reconnaissance vient des pairs, et notamment du médecin qui semble jouer, selon elle, un rôle primordial par rapport à l?intégration du nouvel arrivant dans le service : 44 Par exemple, les infirmières, elles travaillent énormément en collaboration avec l'équipe médicale. C'est le médecin qui va donner ce sentiment de reconnaissance à l'infirmière parce qu'il va lui dire si oui ou non son travail est bien fait. Et c'est pareil.... Je pense que... Actuellement, c'est les entretiens d'évaluation. On voit bien que les jeunes infirmières, quand elles arrivent à comprendre les situations, à avoir plus de sérénité lors des prises en charge, ont ce sentiment de reconnaissance... ».

D?ailleurs, dans certains services, il a été établi une liste des abréviations et des sigles couramment utilisés, de manière à ce qu?une personne novice puisse s?y référer en cas de doute ou d?incompréhension, de façon à pouvoir se l?approprier par la suite.

Mme X. va même plus loin, et rejoint les pensées de Rose-Marie MIQUEAU50. Elle explique ce phénomène par le fait que, dans chaque profession, il existe un vocabulaire spécifique, et qu?une personne qui ne parvient pas à s?approprier le langage du groupe de travail, où elle se trouve, se sentira peut-être exclue : 44 Se sentir exclue, oui. Mais bon, je pense que ce n'est pas une volonté d'exclure qui que ce soit, quand on utilise des acronymes. Mais c'est sur que ça a pour conséquence ou pas de faciliter l'intégration. Enfin, je veux dire, en neurologie, par exemple, le vocabulaire est très particulier. La terminologie est complexe, elle est riche. Et donc, quand on n'intègre pas tout ça, et dont les acronymes, car on en utilise beaucoup, ben, on est à côté, quoi...

Forcément, si on ne sait pas quoi en faire, et qu'on ne les comprend pas vite, on a l'impression d'être exclu... Et une fois qu'on maîtrise un peu plus la terminologie, ces acronymes, on se sent plus intégré... Quand les infirmières ont plus de facilités, lors des transmissions, à lire ou à dire ces acronymes, elles ont droit à...à...à plus de respect de la part de leurs collègues. ».

D?ailleurs, Mme L. semble etre de son avis quand elle dit : 44 Chez nous, tu auras des acronymes
comme « BAV », « IVG », « IVD », « FC »... Et plein d'autres... Donc, il faut quand même savoir ce

50 Propos de Rose-Marie MIQUEAU -- Cadre conceptuel. p.5

16

que ça veut dire, sinon, tu n'as rien à faire dans le service... Et puis, c'est presqu'un langage courant pour nous. Pour les soignants... 0. Plus tard, elle ajoute : 44 On a la langue « normale » pour les gens qui ne sont pas soignants, et une autre langue pour nous... 0.

Mme Z., également, pense que le groupe de travail possède sa propre façon de communiquer : 44 Parce que c'est vrai qu'aussi bien au niveau médical qu'au niveau paramédical, c'est le même langage qui est employé.. Donc, on a intérêt à s'y faire très rapidement... à chercher à savoir très rapidement ce que veulent dire les différents sigles, les différentes abréviations... Pour moi, ça me fait penser à la culture de groupe ; voilà, ça veut dire, j'appartiens à un groupe, je suis dans ce groupe là de travail. Et on parle de telle façon...

Parce que vous allez dans une autre réa... on va retrouver, évidemment, certains termes pareils, mais après, il va y avoir des spécificités en fonction des services où vous allez aller... 0.

Néanmoins, même si elles partagent la même opinion sur le fait que ne pas parler le même langage pourrait engendre l?exclusion d?un professionnel au sein de l?équipe, Mme Z. et Mme X. semblent avoir un point de vue divergent sur les intentions qui pourraient conduire certains soignants à s?exprimer ainsi :

- Mme Z. : 44 Oui, oui... Oui. Oui, tout à fait. Si ça ne passe pas avec quelqu'un, je pense qu'on est capable de faire exprès d'utiliser un langage qu'il ne comprend pas. Et ça permet... ben de l'écarter encore plus, quoi... et en même temps, de ne pas l'intégrer au groupe 0.

- Mme X. : 44 Se sentir exclu, oui. Mais bon, je pense que ce n'est pas une volonté d'exclure qui que ce soit quand on utilise des acronymes. Mais c'est sur que ça a pour conséquence ou pas de faciliter l'intégration 0.

Cependant, la plupart d?entre elles reconnaît qu?il existe certains inconvénients liés à l?utilisation de ces sigles, acronymes ou abréviations, dans la mesure où certains peuvent comporter un sens caché ou un risque de confusion.

Elles ont d?ailleurs connu au moins une situation où elles se sont retrouvées confrontées à des termes dépourvus de sens, et qui les empechaient de comprendre parfaitement l?état du patient. A ce sujet, Mme Z., m?a parlé de ses débuts, et notamment des difficultés, liées au langage du service :

44 ...quand je suis arrivée, le premier mois, j'avais l'impression d'être dans un autre monde, et je ne comprenais rien à ce qui se disait... 0.

Mme L. semble être, elle aussi, du même avis : 44 Au début, ça me choquait, et puis ça m?énervait aussi... tu vois tout le monde aller super vite, tout autour de toi... En plus, on te parle avec des termes que tu ne comprends pas. Je me suis dit 44 Mais qu'est-ce que je fous ici... ?0.

Cela peut etre le cas, lorsqu?elles prennent en charge un patient d?un autre secteur, et qu?alors, à la lecture du dossier médical, et notamment en ce qui concerne les antécédents médicaux, elles se retrouvent face à des informations imprécises ou incomplètes. Le danger serait donc présent, à partir du moment où on n?est plus capable de replacer ces derniers dans un contexte approprié.

A ce sujet, leurs témoignages m?ont fait prendre conscience, davantage, de la nécessité de se montrer le plus explicite possible, lorsqu?il s?agit de transmettre des données médicales .

Mme Z. l?illustre parfaitement quand elle dit : 44 Ce qui est écrit n'est pas forcément assez précis... avec une écriture, euh..., très spécifique à la profession... qui n'est pas forcément « entendable » par tout le monde... Je vous dis ça parce que moi j'ai eu des difficultés quand je suis arrivée ici, il y avait des comptes-rendus avec des abréviations et du vocabulaire spécifiques au service, que je ne comprenais pas...c'est ce que j'ai vécu quand je suis arrivée ici 0.

Elles admettent alors le fait qu?une personne, extérieure au service, éprouvera peut-être encore plus de difficultés à 44 déchiffrer 0 le code établi. Voici quelques situations dont nous avons pu parler lors de mon enquête auprès des professionnels :

1) Cela peut être le cas, par exemple, quand elles vont se trouver face à la famille d?un patient, ou devant le patient lui-même ; il leur faudra alors adapter le langage par rapport aux connaissances et aux capacités de compréhension du patient ou de son entourage.

En effet, il arrive parfois que les médecins fournissent des explications au patient, sur son état de santé, et ce, dans un langage que certaines jugent être du 44 charabia 0. Cela oblige les infirmières à parfois reformuler les propos pour les rendre plus accessibles à la personne soignée, comme cela a été le cas pour Mme X. : 44 C'est comme les médecins quand ils parlent devant les malades... Parce

qu'ils sont dans leurs trucs, ils ont la connaissance, ils connaissent le vocabulaire... Et ils oublient qu'en face, ils ont des gens qui sont novices... et qui ne sont pas compétents.

Donc, à un moment donné, il faut les faire atterrir, il faut leur dire que pour la personne qui est en face d'eux, c'est du charabia. Donc, il faut se mettre à la portée des gens... 0.

Parmi les cadres interrogées, certaines ont reconnu qu?elles avaient meme du déjà reprendre certaines collègues qui employaient un vocabulaire professionnel trop élaboré et inadapté aux patients.

A ce sujet, Mme Z. souligne : 44 J'ai déjà remarqué, par exemple, qu'à certaines familles, quand les infirmières leur parlent, elles utilisent les acronymes. Et bon, je sais que moi, au début, je leur ai demandé de faire attention.

Je leur disais « attention, je suis pas sûr que la famille a compris ce que vous leur avez dit, parce que...euh..., les termes que vous employez ne sont pas habituels pour eux 0.

2) Ou encore cet exemple, donné par Mme Z., sur l?étudiant infirmier, à qui on demande, en premier lieu, d?apprendre le vocabulaire professionnel, dans son institut de formation. Par la suite, elle constate alors qu?il doit dans certains cas, en plus des termes enseignés, adapter ces derniers au vocabulaire de l?équipe dans laquelle il vient d?arriver : 44 Euh, oui, je pense... Je pense que c'est d'autant plus difficile, parce qu'il a déjà du mal à intégrer, ...euh... les termes qui correspondent vraiment aux choses, et faut en plus intégrer un nouveau vocabulaire...qui n'est pas forcément logique, en plus... Bon, ya des fois, c'est logique, mais ya des fois, on trouve des abréviations qui sont pas du tout logiques, quoi... 0.

En tant qu?étudiant infirmier, moi-même, je n?ai pu qu?approuver ce point de vue, puisque ma question d?étude découle d?une situation semblable.

3) Et que dire des équipes de secours, constituées de professionnels, présents, parfois, pour une très courte durée, et à qui on va demander de prendre en charge rapidement les patients du secteur ?

En effet, exceptés les services très spécifiques, comme par exemple la réanimation, où il s?agit le plus souvent d?équipes de secours rôdées, il arrive, notamment dans le secteur privé, que certaines infirmières viennent effectuer un remplacement pour une seule journée. C?est le cas de celles qui sont employées par le biais de l?intérim.

Il est alors vraisemblable de penser, comme Mme Z. : 44 Ben non, elle aura pas le temps... Moi, j?ai travaillé comme équipe de secours, ben ya des choses, vous les survolez, car vous pouvez pas. Vous pouvez pas tout connaître dans le service... Vous allez un jour à un endroit, un jour à un autre... C?est pour ça, faut assurer le quotidien... C?est savoir donner les médicaments, savoir faire les pansements, euh...être auprès de la personne, l?écouter, et le reste, ma foi...on va pas plus loin... 0.

C?est pour cette raison que les transmissions devront etre claires et précises, de façon à écarter tout risque de difficultés ou d?erreurs d?interprétation.

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