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L'acquisition du genre et du code switching chez l'enfant bilingue précoce

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par Sophie Rimbaud
Université Montpellier III - Master 2 2009
  

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2. 1. 1. Une nouvelle approche du cerveau : la théorie unitaire

En 1842, Flourens développe une conception globaliste du cerveau selon laquelle il fonctionnerait comme un organe uni. Cette théorie de l'unité du cerveau est reprise un siècle plus tard par Lashley:

«[...] le cerveau est équipotentiel c'est-à-dire que n'importe quelle des parties peut prendre à

son propre compte les différentes aptitudes cognitives » (Melher et Dupoux, 2002, 204).

Autrement dit, aucune des aires du cerveau n'est pleinement spécialisée : il a été observé des cas de lésions dans les aires dites du langage qui entraînaient une perte momentanée de la parole, le temps qu'une autre aire développe la fonction endommagée. Lashley a appelé cette propriété la vicariance de la fonction.

Bien que la théorie de la spécialisation hémisphérique fasse toujours foi dans les écoles de médecine, on assiste à un revirement des études sur le cerveau en faveur de la théorie de Lashley. En mars 2009 Hugues Duffau, le spécialiste en chirurgie cérébrale, a pratiqué une opération sur la zone de Broca chez un patient cancéreux qui n'a pas perdu la parole suite à l'intervention. Voici un extrait de l'interview qu'il a accordé à Midi Libre (mars 2009)15 :

« J'ai enlevé la zone de Broca, considérée comme la zone de la parole, chez le patient, qui continuera à parler.[...] On est en train de redéfinir le fonctionnement du système nerveux central, c'est une nouvelle porte qui s'ouvre dans l'approche des neurosciences. [...] L'imagerie a montré qu'après la première intervention, le cerveau s'est complètement réorganisé ».

14 La médecine actuelle sait que HD peut compenser la perte des facultés langagières de HG mais plus les lésions sont importantes et plus le patient touché est vieux, moins vite se fera la reconstitution des fonctions.

15 Cf. annexe fig. 1.

Le cerveau implique un fonctionnement composé de réseaux parallèles c'est-à-dire quand il effectue une tâche il mobilise plusieurs zones, ce que les connexionnistes ont appelé les structures associées : une zone est allouée à une tache mais elle est mobilisée de façon secondaire par une autre tâche et mobilise elle-même d'autres aires. De cette façon lorsqu'une aire, comme celle qui participe au langage, est lésée dans son fonctionnement principal, une autre prend le relais. Dans ce cas, s'il y a une lésion sur des zones du langage qui entraîne une aphasie, alors c'est que les réseaux conducteurs (les fibres nerveuses) seraient touchés et ne feraient plus la jonction entre les zones.

2. 2. Langage et cerveau

2. 2. 1. Les zones du langage

Comme les autres activités du système nerveux central, le langage repose sur une organisation sensori-motrice complexe du cerveau, en particulier de l'hémisphère gauche pour tout ce qui relève du plan linguistique du langage, contrairement à l'hémisphère droit, alloué à d'autres fonctions (traitement de l'espace, des émotions, etc.).

Illustration 3 : Localisation des aires du langage

L'enchaînement de ces divers mécanismes corticaux et sous-corticaux sont de mieux en mieux connus.

1. L'aire de Broca : c'est par cette zone que passent les phénomènes moteurs de la parole (l'aphasie de Broca implique les phénomènes phonétiques, syntaxiques et lexicaux, essentiellement au niveau de la production).

2. Une aire motrice supplémentaire située sur la face interne et supérieure de l'hémisphère.

3. L'aire temporo-pariétale ou région de Wernicke (dont l'aphasie implique essentiellement des troubles de la perception et de la compréhension du langage,

mais peuvent impliquer également une production souvent chaotique, incompréhensible ou imprécise).

Illustration 4 : Anatomie du cerveau

Les sièges des mécanismes d'enchaînement des idées sont dispersés dans plusieurs zones communes à celle du langage. Voici les trois localisations :

1. Dans la zone temporale postérieure et pariétale postéro-inférieure, ce siège est en partie rattaché à l'aire de Wernicke.

2. Dans la partie postérieure de la troisième circonvolution frontale c'est-à-dire en avant de l'aire de Broca.

3. Dans une partie de l'aire motrice supplémentaire dans la scissure de Rolando. Remarque : l'aphasie sensorielle ou aphasie de Wernicke est causée par une interruption du faisceau arqué qui relie le cortex temporo-pariétal.

2. 2. 2. La myélinisation du système nerveux

En partant de l'hypothèse qu'il existe un rapport entre l'évolution de la myélinisation d'un système et les capacités fonctionnelles qui en dépendent (Chevrie/Narbonna, 2007), les travaux de Roch-Lecours ont mis en évidence la relation entre l'évolution des acquisitions et les cycles de myélinisation16 des différents systèmes et zones du cerveau. Parmi la masse d'informations médicales voici quelques extraits en lien direct avec l'acquisition du langage et les fonctions langagières qui se développent au cours de la maturation, ainsi que les déductions que nous pouvons en tirer :

1. La myélinisation des voies acoustiques pré-thalamiques commence au 5ème mois de la vie foetale et elle est pratiquement achevée au 5ème mois de la vie extra-utérine. La précocité de la myélinisation des voies acoustiques justifie l'importance du rôle de l'audition chez l'enfant nouveau-né ; cela explique également qu'au 6ème mois, l'enfant ne perçoit plus

16 La myéline est une substance lipidique et protéique formant une gaine autour de certaines fibres nerveuses et servant à accélérer la conduction des messages nerveux.

que les sons de sa langue maternelle : comme si le placement d'un filtre auditif achevait la construction du système auditif. Cela explique également le fait que le foetus soit sensible à la voix de sa mère et aux paramètres prosodiques (Mehler et Dupoux, 1990), mais également que l'enfant, avant l'âge de six mois, soit capable de discriminer les sons de toutes les langues, puisque son système neuro-cognitif se spécialise, ne retenant que les sons pertinents de sa langue maternelle sous la forme de phonèmes. Dans le cas d'un enfant bilingue précoce, la sensibilité acoustique sera plus variée, s'étendant à un nombre plus important de sons, que ce soit des phonèmes communs aux deux langues et des phonèmes qui leur sont propres. De ce point de vue, il serait intéressant de considérer le fait que le système perceptif de l'enfant se spécialise pour ne retenir que les sons de sa langue maternelle et donc, s'il retient deux systèmes phonologiques, et qu'en plus il est capable de switcher avec, alors il serait possible que l'enfant bilingue développe deux langues maternelles en parallèle, sans que cela remette en cause le statut de la langue dans le débat sur la diglossie et le développement des compétences de communication. En résumé à la fin de la première année suivant la naissance l'enfant quitte le stade du babillage et rentre dans celui du lexique franchissant le cap du premier mot. Sur le plan phonologique l'enfant discrimine les sons de sa langue (à 6 mois les voyelles puis à 10-12 mois les consonnes).

2. La myélinisation des voies post-thalamiques et des voies d'association commence à peu près à la naissance et se poursuit jusqu'à la 5ème année. Cette lente évolution montre que la stabilisation des mécanismes de fonctionnement ne sont pas tous simultanés et que la mise en place du fonctionnement du langage peut se prolonger au-delà de la période d'acquisition habituellement observée ; autrement dit les éléments complexes du langage vont continuer à se développer après la phase de myélinisation.

3. La myélinisation des fibres associatives reliant les aires de Broca et de Wernicke débute dès le 1er ou 2ème mois et se poursuit jusqu'à 6-7 ans ce qui justifierait qu'après cette période on passe de l'acquisition d'une seconde langue à l'apprentissage d'une langue étrangère. A 10 ans l'enfant a un système phonologique et syntaxique complet.

4. La myélinisation des fibres inter-hémisphériques se poursuit jusqu'à 15 ans pour le traitement du vocabulaire autrement dit après cette période on apprend plus difficilement des mots nouveaux.

Ainsi, ces quatre étapes représentent les trois stades d'acquisition du langage. Elles confirment, comme cela sera développé dans la partie suivante, la théorie de Changeux (sur la sélection et la stabilisation de réseaux neurologiques parmi les possibilités multiples proposées par le système génétique et développées par le contexte). La spécialisation des réseaux est alors en relation avec le système linguistique de la langue, avec la sélection d'un système phonologique, syntaxique, puis lexical. La position de Changeux implique deux

constatations, la première selon laquelle une dimension interactionniste (Vygotski, 1930) entre en jeu, certains éléments (linguistiques) que l'individu va percevoir, vont spécialiser les réseaux neuronaux ; la seconde que l'enfant bilingue possèderait des réseaux neuronaux spécialisés différemment, dans une reconnaissance de deux systèmes, ainsi qu'un réseau spécifique au code switching.

2. 2. 3. Le fonctionnement du cerveau chez l'enfant bilingue 2. 2. 3. 1. Changeux et la théorie épigénétique

Le développement du langage consiste en une succession d'états d'activités cérébrales. A partir d'un état d'activité organique primitif, la maturation amène l'organisme à des stades successifs, biologiquement déterminés dans leur ordre, qui vont le sensibiliser à l'environnement et le rendre capable de traiter les informations présentes dans son contexte immédiat ou pas. Le développement du langage est lié à l'accroissement des connexions dans le cortex cérébral : autrement dit l'augmentation des systèmes de fibres de liaison va faciliter la coordination des aires sous-corticales, des activités fonctionnelles corticales et vont les intégrer dans l'ensemble des activités cérébrales.

Pour résumer, le développement du système neuronal dans l'activité langagière dépendra des stimuli du contexte dans lequel l'enfant va évoluer. Changeux n'aborde pas le langage par l'analyse des manifestations linguistiques mais exclusivement par l'analyse du développement du cerveau et des structures biologiques. Cela n'étant pas explicite, son étude est liée au développement du monolingue mais sa théorie est suffisamment aboutie pour que l'on puisse l'étendre à l'approche bilingue. Selon ses observations l'acquisition du langage implique une relation entre le système nerveux, des connexions neuronales et l'exposition au contexte dans l'émergence du langage. Autrement dit lors de la naissance l'enfant possède des zones génétiquement déterminées à la réception de certains stimuli. Lorsque ces stimuli sont présents dans le contexte immédiat, ils vont activer lesdites zones et participer au développement du langage qui, au fur et à mesure de la maturation du cerveau, vont se stabiliser. C'est pour cela qu'un enfant qui n'est jamais exposé au langage ne le développera plus ou très mal après le stade critique.

Sa théorie étendue au bilinguisme explique que les stimuli présents dans le contexte bilingue étant différents de ceux de l'enfant monolingue, l'enfant bilingue devrait développer des structures neurologiques différentes qui vont elles aussi se spécialiser et se stabiliser. De là, on peut émettre l'hypothèse que ces zones mobilisées par l'enfant bilingue, existent

chez le monolingue, en sommeil, et que lorsqu'il sera en situation d'apprentissage d'une seconde langue, ces structures vont se réveiller, mais se développer plus lentement si le processus de maturation est à un stade avancé, ce qui explique qu'après 10 ans il soit plus difficile d'apprendre une nouvelle langue. Le bilingue précoce développe donc des facultés mentales présentes chez tous les humains mais qui ne se développeront que dans un contexte d'acquisition spécifique : cela va donner lieu à une sélection puis une stabilisation d'un certain système neuronal bilingue mais seulement si l'enfant reste dans son contexte bilingue jusqu'à la maturation de son cerveau, c'est-à-dire entre 7 et 10 ans.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery