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Les festivals de musiques actuelles en milieu rural en France: simple fonction culturelle ou vecteur de développement?

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par Léa Vauxion
ICART - Institut des carrières artistiques - Licence european bachelor au titre de " médiatrice culturelle " 2012
  

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1/ Une dynamique culturelle en termes
de décentralisation et démocratisation

1.1 Les politiques d'aménagement culturel du territoire : réduction des inégalités géographiques d'accès à la culture ?

? « Désert culturel français » : une expression encore d'actualité ?

Suite au renforcement actuel des politiques culturelles au sujet du réaménagement du territoire et donc à la décentralisation et à la démocratisation de la culture, l'expression << désert culturel français > semble aujourd'hui désuète.

Celle-ci a été popularisée par André Malraux, ministre d'État chargé des affaires culturelles de 1959 à 1969, qui l'avait empruntée au metteur en scène Charles Dullin. Le terme << désert culturel > est né d'une prise de conscience des inégalités géographiques en France, sur les plans culturel et universitaire.

En effet la France traversait, en particulier durant les années 1970, une période de contestation du concept d'urbanisation et une remise en question concernant l'émergence de sa géographie sociale.

Au sein du milieu culturel, le constat principal se portait sur le problème d'acculturation engendrée par la capitale et la région parisienne. Sa très forte proposition en matière culturelle créait un important déséquilibre : toute la programmation était concentrée en Ile-de-France au détriment des provinces.

Ces faiblesses d'aménagement du territoire sont résorbées avec l'arrivée de Jack Lang rue de Valois dans les années 1980. Durant ses deux mandats en tant que ministre de la Culture de mai 1981 à mars 1986, le ministère subit d'importantes transformations : il va accélérer sa modernisation et l'ouvrir à la société contemporaine, en partie par une augmentation de son budget, l'élargissement de son champ d'action à de nouvelles formes d'art et son insertion dans le monde économique. Suite à cette nouvelle conception de la politique culturelle, le ministère connait par ailleurs une augmentation de ses moyens dans le cadre de la décentralisation.

Ces transformations se traduisent par le premier article du décret du 10 mai 1982 relatif à l'organisation du ministère : (cf. planche 1)

<< Le ministère chargé de la culture a pour mission : de permettre à tous les Français de cultiver leur capacité d'inventer et de créer, d'exprimer librement leurs talents et de recevoir la formation artistique de leur choix ; de préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière ; de favoriser la création des oeuvres de l'art et de l'esprit et de leur donner la plus vaste audience ; de contribuer au rayonnement de la culture et de l'art français dans le libre dialogue des cultures du monde. >

En 1983, ce décret est suivi par les lois de décentralisation qui ont transféré aux conseils généraux les archives départementales et les bibliothèques centrales de prêt.

Cette période de grands changements, marquée par l'implication de l'administration culturelle de l'État qui a fait du développement territorial l'une de ces priorités, a abouti à la valorisation des campagnes et à l'affirmation des cultures minoritaires. Ainsi, comme le mentionne Jack Lang en 2009 dans le Nouvel Observateur*, le terme << désert culturel > n'est fort heureusement plus d'actualité. Par ailleurs, au cours de cet entretien, il résume parfaitement l'importance continue de la décentralisation : << les grands travaux, ce devrait être une multitude de petits travaux qui métamorphoseraient l'architecture quotidienne.>


· Le nouveau rôle des collectivités territoriales

Depuis les lois de décentralisation de 1983, le champ culturel est devenu l'objet d'une politique partenariale très développée entre l'État et les collectivités territoriales. Celle-ci a permis ces vingt dernières années d'élargir les contenus des politiques culturelles à de nouvelles disciplines et à de nouveaux domaines, par la réalisation de nombreux projets contribuant à rétablir l'équilibre des territoires.

Dans ce contexte, depuis la déclaration à l'Assemblée nationale de janvier 2001 durant laquelle ont été posés des principes d'une nouvelle étape de décentralisation, proposant une répartition des compétences de l'État et des collectivités territoriales, le ministère de la Culture et de la Communication a mis en oeuvre de nombreuses expérimentations

* Source : PLISKIN Fabrice, C'est la culture qu'on assassine !, article-entretien avec Jack Lang, le 19 février 2009

de décentralisation auprès d'une centaine de ces collectivités. L'objectif de ces dix dernières années était ainsi de clarifier les compétences respectives des collectivités territoriales en matière culturelle.

Les résultats des travaux liés à ces expérimentations ont permis aux administrateurs territoriaux et aux acteurs culturels de réfléchir ensemble à une redéfinition des missions et des tâches de l'État et des collectivités territoriales. La sensibilisation et les acquis de ces réflexions ont abouti, au sein des différents domaines de la culture, à de nouvelles législations de 2003 à 2004 relatives aux libertés et responsabilités locales, ainsi qu'à l'organisation décentralisée de l'État.

C'est une grande étape en matière de coopération culturelle qui offre un nouveau cadre juridique, apportant aux projets d'envergure une meilleure gestion par les élus des collectivités territoriales.

Ainsi ce qu'il est important de retenir ici, c'est le fait que l'État a transféré aux collectivités territoriales les compétences et ressources dont il se servait pour aménager et développer le territoire.

Actuellement, une collectivité territoriale se définie donc comme une administration distincte de l'État qui exerce certaines compétences lui étant affectées sur un territoire donné (commune, département, région). Elle possède trois caractéristiques :

- une personnalité juridique, lui permettant notamment d'agir en justice et de conclure des contrats.

- des compétences, par le fait qu'elles bénéficient d'une « clause de compétence générale », qui leur permettent en principe d'agir dans tous les domaines de l'action publique dans la mesure où un intérêt public local est en jeu.

- une liberté d'administration, par le fait qu'elles disposent d'un pouvoir règlementaire, et qu'elles sont dotées d'un organe de décision élu. Le principe de libre administration est posé par l'article 34 de la Constitution et précisé par l'article 72. En somme, il s'exerce dans le cadre des lois qui le régissent à l'égard de l'État et des autres collectivités. En effet, aucune collectivité ne peut exercer de tutelle sur une autre : les décisions du conseil général d'un département ne sont donc pas en général soumises à un contrôle au niveau régional.

Malheureusement, ces collectivités sont loin de disposer de moyens équivalents à ceux de l'État pour mettre en oeuvre ces compétences en matière culturelle.

? Constats actuels : des résultats mitigés

Comme nous venons de le voir, la diffusion d'une offre culturelle de qualité sur l'ensemble du territoire est une condition indispensable à son développement. En 2003, lors des manifestations commémorant le 40ème anniversaire de la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale*, Jacques Chirac alors Président de la République, déclare en conclusion : << Pour inverser la tendance économique, nous ne devons pas opposer un territoire à un autre. La région parisienne, les grandes agglomérations, les villes moyennes, les campagnes : tous les territoires ont leur place dans la mécanique d'entraînement qu'il faut aujourd'hui relancer >.

Aujourd'hui, il semble que la répartition des installations culturelles sur le territoire national soit plus homogène mais toujours assez concentrée, compte tenu des résultats envisagés. Bien que le monopole culturel de la capitale ait vu son rayonnement et son prestige considérés comme trop exclusifs et malgré les efforts déployés au cours des dernières décennies, de nombreuses inégalités territoriales persistent.

En 1946, le géographe Jean-François Gravier décrivait le territoire dans son ouvrage Paris et le désert français, rendant cette expression populaire. Désormais, il semble évidemment que le terme << désert français » soit exagéré. Mais la question du poids qu'exerce Paris sur le reste des régions est toujours d'actualité. Il est important de noter que le bassin parisien, première aire urbaine de France, compte un peu plus d'onze millions d'habitants soit un tiers total de sa population. La disproportion entre l'Ile-deFrance et le reste des régions souligne les problèmes encore présents dans l'aménagement du territoire.

A l'échelle européenne, il s'agit tout de même de l'agglomération la plus peuplée, se positionnant devant Londres et le pôle d'Essen d'Allemagne, mais aussi et surtout la plus riche culturellement. Cette disproportion et sa richesse croissante continue de creuser des écarts avec les autres provinces françaises.

Pour illustrer ce bouillonnement culturel parisien, il faut savoir que la capitale comprend la plus importante offre festivalière aussi bien pour une ville que pour un département.

* Actuellement DATAR, Délégation interministérielle à l'Aménagement du Territoire et à l'Attractivité Régionale ;

Source : PONCET J.F., L'exception territoriale : un atout pour la France, Sénat n°241, 2003, p.92 à 111

D'après les données rapportées sur la période de juin 2000 à mai 2001 (cf. graphique 2) , l'Ile-de-France constitue 11,3% des festivals sur leur répartition totale en France. La ville de Paris représente à elle seule 47,4% de ce chiffre, soit une programmation de 37 festivals sur les 75 totaux de sa région.

En comparaison, outre l'exception des régions de la côte méditerranéenne comme la Provence-Alpes-Côte d'Azur qui arrive en tête du classement avec plus de 13% sur l'offre totale (cf. p. 94) -bénéficiant d'un climat et d'une forte concentration touristique propices à un tel résultat- il faut savoir que par exemples :

La région Rhône-Alpes représente 9% de l'offre, avec 65 festivals programmés sur la période donnée ;

L'Aquitaine quant à elle, démontre 7% de l'offre, avec 46 festivals ;

La Bretagne, 5,1% sur l'offre totale, avec 35 festivals ;

L'Auvergne, région du Massif Central qui est principalement constitué de « rural isolé», représente seulement 3% de l'offre, avec 19 festivals au total ;

Les régions les plus faibles de ce classement, étant la Champagne-Ardenne et la Lorraine, présentant chacune 1,4% de l'offre, avec 20 festivals au total à elles seules.

? Le rôle des festivals au sein de la décentralisation

Cette illustration nous amène ainsi à la question du rôle des festivals au sein de la décentralisation française.

Durant les bouleversements au sein des politiques culturelles d'aménagement du territoire, les festivals ont été chargés d'un certain nombre de missions par les pouvoirs publics.

En effet, les festivals ont su séduire les politiques publiques par leur facilité de montage ne nécessitant pas ou peu d'investissements lourds. Cette commodité d'implantation dans des zones culturellement isolées permet de remédier à l'absence d'équipements permanents (salles de concerts, cinéma, théâtre, maison de la Culture...).

Ainsi bien qu'ils soient parfois qualifiés de « cache-misère », ils sont des moyens efficaces en termes de décentralisation permettant en général, de fournir à de petites communes rurales une animation culturelle, devenant souvent leur plus grand rendezvous de l'année. Citons par exemple le festival de Jazz in Marciac, qui se déroule dans un

petit village de 1 231 habitants* dans le Gers en Midi-Pyrénées. Ce festival sera par ailleurs notre étude de cas durant la conclusion de ce chapitre.

Par conséquent, les festivals proposent au public rural une alternative au monopole culturel et artistique de la ville de Paris et ses alentours, étudié précédemment.

En contribuant à réduire les inégalités géographiques d'accès à la culture, ils participent ainsi à la décentralisation culturelle. Cela se vérifie avec les festivals de musiques actuelles qui permettent de pallier l'absence de salle de concerts, en produisant dans de petites communes et autres provinces les « artistes phares du moment » qui normalement ne jouent que dans les structures influentes des grandes agglomérations. Leur tournée est par ailleurs enrichie par ces festivals, qui leur offrent la possibilité de promouvoir leur album dans des régions où ils n'avaient pas la possibilité de se produire à cause du manque d'installations nécessaire.

Bien évidemment, les festivals peuvent se heurter à de nombreux problèmes concernant leur implantation en milieu rural isolé. Nous tâcherons de les analyser tout au long de ce mémoire en commençant dans ce chapitre, par l'étude des paradoxes entre ruralité et actualité.

*

La tendance générale s'inscrit donc en décalage avec la politique d'aménagement qui n'a manifestement pas encore su rétablir les déséquilibres du territoire.

Ces constats mitigés nous amène ainsi à nous interroger sur l'état de la démocratisation de la culture en France.

* Source : INSEE - Populations légales de la commune de Marciac - 2008

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard