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La vente à  l'essai face au régime juridique des contrats à  distance

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par Florent SUXE
Université Panthéon-Sorbonne Paris 1  - Master 2 droit du commerce électronique et de l'économie numérique  2013
  

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CHAPITRE 2 : L'articulation du droit de rétractation et de la faculté d'essai....Page 75

SECTION 1 : Les raisons de la stipulation d'une condition résolutoire Page 76

§ 1 L'inclusion du délai de rétractation dans le délai d'essai Page 76

§ 2 Le transfert des risques Page 77

SECTION 2 : Les modalités d'exercice du droit de rétractation Page 80

§ 1 De la rétractation sans motif au contrôle de l'abus dans l'appréciation subjective

du bien acquis Page 81

§ 2 Les modalités d'expression de la rétractation et de la faculté d'essai. Page 82

Conclusion Page 85

Bibliographie indicative Page 88

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Introduction

Le développement des nouvelles technologies a profondément modifié les rouages du commerce. De la création de l'Arpanet1 au cours des années 1970 à l'avènement du Web 2.02, auquel lui succédera bientôt la version 3.03, ce phénomène a largement contribué à l'accroissement et à l'accélération des échanges en offrant tant aux professionnels qu'aux consommateurs de nouveaux supports de conclusion des contrats. Un auteur écrit d'ailleurs à cet égard « depuis que le panier d'osier ou de métal s'est transformé en panier virtuel, la visite des magasins et autres lieux de consommation est désormais possible en tout lieu et à toute heure. Libéré de toute contrainte physique, le « cyber-consommateur » peut aujourd'hui pratiquement tout acheter sans avoir à se déplacer au-delà du lieu où se trouve son ordinateur et sans avoir à solliciter d'autres muscles que ceux qui déplaceront sa souris »4.

En effet, il est aujourd'hui possible d'acheter tout type de produit directement en ligne, des biens les plus courants, comme les denrées alimentaires ou les vêtements, aux biens les plus spécifiques, personnalisés à la demande de l'acheteur. C'est ainsi que la pratique recèle d'idées toujours nouvelles et dont l'originalité rend difficile l'application du Droit.

A cet égard, nous avons décidé de porter notre attention sur une idée qui nous semble révéler au mieux tant l'équilibre difficile qu'entretient l'imagination des web-entrepreneurs et le régime juridique des contrats à distance que le constat selon lequel l'achat en ligne est devenu, d'un simple mode alternatif de consommation, un véritable mode de vie.

1 Arpanet (acronyme anglais de « Advanced Research Projects Agency Netwok »), est le premier réseau à transfert de paquets développé aux Etats-Unis par la DARPA. Il est l'ancêtre de l'internet.

2 Le Web 2.0 est l"Internet liant les personnes entre elles, au départ par le courrier électronique, puis qui s'est généralisé avec le phénomène des blogs, des forums de discussion agrégeant des communautés autour de sites internet et enfin avec les réseaux sociaux.

3 Le Web 3.0, lui, n'est pas vraiment défini. En fait, l'expression est employée par tous les spécialistes pour expliquer ce que sera selon eux la prochaine étape de développement du web. Les deux thèses dominantes sont de considérer le Web 3.0 comme l'Internet des objets1, qui émerge depuis 2008, l'autre thèse dominante est d'en faire le web sémantique.

4 E. Grimaux, « La détermination de la date de conclusion du contrat par voie électronique », Comm. Comm. Elect. 2004, chr. N° 10, p. 15.

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Le site internet en question, récemment créé, déploie son activité dans le prêt-à porter. Il propose aux internautes qui ne souhaitent pas s'embarrasser d'un déplacement physique en boutique, de renseigner leurs goûts et leurs styles, directement en ligne, afin qu'un styliste choisisse pour eux les habits et accessoires qui composeront bientôt leur garde-robe.

Ainsi, l'acheteur renseigne sa taille, ses mensurations, puis sélectionne d'une part les styles qu'il affectionne et d'autre part les différents types de vêtements et accessoires dont il a besoin (chemises, pantalons, chaussettes, ceintures...). En confirmant ces informations, il réalise un premier clic qui lui donne accès à sa commande récapitulative, affectée d'un numéro de « malle ». A cet instant, il peut faire appel à un styliste dont les coordonnées s'affichent à l'écran afin de donner de plus amples informations sur ses préférences ou en vue d'obtenir des conseils vestimentaires. Un récapitulatif des informations qu'il a mentionnées s'affichant sur le site, il a possibilité d'en vérifier le détail et d'en corriger le contenu avant de valider définitivement son achat en renseignant ses coordonnées bancaires, sans connaître précisément le prix à payer, car la seule information dont il dispose est que la valeur de la malle ne dépassera pas 1500 euros.

Son styliste référent détermine alors le contenu de la malle selon les informations que l'acheteur a renseignées, chacun ayant la possibilité de joindre l'autre afin d'obtenir de plus amples renseignements. A la réception de la malle, l'acheteur en découvre le contenu et a la possibilité d'en renvoyer tout ou partie au vendeur, s'il n'est pas satisfait.

Ce n'est qu'à ce moment précis que l'acheteur connaîtra le prix des biens qu'il a souhaité garder et que le vendeur aura la possibilité d'obtenir un paiement correspondant à la valeur totale de la malle, déduction faite des biens dont l'acheteur aura souhaité se séparer le cas échéant, en transmettant l'ordre de paiement à la banque de ce dernier.

Cette prestation nous semble être une vente dans la mesure où s'opère un transfert de propriété à titre onéreux, le gestionnaire du site web s'engageant à livrer les choses vendues, et l'acheteur à les payer, comme le prévoit l'article 1582 du Code civil, même

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si nous démontrerons plus loin qu'elle peut éventuellement correspondre à une prestation de service en raison de l'intervention du styliste.

Cependant, sa singularité se dessine à travers deux aspects particuliers.

D'une part, un certain effet de surprise attend l'acheteur qui recevra la malle, dans la mesure où il n'a pas une connaissance précise de son contenu, quand bien même il aurait orienté les décisions de son styliste référent en renseignant ses préférences. L'acheteur accepte en effet, le temps d'une transaction, de « perdre » partiellement « la vue » en s'en remettant au vendeur, ce qui explique que le styliste et l'acheteur aient réciproquement la possibilité de se contacter entre chacun des deux clics en vue de la validation définitive de l'achat. Comme nous le verrons, ces particularités posent de nombreuses questions au regard de l'obligation du vendeur de définir les caractéristiques essentielles des biens vendus, de la validité de l'accord des volontés et de la procédure d'échange des consentements.

D'autre part, la prestation proposée par le site pourrait correspondre à la vente à l'essai prévue par le Code civil à l'article 1588. Non définie par la loi, une telle qualification ne semble qu'induite par l'article 1588 du Code civil aux termes duquel « la vente à l'essai est toujours présumée faite sous condition suspensive ». Ainsi, la condition suspensive consisterait en la réussite de l'essai pratiqué par l'acheteur, autrement dit, en la satisfaction de ce dernier à l'égard des biens qu'il a acquis. De cette façon, la formation définitive de la vente est suspendue à la réussite de cet évènement. La réalisation de la condition opère rétroactivement de sorte que la vente est réputée conclue au moment de l'échange des consentements qui a précédé l'essai par l'acheteur.

Cette variété de vente se distingue de la vente pure et simple comme le rappelle l'article 1584 du Code civil qui ajoute, en outre, que la vente peut également être faite sous condition résolutoire.

En effet, comme le confirment la Doctrine et la jurisprudence, la vente à l'essai peut également être faite sous cette condition5. Dès lors, le mécanisme est sensiblement

5 G. Baudry-Lacantinerie, Traité théorique et pratique de droit civil, t. XIX : Paris, Larose et Forcel, 1901, n° 148 ; M. Planiol et G. Ripert, Traité élémentaire de Droit civil, t. X, par J. Hamel : LGDJ 1956 ; Cass. Req., 28 juillet 1873 : DP 1874, 1, p. 440

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différent, la vente étant définitivement formée dès l'échange des consentements sur la chose et le prix. Cependant, la survenance de l'évènement - l'échec de l'essai, c'est-à-dire, l'insatisfaction de l'acheteur en l'espèce - met fin rétroactivement au contrat qui était définitivement formé au moment de l'échange des consentements.

Le choix du mécanisme de la condition dans la vente à l'essai n'est pas sans conséquences, au regard notamment du transfert des risques. Ainsi, lorsque la condition est suspensive, les risques de la chose pèsent sur le vendeur tant qu'elle ne s'est pas réalisée, par opposition à la vente sous condition résolutoire, dans laquelle les risques pèsent sur l'acheteur dès l'échange des consentements dans la mesure où le contrat est définitivement formé dès cet instant.

En outre, le mécanisme pourrait produire des conséquences autrement plus complexes à l'égard du droit de rétractation, ce sur quoi nous nous interrogerons plus loin.

Telle que nous venons de la décrire, la vente « surprise » à l'essai pose donc de nombreuses difficultés au regard du régime juridique des contrats à distance. En effet, de nombreux textes de droit interne ou de source européenne sont susceptibles de s'appliquer à la vente « surprise » à l'essai, lorsque celle-ci est conclue à distance et notamment par voie électronique. Pour ne citer que ceux qui retiendront notre attention dans le cadre de la présente étude, il est possible d'en distinguer trois types.

Ainsi, d'une part, les articles L 111-1 et suivants du Code de la consommation seront à envisager dans le cadre de l'obligation générale d'information du professionnel, vendeur ou prestataire de service. Il s'agira par ailleurs de comprendre les modifications apportées par le projet de loi relatif à la consommation6 transposant notamment la directive du 25 Octobre 2011 « Droits des consommateurs »7. Dans leur version actuelle, les articles L 111-1 et suivants du Code de la consommation sont applicables si le contrat de vente ou de prestation de services est conclu entre un professionnel et un consommateur.

6 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

7 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

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Non définies de manière générale par la loi, ces notions ont été éclaircies par la doctrine et la jurisprudence, tant interne qu'européenne. Ainsi, le consommateur est nécessairement une personne physique8 qui conclut un contrat pour des besoins extérieurs à son activité professionnelle, sans rapport direct avec elle9. Cette définition, pour le moins restrictive, n'entend pas protéger la personne physique qui agit pour des besoins professionnels en dehors de son champ de compétence alors même que son degré d'ignorance serait similaire à celui d'une personne qui agit pour des besoins personnels. Au contraire, le professionnel est la personne physique ou morale, qui exerce à titre habituel une activité à des fins lucratives et qui conclut dans ce cadre, un contrat pour les besoins de son activité professionnelle.

Notons qu'une petite « révolution » est en marche dans ce domaine. En effet, le consommateur est défini de manière générale par le projet de loi relatif à la consommation10 qui fixe le champ d'application personnel du Code de la consommation, en ajoutant un article préliminaire au livre 1er du Code, aux termes duquel « au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».

Ainsi, le législateur semble ici vouloir mettre fin aux circonvolutions jurisprudentielles en apportant au juge une définition commune à toutes les dispositions du Code de la consommation, ce qui nous semble être une démarche salutaire à l'égalité de protection voulue par le législateur, même si la définition peut sembler critiquable dès lors qu'elle laisse faussement présumer que toute personne agissant pour des besoins professionnels serait plus avertie qu'un contractant agissant pour des besoins personnels et inversement.

8 CJCE 22 novembre 2001, JCP 2002. II. 10047, note Paisant ; D. 2002. AJ 90, note Rondey ; ibid., somm., p. 2929, obs. Pizzio ; Contrats, conc. consom., 2002, no 18, note Raymond ; ibid., chron., p. 14, par Luby ; LPA 2002, note Nourissat ; RTD civ. 2002. 291, obs. Mestre et Fages ; ibid., p. 397, obs. Raynard ; RTD com. 2002. 404, obs. Luby. Arrêt confirmé par Cass. Civ. 1re, 15 mars 2005, LPA 12 mai 2005, p. 12, note D. Bert.

9 V. notamment, en matière de clause abusive, la définition retenue par la Cour de cassation, par ex., Cass. Civ 1ère., 24 janv. 2005, n° 92-18227, Bull civ. I, n° 54, Contrats. Conc. Cons. 1995, comm. N° 84, note L. Leveneur, D. 1995, p. 327, note G.Paisant et somm., p. 229, obs. Ph. Delebecque, JCP G 1995, I, n° 3893, obs.G. Viney.

10 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

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Ces définitions nous semblent correspondre au cas d'espèce, au moins en ce qui concerne le gestionnaire du site web, dont la qualification de professionnel est indiscutable.

En revanche, certains des utilisateurs du site pourraient se voir priver de la qualification de consommateur dès lors qu'ils feraient, par exemple, l'acquisition de vêtements afin de ne pouvoir les porter que sur leur lieu de travail, en respect d'un « code vestimentaire » ne correspondant pas du tout à leurs goûts personnels.

D'autre part, les textes relatifs au « contrat à distance » seront à envisager. Ainsi, la directive du 20 Mai 1997 dite « contrats à distance »11 transposée notamment aux articles L 121-16 et suivants du Code de la consommation par une ordonnance du 23 août 201112, tiendra une place particulièrement importante. De même, il s'agira d'envisager la directive du 25 Octobre 2011 « Droits des consommateurs »13, abrogeant celle de 1997 à compter du 13 juin 2014, dont la transposition française est en cours au travers du projet de loi relatif à la consommation enregistré à la présidence de l'assemblée nationale le 2 mai 201314, toujours susceptible d'amendements.

Enfin, il s'agira d'appliquer les textes relatifs au « contrat électronique », notamment la directive du 8 juin 2000 dite « Commerce électronique »15 transposée aux articles 1369-1 et suivants du Code civil par la loi pour la confiance dans l'économie numérique du 21 juin 200416.

11 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21.

12 Ordonnance n° 2001-741 du 23 août 2001 portant transposition de directives communautaires et adaptation au droit communautaire en matière de droit de la consommation, JORF 25 août 2001, p. 13645. Ce texte assure la transposition fidèle de la directive 97/7/CE du 20 mai 1997.

13 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p. 64.

14 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

15 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178, 17 juillet 2000, p. 1.

16 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF, 22 juin 2004, p. 11168.

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La définition du « contrat à distance » ou du « contrat électronique », en tant que champ d'application matériel de ces différents textes ne fait pas obstacle à l'application des règles qu'ils contiennent en ce qui concerne notre cas d'espèce. Ainsi, qu'il s'agisse d'une vente ou d'une prestation de service, ou encore, qu'on retienne une qualification distributive, cette question que nous envisagerons plus loin n'a pas de conséquences sur l'éligibilité des textes, quand bien même le régime juridique qu'ils consacrent en serait fortement influencé.

En effet, l'ensemble de ces textes qui constituent le socle du Droit des contrats à distance et du contrat électronique, s'appliquent tant à la vente qu'à la prestation de services.

En revanche, des divergences sensibles subsistent en ce qui concerne les autres critères de qualification de ces contrats. Ainsi, en substance, l'article 2 de la directive de 199717 exige du contrat à distance qu'il soit conclu entre un consommateur et un fournisseur, dans le cadre d'un système de vente organisé par ce dernier et que les parties aient utilisé une ou plusieurs techniques de communication à distance, des pourparlers à la conclusion définitive du contrat.

A cet égard, la directive ne définit ni le système de vente organisé, ni les techniques de communication à distance.

Le législateur français s'est affranchi de cette définition en modifiant, en ajoutant ou en faisant abstraction de certains de ses éléments - ce qui lui était permis, la directive étant d'harmonisation minimale - par la transposition de cette définition à l'article L 121-16 du Code de la consommation.

Pour ne décrire que les divergences, cet article exige que le contrat à distance ait été conclu sans la présence physique simultanée des deux parties, ce qui exclut par exemple les contrats conclus par internet alors que les parties sont situées dans la même pièce. En outre, la notion de professionnel est substituée à celle de fournisseur, celui-ci n'étant plus tenu de conclure le contrat dans le cadre d'un système de vente organisé. Enfin,

17 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21.

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l'exigence de l'emploi d'une ou plusieurs techniques de communication à distance est circonscrite au moment de la conclusion du contrat.

Les notions de consommateurs et de professionnels n'étant pas définies comme nous l'avons évoqué, il est cependant possible ici de se référer à la définition du consommateur telle qu'elle est envisagée par la directive de 199718, au regard du principe de la supériorité du Droit de l'Union européenne sur le Droit interne. Ainsi, il s'agit de toute personne physique qui agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle.

Dans la mesure où le législateur a préféré le terme de professionnel à celui de fournisseur, il n'est pas possible de s'en référer à la définition consacrée par la directive. Mais celle-ci est en accord avec celle du professionnel que nous avons déjà envisagée car la directive définit le fournisseur comme la personne morale ou physique qui agit dans le cadre de son activité professionnelle.

La définition du contrat à distance par la directive du 25 Octobre 201119 dérive de ces deux définitions. Ainsi le contrat à distance consiste en « tout contrat conclu entre le professionnel et le consommateur, dans le cadre d'un système organisé de vente ou de prestation de service à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, jusqu'au moment, et y compris au moment, où le contrat est conclu ».

En revanche, la définition des parties au contrat est complexifiée. Ainsi, le consommateur est toujours une personne physique, mais agit à des fins qui n'entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

De même, le professionnel est toujours une personne physique ou morale. Cependant, la directive précise que celle-ci peut être privée ou publique, ce qui est à notre avis une

18 Note préc.

19 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p.64.

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précision inutile au regard du principe selon lequel il n'y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas. Par ailleurs, le professionnel peut désormais agir par l'intermédiaire d'une personne agissant en son nom ou pour son compte. Ainsi, la personne du commissionnaire ou du mandataire s'efface devant celle de la personne pour qui l'acte est conclu. Enfin, la directive exige que le professionnel agisse à des fins qui entrent dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

Le fait que la directive procède par énumération lorsqu'elle évoque la raison pour laquelle l'acte est conclu semble a priori plus réducteur que si elle s'en était tenue à la notion « d'activité professionnelle » prévue par la directive de 199720. Cependant, nous pensons que les activités énumérées recouvrent la totalité des hypothèses que l'on pourrait qualifier d'activité professionnelle.

Le projet de loi relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'assemblée nationale en mai 201321 transpose fidèlement cette définition hormis un élément qui ne semble cependant pas devoir faire raisonnablement l'objet d'un débat. En effet, il est exigé des parties qu'elles recourent exclusivement à une ou plusieurs techniques de communication à distance « jusqu'à la conclusion du contrat », sans que l'emploi d'une technique de communication à distance soit également expressément prévu pour le moment de la conclusion du contrat.

En théorie, « jusqu'à » est une locution prépositive qui marque un certain point que l'on atteint et au-delà duquel on ne passe pas, de sorte que le moment de la conclusion du contrat est bien compris dans le délai pendant lequel il est nécessaire d'utiliser une ou plusieurs techniques de communication à distance.

De plus, la directive du 25 Octobre 201122 est d'harmonisation maximale conformément à son article 4, ce qui signifie qu'il est interdit au législateur d'aller au-delà ou en-deça de qui est prévu par le législateur européen, sauf autorisation expresse.

20 Directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 1997 concernant la protection des consommateurs en matière de contrat à distance, JOCE n° L 144, 4 juin 1997, p. 21.

21 Projet de loi n° 1015, relatif à la consommation, enregistré à la présidence de l'Assemblée nationale le 2 mai 2013.

22 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p.64.

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Au regard de ces éléments, nous devons en conclure que la définition du « contrat à distance », consacrée par le législateur français dans son projet de loi est identique à celle retenue par le législateur européen.

Notre cas d'espèce semble entrer parfaitement dans le champ d'application de ces textes. En effet, comme nous l'avons déjà évoqué, il nous semble que les utilisateurs concluent sur le site internet pour des besoins personnels dans la majorité des cas. De même, le gestionnaire du site web offre nécessairement ses services en vue d'en tirer un bénéfice, et ce, à titre habituel. Par ailleurs, il effectue des actes de commerce par nature visés par l'article L 110-1 1° du Code de commerce dès lors qu'il acquiert les vêtements pour les revendre de sorte qu'il intervient dans le cadre d'une activité commerciale comme le prévoit la directive du 25 Octobre 201123. Notons que le projet de loi ne définit pas le professionnel. Ainsi, il convient de s'en remettre à la définition consacrée par la directive européenne.

Par ailleurs, que les utilisateurs recourent uniquement à la plateforme de vente pour conclure le contrat, ou qu'ils apportent des précisions supplémentaires auprès du styliste par téléphone ou par email, ces circonstances étant de nature à préciser ou redéfinir les éléments essentiels du contrat conclu, il ne fait aucun doute qu'ils concluent sans être présents simultanément l'un et l'autre, en utilisant exclusivement une ou plusieurs techniques de communication à distance, des pourparlers à la conclusion du contrat, et ce dans le cadre d'un système de vente organisé par le professionnel.

Pour finir, il nous reste à envisager les dispositions relatives au contrat électronique.

Sa définition consacrée par l'article 1369-4 du Code civil est issue de la LCEN24 qui a notamment transposé la directive du 8 juin 200025, dont il ressort en ses articles 9 et 10

23 Directive 2011/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, JOUE n° L 304, 22 novembre 2011, p.64.

24 Loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique, JORF, 22 juin 2004, p. 11168.

25 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178, 17 juillet 2000, p. 1.

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de la section 3 intitulée « contrats par voie électronique », que le contrat électronique est conclu par voie électronique, le débiteur de la prestation de service ou de l'obligation de transférer la propriété et de livrer la chose étant dénommé « prestataire de service ».

L'article 2 de la directive dispose en substance que le « prestataire » est la personne physique ou morale qui fournit un service de la société de l'information, et renvoie à la directive du 22 juin 199826 pour connaître la définition de cette dernière notion considérée comme « tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique et à la demande d'un destinataire de services ».

La directive du 22 juin 1998 définit également la voie électronique pour les besoins de la définition des « services de la société de l'information » en considérant qu'il s'agit de « tout service envoyé à l'origine et reçu à destination au moyen d'équipements électroniques de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données, et qui est entièrement transmis, acheminé et reçu par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques ».

Nous pensons que ces éléments nous permettent d'éclairer la notion de contrat électronique retenue par le Droit français.

En effet, la définition du contrat électronique retenue en Droit français est très lacunaire. Ne semblant qu'induite par la première phrase de l'article 1369-4 du Code civil aux termes de laquelle « quiconque propose, à titre professionnel, par voie électronique, la fourniture de biens ou la prestation de services, met à disposition les conditions contractuelles applicables d'une manière qui permette leur conservation et leur reproduction », un tel silence laisse pantois au regard de la profusion des critères participant à la définition du contrat à distance.

Ainsi, le contrat électronique est un contrat formé exclusivement par voie électronique, dont le débiteur de l'obligation relative à la prestation de service ou au transfert de

26 Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JOCE n° 204, 21 juill. 1998, p. 37.

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propriété et à la livraison est un professionnel, ce qui exclut les contrats conclus entre particuliers.

D'ailleurs, il est étonnant que le Code civil consacre la notion de professionnel, qui ne semblait être qu'une notion purement consumériste, ce qui peut cependant s'expliquer par le caractère supplétif du régime juridique du contrat électronique consacré par le Code civil dès lors que les parties ont en effet la possibilité d'y déroger si elles concluent toutes deux pour des besoins professionnels.

Par ailleurs, les contrats qui sont formés exclusivement par échange d'email y échappent.

Si l'on envisage la définition française à la lumière de son fondement européen, il est possible d'en préciser un peu plus le contenu, en reprenant notamment la définition de « voie électronique » consacrée par la directive du 22 juin 199827, pour comprendre que le contrat électronique englobe en pratique une large variété de moyens de télécommunication : Internet, SMS, télex...

En effet, même si la directive du 8 juin 200028 ne renvoie à la directive du 22 juin 1998 que pour définir la notion de service de la société de l'information, on peut considérer que ce renvoi s'étend à la définition de « la voie électronique » consacrée par la directive en vue seulement de définir la notion de service de la société de l'information.

D'ailleurs, le considérant 18 de la directive du 8 juin 2000 nous confirme cette interprétation en déclarant que « les services de la société de l'information englobent un large éventail d'activités économiques qui ont lieu en ligne. Ces activités peuvent consister, en particulier, à vendre des biens en ligne. Les activités telles que la livraison de biens en tant que telle ou la fourniture de services hors ligne ne sont pas couvertes. Les services de la société de l'information ne se limitent pas exclusivement aux services donnant lieu à la conclusion de contrats en ligne... ».

27 Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JOCE n° 204, 21 juill. 1998, p. 37.

28 Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, JOCE L 178, 17 juillet 2000, p. 1.

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Ainsi, ce considérant confirme que la formulation « service presté [...] à distance par voie électronique » fait référence tant à la conclusion du contrat qu'à l'exécution du contrat directement en ligne.

Il nous semble que le cas d'espèce entre également dans le champ d'application de ces textes. En effet, le gestionnaire du site web intervient, à n'en pas douter, à titre professionnel dès lors qu'il agit pour les besoins de son activité lucrative, à titre habituel.

La qualité du créancier de l'obligation du professionnel important peu au stade du champ d'application personnel du régime juridique du contrat électronique, il n'est pas nécessaire de déterminer la raison pour laquelle il agit. En revanche, d'autres éléments nous semblent plus déterminants.

Ainsi, la question est de savoir si les moyens de communication au travers desquels les parties sont susceptibles d'échanger leurs consentements correspondent à la voie électronique envisagée par l'article 1369-4 du Code civil.

Il nous semble que l'internet y correspond de manière certaine car cette technologie fonctionne bien grâce à un « équipement électronique de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage de données », et qu'elle permet d'acheminer et de recevoir « par fils, par radio, par moyens optiques ou par d'autres moyens électromagnétiques », un service consistant à permettre la conclusion d'un contrat, conformément à l'article 1-2° de la directive du 22 juin 199829, qui définit la voie électronique à l'aide de ces critères cumulatifs.

Nous verrons cependant plus loin, que l'emploi du téléphone lors de l'échange avec le styliste pourrait échapper au régime juridique du contrat électronique, dans la mesure où cette technologie ne nous semble pas mettre en oeuvre une solution de stockage, à moins que la conversation soit enregistrée.

29 Directive 98/34/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des normes et réglementations techniques, JOCE n° 204, 21 juill. 1998, p. 37.

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Ainsi, un panel complet de textes semble devoir s'appliquer à la vente « surprise » à l'essai lorsque celle-ci est conclue à distance et notamment au cas d'espèce qui fait l'objet de la présente étude.

Par conséquent, il s'agit de questionner les difficultés suscitées par la vente « surprise » à l'essai dans le cadre de l'application du régime juridique des contrats à distance et de proposer les solutions aptes à les résoudre.

Nous envisagerons donc en premier lieu la qualification de l'opération réalisée par le site internet pris pour exemple, tant les conséquences sont lourdes notamment à l'égard de l'existence d'un droit de rétractation (Partie préliminaire). En second lieu, nous aborderons les difficultés juridiques soulevées par l'information due à l'acheteur, la procédure d'échange des consentements ainsi que la validité de l'accord des volontés au regard des particularités de la prestation (Partie I) avant d'aboutir à la difficile question de l'application du droit de rétractation dans la vente à l'essai (Partie II).

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry