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La vente à  l'essai face au régime juridique des contrats à  distance

( Télécharger le fichier original )
par Florent SUXE
Université Panthéon-Sorbonne Paris 1  - Master 2 droit du commerce électronique et de l'économie numérique  2013
  

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Florent Suxe

La vente « surprise » à l'essai face

au régime juridique des contrats à distance :

De l'échange des consentements à l'exercice du droit de
rétractation

Mémoire sous la direction de Madame le Professeur Judith Rochfeld

Master 2 Droit du Commerce électronique et de l'économie numérique Année universitaire 2012-2013

Remerciements

J'adresse mes remerciements tout particulièrement aux membres du cabinet 11-100-34 : Eléonore Zahlen, Jérôme Giusti, Serge Vatine et Axelle Rebut.

Créé par des avocats issus de grands cabinets d'affaires français et internationaux, le Cabinet 11.100.34. Avocats Associés oriente résolument ses services vers les entreprises innovantes dans le domaine des nouvelles technologies.

Conseillant des acteurs majeurs dans le secteur des télécommunications et des médias, 11.100.34. Avocats Associés fait également le choix de proposer son expertise à de jeunes entrepreneurs, porteurs de projets entrepreneuriaux et créateurs d'entreprise, en leur proposant un accompagnement juridique spécifiquement adapté, depuis le stade de l'amorçage jusqu'à celui des levées de fonds.

Proposant les services de véritables startup lawyers, 11.100.34. Avocats Associés est également partenaire de nombreux incubateurs, pépinières et accélérateurs de projets d'entreprises à Paris et en province, en proposant des consultations in situ et en organisant des LegalCamps sur divers problématiques juridiques communes aux créateurs d'entreprise.

3

Sommaire

Introduction Page 6

PARTIE PRÉLIMINAIRE - QUELLE QUALIFICATION POUR UNE OPÉRATION HYBRIDE ? ENTRE VENTE

ET PRESTATION DE SERVICE PAGE 20

SECTION 1 : Qualification distributive Page 20

§ 1 Les justifications d'une qualification distributive Page 20

§ 2 Les conséquences d'une qualification distributive Page 22

SECTION 2 : Qualification unitaire Page 23

§ 1 Les justifications d'une qualification unitaire Page 23

§ 2 Les conséquences d'une qualification unitaire Page 25

PARTIE 1 : DE L'INFORMATION A L'ÉCHANGE DES CONSENTEMENTS DANS LA VENTE « SURPRISE » À

L'ESSAI PAGE 26

CHAPITRE 1 : L'obligation du vendeur de définir les caractéristiques essentielles de

la chose et son prix Page 26

SECTION 1 : L'objet de l'information : les caractéristiques essentielles de la chose et

son prix Page 27

§ 1 Interprétation objective et subjective des caractéristiques essentielles de la

chose Page 27

§ 2 L'information sur le prix Page 31

SECTION 2 : Les conséquences d'un manque d'informations pour le professionnel

vendeur et l'acte conclu Page 35

§ 1 Les sanctions civiles d'un manque d'informations par le professionnel. Page 35

§ 2 Les sanctions pénales et administratives d'un manque d'informations par le

professionnel. .Page 39

4

CHAPITRE 2 : La procédure d'échange des consentements dans la vente surprise à

l'essai Page 45

SECTION 1 : L'échange principal des consentements sur le site internet Page 46

§ 1 Le champ d'application de la procédure du « double clic » Page 46

§ 2 Le respect des étapes de la procédure d'échange des consentements par le vendeur

professionnel, gestionnaire du site web Page 50

SECTION 2 : L'échange complémentaire ou contraire des consentements en dehors

du site internet Page 54

§ 1 L'exclusion européenne du téléphone mobile et de l'email, des supports de

conclusion du contrat électronique Page 55

§ 2 Le doute sur l'inclusion française du téléphone mobile dans le support de

conclusion du contrat par voie électronique Page 57

CHAPITRE 3 : La validité de l'accord des volontés face à l'indétermination du prix et

de la chose dans la vente surprise à l'essai Page 59

SECTION 1 : L'indétermination des biens qui feront l'objet de la vente Page 60

SECTION 2 : L'indétermination du prix de la vente totale et du prix propre à chaque

bien Page 62

PARTIE 2 : LE DROIT DE RÉTRACTATION APPLIQUÉ À LA VENTE « SURPRISE » À L'ESSAI PAGE 67

CHAPITRE 1 : L'autonomie de la faculté d'essai vis-à-vis du droit de

rétractation Page 67

SECTION 1 : La survivance de la vente à l'essai lorsque celle-ci est conclue à

distance Page 68

§ 1 Les similitudes entre la faculté d'essai et le droit de

rétractation Page 68

§ 2 L'application superposée de la faculté d'essai et du droit de

rétractation Page 71

5

SECTION 2 :La survivance du droit de rétractation au cours de l'essai Page 72

CHAPITRE 2 : L'articulation du droit de rétractation et de la faculté d'essai....Page 75

SECTION 1 : Les raisons de la stipulation d'une condition résolutoire Page 76

§ 1 L'inclusion du délai de rétractation dans le délai d'essai Page 76

§ 2 Le transfert des risques Page 77

SECTION 2 : Les modalités d'exercice du droit de rétractation Page 80

§ 1 De la rétractation sans motif au contrôle de l'abus dans l'appréciation subjective

du bien acquis Page 81

§ 2 Les modalités d'expression de la rétractation et de la faculté d'essai. Page 82

Conclusion Page 85

Bibliographie indicative Page 88

6

Introduction

Le développement des nouvelles technologies a profondément modifié les rouages du commerce. De la création de l'Arpanet1 au cours des années 1970 à l'avènement du Web 2.02, auquel lui succédera bientôt la version 3.03, ce phénomène a largement contribué à l'accroissement et à l'accélération des échanges en offrant tant aux professionnels qu'aux consommateurs de nouveaux supports de conclusion des contrats. Un auteur écrit d'ailleurs à cet égard « depuis que le panier d'osier ou de métal s'est transformé en panier virtuel, la visite des magasins et autres lieux de consommation est désormais possible en tout lieu et à toute heure. Libéré de toute contrainte physique, le « cyber-consommateur » peut aujourd'hui pratiquement tout acheter sans avoir à se déplacer au-delà du lieu où se trouve son ordinateur et sans avoir à solliciter d'autres muscles que ceux qui déplaceront sa souris »4.

En effet, il est aujourd'hui possible d'acheter tout type de produit directement en ligne, des biens les plus courants, comme les denrées alimentaires ou les vêtements, aux biens les plus spécifiques, personnalisés à la demande de l'acheteur. C'est ainsi que la pratique recèle d'idées toujours nouvelles et dont l'originalité rend difficile l'application du Droit.

A cet égard, nous avons décidé de porter notre attention sur une idée qui nous semble révéler au mieux tant l'équilibre difficile qu'entretient l'imagination des web-entrepreneurs et le régime juridique des contrats à distance que le constat selon lequel l'achat en ligne est devenu, d'un simple mode alternatif de consommation, un véritable mode de vie.

1 Arpanet (acronyme anglais de « Advanced Research Projects Agency Netwok »), est le premier réseau à transfert de paquets développé aux Etats-Unis par la DARPA. Il est l'ancêtre de l'internet.

2 Le Web 2.0 est l"Internet liant les personnes entre elles, au départ par le courrier électronique, puis qui s'est généralisé avec le phénomène des blogs, des forums de discussion agrégeant des communautés autour de sites internet et enfin avec les réseaux sociaux.

3 Le Web 3.0, lui, n'est pas vraiment défini. En fait, l'expression est employée par tous les spécialistes pour expliquer ce que sera selon eux la prochaine étape de développement du web. Les deux thèses dominantes sont de considérer le Web 3.0 comme l'Internet des objets1, qui émerge depuis 2008, l'autre thèse dominante est d'en faire le web sémantique.

4 E. Grimaux, « La détermination de la date de conclusion du contrat par voie électronique », Comm. Comm. Elect. 2004, chr. N° 10, p. 15.

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Le site internet en question, récemment créé, déploie son activité dans le prêt-à porter. Il propose aux internautes qui ne souhaitent pas s'embarrasser d'un déplacement physique en boutique, de renseigner leurs goûts et leurs styles, directement en ligne, afin qu'un styliste choisisse pour eux les habits et accessoires qui composeront bientôt leur garde-robe.

Ainsi, l'acheteur renseigne sa taille, ses mensurations, puis sélectionne d'une part les styles qu'il affectionne et d'autre part les différents types de vêtements et accessoires dont il a besoin (chemises, pantalons, chaussettes, ceintures...). En confirmant ces informations, il réalise un premier clic qui lui donne accès à sa commande récapitulative, affectée d'un numéro de « malle ». A cet instant, il peut faire appel à un styliste dont les coordonnées s'affichent à l'écran afin de donner de plus amples informations sur ses préférences ou en vue d'obtenir des conseils vestimentaires. Un récapitulatif des informations qu'il a mentionnées s'affichant sur le site, il a possibilité d'en vérifier le détail et d'en corriger le contenu avant de valider définitivement son achat en renseignant ses coordonnées bancaires, sans connaître précisément le prix à payer, car la seule information dont il dispose est que la valeur de la malle ne dépassera pas 1500 euros.

Son styliste référent détermine alors le contenu de la malle selon les informations que l'acheteur a renseignées, chacun ayant la possibilité de joindre l'autre afin d'obtenir de plus amples renseignements. A la réception de la malle, l'acheteur en découvre le contenu et a la possibilité d'en renvoyer tout ou partie au vendeur, s'il n'est pas satisfait.

Ce n'est qu'à ce moment précis que l'acheteur connaîtra le prix des biens qu'il a souhaité garder et que le vendeur aura la possibilité d'obtenir un paiement correspondant à la valeur totale de la malle, déduction faite des biens dont l'acheteur aura souhaité se séparer le cas échéant, en transmettant l'ordre de paiement à la banque de ce dernier.

Cette prestation nous semble être une vente dans la mesure où s'opère un transfert de propriété à titre onéreux, le gestionnaire du site web s'engageant à livrer les choses vendues, et l'acheteur à les payer, comme le prévoit l'article 1582 du Code civil, même

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si nous démontrerons plus loin qu'elle peut éventuellement correspondre à une prestation de service en raison de l'intervention du styliste.

Cependant, sa singularité se dessine à travers deux aspects particuliers.

D'une part, un certain effet de surprise attend l'acheteur qui recevra la malle, dans la mesure où il n'a pas une connaissance précise de son contenu, quand bien même il aurait orienté les décisions de son styliste référent en renseignant ses préférences. L'acheteur accepte en effet, le temps d'une transaction, de « perdre » partiellement « la vue » en s'en remettant au vendeur, ce qui explique que le styliste et l'acheteur aient réciproquement la possibilité de se contacter entre chacun des deux clics en vue de la validation définitive de l'achat. Comme nous le verrons, ces particularités posent de nombreuses questions au regard de l'obligation du vendeur de définir les caractéristiques essentielles des biens vendus, de la validité de l'accord des volontés et de la procédure d'échange des consentements.

D'autre part, la prestation proposée par le site pourrait correspondre à la vente à l'essai prévue par le Code civil à l'article 1588. Non définie par la loi, une telle qualification ne semble qu'induite par l'article 1588 du Code civil aux termes duquel « la vente à l'essai est toujours présumée faite sous condition suspensive ». Ainsi, la condition suspensive consisterait en la réussite de l'essai pratiqué par l'acheteur, autrement dit, en la satisfaction de ce dernier à l'égard des biens qu'il a acquis. De cette façon, la formation définitive de la vente est suspendue à la réussite de cet évènement. La réalisation de la condition opère rétroactivement de sorte que la vente est réputée conclue au moment de l'échange des consentements qui a précédé l'essai par l'acheteur.

Cette variété de vente se distingue de la vente pure et simple comme le rappelle l'article 1584 du Code civil qui ajoute, en outre, que la vente peut également être faite sous condition résolutoire.

En effet, comme le confirment la Doctrine et la jurisprudence, la vente à l'essai peut également être faite sous cette condition5. Dès lors, le mécanisme est sensiblement

5 G. Baudry-Lacantinerie, Traité théorique et pratique de droit civil, t. XIX : Paris, Larose et Forcel, 1901, n° 148 ; M. Planiol et G. Ripert, Traité élémentaire de Droit civil, t. X, par J. Hamel : LGDJ 1956 ; Cass. Req., 28 juillet 1873 : DP 1874, 1, p. 440

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différent, la vente étant définitivement formée dès l'échange des consentements sur la chose et le prix. Cependant, la survenance de l'évènement - l'échec de l'essai, c'est-à-dire, l'insatisfaction de l'acheteur en l'espèce - met fin rétroactivement au contrat qui était définitivement formé au moment de l'échange des consentements.

Le choix du mécanisme de la condition dans la vente à l'essai n'est pas sans conséquences, au regard notamment du transfert des risques. Ainsi, lorsque la condition est suspensive, les risques de la chose pèsent sur le vendeur tant qu'elle ne s'est pas réalisée, par opposition à la vente sous condition résolutoire, dans laquelle les risques pèsent sur l'acheteur dès l'échange des consentements dans la mesure où le contrat est définitivement formé dès cet instant.

En outre, le mécanisme pourrait produire des conséquences autrement plus complexes à l'égard du droit de rétractation, ce sur quoi nous nous interrogerons plus loin.

Telle que nous venons de la décrire, la vente « surprise » à l'essai pose donc de nombreuses difficultés au regard du régime juridique des contrats à distance. En effet, de nombreux textes de droit interne ou de source européenne sont susceptibles de s'appliquer à la vente « surprise » à l'essai, lorsque celle-ci est conclue à distance et notamment par voie électronique. Pour ne citer que ceux qui retiendront notre attention dans le cadre de la présente étude, il est possible d'en distinguer trois types.

Ainsi, d'une part, les articles L 111-1 et suivants du Code de la consommation seront à envisager dans le cadre de l'obligation générale d'information du professionnel, vendeur ou prestataire de service. Il s'agira par ailleurs de comprendre les modifications apportées par le projet de loi relatif à la consommation6 transposant notamment la directive du 25 Octobre 2011 « Droits des consommateurs »7. Dans leur version actuelle, les articles L 111-1 et suivants du Code de la consommation sont applicables si le contrat de vente ou de prestation de services est conclu entre un professionnel et un consommateur.

6 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

7 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

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Non définies de manière générale par la loi, ces notions ont été éclaircies par la doctrine et la jurisprudence, tant interne qu'européenne. Ainsi, le consommateur est nécessairement une personne physique8 qui conclut un contrat pour des besoins extérieurs à son activité professionnelle, sans rapport direct avec elle9. Cette définition, pour le moins restrictive, n'entend pas protéger la personne physique qui agit pour des besoins professionnels en dehors de son champ de compétence alors même que son degré d'ignorance serait similaire à celui d'une personne qui agit pour des besoins personnels. Au contraire, le professionnel est la personne physique ou morale, qui exerce à titre habituel une activité à des fins lucratives et qui conclut dans ce cadre, un contrat pour les besoins de son activité professionnelle.

Notons qu'une petite « révolution » est en marche dans ce domaine. En effet, le consommateur est défini de manière générale par le projet de loi relatif à la consommation10 qui fixe le champ d'application personnel du Code de la consommation, en ajoutant un article préliminaire au livre 1er du Code, aux termes duquel « au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».

Ainsi, le législateur semble ici vouloir mettre fin aux circonvolutions jurisprudentielles en apportant au juge une définition commune à toutes les dispositions du Code de la consommation, ce qui nous semble être une démarche salutaire à l'égalité de protection voulue par le législateur, même si la définition peut sembler critiquable dès lors qu'elle laisse faussement présumer que toute personne agissant pour des besoins professionnels serait plus avertie qu'un contractant agissant pour des besoins personnels et inversement.

8 CJCE 22 novembre 2001, JCP 2002. II. 10047, note Paisant ; D. 2002. AJ 90, note Rondey ; ibid., somm., p. 2929, obs. Pizzio ; Contrats, conc. consom., 2002, no 18, note Raymond ; ibid., chron., p. 14, par Luby ; LPA 2002, note Nourissat ; RTD civ. 2002. 291, obs. Mestre et Fages ; ibid., p. 397, obs. Raynard ; RTD com. 2002. 404, obs. Luby. Arrêt confirmé par Cass. Civ. 1re, 15 mars 2005, LPA 12 mai 2005, p. 12, note D. Bert.

9 V. notamment, en matière de clause abusive, la définition retenue par la Cour de cassation, par ex., Cass. Civ 1ère., 24 janv. 2005, n° 92-18227, Bull civ. I, n° 54, Contrats. Conc. Cons. 1995, comm. N° 84, note L. Leveneur, D. 1995, p. 327, note G.Paisant et somm., p. 229, obs. Ph. Delebecque, JCP G 1995, I, n° 3893, obs.G. Viney.

10 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

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Ces définitions nous semblent correspondre au cas d'espèce, au moins en ce qui concerne le gestionnaire du site web, dont la qualification de professionnel est indiscutable.

En revanche, certains des utilisateurs du site pourraient se voir priver de la qualification de consommateur dès lors qu'ils feraient, par exemple, l'acquisition de vêtements afin de ne pouvoir les porter que sur leur lieu de travail, en respect d'un « code vestimentaire » ne correspondant pas du tout à leurs goûts personnels.

D'autre part, les textes relatifs au « contrat à distance » seront à envisager. Ainsi, la directive du 20 Mai 1997 dite « contrats à distance »11 transposée notamment aux articles L 121-16 et suivants du Code de la consommation par une ordonnance du 23 août 201112, tiendra une place particulièrement importante. De même, il s'agira d'envisager la directive du 25 Octobre 2011 « Droits des consommateurs »13, abrogeant celle de 1997 à compter du 13 juin 2014, dont la transposition française est en cours au travers du projet de loi relatif à la consommation enregistré à la présidence de l'assemblée nationale le 2 mai 201314, toujours susceptible d'amendements.

Enfin, il s'agira d'appliquer les textes relatifs au « contrat électronique », notamment la directive du 8 juin 2000 dite « Commerce électronique »15 transposée aux articles 1369-1 et suivants du Code civil par la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 200416.

11 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21.

12 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation, JORF 25 août 2001, p. 13645. Ce texte assure la transposition fidèle de la directive 97/7/CE du 20 mai 1997.

13 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

14 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

15 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178, 17 juillet 2000, p. 1.

16 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF, 22 juin 2004, p. 11168.

12

La définition du « contrat à distance » ou du « contrat électronique », en tant que champ d'application matériel de ces différents textes ne fait pas obstacle à l'application des règles qu'ils contiennent en ce qui concerne notre cas d'espèce. Ainsi, qu'il s'agisse d'une vente ou d'une prestation de service, ou encore, qu'on retienne une qualification distributive, cette question que nous envisagerons plus loin n'a pas de conséquences sur l'éligibilité des textes, quand bien même le régime juridique qu'ils consacrent en serait fortement influencé.

En effet, l'ensemble de ces textes qui constituent le socle du Droit des contrats à distance et du contrat électronique, s'appliquent tant à la vente qu'à la prestation de services.

En revanche, des divergences sensibles subsistent en ce qui concerne les autres critères de qualification de ces contrats. Ainsi, en substance, l'article 2 de la directive de 199717 exige du contrat à distance qu'il soit conclu entre un consommateur et un fournisseur, dans le cadre d'un système de vente organisé par ce dernier et que les parties aient utilisé une ou plusieurs techniques de communication à distance, des pourparlers à la conclusion définitive du contrat.

A cet égard, la directive ne définit ni le système de vente organisé, ni les techniques de communication à distance.

Le législateur français s'est affranchi de cette définition en modifiant, en ajoutant ou en faisant abstraction de certains de ses éléments - ce qui lui était permis, la directive étant d'harmonisation minimale - par la transposition de cette définition à l'article L 121-16 du Code de la consommation.

Pour ne décrire que les divergences, cet article exige que le contrat à distance ait été conclu sans la présence physique simultanée des deux parties, ce qui exclut par exemple les contrats conclus par internet alors que les parties sont situées dans la même pièce. En outre, la notion de professionnel est substituée à celle de fournisseur, celui-ci n'étant plus tenu de conclure le contrat dans le cadre d'un système de vente organisé. Enfin,

17 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21.

13

l'exigence de l'emploi d'une ou plusieurs techniques de communication à distance est circonscrite au moment de la conclusion du contrat.

Les notions de consommateurs et de professionnels n'étant pas définies comme nous l'avons évoqué, il est cependant possible ici de se référer à la définition du consommateur telle qu'elle est envisagée par la directive de 199718, au regard du principe de la supériorité du Droit de l'Union européenne sur le Droit interne. Ainsi, il s'agit de toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle.

Dans la mesure où le législateur a préféré le terme de professionnel à celui de fournisseur, il n'est pas possible de s'en référer à la définition consacrée par la directive. Mais celle-ci est en accord avec celle du professionnel que nous avons déjà envisagée car la directive définit le fournisseur comme la personne morale ou physique qui agit dans le cadre de son activité professionnelle.

La définition du contrat à distance par la directive du 25 Octobre 201119 dérive de ces deux définitions. Ainsi le contrat à distance consiste en « tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu'au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ».

En revanche, la définition des parties au contrat est complexifiée. Ainsi, le consommateur est toujours une personne physique, mais agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

De même, le professionnel est toujours une personne physique ou morale. Cependant, la directive précise que celle-ci peut être privée ou publique, ce qui est à notre avis une

18 Note préc.

19 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p.64.

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précision inutile au regard du principe selon lequel il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Par ailleurs, le professionnel peut désormais agir par l'intermédiaire d'une personne agissant en son nom ou pour son compte. Ainsi, la personne du commissionnaire ou du mandataire s'efface devant celle de la personne pour qui l'acte est conclu. Enfin, la directive exige que le professionnel agisse à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

Le fait que la directive procède par énumération lorsqu'elle évoque la raison pour laquelle l'acte est conclu semble a priori plus réducteur que si elle s'en était tenue à la notion « d'activité professionnelle » prévue par la directive de 199720. Cependant, nous pensons que les activités énumérées recouvrent la totalité des hypothèses que l'on pourrait qualifier d'activité professionnelle.

Le projet de loi relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'assemblée nationale en mai 201321 transpose fidèlement cette définition hormis un élément qui ne semble cependant pas devoir faire raisonnablement l'objet d'un débat. En effet, il est exigé des parties qu'elles recourent exclusivement à une ou plusieurs techniques de communication à distance « jusqu'à la conclusion du contrat », sans que l'emploi d'une technique de communication à distance soit également expressément prévu pour le moment de la conclusion du contrat.

En théorie, « jusqu'à » est une locution prépositive qui marque un certain point que l'on atteint et au-delà duquel on ne passe pas, de sorte que le moment de la conclusion du contrat est bien compris dans le délai pendant lequel il est nécessaire d'utiliser une ou plusieurs techniques de communication à distance.

De plus, la directive du 25 Octobre 201122 est d'harmonisation maximale conformément à son article 4, ce qui signifie qu'il est interdit au législateur d'aller au-delà ou en-deça de qui est prévu par le législateur européen, sauf autorisation expresse.

20 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21.

21 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

22 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p.64.

15

Au regard de ces éléments, nous devons en conclure que la définition du « contrat à distance », consacrée par le législateur français dans son projet de loi est identique à celle retenue par le législateur européen.

Notre cas d'espèce semble entrer parfaitement dans le champ d'application de ces textes. En effet, comme nous l'avons déjà évoqué, il nous semble que les utilisateurs concluent sur le site internet pour des besoins personnels dans la majorité des cas. De même, le gestionnaire du site web offre nécessairement ses services en vue d'en tirer un bénéfice, et ce, à titre habituel. Par ailleurs, il effectue des actes de commerce par nature visés par l'article L 110-1 1° du Code de commerce dès lors qu'il acquiert les vêtements pour les revendre de sorte qu'il intervient dans le cadre d'une activité commerciale comme le prévoit la directive du 25 Octobre 201123. Notons que le projet de loi ne définit pas le professionnel. Ainsi, il convient de s'en remettre à la définition consacrée par la directive européenne.

Par ailleurs, que les utilisateurs recourent uniquement à la plateforme de vente pour conclure le contrat, ou qu'ils apportent des précisions supplémentaires auprès du styliste par téléphone ou par email, ces circonstances étant de nature à préciser ou redéfinir les éléments essentiels du contrat conclu, il ne fait aucun doute qu'ils concluent sans être présents simultanément l'un et l'autre, en utilisant exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance, des pourparlers à la conclusion du contrat, et ce dans le cadre d'un système de vente organisé par le professionnel.

Pour finir, il nous reste à envisager les dispositions relatives au contrat électronique.

Sa définition consacrée par l'article 1369-4 du Code civil est issue de la LCEN24 qui a notamment transposé la directive du 8 juin 200025, dont il ressort en ses articles 9 et 10

23 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p.64.

24 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF, 22 juin 2004, p. 11168.

25 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178, 17 juillet 2000, p. 1.

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de la section 3 intitulée « contrats par voie électronique », que le contrat électronique est conclu par voie électronique, le débiteur de la prestation de service ou de l'obligation de transférer la propriété et de livrer la chose étant dénommé « prestataire de service ».

L'article 2 de la directive dispose en substance que le « prestataire » est la personne physique ou morale qui fournit un service de la société de l'information, et renvoie à la directive du 22 juin 199826 pour connaître la définition de cette dernière notion considérée comme « tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande d'un destinataire de services ».

La directive du 22 juin 1998 définit également la voie électronique pour les besoins de la définition des « services de la société de l'information » en considérant qu'il s'agit de « tout service envoyé à l'origine et reçu à destination au moyen d'équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques ».

Nous pensons que ces éléments nous permettent d'éclairer la notion de contrat électronique retenue par le Droit français.

En effet, la définition du contrat électronique retenue en Droit français est très lacunaire. Ne semblant qu'induite par la première phrase de l'article 1369-4 du Code civil aux termes de laquelle « quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction », un tel silence laisse pantois au regard de la profusion des critères participant à la définition du contrat à distance.

Ainsi, le contrat électronique est un contrat formé exclusivement par voie électronique, dont le débiteur de l'obligation relative à la prestation de service ou au transfert de

26 Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JOCE n° 204, 21 juill. 1998, p. 37.

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propriété et à la livraison est un professionnel, ce qui exclut les contrats conclus entre particuliers.

D'ailleurs, il est étonnant que le Code civil consacre la notion de professionnel, qui ne semblait être qu'une notion purement consumériste, ce qui peut cependant s'expliquer par le caractère supplétif du régime juridique du contrat électronique consacré par le Code civil dès lors que les parties ont en effet la possibilité d'y déroger si elles concluent toutes deux pour des besoins professionnels.

Par ailleurs, les contrats qui sont formés exclusivement par échange d'email y échappent.

Si l'on envisage la définition française à la lumière de son fondement européen, il est possible d'en préciser un peu plus le contenu, en reprenant notamment la définition de « voie électronique » consacrée par la directive du 22 juin 199827, pour comprendre que le contrat électronique englobe en pratique une large variété de moyens de télécommunication : Internet, SMS, télex...

En effet, même si la directive du 8 juin 200028 ne renvoie à la directive du 22 juin 1998 que pour définir la notion de service de la société de l'information, on peut considérer que ce renvoi s'étend à la définition de « la voie électronique » consacrée par la directive en vue seulement de définir la notion de service de la société de l'information.

D'ailleurs, le considérant 18 de la directive du 8 juin 2000 nous confirme cette interprétation en déclarant que « les services de la société de l'information englobent un large éventail d'activités économiques qui ont lieu en ligne. Ces activités peuvent consister, en particulier, à vendre des biens en ligne. Les activités telles que la livraison de biens en tant que telle ou la fourniture de services hors ligne ne sont pas couvertes. Les services de la société de l'information ne se limitent pas exclusivement aux services donnant lieu à la conclusion de contrats en ligne... ».

27 Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JOCE n° 204, 21 juill. 1998, p. 37.

28 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178, 17 juillet 2000, p. 1.

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Ainsi, ce considérant confirme que la formulation « service presté [...] à distance par voie électronique » fait référence tant à la conclusion du contrat qu'à l'exécution du contrat directement en ligne.

Il nous semble que le cas d'espèce entre également dans le champ d'application de ces textes. En effet, le gestionnaire du site web intervient, à n'en pas douter, à titre professionnel dès lors qu'il agit pour les besoins de son activité lucrative, à titre habituel.

La qualité du créancier de l'obligation du professionnel important peu au stade du champ d'application personnel du régime juridique du contrat électronique, il n'est pas nécessaire de déterminer la raison pour laquelle il agit. En revanche, d'autres éléments nous semblent plus déterminants.

Ainsi, la question est de savoir si les moyens de communication au travers desquels les parties sont susceptibles d'échanger leurs consentements correspondent à la voie électronique envisagée par l'article 1369-4 du Code civil.

Il nous semble que l'internet y correspond de manière certaine car cette technologie fonctionne bien grâce à un « équipement électronique de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données », et qu'elle permet d'acheminer et de recevoir « par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques », un service consistant à permettre la conclusion d'un contrat, conformément à l'article 1-2° de la directive du 22 juin 199829, qui définit la voie électronique à l'aide de ces critères cumulatifs.

Nous verrons cependant plus loin, que l'emploi du téléphone lors de l'échange avec le styliste pourrait échapper au régime juridique du contrat électronique, dans la mesure où cette technologie ne nous semble pas mettre en oeuvre une solution de stockage, à moins que la conversation soit enregistrée.

29 Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JOCE n° 204, 21 juill. 1998, p. 37.

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Ainsi, un panel complet de textes semble devoir s'appliquer à la vente « surprise » à l'essai lorsque celle-ci est conclue à distance et notamment au cas d'espèce qui fait l'objet de la présente étude.

Par conséquent, il s'agit de questionner les difficultés suscitées par la vente « surprise » à l'essai dans le cadre de l'application du régime juridique des contrats à distance et de proposer les solutions aptes à les résoudre.

Nous envisagerons donc en premier lieu la qualification de l'opération réalisée par le site internet pris pour exemple, tant les conséquences sont lourdes notamment à l'égard de l'existence d'un droit de rétractation (Partie préliminaire). En second lieu, nous aborderons les difficultés juridiques soulevées par l'information due à l'acheteur, la procédure d'échange des consentements ainsi que la validité de l'accord des volontés au regard des particularités de la prestation (Partie I) avant d'aboutir à la difficile question de l'application du droit de rétractation dans la vente à l'essai (Partie II).

PARTIE PRÉLIMINAIRE - QUELLE QUALIFICATION POUR UNE OPÉRATION HYBRIDE ?
ENTRE VENTE ET PRESTATION DE SERVICE

La qualification est la première étape à tout raisonnement juridique dès lors qu'elle détermine le régime juridique applicable. Cette étape est parfois périlleuse lorsqu'elle met en évidence l'existence d'un contrat à objet mixte, auquel l'application cumulative de régimes juridiques distincts occasionnerait de nombreuses difficultés.

La prestation offerte par le site internet qui fait l'objet de la présente étude nous semble pouvoir être concernée par cette situation dès lors qu'elle mêle transfert de propriété et prestation de service. En effet, le gestionnaire du site web propose aux utilisateurs un service personnalisé en confiant à un styliste le soin de déterminer le contenu de la malle commandée par ces derniers, tout en transférant à l'acheteur la propriété des vêtements qu'il a acquis en vue seulement de les revendre.

Ainsi, il apparaît fondamental de qualifier la prestation effectuée par le gestionnaire du site web et de comprendre s'il faut retenir une qualification unitaire (section 2) ou au contraire appliquer une qualification distributive (Section 1) en considérant qu'aucune des deux prestations ne semble dominer l'autre. Seule la directive du 25 Octobre 2011 définissant la vente et la prestation de service, il nous faudra raisonner sans définition expresse pour déterminer une qualification au regard du Droit positif.

SECTION 1 : Qualification distributive

Plusieurs éléments nous permettent d'établir une qualification distributive (§1), dont l'application emporterait de nombreuses conséquences à l'égard notamment de l'existence d'un droit de rétractation au bénéfice de l'acheteur (§2).

§ 1 Les justifications d'une qualification distributive

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L'article 1582 du Code civil dispose :

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La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer.

La formule consacrée par le Code civil ne met pas en évidence la nécessité d'un transfert de propriété. Pourtant, la vente est bien un contrat synallagmatique à titre onéreux en vertu duquel le vendeur s'oblige à transférer la propriété de la chose vendue et en contrepartie de quoi l'acheteur s'oblige à la payer. En effet, le prix n'est pas affecté à la livraison mais à la chose, ce qui sous-entend que la vente emporte bien un transfert de propriété au profit de l'acheteur.

La prestation de service, elle, n'est pas définie par le Code civil qui ne consacre que la notion de louage d'ouvrage considéré comme tout « contrat par lequel l'une des parties s'engage à faire quelque chose pour l'autre, moyennant un prix convenu entre elles ».

Dès lors, il convient selon nous, de s'en remettre à la classification tripartite des obligations consacrée par l'article 1126 du Code civil aux termes duquel « tout contrat a pour objet une chose qu'une partie s'oblige à donner, ou qu'une partie s'oblige à faire ou à ne pas faire ». Ainsi, dès lors qu'une partie s'oblige à autre chose qu'à transférer la propriété d'un bien, elle est irrémédiablement débitrice d'une obligation de faire ou de ne pas faire. Lorsque le créancier de l'obligation de faire s'engage à payer un prix en contrepartie au débiteur, le contrat semble bien devoir correspondre à la qualification de louage d'ouvrage.

A cet égard, il nous semble qu'en offrant aux utilisateurs une prestation de conseil qui sera assurée par un styliste, le gestionnaire se rend débiteur d'une obligation de faire, qui devra faire l'objet d'un paiement. N'étant pas subordonné à ses clients, il s'oblige à exécuter une prestation de service et non un simple contrat de travail.

Ainsi, une qualification distributive pourrait être envisagée en considérant que les utilisateurs concluent sur le site à la fois pour acquérir la propriété des vêtements et accessoires qu'ils ont achetés, mais également pour bénéficier des conseils d'un styliste dans la mesure où ces derniers ne peuvent choisir seuls.

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§ 2 Les conséquences d'une qualification distributive

L'application d'une qualification distributive causerait beaucoup de difficultés dans l'application du régime juridique des contrats à distance.

En effet, l'article L 121-20-2 du Code de la consommation nie l'existence d'un droit de rétractation pour les contrats de prestation de service dont l'exécution commence immédiatement après la conclusion.

A supposer que l'acheteur, bénéficiaire de la prestation de service, exerce son droit de rétractation et renvoie l'intégralité des vêtements qu'il avait acquis, il ne serait mis fin au contrat que partiellement. Le contrat conclu initialement deviendrait donc un simple contrat de prestation de service. Il y aurait lieu de mettre en évidence la partie du prix correspondant au service pour que celle-ci ne soit pas remboursée.

Fort heureusement dans notre hypothèse, le gestionnaire du site web s'est engagé à ne rien débiter sur la carte bleue du client de sorte qu'il ne lui appartient pas de procéder à une telle répartition. Mais au cas où l'acheteur souhaiterait garder une partie du contenu de la malle, il y aurait lieu de mettre en évidence le prix du service rendu pour la détermination de la totalité du contenu de la malle et le prix correspondant à chacun des biens pour que ne subsiste que le prix du service et celui des biens qui ont été conservés par le client.

Comme on le voit, l'application d'une qualification distributive complexifie la situation dès lors que les droits du consommateur ne sont pas exactement les mêmes en fonction de la qualification correspondant au contrat qu'il a conclu, c'est-à-dire, selon qu'il a conclu une vente ou une prestation de service.

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SECTION 2 : Qualification unitaire

Plusieurs éléments sont susceptibles de mettre en évidence une qualification unitaire (§1), ce qui n'est pas sans conséquences sur le régime juridique des contrats à distance (§2).

§ 1 Les justifications d'une qualification unitaire

Certains éléments commandent de désapprouver l'application d'une qualification distributive. En effet, sauf à remettre en question l'ensemble des qualifications juridiques en considérant par exemple que la vente est un contrat mixte lorsque le vendeur s'oblige à assurer la livraison du bien vendu30, il ne paraît pas raisonnable de considérer qu'un contrat est mixte dès lors qu'il fait naître des obligations de nature différente.

Ainsi, il nous paraît plus raisonnable d'appliquer une qualification unitaire à un contrat mixte dont l'une des obligations semble ressortir plus qu'une autre, autrement dit, lorsqu'une obligation semble accessoire à une autre qui peut être qualifiée de principale.

Il s'agit cependant de déterminer dans quelle mesure une obligation est accessoire à une autre, et notamment de comprendre si l'accessoire est ce qui n'est pas prépondérant par opposition au principal ou ce qui n'est pas suffisamment autonome en ce sens qu'il sert d'instrument à l'exécution d'une autre obligation.

Dans le premier cas, il convient de mettre en oeuvre la technique du faisceau d'indices.

Ainsi, si l'on s'en tient à la volonté de l'utilisateur du site web, il nous semble qu'il paraît difficile de mettre en évidence l'existence d'une obligation prépondérante. En effet, si l'utilisateur souhaite acquérir la propriété de vêtements et accessoires, il désire tout autant obtenir un service de conseil de qualité de la part du gestionnaire par l'intermédiaire de son styliste.

30 L'expression « livrer » consacrée par le Code civil est malencontreuse car elle fait seulement référence à la délivrance, impliquant la dépossession du bien des mains du vendeur, et n'oblige pas le vendeur à assurer le transport de la chose pour la remettre entre les mains de l'acheteur.

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A l'égard du prix pourtant, une telle solution est moins évidente. En effet, s'il ne fait aucun doute que le prix de vente des biens englobe celui du service personnalisé offert à l'acheteur lorsque l'utilisateur reçoit la facture des biens qu'il a acquis, le gestionnaire du site l'informe cependant qu'il ne sera redevable d'aucune dette s'il retourne la totalité du contenu de la malle, de sorte, qu'il n'entend même pas lui faire payer le service qui lui a pourtant été rendu par le styliste. A cet égard, la prestation de service apparaît moins prépondérante.

Dans le second cas, il semble que la prestation de service assurée par le gestionnaire soit accessoire à la vente, dès lors qu'elle n'est assurée qu'en vue de permettre au vendeur de mieux vendre et à l'acheteur de mieux acheter. Ainsi, une qualification unitaire de vente doit être privilégiée.

Il nous semble plus logique d'appliquer le second critère dans la mesure où ce dernier est empreint de plus d'objectivité que le 1er critère dont la réalité variera au gré des espèces. En effet, dans certains cas nous pourrons considérer comme très limitée l'importance du service aux yeux de l'acheteur dès lors que ce dernier renseigne très précisément ses goûts, ce qui ne laisse qu'une faible marge de manoeuvre au styliste, et démontre que son intervention a peu d'intérêt à ses yeux. Au contraire, certains utilisateurs ne sachant pas choisir seuls accordent une confiance presque aveugle en la personne du styliste, ce qui confère davantage de valeur à ce service.

La directive du 25 Octobre 2011 vient apporter une précision qui nous paraît capitale sur ce point. En effet, en définissant la vente comme « tout contrat en vertu duquel le professionnel transfère ou s'engage à transférer la propriété des biens au consommateur et le consommateur paie ou s'engage à payer le prix de ceux-ci, y compris les contrats ayant à la fois pour objet des biens et des services », la directive semble privilégier une qualification unitaire de contrat de vente lorsque le contrat a pour objet une vente et un service.

Cette lecture est confirmée par l'alinéa suivant qui définit le contrat de service comme « tout contrat autre qu'un contrat de vente en vertu duquel le professionnel fournit ou s'engage à fournir un service au consommateur et le consommateur paie ou s'engage à

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payer le prix de celui-ci ». En effet, en s'abstenant de préciser qu'un contrat de service peut correspondre à une telle qualification alors même qu'il a également pour objet une vente, le législateur européen semble vouloir privilégier la qualification de vente le cas échéant. Ainsi, même si le projet de loi relatif à la consommation ne consacre pas de telles définitions, on peut néanmoins considérer qu'un tel raisonnement devrait être suivi en application du principe de supériorité du Droit communautaire sur le Droit interne.

Au regard de ces arguments, il nous semble que les contrats conclus entre les parties doivent être considérés comme des contrats de vente.

§ 2 Les conséquences d'une qualification unitaire

L'application d'une qualification unitaire n'a pas pour effet d'évacuer toutes les questions comme nous le verrons plus loin. Cependant, celle-ci a le mérite d'éviter l'application distributive de deux régimes juridiques distincts au contrat conclu par le consommateur.

C'est ainsi qu'à l'égard du droit de rétractation notamment, l'acheteur est supposé bénéficier d'un tel droit sans qu'une partie du contrat survive au cas où il déciderait de se séparer de la totalité des biens qu'il avait acquis. En effet, le service dont il a pu bénéficier dans le cadre du contrat qu'il a conclu à distance par l'intermédiaire du site web étant accessoire au transfert de propriété, il est comme absorbé par la figure principale du contrat, la vente, de sorte qu'il y a lieu d'appliquer le droit de rétractation pour le tout sans avoir à distinguer ce qui relève de la vente et ce qui au contraire relève du service.

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PARTIE 1 : DE L'INFORMATION À L'ÉCHANGE DES CONSENTEMENTS DANS LA VENTE

« SURPRISE » À L'ESSAI

De nombreuses particularités relatives à la vente conclue par le site internet entrent directement en conflit avec le régime juridique des contrats à distance. Ainsi en effet, le vendeur, tenu en principe d'informer l'acheteur à l'égard des caractéristiques essentielles de la chose vendue et de son prix (chapitre I), occultera éventuellement une partie de ces informations afin de provoquer un « effet de surprise » chez l'acheteur. Ce dernier ne découvrira en effet le contenu de la malle et le prix des vêtements et accessoires qu'il souhaitera éventuellement garder, qu'après l'avoir reçue et ouverte. C'est pourquoi nous avons d'ailleurs décidé de surnommer l'acte juridique conclu « la vente surprise ».

D'autres questions non moins importantes y sont également liées.

Ainsi, les dispositions relatives au régime juridique du contrat électronique contraignent le vendeur à respecter une certaine procédure dans l'échange des consentements, ce qui pose notamment problème si des échanges complémentaires ou contradictoires pouvaient avoir lieu entre l'acheteur et le styliste en dehors du site internet (chapitre II).

Enfin, les particularités de la vente conclue sur le site internet méritent d'être analysées sous l'angle des conditions de validité de la vente « surprise », lorsqu'elle est notamment conclue à distance par voie électronique (chapitre III).

CHAPITRE 1 : L'obligation du vendeur de définir les caractéristiques essentielles de la chose et son prix

Il ne s'agit pas ici d'analyser de manière générale l'ensemble des informations que le vendeur doit délivrer à l'acheteur, ainsi de celles prévues par l'article L 121-18 du Code de la consommation qui impose au vendeur de mentionner dans son offre un panel d'informations relatives notamment à son identité, aux moyens de paiement, frais de livraison et à l'existence d'un droit de rétractation et ses limites éventuelles.

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Nous nous en tiendrons aux seules informations prévues par les articles L 111-1 et L 113-3 du Code de la consommation (Section 1), auquel renvoie d'ailleurs l'article L 121-18 du même code, et qui doivent en outre être fournies au consommateur, par écrit ou sur un autre support durable à sa disposition, en temps utile et au plus tard au moment de la livraison, à moins que le vendeur n'ait satisfait à cette obligation avant la conclusion du contrat, comme le prévoit l'article L 121-19 1° du Code qui intègre ces informations au dispositif.

Dans un second temps, il s'agira de déterminer les sanctions qu'encourt l'acte conclu ou le professionnel vendeur en cas de manquement de ce dernier à son obligation d'information prévue par le Code de la consommation (section 2).

SECTION 1 L'objet de l'information : les caractéristiques essentielles de la chose et son prix

L'actuel article L 111-1 du Code de la consommation exige seulement du professionnel vendeur, qu'il mette le consommateur acheteur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien, avant la conclusion du contrat (§1).

Réitérée par l'article 4 du projet de loi relatif à la consommation qui modifie le libellé de l'article L 111-1 dudit Code, cette exigence s'accompagne désormais31 d'une obligation pour le professionnel de renseigner l'acheteur sur le prix du bien (§2).

§ 1 Interprétation objective et subjective des caractéristiques essentielles de la chose

La version actuelle du Code de la consommation sépare de façon très nette la vente et la prestation de service dans le cadre de l'obligation générale d'information, en consacrant à chacun de ces contrats un article propre.

Ainsi l'information due par le vendeur est quasiment circonscrite aux caractéristiques essentielles de la chose à la différence de celle due par le prestataire de services qui est tenu de délivrer au consommateur un ensemble d'informations beaucoup plus large,

31 Auparavant, elle ne figurait pas dans l'obligation générale d'information mais seulement à l'article L 113-3.

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ainsi notamment de son identification et des conditions générales du services... Il n'en a pas toujours été ainsi. En effet, la loi du 26 juillet 199332 qui avait introduit cet article dans le Code de la consommation33 traitait de manière commune34 l'obligation générale d'information du vendeur et du prestataire de service, au sein d'un même article L 1111.

Cependant, malgré les réformes successives de l'obligation générale d'information du professionnel, la notion de « caractéristiques essentielles du bien » n'a jamais été définie par le législateur. A cet égard, on peut se demander si l'obligation du vendeur de renseigner l'acheteur sur les caractéristiques essentielles du bien se confond avec l'obligation générale de renseignement découverte par la jurisprudence. En effet, prenant acte de l'évolution des rapports entre contractants et de l'inégalité de savoir dans laquelle sont parfois placées les parties, la jurisprudence a mis à la charge de « celui qui sait » une obligation de renseigner son co-contractant.

Néanmoins, pour que cette obligation existe, il est nécessaire de réunir certaines conditions et notamment que le débiteur de cette obligation sache détenir une information « pertinente », c'est-à-dire, essentielle aux yeux de son co-contractant car susceptible de lui faire renoncer au projet de conclure le contrat ou à tout le moins de lui faire changer les conditions de son accord.

On peut donc se demander si l'article L 111-1 du Code de la consommation donne un support textuel à cette obligation dans les rapports entre professionnels et consommateurs ou consacre une obligation différente. En effet, nous savons que les caractéristiques d'un bien sont les éléments qui permettent de le distinguer d'un autre d'une même nature. Mais la question est de savoir si celles qui sont essentielles au sens de cet article sont celles qui sont déterminantes du consentement de l'acheteur, essentielles à ses yeux, ou celles qui, de manière différente, sont essentielles aux yeux de tout consommateur.

32 Loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 relative au code de la consommation, JORF n°171 du 27 juillet 1993 p. 10538.

33 Avant d'être codifiée à l'article L 111-1 du Code de la consommation, cette disposition avait toutefois été créée par la loi du 18 janvier 1992.

34 Hormis l'obligation spécifique pour le vendeur d'informer l'acheteur de la période pendant laquelle les pièces de rechanges seront disponibles sur le marché.

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Dans le premier cas, une interprétation subjective des caractéristiques essentielles du bien obligerait l'acheteur à prouver à chaque fois que telle ou telle lacune avait été déterminante de son achat, même s'il se pourrait cependant qu'on oblige le consommateur à fournir une telle preuve dans le cas seulement où il serait impossible de présumer le caractère essentiel de cette caractéristique35.

Dans le second cas, il s'agit plutôt d'une interprétation objective des caractéristiques essentielles du bien qui nous semble plus conforme à l'esprit du Droit de la consommation.

En effet, apparu en France dans les années 1970, le mouvement consumériste a milité en faveur de la consécration d'un ordre juridique de protection propre à prendre en compte l'inégalité des parties au sein du contrat au travers d'une vision objective et catégorielle des parties. Ainsi, l'économie essentiellement rurale et artisanale ayant laissé place à une économie industrielle constituée d'acteurs au poids considérable, la vision libéraliste du droit a laissé place à une vision plus protectrice des intérêts du plus faible, percevant les consommateurs tels une masse une et indivisible face aux professionnels édictant leurs conditions au travers d'une nouvelle figure contractuelle dénommée contrat « d'adhésion »36.

Il nous semble donc que l'article L 111-1 du Code de la consommation oblige le professionnel vendeur à renseigner le consommateur acheteur sur les caractéristiques objectivement essentielles aux yeux de tout consommateur, c'est-à-dire, les éléments qui sont susceptibles de distinguer une chose d'une autre, et auxquels tout consommateur attache une importance déterminante de son consentement.

Si cette interprétation peut sembler plus protectrice du consommateur sur le terrain notamment probatoire, dès lors qu'il n'aura pas à établir devant une juridiction qu'une

35 Comme en matière d'erreur, où le juge se livre à une interprétation subjective des qualités substantielle d'un objet mais dispense la victime de l'erreur de prouver qu'une qualité était substantielle à ses yeux dans le cas où on ne pourrait pas douter qu'elle le serait aux yeux de chacun. Voir sur ce point Aubry et Rau, Cour de droit civil français, t. IV, 6e éd. Par Bartin, § 343bis p. 433 ; v. déjà Demolombe, Cour de Code Napoléon, t. XXIV, 1970, n° 89 p. 91 et s, v. depuis en ce sens, P. Malinvaud, De l'erreur de l'acheteur, L'authenticité du bien d'art (étude critique), RTD civ. 1982, p. 55 et s.

36 Cette expression signifie que le consommateur n'a pas la possibilité de négocier les termes du contrat de sorte qu'il ne peut qu'y consentir purement et simplement.

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caractéristique du bien qu'il a acheté était pour lui essentielle37, il n'en reste pas moins qu'elle empêche cependant ce dernier d'obtenir une protection en fournissant une telle preuve au cas où une étude statistique démontrerait qu'une caractéristique du bien vendu n'était pas essentielle aux yeux de la majorité de ses semblables.

Cette analyse ne nous semble pas devoir être remise en question par la directive du 25 Octobre 201138 qui reprend cette obligation pour le professionnel au sein de ses articles 6.1 a) et 6.1 b), en la circonscrivant à la notion de « caractéristiques principales ». Transposée dans les mêmes termes au sein du futur article L 111-1 1° du Code de la consommation consacré par le projet de loi relatif à la consommation, cette notion nous semble devoir être interprétée de la même manière eu égard à l'objectivité voulue par le législateur en la matière.

En ce qui concerne notre cas d'espèce, on peut penser que de nombreuses caractéristiques sont susceptibles d'être caractérisées comme telles. Ainsi, le type de vêtements et leurs tailles répondent à n'en pas douter à cette qualification. Cependant, si le gestionnaire du site web demande aux utilisateurs de renseigner leurs mensurations, il s'abstient de leur demander combien de pantalons ou de vestes leur sont nécessaires, se contentant de laisser à ces derniers le soin de cocher des cases correspondant au type de vêtements et accessoires dont ils ont besoin. De même, il est simplement demandé au potentiel acheteur de renseigner le ou les styles qu'il affectionne (classique, rétro, vintage, etc...) sans donner plus de détail sur la forme, la couleur et la coupe des vêtements et accessoires.

Il nous semble que ces caractéristiques sont essentielles aux yeux de tout consommateur, dans la mesure où l'habillement contribue à renforcer l'identité de chacun. Il paraîtra nécessaire à certains de choisir des vêtements dont la coupe est susceptible de mettre en évidence ou de dissimuler leurs formes, ou encore dont le ton de couleur est à même de révéler leur excentricité ou au contraire leur discrétion.

37 Ce qui nous semble plus difficile que de prouver qu'une caractéristique est objectivement essentielle aux yeux de tout consommateur grâce à un sondage.

38 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p.64.

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C'est pourquoi l'esprit original dont s'inspire le vendeur, en retenant volontairement certaines informations afin de garantir un effet de surprise à l'acheteur, nous apparaît assez peu conforme à l'objectif de protection visé par le législateur au travers de l'information. En effet, le gestionnaire du site procède au contraire à une rétention d'informations sur les caractéristiques essentielles des biens qui seront livrés à l'acheteur en vue de lui réserver un effet de surprise. L'acheteur peut d'ailleurs renoncer à cet effet de surprise en contactant le styliste pour obtenir des informations supplémentaires ou afin de préciser un peu plus ses goûts et ses styles.

Le système semble ainsi diamétralement contraire à celui voulu par le législateur car tout se passe comme si c'était l'acheteur qui renseignait le vendeur et non le contraire. Il semble donc que le vendeur méconnaisse les termes de l'article L 111-1 du Code de la consommation.

Cependant, nous tâcherons plus loin de nous demander si la circonstance selon laquelle les lacunes informatives sont imputables à l'acheteur, resté passif alors même qu'il avait la possibilité de demander des informations supplémentaires, est de nature à influer sur les sanctions encourues par le vendeur.

§ 2 L'information sur le prix

L'article L 113-3 alinéa 1 du Code de la consommation prévoit que : « tout vendeur de produit [...] doit, par voie de marquage, d'étiquetage, d'affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix [...] selon des modalités fixées par arrêtés du ministre chargé de l'économie, après consultation du Conseil national de la consommation. »

D'inspiration différente que celle qui a guidé le législateur dans la rédaction de l'article L 111-1 du Code de la consommation39, cet article semble néanmoins s'appliquer à la vente à distance. En effet, l'alinéa 3 définit le champ d'application de cette règle en prévoyant qu'elle est applicable à toutes les activités visées au dernier alinéa de l'article L 113-2 du Code de la consommation, dont l'activité de distribution fait partie.

39 Cette règle est issue de l'ordonnance de 1986, relative à la liberté des prix.

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L'arrêté du 3 décembre 198740 définissant les modalités générales d'application de l'alinéa 1er de l'article L 113-3 du Code de la consommation, prévoit alors en son article 14 que le prix de tout produit proposé au consommateur selon une technique de communication à distance 41, doit être indiqué de façon précise au consommateur, par tout moyen faisant preuve, avant la conclusion du contrat.

L'article 1er de l'arrêté définit la manière dont cette information est délivrée en précisant que quel que soit le support utilisé, l'information sur le prix doit faire apparaître la somme totale toutes taxes comprises, qui devra être effectivement payée par le consommateur, exprimée en euros.

L'article 2 prévoit par ailleurs que le vendeur doit informer de façon complète le consommateur du montant des frais de livraison, par tout moyen approprié, avant la conclusion du contrat.

Ces dispositions posent beaucoup de difficultés en l'espèce dans la mesure où le vendeur est tenu de délivrer ces informations au consommateur avant la conclusion définitive du contrat. En effet, dès lors que l'acheteur ne sait pas ce qu'il recevra, il commande à l'aveugle un ensemble de vêtements et accessoires sans connaître leur prix. Le gestionnaire du site web informe alors les utilisateurs qu'ils doivent inscrire leurs coordonnées bancaires pour valider définitivement leur achat. Ainsi, le vendeur prend une empreinte des coordonnées bancaires et informe l'acheteur que ce dernier commande une malle dont la valeur ne dépassera pas 1500 euros, et qu'il ne sera débité que du montant correspondant à la valeur des biens et accessoires qu'il aura souhaité conserver.

La question est donc de savoir si la seule mention d'un prix maximal suffit à libérer le vendeur de son obligation d'information en matière de prix. La question des frais de

40 Arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix, JORF du 10 décembre 1987 p. 14354.

41 Constitue une technique de communication à distance, au sens de l'arrêté, toute technique permettant au consommateur, hors des lieux habituels de réception de la clientèle, de commander un produit ou de demander la réalisation d'un service Sont notamment considérés comme des techniques de communication à distance la télématique, le téléphone, la vidéotransmission, la voie postale et la distribution d'imprimés.

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livraison ne pose pas de difficultés ici car le gestionnaire du site web informe l'acheteur que la livraison est gratuite.

Si l'article de l'arrêté évoque une information sur la somme totale toutes taxes comprises, l'article 14, spécifique aux contrats conclus à distance oblige le vendeur à délivrer une telle information pour tout produit et de façon précise, le contraignant ainsi à indiquer un prix propre à chaque produit. Il ne fait donc aucun doute que l'information délivrée par le site internet en matière de prix n'est pas assez précise et que le vendeur encourt les sanctions prévues par l'article L 113-3 du Code de la consommation que nous aurons l'occasion d'aborder plus loin.

Le projet de loi relatif à la consommation42 apporte pour sa part quelques modifications à l'obligation d'information du vendeur en matière de prix, conformément à la directive du 25 Octobre 201143. En effet, le prix fait maintenant partie intrinsèque de l'obligation générale d'information à l'article L 111-1 2° du Code de la consommation qui dispose qu' « avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente [...], le professionnel communique de manière lisible et compréhensible, au consommateur les informations suivantes :2° le prix du bien [...] conformément aux articles L 113-3 et L 113-3-1 du Code de la consommation. »

Un mécanisme dérogatoire est cependant prévu par le projet de loi et pourrait éventuellement résoudre les difficultés du vendeur dans ce cas. En effet, il est prévu d'insérer un nouvel article L 113-3-1 aux termes duquel « lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l'avance du fait de la nature du bien ou du service, le professionnel fournit le mode de calcul du prix .... ».

Si la disposition faire référence à la nature du bien ou du service, ce qui est pour le moins restreint, on peut néanmoins raisonnablement penser que l'esprit du texte est de prendre en compte la spécificité de certains contrats dont l'architecture ne permet pas de calculer un prix à l'avance.

42 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

43 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

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Cette interprétation plus extensive pourrait fonder une solution pour le vendeur consistant par exemple à fixer des prix généraux propres à chaque type de vêtement en prévoyant par exemple qu'un prix de 90 euros correspondant au vêtement « pantalon » sera à multiplier par le nombre de produits de ce type que l'acheteur aura souhaité garder.

Ainsi, sans pouvoir faire connaître à l'acheteur le prix total de la malle qu'il a commandée, dans la mesure où ce prix total ne sera connu qu'après la validation définitive de l'achat lorsque le styliste aura déterminé le contenu de la malle, le vendeur peut néanmoins l'informer du prix maximal que la malle ne pourra dépasser en tout état de cause et informer l'acheteur du prix correspondant à chaque catégorie de produit susceptible de figurer dans la malle. L'acheteur peut alors se faire une idée du prix qu'il aura éventuellement à débourser, ce qui nous semble être conforme à l'esprit du mécanisme consacré par le projet de loi transposant sur ce point l'article 6 1. E) de la directive du 25 Octobre 201144.

Si l'on peut établir des manquements relatifs à l'obligation d'information du professionnel vendeur en ce qui concerne le prix ou les caractéristiques essentielles du bien, il reste à déterminer les sanctions actuelles et à venir.

44 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

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SECTION 2 : Les conséquences d'un manque d'informations pour le professionnel vendeur et l'acte conclu

De nombreuses sanctions sont susceptibles de s'appliquer au manquement du vendeur dans le cadre de son obligation d'information. Nous envisagerons dans un premier temps les sanctions civiles (§1), puis dans un second les sanctions pénales et administratives, actuelles ou à venir (§2).

§ 1 Les sanctions civiles d'un manque d'informations par le professionnel

L'article L 111-1 du Code de la consommation ne consacre aucune sanction spécifique à la violation de l'obligation générale d'information par le professionnel.

Il faut donc s'en remettre au Droit commun pour les déterminer.

Ainsi, dans la mesure où le professionnel est tenu d'informer le consommateur sur les caractéristiques essentielles du bien à vendre et son prix avant la conclusion du contrat, il apparaît que cette obligation n'est pas de nature contractuelle de sorte que sa violation ne devrait traditionnellement se résoudre qu'en dommages-intérêts si le consommateur établissait la preuve d'un préjudice qui en résulte.

Ayant cependant considéré que la personne qui omettait de délivrer à son co-contractant une information déterminante de son consentement commettait un Dol par réticence rendant nul le contrat qui avait été conclu, la jurisprudence avait consacré implicitement une obligation générale de renseignement préalable à la conclusion du contrat et qui permettait d'en invalider la formation.

Si l'on raisonne par analogie, on peut donc raisonnablement penser que la nature pré-contractuelle - donc délictuelle - de l'obligation légale générale d'information dont est débiteur le professionnel est susceptible d'être sanctionnée sur le terrain des vices du consentement.

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La question est donc de savoir ce qu'il appartient à l'acheteur de prouver au cas où il se prétend victime d'une lacune informative, dans la mesure où le Dol s'entend généralement d'un acte positif ou négatif - élément matériel - de la part d'une partie dont l'intention était de tromper - élément intentionnel - son co-contractant.

L'article L 111-1 III du Code de la consommation oblige le professionnel à prouver qu'il a exécuté son obligation d'information de sorte qu'il n'appartient pas au consommateur de prouver la carence informative du vendeur, comme le rappelle la jurisprudence sur ce point sur le fondement des articles L 111-1 du Code de la consommation et 1315 du Code civil45. Ainsi l'élément matériel est établi assez facilement.

Concernant cependant l'élément intentionnel, la jurisprudence relative à l'obligation générale de renseignement a parfois tendance à le présumer en considérant que de par sa qualité de professionnel, un contractant ne pouvait méconnaître l'information qui était due au partenaire et son importance de sorte qu'en omettant de la lui délivrer, il pouvait s'en déduire qu'il avait eu l'intention de le tromper46. Cette jurisprudence maintes fois contredites par la suite47, pourrait cependant naturellement être transposée à l'obligation générale d'information consacrée par le Code de la consommation. En effet, si l'on s'en tient à une vision objective des caractéristiques essentielles, le consommateur acheteur n'aurait même pas à prouver qu'une caractéristique était essentielle à ses yeux. Une simple démonstration de ce que cette caractéristique est essentielle aux yeux de tout consommateur suffirait donc.

Partant, il serait paradoxal de considérer qu'une caractéristique est essentielle à tout consommateur mais qu'un professionnel peut méconnaître cette circonstance de notoriété publique.

Néanmoins, le cas qui fait l'objet de la présente étude nous apparaît révéler le caractère excessif de cette jurisprudence. En laissant à l'acheteur la liberté de demander au

45 Cass. Civ 1ère , 13 décembre 2012 n° 11-27766.

46 Cass. Civ 1ère, 19 janv. 1977, Bull. Civ. I, n° 40, p. 30 ; 18 avril 1989, Bull. Civ. I, n° 150, p. 99.

47 V. par exemple. Cass. Civ 1ère, 21 janv. 1981, Bull civ. I, n° 25, p. 23 ; 23 janvi. 1987, D. 1987. IR p. 168, qui exigent un silence volontairement gardé. V. aussi Cass. Civ 3ème, 25 fév. 1987, Bull. Civ. III, n° 36, p. 21 ; Cass. Civ 1ère, 12 Nov 1987, Bull. Civ. I, n° 293 p. 211, Défresnois 1988. 1092, obs Aubert, RTD civ. 1988.339, obs. J. Mestre ; Cass. Com ; 28 juin 2005, D.2006.2774, note Chauvel, RTD civ. 2005.591, obs. Mestre et Fages. qui exigent que la dissimulation ait été pratiquée « intentionnellement pour tromper le contractant et le déterminer à conclure le contrat ».

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vendeur par l'intermédiaire du styliste des informations supplémentaires, le gestionnaire du site web met en place un système d'informations à la demande. Ainsi, il ne retient pas les informations sur les caractéristiques essentielles des vêtements et accessoires de manière purement intentionnelle et qui plus est, en vue de tromper l'acheteur. La rétention à laquelle il procède effectivement est subordonnée à la volonté de l'acheteur de jouir d'un effet de surprise lors de la réception de la malle, celle-ci pouvant être déduite de sa passivité48.

Autrement dit, il nous paraît évident que le comportement du vendeur professionnel, en l'espèce, le gestionnaire du site web, ne révèle pas une intention de tromper son cocontractant, mais de manière tout à fait différente, une simple intention de « surprendre ».

Il nous semble ainsi qu'au regard de la version actuelle de l'obligation du vendeur d'informer l'acheteur sur les caractéristiques essentielles du bien, sous réserve cependant que la jurisprudence confirme notre lecture de la théorie des vices du consentement, le gestionnaire du site web n'encourt aucun risque.

A supposer néanmoins qu'on puisse retenir un Dol en l'espèce, on peut tout de même s'interroger sur d'autres moyens de contester la sanction. Le Droit de la consommation étant d'ordre public, il nous semble impossible pour le gestionnaire du site web de se décharger de son obligation d'information en insérant une clause dérogatoire au sein de ses conditions générales de vente.

En revanche, il peut sembler opportun d'analyser la question sous l'angle de la passivité du comportement de l'acheteur, qui avait la possibilité de demander l'ensemble des informations qui lui étaient dues avant la conclusion définitive du contrat.

S'il ne nous semble pas possible de considérer que l'acheteur ait renoncé à la protection qui lui était offerte par le Code de la consommation49, une solution pourrait, à tout le

48 C'est d'ailleurs pourquoi il ne fait aucun doute, que l'acheteur ne pourrait agir sur le terrain de l'erreur, laquelle serait « inexcusable » au regard du principe « De non vigilantibus non curat praetor » (Des insouciants, le préteur n'a cure), l'acheteur ayant refusé de s'informer alors même que le vendeur lui en avait laissé la possibilité.

49 Alors même que le Droit de la consommation relève d'un Ordre public de protection.

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moins, consister à mettre à la charge de l'acheteur une obligation de diligence en insérant une clause aux termes de laquelle le vendeur fait savoir à l'acheteur qu'il a la possibilité d'obtenir la communication de l'ensemble des informations qui lui sont dues, s'il fait une demande expresse en ce sens à son styliste avant de valider définitivement son achat.

Autrement dit, le vendeur permettrait à l'acheteur de renoncer au système d'information à la demande qui lui est proposé, tout en verrouillant sa responsabilité et la validité des actes juridiques conclus.

Il pourrait d'ailleurs être opportun que le Code de la consommation consacre une telle obligation à la charge du consommateur afin de rééquilibrer les rapports des parties. En effet, comme on le voit dans une telle situation, l'impératif de protection du consommateur n'est pas en parfaite corrélation avec la réalité, et tend à déresponsabiliser le consommateur et à mettre injustement en danger le professionnel.

Ce constat est d'autant plus cinglant si l'on analyse les nouvelles sanctions consacrées par le projet de loi relatif à la consommation, que nous verrons plus loin.

Quant à la lacune informative du vendeur professionnel à l'égard du prix, ni l'article L 113-3 du Code de la consommation, ni l'arrêté du 3 décembre 198750 ne consacrent de sanction à la violation de cette obligation.

La 1ère chambre civile de la Cour de cassation a cependant affirmé par un arrêt du 15 décembre 199851 que la sanction de nullité ne pouvait résulter du seul manquement aux exigences d'information sur les prix formulées par l'article L 113-3 du Code de la consommation.

Cet arrêt est venu confirmer une décision rendue par une cour d'appel qui avait considéré qu'une telle disposition n'édictait aucune sanction civile, et qu'aucun vice du consentement ne pouvait être relevé en dehors de tout agissement malhonnête ou de manoeuvre dolosive.

50 Arrêté du 3 décembre 1987 relatif à l'information du consommateur sur les prix, JORF du 10 décembre 1987 page 14354.

51 Cass. Civ 1ère 15 décembre 1998 n° de pourvoi 96-19898.

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Il semblerait donc que la jurisprudence rejette le Dol par réticence en cas de violation de l'obligation d'information du professionnel sur les prix, et n'admette un tel vice qu'au cas où des manoeuvres positives du vendeur pourraient être démontrées.

Ainsi en l'espèce, une telle jurisprudence nous semble être favorable au professionnel, en exigeant un acte positif démontrant l'intention de tromper, dans la mesure où le vendeur dont la prestation fait l'objet de la présente étude, n'aurait commis qu'un acte négatif, dans l'intention de « surprendre » le consommateur, et non de le tromper. En effet, l'idée du vendeur est de dissimuler tout indice de nature à lever le voile sur le contenu de la malle.

Si les sanctions civiles nous apparaissent vouées à l'échec de même que les sanctions pénales qu'il va s'agir désormais d'étudier, un tel constat semblera plus difficile à établir concernant les sanctions administratives futures.

§ 2 Les sanctions pénales et administratives d'un manque d'informations par le professionnel

Il existait auparavant des sanctions pénales générales à l'obligation d'information du vendeur en matière de prix consacrée par l'article L 113-3 du Code de la consommation.

En effet, le décret du 29 décembre 198652 considérait que la violation d'une telle obligation constituait dans certains cas une contravention de cinquième classe mais a été abrogé par un décret du 30 avril 200253, de sorte que tout risque de contravention semble écarté pour le vendeur sur ce fondement54. Les sanctions prévues par le Code de

52 Décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986 modifié fixant les conditions d'application de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence (J.O. 30 décembre).

53 Décret n° 2002-689 du 30 avril 2002 fixant les conditions d'application du livre IV du code de commerce relatif à la liberté des prix et de la concurrence, JORF n°103 du 3 mai 2002, p. 8055.

54 L'article R 121-1 du Code de la Consommation prévoit cependant qu'est puni d'une peine d'amende prévue pour les contraventions de cinquième classe, le fait de méconnaître les termes des article L 121-18 et L 121-19 du Code de la Consommation. En ce qui concerne le premier de ces articles, il n'est pas certain que la contravention soit constituée lorsque le vendeur viole les articles L 111-1 et L 113-3 du Code de la consommation. En effet, on ne sait pas si la contravention est seulement constituée lorsque le vendeur omet de délivrer l'une des mentions énumérées par la disposition, ou

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la consommation en ce qui concerne les pratiques commerciales déloyales présentent un risque cependant. En effet, l'article L 120-1 du Code de la consommation considère comme telle une pratique « contraire aux exigences de la diligence professionnelle » lorsqu'elle « altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service »55.

Le point II de cet article répute notamment comme telles les pratiques commerciales trompeuses définies aux articles L 121-1 et L 121-1-1 du Code de la consommation, de sorte que nous nous en tiendrons uniquement à l'analyse de ces dispositions qui font l'objet d'une sanction pénale précise.

Ainsi l'article L 121-1 I du Code de la consommation réprime les pratiques commerciales trompeuses par action à la différence du II qui traite des pratiques commerciales par omission.

Dans la mesure où le gestionnaire du site web ne formule pas d'allégations fausses ou de nature à induire en erreur, il nous semble que la responsabilité pénale de ce dernier ne pourrait être recherchée qu'au titre des pratiques commerciales par omission. En effet, c'est bien la rétention d'informations substantielles qui semble être problématique en l'espèce.

Bien que l'article L 121-1-1 du Code de la consommation vienne en aide au juge en lui fournissant une liste limitative de pratiques commerciales réputées trompeuses en toute

lorsqu'il viole également les articles L 111-1 et L 113-3 du Code de la consommation auxquels l'article L 121-18 renvoie. En revanche, concernant le second de ces textes, il ne fait aucun doute que le vendeur s'y conforme dès lors qu'il envoie à l'acheteur une facture détaillant l'ensemble du contenu de la malle et le prix de chacun des vêtements et accessoires, afin que l'acheteur puisse la consulter au moment de la livraison, de sorte qu'il ne fait aucun doute que l'information incriminée est délivrée sur un support durable.

55 L'autonomie de ce texte par rapport aux pratiques commerciales déloyales et aux pratiques commerciales agressives a été reconnue par la jurisprudence en matière civile, voir notamment C. Cass. Civ 1ère 12 juillet 2012, Hewlett Packard France/ UFC Que choisir, 11-18.807 Cependant il nous semble que des sanctions pénales ne puissent pas être envisagées en application de ce texte. En effet, le principe d'interprétation stricte de la loi pénale ne nous permet pas d'étendre les sanctions pénales propres à ces deux infractions aux pratiques commerciales déloyales, de sorte que selon le principe constitutionnel « Nullum crimen, nulla poena sine lege », considérer que la pratique commerciale déloyale visée au premier alinéa de l'article L 120-1 du Code de la consommation serait une infraction serait inconstitutionnel.

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circonstance56, il nous semble qu'aucune des pratiques énumérées dans cette liste ne correspond à la situation en présence.

L'article L 121-1 II du Code de la consommation répute comme pratique commerciale trompeuse celle qui « compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, [...] omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou [...] n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte.

Dans toute communication commerciale constituant une invitation à l'achat et destinée au consommateur mentionnant le prix et les caractéristiques du bien ou du service proposé, sont considérées comme substantielles les informations suivantes :

1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ;

2° L'adresse et l'identité du professionnel ;

3° Le prix toutes taxes comprises et les frais de livraison à la charge du consommateur, ou leur mode de calcul, s'ils ne peuvent être établis à l'avance... »

Cet article tend donc à réprimer le professionnel qui omet de délivrer certaines informations susceptibles d'être qualifiées comme substantielles aux yeux des consommateurs.

L'alinéa 2 vient en aide au juge afin de déterminer dans quels cas les informations sont substantielles, et fait logiquement référence aux caractéristiques principales du bien ou du service et au prix toutes taxes comprises.

Il nous semble que cet alinéa est applicable à la situation présente dans la mesure où l'offre de vente qui est faite à l'acheteur sur le site internet constitue bien une invitation à l'achat au sens de la directive du 11 mai 200557 relative aux pratiques commerciales déloyales vis-à-vis des consommateurs. En effet, est considérée comme telle au sens de

56 Cet article institue une présomption irréfragable en considérant que certains comportement limitativement énumérés doivent être qualifiés comme tels sans qu'il soit besoin faire la preuve d'un élément moral.

57 Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les directives 84/450/CEE, 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE et le règlement (CE) n° 2006/2004 (directive sur les pratiques commerciales déloyales).

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l'article 2 de ladite directive « une communication commerciale indiquant les caractéristiques du produit et son prix de façon appropriée en fonction du moyen utilisé pour cette communication commerciale et permettant ainsi au consommateur de faire un achat ».

Il n'est cependant pas certain que l'élément matériel de cette infraction soit établi dans la mesure où l'article prévoit que le caractère trompeur doit être établi en prenant en compte les circonstances qui entourent la pratique.

A cet égard, on peut penser que la disposition entend prendre en compte la spécificité des situations. Ainsi, en notre espèce, un bon moyen de défense pourrait consister à démontrer que l'effet de surprise proposé par le vendeur et accepté par l'acheteur était une circonstance de nature à neutraliser la pratique commerciale trompeuse.

Il faut cependant analyser les autres éléments de l'infraction au cas où un juge considérerait que l'élément matériel est établi. Ainsi, un délit est toujours composé d'un élément intentionnel comme le rappelle l'article L 121-3 du Code pénal qui dispose « il n y a pas de délit sans intention de le commettre ».

Cependant, depuis 2009, la jurisprudence de la Cour de cassation est instable sur la qualification de cet élément intentionnel. En effet, après avoir fait montre d'une conception très large de cet élément en matière de pratique commerciale trompeuse par un arrêt du 15 décembre 200958 aux termes duquel, sans contester le caractère intentionnel de cette infraction, elle considérait cependant qu'elle était commise dès lors que la loi avait été violée, la Cour de cassation a consacré une interprétation plus stricte de cet élément par un arrêt du 23 mars 201059. En effet, elle considère par cette décision que la négligence du professionnel ayant omis de délivrer au consommateur des informations substantielles ne peut lui être imputable que s'il a connaissance des textes qu'il a violés. Ainsi, il serait donc nécessaire qu'il ait uniquement conscience de violer les textes sans pour autant avoir la réelle intention de tromper le consommateur.

58 Cass. Crim, 15 Déc. 1989, n° de pourvoi 09-83.059, Bull crim 2009, n° 212.

59 Cass. Crim, 23 mars 2010, n° de pourvoi 09-82.545.

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Cette jurisprudence nouvelle fait preuve de réalisme dans la mesure où peu de professionnels respectent scrupuleusement la loi. Néanmoins, cette décision n'est pas parfaite dans la mesure où elle tendrait en l'espèce à sanctionner le gestionnaire de site web qui a pris de la peine de s'informer de la législation applicable alors même qu'un de ses concurrents qui se serait inscrit dans son sillage sans avoir fait cet effort n'encourrait pas de sanction pénale. En outre, même si cette décision est moins menaçante pour le professionnel que celle rendue en 2009, il n'en reste pas moins qu'elle ne prend pas en compte la spécificité de chacune des situations.

Ainsi, en l'espèce, le gestionnaire du site web qui se serait renseigné aurait parfaitement conscience de violer les règles qui s'imposent à lui en matière de transparence et de loyauté informationnelle. Pour autant, il n'aurait aucunement l'intention de tromper ses clients. Nous pensons donc que la jurisprudence devrait revenir à une conception plus stricte encore du délit de pratique commerciale trompeuse en exigeant une réelle intention de tromper.

Imaginons d'ailleurs qu'un professionnel ait l'intention de tromper le consommateur en ayant cependant aucune conscience qu'il viole les règles qui lui sont applicables, un tel comportement serait difficilement pris en compte par la jurisprudence de la Cour de Cassation.

La qualification de l'infraction de pratique commerciale trompeuse est donc un enjeu de taille. En effet, les sanctions actuelles sont lourdes à l'égard de la personne qui la commet mais le sont encore plus dans la version actuelle du projet de loi relatif à la consommation. Effectivement, l'article L 121-6, renvoyant aux articles L 213-1 et L 213-6 du Code de la consommation, pour la détermination des peines, punit d'une peine de deux ans d'emprisonnement et d'une amende de 37 500 euros la personne responsable de l'infraction, le montant de l'infraction étant multiplié par cinq pour les personnes morales. Ainsi la société exploitant le site internet de vente à distance encourrait une peine de 187 500 euros.

Pourtant, désireux d'introduire des sanctions plus dissuasives à l'égard du professionnel, le législateur a considérablement aggravé le montant de la peine

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d'amende au sein du projet de loi relatif à la consommation60, en hissant son montant à 300 000 euros de sorte qu'une personne morale encourrait une sanction pénale de 1 500 000 euros61.

Cependant, il est respectivement ajouté à l'alinéa 2 de cet article ainsi qu'à l'article L 121-4 du Code que la peine peut être portée à 50 % du montant des dépenses de publicité et que le tribunal peut ordonner la publication du jugement. Ainsi, en l'espèce, un juge pourrait faire monter le montant de l'amende à un niveau supérieur à 187 500 euros, ou dans le futur, à 1 500 000 euros si les dépenses d'investissement nécessaires à la publicité s'avéraient être deux fois supérieures à ce montant.

Le projet de loi relatif à la consommation réitère la possibilité pour le juge de procéder à la publication du jugement en précisant qu' « en cas de condamnation, le tribunal peut ordonner, par tous moyens appropriés, l'affichage ou la diffusion de l'intégralité ou d'une partie de la décision, ou d'un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci. »

Une telle mesure pourrait évidement être très périlleuse pour l'entreprise dont l'image de marque est un élément capital dans lequel les consommateurs placent leur confiance.

Concernant les sanctions administratives cette fois, le projet de loi relatif à la consommation les introduit pour la première fois pour sanctionner l'obligation d'information du professionnel, en consacrant au Code de la consommation un nouvel article L 111-5 aux termes duquel « tout manquement aux dispositions des articles L 111-1 à L 111-3 du Code de la consommation est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. 62».

60 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

61 Notons que cette somme est largement supérieure à celle qui est prévue par le Code pénal au cas où un crime aurait été commis par une personne morale (1 million), alors même qu'il s'agit d'une infraction d'une gravité jugée supérieure.

62 Une même sanction s'applique lorsque le prix ne peut être raisonnablement calculé à l'avance du fait de la nature du bien ou du service et que le professionnel s'en tient à la simple fourniture d'un mode de calcul.

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Une telle sanction apparaît véritablement objective, dans la mesure où il est précisé qu'elle est de nature administrative. Ainsi, la circonstance selon laquelle le professionnel aurait omis de délivrer certaines informations exigées par les articles L 111-1 et suivants sans avoir néanmoins eu l'intention de tromper le consommateur serait parfaitement inopérante. A défaut, cette sanction se rapprocherait d'une sanction pénale où l'intention est communément exigée. Si le projet venait donc à être adopté tel quel, le gestionnaire du site web encourrait un véritable risque, en plus des sanctions pénales qu'il pourrait éventuellement encourir au titre des pratiques commerciales trompeuses.

Comme nous venons de le voir, le Code de la consommation rend le professionnel débiteur d'une obligation d'information très lourde lorsqu'il propose une fourniture de biens à distance. Si le bien-fondé des sanctions peut être discuté eu égard à la spécificité de la prestation assurée par le gestionnaire du site web qui fait l'objet de la présente étude, il n'en reste pas moins qu'un véritable risque existe de ce point de vue.

Il s'agit donc pour l'entreprise gestionnaire du site de faire un choix entre perdre une certaine originalité afin de mieux se conformer aux obligations prévues par le Code de la consommation ou gérer financièrement le risque juridique.

D'autres risques sont également à redouter, ainsi comme nous allons le voir, le code civil instaure une véritable procédure d'échange des consentements lorsque le contrat à distance est conclu par voie électronique, dont le non-respect semble faire obstacle à la formation du contrat.

CHAPITRE 2 : La procédure d'échange des consentements dans la vente surprise à l'essai

Les articles 1369-4 et suivants instaurent une procédure spécifique d'échange des consentements lorsqu'un contrat est conclu par voie électronique en exigeant du professionnel qui propose par ce biais notamment la fourniture de biens, qu'il mette en place une interface permettant au destinataire de son offre de formuler une double acceptation.

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Le respect de cette procédure dite du « double clic » étant fondamental pour la personne qui exerce à titre professionnel une activité via Internet, il est nécessaire de comprendre de quelle manière le gestionnaire du site web qui fait l'objet de la présente étude peut s'y conformer (Section 1).

L'analyse de cette procédure appelle cependant d'autres commentaires concernant la possibilité donnée à l'utilisateur d'échanger avec le styliste en dehors du site internet (Section 2), afin de déterminer notamment si l'utilisation d'autres supports de communication que le site internet ne fait pas obstacle à l'application d'une telle procédure concernant les échanges qui seraient intervenus par ce biais.

SECTION 1 : L'échange principal des consentements sur le site internet

Loin de définir le contrat électronique, l'article 1369-4 du Code civil semble uniquement imposer une règle à tout professionnel proposant, par voie électronique, la fourniture de biens ou d'une prestation de service, en précisant les mentions qui doivent figurer dans son offre tout en délimitant le cas dans lequel il serait engagé par elle.

La première étape consiste donc à se demander si cet article est autonome ou entend définir le champ d'application de la procédure d'échange des consentements prévue à l'article 1369-5 afin de comprendre dans quels cas une telle procédure devrait s'appliquer (§1).

En second lieu, il convient alors de comprendre, au cas où cette procédure serait applicable à notre cas, les étapes qui composent celle-ci afin de déterminer si elle est respectée (§2).

§ 1 Le champ d'application de la procédure du « double clic »

« L'offre » mentionnée à l'article 1369-5 du Code civil doit selon nous respecter des conditions de fond et de forme. Du point de vue des conditions de fond, une offre est une proposition de conclure un contrat qui doit être ferme et précise, c'est-à-dire

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qu'elle doit être faite sans réserve et porter sur les éléments essentiels du contrat dont la conclusion est projetée.

En l'espèce, pour que le gestionnaire du site web fasse donc une offre valable, il faudrait donc qu'il fasse mention d'un prix déterminé et qu'il détermine de manière précise l'objet du contrat. En effet, la vente est parfaite entre les parties dès qu'on est convenu de la chose et du prix comme le prévoit l'article 1583 du Code civil de même que l'article 1589 qui nous précise qu'auquel cas, la promesse de vente vaut vente.

Or, dans la vente surprise, il est justement très difficile de respecter ces conditions sauf à dénaturer l'effet de surprise recherché au travers d'un tel contrat, comme nous le verrons plus loin en analysant cette question sous l'angle des conditions de validité du contrat.

Ainsi, nous arriverions à la conclusion surprenante selon laquelle les échanges auxquels auraient procédé les parties sur le site internet correspondraient à la phase des pourparlers de sorte que l'offre ne serait finalement faite qu'au moment où l'acheteur a reçu la facture accompagnant la malle, sur laquelle figureraient, précisément cette fois ci, l'ensemble des vêtements et accessoires, leur prix ainsi que le prix total de la malle.

Ainsi, deux hypothèses seraient en présence.

Soit l'acheteur formule son acceptation de manière expresse par retour de courrier électronique ou postal.

Soit il accepte de manière tacite l'offre qui lui est faite, en procédant au paiement de la facture qui lui a été envoyée ou de celle qui lui sera ensuite envoyée, après que le vendeur ait déduit le prix des objets que l'acheteur a retournés. Auquel cas, il procède en effet à l'exécution du contrat de sorte que l'acceptation doit être déduite d'un tel comportement.

Les conséquences seront tout à fait différentes en fonction de ces deux hypothèses. Ainsi, même si la vente reste à distance et qu'il est clair qu'on ne peut plus considérer

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qu'elle ait été conclue par voie électronique, elle emporte des conséquences en ce qui concerne le point de départ du délai de rétractation et du délai d'essai que nous étudierons plus loin. En tout état de cause, il nous semble donc que la proposition formulée par le professionnel gestionnaire du site web pourrait ne pas être qualifiée d'offre au sens du Droit commun, dans la mesure où le prix ainsi que les vêtements et accessoires vendus ne sont pas suffisamment déterminés de sorte que de tels éléments seraient de nature à faire obstacle à la formation du contrat sur internet.

Cependant, il nous faut tout de même envisager les conditions de forme de l'offre dont il est question à l'article 1369-5 du Code civil, au cas où la proposition faite sur le site internet serait jugée suffisamment précise pour constituer une offre, afin de déterminer la procédure d'échange des consentements juridiquement applicable à la vente « surprise » conclue à distance par voie électronique. A cet égard, les articles 1369-4 et 1369-5 du Code civil font tous deux référence à « l'offre ». Ainsi, dans la mesure où le premier de ces articles mentionne un ensemble de mentions à faire figurer dans l'offre, on peut se demander si la procédure d'échange des consentements prévue à l'article 1369-5 du Code civil serait applicable, au cas où l'une de ces mentions, dont la liste énonciative semble limitative, ferait défaut.

En d'autres termes, la question est de savoir si l'article 1369-4 définit le champ d'application de l'article 1369-5 ou si ces articles sont autonomes. Il n'existe pas de jurisprudence rendue par la Cour de cassation sur cette question.

En revanche, la cour d'appel de Toulouse a déjà eu à se prononcer à ce sujet. Ainsi, aux termes d'une décision rendue le 2 février 201163, la Cour a considéré que les mentions que les articles 1369-4 du Code civil et L 121-18 du Code de la consommation exigent de faire figurer dans l'offre sont des « conditions de forme exigées pour la validité de l'acte juridique », pour conclure qu'en l'espèce l'offre qu'avait diffusée un concessionnaire sur un site internet au sujet de la vente d'un véhicule, ne respectant pas l'ensemble de ces exigences « avait donc valeur de publicité et de proposition de pourparlers mais pas celle d'une offre de vente 64».

63 CA Toulouse, 2ème chambre section, 2 fév. 2011, n° RG 09/ 00005.

64 La cour a également rejeté la demande introduite par l'acheteur du véhicule tendant à obtenir la réalisation forcée de la vente, en considérant que le concessionnaire n'était pas l'auteur de l'offre dans la mesure où, bien qu'apparaissant encore sur un site internet alors même que le concessionnaire

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L'inclusion des mentions prévues à l'article L 121-18 du Code de la consommation nous apparaît contestable dans la mesure où les articles 1369-4 et suivants du Code civil n'y font pas référence. En effet, comme le précise très justement la décision de la Cour sur ce point, ces mentions ne sont que des conditions de forme de sorte qu'il ne s'agit pas de les confondre avec les éléments essentiels du contrat requis par principe pour qu'une offre soit valable juridiquement.

Par conséquent, si les informations exigées par l'article L 121-18 du Code de la consommation apparaissent aussi peu essentielles65 que celles exigées par l'article 13694 du Code civil, il ne semble cependant pas qu'elles soient nécessaires à la validité de l'offre mentionnée aux articles 1369-4 et 1369-5 du Code civil, qui n'y font pas référence expressément.

En dépit de cette réserve, il n'en reste pas moins que deux observations peuvent être faites, à l'appui de cette jurisprudence, concernant la conclusion du contrat par voie électronique.

D'une part, il semble bien que la procédure spécifique d'échange des consentements consacrée à l'article 1369-5 du Code civil ne doive être respectée que lorsque l'offre qui est faite par le professionnel respecte les mentions exigées par l'article 1369-4 du Code civil à peine de nullité de l'offre.

D'autre part, un professionnel qui proposerait la vente d'un bien ou la fourniture d'un service par voie électronique, ne serait pas lié par sa proposition si l'une des mentions exigées faisait défaut, de sorte qu'il y a lieu de distinguer :

· offre faite par un professionnel par voie électronique et offre faite par ce dernier par la voie traditionnelle. Dans le premier cas, il ne suffit pas que l'offre soit faite sans réserve et qu'elle comporte les éléments essentiels du contrat dont la

l'avait retirée, celle-ci n'était plus accessible de son fait.

65 Mis à part les informations prévues aux articles L 111-1 et suivants auxquels renvoie l'article L 12118 du Code de la consommation.

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conclusion est proposée. Il faudrait en outre qu'elle énonce, selon l'article 1369-

4 :

1° Les différentes étapes à suivre pour conclure le contrat par voie électronique ;

2° Les moyens techniques permettant à l'utilisateur, avant la conclusion du contrat, d'identifier les erreurs commises dans la saisie des données et de les corriger ;

3° Les langues proposées pour la conclusion du contrat ;

4° En cas d'archivage du contrat, les modalités de cet archivage par l'auteur de l'offre et les conditions d'accès au contrat archivé ;

5° Les moyens de consulter par voie électronique les règles professionnelles et commerciales auxquelles l'auteur de l'offre entend, le cas échéant, se soumettre.

A défaut, la proposition faite par le professionnel ne serait pas une offre mais une simple invitation à entrer en pourparlers, quand bien même la chose et le prix seraient déterminés.

· offre faite par voie électronique par un professionnel et celle qui est faite par un particulier. Ce dernier serait lié par une offre ferme et précise, c'est-à-dire, l'offre qui est faite sans réserve et qui contient les éléments essentiels du contrat dont la conclusion est proposée, à la différence du professionnel qui ne serait pas lié par cette offre au cas où l'une des mentions prescrites à l'article 1369-4 du Code civil ferait défaut.

Comme nous le verrons cependant plus loin, les articles 1369-4 et 1369-5 du Code civil sont également inapplicables au contrat conclu par échange d'email comme le prévoit l'article 1369-6.

§ 2 Le respect des étapes de la procédure d'échange des consentements par le vendeur professionnel, gestionnaire du site web

A supposer qu'on considère qu'une offre conforme à l'article 1369-4 du Code civil a été faite par un professionnel sur Internet, la procédure spécifique d'échange des consentements prévue par l'article 1369-5 du même Code s'applique, à moins que les parties soient toutes deux des professionnels ou que leurs échanges aient lieu par email.

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Dans le premier cas, la procédure s'applique à défaut de stipulation contraire tandis que dans le second, la procédure n'est de toute façon pas applicable, comme nous le verrons plus loin.

A première vue, l'article 1369-5 du Code civil semble formuler dans des termes compréhensibles aux yeux du grand public, la règle du double clic.

Ainsi, la disposition oblige en son alinéa 1 le destinataire d'une offre conforme à l'article 1369-4 du Code civil, à accepter celle-ci en deux temps, comme suit :

Pour que le contrat soit valablement conclu, le destinataire de l'offre doit avoir eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total, et de corriger d'éventuelles erreurs, avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation..

Le premier clic correspondrait donc à la commande tandis que le second correspondrait à la confirmation de l'acceptation de l'offre, après que le destinataire de l'offre a eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d'éventuelles erreurs.

Cette lecture nous semble confirmée par l'alinéa 3 de ce même article qui dispose :

La commande, la confirmation de l'acceptation de l'offre et l'accusé de réception sont considérés comme reçus lorsque les parties auxquelles ils sont adressés peuvent y avoir accès.

Selon cette disposition en effet, la commande précède la confirmation de l'acceptation de l'offre, de sorte qu'elle correspond au premier clic tandis que la confirmation correspond au second, ce qui est conforme à la chronologie de la procédure prévue à l'alinéa 1er.

A y regarder cependant de plus près, l'interprétation de l'article 1369-5, dont les termes sont peu juridiques, met en présence deux hypothèses.

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En effet, l'alinéa 2 dispose :

L'auteur de l'offre doit accuser réception sans délai injustifié et par voie électronique de la commande qui lui a ainsi été adressée.

Ainsi, l'articulation des alinéas 1 et 2 donne la chronologie suivante : commande, accusé de réception et confirmation de l'acceptation de l'offre.

En revanche, l'articulation des alinéas 1 et 3 donne une chronologie différente : commande, confirmation de l'acceptation de l'offre, accusé de réception.

L'enjeu de l'interprétation n'est pas des moindres car il s'agit de savoir quel rôle joue l'accusé de réception dans le cadre de la procédure d'échange des consentements et l'incidence de son absence.

Dans le premier cas, il s'agirait d'une étape qui participe à la formation du contrat dans la mesure où on pourrait considérer que, n'ayant pas reçu l'accusé de réception de la part de l'offrant, le destinataire ne pouvait valablement confirmer l'acceptation de l'offre. Selon cette interprétation, la négligence du professionnel qui n'accuserait pas réception de la commande après qu'elle a été validée par un premier clic, serait de nature à fait obstacle à la formation du contrat.

Dans le second cas, l'accusé de réception ne serait qu'une preuve de ce que le contrat a été conclu, venant récapituler au destinataire de l'offre, le contenu de la commande dont il a confirmé la première validation. Ainsi, le contrat serait tout de même valablement conclu en son absence mais il serait impossible à chacune des parties de prouver l'existence du contrat qu'elles ont conclu.

Ces deux hypothèses mettent en présence des effets théoriques diamétralement différents mais emportent des conséquences pratiques semblables : l'impossibilité de pouvoir se prévaloir du contrat qui a été conclu ou qui devait valablement l'avoir été. Malheureusement, il n'existe pas de jurisprudence venue consacrer l'une de ces théories, de sorte qu'il est difficile de savoir à quoi s'en tenir.

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Il n'en reste pas moins que, dans notre cas présent, la procédure est fidèlement respectée par le gestionnaire du site web.

Ainsi, le destinataire de l'offre - on suppose ici que l'offre faite via internet est conforme à l'article 1369-4 du Code civil et comporte les éléments essentiels du contrat dont la conclusion est projetée - effectue son premier clic correspondant à la commande lorsqu'il valide une première fois la page sur laquelle figure ses goûts vestimentaires, ses besoins, ses mensurations et son adresse. Il effectue alors son second clic lorsque s'affiche la page récapitulant la commande qu'il vient d'effectuer, sur laquelle figure une case lui permettant de modifier son panier, ainsi qu'un encart au sein duquel il doit renseigner ses coordonnées bancaires et valider définitivement son achat.

L'accusé de réception pourrait alors correspondre, dans notre première hypothèse, à la page récapitulant la commande qu'il a passée et sur laquelle s'affiche l'encart lui permettant d'inscrire ses coordonnées bancaires et de valider définitivement son achat. Il pourrait cependant correspondre, dans notre seconde hypothèse, à l'email que l'acheteur recevra après avoir validé définitivement son achat ou encore à la page qui s'affichera dans un troisième temps, lui faisant savoir que son paiement a été accepté et que son achat a bien été validé, après qu'il a effectué son second clic.

Fort heureusement pour notre gestionnaire de site web, il effectue toutes ces diligences de sorte qu'aucun risque n'existe pour lui du point de vue de la procédure d'échange des consentements, si l'on considère qu'ayant fait une offre conforme à l'article 1369-4 du Code civil, il était tenu de respecter une telle procédure.

Il reste à envisager cependant cette même question du respect de la procédure d'échange des consentements en ce qui concerne cette fois-ci, les échanges qui ont lieu entre l'acheteur et le vendeur représenté par son styliste, en dehors du site Internet.

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SECTION 2 : L'échange complémentaire ou contraire des consentements en dehors du site internet.

Comme nous l'avons déjà évoqué, l'acheteur a la possibilité de contacter son styliste par tout moyen de son choix, entre les deux clics.

En effet, le numéro de téléphone et l'adresse mail du styliste s'affichent à l'écran sur la page récapitulant le détail de la commande que le destinataire de l'offre a adressée à l'offrant, avant qu'il ne procède à la confirmation de son acceptation.

Cette possibilité permet ainsi à l'acheteur de préciser ses choix ou de les contredire et donc de modifier les termes de l'accord pendant la phase d'acceptation ou après celle-ci. Cette particularité démontre les failles de l'exigence d'une double acceptation, dans la mesure où des échanges peuvent de nouveau avoir lieu entre chacun des deux clics et modifier peu ou prou la commande dont il est accusé réception. Ainsi, le deuxième clic permettrait-il de conclure valablement le contrat électronique ?66

Nous pensons qu'il y a lieu de distinguer selon le support de communication utilisé par les parties pour échanger entre les deux clics. En effet, la procédure spécifique d'échange des consentements consacrée à l'article 1369-5 du Code civil s'applique pour les contrats conclus « par voie électronique » comme le prévoit l'article 1369-4 du Code civil. La question est donc de savoir si le téléphone mobile, l'email, et le téléphone audiovisuel par Internet, sont des supports de communication « électroniques ».

Deux strates de textes doivent êtes analysées pour y répondre :

-la strate européenne composée de la directive du 8 juin 200067 dite « Commerce électronique » qui consacre une section 3 « Contrats par voie électronique » (§1) ;

66 Il ne s'agit pas de savoir quel contrat a été conclu, mais de savoir si la procédure d'échange des consentements est respectée.

67 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178, 17 juillet 2000, p. 1.

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-la strate interne, l'article 11 de la directive ayant été transposé par la LCEN du 21 juin 200468 aux articles 1369-1 et suivants du Code civil, devenus les articles 1369-4 après qu'elle a été modifiée par une ordonnance du 16 juin 200569 (§2).

§ 1 L'exclusion européenne du téléphone mobile et de l'email, des supports de conclusion d'un contrat électronique.

La section 3 de la directive du 8 juin 2000, intitulée « contrats par voie électronique », ne définit pas la « voie électronique ». Il semble néanmoins que cette notion puisse être définie au travers de la notion de « service de la société de l'information ».

En effet, les articles 10 et 11 qui prévoient respectivement les informations à délivrer et la procédure de passation d'une commande, font référence successivement au prestataire de service et au destinataire de service, qui semblent être les parties au contrat électronique.

Or, l'article 2 de la directive, définit le « prestataire » comme une personne qui fournit un « service de la société de l'information », et le destinataire de service comme la personne qui utilise un « service de la société de l'information », de sorte qu'il y a tout lieu de considérer que le contrat par voie électronique est celui qui a pour objet un « service de la société de l'information ».

L'article 2 a) procède alors à une définition du « service de la société de l'information » par renvoi à l'article 1er paragraphe 2 de la directive 98/34/CE70, telle que modifiée par la directive 98/48/CE, étant précisé qu'aux termes du considérant 18 de la directive, la conclusion des contrats en ligne est un service de la société de l'information en tant que tel.

68 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF, 22 juin 2004, p. 11168.

69 Ord. n° 2005-674 du 16 juin 2005 relative à l'accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique, JORF n°140 du 17 juin 2005, p. 10342.

70 Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information, Journal officiel, n° L 204 du 21/07/1998 p. 0037 - 0048.

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Cet article définit le service de la société de l'information comme :

Tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande individuelle d'un destinataire de services.

Ainsi, un service de la société de l'information est en tout état de cause délivré à titre onéreux, fourni à distance, c'est-à-dire, sans que les parties soient simultanément présentes, et à la demande individuelle d'un destinataire de services, ce qui ne pose cependant pas de problème en l'espèce.

En revanche, les autres éléments de la définition font l'objet de plus de difficultés.

En effet, on entend par « voie électronique » aux termes de cet article « un service presté à l'origine et reçu à destination au moyen d'équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques ».

Au regard de cette définition, il semblerait que l'utilisation du téléphone mobile nous empêche de considérer qu'un service de la société de l'information aurait été fourni par le vendeur à l'acheteur, dans la mesure où cette technologie ne met pas en oeuvre une technique de stockage et de traitement de données.

En effet, comme le confirme l'annexe 5 de la directive 98/34/CE qui fournit une liste - simplement indicative cependant - de services « non fournis par voie électronique », doivent être considérés comme « non fournis par voie électronique » les services qui ne sont pas fournis au moyen de systèmes électroniques de stockage et de traitement des données, ainsi des services de téléphonie vocale. L'utilisation du téléphone mobile entre les deux clics n'aurait donc pas d'incidence en ce qui concerne le cas qui fait l'objet de la présente étude.

En revanche, un service fourni par email serait tout de même un service de la société de l'information de sorte qu'on ne pourrait pas exclure l'application de la procédure prévue à l'article 11 sur ce fondement.

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Ainsi, s'il faut considérer qu'on peut délivrer un service de la société de l'information par email, il faut cependant exclure la procédure spécifique prévue à l'article 11 car dans ce cas, l'article 11 3° considère qu'une telle procédure n'est pas applicable aux « contrats conclus exclusivement au moyen d'un échange de courrier électronique ou au moyen de communication individuelles équivalente »71.

§ 2 Le doute sur l'inclusion française du téléphone mobile dans le support de conclusion d'un contrat par voie électronique

La transposition de la directive européenne par la LCEN72 modifiée par une ordonnance du 16 juin 200573 n'est pas exactement fidèle.

Ainsi, il nous faut se reporter à l'article 1 II du chapitre 1 intitulé « la communication au public en ligne », pour trouver des dispositions semblant définir la « voie électronique ». En effet, cet article modifie la loi du 30 septembre 198674 relative à la liberté de communication pour considérer qu'on entend par « communications électroniques les émissions, transmissions ou réceptions de signes, de signaux, d'écrits, d'images ou de sons, par voie électromagnétique » et « par communication au public par voie électronique toute mise à disposition du public ou de catégories de public, par un procédé de communication électronique, de signes, de signaux, d'écrits, d'images, de sons ou de messages de toute nature qui n'ont pas le caractère d'une correspondance privée. »

La première phrase nous semble donc être suffisamment générale pour inclure tout moyen de communication dès lors qu'il est technologique.

71 Il y aurait tout lieu d'exclure le téléphone et skype également sur ce point dans la mesure où par analogie, un tel moyen de communication nous semble être un moyen de communication individuelle, équivalent à l'email.

72 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF, 22 juin 2004, p. 11168.

73 Ord. n° 2005-674 du 16 juin 2005 relative à l'accomplissement de certaines formalités contractuelles par voie électronique, JORF n°140 du 17 juin 2005, p. 10342.

74 Loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 dite Leotard, relative à la liberté de communication, JORF du 1 octobre 1986, p. 11755.

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Cependant, la deuxième phrase fait appel à la notion de public et de catégorie de public, pour exclure notamment les moyens de communications qui relèvent d'une correspondance privée. Tout l'enjeu est de savoir si « la voie électronique » dont il est question à l'article 1369-4 du Code civil doit être définie en appliquant cumulativement ces deux phrases ou uniquement la première qui semble être plus générale.

L'article 1369-6 alinéa 1er du Code civil doit nous conduire à favoriser la deuxième hypothèse dans la mesure où cet article n'exclut pas le contrat conclu par échange d'emails de la définition du contrat électronique - à la différence des conséquences qu'il faudrait tirer de l'application de la deuxième phrase précitée - mais uniquement du régime juridique prévu aux articles 1369-4 et suivants.

Ainsi il y aurait tout lieu de penser qu'un contrat conclu par voie électronique est un contrat conclu via un moyen de communication conforme à la première phrase de l'article 1 II de la LCEN, ce qui englobe les contrats conclus directement sur un site internet ou par emails ou par téléphone mobile, mais que les règles prévues aux 1° à 5° de l'article 1369-4 et aux deux premiers alinéas de l'article 1369-5 du Code civil, ne sont pas applicables aux contrats conclus par email.

Au vu de ce qui vient d'être dit, le styliste devrait donc respecter la procédure prévue à l'article 1369-5 du Code civil lors de sa conversation avec l'acheteur si ce dernier venait à préciser ou modifier sa commande. Ainsi, il lui appartiendrait de récapituler à la fin de la conversation, toutes les demandes que l'acheteur a formulées, et de lui faire accepter une deuxième et dernière fois le contenu de sa commande complémentaire ou modificative.

Cependant, une question autrement plus importante se pose.

En effet, il s'agirait de savoir si le vendeur doit accuser une nouvelle fois réception de sa commande en faisant apparaître un récapitulatif modificatif à l'écran, pour permettre à l'acheteur de valider valablement son achat. Il nous semble qu'une telle conclusion devrait être tirée dans la mesure où à défaut, l'acheteur confirme accepter une commande qui aura pourtant été modifiée.

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Si cependant l'échange a lieu par email, le respect de la procédure prévue à l'article 1369-5 du Code civil ne nous semble pas devoir être remis en question dès lors qu'une telle procédure est exclue pour les contrats qui sont conclus par échange d'emails.

Ainsi, comme on le voit, la procédure d'échange des consentements applicable au contrat électronique n'est pas sans poser de nombreuses difficultés à la vente surprise à l'essai lorsque cette dernière est conclue à distance et que, pour compliquer le tout, le vendeur offre à l'acheteur la possibilité d'échanger avec lui en dehors du site Internet.

D'autres difficultés sont également suscitées par le caractère indéterminé des éléments essentiels qui sont l'objet du contrat, dans la mesure où, en particulier dans la vente, le législateur exige que le prix et la chose soient précisément déterminés au stade de la conclusion du contrat.

CHAPITRE 3 : La validité de l'accord des volontés face à l'indétermination du prix et de la chose dans la vente surprise à l'essai

L'article 1108 du Code civil prévoit quatre conditions essentielles à la validité du contrat :

Le consentement de la partie qui s'oblige ;

Sa capacité de contracter ;

Un objet certain qui forme la matière de l'engagement ; Une cause licite dans l'obligation.

Nous nous en tiendrons ici à l'analyse de la condition relative à l'objet du contrat, dans la mesure où les autres conditions ne semblent pas poser de problème en l'espèce.

Ainsi, il s'agit de savoir si la « vente surprise » peut est valable au regard de la condition de validité relative à la détermination du prix (section 2) et de la chose (section 1).

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A supposer que l'on considère que le contrat ait été conclu au moment de la validation définitive de l'achat par l'utilisateur sur le site internet, la question se pose effectivement en l'espèce.

SECTION 1 : L'indétermination des biens qui feront l'objet de la vente

Le Code civil oblige les parties à définir le contenu de la prestation de chacune des parties.

Lorsque celle-ci a pour objet une chose, la détermination de l'objet s'entend de la détermination de la chose. Cette détermination est effectuée avec plus de difficulté lorsque la prestation a pour objet une chose de genre et non un corps certain. En effet, le corps certain étant par nature unique, il suffit de faire référence à l'une de ses particularités pour que l'on sache de quel bien il s'agit. En revanche, lorsque le bien est une chose de genre, ce qui semble être le cas en l'espèce dans la mesure où les vêtements acquis en vue de leur revente sont produits en série, il est nécessaire que celle-ci soit déterminée au moins quant à son espèce et que sa quotité puisse être déterminée, comme le prévoit l'article 1129 du Code civil.

En l'espèce, la question est de savoir si la détermination du style de vêtements et accessoires suffit à rendre la chose déterminée quant à son espèce et si le fait que le vendeur ne propose à l'acheteur que de déclarer les types de vêtements dont il a besoin - pantalons, vestes, ceintures - sans lui permettre de demander une quantité, est de nature à rendre la quotité déterminable.

Au sujet de la première de ces exigences, il semble que la jurisprudence considère que l'objet n'est pas déterminé lorsque sa définition est laissée à la libre discrétion du débiteur de la prestation. Ainsi, deux jurisprudences s'affrontent sur ce point, toutes deux rendues à propos du contrat de location entre un propriétaire de vidéogrammes et un vidéo-club.

61

Ainsi, la première chambre civile de la Cour de cassation75 a considéré, que l'objet d'un tel contrat était suffisamment déterminé dès lors qu'il ne mentionnait que le genre de films donnés en location mais non le titre, dans la mesure où, en stipulant la possibilité pour le locataire de bénéficier d'un échange gratuit, « son identification dépendait, pour le surplus, de la volonté du locataire, et non du bailleur ».

Au contraire, mais en tenant un raisonnement identique, la chambre commerciale76 a considéré que l'objet d'un tel contrat n'était plus suffisamment déterminé lorsque le loueur de vidéo-cassettes appliquait une tarification différente en fonction du type de film, sa notoriété et son actualité, tout en se réservant la faculté discrétionnaire de définir les films qui seraient loués au locataire en application du contrat, sans donner la possibilité au locataire de procéder à des échanges gratuits.

Il ressort donc de ces deux jurisprudences, qu'un objet peut être déterminé lorsque le style ou le genre seul de la chose est défini, sous réserve que le contrat permette au créancier d'échanger gratuitement la chose qui lui aura été livrée. Comme on le voit, la jurisprudence considère que l'objet est déterminé au stade de la formation du contrat, si le contrat prévoit qu'il peut être unilatéralement défini de manière plus précise au stade de son exécution par le créancier de l'obligation portant sur la chose77.

Cependant, nous sommes convaincus qu'une telle circonstance a été mise en évidence par la jurisprudence qu'afin de prouver que l'objet n'était pas discrétionnairement déterminé par le débiteur de la prestation qui a pour objet la chose.

Ainsi en l'espèce, même si le contrat qui est conclu par l'intermédiaire du site n'offre pas une telle faculté à l'acheteur, qui ne dispose que de la faculté de se rétracter, mais pas d'échanger ses vêtements avec d'autres qui correspondraient plus à ses goûts, on pourrait tout de même considérer que l'objet n'est pas discrétionnairement déterminable par le vendeur. En effet, l'acheteur a la possibilité de contacter un styliste afin de mieux

75 C. Cass. Civ 1ère, 23 mai 1995, n° de pourvoi 94-14255.

76 C. Cass. Com, 19 Novembre 1996, n° pourvoi 94-14530.

77 Il ne s'agit que de préciser l'objet et non de le redéfinir. Ainsi, le locataire aurait le droit de demander à ce qu'une vidéocassette « James Bond » remplace le film « Léon » qui lui a été envoyé, mais ne pourrait en aucun cas demander qu'on lui envoie une comédie romantique dans la mesure où le contrat prévoyait qu'il ne lui serait livré que des films d'action. Par ailleurs, seule la faculté de préciser unilatéralement l'objet est admise. La nécessité d'un nouvel accord de volontés ne serait pas admise.

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renseigner ses goûts et styles de sorte que cette faculté de définir discrétionnairement le contenu de la malle est suspendue à la volonté de l'acheteur qui souhaite se réserver un effet de surprise ou non.

Il ne semble donc pas que la nullité de la vente pourrait être encourue sur ce point dans la mesure où la chose nous apparaît suffisamment déterminée quant à son espèce, au regard de ces jurisprudences.

En revanche, il paraît plus délicat de démontrer que la chose est déterminable quant à sa quotité. En effet, l'acheteur n'est pas à même de savoir au moment où il valide définitivement son achat, le nombre de pantalons ou de vestes qu'il recevra.

Cependant, on peut défendre qu'en sélectionnant les choix de vêtements qu'il a pu faire et au regard de la connaissance qu'il a de la valeur maximale de la malle, il lui est possible de se faire une idée du nombre de vêtements qu'il recevra. Ainsi, s'il n'a commandé que des pantalons, il peut penser qu'il en recevra entre dix et quinze. En revanche, s'il a commandé des pantalons et des vestes, il peut penser qu'il recevra des ensembles, et donc moitié moins de pantalons et de vestes. En effet, un style se conçoit de la tête aux pieds.

Un problème plus important encore se pose concernant la détermination du prix dans la mesure où le vendeur ne renseigne qu'un prix maximal.

SECTION 2 : L'indétermination du prix de la vente totale et du prix propre à chaque bien

Comme nous l'avons déjà précisé, le gestionnaire du site web ne mentionne qu'un prix maximal au moment où l'acheteur valide définitivement son achat, en précisant que la valeur de la malle ne dépassera pas, en tout état de cause, la somme de 1500 euros. Ainsi non seulement l'acheteur ne connaît pas précisément le prix total qu'il aura à débourser s'il souhaite conserver l'intégralité du contenu de la malle, mais surtout, il ne connaît pas en toute logique le prix propre à chaque vêtement et accessoire.

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Il convient donc, en premier lieu, de se demander si la détermination du prix est une condition de validité du contrat de vente avant de comprendre dans quelles circonstances cette condition est respectée.

La jurisprudence a été très fluctuante en la matière. Considérant d'abord que le prix était une condition de validité de tout contrat et qu'il devait être déterminé ou déterminable, elle a fait du prix une condition de la validité des contrats par principe en considérant ça et là que certains contrat faisaient exception, comme le contrat d'entreprise ou encore le mandat.

Ainsi dès lors que la détermination du prix supposait un nouvel accord des parties en cours d'exécution du contrat ou que cette détermination dépendait de la volonté unilatérale d'une des parties le contrat devait être annulé.

La Cour de cassation a ensuite assoupli ses exigences par deux arrêts du 29 novembre 199478 en considérant que le prix devait toujours être déterminé ou déterminable, mais qu'il pouvait néanmoins être déterminé de manière subjective par une des parties dotée du pouvoir de fixer unilatéralement le prix. Ainsi, en l'espèce, une clause du contrat faisait référence au tarif fournisseur de sorte qu'une des parties avait la possibilité de fixer unilatéralement le prix.

La juge contrôlait alors l'abus dans la fixation du prix en sanctionnant celui qui fixait le prix, sous l'angle de la bonne foi exigée dans le cadre de l'exécution des contrats.

Après quoi, la Cour de cassation s'est réunie en assemblée plénière le 1er Décembre 199579 afin de modifier sa jurisprudence, en renversant le principe et l'exception.

Au vu de sa nouvelle décision, elle considère d'une part que l'article 1129 du Code civil n'est plus applicable à la détermination du prix, d'autre part que lorsqu'une convention

78 C.Cass. Civ 1ère, 29 Nov 1994, I D.1995.122 note Aynès, JCP 1995.II.22371 note Ghestin, CCC 1995, n° 24, note Leveneur, RTD civ. 1995. 358, obs. Mestre, RTD Com. 1995.464, obs. Bouloc.

79 C. Cass. Ass. Plén., 1er déc 1995 (4 arrêts), Gaz Pal. 9 Déc 1995, note P. de Fronbressin, JCP 1996.II.22565 concl.Jeol, note Guestin, JCP E 1996, II, 776, note Leveneur, et N., I, 93, obs. D.Boulanger, D.1996.13 concl. Jéol ; note Aynès, LPA, 27 Déc 1995, n° 155, p.11, note D.Bureau et N. Molfessis, CCC 1996, n° 5 et chron. Leveneur, RTD civ. 1996. 153, obs. J. Mestre, Defrénois 1996.748, obs. Delebecque, Grands arrêts, t. 2, n° 152-155. - V. aussi, M. A. Frison-Roche, De l'abandon du carcan de l'indétermination à l'abus dans la fixation du prix, RJDA, 1996, n°1, p. 3.

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prévoit la conclusion de contrats ultérieurs, l'indétermination du prix de ces contrats dans la convention initiale n'affecte pas, sauf dispositions légales particulières, la validité de celle-ci, l'abus dans la fixation du prix ne pouvant donner lieu qu'à résiliation ou indemnisation.

Depuis cette jurisprudence réaffirmée par la suite80, il semble que le prix ne soit plus une condition de validité des contrats sauf lorsque la loi en dispose autrement.

Ainsi, à l'égard de la vente, l'article 1591 consacre clairement une exception au principe posé par la jurisprudence rendue par l'assemblée plénière de la Cour de cassation en 1995 dans la mesure où il dispose :

Le prix de la vente doit être déterminé et désigné par les parties.

La jurisprudence entend néanmoins de manière assez souple cette exigence en considérant, qu'il n'est pas nécessaire que le prix soit déterminé dès la conclusion du contrat pourvu qu'il soit déterminable. Tel est notamment le cas lorsqu'un individu commande une automobile auprès de son concessionnaire qui la lui vend en insérant dans le contrat une clause au terme de laquelle le prix à payer sera celui du constructeur au jour de la livraison. En effet, auquel cas, la jurisprudence considère que le prix est déterminable dans ce cas dans la mesure où sa détermination était indépendante de la volonté du vendeur81.

A priori, il semble difficile de considérer que le contrat conclu par Internet, tel que l'envisage aujourd'hui le vendeur gestionnaire du site web, comporte un prix déterminé ou déterminable.

En effet, la fixation d'un prix maximal, ne permet pas de connaître de manière précise le prix qui serait à payer. Par ailleurs, nous pensons que l'exigence d'une détermination du prix oblige les parties à définir le prix correspondant à chacun des vêtements et objets vendus dans la malle. Aussi, la situation actuelle laisse entendre que le prix est déterminé de manière purement subjective par le vendeur, ce qui n'est pas permis dans

80 En toute matière :arrêt Civ 1ère 12 mai 2004 n° pourvoi 03-13847, pour le prêt à intérêt : Cass. Com 9 juillet 1996.

81 C. Cass Civ 1ère 2 décembre 1997, n° de pourvoi 95-16720.

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le cadre d'une vente, dans la mesure où ce dernier ne communique pas le prix des vêtements et accessoires qui pourraient composer la malle.

Une solution pourrait consister à déterminer le mode de calcul du prix total en précisant ainsi un prix correspondant à chaque type de vêtement et accessoires, ainsi par exemple, 100 euros pour un pantalon, 35 euros pour une ceinture, 150 euros pour une veste... L'acheteur pourrait alors se faire une idée du prix qu'il aurait à payer dans la mesure où il connaîtrait le montant maximal que le prix total de la malle ne pourra dépasser, ainsi que le prix des catégories de vêtements qu'il a demandés, sans connaître tout à fait précisément le prix total de sa commande, ne sachant pas en quelle quantité lui seront livrés les catégories de vêtements qu'il a achetés.

Le vendeur pourrait même s'abstenir d'affecter un prix à chaque catégorie de vêtement, ce qui serait commercialement plus réaliste, en indiquant à l'acheteur que le prix des vêtements et accessoires sera celui de leur fournisseur, majoré d'un pourcentage de 20 % correspondant à sa marge.

Auquel cas, la déterminabilité du prix ne serait qu'indirectement subjective, car le vendeur pourrait faire monter le prix total en remplissant en majorité la malle des catégories de vêtements les plus chères.

La question de la détermination du prix est donc liée à celle de la détermination de la chose dans la vente surprise. Il ne fait aucun doute que la sanction de l'indétermination du prix consisterait en la nullité du contrat conclu dans la mesure où le prix est une condition de validité du contrat de vente. Cependant, on peut débattre de la nature de la nullité.

En effet, la théorie classique des nullités enseigne qu'un contrat privé d'un de ses éléments essentiels est nul de nullité absolue, en se fondant sur le critère de la gravité.

Au contraire, la théorie moderne des nullités prévoit que la nature de la nullité est fonction de l'intérêt qu'on entend protéger. Ainsi, un contrat serait nul de nullité absolue lorsque la règle qui a été violée entend protéger l'intérêt général tandis que la nullité ne devrait être que relative lorsque celle-ci entendait protéger une personne en particulier.

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Il n'existe pas de jurisprudence considérant qu'un contrat est nul de nullité absolue dès que le prix est indéterminé ou indéterminable82.

Il nous semble par conséquent que la théorie moderne des nullités devrait être appliquée à une telle situation dans la mesure où la règle relative à la détermination objective du prix entend protéger l'acheteur et non la société tout entière. Ainsi, il serait possible de considérer que l'acheteur a renoncé à agir en nullité en confirmant de manière tacite l'acte qu'il a conclu dès lors qu'il a procédé au paiement.

Comme nous venons de le voir, l'originalité du modèle économique mis en oeuvre par le gestionnaire du site web rend très difficile l'application du Droit, tant du point de vue de l'obligation d'information que le Code de la consommation fait peser sur ce dernier, qu'en ce qui concerne la procédure d'échange des consentements, et les règles relatives à la détermination de l'objet du contrat.

Le régime juridique des contrats à distance pose d'autres difficultés en ce qui concerne le droit de rétractation dont bénéficie l'acheteur lorsque la vente conclue à distance correspond également à la qualification de vente à l'essai.

82 A la différence de la conclusion que tire une partie de la doctrine d'un arrêt Cass. Com, 9 mai 1985, n° de pourvoi 83-16578 83-16823 ,faisant référence à la caducité du contrat et non à la nullité absolue. Un arrêt rendu le 30 novembre 1983,n° pourvoi 82-12045, par la même chambre a cependant considéré qu'un contrat était dépourvu d'existence légale dans le cas où le prix était inexistant, ce qui est selon nous une situation différente du cas où le prix n'est que déterminable subjectivement.

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PARTIE 2 : LE DROIT DE RÉTRACTATION APPLIQUÉ À LA VENTE « SURPRISE » À

L'ESSAI

Comme nous l'avons déjà évoqué, la vente à l'essai est prévue par l'article 1588 du Code civil, qui prévoit en substance que celle-ci n'est formée que sous la condition suspensive de la réussite de l'essai.

Cette disposition n'est pas sans poser beaucoup de difficultés, en particulier au regard de notre espèce, dans la mesure où la frontière entre la faculté qui est donnée à l'acheteur de faire échec à l'essai et le droit de rétractation qui est attribué à ce dernier lorsque la vente est conclue à distance, est ténue, voire, inexistante.

Ainsi, il s'agit de se demander dans un premier temps si, la circonstance selon laquelle la vente est conclue à distance, fait obstacle à la qualification de vente à l'essai, dans la mesure où le cyberacheteur dispose déjà au travers de son droit de rétractation, des mêmes avantages que ceux qui lui seraient offerts par la faculté de faire échec à l'essai (Chapitre 1).

En second lieu, il s'agira cependant d'envisager l'articulation de la faculté de faire échec à l'essai et du droit de rétractation, au cas où l'on devrait considérer que ces deux droits se distinguent et se cumulent (Chapitre 2).

CHAPITRE 1 : L'autonomie de la faculté d'essai vis-à-vis du droit de rétractation

Loin de se substituer à la qualification de vente à l'essai, la qualification de vente à distance semble s'y superposer. En effet, nous tâcherons de démontrer que la première de ces qualifications, consacrée par les rédacteurs du Code, à une époque où le droit de rétractation n'avait pas été inventé, survit à la seconde (section 1).

Il n'en reste pas moins qu'en raison de ses similitudes avec la faculté de faire échec à l'essai, on peut s'interroger sur la capacité du droit de rétractation à survivre à la réalisation de l'essai et envisager son éventuelle disparition au stade de l'exécution du contrat, malgré son existence au stade de la conclusion (section 2).

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SECTION 1 : La survivance de la vente à l'essai lorsque celle-ci est conclue à distance

Comme nous le verrons, il semble que des similitudes évidentes existent entre le droit de rétractation et la faculté de faire échec à l'essai, de sorte qu'il est tout naturel de se demander si le droit de rétractation ne se substitue pas à la faculté de faire échec à l'essai lorsque la vente est conclue à distance (§1).

Cependant, en dépit de ces similitudes, il nous semble qu'il faille considérer que le droit de rétractation s'ajoute à la faculté de faire échec à l'essai sans s'y substituer, dans la mesure où sa consécration en droit de la consommation n'apparaît pas incompatible avec le droit commun du code civil (§2).

§ 1 Les similitudes entre la faculté d'essai et le droit de rétractation

La vente à l'essai doit être qualifiée comme telle lorsque le vendeur offre à l'acheteur la possibilité d'essayer, de tester et d'apprécier le bien dont il fait l'acquisition.

Deux possibilités découlent alors d'une telle circonstance. En effet, si l'article 1588 du Code civil présume que la vente faite à l'essai est conclue sous la condition suspensive que l'essai soit réussi, les parties peuvent néanmoins décider que la vente soit conclue sous la condition résolutoire de l'échec de l'essai.

Ainsi, dans le premier cas, la réalisation de la condition emporte la formation définitive du contrat, rétroactivement au jour de sa conclusion, tandis que dans le second, elle emporte l'anéantissement rétroactif du conclu qui était définitivement formé au moment de sa conclusion.

Si les parties ont parfois totalement conscience que leur contrat correspond à la qualification de vente à l'essai et qu'ils ont une connaissance parfaite des conséquences qui en découlent, cette qualification est parfois découverte par les parties au cours d'un

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litige lorsque le juge interprète une clause au terme de laquelle il est possible de déduire que le bien n'était acquis que sous réserve qu'il corresponde à certains critères83.

Cependant, la question est de savoir si une vente peut être qualifiée de « vente à l'essai » et être présumée faite sous condition suspensive, si les parties ne stipulent pas une condition résolutoire, lorsque la vente est conclue à distance. En effet, auquel cas, l'article L 121-20 du Code de la consommation offre déjà un droit de rétractation à l'acheteur, de sorte qu'en stipulant une clause au terme de laquelle le vendeur fait savoir à l'acheteur qu'il a la possibilité de retourner la chose s'il n'est pas satisfait, le vendeur ne fait qu'informer l'acheteur qu'il dispose d'un droit de rétractation qui lui est offert par la loi.

On peut ainsi se demander si la qualification de vente à l'essai n'est pas uniquement réservée aux contrats dans lesquels un droit de rétractation légal n'existe pas, ainsi des ventes à distance dont il est question aux articles L 121-20-2 et L 121-20-4 du Code de la consommation où il est fait exception à l'existence d'un droit de rétractation, ou des ventes qui ne sont pas conclues à distance et qui sont conclues dans le monde physique, ainsi des ventes de vêtements qui ont lieu en magasin lorsque l'enseigne offre à l'acheteur la possibilité d'obtenir le remboursement du prix qu'il a payé en restituant les vêtements dont il n'était pas satisfait.

La vente à distance où un droit de rétractation existe au profit de l'acheteur, apparaît telle une variété légale de vente à l'essai. Ainsi, la vente à l'essai prévue par l'article 1588 du Code civil est qualifiée comme telle lorsque la faculté d'essai dont bénéficie l'acheteur n'existe que par la volonté des parties, ce qui n'est pas le cas de notre espèce. En effet, même si le vendeur déclare à l'acheteur qu'il a la possibilité de retourner les vêtements dont il n'est pas satisfait, il n'en reste pas moins que l'acheteur bénéficie de cette faculté au regard de la loi, et qu'il serait déroutant d'imposer au vendeur qu'il informe l'acheteur de son droit de rétractation tout en interprétant cette information comme la volonté de lui offrir une faculté supplémentaire que lui offre déjà la loi. Les similitudes entre le droit de rétractation et la faculté de faire échouer l'essai se déduisent d'ailleurs des ressemblances entre le mécanisme de la condition dans la vente à l'essai

83 C. Cass. Civ 1ère 13 Octobre 1998, à propos d'une vente de chevaux, le contrat mentionnant « si la jument fait l'affaire » et « si elle est qualifiée pour le central classique de 1993 ».

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et le débat sur les effets du droit de rétractation. En effet, la doctrine s'est longtemps divisée sur les effets du Droit de rétractation84.

Tandis qu'une partie d'entre elle considérait que l'existence d'un tel droit avait pour effet d'anéantir un contrat déjà formé, le reste de la doctrine considérait au contraire le non exercice du droit de rétractation comme une étape dans le processus de formation du contrat, venant parfaire l'effectivité de l'acceptation.

Dans le premier cas, le droit de rétractation opérait donc telle une condition résolutoire tandis qu'il opérait plutôt telle une condition suspensive dans le second. On le voit, ces deux mécanismes renvoient à ceux qui peuvent être mis en oeuvre dans le cadre d'une vente à l'essai.

Le Droit des contrats à distance semble cependant plutôt pencher pour la première interprétation.

En effet, l'article 12 a) de la directive du 25 Octobre 2011 dispose que

L'exercice du droit de rétractation a pour effet d'éteindre l'obligation des parties :

D'exécuter le contrat à distance ou le contrat hors établissement.

Ainsi, en considérant que les parties avaient l'obligation d'exécuter le contrat à l'égard duquel le droit de rétractation est exercé, il paraît clair que législateur européen considère que l'exercice de ce droit met fin au contrat qui avait été formé, de sorte que l'exercice du droit de rétractation se rapprocherait de la réalisation d'une condition résolutoire.

Cependant, comme nous allons le voir, le Code de la consommation ne consacre pas un Droit dérogatoire sur ce point de sorte qu'il y a tout lieu de considérer que la figure de vente à l'essai semble se superposer à la figure spéciale de la vente à distance et que les

84 V. sur ce débat, E. Poillot, et E.Bazin, « La droit de repentir en droit de la consommation », D. 2008, p. 3028, spéc. n° 1.

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régimes juridiques qui leur sont propres se cumulent lorsque le vendeur offre à l'acheteur un allongement du délai légal de rétractation.

§ 2 L'application superposée de la faculté d'essai et du droit de rétractation

Il y a tout lieu de considérer que le Droit des contrats à distance ne fait pas exception à l'article 1588 du Code civil en rejetant son application dans le cadre d'une vente à distance de sorte que sans violer l'adage« lex specialia generalibus derogant », il ne s'agit pas de substituer un Droit spécial qui déroge au Droit commun mais d'appliquer un Droit spécial qui vient compléter le Droit commun.

Dès lors qu'on peut dénoter une volonté de la part du vendeur d'attribuer à l'acheteur une faculté de rétractation, d'essai, qui ne lui est pas offerte par la loi, la qualification de vente à l'essai et le régime qui en découle peut donc se superposer à celui de la vente à distance.

Ainsi, en l'espèce, le vendeur offre à l'acheteur la possibilité d'essayer les vêtements qui lui seront livrés et de les retourner au cas où il ne serait pas satisfait, dans un délai de 10 jours à compter de la réception de la malle. La volonté du vendeur d'attribuer une faculté à l'acheteur qui n'est pas déjà offerte par la loi ne se conçoit selon nous que s'agissant de l'allongement du délai légal de 7 jours correspondant au délai pendant lequel l'acheteur peut exercer son droit à compter de la réception conformément à l'article L 121-20 du Code de la consommation, au délai de 10 jours à compter du même point de départ. Ainsi, en donnant trois jours de plus à l'acheteur que le délai de 7 jours que lui offre déjà la loi, le vendeur fait preuve d'une véritable volonté qui emporte la qualification de vente à l'essai prévue par l'article 1588 du Code civil.

La question de l'articulation entre le délai d'essai et le délai de rétractation devra donc être envisagée dans le cas de la présente espèce, mais pourra selon nous être évitée lorsque le délai légal de rétractation sera porté à 14 jours comme le prévoit le projet de loi85 de transposition de la directive du 25 Octobre 201186, sous réserve que le vendeur

85 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

86 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement

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ne décide pas d'allonger une fois encore le délai pendant lequel l'acheteur peut revenir sur sa volonté.

Comme nous le voyons, il est possible de considérer que le délai d'essai se superpose au délai de rétractation dans certains cas, comme en l'espèce. Cependant, il reste à savoir si, bien qu'existant au moment de la réception des biens, le droit de rétractation prévu par le Code de la consommation n'est pas susceptible de disparaître en cours d'exécution du contrat lorsque l'acheteur essaiera les vêtements.

SECTION 2 : La survivance du droit de rétractation au cours de l'essai

Dès lors que le délai d'essai se superpose au délai de rétractation, on peut se demander si le droit de rétractation survit à l'essai réalisé par l'acheteur. En effet, conformément à la directive du 20 décembre 199787, l'article L 121-20-2 3° et 4° du Code de la consommation dispose que le droit de rétractation ne peut être exercé, sauf si les parties en ont convenu autrement, pour les contrats :

30 De fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés ou qui, du fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés ou sont susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement ;

40 De fourniture d'enregistrements audio ou vidéo ou de logiciels informatiques lorsqu'ils ont été descellés par le consommateur.

La première de ces exceptions est interprétée de manière large par la jurisprudence. Ainsi, à cet égard, le tribunal de Grande Instance de Bordeaux a jugé que la clause des conditions générales de vente de CDiscount excluant le droit de rétractation à l'égard notamment de « l'ensemble des produits des rayons sous-vêtements (homme et femme, lingerie, chaussettes, piercing et boucles d'oreilles ; ceci par mesure d'hygiène) »88, était valable, en considérant que l'hygiène pouvait être un motif valable justifiant que

européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

87 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21.

88 TGI Bordeaux, 11 mars 2008, UFC Que Choisir c/ CDiscount (n°3703/2006), Contrats Conc. Cons. 2008. Comm. n° 69, note A.Debet.

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certains produits soient considérés comme faisant partie de ceux qui de fait de leur nature, ne peuvent être réexpédiés.

Quoique circonscrite au cas des sous-vêtements, ce qui ne concerne pas le cas du vendeur dans notre espèce, dans la mesure où ce dernier ne vend pas de tels objets, cette interprétation extensive a été relayée par Directive du 25 Octobre 2011 qui consacre en son article 16 e) une telle exception concernant « la fourniture de biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d'hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après livraison ».

Une interprétation plus extensive encore de cette disposition transposée fidèlement au sein du projet de loi relatif à la consommation permettrait d'exclure l'existence d'un droit de rétractation dans notre cas d'espèce. A défaut, il semble que les vêtements autres qu'intimes puissent être essayés sans que des raisons d'hygiène ne fassent obstacle à leur renvoi.

En outre, l'exception prévue au 4° de l'article L 121-20-2 précité prévoit que le droit de rétractation ne peut être exercé, lorsque les enregistrements audio et vidéo ou logiciels informatiques ont été descellés. Il semble donc que le Code de la consommation prévoit des cas dans lesquels l'ouverture d'un colis ferait obstacle à l'exercice du droit de rétractation de sorte qu'on pourrait se demander si, de manière générale, le droit de rétractation ne pourrait plus être exercé dès lors qu'un bien a été essayé, commencé d'être utilisé. Il ne fait aucun doute que directive du 25 Octobre 2011 conduit à tenir un raisonnement totalement inverse. Ainsi, en effet, dans son considérant 37, la directive indique que « le consommateur devrait être autorisé à essayer et inspecter le bien qu'il a acheté, dans la mesure nécessaire pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement ».

D'autre part, elle indique dans son considérant 42 que « pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement des biens, le consommateur devrait uniquement les manipuler et les inspecter d'une manière qui lui serait également permise en magasin. Par exemple, il devrait seulement essayer un vêtement et non pas le porter. »

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C'est ainsi qu'il paraît difficile de considérer que le fait d'essayer un bien fait disparaître le droit de rétractation, dans la mesure où l'essai ne semble pas impliquer plus que ce qui est prévu dans le considérant 42 de la directive du 25 Octobre 2011. En effet, en revêtant les vêtements qu'il a acquis, l'acheteur les essaye comme il lui serait permis de le faire dans une boutique. La faculté d'essai qui lui est attribuée par le vendeur dans le cadre de la vente à l'essai ne lui donne pas la possibilité de le porter à l'extérieur de chez lui et pendant une durée excédant celle qui est nécessaire pour se faire un avis.

Par ailleurs, à supposer que le vendeur permette à l'acheteur de porter le vêtement afin de se faire un avis sur les vêtements et accessoires qu'il a acquis, le considérant 42 de la directive prévoit que « certains consommateur exercent leur droit de rétractation après avoir utilisé les biens dans une mesure qui excède ce qui est nécessaire pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement du bien. Dans ce cas, le consommateur ne devrait pas perdre son droit de rétractation, mais devrait répondre de toute dépréciation des biens. »

Ainsi, il est bien malaisé de plaider la disparition du droit de rétractation en cours d'exécution du contrat par la réalisation de l'essai qui est permis à l'acheteur.

Même si ce principe est prévu par les considérants de la directive uniquement, il n'en reste pas moins que celle-ci en tire toutes les conséquence à l'article 14.2 aux termes duquel « la responsabilité du consommateur n'est engagée qu'à l'égard de la dépréciation des biens résultant de manipulations des biens autres que celles nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement de ces biens ». Fidèlement transposée par le projet de loi relatif à la consommation, cette disposition fait clairement obstacle à la théorie de la disparition du droit de rétractation en cas de manipulation du bien excédant celle qui est permise pour que le consommateur se fasse un avis.

Partant, il est nécessaire de considérer que le Droit de rétractation se cumule avec le droit de l'acheteur d'essayer et de retourner, en cas d'échec, les vêtements qu'il a acquis dans le cadre de la présente espèce. Ainsi, l'autonomie du Droit de rétractation vis-à-vis

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de la faculté d'essai est bien réelle de sorte qu'il y a lieu de comprendre comment articuler au mieux ces droits pour ne pas alourdir la charge qui pèse sur le vendeur.

CHAPITRE 2 : L'articulation du droit de rétractation et de la faculté d'essai

Dès lors que nous avons démontré que le droit de rétractation pouvait être réellement indépendant de la faculté d'essai lorsque la vente était conclue à distance, il reste à savoir comme articuler ces droits.

En effet, deux hypothèses sont à envisager, ainsi les parties peuvent faire de la réussite de l'essai une condition résolutoire dont la réalisation vient former rétroactivement et de manière définitive le contrat au jour de sa conclusion. Au contraire, les parties peuvent préférer faire de l'échec de l'essai une condition résolutoire venant mettre rétroactivement fin au contrat qui a été conclu.

Même si l'article 1588 du Code civil laisse entendre que la vente à l'essai est présumée être faite sous condition suspensive, la possibilité que les parties ont d'y déroger en stipulant une condition résolutoire s'explique dans la genèse de l'article 1588.

Ainsi, Pothier pensait en son temps que le Droit romain faisait de la vente à l'essai un contrat affecté d'une condition résolutoire. Cette analyse était cependant erronée dans la mesure où le Droit romain n'avait pas consacré une nature juridique déterminée à la vente à l'essai, en assignant, de plein droit, à la condition d'essai un effet plutôt résolutoire que suspensif. Prenant connaissance de l'erreur qui avait été commise par Pothier, les rédacteurs du Code civil ont alors consacré un principe diamétralement inverse, mais seulement à titre de présomption, afin de laisser aux parties la possibilité d'y déroger.

Plusieurs raisons, quelque peu incertaines cependant, nous incitent à préférer la condition résolutoire à la condition suspensive (section 1). Aussi, dans un second temps, nous verrons qu'il est nécessaire au vendeur de calquer les modalités d'exercice du droit d'essai de l'acheteur sur celles du droit de rétractation (section 2).

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SECTION 1 : Les raisons de la stipulation d'une condition résolutoire

Même si l'article L 121-20 alinéa 2 du Code de la consommation fait courir le délai de rétractation de l'acheteur de 7 jours à compter de la réception du bien, on peut se demander s'il n'est pas nécessaire que le contrat soit définitivement formé avant que ce délai ne commence à courir, de sorte qu'il y a lieu de s'interroger sur l'incidence du choix de la condition résolutoire ou de la condition suspensive à cet égard (§1).

Si le choix de la condition résolutoire ou suspensive n'a pas de réelles conséquences du point de vue du point de départ du délai de rétractation, et donc du point de vue de la durée du délai effectif pendant lequel l'acheteur peut retourner les biens qu'il a acquis, nous verrons que la question du transfert des risques peut influencer ce choix (§2).

§ 1 L'inclusion du délai de rétractation dans le délai d'essai

Le délai qui est laissé à l'acheteur pour essayer le bien est déterminé par les parties ou par un usage dans la vente à l'essai à la différence de celui qui est laissé au cyber-acheteur qui est déterminé par la loi.

La question est cependant de savoir si le délai d'essai et le délai de rétractation partagent le même point de départ.

Ainsi, nous savons que le délai de rétractation commence à courir pour 7 jours à compter de la réception des biens dans le cadre d'une vente à distance selon l'article L 121-20 alinéa 2 du Code de la consommation.

Aussi, dans le cas où les parties auraient stipulé une condition résolutoire aux termes de laquelle le contrat est formé à la date de conclusion du contrat mais anéanti de manière rétroactive si l'essai n'est pas satisfaisant, il ne fait aucun doute que le délai de rétractation commencerait à courir au même moment que le délai d'essai.

Il y a donc tout lieu de penser qu'en l'espèce, le délai d'essai étant de 10 jours, ce dernier se terminerait au plus tard trois jours après le délai de rétractation de 7 jours

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dans la mesure où il aura commencé à courir au même moment que le délai de rétractation : au moment de la réception des biens.

Cependant, on peut se demander s'il en serait de même si les parties avaient décidé de stipuler une condition suspensive plutôt que résolutoire. En effet, dans ce cas, la réussite de l'essai emportant la réalisation de la condition suspensive, c'est cet évènement qui marque la formation définitive du contrat qui a été conclu. Or, on peut se demander si le délai de rétractation peut commencer à courir alors même que le contrat n'est pas définitivement formé, et donc si le délai de rétractation commence à courir au moment seulement où la condition suspensive se réalise. Auquel cas, une telle circonstance ferait peser une charge très lourde sur les épaules du vendeur en laissant l'acheteur libre de cumuler 10 jours d'essai et 7 jours pendant lesquels il pourrait se rétracter, ce qui porterait à 17 jours le délai pendant lequel l'acheteur peut retourner les biens qu'il a acquis. En effet, dans le pire des cas, la condition suspensive ne se réaliserait qu'à l'expiration du délai d'essai.

Ce raisonnement est cependant contraire à l'effet rétroactif de la condition suspensive. En effet, la réalisation de la condition suspensive a pour effet d'emporter la formation définitive du contrat, de manière rétroactive, au jour de sa conclusion.

Ainsi, à supposer qu'on considère qu'il est nécessaire que le contrat soit définitivement formé avant que le délai de rétractation ne commence à courir quand bien même l'acheteur aurait reçu les biens qu'il a acquis, la réalisation de la condition suspensive emporte de manière rétroactive et donc purement fictive la formation définitive du contrat au jour de sa conclusion. Selon ce raisonnement, il y a tout lieu de penser que le délai de rétractation pourrait, au même titre que si une condition résolutoire avait été stipulée, être compris dans le délai d'essai.

§ 2 Le transfert des risques

La question du transfert des risques incite cependant à choisir une condition résolutoire plutôt qu'une condition suspensive.

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En effet, le transfert des risques a lieu, en Droit français, conformément à l'article 1138 du Code civil, au moment du transfert de propriété. C'est ainsi qu'au cas où la malle ou une partie de son contenu serait perdu au cours du transport avant que l'acheteur ne rentre effectivement en sa possession, il appartiendrait à l'acheteur d'en assumer les conséquences car le transfert de propriété a lieu au moment de la formation définitive du contrat qui correspond en principe au moment de l'échange des consentements.

Cependant, dans le cas où les parties auraient stipulé une condition suspensive en considérant que le contrat ne sera définitivement formé qu'au moment de la réussite de l'essai, la formation définitive du contrat - qui serait certes réputée correspondre au moment de sa conclusion, la réalisation de la condition ayant un effet rétroactif - serait suspendue à la réalisation de la condition.

Ainsi, il y aurait tout lieu de penser que celle-ci ne se réaliserait pas au cas où la malle ou une partie de son contenu aurait été perdu pendant le transport de sorte que, le contrat n'ayant jamais été formé, l'acheteur n'aurait jamais été propriétaire et ne devrait pas supporter les conséquences d'un tel évènement.

C'est pourquoi il est préférable pour le vendeur de stipuler une condition résolutoire afin que l'acheteur soit propriétaire des biens qu'il a acquis, dès le moment de la conclusion du contrat. Auquel cas, le transfert des risques s'opérerait effectivement au moment de la conclusion du contrat de sorte que le vendeur ne devrait pas assumer les conséquences de la perte de la chose.

Remarquons cependant que si un tel raisonnement se tient à l'heure actuelle, il n'en sera peut-être plus de même à l'avenir dans la mesure où la directive du 25 Octobre 201189 prévoit en son article 20 un mécanisme de transfert dérogatoire lorsque la vente est conclue entre un consommateur et un professionnel, ce qui est le cas en l'espèce. En effet, le transfert des risques ne se réalise plus, auquel cas, au moment du transfert de propriété, mais au moment du transfert de possession, de sorte qu'il faudrait considérer que les risques seraient de toute façon transmis à l'acheteur au moment de la réception

89 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

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des biens, quand bien même les parties auraient stipulé une condition suspensive subordonnant la formation définitive de leur contrat à sa réalisation, sauf à considérer que le transfert de propriété reste une condition préalable mais non suffisante au transfert des risques.

Ce mécanisme dérogatoire est fidèlement transposé par le projet de loi relatif à la consommation90 qui consacre les nouveaux articles L 138-4 et suivants aux termes desquels :

Art. L. 138-4. - Tout risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens.

Art. L. 138-5. - Lorsque le consommateur confie la livraison du bien à un transporteur autre que celui proposé par le professionnel, le risque de perte ou d'endommagement du bien est transféré au consommateur à la remise du bien au transporteur.

Ainsi, le transfert des risques aurait lieu au moment de la remise du bien entre les mains de l'acheteur ou encore entre les mains du transporteur si ce dernier a été choisi par le consommateur lui-même en refusant de choisir celui qui avait été proposé par le professionnel.

Dans le cas qui fait l'objet de la présente étude, l'acheteur devrait donc assumer la perte de la malle ou d'une partie de son contenu en cours de transport s'il choisit un transporteur qu'il considère comme étant plus compétent ou plus rapide que celui que lui a proposé le vendeur. Il assumerait cependant les risques au moment de la réception de la malle seulement s'il a fait appel au transporteur qui lui a été proposé par le vendeur.

Il y a donc lieu de considérer qu'au cas où le projet de loi relatif à la consommation entrerait en vigueur dans sa version actuelle, aucune raison n'obligerait le vendeur à choisir de stipuler une condition résolutoire plutôt qu'une condition suspensive, à moins

90 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

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cependant, qu'on considère que le transfert de propriété reste une condition préalable mais non suffisante au transfert des risques.

Remarquons d'ailleurs que les parties n'auraient pas la possibilité de déroger au mécanisme consacré par le projet de loi dans la mesure où ce dernier précise :

Art. L. 138-6. - Les dispositions du présent chapitre sont d'ordre public.

Ainsi, comme nous venons de le voir, Le Droit actuel incite à préférer la condition résolutoire à la condition suspensive en raison surtout de la question du transfert des risques.

Il est donc possible au vendeur de stipuler une clause aux termes de laquelle il fait savoir à l'acheteur que son droit de rétractation est compris dans son droit d'essai et qu'il y a lieu d'imbriquer le délai de rétractation de 7 jours dans le délai, plus long, de 10 jours pendant lequel le vendeur offre à l'acheteur la possibilité d'essayer les vêtements et de les retourner.

Cependant, on peut se demander de quelle façon il appartient à l'acheteur d'exercer les droits qui lui sont offerts par le contrat et par la loi.

SECTION 2 : Les modalités d'exercice du droit de rétractation

Dès lors que l'acheteur peut retourner au vendeur les biens qu'ils a acquis en vertu tant d'une faculté qui lui est accordée par la loi que d'une faculté que lui a accordé le vendeur, il reste à déterminer s'il doit respecter des conditions au titre de l'une ou de l'autre, ainsi de savoir notamment s'il doit fournir un motif. (§1).

Enfin il s'agira de déterminer la manière dont l'acheteur doit exprimer sa rétractation et sa faculté de retourner les biens qu'il a acquis (§2).

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§ 1 De la rétractation sans motif au contrôle de l'abus dans l'appréciation subjective du bien acquis

L'article L 120-20 alinéa 1er du Code de la consommation donne au Consommateur le droit de se rétracter sans avoir à «justifier de motifs ni à payer de pénalités, à l'exception, le cas échéant, des frais de retour ».

On devrait donc admettre que l'exercice du droit de rétractation est purement discrétionnaire de sorte qu'il n'est pas possible d'en contrôler l'abus et de remettre en cause son exercice par l'acheteur.

Il n'en est cependant pas ainsi du droit d'essai dans la vente à l'essai. Ainsi, même si le débat doctrinal n'est toujours pas tranché sur la question de savoir si le droit de refuser le bien essayé est discrétionnaire91, il n'en reste pas moins que deux situations doivent être distinguées en toute logique.

Ainsi, lorsque le contrat fixe des critères objectifs que le bien est censé remplir, il paraît clair que l'abus de l'acheteur dans l'exercice de son droit pourra être contrôlé. En effet, dans ce cas, si l'essai a par exemple pour objet de mesurer une performance, telle que la vitesse de rotation d'un moteur ou la consommation d'un véhicule, l'acheteur ne sera pas libre de sa décision de sorte que le vendeur pourra démontrer que l'essai a été satisfaisant contrairement aux allégations de l'acheteur92.

Mieux encore, le juge pourra parfois suppléer l'acheteur en commettant un expert chargé de démontrer que les qualités mesurables et objectives étaient bien conformes à ce qui avait été prévu au contrat93. Il ne fait cependant aucun doute que le droit de l'acheteur de refuser le bien qu'il a acquis est bien plus difficilement contrôlable lorsque les qualités à essayer sont d'ordre esthétique et sont empreintes de subjectivités.

91 V. sur ce point D.Escarra et J.Rault, Traité théorique et pratique de droit commercial, les contrats commerciaux, t. I par J. Hémard : Sirey 1954, n° 165, considérant que l'acheteur dispose toujours d'un choix discrétionnaire. Au contraire, voir G.Ripert, Traité élémentaire de Droit commercial par R. Roblot, T. 2, LGDJ, 10e éd., 1986, n° 2514. Qui considère que le vendeur pourrait prouver que l'essai a été satisfaisant.

92 T.Com. Paris, 27 Novembre 1968.

93 Cass. Civ 1ère, 7 juillet 1964.

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Ainsi, en l'espèce, il s'agit bien évidement pour l'acheteur de faire preuve de subjectivité en essayant les vêtements et accessoires qui lui ont été livrés afin de savoir si ceux-ci lui conviennent. Néanmoins, la jurisprudence admet même dans ce cas, un contrôle judiciaire de la loyauté de l'essai réalisé94, voire condamne un acquéreur pour avoir émis « un refus fondé sur un caprice et une fantaisie et non sur un motif sérieux »95. A cet égard, on comprend alors que la jurisprudence peut exiger un motif et en contrôler la légitimité même si l'hypothèse reste assez marginale. Auquel cas, ne devrait-on pas considérer que le droit de rétractation, libre et purement discrétionnaire, l'emporte sur la faculté d'essai, dont l'exercice est parfois contrôlé par le juge qui exige un motif ? En effet, il parait conforme à l'objectif de protection du consommateur de permettre au droit de rétractation spécial et légal, de primer la faculté d'essai contractuelle.

Ainsi, on pourrait par exemple considérer en l'espèce que l'acheteur peut se rétracter sans motif les 7 premiers jours à compter de la réception du bien, mais qu'il lui appartiendra de se munir d'un motif sérieux s'il souhaite retourner le bien qu'il a acquis au-delà de ce délai, son droit de rétractation ayant expiré.

Il reste en outre à comprendre comment l'acheteur doit exprimer sa rétractation et son refus de conserver le bien qu'il a acquis en vertu de son droit d'essai.

§ 2 Les modalités d'expression de la rétractation et de la faculté d'essai

Le droit actuel, composé de la directive du 20 décembre 199796 et du Code de la consommation en ses articles L 121-16 et suivants, n'impose pas à l'acheteur d'exercer son droit de rétractation en accomplissant une ou plusieurs formalités.

Ainsi, on peut considérer que cette rétractation peut être exprimée de manière expresse, par courrier postal ou par l'envoi d'un email, ou encore de façon tacite par le retour des biens de l'acheteur entre les mains du vendeur.

94 CA paris, 9 mai 1980.

95 T. paix Paris, 19 juin 1936 : Gaz. Trib. 1936, 2, p. 289.

96 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21.

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En pratique, il est cependant plus commode à l'acheteur de remplir un formulaire de sorte que la directive du 25 Octobre 201097 a légiféré en la matière en prévoyant en son article 11 1° que le consommateur doit :

a) utiliser le modèle de formulaire de rétractation figurant à l'annexe 1, partie B ; ou

b) faire une autre déclaration dénuée d'ambiguïté exposant sa décision de se rétracter du contrat.

Il semble dont que la rétractation ne puisse qu'être expresse dans la mesure où la directive exige une « déclaration dénuée d'ambiguïté » de sorte qu'il faut exclure la rétractation tacite, déduite du comportement de l'acheteur retournant les biens qu'ils a acquis entre les mains du vendeur.

En outre, la directive vient d'instaurer pour la première fois un modèle de formulaire que les Etats membres doivent également transposer fidèlement, afin de faciliter la rétractation. En effet, en fournissant un modèle de formulaire uniforme, il s'agit de favoriser le commerce transfrontière, en permettant de manière simple et lumineuse à l'acheteur d'exercer sa faculté de rétractation.

Par ailleurs, l'article 11 3° de la directive donne également au vendeur la possibilité de mettre le formulaire à disposition de l'acheteur directement en ligne, sur le site internet par lequel il a vendu les biens dont l'acheteur souhaiterait se séparer. Auquel cas, il lui appartient alors de lui fournir un accusé de réception sur un support durable.

Nous comprenons cependant que ce système est parfaitement optionnel dans la mesure où le consommateur peut, conformément à l'article 11. 1° b) faire une autre déclaration dénuée d'ambiguïté, exposant sa décision de se rétracter du contrat.

Ainsi, à l'heure actuelle, il semble plus approprié que le vendeur mette à disposition de l'acheteur un formulaire permettant à l'acheteur d'exercer tant son droit d'essai que son droit de rétractation. Cependant à l'avenir, dans la mesure où le délai de rétractation sera

97 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

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porté à 14 jours, conformément à l'article 9 1° de la directive du 25 Octobre 2011, dont le projet de loi relatif à la consommation assure fidèlement la transposition, la qualification de vente à l'essai devrait disparaître dans le cas de la présente espèce dans la mesure où le vendeur n'offrira pas à l'acheteur plus que ce que la loi lui offrira déjà.

En effet, à moins qu'il n'accorde à l'acheteur un allongement du délai de 14 jours, la faculté de rétractation dont bénéficiera l'acheteur sera uniquement légale de sorte qu'il suffira au vendeur de fournir à l'acheteur le formulaire prévu à l'annexe 1, partie B de la directive, afin de lui permettre d'exprimer valablement sa rétractation.

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Conclusion

La présente étude nous a démontré qu'il pouvait être bien difficile à la pratique de trouver un cadre juridique sécurisant et satisfaisant.

Ainsi, comme nous avons pu le voir, le vendeur dont la prestation a fait l'objet de la présente étude paye son originalité au prix d'une méconnaissance potentielle de plusieurs règles contraignantes.

Qu'il s'agisse des informations qu'il a choisi de retenir, conformément cependant à la volonté de l'acheteur, de l'indétermination de l'objet du contrat, ainsi du prix et de la chose, ou encore des difficultés auxquelles il a pu être confronté en accordant à ce dernier un allongement du délai pendant lequel il peut retourner les biens qu'il a acquis, nombreux sont les obstacles que l'entrepreneur doit franchir pour proposer ses prestations, qui plus est par Internet, en respectant la loi.

Ainsi, une réflexion pourrait être envisagée tant en ce qui concerne l'opportunité d'accorder un régime juridique propre à la vente surprise à l'essai, qu'en ce qui concerne de manière plus générale les liens qu'entretiennent le droit et l'économie. En effet, qu'on le considère comme archaïque, novateur, ou excessivement protecteur des intérêts du plus faible, il n'en reste pas moins que le Droit de la consommation et en particulier le droit des contrats à distance a bien du mal à concilier protection du consommateur et impératif économique, a-t-elle enseigne que nombreux ont été les efforts à accomplir pour inciter le législateur européen à retirer de son projet de directive la règle du paiement des frais de retour à la charge du professionnel. La menace que la loi fait peser sur l'économie est d'autant plus grandissante si l'on prend conscience des effets que la consécration prochaine de l'action de groupe en Droit français pourrait causer à l'économie toute entière.

En effet, ainsi que le déclare le législateur français dans l'exposé des motifs du projet de loi relatif à la consommation « Les litiges nés des conditions de formation et d'exécution des contrats de consommation peuvent concerner, dans certains cas, un très grand nombre de consommateurs. Eu égard à la faiblesse des montants sur lesquels

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portent ces litiges, les consommateurs renoncent souvent à toute action individuelle. Néanmoins, compte tenu de l'ampleur des pratiques en cause, le nombre des victimes concernées peut être considérable. Il y a donc bien, aujourd'hui, une demande de droit importante et insatisfaite. L'action de groupe, en permettant de regrouper en une seule procédure les demandes de réparation émanant d'un grand nombre de consommateurs, qui se trouvent dans des situations de fait et de droit identiques ou très largement similaires, victimes des pratiques illicites ou abusives d'un même professionnel, apparaît comme la forme d'action en réparation la plus adaptée pour le traitement des contentieux de consommation de masse ».

Il paraît donc d'autant plus important que le Code de la consommation assouplisse ses exigences qu'une action de groupe permettant aux consommateurs de demander, à moindre coût, la réparation de leur préjudice, fera bientôt son entrée dans le droit procédural français.

Même si le champ d'application d'une telle action est limité à la réparation des dommages matériels subis par les consommateurs, et qu'il peut paraître loyal de permettre à ces derniers d'obtenir, grâce à une action collective et peu onéreuse, la réparation d'un préjudice si peu conséquent qu'ils n'auraient pas agi seuls à défaut, il est certain qu'il existe un risque pour les entreprises les plus fragiles, de rencontrer de plus grandes difficultés encore à subsister face aux entreprises les plus aisées.

Plusieurs retouches pourraient donc opportunément être effectuées au sein du Code de la consommation afin de responsabiliser un peu plus le consommateur, en introduisant notamment une obligation de diligence à la charge de ce dernier lorsque l'intervention du consommateur est nécessaire au professionnel afin qu'il accomplisse avec rigueur les obligations qui s'imposent à lui. Ainsi, par exemple, l'exigence d'un support durable pourrait être assouplie en permettant au professionnel de mettre les informations qu'il est tenu de délivrer à l'acheteur, sur son site Internet, via un lien hypertexte, de telle sorte qu'il appartiendrait à l'acheteur d'aller chercher l'information que son cocontractant lui a pourtant délivrée.

En outre, il serait possible d'introduire plus de subjectivité dans le Code de la consommation en considérant qu'un consommateur a parfois renoncé à la protection qui

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lui était offerte, eu égard à la nature de la prestation dont il a demandé à bénéficier. A cet égard, il ne s'agirait pas de faire du Code de la consommation un code purement supplétif de volonté, sauf à empêcher de manière quasi-systématique son application dès lors que le professionnel aurait tout intérêt à stipuler une clause au terme de laquelle il déclare que les règles du code de la consommation sont inapplicables au contrat qu'il conclut.

Cependant, il s'agirait de considérer que le consommateur a parfois renoncé à la protection qui lui était offerte eu égard à la nature objective de la prestation dont il a bénéficié, ainsi par exemple dans le cas de la vente surprise. En effet, en souhaitant se réserver un effet de surprise, l'acheteur a souhaité bien évidemment décharger le professionnel de l'obligation d'information qui pesait sur lui afin de parfaitement méconnaître la physionomie ou les caractéristiques des biens qui lui ont été livrés.

En conclusion, nous pensons qu'un équilibre plus juste pourrait être trouvé par le législateur au sein du Code de la consommation afin de concilier protection du consommateur et impératif économique. Par ailleurs, le champ de la protection offerte par le Code de la consommation pourrait être redéfini, afin d'écarter toute protection lorsqu'elle s'avère inutile, comme pour l'acheteur dans le cadre de la vente « surprise », ou encore afin d'en étendre le champ lorsqu'au contraire une personne n'est pas protégée alors qu'elle devrait l'être, ainsi du professionnel qui agit pour les besoins de son activité, tout en étant placé dans le même degré d'ignorance que tout consommateur98.

98 Rappelons que cette possibilité est écartée de manière très regrettable par le projet de loi relatif à la consommation qui consacre pour la première fois une définition légale et générale de la notion de consommateur.

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91

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-Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant les directives 84/450/CEE, 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE et le règlement (CE) n° 2006/2004 (directive sur les pratiques commerciales déloyales).

-Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011.

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-Loi n° 93-949 du 26 juillet 1993 relative au code de la consommation, JORF n°171 du 27 juillet 1993.

-Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF, 22 juin 2004.

-Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

-Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation, JORF 25 août 2001. Ce texte assure la transposition fidèle de la directive 97/7/CE du 20 mai 1997.

92

V/ Jurisprudence

-C. Cass. Req., 28 juillet 1873 : DP 1874, 1.

-T. Paix Paris, 19 juin 1936 : Gaz. Trib. 1936, 2.

-C. Cass. Civ 1 ère, 7 juillet 1964. -T.Com. Paris, 27 Novembre 1968.

-C. Cass. Civ 1 ère , 19 janv. 1977, Bull. Civ. I, n° 40, p. 30 ; 18 avril 1989, Bull. Civ. I, n° 150.

-CA Paris, 9 mai 1980.

-C. Cass. Civ 1 ère , 21 janv. 1981, Bull civ. I, n° 25.

-C. Cass. Com 30 novembre 1983,n° pourvoi 82-12045

-C. Cass.Com, 9 mai 1985,n° de pourvoi 83-16578

-C. Cass.Civ 3 ème , 25 fév. 1987, Bull. Civ. III, n° 36.

-C. Cass. Civ 1 ère, 12 nov 1987, Bull. Civ. I, n° 293 p. 211, Défresnois 1988. 1092, obs Aubert, RTD civ. 1988.339, obs. J.Mestre ; Cass. Com.

-C. Cass. Crim, 15 Déc. 1989, n° de pourvoi 09-83.059, Bull crim 2009, n° 212.

-C. Cass. Civ 1 ère , 29 nov 1994, D.1995.122 note Aynès, JCP 1995.II.22371 note Ghestin, CCC 1995, n° 24, note Leveneur, RTD civ. 1995. 358, obs. Mestre, RTD Com. 1995.464, obs. Bouloc.

-C. Cass. Civ 1 ère , 23 mai 1995, n° de pourvoi 94-14255. -C. Cass.Com, 9 juillet 1996.

-C. Cass. Civ 1 ère , 13 octobre 1998.

-C. Cass. Ass. Plén., 1er déc 1995 (4 arrêts), Gaz Pal. 9 Déc 1995, note P. de Fronbressin, JCP 1996.II.22565 concl.Jeol, note Guestin, JCP E 1996, II, 776, note Leveneur, et N., I, 93, obs. D.Boulanger, D.1996.13 concl. Jéol ; note Aynès, LPA, 27 Déc 1995, n° 155, p.11, note D.Bureau et N. Molfessis, CCC 1996, n° 5 et chron.

93

Leveneur, RTD civ. 1996. 153, obs. J. Mestre, Defrénois 1996.748, obs. Delebecque, Grands arrêts, t.2, n° 152-155.

-C. Cass. Com, 19 novembre 1996, n° pourvoi 94-14530.

-C. Cass Civ 1 ère , 2 décembre 1997, n° de pourvoi 95-16720. -C. Cass. Civ 1 ère , 15 décembre 1998 n° de pourvoi 96-19898.

-CJCE 22 novembre 2001, JCP 2002. II. 10047, note Paisant ; D. 2002. AJ 90, note Rondey ; ibid., somm., p. 2929, obs. Pizzio ; Contrats, conc. consom., 2002, no 18, note Raymond ; ibid., chron., p. 14, par Luby ; LPA 2002, note Nourissat ; RTD civ. 2002. 291, obs. Mestre et Fages ; ibid., p. 397, obs. Raynard ; RTD com. 2002. 404, obs. Luby.

-Cass Civ 1 ère , 12 mai 2004 n° pourvoi 03-13847.

-C. Cass. Civ 1 ère , 24 janv. 2005, n° 92-18227, Bull civ. I, n° 54, Contrats. Conc. Cons. 1995, comm. N° 84, note L. Leveneur, D. 1995, p. 327, note G.Paisant et somm., p. 229, obs. Ph. Delebecque, JCP G 1995, I, n° 3893, obs.G. Viney.

-C. Cass. Civ. 1 ère , 15 mars 2005, LPA 12 mai 2005, p. 12, note D. Bert.

-TGI Bordeaux, 11 mars 2008, UFC Que Choisir c/ CDiscount (n°3703/2006), Contrats Conc. Cons. 2008. Comm. n° 69, note A. Debet.

-C. Cass. Crim, 23 mars 2010, n° de pourvoi 09-82.545.

-CA Toulouse, 2 ème , chambre section , 2 fév. 2011, n° RG 09/ 00005.

-C. Cass. Civ 1 ère , 12 juillet 2012, Hewlett Packard France/ UFC Que choisir, 1118.807.

-C. Cass. Civ 1 ère , 13 décembre 2012 n° 11-27766.






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