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Les états et la construction de l'union africaine: le cas de la Libye et du Sénégal

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par Romaric TIOGO
Université de Dschang - Master II 0000
  

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PARAGRAPHE I- LA PROPOSITION DES ORGANES SUPRANATIONAUX ET L'ABOLITION DES SOUVERAINETES

Au gouvernement d'Union proposé par l'Etat libyen, le Sénégal a offert des structures au caractère supranational(A), avant de réclamer l'abolition et/ou le transfert des souverainetés au profit de l'Union(B).

A- L'offre des structures supranationales pour le gouvernement d'Union

Défenseur énergique de l'union politique et économique de l'Afrique, le Sénégal rêve d'un continent uni de Casablanca au Cap. Pour son chef de l'Etat, Me A. WADE, défenseur du libéralisme, l'Union est plus que jamais un impératif pour les Africains qui se sont rendus à l'évidence que « sans intégration politique, point de salut pour un continent aux énormes potentialités certes, mais qui représentent à peine 2% du commerce mondial »198(*). Dix ans auparavant, il avait eu à préconiser dans son livre, un modèle d'union semblable à celui exposé par le Guide libyen en 1999. Mais, comme il l'a lui-même expliqué, « à la lumière des réalités quotidiennes de l'Afrique, j'avais par la suite spontanément renoncé à ce modèle qui m'est paru irréaliste, pour en venir à un processus plus praticable à mes yeux »199(*).

Au départ sceptique par rapport au modèle présenté par KADHAFI à Syrte puis à Lomé, le Président sénégalais qui avait quasiment pris le train en marche, s'est d'abord rallié à la formule minimaliste adoptée dans la capitale togolaise avant de tourner la veste par la suite. Ainsi qu'en témoignent ses propos, il conseillait une démarche prudente et progressive à Lomé: « nous sommes 52 Etats africains ; auxquels il faudrait ajouter d'ailleurs le Maroc, qui, un jour ou l'autre reviendra. Une position commune ne peut être qu'une position de compromis »200(*). Or, défenseur d'une Afrique unie, des inquiétudes quant au réalisme du protocole de Lomé vont l'amener à rejoindre le Guide El Fateh en prônant une supranationalité sur le continent. Il soulignait qu'« étant confrontés aux mêmes problèmes, nous devons rechercher des solutions communes au sein des structures ministérielles supranationales »201(*). C'est ainsi que lors du sommet d'Abuja de janvier 2005, il fera inscrire dans l'agenda de l'Union huit202(*) postes ministériels dont le but sera d'harmoniser les politiques communes à l'échelle continentale comme dans le cadre des fédérations. Les ministères proposés devaient s'occuper des domaines aussi importants et diversifiés tels : santé, environnement, recherche scientifique, culture, finances, éducation, énergie, et enfin intégration économique et sociale203(*).

Ces propositions avancées au même moment que celles de la Libye avaient fait l'objet d'étude, sous la présidence du président ougandais Yoweri KAGUTA MUSEVENI, lors de la réunion de Kampala du 13 juin 2005204(*) en vue d'accélérer le processus de mise en place du gouvernement de l'Union et la transformation des commissaires de l'UA en ministres continentaux. Mais comme nous le verrons bientôt, le dilatoire de certains chefs d'Etat qui n'ont pas osé sortir de la léthargie de l'OUA a conduit, depuis l'année 2005, à une impasse. Les propositions libyennes et sénégalaises ayant été renvoyées, repoussées aux prochains sommets. D'ailleurs, le Président WADE s'était déjà inquiété quant à la légèreté dont certains pays faisaient preuve face à cette question cruciale pour le continent. Car, des sept membres du comité des chefs d'Etat qui avaient été commis par l'Union, seuls l'Ouganda (pays hôte) et le Sénégal étaient représentés au plus haut niveau, alors que le Botswana l'était au niveau ministériel et la Libye (invitée) à celui d'ambassadeur.

Venons-en aux autres rencontres des chefs d'Etat et experts dont l'objectif était d'analyser les propositions du couple sénégalo-libyen. Le cycle de Kampala continua avec le sommet de Syrte de juillet 2005. Le comité autrement constitué205(*) fut reconduit pour les mêmes objectifs, cette fois-ci sous la présidence du Nigérian OLUSEGUN OBASSANJO. Après deux jours de conclave, du 12 au 13 novembre 2005, à Abuja sur le thème : « L'Afrique et les défis du changement de l'Ordre mondial : bien fondé du gouvernement de l'Union »206(*), le comité des sept chefs d'Etat et les experts (sociétés civiles et intellectuels inclus) arrivent à la conclusion selon laquelle l'objectif ultime de l'Union est de constituer « le gouvernement de l'Union Africaine dans la perspective des Etats-Unis d'Afrique». D'après le président Wade, le chef de ce gouvernement devait prendre le nom de Premier Ministre investi d'une fonction consultative et d'accréditation des ambassadeurs compétents à l'échelle continentale207(*). Selon la feuille de route élaborée à Abuja, ce gouvernement devait se constituer à l'horizon 2009208(*). Après cette étape, le rapport des sept est soumis au 7ème sommet de l'Union en juillet 2006 à Banjul (Gambie). Mais, la conférence décide de renvoyer l'examen de l'étude et du rapport du Comité des sept au Conseil exécutif en vue de proposer un cadre d'action approprié209(*).

Dans une phase d'intensification, en novembre 2006 à Addis-Abeba, le Conseil exécutif représenté par monsieur Rodolphe ADADA, ministre des Affaires étrangères du Congo, aux termes de sa neuvième session extraordinaire sur les propositions pour le gouvernement de l'Union, est arrivé aux conclusions suivantes : l'acceptation par tous les Etats membres de la création des Etats-Unis d'Afrique comme objectif commun; la nécessité d'une évaluation de l'état de l'Union qui porterait, entre autres, sur le renforcement de la communauté économique régionale; la nécessité d'adopter une approche pragmatique et progressive qui n'impliquerait pas forcément un amendement de l'Acte constitutif, mais viserait plutôt à combler les lacunes actuelles. Mais, en janvier 2007, saisie du rapport de la session extraordinaire du Conseil exécutif sur le gouvernement de l'Union à Addis-Abeba, la Conférence, en sa huitième session, a une fois plus décidé de consacrer sa neuvième session à un « grand débat » sur le sujet et autorisé le Conseil exécutif à tenir un séminaire de réflexion des ministres des Affaires étrangères sur l'état de l'Union, suivi d'une session extraordinaire en raison de la nature des propositions contenues dans l'étude et leurs implications aux niveaux national, régional et continental.

Lors de ce sommet, l'examen portant sur les questions inscrites à l'agenda de l'Union par le Sénégal et la Libye est de nouveau reporté. Les leaders africains avaient simplement promis au Libyen KADHAFI et au Sénégalais Abdoulaye WADE d'en discuter véritablement lors du sommet d'Accra du 1er au 3 juillet 2007. Mais, comme on peut le constater avec Michel KOUNOU, « Accra 2007 » fut «  un rendez-vous manqué » car, ce sommet a ressemblé aux multiples « cacophonies inutiles organisées entre 1960 et 1963 » 210(*). Les chefs d'Etat réunis au Ghana n'avaient donc pu s'entendre définitivement et de façon concrète sur la formation dudit Gouvernement, afin de servir les peuples d'Afrique qui souffrent quotidiennement du déficit d'une UA forte. Le Président ghanéen essayait de trouver une formule de compromis selon laquelle « il n'y a eu ni gagnant ni perdant ». Or, Sénégalais et Libyens venaient de se plier face aux pays d'Afrique australe et de l'Est.

Pourtant, avant son indépendance, le Sénégal avait déjà ressenti ce besoin d'union. Pour cette raison, il oeuvrait afin que ses voisins cèdent leurs souverainetés pour que se réalise le rêve commun. Ce qu'il ne manque pas d'ailleurs de perpétuer dans le cadre de l'UA.

B- Le transfert et/ou l'érosion des souverainetés au profit de l'Union

La logique d'appartenance à une organisation supranationale aboutit inévitablement à une érosion de la souveraineté des Etats membres211(*). Cette érosion des souverainetés se fait soit par transfert, soit par abandon de compétences à l'organisation212(*). A cet égard, les conceptions de la souveraineté fondées sur le modèle de l'Etat, qui déterminent de manière autonome la forme et le contenu de ses politiques publiques est devenu en partie obsolète si l'on s'en tient au processus de construction de l'UA en cours213(*). A l'accession à l'indépendance, le Sénégal s'illustrait comme un « pays avant-gardiste en inscrivant dans sa Constitution, en 1960, un abandon tout au moins partiel de sa souveraineté en vue de la réalisation de l'Unité Africaine»214(*).

Restant dans cette même logique, il a successivement modifié sa loi fondamentale afin de l'arrimer aux idéaux unitaires qu'il diffuse à travers l'Afrique, ce avant même la naissance de l'UA à Syrte en mars 2001. En son article 96, la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 dont la dernière révision date du 07 Août 2008 dispose, que « la République du Sénégal peut conclure avec tout Etat africain des accords d'association comprenant abandon partiel ou total de souveraineté en vue de réaliser l'unité africaine » 215(*). Dans cette mouvance, certains pays tels la République Démocratique du Congo, le Mali et le Burkina Faso, ont chacun inscrit dans leurs Constitutions la possibilité de céder leur souveraineté pour la réalisation de l'UA216(*). Ceci va en droite ligne avec l'esprit des rédacteurs de l'Acte constitutif de Lomé qui ont donné le ton à propos de la construction de cette supranationalité, notamment en réalisant des changements certes marginaux mais novateurs. Contrairement à la charte de l'OUA qui consacrait l'étatisme en absolutisant les principes de non-ingérence et de respect de la « souveraineté » des Etats, l'Acte constitutif a désormais inscrit le droit de l'Union d'intervenir dans un Etat membre sur décision de la Conférence des chefs d'Etats, dans certaines circonstances graves, concernant « les crimes de guerre, le génocide et les crimes contre l'humanité » et « le droit des Etats membres de solliciter l'intervention de l'Union pour restaurer la paix et la sécurité ». Cette position s'inscrit en faux contre le réalisme qui néglige d'innombrables aspects de la politique internationale, en particulier ceux relatifs aux échangent économiques et sociaux entre les Etats, à leurs interactions fonctionnelles217(*), dans la mesure où les conceptions traditionnelles de la souveraineté, qui sont un fondement de la représentation réaliste des relations internationales, sont trop exclusivement concernés par les questions de haute politique218(*). Il est plausible que des apparentes avancées sont à noter en ce qui concerne la souveraineté qui pourrait à long terme céder le pas à une supranationalité en Afrique. Dans cette perspective, sous l'impulsion du Sénégal, du moins en partie, de nombreux projets de développement ont été élaborés, et certains associés à l'UA.

* 198WADE (A.), « L'Afrique et le monde », op. cit., p. 81.

* 199Propos du président Wade rapportés par ZORGBIBE Charles et BELMESOUS Hacène pour le compte de Géopolitique africaine N°1 Hiver 2000/2001, éd. OR. IMA, op. cit., p. 15.

* 200 Ces propos ont été repris par OUSMANE (A.), « Foire d'empoigne à Lomé », dans Jeune Afrique Economie, op. cit., p. 11.

* 201WADE (A.), op. cit., p. 82.

* 202 Ibid.

* 203 Selon le président Wade, la proposition sénégalaise est fondée sur le fait qu'à l'exception de l'énergie où la distinction peut exister entre pays producteurs de pétrole, tous les autres domaines de compétence couverts par ces portefeuilles ministériels se définissent presque dans les mêmes termes partout en Afrique.

* 204 A Kampala, le comité des 7 chefs d'Etat délégué par leurs pairs avait fusionné les propositions libyennes et sénégalaises avant de conclure que les 9 ministères communs qui devaient enfin voir le jour étaient : défense, sécurité, finances, éducation, transport et infrastructures, énergie, culture, santé et recherche scientifique. Cf. AYODELE ADERINWALE, Africa and the challenges of a union government, éd Ayodele Aderinwale, ALF, Ogun State, Nigeria, 2005, p. 19.

* 205 Algérie, Gabon, Kenya, Lesotho, Nigeria, Ouganda et Sénégal

* 206 AYODELE (A.), op. cit., p. 7.

* 207 Ibid, p. 19.

* 208 A Abuja, Ali S. Triki, le monsieur Afrique de Kadhafi proposa un calendrier selon lequel la phase préparatoire du gouvernement de l'Union devait débuter en janvier 2006 avant de culminer à sa formation finale en 2009.

* 209 Le sommet s'était juste contenté de prendre note du rapport des sept et de renvoyer son examen quant au fond à une session du conseil exécutif de sorte que le sommet de janvier 2007 prenne une décision.

* 210 Voir KOUNOU (M.), op. cit., p. 71.

* 211 GAZANO Antoine, Les relations internationales, les idées, les acteurs, les enjeux et les défis, Paris, Gualino, 2001, p. 74.

* 212 Ibid.

* 213 POKAM (H.D.P), « Construction de l'Union Africaine et souveraineté étatique », op. cit., p. 10.

* 214 Entretien avec un diplomate sénégalais le 26 avril 2011.

* 215 http://www.au-senegal.com/IMG/pdf/Constitution-senegal-2008.pdf. Site consulté le 15/05/2011.

* 216 Voir FALA MAYU MULEEL Popaul, l'Union Africaine : Bilan et Perspectives (2001-2008), Mémoire de Licence en Relations Internationales, 2007-2008, Université de Lubumbashi, Faculté des Sciences Sociales Politiques et Administratives, disponible sur http://www.memoireonline.com., visité le 20 décembre 2010.

* 217 POKAM (H.D.P.), op. cit., p.10.

* 218 Ibid.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote