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Quels sont les effets du programme de transfert de technologie aux agriculteurs sur les fournisseurs de biens et services agricoles et leur offre dans des communes du nord et du nord est d'Haà¯ti ?

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par Bruno Pech
Montpellier Supagro - Ingénieur agronome 2015
  

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A. Le recours à des emprunts importants auprès de structures officielles ou d'usuriers

Pour être capable d'approvisionner de grandes quantités de bénéficiaires, ces boutiques ont eu recours à des emprunts très importants pour acheter de l'engrais et des semences.

Ces emprunts ont été effectués auprès d'institutions financières classiques (banques commerciales) ou auprès de particuliers pratiquant l'usure. L'accès au crédit commercial est facilité par

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la présence relativement ancienne des boutiques dans la zone. Cependant les durées fixées des prêts sont trop courtes par rapport aux délais de décaissement de la BNC.

Les fournisseurs ont géré leurs investissements pour que leur bénéfice final ne soit pas trop diminué par les pénalités de retards de remboursement des emprunts. Les liens entre boutiques d'intrants leurs permettent également de pouvoir utiliser les stocks d'une autre boutique en cas de problème d'approvisionnement.

B. L'utilisation des réserves de trésorerie de l'entreprise sans recours à l'emprunt

Ces entreprises avaient des réserves de trésorerie suffisante pour investir dans l'achat d'intrants qu'elles ont revendues au programme. Les bénéfices dégagés ont été réinvestis dans les campagnes suivantes dans l'objectif de fournir un nombre plus important de bénéficiaires et de non bénéficiaires.

Dans le cas des boutiques d'organisations agricoles, les réserves de trésorerie correspondaient aux fonds laissés par le projet PPID. Ces fonds ont permis d'acheter des intrants dans le but de les revendre au PTTA. La concurrence des boutiques d'intrants localisées dans les centres urbains et plus connues des bénéficiaires a impacté les ventes de ces boutiques à partir de la deuxième campagne. Les boutiques pluriactives ont également eu peu recours aux emprunts mais les bénéficiaires n'ont pas privilégiés ce type de fournisseurs.

C. Un faible recours à l'emprunt mais l'utilisation importante de la trésorerie personnelle associée aux décalages de paiement

Cette stratégie concerne essentiellement les fournisseurs de service de labour et de repiquage. Ces fournisseurs sont généralement des individus disposant de peu de trésorerie et n'ayant pas accès aux services financiers classiques ou informels. S'ils doivent payer des associés dans le cas du repiquage ou un opérateur dans le cas du labour, ils utiliseront leurs réserves financières en attendant de recevoir le paiement de la BNC. S'ils ne disposent pas de réserves, ils ne paieront leurs collaborateurs qu'une fois les coupons décaissés.

Les retards de paiement de la BNC ont donc une influence très forte sur la trésorerie de ces fournisseurs. Des cas de décapitalisation-capitalisation ont été observés : suite aux retards, des fournisseurs ont du vendre des animaux pour payer leurs associés et une fois les coupons décaissés ils ont pu racheter leurs bêtes.

Les stratégies économiques des fournisseurs sont donc liées en grande partie à l'utilisation d'emprunts. Mais le marché libre laisse la responsabilité à chaque fournisseur d'emprunter selon ses besoins pour approvisionner les bénéficiaires qui viennent le voir. Beaucoup de fournisseurs d'intrants sont déjà des acteurs professionnels et savent gérer leurs investissements. La présence du projet AVANSE dans la zone a encouragé également plusieurs boutiques à renforcer leurs capacités pour fournir plus d'engrais.

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Encadre 3 Des montages financiers pour appuyer l'équipement agricole : avantages et limites (source : auteur)

Des montages financiers pour appuyer l'équipement agricole : avantages et limites

Le fonds d'assistance économique et social (FAES) et des caisses populaires du Nord Est ont mis en place différents programmes d'appui à l'équipement agricole.

Des agriculteurs peuvent acheter un attelage complet (paire de boeufs, charrue, matériel complémentaire...) à un prix subventionné. L'achat se fait à crédit et doit être remboursé en plusieurs tranches. En plus du crédit contracté auprès d'une caisse populaire, l'agriculteur reçoit une formation en labour et dressage de boeufs auprès de l'ONG GRADES située au Cap Haïtien.

Ce système a permis à de nombreux agriculteurs de s'équiper mais sa limite reste le taux de recouvrement insuffisant des emprunts. Beaucoup d'agriculteurs voient dans le système un don de la part du FAES et ne remboursent pas l'emprunt contracté auprès de la caisse populaire.

FAES

Formation

Prêt

Agriculteur

Caisse populaire

Achat attelage

GRADES

Prêt

d. Des compétences techniques liées à la République Dominicaine

Comme indiqué en6.2.1le travail saisonnier de nombreux agriculteurs en République Dominicaine permet le transfert de certaines techniques et de nouveaux intrants. Cependant, beaucoup de planteurs n'ont pas de formation de base concernant l'utilisation des produits phytosanitaires et peu ont la trésorerie nécessaire pour investir dans du matériel de protection.

Les fournisseurs d'intrants délivrent des conseils d'utilisation des produits, conseils qu'ils ont eux-mêmes souvent reçus en République Dominicaine lors de l'achat de leurs stocks. Le service d'application de produits phytosanitaires est encore effectué par les planteurs eux-mêmes sans protections adéquates et beaucoup préfèrent demander des conseils aux vendeurs dominicains plutôt qu'aux fournisseurs haïtiens.

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Lors du PTTA, l'assistance technique a été délivrée par des fournisseurs spécialisés dans ce service. Ces fournisseurs d'assistance technique ont été choisis par l'OPS après un appel à manifestation d'intérêt restreint et une sélection. Pour la deuxième et troisième campagne, trois fournisseurs ont été en charge de délivrer des formations et des démonstrations à des groupes de bénéficiaires.

Le PTTA a permis l'émergence d'un service d'assistance technique structuré mais les techniques proposées, bien que potentiellement très performantes, ne sont pas adaptées aux conditions de pression phytosanitaires locales (caracole) et à l'absence de maitrise de la lame d'eau. Il existe enfin un besoin de formation et d'appui technique en réparation mécanique pour assurer le fonctionnement des tracteurs et motoculteurs.

L'assistance technique dans le Nord Est : du champ école aux formations théoriques

Les trois fournisseurs retenus lors des campagnes riz d'été 2014 et riz 2015 ont proposé chacun une forme différente de mise en oeuvre de l'assistance technique.

L'OPDS a mise oeuvre un appui technique en 4 grandes étapes : Formation théorique, formation pratique, suivi parcellaire, contrôle phytosanitaire. Les formations associent cours en salle donnés par un intervenant externe, champs de démonstrations, suivi de parcelles d'agriculteurs et renforcement des compétences de certains agriculteurs leaders. Cette approche du suivi-conseil est intéressante car elle est gérée par une organisation de paysans et cherche à transférer des compétences concrètes.

Le travail de l'organisation a été limité par le détournement de certains coupons et les retards de livraison. « Certains agriculteurs attendaient de faire monnayer le BA et cela semble une habitude pour une proportion importante » (Rapport d'avancement d'activités# 2 OPDS campagne riz d'été)

Les deux autres fournisseurs ont mis en place des formations plus courtes. Les techniciens embauchés ont donné des informations sur la culture du riz et l'itinéraire technique préconisé par le PTTA. Les agriculteurs présents ont peu également assister à des démonstrations de repiquage et de traitements phytosanitaires.

Encadre 4 L'assistance technique dans le Nord Est : du champ école aux formations théoriques (source : CA17, auteur)

6.2.4. Les structures non retenues

La possibilité était offerte à toutes les structures volontaires de s'inscrire comme fournisseur lors des premières campagnes. De ce fait aucune structure n'a été rejetée initialement. Pendant le PTTA, les bénéficiaires ont choisis en priorité les fournisseurs qu'ils connaissaient et les fournisseurs occasionnels ont été en grande partie écartés. Lors des campagnes suivantes l'OPS a vérifié les activités des organisations agricoles souhaitant intégrer le programme et a écarté celles n'ayant aucune expérience dans la vente d'intrants ou n'étant pas capable de présenter clairement leur trésorerie.

La proximité avec la frontière dominicaine permet aux fournisseurs d'aller constituer leurs stocks sans passer par des intermédiaires. Les phénomènes de marché secondaire semblent donc avoir été moins important qu'à Saint Raphaël.

· Un réseau professionnel de vente d'intrants était en place avant le PTTA et a su tirer partie de l'opportunité de développement offerte par le programme

· Le recours à l'emprunt reste une stratégie économique employée par tous les types de fournisseur

· Les emprunts sont souvent informels ou sur des durées inadaptées aux délais de paiement de la BNC

· Le service de labour a été renforcé mais les contraintes juridiques à venir pourraient créer des problèmes pour gérer la répartition des bénéfices

· L'assistance technique s'est progressivement structurée et professionnalisée autour de fournisseurs spécialisés dans ce service

· Les techniques à transmettre et les modalités de transmission ne sont pas adaptées aux pratiques réelles des agriculteurs et à leurs conditions de production

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Figure 25 Périmètre irrigué de Saint Raphaël (photo : auteur)

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6.3. Durabilité des fournisseurs en zones irriguées

6.3.1. Rappel du contexte

Les deux zones d'études considérées sont à différencier selon plusieurs grands facteurs.

De part sa proximité avec la frontière dominicaine, le Nord Est rizicole est moins dépendant de certains grands importateurs ou boutiques d'intrants, les planteurs ont accès à une gamme élargie de produits agricoles et il existe une vraie expertise agronomique dominicaine. Saint Raphaël est encore enclavé et il y a peu de transferts de connaissances ou de technologies avec les zones limitrophes. La riziculture y est intégrée dans des systèmes de cultures plus complexes alliant maraîchage, autres cultures et jachère.

De plus, le programme PTTA a été implémenté différemment dans ces deux zones. Les fournisseurs à Saint Raphaël ont reçu des listes de bénéficiaires alors que le « marché libre » a été appliqué dans le Nord-Est : les bénéficiaires ont pu aller s'approvisionner chez le fournisseur de leur choix.

Les deux zones d'études ont néanmoins plusieurs points communs importants : au cours du programme PTTA, l'assistance technique s'est structurée et professionnalisée autour de fournisseurs spécialisés et les agriculteurs et fournisseurs des périmètres irrigués ont subi de plein fouet les fluctuations importantes du prix de l'engrais comme les retards de livraison de l'importateur contractualisé par le MARNDR.

6.3.2. Durabilité économique : des stratégies économiques basées sur l'emprunt et dépendantes des prix de l'engrais

Dans les deux zones les fournisseurs ont eu recours massivement à l'emprunt formel ou informel. Les crédits utilisés étaient souvent des crédits commerciaux dont la durée ne correspondait pas à la durée de décaissement de la BNC, ou de l'usure dont les taux sont plus élevés (5 à 10% par mois contre 1 à 3% par mois dans les institutions classiques). Les retards de la BNC ont impacté fortement les résultats des fournisseurs et ont mis en danger la trésorerie des plus faibles économiquement.

Des fournisseurs disposent de vraies compétences en gestion et en entrepreneuriat. Ils ont su utiliser le PTTA pour augmenter leurs stocks et parfois diversifier leurs activités. Néanmoins une grande partie d'entre eux ne possède encore pas de notions solides en comptabilité et ne suit pas ses dépenses sur le long terme.

A cause de la pénurie d'engrais au niveau national et les fortes fluctuations de prix, les fournisseurs de Saint Raphaël ont acheté leurs stocks auprès de boutiques locales et les fournisseurs du Nord-Est se sont approvisionnés en République Dominicaine. Ces stratégies d'adaptation permettent de

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disposer d'engrais dans les délais impartis mais ne permettent ni le contrôle de la qualité des intrants ni la mise en place de vrais filières d'approvisionnement. En l'absence de service de labour réellement intégré à l'offre du fournisseur, les bénéfices de ce dernier sont très liés aux marges dégagées par la vente d'engrais.

6.3.3. Durabilité environnementale

Les règles de protection et d'utilisation des produits phytosanitaires sont mal maitrisées par les agriculteurs et les fournisseurs. Les connaissances en protection des plantes sont limitées et peu de techniciens sont capables de délivrer du conseil agronomique pertinent et adapté.

6.3.4. Durabilité sociale

Les fournisseurs de Saint Raphaël ont été considérés comme des vendeurs temporaires par les bénéficiaires. Les agriculteurs retournent voir les fournisseurs présents avant le PTTA ce qui montre que l'implantation locale des fournisseurs apparus avec le programme n'est pas encore assurée. Dans le Nord-Est la situation est différente : les boutiques d'intrants spécialisées ont su montrer aux bénéficiaires leur capacité à délivrer des intrants, l'effet conjoint du programme AVANSE et du PTTA a incité ces boutiques à élargir leur champ d'action et ouvrir des succursales.

Les petits fournisseurs d'intrants ou de labour jouent un rôle important pour permettre aux bénéficiaires des zones reculées d'avoir accès au bon moment aux biens ou services subventionnés. Dans un souci d'efficacité le PTTA peut être tenté de ne garder que les fournisseurs capables d'approvisionner un volume important de bénéficiaires mais ces fournisseurs n'iront pas délivrer des biens et services en priorité dans les zones les plus éloignées des centres urbains, notamment dans le Nord-Est.

A Saint Raphaël, les services ont été sous-traités par les fournisseurs. Les bénéficiaires ont utilisé l'argent pour acheter les services à leurs amis ou voisins et il n'y a pas eu de structuration ou d'amélioration des services.

6.3.5. Durabilité juridique

Les fournisseurs de labour et de repiquage dans le Nord Est sont souvent des individus ne disposant pas de statut légal. Le durcissement des normes d'enregistrement auprès des OPS (obligation de patente ou `inscription aux affaires sociales) pousse ces petits fournisseurs à intégrer une organisation ou une boutique disposant d'un statut légal.

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Lorsque cette intégration est volontaire elle peut être bénéfique car les différents fournisseurs au sein d'une organisation peuvent coordonner leurs actions. Mais pour beaucoup de fournisseur ce durcissement ne fait qu'ajouter un intermédiaire dans la gestion du coupon sans apporter de valeur ajoutée.

6.3.6. Durabilité organisationnelle - gouvernance

Le problème de la gestion de la trésorerie des organisations agricoles des zones irriguées est le même que pour celles zones agroforestières. Les confusions entre participation des cadres dirigeants, apports des membres, et utilisation des réserves de l'organisation agricole peuvent engendrer des tensions au sein même des structures et mettre en péril la confiance des membres envers leur organisation. L'utilisation des bénéfices n'est parfois pas claire et l'argent gagné grâce au programme n'est pas réinvesti dans l'activité agricole de la commune.

6.3.7. Durabilité technique

Le PTTA visait à transférer des technologies durables aux producteurs mais il n'y a aucune plus-value technique à faire sous-traiter les opérations habituellement gérées par les agriculteurs en l'absence d'accompagnement et de formation des fournisseurs. Les marges prélevées sur les coupons « Préparation du sol » et « Repiquage » ont permis d'amortir les fluctuations du prix de l'engrais acheté par les fournisseurs lors des deux premières campagnes mais n'ont pas servi à améliorer ou développer le service distribué.

Une offre d'assistance technique a émergé dans les deux zones. Les associations de techniciens à Saint Raphaël et les fournisseurs sélectionnés par l'OPS font des propositions pertinentes de suivi-conseil aux producteurs mais ne disposent pas encore de vrais référentiels techniques adaptés aux situations locales. Les référentiels techniques en riziculture et maraîchage sont ceux de la FAO testés en conditions maitrisés dans la plaine de l'Artibonite. Enfin, les riziculteurs du Nord-Est et en partie ceux de Saint Raphaël n'ont pas la maîtrise totale de la lame d'eau.

La pérennité du service d'assistance n'est pas assurée en l'absence de programme de développement et les agriculteurs retourneront chercher des conseils auprès des principaux vendeurs d'intrants.

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6.3.8. Quels fournisseurs susceptibles de rester après le PTTA ?

Le PTTA a permis le renforcement direct ou indirect des principales boutiques d'intrants dans chaque commune. Les organisations agricoles qui ont participé au programme ont eu des problèmes de gouvernance ou ont du mal à définir une stratégie de développement à moye terme de leur service de vente d'intrants. Les vendeurs et revendeurs locaux restent sollicités par les agriculteurs car ils délivrent de petites doses d'intrants souvent à crédit. Les fournisseurs qui vont potentiellement rester dans chaque zone après le programme sont donc ceux présents avant.

Figure 26 Fournisseurs susceptibles de perdurer après le programme PTTA dans les zones irriguées (source : auteur)

? Les zones irriguées se différencient par le choix des fournisseurs, laissé libre ou non aux bénéficiaires

? En plus de cette différence d'implémentation, le Nord-Est présente un contexte plus favorable à l'émergence et au renforcement de vrais professionnels de l'agrofourniture

? L'assistance technique s'est structurée au tour de fournisseurs spécialisés au cours du PTTA mais les vendeurs d'intrants et des agriculteurs qualifiés restent les références techniques des planteurs en post-programme

? Le recours au crédit est une stratégie partagée par tous les fournisseurs d'intrants
? Le cadre juridique favorise l'émergence d'intermédiaires dans la vente des services

L'étude de la durabilité technique est complétée en vérifiant si l'offre de service est adaptée et pertinente par rapport aux besoins des bénéficiaires.

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7. Les biens et services sont-ils adaptés aux besoins des producteurs ? 7.1. Le rôle clé des techniciens dans le montage des incitations

Les biens et services subventionnés ainsi que leurs prix sont inscrits dans le dossier d'incitation de chaque bénéficiaire du programme. Ce dossier est rédigé par l'OPS après géo-référencement de la parcelle choisie pour être subventionnée.

Comme indiqué en 1. les techniciens chargés du référencement jouent un rôle essentiel dans la préparation du dossier de subvention et le choix des bénéficiaires. La subvention est liée à la surface pour les zones irriguées, et à la surface ainsi qu'à l'évaluation du technicien pour les zones agroforestières. Selon l'opérateur de service, ces techniciens sont des techniciens locaux employés ponctuellement (CECI) ou des techniciens internes à l'équipe de l'opérateur (CA17).

Dans les zones agroforestières ces techniciens réalisent également les travaux de conservation du sol pour les fournisseurs et le piquetage (« assistance technique ») lors des premières campagnes. Les techniciens qui montent les dossiers de subventions sont donc ceux qui appliquent le programme sur le terrain et y travaillent...ce mélange des rôles peut prêter à confusion. Certains agriculteurs se plaignent de partialité dans le choix des parcelles subventionnées et dans le choix des bénéficiaires.

7.2. Sont-ils adaptés aux attentes des bénéficiaires ?

En lien avec les diagnostics agraires réalisés sur les zones d'étude, des enquêtes auprès des agriculteurs bénéficiaires et non-bénéficiaires du PTTA ont été réalisées. L'objectif de ces enquêtes est de compléter l'analyse de la durabilité technique en vérifiant si les biens et services délivrés par le PTTA sont adaptés aux besoins des bénéficiaires. Un bien ou un service est adapté si sa disponibilité, son accessibilité et sa qualité sont suffisantes. La subvention choisie par le PTTA doit également être pertinente par rapport aux besoins et à la situation du producteur. L'étude de la pertinence des paquets techniques est détaillée dans les travaux de diagnostics agraires de Jery Rambao (2014) dans le Nord Est rizicole, Manon Ruffy à Saint Raphaël (2015), Xuan Lai Dao à Milot (2015)

7.2.1. L'assistance technique

Le PTTA a permis l'émergence d'une offre d'assistance technique. Dans les périmètres irrigués, les techniques proposées sont connues de la plupart des agriculteurs (repiquage en ligne, repiquage trois brins par poquet...) mais elles nécessitent de prendre plus de risques dans un contexte de sécheresse récurrente, de non-maitrise de la lame d'eau et de pression des ravageurs (Ruffy, 2015 et Rambao, 2014).

Après le programme les agriculteurs n'auront pas les moyens de payer une assistance technique personnalisée. Les conseils seront de nouveau délivrés par les agriculteurs les plus compétents et les

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vendeurs d'intrants. L'efficacité des techniques proposées n'a pas encore été démontrée aux agriculteurs et il faut attendre les résultats des parcelles de démonstration mises en place pour vérifier si les agriculteurs auront des exemples concrets de réussites dans leurs conditions de culture.

Dans les zones agroforestières, le conseil technique n'existait qu'au travers des coopératives et des programmes d'aide au développement. Il n'a jamais été payé par les producteurs. Le suivi des parcelles des membres des coopératives par des techniciens formés permet un conseil de proximité mais il concerne essentiellement la relance des productions cacaoyères et caféières.

Les distances choisies par les paquets techniques du PTTA correspondent à des stratégies d'optimisation des cultures caféières et cacaoyères qui ne sont pas celles des agriculteurs. Ces derniers ont une logique de diversification maximale des cultures au sein des parcelles et cherchent à optimiser tout l'espace disponible en mettant des cultures comme la banane ou l'igname entre les pieds de café ou de cacao.

En post-programme ce sont de nouveaux les coopératives ou les structures ayant un lien avec les filières de vente qui délivreront du conseil technique. C'est donc en mettant en lien les productions et les filières qu'un conseil pertinent peut émerger mais aucun projet de vulgarisation agricole intégré à une filière n'a été financé par le RESEPAG 2.

? L'efficacité des techniques promues par le PTTA n'a pas été démontrée aux agriculteurs dans

chaque zone

? Les freins à l'adoption de nouvelles pratiques sont liés aussi au manque d'infrastructures
agricoles

? L'offre d'assistance technique s'est progressivement structurée dans toutes les zones mais sa
qualité a peu évolué en l'absence de référentiels adaptés

? Les agriculteurs vont chercher des conseils auprès de leurs pairs les plus expérimentés

? Les organisations agricoles peuvent délivrer un appui technique sur le long terme grâce à leur

ancrage territorial mais leurs compétences ont besoin d'être renforcées

7.2.2. La préparation du sol

a. Labour à traction animale et motorisé

Pour les agriculteurs, ces deux types de labour sont complémentaires. Le labour mécanisé permet de réaliser les deux premières opérations de travail du sol rapidement et sur des surfaces importantes. Le labour à traction animale permet la dernière opération dite de tablage ou de planage en riziculture. De plus, les boeufs peuvent circuler dans les petites parcelles et accéder aux zones reculées.

La fenêtre de temps étroite pour préparer les parcelles avant le repiquage du riz nécessite une grande disponibilité en bouviers ou tracteur. Pour les deux zones étudiées l'offre en service de labour était insuffisante avant le PTTA. La qualité était fonction des compétences de l'opérateur. Certains opérateurs du Nord-Est avaient reçu une formation en labour et dressage de boeuf. Pour le labour

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mécanisé très peu de tracteurs sont présents dans les zones irriguées et il n'y a pas assez de mécaniciens compétents pour les réparer en cas de panne.

Le PTTA a permis une augmentation de l'accessibilité du service de labour par traction animale grâce à la subvention. La disponibilité ne s'est améliorée que pour le Nord Est où le contexte et les conditions de mises en oeuvre du programme étaient favorables (6.2) La qualité des services reste liée aux compétences des opérateurs.

Le service de labour mécanisé est en cours de structuration dans le Nord Est où différents fournisseurs d'intrants investissent dans des tracteurs. Une organisation a également pour projet de former des femmes agricultrices au labour et à la maintenance technique des machines.

En post-programme, l'offre va donc évoluer dans le Nord Est mais très peu à Saint Raphaël où seuls quelques agriculteurs ont profité des bénéfices dégagés par la campagne de maraîchage pour investir dans des boeufs.

b. Préparation et conservation du sol en zone agroforestières

La disponibilité de ce service est liée à celle de la main d'oeuvre et son accessibilité dépend des capacités financières de l'agriculteur.

Les techniques de conservation du sol sont connues par quelques agriculteurs et par des techniciens agricoles. L'efficacité de certaines techniques est reconnue et quand les rampes de conservation du sol sont renforcées par du matériel végétal (canne, ananas...), elles peuvent présenter un intérêt économique. Les agriculteurs les utilisent peu car elles demandent un investissement en main d'oeuvre qui n'est amorti que si la réalisation des rampes a été collective (kombite) ou si les cultures de conservation (cultures de rente, annuelles, fourrage...) permettent de compenser l'investissement, ce qui n'a pas encore été prouvé aux paysans.

En subventionnant la préparation du sol et le sarclage le PTTA rend ces services plus accessibles. Comme il s'agit d'un transfert d'argent du fournisseur au bénéficiaire, celui-ci a recours aux pratiques habituelles. La disponibilité et la qualité du service ne sont donc pas changées.

Les rampes de conservation du sol ont été réalisées sans matériel végétal lors des premières campagnes café et cacao, puis renforcées avec de la canne à sucre et de l'ananas pour les campagnes de jardin créole. Les structures végétales améliorent la qualité des rampes mais en l'absence de débouchés pour ces productions les planteurs ne sont pas intéressés à entretenir les systèmes de conservation. Le prix de la main d'oeuvre et le temps nécessaire à la réalisation des structures de protection sont également des facteurs limitant l'application de ces techniques.

? Le labour mécanisé et celui à traction animale sont complémentaires

? L'accès à un service de labour de proximité est insuffisant

? Les systèmes de conservation du sol demandent un investissement en temps et en argent important aux agriculteurs

? En dehors du programme, la rentabilité de cet investissement n'est pas démontrée

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7.2.3. Les semences

a. Riz - Maraichères

A Saint Raphaël comme dans le Nord Est, les agriculteurs échangent et achètent principalement les semences de riz entre eux. Ces semences sont disponibles et accessibles. La qualité est cependant très variable selon les sources d'achat et ceux qui en ont les moyens préfèrent acheter des semences en République Dominicaine ou en Artibonite. Les variétés changent selon les zones. Les planteurs de Saint Raphaël utilisent les variétés : TCS, Taichen, IPSA 40, SICA selon la localisation de la parcelle dans le périmètre et l'époque de plantation. Les variétés les plus utilisées dans le Nord Est sont Room, TCS et Alagua.

Le programme PTTA a permis d'améliorer l'accès aux semences en subventionnant leur acquisition. La disponibilité a peu variée mais dans l'ensemble les planteurs ont pu recevoir la variété qu'ils souhaitaient. La variété Alagua était en cours de diffusion dans le Nord Est avant le programme. Il est possible que le PTTA ait favorisé sa diffusion et son adoption par les planteurs qui n'y avaient pas encore accès. Les techniciens agricoles de Saint Raphaël ont donné des formations sur le tri de semences, ce qui a permis d'améliorer la qualité du matériel végétal mis en pépinière (moins de paille).

La qualité des semences maraichères était un problème récurrent à Saint Raphaël avant le PTTA. Les sources d'approvisionnement des fournisseurs en semences maraichères n'ont pas changé pendant le programme. Cependant, la demande importante en semences par les bénéficiaires aurait permis une rotation et un renouvellement des stocks qui a profité aux bénéficiaires. Les variétés proposées par les fournisseurs correspondaient à celles demandées par les bénéficiaires.

b. Igname

La culture de l'igname est déterminante pour la sécurité alimentaire des ménages en zones de Mornes. La disponibilité et l'accessibilité varient selon les saisons. Le principal critère de qualité est la présence ou non de marques d'attaques de ravageurs sur le tubercule (insecte Marioka).

L'échec de la diffusion de la technique de semences minisett est dû au manque de formation des fournisseurs et des agriculteurs. Ne connaissant pas la technique beaucoup d'agriculteurs ont refusé les semences, jugées trop petites, ou les ont mis en terre dans des zones ombragées. La taille trop petite cumulée à la sécheresse pendant l'été 2014 a entrainé une mortalité très importante des semences mises en terre.

Le retour aux semences traditionnelles à partir des campagnes jardin créole ont permis aux planteurs d'avoir de nouveau accès à des semences adaptées. La distribution importante de semences par le PTTA va permettre d'augmenter la production locale au cours des prochaines années. La qualité des semences est fonction des traitements insecticides réalisés par les fournisseurs. En cas d'achat direct de semences dans les mains du bénéficiaire, ces traitements ne sont pas garantis.

c. Banane

Les agriculteurs produisent eux-mêmes les drageons et le marché n'existait pas avant le programme. Le PTTA n'a pas changé la disponibilité en drageons. L'accessibilité a été améliorée temporairement grâce à la subvention mais la qualité n'a pas changé car beaucoup de fournisseurs ont acheté les drageons directement auprès des bénéficiaires sans réaliser les traitements phytosanitaires prescrits. En début de programme les fournisseurs ont donné des variétés inadaptées aux conditions de cultures en zones agroforestières (variété musquée au lieu de jedinette). Après renforcement des contrôles par l'OPS, les fournisseurs ont délivré les variétés demandées par les bénéficiaires.

· L'accessibilité en semences a augmenté temporairement grâce au programme

· La qualité des principaux intrants a progressivement augmentée avec la mise en place de standards de qualité par la Coordination

· Cette qualité est encore très variable selon les fournisseurs et leurs sources d'approvisionnement

· Les achats directs de biens entre bénéficiaires et fournisseurs ne facilitent pas le contrôle phytosanitaire et l'amélioration variétale.

 

7.2.4. Les engrais

Les paquets techniques en zone agroforestière ont prévu du compost pour fertiliser les plantations d'arbres. L'opérateur de service a demandé à des fournisseurs de se spécialiser dans la production et la distribution de ce bien. Les bénéficiaires n'ont donc pas été formés à la production d'engrais organique et le faible ancrage territorial de certains fournisseurs de compost ne les a pas encouragés à délivrer du matériel de qualité dans les délais impartis.

La disponibilité et l'accessibilité en engrais chimique sont très variables selon les années et les appuis de l'état haïtien aux importateurs. Au niveau des zones irriguées, la disponibilité dépend des approvisionnements des grossistes importateurs et des stocks des principales boutiques d'intrants. L'accessibilité est liée aux prix du marché donc n'est pas assurée. La qualité des engrais n'est pas contrôlée et dépendante des produits importés. Les premières campagnes du PTTA ont été marquées par de grands disfonctionnement dans la chaîne d'approvisionnement et des prix très élevés. Les fournisseurs ont fractionné dans le temps les livraisons aux bénéficiaires ou n'ont pas livré les quantités demandées. Un accord a ensuite été conclu entre le MARNDR et un importateur d'engrais. Cet accord a permis la livraison d'engrais à temps pour les planteurs pour la seconde campagne mais de nouveaux retards ont impacté la troisième campagne.

· La disponibilité et l'accessibilité des engrais chimique est insuffisante malgré les partenariats entre le MARNDR et un importateur

· La distribution d'engrais organiques est effectuée par quelques fournisseurs

· La qualité des engrais organiques n'est pas contrôlée et les bénéficiaires n'ont pas été formés à la 85

production de compost ni à son utilisation

 

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7.2.5. Les plantules

Comme indiqué en 4. les agriculteurs des zones agroforestières n'avaient pas l'habitude d'acheter ou de recevoir des plantules, sauf pour les membres d'une coopérative. La qualité des plantules était contrôlée dans les coopératives mais peu voire pas dans les autres structures. Les semences de cacao, café et des arbres de couverture étaient disponibles gratuitement ou accessibles facilement. Les semences d'agrumes étaient rares et à des prix élevés.

Au cours des campagnes PTTA, la qualité des plantules s'est améliorée. Les fournisseurs achetaient initialement les plantules auprès de petits pépiniéristes et de producteurs ne contrôlant pas les conditions de production. La mise en place de nouvelles pépinières par les fournisseurs a diminué la sous-traitance de la production et a amélioré la qualité et le contrôle du matériel produit.

La disponibilité en certaines variétés ou espèces n'a pas été suffisante au cours du programme. Concernant les arbres de couverture, les fournisseurs ont privilégiés les espèces les plus faciles à produire sucrin, saaman...et n'ont pas diversifié leur offre. Au regard du coût d'acquisition des semences et de la technicité requise, peu de fournisseurs ont produits des plantules d'agrumes alors même que les bénéficiaires auraient aimés relancer cette production.

Les différentes variétés de cacao ne sont pas forcément connues des fournisseurs qui ont donc produits des plantules en fonction des semences dont ils disposaient. La variété Forastero a été majoritairement distribuée alors que le Criollo peut mieux se commercialiser (source : entretien FECCANO, AVSF).

? En subventionnant des biens et services, le PTTA a amélioré temporairement leur accessibilité

? La disponibilité reste dépendante du contexte et des modalités de mise en oeuvre du

programme selon les zones

? La qualité de certains biens s'est améliorée mais un travail d'encadrement et de formation doit
être mené pour que ces effets perdurent

? L'appui du PTTA était pertinent sur la plupart des intrants et services subventionnés en zones
irriguées

? Sans renforcement des capacités techniques des fournisseurs, cet appui est moins pertinent en
zones agroforestières car aucune plus-value n'est ajoutée au matériel végétal

La variété de café Blue Mountain a été largement diffusée par le PTTA. Cette variété a été introduite en Haïti par la coopérative Vincent Ogé (COPAGVOD). Les fournisseurs et les autres coopératives se sont approvisionnés principalement auprès de la COPAGVOD en semences. Le Blue Moutain semble présenter une tolérance à la rouille plus élevée que les variétés traditionnelles mais sa durée de vie est inférieure à celle des autres variétés, les agriculteurs vont donc nécessiter un approvisionnement régulier en plantules.

87

7.3. Conséquences du PTTA sur les filières (approvisionnement et aval)

Avec au moins 441025 plantules de café distribués à Dondon, le PTTA va contribuer à relancer la production caféière de la zone. Certaines coopératives espèrent au moins doubler leur volume d'exportation au cours des 6 prochaines années. Cette augmentation se fera sous réserve d'un bon taux de survie des plantules et d'un suivi rapproché des parcelles.

Pour Milot, la relance de la production cacaoyère n'est pas assurée. Beaucoup de plantules sont morts lors des premières campagnes et la filière cacao n'a pas été impliquée dans le programme. Il faudrait vérifier les effets du PTTA dans les zones où d'autres paquets techniques liés au cacao étaient délivrés.

Les achats de semences d'igname par les fournisseurs ont augmenté sous l'effet conjoint du PTTA, du programme PMDN et du programme AVANSE, dans un contexte de faiblesse de la gourde haïtienne face au dollar américain (qui entraine une hausse des prix alimentaires). Les prix de vente des paniers de semences ont augmenté depuis 3 ans. Néanmoins, les zones traditionnellement productrices ont augmenté les quantités cultivées pour approvisionner les fournisseurs. Les zones bénéficiaires pourront être également des zones de production de semences au cours des prochaines années. Cette augmentation de la production peut avoir des conséquences positives sur la sécurité alimentaire.

L'analyse de l'adaptation de l'offre aux attentes des agriculteurs a permis de compléter l'évaluation de la durabilité technique. Une synthèse globale permet de mettre en évidence les points principaux de l'analyse des piliers de la durabilité avant de proposer des pistes d'amélioration et de renforcement des fournisseurs.

? L'accumulation de projets subventionnant l'igname pourrait avoir entrainé une hausse

ponctuelle du prix des semences

? Les productions locales de café et d'igname vont sûrement augmenter grâce au PTTA à moyen et long terme

? Ces augmentations sont des opportunités pour les filières de commercialisation et de
transformation

? Le manque de lien avec le programme RESEPAG 2 limite l'intégration entre l'augmentation de la
production et la commercialisation-transformation

 

88

8. Quelles durabilités pour les fournisseurs du PTTA ?

DURABILITE TECHNIQUE

 

L'offre de services (intrants, équipements et prestations de service) accompagnée par le PTTA est-elle adaptée aux besoins des producteurs ?

· En plus des biens et services subventionnés par le programme peu de fournisseurs ont diversifié leur offre.

· Leurs compétences techniques sont fortement liées à celles des techniciens de chaque zone. Malgré quelques formations données sur les standards de qualité requis par le programme, le niveau technique des fournisseurs ne s'est pas amélioré.

· Le PTTA ne propose pas de dispositif global ni de stratégie de renforcement technique des fournisseurs

· La qualité des intrants s'est améliorée au cours du programme mais les livraisons ne sont pas encore assez coordonnées avec les calendriers culturaux

· Le service d'assistance technique implique différents fournisseurs de manière ponctuelle mais le PTTA n'a pas fait émerger une vision à long terme de la structuration de ce service ni du type de compétences ou connaissances à transférer

· L'absence de système de certification ou d'encadrement des approvisionnements rend difficile le contrôle de la qualité des intrants vendus. Beaucoup de fournisseurs ont encore recours au secteur informel pour s'approvisionner.

 

DURABILITE ECONOMIQUE

 

Quelles sont les

performances économiques

et financières des
fournisseurs ?

· Etre fournisseur PTTA est une activité économique rentable mais cette rentabilité n'est pas gage de durabilité

· Les performances économiques et financières des fournisseurs ne sont pas suffisantes au regard de l'argent investi et des objectifs du PTTA. Les emprunts informels ou les crédits commerciaux inadaptés diminuent fortement la marge nette, ou bénéfice final, dégagée par les fournisseurs. De plus, les intérêts payés aux usuriers et aux banques commerciales ne sont pas réinvestis dans le secteur agricole ce qui représente un manque à gagner pour l'économie locale. Enfin, peu de fournisseurs ont une vision à moyen et long terme de leur activité par manque de compétences en gestion-entrepreneuriat.

· Le PTTA modifie la gestion de la trésorerie et les stratégies économiques des fournisseurs. Ces derniers sont très dépendants des décaissements de la Banque Nationale de Crédit et tout retard impacte fortement leur activité.

· Certaines chaines d'approvisionnement, comme celle des engrais, sont encore trop faibles pour permettre aux fournisseurs d'avoir des stocks de qualité aux périodes clés pour les agriculteurs.

 

89

DURABILITE JURIDIQUE

Quel est le statut du


·

L'environnement juridique peut limiter le développement des

fournisseur par rapport à ses

 

fournisseurs en favorisant l'émergence d'intermédiaires

clients (particuliers, OP...) ?

n'apportant aucune plus-value à la qualité de l'offre.

DURABILITE SOCIALE

Quelles sont les retombées


·

L'augmentation du rendement puis du revenu agricole n'est pas

économiques et sociales des

 

assurée pour tous les types de producteurs. L'appui ponctuel du

activités de services

 

PTTA permet de limiter l'endettement des agriculteurs mais les

agricoles?

 

performances des systèmes de productions ne semblent pas modifiées.

 


·

Le marché des biens et services, en dehors de ceux échangés entre

agriculteurs, est virtuel en zone agro-forestière et commence à
émerger dans une des zones irriguées.

DURABILITE ENVIRONNEMENTALE

Quelles sont les


·

Les intrants délivrés peuvent impacter les cultures environnantes et

conséquences pour la santé

 

l'environnement sans formation suffisante des fournisseurs et des

humaine et l'environnement

 

agriculteurs.

des activités de l'agriculteur


·

Les doses d'intrants prescrites dans les paquets techniques ne sont

et du fournisseur ?

 

pas respectées ou mal connues.

 


·

Les producteurs et les fournisseurs ne sont pas assez protégés contre les produits chimiques.

DURABILITE ORGANISATIONNELLE ET GOUVERNANCE

· Comment les


·

Les organisations agricoles (coopératives comprises) peuvent être

fournisseurs

 

une force pour attirer une offre de service de qualité car elles

s'organisent-ils pour

 

structurent l'économie des zones agroforestières et sont les

répondre à la

 

principaux liens aux filières. Ces groupements ont encore besoin

demande?

 

d'être accompagnés et encadrés pour limiter le détournement des

· Dans le cas des

 

ressources ou le contrôle de l'organisation par quelques membres.

 

fournisseurs liés à


·

Les fournisseurs capables de délivrer le service d'assistance

des organisations de

 

technique après le programme sont actuellement les vendeurs

producteurs :

 

d'intrants, dans les périmètres irrigués, et les organisations de

comment s'organise

 

producteurs avec vraie stratégie de développement, dans les zones

le travail?

 

agroforestières.

Tableau 21 Evaluation globale de la durabilité des fournisseurs - synthese

90

9. Quels outils d'appuis aux fournisseurs ? Quelles pistes d'amélioration du programme ?

9.1. Améliorer la communication autour du PTTA pour améliorer la durabilité des effets

9.1.1. Annoncer la durée et la stratégie de sortie du programme

La méfiance des agriculteurs et des fournisseurs par rapport aux programmes gouvernementaux a freiné sa mise en oeuvre. Malgré le travail de sensibilisation de la Coordination et des OPS, certains acteurs n'ont pas compris le fonctionnement et les objectifs du programme. Beaucoup d'acteurs considèrent donc le PTTA comme une intervention ponctuelle de l'état haïtien.

Ainsi, améliorer la communication sur la durée d'exécution du PTTA et sa stratégie de sortie est nécessaire. Les fournisseurs comme les bénéficiaires ont besoin d'être informés de la durée du programme et de son lien avec d'autres programmes. Le manque d'investissement pourrait-être diminué en améliorant la visibilité des acteurs sur le moyen et long terme.

9.1.2. Clarifier le rôle des techniciens sur le terrain et mieux encadrer leurs actions

Le rôle des techniciens engagés par les OPS comme prestataires externes ou salariés permanents doit être clarifié et coordonné entre les zones d'intervention du PTTA. Des techniciens sont responsables du géo-référencement pour l'OPS mais ils délivrent également des services aux agriculteurs pour les fournisseurs ou sont eux-mêmes fournisseurs. Sans cette clarification et coordination du rôle de chaque intervenant, le programme ne pourra pas gagner la confiance des bénéficiaires.

9.2. Pistes de renforcement économique

9.2.1. Diminuer les retards de la BNC en innovant

Les retards de paiement de la Banque Nationale de Crédit ont fortement impacté la réussite du programme dans certaines zones ainsi que la durabilité économique des fournisseurs. Différentes pistes sont envisageables pour réduire les délais de décaissement.

Recourir à plusieurs institutions financières au lieu d'une seule grande. Cette stratégie a été employée par le projet AVANSE de l'USAID. Les fournisseurs peuvent échanger les vouchers contre les paiements dans l'institution de micro-finance de leur choix, sous réserve de l'éligibilité de celle-ci au programme. L'intérêt de cette piste étant de renforcer également des institutions de micro-finance locales.

91

Automatiser le traitement des vouchers. L'informatisation du système d'incitation pourrait améliorer son efficacité. Cette analyse est partagée par la littérature sur les programmes « vouchers » qui insiste sur la nécessité d'être efficace dans le traitement des données. Le projet AVANSE a également développé un système de suivi informatisé des vouchers : chaque coupon possède un code QR qui permet au fournisseur d'indiquer en temps réel au programme qu'il a reçu un coupon et qu'il sollicite un décaissement.

Mettre en place des pénalités en cas de retards trop importants de la part de la BNC. Dans le cadre de son contrat avec la BID, la Banque Nationale de Crédit Haïtienne est prestataire de service externe. Si son contrat n'est pas rempli dans les délais impartis, le Ministère de l'Agriculture haïtien et la BID pourraient la pénaliser.

9.2.2. La constitution d'un fonds de garantie générant des bénéfices au service du développement agricole

La constitution d'un fonds de garantie en collaboration avec une ou plusieurs institutions financières pourrait faciliter le financement des fournisseurs. L'objectif est d'assurer des liquidités aux fournisseurs pour qu'ils soient capables d'avoir des stocks suffisants, dans les fenêtres de temps correctes, pour répondre aux besoins des producteurs.

La Banque Interaméricaine(BID) ou un autre bailleur pourrait couvrir un pourcentage du risque de non-recouvrement et le reste serait couvert par l'institution financière. La BID dispose d'outils déjà en place comme le Fond Multilatéral d'Investissement ou les « Private Sector Guarantees » qui peuvent appuyer les petites et micro-entreprises dans les pays partenaires. Un programme de fonds de garantie partielle de crédit est déjà mis en oeuvre par le Fond de Développement Industriel Haïtien (projet HA-L1050)avec un appui financier de la BID. En cas d'emprunt, le fournisseur recevrait en plus une formation en comptabilité voire un accompagnement en gestion personnalisé par des salariés de l'institution financière.

Ce type de montage financier a été utilisé en Tanzanie sous le nom de « The Agro-dealers guarantee scheme project » pour faciliter l'accès au crédit aux vendeurs d'intrants impliqués dans un programme national de subvention par la demande.

Les intérêts des emprunts réalisés dans une institution financière accréditée pourraient appuyer le financement d'autres microprojets, liés à l'agro-transformation ou la commercialisation. Ces projets pourraient eux-aussi recevoir un appui de la BID et du FAES en lien avec leurs programmes de soutien à l'entrepreneuriat.

92

9.2.3. Des formations en comptabilité-gestion

La participation comme fournisseur au programme PTTA devrait être accompagnée de formations en gestion-comptabilité. Voici quelques exemples de capacités à renforcer (issues en partie du document « Orientations pour la construction de programmes de renforcement des capacités des organisations de producteurs », [23]) :

? Maitriser les outils de gestion commerciale : calculs des coûts de production, des coûts de revient, savoir réaliser une étude de marché, monter un plan d'affaires, plans et bilans de campagne, marketing

? Maitriser les outils de gestion financière et comptable : flux de trésorerie, plan comptable, compte d'exploitation, bilans,

Un appui à l'équipement informatique pourrait être envisagé dans les zones où l'approvisionnement en énergie est assuré.

Dans le cas des programmes de subvention par la demande en Afrique, des formations techniques et économiques ont été délivrés aux « agro-dealers ». L'objectif était d'améliorer les compétences comptables et commerciales de ces entreprises tout en facilitant l'établissement de liens avec des filières d'intrants voire de commercialisation [20].

9.2.4. Un appui au crédit intrant

Appuyer la mise en place d'un marché des biens et services agricoles nécessite d'avoir une demande soutenue. Dans les zones irriguées, les agriculteurs n'ont pas accès à des crédits d'une durée suffisante pour couvrir toute la campagne agricole et les taux d'intérêts sont trop élevés. Un appui au crédit intrant, éventuellement sous la forme de vouchers pour limiter les détournements, devrait être envisagé.

9.2.5. La mise en place d'un système d'information de marché performant

Les importateurs d'engrais et les grossistes ont besoin de connaitre les besoins du marché en avance pour investir dans un contexte d'instabilité économique et politique. Des services d'approvisionnement groupés pourraient être mis en place au travers des organisations agricoles et des principales boutiques d'intrants. Ces organisations agricoles et ces boutiques devraient pouvoir transmettre facilement leurs demandes en engrais aux principaux importateurs.

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9.3. Pistes de renforcement technique

9.3.1. Des formations techniques de base pour renforcer directement les compétences des agriculteurs

La typologie dynamique des fournisseurs en zone agro-forestière montre que des techniciens et des agriculteurs formés sont à la recherche d'opportunités de développement.

Concernant les productions agroforestières : les fournisseurs voire les agriculteurs pourraient recevoir un appui à la production de semences d'igname minisett et la multiplication de drageons de banane avec la technique PIF (plants issus de fragments de tiges). Les techniques de sur-greffage pourraient également présenter un intérêt pour les arbres fruitiers. En zones irriguées, les formations techniques prioritaires dans les zones irriguées concernent l'utilisation des produits phytosanitaire et l'amélioration de la gestion de la fertilité en lien avec des analyses de sol (Ruffy, 2015).

Ces techniques ne peuvent être diffusées auprès des agriculteurs sans deux composantes essentielles. Un suivi-accompagnement des producteurs et de leurs organisations pour comprendre les freins à l'adoption de ces pratiques. Un appui à l'accès au marché pour assurer la vente des productions.

Pour chaque formation délivrée et validée, une certification reconnue par les principaux bailleurs et l'état haïtien pourrait être proposée. Cette certification renverrait à un référentiel des compétences nécessaires à tout technicien agricole souhaitant participer à un programme comme prestataire d'assistance technique. Le PTTA pourrait alors s'appuyer sur ces agriculteurs formés comme paysans relais dans les zones du projet.

Les exemples de l'organisation JEAN (4.2) et des anciens techniciens du programme DEED montrent qu'une formation technique et économique auprès d'agriculteurs ou de groupes bien ciblés continue à avoir des effets positifs après le projet. Une fois les compétences maitrisées, les agriculteurs peuvent s'en servir dans leurs parcelles voire vendre de la prestation de service à d'autres planteurs ou d'autres programmes. Des voyages d'études entre groupes de paysans relais pourraient faciliter la diffusion des techniques minisett ou PIF. L'organisation RPM a d'elle-même choisi de contacter des organisations d'autres zones pour se former à ces techniques.

9.3.2. Appuyer l'accès à du matériel et des structures de qualité

Dans un contexte de réchauffement climatique, différentes initiatives techniques pourraient faciliter la survie du matériel végétal mis en terre.

L'aménagement de ravines avec des retenues collinaires. Ces retenues reliées à des citernes pourraient différer l'utilisation des eaux pluviales. Ces citernes permettraient aux agriculteurs d'irriguer les plantations prioritaires en cas de sécheresse et d'abreuver le bétail. Ces aménagements pourraient être associés à des rampes antiérosives. Celles actuellement financées par le PTTA ne permettent pas de retenir l'eau sur le moyen et long terme.

94

L'intégration de cristaux polymères gonflants dans le terreau de préparation des plantules. La survie des premiers plantules est essentielle pour le reboisement et la mise en place de nouvelles plantations agroforestières. « Les hydro-rétenteurs à membrane polymérique sont de petites granules qui, incorporées à la terre, gonflent avec la pluie ou l`arrosage et retiennent l'eau. » (Wikiwater). Intégrer cette technologie au moins dans les plantules délivrés par les fournisseurs pourraient améliorer la survie des plantules mis en terre pendant le programme.

9.4. Un appui aux organisations agricoles pour renforcer leurs durabilités

Les organisations agricoles sont des interlocuteurs importants pour les programmes de développement. Ce sont également les types de fournisseurs qui peuvent rester dans les zones d'intervention en post-projet et continuer un encadrement technique des agriculteurs.

Lors de l'inscription des organisations agricoles comme fournisseurs du PTTA, un certain nombre d'indicateurs pourraient être vérifiés et un suivi de l'organisation mis en place à moyen terme. Ce système permettrait un suivi-évaluation des organisations au cours du programme et faciliter la transition avec d'autres projets.

La première étape serait de poser un diagnostic des besoins en renforcement de compétences de l'organisation. Ce diagnostic a pour but d'écarter les organisations dont la gouvernance et la stratégie de développement ne sont pas claires ou explicitées. Sans ces contrôles, les risques de détournement de fonds ou de mauvaise gestion sont élevés. Une grille de suivi avec différents indicateurs qualitatifs ou quantitatifs pour identifier les compétences prioritaires à renforcer est présentée en annexe.

Sous réserve d'avancement des indicateurs, une OP serait alors éligible aux programmes suivants. Les indicateurs permettraient également de cibler les formations prioritaires pour les organisations rattachées au programme. Dans le cas des programmes PTTA et RESEPAG 2, seule une organisation ayant obtenue des résultats de suivi suffisants lors du PTTA serait éligible au RESEPAG 2, ou du moins des outils de renforcement adaptés pourraient être proposés. Ce système de suivi est également applicable aux autres types de fournisseurs.

Ce travail de suivi et d'accompagnement nécessite d'une part de former les cadres du ministère et des bureaux agricoles communaux. Mais également de pouvoir compter sur des personnes connaissant en détails le fonctionnement et les dynamiques des organisations agricoles locales.

95

10. Conclusion

L'objectif de l'étude était l'analyse de la durabilité des fournisseurs et de l'offre de biens et services dans différentes zones concernées par le programme PTTA.

Le marché des biens et services n'existait pas dans les zones agroforestières avant le programme. Le système de subventions a créé un marché temporaire et différents types de fournisseurs ont saisi l'opportunité offerte pour se développer. Comme l'explique un des cadres du MARDNR : « Le métier de fournisseur n'existait pas, c'est le programme qui les a créé ». Ces derniers gèrent l'activité avec des performances économiques variables et la rentabilité ponctuelle de la vente de biens et services au PTTA n'est pas valorisée pour renforcer et diversifier l'offre. Certains fournisseurs ont néanmoins une vraie vision de leur activité ainsi que des projets de développement à moyen et long terme. Des organisations agricoles et les coopératives sont des types de fournisseurs à même de développer des services de soutien aux producteurs après le programme sous réserves d'être accompagnés et soutenus.

Dans les zones irriguées un marché préexistait à la venue du PTTA et l'offre de biens et services était portée par une diversité de fournisseurs. Les effets du PTTA dépendent du contexte de chaque commune. A Saint Raphaël, les services ne se sont pas améliorés avec le programme à cause de l'absence d'une offre structurée en service de labour, et de la gestion par sous-traitance des services par les vendeurs d'intrants. Dans le Nord-Est, des fournisseurs de labour et de repiquage ont pu être ponctuellement renforcé grâce au programme mais leur durabilité dépend de l'évolution des contraintes juridiques sur leur activité. Les boutiques spécialisées dans la vente d'intrants ont été renforcées et une vraie offre de biens est en structuration.

L'évaluation des fournisseurs a été mise en miroir avec une étude de la durabilité de l'offre proposée. Cette offre de biens et services subventionnés est partiellement adaptée aux besoins de producteurs. La qualité de certains biens s'est améliorée temporairement et le programme a pu répondre à certaines attentes des producteurs en leur permettant d'avoir accès à des engrais et des intrants qu'ils ne pouvaient acheter faute de trésorerie (Rambao, 2014). Mais l'augmentation du revenu agricole n'a pas été démontrée pour une grande majorité des systèmes de production concernés par le PTTA (Ruffy, 2015 ; Dao, 2015, Rambao, 2014). Enfin, en l'absence d'un revenu stable ou d'un accès au crédit agricole, à des taux corrects, la demande en biens et service restera limitée.

Les actions développées dans le cadre du PTTA ne permettent pas actuellement d'assurer la durabilité des biens et des services aux producteurs bénéficiaires mais des actions spécifiques peuvent être identifiées afin d'améliorer les impacts du programme à la fois lors de sa mise en place et après sa clôture. Le secteur agricole haïtien a également besoin d'un appui technique adapté et maintenu dans la durée. Ce sont les agriculteurs qui sont à même d'acquérir des compétences nouvelles et de les appliquer si elles apportent un plus-value réelle à leurs pratiques. C'est pourquoi adapter le pas de temps des programmes sur des cycles plus long ou du moins améliorer le suivi et la coordination entre programmes de développement est essentiel pour accompagner les agriculteurs du mieux possible.

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"Soit réservé sans ostentation pour éviter de t'attirer l'incompréhension haineuse des ignorants"   Pythagore