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"L'appropriation" des enjeux d'un projet par les habitants: cas de l'Agrocité à  Colombes

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par Hadrien Basch
Université Lille 1 - Master de sciences et technologies spécialité ECODEV montage de projets en éco- territoires 2012
  

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1.2 Les autres formes d'appropriation et le risque d'une non-appropriation

Comme nous l'avons vu tout au long de ce travail de recherche, l'appropriation du projet par les habitants, que ce soit grâce à la participation ou par leur implication directe, est une condition au fonctionnement du projet. Sans habitants le lieu ne peut se transformer en espace, il n'acquiert pas une identité concrète et ne permet pas d'apporter un changement à la vie du quartier.

La participation et l'implication des habitants sont dès lors censées apporter l'énergie nécessaire au projet et à son développement.

La capacitation d'un groupe d'habitant restreint au départ amène ce groupe à s'étendre et ses pratiques à se disséminer. C'est à dire que le groupe, à chaque étape de sa constitution, agrège de nouvelles personnes qui gravitent peu à peu « autour » du projet et viennent renforcer sa légitimité et alimentent le processus identitaire. Néanmoins nous avons vu que l'appropriation est très relative et propre à chacun à partir du moment où chaque personne semble construire sa ligne et son identité par rapport au jardin. En effet, au fur et à mesure de la constitution du projet chaque individu trace un chemin, chacun s'intègre selon ses disponibilités et son envie de participer. C'est à ce moment là qu'un groupe solidaire peut émerger car chaque individu développe son activité et une forme de « point de vue », début de subjectivité, sur le processus en cours, en apportant, implicitement ou explicitement sa part à « l'édifice ».

Par exemple, le thème de l'art dans le jardin est une forme d'appropriation, qui n'a pourtant pas un rapport direct avec les enjeux écologiques pensés par les concepteurs. Peu après mon arrivée, une habitante a commencé à installer des sculptures fabriquées chez elle à partir d'objets éparses sur les parcelles et la pergola.

L'ambiance du jardin s'est trouvée transformée. Les autres personnes réagissent à la présence de ces objets et à la sensibilité qui y semble associée.

D'abord d'autres habitants ont commencé à afficher des photos et des objets. Chacun apprécie plus ou moins les nouveaux objets mais c'est le partage de l'espace qui se joue ici. L'appropriation se joue donc également à ce niveau, de la gestion de l'espace dans toutes ses formes. Ensuite les habitants sont témoins de ces changements et interrogent leur rapport à l'art et à la sensibilité qu'ils peuvent déployer dans cet espace. L'habitante a

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également apporté des poèmes qu'elle lit parfois en public. Ce sont des poèmes sur le jardin et ce qu'il apporte à la ville et à son quotidien face au grisâtre des bâtiments:

Un jardin, une ville, du béton

Une fleur devant la tour Z

D'ailleurs pourquoi Z

Des immeubles partout entre la crise et la pierre

Une parcelle 1m25 sur 2m

40 parcelles alignées comme des tombes!

Est ce les gens qui meurent ou la vie qui renait ?

Et puis un sourire, deux, trois,

Pleins d'enfants qui peut être ne partiront pas en vacances

Les vacances c'est ici, on pourrait se croire à la campagne

La simplicité dans la ville,

Simple illusion ou réalité?

Voir juste une graine pousser c'est déjà attendre demain

Ce qu'elle deviendra, et nous?

Rencontre insolite, citoyenneté, voyage, convivialité!

Récolter le fruit de son travail,

A quel prix!

Mais aussi communiquer,

Chercher ce qu'il manque à la ville,

Juste un peu d'espoir, la tolérance,

L'amitié, les rencontres.

Peut être cela ne pourrait être qu'une

Illusion puisque ce projet ne doit pas perdurer

Lorsque l'on plante une graine, nous devons attendre la récolte,

Attendre les semences et récolte encore

Le bonheur et la vie. 183

Cette subjectivité implicite et explicite apporte une vie intense au jardin et suscite des interrogations et des affirmations de la part de tous. Cette approche citoyenne permet de

183 « Texte B. 1.pdf », consulté le 17 septembre 2013,

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réaffirmer l'assertion de Martin Heidegger, philosophe allemand de la fin du XXème siècle : « L'homme habite en poète »184.

La question de l'art est ainsi cruciale. L'article du Monde diplomatique de juillet 2013, Art et politique, que l'action redevienne soeur du rêve écrit par Evelyne Pieiller traite de cette question d'un art qui se définirait lui même comme engagé185. Or l'art est rarement porteur de changement en soi, il est plutôt un moyen de construire un nouveau rapport au monde.

En effet, chacun reçoit les oeuvres selon son histoire et sa perception, il est donc illusoire de vouloir créer un art qui soit libérateur en soi. L'art est dès lors un des thèmes transversaux qui redéfinit la notion d'écologie pour l'intégrer à un ensemble plus large d'attitudes et de rapports au monde qui peuvent susciter un changement. Comme l'explique F.Guattari : « La créativité intellectuelle et artistique, comme les nouvelles pratiques sociales, ont à conquérir une affirmation démocratique qui préserve leur spécificité et leur droit à la singularité. » 186. En effet un véritable processus démocratique se construit grâce à une action transversale dans les buts comme dans les moyens. Ces dispositifs doivent conquérir des lieux de pouvoir au sein de la ville comme dans la communauté des habitants.

La notion d'appropriation a ainsi de nombreuses limites en ce qu'elle n'inclut pas certains dispositifs mis en place par les habitants, qui visent à transformer la conscience collective et à rendre possible des aménagements urbains autogérés. Il faut ainsi prendre du recul quant à la notion d'appropriation car elle risque d'occulter les autres processus en cours. Les risques d'une non-appropriation sont très faibles face à la diversité des approches proposées par les habitants. Il est donc important de ne pas se focaliser sur l'apprentissage brut de notions relatives à l'environnement ou sur la capacité des habitants à relater un processus décisionnel ou encore sur leur habileté a exposer les principaux enjeux du projet.

De même lorsque l'on explique et que l'on communique autour du projet R-urban il est difficile de faire comprendre la différence entre un jardin partagé classique et l'expérience menée à Colombes. Même si la différence paraît pour l'instant mince, le véritable enjeu du

184 Shin, « Une approche écosophique de l'espace urbain ».

185 « Art et politique, que l'action redevienne soeur du rêve, par Evelyne Pieiller (Le Monde diplomatique) », consulté le 15 septembre 2013, http://www.monde-diplomatique.fr/2013/07/PIEILLER/49338.

186 « Chaosmose / Félix Guattari ».

projet est de pouvoir créer une dynamique positive entre les trois unités et c'est véritablement cela qui fera la différence avec d'autres projets moins ambitieux.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard