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Les enfants en situation de rue du Sénégal. L'identité et la socialisation dans le processus de sortie de la rue

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par Corentin SIROU
Université Lumière Lyon 2 (ISPEF) - Master 1 sciences de l'éducation 2011
  

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1.4. Remarques sur la carrière

Pour terminer cette analyse des résultats, il nous semble intéressant de revenir sur les carrières des enfants. Nous pouvons en effet en tirer quelques remarques spécifiques à notre enquête, par rapport au départ dans la rue, à la sortie, et quelques propos concernant les étapes intermédiaires. Pour certaines, ces remarques ne sont qu'embryonnaires et il serait intéressant de les développer plus en détails, par exemple à l'occasion de recherches futures.

Nous l'avons dit dans un premier temps, lors du commentaire sur les résultats obtenus, l'arrivée dans la rue, pour ces enfants, est immédiate. Cela ne veut pas dire que l'enfant n'a pas connaissance du milieu de la rue. D'après les propos recueillis, certains connaissent plus ou moins bien d'autres enfants en situation de rue, mais n'ont jamais fugué de chez eux. L'arrivée forcée, c'est à dire que l'on a mis l'enfant en situation de rue ; il n'y est donc pas allé de lui-même. C'est le cas de tous les talibés mendiants qui ont été confiés à un daara, ou à d'autres personnes en situation de rue, comme les Baay Fall. Nous considérons donc qu'un enfant qui fugue un daara, dans lequel il était talibé mendiant, marque une évolution de sa carrière dans la rue. Le début de sa carrière dans la rue a pris effet au moment de son arrivée dans le daara, en situation de talibé mendiant. La fuite du daara constitue donc un changement de situation, mais la rue reste, de manière différente, prédominante chez l'enfant. Cette régularité peut être mis en perspective avec le fait que toutes les sorties de la rue, dans les histoires que nous avons écoutées, sont des sorties de type active (voir les types de sorties page 16). En effet beaucoup de ces enfants disposent d'un projet (ou à défaut d'une intention, plus ou moins bien définie) d'après-rue dès le début de leur carrière. Cet élément nous semble être le socle fondamental sur lequel va se construire, aux côtés d'autres facteurs (la sociabilité, les repères identitaires, etc114), le cheminement vers la fin de la carrière. Ces sorties actives, marquées par la faible appropriation symbolique de la rue, sont peut-être la trace d'une socialisation familiale restée prédominante chez ces enfants. En effet, les arrivées immédiates ne permettent pas une socialisation de la rue avancée avant le départ. Cela implique que le bilan famille-rue que l'enfant peut dresser au moment de son départ - si bilan il y a - ne se fait qu'en grande partie sous l'influence de la socialisation familiale. C'est également un des éléments qui influence le fait que ces enfants se tournent rapidement vers une recherche de sortie de la rue.

114Voir le système des facteurs d'influences de la carrière page 16.

Nous l'avons déjà soulevé plus haut, la sortie de la rue de Tarik nous pose question. Nous l'avons à la fois classée comme étant une sortie active et une sortie par épuisement des ressources. D'abord, la sortie est active car c'est un réel projet d'après-rue qui germe chez Tarik lorsqu'il est encore au daara. Ce projet prend forme progressivement, influencé notamment par les rencontres et les apprentissages qu'il peut faire à l'extérieur de son école coranique. C'est enfin en prenant appui sur un de ses contacts qu'il va quitter le daara et devenir indépendant (avec un travail, un logement, etc). C'est en ce sens que sa sortie est une sortie active, mais elle l'est dans une situation particulière. En effet, comme il le dit lors de l'entretien, tous les talibés sont amenés à quitter un jour ou l'autre le daara.

... il y a un âge limite, si tu as bien appris le Coran, si tu es âgé. Parce qu il y a des daaras où il n'y a pas d'âge limite. Bon si tu es âgé, le marabout va essayer de contacter tes parents, pour que tu puisses rentrer, rencontrer ta famille. Au bout d'un moment, lui ne te retient plus. Tu demandes la permission et il te laisse partir. Je peux pas dire pour les autres marabouts, mais mon marabout, si tu es âgé, il va te laisser partir. Y'a des talibés qui ont vingt ans, qui ne rentrent pas, juste les études coraniques et bosser. Ils restaient toujours, parce que tu peux toujours apprendre le Coran.

- Donc à un certain âge, si tu veux, tu peux partir tout seul ? - Oui, si tu veux tu peux partir.

- Mais si tu pars à 7 ans par exemple, là on va venir te chercher...

- Oui, là c'est pas possible. Vers 20, 21 ans. Nous on a eu de la chance de sortir tôt du daara, parce que nous on a bien appris. Ce que d'autres mettent plus de temps nous on a bien appris. On était très jeune, on a bien appris. A l'âge de 15 ans, on comprenait tout le livre. Quand tu dis une ligne, nous on savait ce que tu dis, où c'était... on savait bien. Et le marabout, il faisait confiance, il savait qu'on apprenait bien. « Jusqu' à présent c'est pas assez... ». Bon nous on a décidé de partir jeune, mais y'en a qui sont restés. Après, moi j'ai eu d'autres idées, d'autres visions, c'est là que j'ai eu envie de partir quoi.

La fin de la présence au daara peut donc se faire à l'issue de l'apprentissage, lorsque le marabout décide que celui- ci est arrivé à son terme, et non par le départ sur la seule décision du talibé. La situation de Tarik est donc ambiguë car à la fois il est porteur d'un projet de sortie, et à la fois, ce projet ne se met réellement en place qu'à partir du moment où sont marabout lui a donné l'autorisation de quitter le daara, car il a terminé son apprentissage. La manière dont Tarik a quitté son daara n'est pas complètement claire dans ses propos, mais la question mérite d'être posée pour le cas plus global des talibés mendiants quittant leur condition. Sont-ils dans un cas de sortie active ou de sortie par épuisement des ressources (c'est à dire, dans leurs cas particuliers, parce qu'ils sont arrivés à la fin d'un apprentissage qui déterminait une présence dans la rue) ? Cette question

nécessite une analyse détaillée du fonctionnement des daaras, qui, comme nous l'avons vu précédemment (voir page 30), constituent une catégorie très hétérogène, et des cursus d'apprentissages qui y sont mis en oeuvre afin de replacer ces sorties du daara dans leurs contextes.

La carrière de l'enfant évolue en passant d'une étape à une autre. Nous remarquons que ce sont souvent des événements importants aux yeux de l'enfant qui sont en jeu lors d'une évolution de la carrière. Ils marquent donc un avant et un après dans le parcours de l'enfant en situation de rue. Citons quelques exemple, comme celui de Cheikh, dont le départ de Touba est marqué par proximité du grand Magal et qui va alors quitter la ville vers Saint-Louis, de peur d'y croiser sa famille. Ahmed, dont l'arrivée dans la rue est dûe à l'apparition et au comportement de son père. Sa sortie de la rue a pour origine le départ de son ami, qui était alors sa principale attache au village. Le départ de Tarik de son daara s'est construit progressivement, mais il semble que ce soit à la suite d'une maladie qu'il a finalement mis fin à sa carrière.

Notre recherche se concentrait plus particulièrement sur le passage particulier de la rue à l'aprèsrue : la fin de la carrière. Nous nous sommes donc penchés sur les étapes comme, la rue refusée et la sortie de la rue. Nous manquons cependant d'information quant aux étapes précédentes, et particulièrement la rue observée/ludique et la rue assumée. Si ces éléments transparaissent dans les parcours des enfants, il nous a été difficile de les mesurer clairement.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius