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Interactions et ancrage territorial des industries créatives: le cas de la Belle-de-Mai à  Marseille

( Télécharger le fichier original )
par hélène sEVERIN
Université Aix-Marseille - Master 2 géographie du développement 2015
  

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Interactions et ancrage territorial des industries créatives: le cas de la Belle-de-Mai à Marseille

SEVERIN Hélène,

Master 2 Géographie du Développement,

Aix-Marseille Université, Septembre 2015

Mémoire encadré par Alexandre GRONDEAU, maitre de conférences AMU, Laboratoire TELEMME

Jury composé de :

- Alexandre GRONDEAU, Maitre de Conférences AMU

- Sébastien GADAL, Professeur de Géographie AMU

Ce mémoire a obtenue la note de : /20

Soutenu le10 septembre 2015

Signature du directeur de mémoire :

SOMMAIRE

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE: CADRAGE THEORIQUE ET CONCEPTUEL 7

CHAPITRE 1 : LE PHÉNOMÈNE DE « FRICHE CULTURELLE » 11

CHAPITRE 2 : LE CLUSTER CRÉATIF 29

CHAPITRE 3 : ANALYSE DYNAMIQUE DES PROXIMITÉS 45

METHODOLOGIE 70

DEUXIEME PARTIE: LES INTERACTIONS AU PÔLE DE LA BELLE-DE-MAI 73

CHAPITRE 1 : INDUSTRIES CRÉATIVES À LA BELLE-DE-MAI : INFLUENCE DE L'INSTITUTIONNALISATION 77

CHAPITRE 2 : ANALYSE DES DISCOURS DES ACTEURS 105

CHAPITRE 3 : QUELLES SONT LES RÉELLES INTERACTIONS À LA BELLE-DE-MAI ? 119

TROISIÈME PARTIE: ANCRAGE TERRITORIAL 141

CHAPITRE 1 : RÉHABILITER LA FRICHE POUR RÉGÉNÉRER LE QUARTIER ? 143

CHAPITRE 2 : RAPPORT DES ENTREPRISES AU TERRITOIRE : CONSÉQUENCE DE LEURS IMPLANTATIONS À LA BELLE-DE-MAI 159

CHAPITRE 3 : ENCASTREMENT INDIVIDUEL DES SALARIÉS AU SEIN QUARTIER 179

CONCLUSION 202

TABLE DES MATIERES 205

TABLE DES ILLUSTRATIONS 210

BIBLIOGRAPHIE 215

SITOGRAPHIE 224

ANNEXES 225

REMERCIEMENTS

En préambule de ce mémoire, je souhaiterai adresser mes remerciements les plus sincères aux personnes qui m'ont apporté leur aide et qui ont contribué -directement ou indirectement- à l'élaboration de ce mémoire ainsi qu'à la réussite de cette année universitaire.

Je tiens tout d'abord à remercier Alexandre GRONDEAU, qui, en tant que directeur de mémoire, m'a fait confiance et m'a apporté son soutien professionnel et moral. Il m'a donné les moyens de rebondir après une première année de Master difficile et sa spontanéité m'a permis d'avoir de nouveau confiance en moi et en mes capacités à la réflexion.

J'exprime également ma gratitude envers Patrick TANGUY, responsable du pôle développement économique et stratégique de l'AGAM, ainsi qu'à l'ensemble de cette structure. Mon stage m'a permis de m'initié au milieu professionnel dans la joie et la bonne humeur. Merci également au pôle ressources et données urbaines pour leur accueil et leur gentillesse, et surtout pour leur aide lors de mes galères SIGistes.

Sur le plan personnel, je tiens à remercier ma famille qui a toujours cru en moi et m'a toujours soutenue dans chacune de mes décisions. Merci à ma maman et mon papa pour leur soutien financier surtout, moral aussi. Je suis également très heureuse que la distance nous a finalement permis de nous rapprocher et de profiter d'autant plus des moments familiaux.

J'adresse mes plus sincères remerciements à tous mes proches et amis, qui m'ont toujours soutenu et encouragé.

Merci à mes camarades et amis aixois pour leur accueil et leur gentillesse tout au long de ce Master. Je n'oublierai jamais tout les moments passés en votre compagnie.

Merci à mes ami(e)s « auvergnats », pour leur soutien moral ET physique tout au long de cette année.

Enfin, merci à monnoukpour son soutienet sa facilité à me redonner confiance en moi dans les périodes de doute et de peur.

INTRODUCTION

Les industries créatives apparaissent, depuis le prémisse de leur reconnaissance dans les années 1990 au Royaume-Uni, comme des éléments essentiels de l'économie culturelle. Depuis, elles sont classées par secteurs et regroupent les industries de secteurs créatifs et culturels. Les institutions se rendent de plus en plus compte depuis la création d'une nomenclature spécifique à ces industries, de leurs enjeux économiques, sociaux et politiques. De nombreux rapports nationaux et internationaux très fournis étudient d'ailleurs ces questions et tentent de donner une approche critique et subjective de cette économie créative. Notre mémoire portera sur ces industries et plus particulièrement sur leurs interactions et leur ancrage territorial. Nous aurons également une approche critique de l'état de l'art de l'économie créative et nous étudierons un cas particulier : celui du Pôle de la Belle-de-Mai à Marseille.

Le Pôle de la Belle-de-Mai est constitué de trois îlots, un îlot multimédia, un îlot patrimoine et un dernier consacré au spectacle vivant. Cet ensemble est lui même constitué d'industries de secteur culturel et créatif. Nous nous sommes alors demandé s'il existait des interactions entre ces trois îlots et entre les entreprises qui les constituent ? Nous nous sommes également posé la question de l'ancrage territorial de cet ensemble,c'est-à-dire quel est son rapport au territoire de la Belle-de-Mai. Finalement, nous étudierons l'impact de la présence d'un tel pôle sur son quartier et plus largement, sur Marseille.

Nous aurons, dans un premier temps, une approche théorique autour des concepts de Friche culturelle, de cluster et de proximité. Nous tenterons de voir si la Friche culturelle peut être un système productif local de type cluster où certaines proximités permettent les échanges. Nous développerons ensuite cette théorie autour du cas de la Belle-de-Mai avec, en seconde partie, les interactions entre les pôles et en troisième et dernière partie, leur ancrage.

L'objectif de ce mémoire est de montrer ou démontrer les hypothèses suivantes :

- la culture est une ressource aux vertus développantestrès à la mode dans le discours des politiques locales mais qui, finalement, n'est activable qu'avec les créatifs et leur proximité organisée;

- d'un point de vue économique, les industries créatives permettraient de créer de l'emploi sur des territoires qui ont été en déclin, mais ces emplois ne visent pas les populations qui ont subit ce déclin ;

- d'un point de vue social, l'implantation de ces industries créatives a permis la création de nouvelles formes de liens entre un quartier en déprise et le lieu culturel ;

- d'un point de vue urbain, les événements initiés par ces mêmes industries permettent de « redorer » l'image parfois néfaste des villes et dans certains cas-d'une manière plus locale -, des quartiers défavorisés ;

- l'implantation des industries créatives n'est tout de même pas toujours la solution miracle aux différents problèmes que peut subir un territoire ;

- finalement, est-ce que le choix du développement des territoires créatifs au dépend des autres ne serait-il pas néfaste au renouvellement social ?

PREMIERE PARTIE: CADRAGE THEORIQUE ET CONCEPTUEL

Chapitre 1 : La Friche culturelle

Chapitre 2 : Le cluster créatif

Chapitre 3 : Analyse dynamique des proximités

Il s'agira dans cette première partie de comprendre les enjeux liés à la culture sur des territoires innovants où la proximité est marquante. Il sera ainsi étudié les évolutions de la pensée sur ce type de territoire de la part des chercheurs mais également des politiques. Nous tenterons également de cerner l'impact de certains territoires innovants qualifiés de modèles. Nous pourrons alors analyser les possibilités d'adaptation de ces modèles à échelle d'autres territoires où le contexte est différent.

L'objectif est finalement de faire le lien entre les notions de Friche culturelle, de cluster créatif et de proximité.

Le phénomène de Friche culturelle entre dans un processus de redynamisation d'un territoire. C'est un phénomène qui émane d'une volonté commune d'acteurs artistiquesde fournir à l'ensemble de la population un outil de connaissance culturel et aux artistes un moyen de s'exprimer.

Le paradigme qu'est le « cluster créatif » regroupe par définition la proximité géographique et la proximité organisée. Concrètement, il s'agit d'interactions entre acteurs économiques permises par une distance faible entre eux et une organisation bien spécifique avec des règles d'usages.

En effet, l'analyse de la proximité permet de comprendre les interactions qu'il existe entre les acteurs économiques. Elle passe notamment par le rapport entre les dynamiques de proximités, la localisation et l'innovation. Ces interactions sont à l'origine notamment de la création locale de districts où se regroupent les acteurs et où une coordination se met en place. Il faudra néanmoins relativiser cette théorie qui n'est pas toujours admissible dans la réalité.

Nous verrons néanmoins que même si ces termes sont vendeurs, ils peuvent cacher une réalité tout autre. La proximité géographique assimilée à la proximité organisée ne permet pas forcement la création d'un espace homogène où les interactions d'acteurs sont notables. Dans un cluster, les relations entre les industries créatives ne sont pas toujours - ou alors peu - visibles. Enfin, bien que la Friche culturelle a pour but de donner une base à la connaissance culturelle, elle n'a pas toujours pour vocation de se rapprocher de son territoire. L'industrie créative a bien souvent peu -et même parfois pas du tout- de conséquences positives sur les dynamiques économiques et sociales du quartier qui l'entoure.

Chapitre 1 : Le phénomène de « Friche culturelle »

Ce premier chapitre a pour but d'analyser et de comprendre les principes fondamentaux de l'émergence des Friches culturelles. Nous définirons dans un premier temps la Friche culturelle telle que nous la connaissons aujourd'hui à travers les prémices de ce processus. Nous verrons ensuite comment la culture permet la résilience territoriale grâce à l'institutionnalisation et au principe de projet urbain. Enfin, nous tenterons de mettre en lien ce concept avec celui de la créativité territoriale, puisqu'il est de plus en plus présent dans les discours actuels du développement local. Ce lien nous permettra notamment d'aboutir à notre second chapitre de cette partie théorique où nous tenterons d'analyser le modèle du « cluster » où justement, ces industries entrent en cohésion et où elles sont censées se complémenter. Nous nous demanderons alors si la Friche culturelle peut devenir un cluster. Nous appuierons notre concept sur des exemples européens, les plus connus, où nous verrons que la théorie est parfois toute autre que la réalité.

1. Comment la Friche culturelle est-elle rendue possible ?

a) Une difficile définition de ce qu'est une Friche

La géographie culturelle est une approche qui s'est développée depuis les années 1990 seulement à travers les écoles anglo-saxonnes et françaises. Néanmoins, il paraît difficile que ces différentes méthodes s'accordent sur une même voix. Il semble donc délicat de définir des objets propres à la culture. Pour comprendre l'objet Friche culturelle il faudrait donc d'abord comprendre ce qu'on entend par « culture » mais aussi comment émerge l'objet Friche.

Selon Pierre Georges, la culture qualifie « originairement une civilisation, avec sa langue, ses croyances, ses formes d'expression artistique, le mot est désormais employé pour désigner l'ensemble des superstructures de l'économie et de la vie sociale : langage, traditions, activités intellectuelles, littéraires, artistiques et scientifiques, idéologie politique et forme de gouvernement, religion et mythes, structures sociales... » (GEORGE P., VERGER F. 2006). La culture se définit par des liens sociaux qui proviennent de différents héritages et qui permettent de comprendre les sociétés actuelles. Chaque société sur chaque territoire dispose donc d'une culture différente. Selon Paul CLAVAL (1995) «  toutes les sociétés ne disposent pas du même arsenal de connaissances et de techniques, et du même registre d'interprétations et de motivations ». Mais la culture ne se définit pas seulement par des héritages, des savoir-faire ou des langages. C'est aussi devenu un outil de développement économique des grandes villes notamment par les nouveaux espaces culturels qui émergent depuis les années 1990.

C'est dans les différentes analyses de la géographie culturelle que ces nouveaux espaces culturels sont conceptualisés. La première difficulté réside dans la dénonciation du territoire, qui est tantôt défini comme des fabriques artistiques et nouveaux territoires de l'art et tantôt comme des lieux alternatifs et espaces intermédiaires.

Selon Boris GRESILLON, qui tente de restituer les Friches culturelles comme « phénomène » et comme « type de lieu, les premières recherches anglophones de la New cultural Geography s'engagent sur un modèle postmoderniste dans le vaste champ des sciences humaines et sociales. Les précurseurs de ces recherches sont C.MITCHELL, D.COSGROVE, J.DUNCAN, P.JACKSON et J.WATSON. A la différence de cette école anglophone, l'école française de la géographie ne s'engage pas directement dans une approche postmoderniste (excepté P. CLAVAL, J.F STASZAK et C. CHIVALLON). Les débats théoriques qui ont forgé l'école anglophone ont eu beaucoup de mal à arriver jusqu'en France. Plus simplement, la différence entre les deux écoles réside dans la méthodologie d'analyse. Les français ont choisit la multiplication des « objets » culturels donc de terrain d'études variés plutôt qu'une analyse théorique différente de celle de la géographie humaine. Les premières analyses où le rapport entre géographie et culture est mis en évidence furent éditées en 1981 par la revue l'Espace géographique dans un numéro spécial. On y trouve quasiment tous les précurseurs de la géographie culturelle réunis autour de sa définition, mais qui ont d'emblée pour réflexion de ne pas en faire une définition absolue. Aujourd'hui, le débat sur cette géographie est rouvert, et les critiques ont tendance à apparaître plus facilement, que se soit dans la théorie mais aussi dans l'analyse des différents « lieux créatifs » dont une norme à tendance à émerger alors que chaque lieu se construit d'une façon différente.

Bien que l'approche de cette géographie culturelle soit récente, il existe des exemples d'expérimentation de reconversion de Friche en lieu culturel plus anciens qu'il nous semble judicieux de souligner. A l'instar des waterfronts des villes portuaires des Etats-Unis depuis les années 1960, la reconversion des Friches industrielles en France débute dans les années 1980 dans un mouvement de culture « off » présent dans le Nord de l'Europe. Dans les années 1970, on voit déjà apparaître à Amsterdam avec le Melkweg et à Bruxelles avec les Halles des Shaerbeek des espaces de reconversion. En France, c'est en 1983 que l'on commence à voir émerger ces lieux créatifs avec le Confort moderne de Poitiers. Il nous semble aussi important de citer les cas de Barcelone et de Bilbao (dans les années 1980), qui restent les grands modèles de régénération urbaine les plus étudier. Mais aujourd'hui, ces opérations font débat.Elles s'apparentent finalement à des interventions à échelle urbaine et les mettre en comparaison avec des cas comme les Friches culturelles en France paraît être une erreur. Il faut d'ores et déjà émettre une contradiction entre les grandes opérations de régénérations urbaines qui émanent de politiques étatiques de renforcement culturel et d'autres réhabilitations industrielles locales par la culture qui émanent bien souvent d'artistes et de politiques locales. Aussi, d'un coté on insiste sur le fait qu'il faut cultiver sa différence et de l'autre on tente d'inculquer des paradigmes bien définis où le processus à fonctionner. Il semble donc primordial de prendre du recul sur ce discours très modéliste et incitateur.

Dans un même temps, on voit de plus en plus apparaître des lieux off, ou des lieux alternatifs, où la culture, initiée par un groupe d'artistes,n'est pas reconnue par les institutions. Ce sont souvent des lieux à vocation communautaire qui entrent dans l'évolution de la création culturelle et des caractéristiques esthétiques traditionnelles. Elsa VIVANT (2007) tente de définir une géographie de ces lieux alternatifs. Ce sont pour la plupart des théâtres de rue, des squats d'artistes, les danses de rue, etc. C'est donc plus généralement l'art dans la rue, ou l'art de la rue. Les squats d'artistes par exemple, dont font généralement parties les Friches culturelles, participent à un processus de revendications communautaires et de contestation politique. C'est notamment par leur caractère illégal que ces lieux se distinguent des lieux culturels de norme. Les premiers squats français apparaissent dans les années 1980 à Paris et depuis, de nombreux lieux alternatifs sont apparus partout en France. Certains sont restés à cette phase de présence temporaire d'artistes et d'autres sont devenus des territoires de l'art à part entière.

Finalement, les Friches ne recouvrent jamais les mêmes lieux, d'où la difficile définition et modélisation de ces espaces. Certaines étapes au sein des politiques institutionnelles culturelles ont néanmoins permis de mieux cerner ces lieux et leurs enjeux. C'est notamment le cas du rapport LEXTRAIT (rendu public en 2001), qui est bien sûr un cas d'école. À la suite d'une demande du secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle Michel DUFFOUR, l'objectif de ce rapport est la reconnaissance des Friches et des lieux intermédiaires. Ce travail porte sur 30 expériences réparties dans 11 régions. Ce sont des expériences singulières où les normalités et le cadrage de l'État sont refusés et donc où le risque de l'éphémère est fort. Le premier volume présente les monographies et expériences des squats de Grenoble, de la fiche la Belle-de-Mai à Marseille ou encore de la Condition publique de Roubaix. Le second volume présente les fondements de ces expériences et définit la problématique artistique comme un moyen de production. Ce programme va permettre a création de mission sur les Nouveaux territoires de l'art. Cette équipe interministérielle accompagne les projets à travers une expertise et des conseils auprès des services déconcentrés et décentralisés1(*). On voit donc apparaître, avec ce rapport, un réel engouement pour ces nouveaux lieux créatifs après une longue période de développement sans reconnaissance particulière.

Par la suite, de nombreuses études ont été publiées sur ces expériences culturelles et artistiques dans différents pays européens. A titre indicatif nous pouvons citer Boris GRESILLON (2002 : Allemagne, 2002 et 2004 : France), ANDRES (2008 : France), Fabrice RAFFIN (2000 et 2008 : France, 2002 : Suisse), Maria GRAVARI-BARBAS (2004 : France), Elsa VIVANT (2006 et 2009 : France), HARRIS (2006) et PRATT (2009) (Grande-Bretagne), KUNZMANN (2004 : Allemagne), etc.

Les Friches culturelles s'inscrivent donc dans différents mouvements de recherche. Ces mouvements traitent de la résilience territoriale par la ressource culturelle avec des approches de points de vues plus ou moins critiques. Notre analyse tentera de prendre en compte ces différentes approches et de les comparer. Nous allons tout d'abord voir comment la Friche culturelle est rendue possible et comment l'institutionnalisation de ces lieux a pour objectif de lier projet culturel et développement urbain. Enfin, nous tenterons de cerner comment la culture est devenue « créative ».

b) Le temps de veille : lorsque la culture intervient dans la question de la résilience territoriale

Le tryptique crise-culture-résilience va nous permettre, dans la suite de notre analyse, de comprendre les conditions de vie des Friches culturelles. La mise en place de ces nouveaux territoires de l'art s'inscrit dans une trajectoire marquée par différentes périodes et étapes : l'avant-Friche, le temps de veille et l'après-Friche (ANDRES, 2008). Ce processus peut aboutir à une pérennisation et à la transformation de la Friche culturelle, notamment grâce à son institutionnalisation.

ï L'avant Friche -ou la crise industrielle-

Pour que les Friches culturelles voit le jour, il faut bien entenduque l'espace soit déserté, désaffecté ou sous occupé (DESBONS et RUBY, 2002). Ces espaces ont, au préalable, subis une crise industrielle importante ayant entrainé la fermeture définitive des lieux. « C'est la guerre. Une guerre économique, avec ses replis stratégiques, ses démolitions et ses milliers de chômeurs qui n'acceptent pas aisément d'en être les victimes » (DATAR, 1986).

Ce sont donc des terrains vidés de toute activité, mais aussi de toute présence humaine. Ces espaces sont bien souvent -à quelques exceptions prés- situés en marge des centre-ville puisque héritiers d'une époque industrielle, militaire ou portuaire. « Ce qui n'était que des bâtiments vétustes, devient espaces sinistrés. Ce qui était aboutissement légitime de la ville, le lieu de travail, devient verrue, un obstacle de liaison, une coupure profonde, entre la ville et ce qui est devenu la Friche. » (LACOUR, 1987).

D'un coté on a les anciennes industries dont les propriétaires se demande le devenir et de l'autre, les Friches laissées purement et simplement à l'abandon. Dans les deux cas, la question qui se pose est que faire de ces espaces libre ? Comment utiliser ces espaces ? C'est alors que le temps de veille prend toute son importance.

ï Le temps de veille -ou la culture dans la Friche-

La particularité des Friches cultuelles réside dans le temps de veille. Lorsque l'espace est abandonné, il se pose deux cas de figure : le premier où la Friche reste en Friche et le deuxième où la Friche est réappropriéede façon éphémère ou pérenne. « Le stade de Friche est un temps d'attente où le terrain en question est abandonné. Premier cas de figure, c'est un temps d'entre-deux durant lequel la Friche ne fait l'objet d'aucune réappropriation. Deuxième cas de figure, c'est un temps de veille durant lequel la Friche est sujette à des réappropriations éphémères ou pérennes. » (ANDRES L., GRESILLON B., 2011). Certains espaces abandonnés sont réaménagés directement par l'État ou par des collectivités locales en musée, en médiathèque, parfois même en université (c'est le cas de l'université de Jussieu aux Grands Moulins de Paris). Bien que ces espaces soit quelques peu péjoratifs puisque la Friche fait référence à un espace abandonné, indéfini, inachevé (GRESILLON, 2008), il semble intéressant de les étudier. Finalement, la question qu'il revient de se poser est comment la culture est saisie dans ces nouveaux lieux alternatifs et surtout par qui ? Mais aussi pourquoi ces lieux sont activés par la ressource culturelle plutôt qu'une autre ?

Par extension, la réponse à la deuxième question peut nous aider à comprendre la première. Le processus d'installation de la culture et de l'art dans ces lieux en Friche entre dans un nouveau mouvement culturel basé sur une idée de lieu insolite et de dépaysement. Les initiatives proviennent d'associations d'artistes en mal d'espace, qui veulent également dévier les codes classiques et institutionnels de la culture. Leur but est d'investir des lieux illégalement pour produire et diffuser de la culture nouvelle plus souple où ils peuvent s'exprimer de manière totalement libre. Le moment fondamentale est donc celui de l'appropriation des lieux et l'installation d'artistes dans un lieu fixe pour des pratiques parfois nomades (GRESILLON, 2008). Ces artistes, qui ont bien souvent peu de moyen, choisissent ces lieux aussi pour cette raison. Finalement, la Friche en veille n'est pas totalement déconnectée du cadre économique et politique. Ces lieux peuvent même faire l'objet de soutien financier de la part des acteurs publics. La possibilité et la pérennité de la Friche ne dépendent donc pas du simple fait d'initiatives artistiques, mais aussi de facteurs exogènes dont ces artistes n'ont qu'un faible pouvoir.

ï L'après-Friche -ou la résilience du territoire-

En aval des initiatives d'artistes, on trouve une intention politique de régénération urbaine par la culture. Ainsi, lorsque les artistes investissent ces lieux simplement pour s'y exprimer et qu'une réelle association se met en place, les politiques publics voit là un potentiel certain de développement économique. L'après-Friche est donc la phase où de vrais projets de réhabilitations sont décidés. Dans cette période, le propriétaire, les collectivités locales (parfois nationales et internationales) et des aménageurs se mettent en association pour faire de ces lieux en Friche de nouveaux territoires culturels2(*).

C'est notamment la période où les collectivités prennent conscience du potentiel foncier de ces nouveaux lieux culturels. « Progressivement pourtant, la préoccupation pour l'espace en Friche bascule vers une vision moins défavorable, associée à une diversification fonctionnelle de la Friche qui devient alors une opportunité en tant que potentiel foncier. » (ANDRES L. 2006). La Friche passe alors d'une « punition » à une « opportunité » et d' « enjeu » à une « action » (LACOUR, 1987). Plus largement, la reconversion des Friches culturelles s'inscrit dans une dynamique de régénération urbaine qui s'illustre dans des processus de redynamisation plus ou moins interventionniste (CHASSERIAU, 2004).

c) Le rapport de la Friche à son environnement : les limites de son rayonnement

Comme nous l'avons expliqué précédemment, les Friches sont des lieux ayantsubisune crise et datant d'une époque industrielle, militaire ou portuaire. Ce sont, pour la plupart, des espaces en marge du centre-ville, mais situés entre ce centre et la périphérie. Il faut donc y voir un potentiel pour agir à la fois sur le centre et sur la périphérie. C'est par exemple le cas de la Belle-de-Mai à Marseille qui se situe entre les quartiers Nord et le centre et peut influer sur ces deux territoires. Cette marginalité est bien évidemment bénéfique au processus de régénération. Par contre, dans le cas du Tacheles qui est situé en plein centre-villede Berlin, l'installation des artistes puis la réhabilitation a été soumise à un phénomène de pression foncière et de spéculation immobilière qui a rendu difficile le processus.

En revanche, le fait que la Friche culturelle soit l'aval d'une crise économique, elle est forcement marginalisé par les habitants. « Cette situation d'isolement, d'enfermement, est propice à une marginalisation sociale et spatiale (activités plus ou moins illicites : drogue, prostitution, squats, ...) ; ces usages momentanés, temporaires, tendent à accentuer le rejet de la part des populations environnantes vis-à-vis de ce no man's land mais aussi le repli sur soi des usagers de la Friche. » (ANDRES L., 2006). En fin de compte, les espaces en Friche peuvent dévaloriser le quartier environnant, socialement et physiquement (sauvegarde du patrimoine remise en question à cause des phénomènes de dégradation, perte de la valeur foncière de l'îlot, voire des îlots environnants, ...). Cette dégradation est foncièremais aussi économique, sociale et culturelle. Elle est ainsi caractérisée par le départ d'entreprises,la perte d'activités, l'appauvrissement généré par une perte de substance, économique, sociale, culturelle, civique (ADEF, 1998).

Finalement, la culture peut être perçue comme un élément anti-crise, comme un remède. Mais pour certains auteurs, elle peut également induire la crise. Le débat du rapport culture-crise-résilience semble donc chargé de contradictions.

Premièrement, il existe certains cas de Friches culturelles qui n'arrivent pas à établir de lien avec la population environnante. Certains artistes des Friches culturelles ont même avoué ne pas avoir réussit à dynamiser le quartier ou à faire accepter le nouveau lieu aux habitants (c'est par exemple le cas des Diables bleus des Casernes d'Angély cité par Boris GRESILLON, 2008). Pour le cas de la Friche la Belle-de-Mai par exemple, notre analyse réalisée en 2014 sur le projet de réhabilitation et son rapport au quartier nous a laissé penser qu'il n'existait pas de lien entre la Friche et son environnement. Cela est principalement dû au fait que la Friche tourne le dos à son quartier, et donc que les habitants la pratiquent peu ou pas du tout. Mais c'est aussi lié à l'histoire du quartier. La Friche culturelle vient d'une ancienne manufacture de tabacs qui a fermé ses portes en 1990 et qui employait une grande partie des habitants du 3ème arrondissement. Sa fermeture ayant entrainé un fort taux de chômage dans le quartier, le sentiment d'appartenance des gens du quartier a quasiment disparu et ils ne s'identifient plus à ce lieu. Finalement, le caractère historique des Friches et leur place au sein du milieu urbain peut jouer un rôle leur relation avec la population environnante.

Deuxièmement, la culture ne serait pas défaillante mais pourrait s'accroitre en temps de crise3(*). Parallèlement, le budget dédié à la culture est aminci dans les grandes villes de la mondialisation. Avec la compétitivité des territoires qui s'est installée, l'enjeu culturel n'est plus prioritaire. Il faut donc prendre en considération ces changements dans l'évolution de la culture dans l'urbain mais aussi dans la place des artistes dans la ville. En effet, certains d'entre eux sont installés dans des Friches qui n'ont pas encore été institutionnalisées et qui ne le seront sans doute pas à cause des restrictions budgétaires, et sont ainsi perçus comme les « délaissés » de la ville.

Enfin, la culture n'est pas seulement portée par des artistes. Elle l'est aussi par des acteurs économiques, du tiers secteur, des entrepreneurs et parfois mêmes des habitants. Cette multi intervention entraine la marchandisation de la culture - en même temps que la marchandisation de la ville. Ce marketing urbain prend finalement le pas sur l'intégration des classes populaires. La valeur du lieu culturel et son impact économique restent un enjeu majeur. Sa réhabilitation participe quant à elle au développement urbain de son environnement. Mais le caractère social est très peu souligné et son importance semble être minimisée.

Finalement, le rapport entre la Friche culturelle et la ville est surtout marqué par un caractère social quelques peu ignoré, mais aussi par un développement économique et urbain remarquable.

2. De la culture au projet urbain

a) Institutionnalisation du projet : le pouvoir des politiques publiques dans la visibilité de la Friche culturelle.

Les projets qui ont émergé dès les années 1970 aux Etats-Unis et dès les années 1980 en Europe4(*) ont permis aux différents gouvernements des pays concernés de se mobiliser dans une démarche de développement par la culture. Lorsque les Friches sont investies par les artistes, les bâtiments restent à l'état brut. Ils ne sont que très partiellement réhabilités pour répondre aux normes de sécurité. L'artiste s'adapte au lieu et non l'inverse. C'est là qu'intervient toute l'importance de la visibilité et de l'institutionnalisation de la Friche.

Il existe plusieurs types de lieux culturels (ANDRES, GRESILLON, 2011), que ce soit des Friches spontanées et rebelles, des Friches régularisées ou encore des Friches institutionnalisées. Les dernières étant les plus connues, les plus pérennes et sans doute celles où les acteurs politiques interviennent le plus, elles constituent pour eux une possibilité certaine à la régénération urbaine. Bien sûr, comme les autres Friches, elles proviennent d'initiatives d'artistes. Mais c'est après le temps de veille que la Friche peut soit disparaître soit se pérenniser par l'institutionnalisation du lieu.

Par le biais d'acteurs locaux et de politiques de développement, les Friches culturelles deviennent des opportunités de régénération urbaine. « Par leur existence même, elles instaurent un point de vue sur la culture, sur l'organisation culturelle, sur l'animation culturelle et sur l'avenir de la culture, qui entre en concurrence avec les points de vue déjà existants et, en particulier, le point de vue d'emblée légitime qu'est celui des institutions publiques, de l'État ou des collectivités territoriales. » (DESBONS D., RUBY C., 2002).

Le déclin des espaces industriels a entrainé une dégradation foncière, mais aussi économique, sociale et culturelle. Finalement, les politiques publiques voient en la réappropriation de ces lieux un excellent moyen de redynamiser le territoire en déclin, par le bais de la ressource culturelle. Ces politiques doivent permettre une redynamisation du territoire plus ou moins interventionnelle par le biais d'une transformation physique et idéelle du quartier, mais aussi une transformation en matière d'action sociale (ANDRES, 2006). Pour comprendre le processus, prenons l'exemple que nous avons développé dans une précédente étude (SEVERIN, 2014) de l'ancienne usine Seita à Marseille devenue une Friche culturelle en scission avec son quartier. La Seita était une manufacture de tabac au sein du quartier de la Belle-de-Mai et constituait sa seule ressource économique. La fermeture de ses portes en 1990 fut donc un réel traumatisme pour les habitants du quartier. Elle a également entrainé son déclin économique, social et urbain. Dans un même temps, la ville de Marseille est à la recherche de politiques urbaines innovantes. Elle se met donc d'accord avec l'association Système Friche Théâtre pour son installation dans les locaux en 1992. Cette appropriation du lieu, en collaboration avec la ville de Marseille, a permis d'aboutir en 1996 à « un projet culturel pour un projet urbain » pour réhabiliter la Friche. La Friche est alors directement reliée à la politique culturelle de la ville. Finalement, la revalorisation de ce lieu a permis de revaloriser tout un quartier, voir toute une ville. « Cette ville qui était considérée comme celle de la French connexion (la drogue, le trafic de cigarettes, la mafia, etc.) est devenue la ville artistique par excellence. Cela a été une politique générale sur laquelle la Friche a eu un rôle phénoménal »5(*).

La participation des collectivités locales intervient donc dans le rayonnement du lieu culturel et dans sa visibilité. « En découlent alors des jeux d'échelles et d'acteurs diversifiés (acteurs économiques, politiques, professionnels de l'espace ou encore habitants-usagers-citoyens » (BASSAND, 1996). En effet, les enjeux des nouveaux territoires de l'art s'inscrivent à plusieurs échelles : un quartier, une ville, une agglomération. S'ajoute parfois d'autres acteurs selon l'ampleur et les enjeux du projet : État et même parfois Europe. Mais le rôle de l'échelle locale reste prédominant dans ces interactions multi-échelles (ANDRES, 2006). Le locale joue notamment sur le rapport entre la Friche et son territoire dans son acceptation. Le rôle des habitants est quant à lui dans l'attractivité du site par sa fréquentation et ses répercussions sur les territoires alentours.

b) Le marketing urbain : pour la compétitivité ? Ou vers un renforcement de l'inégalité sociale ?

« La communication urbaine est d'abord et avant tout un discours tenu par ou à l'initiative des édiles urbains, sur des objets matériels ou intangibles. » Le marketing est un des moyens d'action qui va agir sur les objets du discours. (BOUINOT, 2002). Il est d'abord associé à la formulation et l'adoption d'un plan stratégique issu de l'ensemble des acteurs de la ville qui ont pour même objectif le développement économique à long terme. De plus, le marketing a son « mot à dire » sur des grands projets qui modifient le paysage urbain. Enfin, il intervient dans les grands événements culturels, sportifs ou politiques comme pour la candidature de Marseille en tant que capitale européenne de la culture en 2013. Le marketing urbain apparaît donc comme un moyen de promouvoir la ville et de la rendre compétitive. Mais quel est le but final de la démarche marketing ? Est-ce simplement un outil de mobilisation de ressources ? Ou prend-il en considération d'autres développements, d'ordre social par exemple ?

La culture est portée par un grand nombre d'acteurs, qu'ils soient économiques, d'un tiers secteur, entrepreneurs ou même habitants. Dans une atmosphère de crise, la culture représente la capacité de développement d'un territoire. La culture devient donc la ressource à activer pour le développement local. C'est à ce moment-là que le marketing urbain prend toute son importance. On assiste de plus en plus à une marchandisation de la ville qui passe elle-même par une marchandisation de la culture.

Le marketing urbain n'est pas un phénomène de mode. On voit de plus en plus apparaître systématiquement des discours de communication de la ville de façon durable et systémique. Aussi, le marketing urbain sert à promouvoir et à actionner les transformations de la ville. Le marketing urbain s'inscrit donc dans le projet de ville6(*). Sa durabilité tient au fait que la ville n'a de cesse de se transformer et il est lié à l'image de la ville. L'image d'une ville est un bien immatériel créé par un ensemble d'éléments concrets (patrimoine bâti) ou abstraits (personnalité des habitants et du territoire). Ces éléments sont donc activés par le marketing grâce à la médiatisation et aux événements éphémères dont les collectivités locales sont les auteurs. Les acteurs privés peuvent également jouer un rôle dans le développement de l'image de la ville. Finalement, la communication des villes a pour objectif de mobiliser les ressources du territoire. L'institutionnalisation de la culture provient de cet objectif. Les collectivités fournissent des aides pour la régénération urbaine par la culture, et c'est grâce à ce développement par la ressource culturelle que l'image de la ville se modifie et évoluent et qu'elle peut se démarquer des autres territoires.

Mais au fond, est-ce que la culture est vraiment un moyen de résilience territoriale -tout du moins est-ce qu'elle l'est pour tous les territoires? La culture de la ville ne permet-elle pas simplement de mettre en avant ces différences avec les autres territoires ? Les lieux culturels conservent bien évidement des résultats positifs : la ville s'embellit, la culture crée de la richesse. Mais ce qu'il semble important de comprendre est que la ville se pense avant de se vivre. Alors finalement, les projets culturels et créatifs ne sont-ils pas des éléments qui accentuent la gentrification urbaine ? A qui profitent ces grands projets de régénération par la culture ? Aussi, comment peut-on faire venir des personnes extérieures et ne pas exclure les gens du quartier ? En effet, le marketing urbain prend en quelque sorte le pas sur l'intégration des classes populaires. L'objectif principal reste de produire et de promouvoir de l'image pour la patrimonialisation de la ville. Cette promotion permet notamment d'activer la ressource culture dans un projet de régénération urbaine. Mais le pouvoir de développement reste le plus souvent de l'ordre de l'urbain et de l'économique. Le domaine du social n'est que très peu avancé par les collectivités. Bien souvent, les habitants ne sont d'ailleurs que très peu informés des réhabilitations qui s'opèrent, ils deviennent observateurs et non plus acteurs (alors que les projets urbains décrits par le marketing urbain doivent prendre en considération les attentes des habitants). Le marketing urbain dont le développement aboutit à un projet de ville devient donc un risque d'enfermement et d'exclusion des populations alentours.

3. Quelques exemples européens de résilience par la culture

Le processus de reconquête des Friches industrielles entre donc dans un processus de régénération urbaine qui dépasse le simple cadre physique des Friches et leur caractère culturel. Ce phénomène n'a pas simplement été perçu comme banal lorsque sa fréquence d'apparition s'est accélérée. On peut alors se demander quels sont les enjeux économiques de ces nouveaux lieux culturels ? Est-ce que ces lieux engendrent seulement des impacts pour le propriétaire de la Friche ou pour l'ensemble des acteurs autour de cet espace ? Finalement, devons-nous étudier l'impact de la Friche seulement à l'échelle de la structure, ou à celle du quartier, de l'arrondissement, voire de la ville ?

Pour tenter de répondre à ces questions, nous allons étudier plusieurs exemples qui sont similaires sur certains points et dissemblables sur d'autres.

a) Exemples allemands : Wolfsburg et Cottbus7(*)

Wolfsburg est située en partie occidentale de l'Allemagne et Cottbus en partie orientale. Wolfsburg a longtemps été une ville-usine de 100 000 habitants environ. Cette ville a suscité l'engouement de nombreux chercheurs et urbanistes et de nombreux travaux y ont été réalisés. En 2000, l'usine Volkswagen s'associe à la ville pour en faire une « ville évènementiel »8(*). Le groupe automobile et la ville misent alors sur la culture comme développeur économique. Un parc d'attraction et un musée automobile sont créés ainsi qu'un stade modulable, un musée d'art contemporain, un parc de loisirs incluant un complexe aquatique et une patinoire, un complexe de cinémas, une « City Galerie » et plus récemment une antenne universitaire. Et toutes ces réalisations ont été érigées en seulement dix ans. Ils ont donc totalement misé sur la culture comme développeur urbain. La ville voit en ce projet un moyen d'acquérir des retombées économiques surtout s'agissant du tourisme. C'est aussi un très bon moyen de se rendre attractive et compétitive. Volkswagen y trouve aussi son compte dans une diversification de son économie et dans une renommée forte auprès des touristes qui viennent désormais à Wolfsburg pour « visiter » l'automobile. La culture apparaît ici comme divertissement, et la ville l'a choisie pour se renouveler et attirer des visiteurs. Mais le cas de Wolfsburg reste rare et atypique. Cet exemple reste d'ailleurs trop récent et il n'y a pas assez de données économiques pour vérifier son efficacité.

Concernant l'exemple de Cottbus, on se trouve dans une ville qui a subi le déclin du textile et de la production de lignite. Cottbus a tenté de faire asseoir cette réputation de « ville perforée » en mettant à disposition des espaces verts qui représentent aujourd'hui un tiers de sa surface communale. Elle a également diversifié son offre éducative. Le pari semble gagné puisque l'école d'architecture reçoit des inscriptions d'étudiants venus de toute l'Allemagne. Grâce à cette notoriété et à des subventions de l'Europe, elle a créeune bibliothèque universitaire et communale. C'est un investissement important dans la culture et l'éducation. L'architecture de la bibliothèque a même fait l'objet d'un prix, et de nombreux architectes et étudiants s'y intéressent aujourd'hui. Ce bâtiment est devenu l'emblème de la ville. Bien que la ville a misé sur la culture pour se redynamiser et attirer une nouvelle population, le fait d'y ajouter un caractère éducatif à toute son importance. Cela la rend attractive.

Ces deux exemples allemands sont donc bien différents. D'un coté, Wolfsburg, qui, par une collaboration avec un acteur privé qu'est le groupe Volkswagen, a su développer sa ville par de grands aménagements culturels. On est donc dans un partenariat public-privé. De l'autre, Cottbus, qui a pu se redynamiser par l'éducation et la culture. C'est un partenariat avec l'Europe, donc public-public.

b) Exemples anglais : Birmingham

La Friche de CustardFactory(ANDRES L., 2011), à Birmingham, illustre un partenariat privé-privé. Cette Friche s'est développée sur une ancienne usine de crème anglaise de deux hectares, abandonnée dans les années 1980, dans le quartier de Digbeth, à l'Est du centre-ville. La ville, qui subit de plein fouet la crise économique, remet alors en question son positionnement comme ville industrielle. C'est un promoteur spécialisé dans le développement d'entreprises créatives et artistiques, Benny GRAY, qui rachète cette usine en 1988. Il propose alors, dans un premier temps, à trois artistes de s'y installer. Quelques mois plus tard, c'est soixante-dix artistes qui s'y installent grâce au marketing urbain et aux loyers abordables. Le lieu abrite aujourd'hui de multiples industries créatives ainsi qu'un restaurant et une boite de nuit. On a donc, d'un coté, un promoteur privé qui veut développer de l'artistique et du créatif, et de l'autre, les artistes voulant s'exprimer. C'est un peu un projet gagnant-gagnant entre les acteurs. Le développement de cette Friche a permis des retombées économiques remarquables, et la mise en avant du responsable des projets, le promoteur, ainsi qu'une réussite et une reconnaissance des artistes. Aujourd'hui, cette Friche est subventionnée au niveau national, régional et européen. Elle comptabilise trois cents entreprises et quelques sept cents salariés. Outre sa réhabilitation et son marketing urbain, elle s'est lancé dans une phase 2 de rénovation, avec deux nouveaux bâtiments pour permettre son extension.

Au même titre que la CustardFactory, The Bond est un ancien entrepôt du XIXème siècle adjacent au Grand union canal. The Bond Compagny, acteurs privés, rachètent cet entrepôt en 1988 pour y instaurer une démarche innovante et créative de régénération. On y trouve aujourd'hui des bureaux, des lieux de réunion, des cafés pour les activités liées au multimédia et aux services des entreprises. Ce projet a également pu être développé grâce à des fonds locaux, régionaux, nationaux et européens (ANDRES, CHAPAIN, 2010).

C'est donc toute une stratégie qui s'est mise en place à Birmingham autour du développement des industries créatives et culturelles. Bien que ces deux expériences s'affichent en tant que leviers dans la création d'un quartier créatif, il n'y a pas vraiment de politiques et d'actions foncières. Finalement, c'est surtout par le biais d'acteurs privés de type promoteurs ou propriétaires que la régénération de ces Friches est possible. Par contre, le rayonnement en profite à tout le territoire. On assiste donc plutôt à des stratégies opportunistes qu'à de véritables politiques de régénération urbaine et culturelle.

c) Exemple français : Reims et Marseille

Pour le cas français, prenons deux exemples qui oscillent autour de notre concept : des Friches culturelles. On compte vingt mille hectares de Friche en France dès la fin des années 1980. Leur transformation est donc un enjeu considérable dans la perception du paysage urbain. La culture étant un vecteur du développement local (selon le rapport de l'OCDE publié en 2005), la reconversion de ces Friches en lieux culturelles semble donc être un bon compromis. Bien que ces nombreuses réhabilitations se caractérisent par leur diversité, il n'en demeure pas moins que des convergences existent. Dans tout les cas, la Friche est une réponse au manque de lieux des artistes, elle est un support à leur travail. Le but est également d'éviter la rupture de se lieu et d'en faire, au contraire, une mutation. Les différences qui émergent viennent donc en aval de cette appropriation du lieu.

La Friche artistique de Reims où s'est installée un laboratoire culturel sur une Friche d'une entreprise pharmaceutique est notre premier exemple français. Le laboratoire est dédié à la recherche d'innovation. Et, au-delà, il permet une continuité du patrimoine du lieu. Il est né d'une collaboration entre la municipalité et les acteurs locaux. Son but est de cautériser les blessures économiques et sociales du territoire. Aussi, le projet a pour ambition de redéfinir le rapport de l'art à la ville. C'est donc un projet politique et un projet culturel (JEANGIRARD, 2011).

Notre deuxième exemple concerne la Friche la Belle-de-Mai, à Marseille, qui sera notre objet d'étude dans la suite de ce mémoire. C'est d'ailleurs sans aucun doute la plus connue de toutes. Elle est initiée par le Système Friche Théâtre, et donc par des artistes, qui s'installent sur une ancienne manufacture de tabac en 1992. Le SFT devient ensuite SCIC et va gérer, par un bail emphytéotique avec la ville qui rachète le bâtiment en 1998, la reconversion de cette espace. Elle suit notamment le projet « un projet culturel pour un projet urbain » décidé par l'architecte Jena Nouvel en 1995. La ville va ensuite édifier deux autres pôles sur l'ancienne manufacture, un Pôle Patrimoine et un pôle culturel. C'est donc aujourd'hui un espace unique qui rassemble la culture, le patrimoine et le multimédia. (ANDRES L. et GRESILLON B. (2011), DELLA CASA F. (2013), LABARTHE F. (2013))

On a donc deux cas : d'un coté Reims, dont le laboratoire culturel a été directement décidé et aménagé par la ville, et de l'autre Marseille, initié par des artistes. Dans les deux cas, les politiques de développement culturel et économique ont toute leur importance.

Nous avons définit,dans ce chapitre, ce qu'est une Friche culturelle. C'est un lieu qui a été abandonné et qui a fait l'objet d'une réhabilitation pour sa régénération. Il existe différents types de Friches : institutionnelle gérée par les collectivités, les alternatives plus récentes, etc. Ces Friches rassemblent toutes des artistes et quelques fois d'autres industries culturelles et créatives. Mais existe t-il un partenariat entre ces industries ? Est-ce que, par extension, ces Friches peuvent être des écosystèmes d'interactions ?Nous tenterons, pour répondre à cette interrogation, de définir dans le prochain chapitre, le concept de cluster créatif qui est un espace où se rassemblent des industries de même secteur autour d'un projet commun. Cela nous permettra, pour la suite de notre mémoire, de voir si le Pôle de la Belle-de-Mai, qui rassemble des industries créatives et culturelles, est un cluster ou si, au contraire, il ne fonctionne pas en synergie.

Chapitre 2 : Le cluster créatif

Le cluster est, par définition, « des concentrations géographiques d'entreprises liées entre elles, de fournisseurs spécialisés, de prestataires de services, de firmes d'industries connexes et d'institutions associées (universités, agences de normalisation ou organisations professionnelles, par exemple) dans des domaines particuliers, qui s'affrontent mais coopèrent aussi » (M. PORTER, 1999, p.206). C'est donc un groupe d'entreprises et d'institutions qui ont les mêmes domaines de compétence et/ou les mêmes secteurs d'activité. Dans notre cas d'étude, nous parlerons des clusters créatifs, où sont regroupées des industries du secteur créatif.Nous avons choisi d'étudier le cluster créatif et pas simplement le cluster culturel puisque la Belle-de-Mai regroupe des industries culturelles mais aussi créatives (l'économie créative regroupant les industries des secteurs culturels et créatifs). Nous tenterons ainsi, en premier lieu, de définir ce que sont la créativité et les industries créatives. Nous verrons ensuite comment le cluster est rendu possible, et enfin nous montrerons ses limites.

1. De l'industrie culturelle à l'industrie créative

a) La créativité : émergence d'un concept économique du XXIème siècle

Bien que le terme de créativité soit présent dans certains travaux scientifiques du XXème siècle, c'est au XXIème qu'il émerge au sein d'une économie post-industrielle moderne fondée sur les savoirs. L'un des économises le plus connu ayant étudié dans ce domaine est J.SCHUMPETER qui, dès le XXème siècle, souligne l'importance de la créativité dans l'économie. C'est l'un des théoriciens pionniers qui met en lien économie et créativité. On voit par la suite fortement apparaître la créativité dans la théorie de l'économie culturelle. Mais le terme d'industrie culturelle est, à son origine, plutôt péjoratif. En effet, les premières études avancées tendent à montrer que la culture de masse - ou globalisée - conduirait à la perte de la créativité et de l'artistique dans son dynamisme local. Finalement, lier économie et culture reviendrait à uniformiser la culture à l'international et à détruire les particularités créatrices locales(REGOURD S., 2002).

Néanmoins, ce modèle a fortement évolué et la culture apparaît aujourd'hui comme essentielle dans le développement économique. L'idée qui ressort est que la culture est devenue une économie à part entière issue d'un processus de production. La créativité au sens propre du terme est surtout un outil marketing. On parle d'une économie créative c'est-à-dire de la montée en puissance de la créativité et de la création dans l'économie globale. La créativité permet aussi l'attractivité du territoire (BOUQILLION P., LE CORF J-B., 2010).

La créativité a fait l'objet de nombreuses études institutionnelles dans le monde. On trouve évidemment l'UNESCO qui étudie l'impact de la culture sur le développement à travers le monde. On a aussi d'autres organisations comme l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), la Banque interaméricaine de développement, l'OCDE, ainsi que l'Agence exécutive Education, Audiovisuel et Culture de l'Union européenne. L'OMPI, par exemple, prend en compte les activités économiques donnant lieu à de la propriété intellectuelle. Elle a d'ailleurs créé un guide pour l'évaluation de la contribution économique des industries du droit d'auteur. L'existence de ces nombreuses recherches est vitale dans l'élaboration de politiques nationales et sous-nationales de soutient à la croissance des industries culturelles et créatives. Elle montre aussi un intérêt certain pour les industries créatives et leur potentiel économique (IDRIS K., 2013).

b) De l'industrie culturelle...

Actuellement l'économie et la culture sont deux disciplines qui se croisent et se complètent de plus en plus (SCOTT, 2000). Les secteurs des industries culturelles font désormais entièrement partie de l'économie post-industrielle ou plutôt néo-libérale (PRATT, 2009). Ces industries ont élu domicile dans des lieux abandonnés puisqu'elles avaient besoin d'un espace où elles pourraient travailler en synergie ou en réseau. Ces différents espaces font partie intégrante de ce que l'on appelle aujourd'hui la ville « créative ». La promotion de cette ville fait aujourd'hui partie intégrante des politiques et stratégies des grandes métropoles urbaines.

Les grandes métropoles mondiales se sont beaucoup intéressées,depuis les premiers projets de réhabilitation des Friches industrielles par la culture, aux dynamiques et impacts que pourraient avoir ces projets sur leur territoire environnant. Les Friches culturelles, au-delà du simple lieu de production artistique, sont devenues de réels support aux politiques de régénérations urbaines et de développement de l'économie créative (LIEFOOGHE C., 2010).

Le lien entre économie et créativité passe donc par l'étude de l'industrie culturelle. Cette industrie culturelle englobe les secteurs du cinéma, de la télévision, de la presse, des jeux vidéo, de l'édition de livres ou de disques. Ce sont donc des secteurs qui touchent à la production, la création et la commercialisation de contenus créatifs de nature culturelle et immatérielle9(*).

c) ...à l'industrie créative

Bien que très souvent confondue avec l'économe culturelle, l'économie créative doit faire l'objet d'une autre approche puisqu'elle s'en distingue légèrement. Les industries créatives englobent en effet les secteurs des industries culturelles, ainsi queceux des industries créatives. On obtient donc neuf secteurs, selon la définition de la DCMS (Department for Culture, Media and Sport) : publicité et marketing, architecture, logiciels, musique et spectacle vivant, édition, musées et bibliothèques, audiovisuel, artisanat et enfin design (UNESCO, 2006).

C'est au Royaume-Uni que le terme d'industrie créative apparaît en premier, dans les années 1990 (OCDE, 2014). Sa définition tend alors à se substituer à celle d'industries culturelles. Ce sont également les pionniers pour ce qui est de l'étude de l'industrie culturelle. Ils réalisent notamment un mapping culturel entre 1998 et 2001, et définissent à ce moment l'industrie créative en treize domaines distincts : (1) publicité, (2) architecture, (3) art et antiquités, (4) artisanat, (5) design, (6) mode, (7) cinéma et vidéo, (8) logiciels interactifs de loisir, (9) musique, (10) arts du spectacle, (11) édition, (12) services informatiques et de logiciels, (13) télévision et radio. Ce système de classement a permis de nombreuses études à travers le monde.

Il sera ensuite modifié pour obtenir neuf secteurs distincts, que nous avons définit dans le paragrapheprécédent.

Graphique 1 : cercle concentrique représentant les industries créatives par rapport à l'ensemble de l'économie

Source : WorkFoundation, 2007. In Nordic Innovation Centre. Creativeeconomy green paper for the Nordicregion, 2007, p.19.

Les industries créatives sont donc des« [...] industries qui ont leur origine dans la créativité individuelle, la compétence et le talent et qui ont un potentiel de richesse et de création d'emplois par la création et l'exploitation de la propriété intellectuelle» (SOULARD, CAMORS, 2010, p.18).

Finalement, les industries créatives sont des secteurs importants au développement de l'économie et du rayonnement de la ville. Elles participent à son attractivité, dans une économie industrielle plus centrée sur l'innovation et les actifs immatériels et moins sur la production et les actifs matériels. Les industries créatives se développent rapidement au sein de l'économie globale. L'économie créative revient finalement à créer de la valeur et de l'emploi à travers la créativité individuelle ou celle d'un petit groupe, ou encore la compétence et les talents des entreprises. Il faut donc prendre en compte les richesses et la propriété intellectuelle que sont capables de mettre en place les entreprises.

Certains secteurs d'activités créatives qui se diffusent par les nouvelles technologies de communication, comme la publicité ou les jeux vidéo, influencent directement les industries culturelles que sont l'édition, le cinéma et la musique. Finalement, l'innovation et les nouvelles technologies qui constituent les industries créatives ont un impact direct sur les industries culturelles. Elles ne sont pas seulement liées par le fait que les industries créatives, par définition, regroupent les industries du secteur culturel et du secteur créatif. Elles le sont également car elles s'inspirent les unes des autres (PARIS T., 2010). Les nouvelles technologies constituentaussi des facteurs de croissance et influent sur les nouveaux modes de consommation.

Concernant les politiques liées à ces industries créatives, c'est quelques 654 milliards d'euros distribués dans l'Europe avec une croissance de 10% par an. En Allemagne c'est 40 milliards d'euros, en France 33,5 milliards avec une augmentation de 2,5% par an pour 5,8 millions de salariés dans le créatif. Les investissements qui sont faits pour soutenir cette filière ne sont donc pas négligeables. De plus en plus, les pays se rendent compte que l'industrie créative participe au développement économique et qu'il est important de la soutenir(BOUQILLION P., LE CORF J-B., 2010).

2. Le cluster fondé sur des industries innovantes et compétitives

a) FLORIDA et la classe créative

Richard FLORIDA est sans doute l'un des chercheurs les plus connus ayant travaillé sur la créativité. Il a d'ailleurs développé une thèse de la classe créative10(*). Sa théorie se base sur un lien entre le potentiel créatif d'un espace géographique ou d'une catégorie de la population en particulier et l'innovation nécessaire au développement économique. Elle a été beaucoup critiquée, et notamment d'un point de vue méthodologique puisque la définition de la « classe créative » est assez floue et qu'il y a un manque de rigueur dans la construction scientifique de ce concept.

La théorie de Richard FLORIDA s'inscrit dans la suite des travaux de VEBLEN (1899) et MILLS (1951) qui avaient déjà, à l'époque, constaté l'émergence d'une classe sociale selon l'évolution économique urbaine. Elle fait également suite aux travaux de l'école de Chicago qui prônent l'influence du mode de vie urbain sur la personnalité des individus.

La « classe créative » serait donc une classe qui regrouperait des personnes qui élaborent de nouvelles idées, technologies et contenus créatifs. La ville est pour lui le lieu de la créativité et de l'innovation. Les centre-ville, du fait qu'il concentre un plus grand nombre de population, serait à l'origine de l'innovation (c'est également ce que défend Lewis MUMFORD, 1970). Il définit même « the creative ethos », soit pas traduction, des génies de la créativité. Selon lui, the « humancreativityismultifaceted and multidimensional »11(*), soit par traduction la créativité humaine est à multiples facettes et multidimensionnelle. La place des « creative ethos » est importante dans la création d'activités nouvelles, et c'est ce qu'il étudie dans sa thèse.Il associe le développement des villes à la place de ces génies créatifs. Il décrit « le capital créatif » comme étant le capital humain qui caractérise le potentiel d'innovation en milieu urbain. Il relie également le développement des villes avec le principe des trois T, c'est-à-dire la Tolérance, les Technologies et le Talent. FLORIDA s'oppose également à certaine théorie comme celle de Philippe AYDALOT qui place le territoire comme facteur générateur de l'innovation et non pas l'individu (AYDALOT, 1986).

Les critiques qui ont émergées sont celles qui remettent en cause le fait qu'une concentration dite créative engendre l'innovation et la croissance économique. Certains chercheurs comme LANG (2006), SHEARMUR (2006), MALANGA (2005) et KOTKIN (2004) considèrent que la classe créative de Richard FLORIDA est inexploitable puisqu'elle n'a pas de fondement empirique et aucune méthodologie scientifique. Finalement, FLORIDA se base sur sa propre définition du capital humain qui serait, selon lui, la clé du développement économique en milieu urbain. La ville doit même, selon lui, s'adapter au besoin de cette catégorie professionnelle pour pouvoir la faire venir et surtout la faire rester puisqu'elle est nécessaire à son développement économique.

Le concept de FLORIDA est tout de même repris dans de nombreuses villes. Il semble plus simple d'attirer les « créatifs » que d'attirer des entreprises entières. Premièrement, c'est moins couteux et deuxièmement, ce sera un choix personnel et non un choix de groupe. Richard FLORIDA a d'ailleurs été consulté dans de nombreuses villes Nord-Américaines et ses concertations ont permis la mise en place de politiques spécifiques dans les années 2000 pour attirer la classe créative. ZIMMERMAN décide d'étudier le développement de ces villes en 2008, et il découvre que les résultats à l'échelle de l'agglomération sont inexistants12(*).Il n'y a ni plus ni moins de créatifs dans la population depuis huit ans, les directives ayant été mises en place en 2000. Mais FLORIDA reste très repris.En Europe, par exemple, les politiques de développements artistiques et culturelles se servent de sa théorie. Le discours qui a permis ces politiques se trouve dans la nécessaire attraction des créatifs. On trouve aussi, à coté de ces aides au développement culturel, des politiques pour attirer le créatif. En effet, selon FLORIDA, « the creative ethos » choisissent une ville pour s'y installer sur la base de la qualité de vie, de l'ambiance urbaine, de l'ouverture aux minorités et de la vitalité des activités culturelles. C'est donc plutôt des facteurs urbains qui ne sont pas du tout traditionnels, comme le serait l'emploi, les rémunérations, ou les infrastructures.

Finalement, la thèse de FLORIDA est un peu paradoxale. Selon lui, les créatifs sont attirés par des facteurs « soft ». Ces mêmes facteurs sont créés par des politiques urbaines et culturelles et donc par le développement économique. Et, toujours selon lui, le développement économique et culturel n'est possible que par la présence de la « classe créative ». Il serait donc intéressant de voir, dans notre étude réalisée à la Belle-de-Mai, pourquoi les créatifs sont venus s'installer sur ce territoire. Nous pourrions également les interroger sur leur mobilité,c'est-à-dire d'où viennent-ils et depuis combien de temps sont-ils ici.

b) PORTER pour l'innovation et la compétitivité

o de l'oubli de l'enseignement des analyses en matière de système national d'innovation...

Selon FREEMAN (1988), l'innovation technologique ne peut se comprendre indépendamment du contexte socio-institutionnel dans lequel elle s'insère et qui la favorise. Puis, d'autres auteurs comme CARLSSON et STANKIEWICZ en 1991, LUNDVALL en 1992, METCALFE, 1995, FREEMAN en 1995, NELSON en 1988 et 1993 ont étudié ce concept d'une manière plus approfondie. Selon eux, « l'innovation ne peut être appréhendée uniquement d'un point de vue micro-économique [...] mais il est nécessaire d'intégrer des éléments contextuels à l'entreprise qui relèvent du pays dans lequel elle est localisée. ». Ces analyses en matière de systèmes d'innovation vus à échelle nationale ont fait l'objet de nombreuses critiques (DELAPLACE, 2001). Ainsi, on aboutit à une remise en question de cette étude. L'existence de « déséquilibres régionaux dans l'innovation et les performances de croissance » (Mac KELVEY, 1991) suppose que la nation n'est pas l'échelle la plus pertinente et que les espaces intra-nationaux pourraient jouer des rôles bien plus fondamentaux dans la capacité des firmes à innover.

o ... à la nécessité d'articuler les différentes échelles spatiales de l'innovation

C'est PORTER (1999) qui choisit le premier d'analyser différentes échelles spatiales de l'innovation. Son étude du concept de cluster a rapidement été utilisée comme politique économique. Néanmoins, son analyse reste une analyse plutôt globale des déterminants de la compétitivité d'une entreprise. Selon lui, « la compétitivité des firmes dans une industrie et un pays donnés peut être analysée à partir de quatre grands déterminants stratégiques qui se renforcent les uns les autres (le contexte de la stratégie et de la rivalité d'entreprises, les conditions des facteurs de production, les conditions de la demande et les industries connexes et reliées qui constituent, au sens strict avec l'industrie considérée, le cluster) » (DELAPLACE, 2011). Les grappes industrielles (par traduction du terme « cluster ») sont le produit des interactions entre ces quatre éléments. Ces quatre déterminants représentent donc l'avantage concurrentiel des entreprises. Le cluster ne fonctionnera donc que si ces quatre déterminants entre en relation et pas seulement au niveau local (toujours selon PORTER). Si ces quatre éléments entrent en relation, alors le cluster sera une concentration géographique d'entreprises d'un même secteur qui collaborent et qui seront en concurrence.

PORTER voit également le cluster comme auto-renforçant. En effet, il permettrait de stimuler les stratégies compétitives des firmes ; et les firmes, par leurs stratégies compétitives, renforceraient la compétitivité du cluster. Toujours selon lui, l'organisation d'un écosystème de type cluster permettrait l'accroissement de la productivité des firmes et des industries, le renforcement de leur capacité d'innovation et la stimulation du développement de nouvelles activités et de nouvelles firmes. PORTER, contrairement à de nombreuses théories, utilise les comportements individuels ainsi que la dimension spatiale pour comprendre les changements. Grâce à ce changement, on peut ainsi étudier les relations qu'ont les acteurs entre eux et non plus les entreprises entre elles.

c) Le modèle de la SiliconValley

La SiliconValley est un exemple notamment repris par PORTER pour documenter son concept. Situé au Sud de San Francisco, cet espace se réparti sur quinze kilomètres de large et cinq de long. Elle se trouve entre Palo Alto et San José dans Santa Clara County. Santa Clara County était une zone agricole depuis la fin du XVIIIème siècle. L'université de Stanford y a été créée en 1885. Son rôle dans le développement de la « SiliconValley » a été primordial. Son ascension a favorisé le développement de l'industrie de la microélectronique et en retour la SiliconValley a contribué à la reconnaissance de cette université. C'est dans la période d'après guerre que le territoire connaît des politiques militaires pour mieux communiquer, plus vite et de manière plus sûre. Et c'est grâce au développement de l'électronique mais aussi de la radio que la SiliconValley a pu se développer.

Le professeur Fred TERMANN est l'homme visionnaire de la SiliconValley. Il crée le StanfordResearch Institute pour permettre aux étudiants de trouver un travail directement à la SiliconValley au lieu de s'exiler et aussi pour fournir aux salariés des entreprises des formations spécifiques en nouvelles technologies. Il va fortement contribuer à la culture entrepreneuriale de la vallée : les étudiants sont stimulés par l'enseignement des créateurs d'entreprises pour eux-mêmes en créer de nouvelles.

Carte 1 : les industries créatives de la Silicon Valley

Source : https://impulsion2point0.wordpress.com/2010/11/08/credo-of-silicon-valley/

Le milieu est donc aujourd'hui particulièrement créatif, partagé entre l'enseignement avec l'université de Stanford et de Berkeley et les valeurs de solidarité collective que l'on retrouve à San Francisco. Il y a une dynamique de partenariat et de mobilité de carrière qui s'est mise en place sur le territoire. C'est notamment lié au fait que la recherche académique et la production se complètent. L'échec est aussi totalement accepté. Selon la mentalité américaine, un entrepreneur qui échoue est une personne qui a su tirer des leçons d'une expérience et qui a acquis maturité et persévérance. Ensuite, les entreprises de la SiliconValley se doivent d'être coopératives et en compétition, c'est d'ailleurs l'un des principes du cluster. Les réseaux sociaux qui se forment permettent le partage de connaissances, des échanges, et à terme, des partenariats. La SiliconValley est aussi un modèle puisqu'elle a toujours su s'adapter aux crises auxquelles elle a du faire face. Le fait qu'elle concentre des entreprises innovantes en fait un écosystème fortement instable (crise, cycles, dépressions, etc.). Finalement, ce qui fait le succès de la SiliconValley, c'est son adaptabilité qui est autant un atout qu'une nécessité (FERRARY M., 2008).

3. Importance de l'institutionnel et de la coordination d'acteurs

a) Le cluster en tant qu'enjeu politique

Le développement économique dont fait partie le cluster est une vitrine du renouveau économique. Il permet l'attractivité d'un territoire. Son objectif est de faciliter les connexions entre le territoire local et international. Mais c'est aussi et surtout un très bon outil marketing urbain. Plus largement, la ville créative est un effet de mode. Aujourd'hui, le créatif est trop souvent utilisé comme synonyme d'artiste. On en oublie l'esprit créatif, on réduit simplement ce secteur à une aptitude. Mais le terme créatif est vendeur. Il permet l'attractivité d'une ville. Il lui permet d'être connue et reconnue à travers sa capacité à créer et à rayonner.

La créativité et l'innovation sont notamment utilisées dans les politiques de développement économique. Ces notions font échos aux travaux de plus en plus nombreux depuis la reconnaissance du secteur créatif en 1990 au Royaume-Uni. La notion de créativité s'est d'ailleurs amplifiée dans le discours suite à la théorie de Richard FLORIDA. Les villes veulent être les plus attractives, les plus créatives. Développer la créativité sur son territoire c'est la garantie de développer son économie.

Le succès de la ville créative est notamment dû aux rapports et aux politiques créatives européennes. En effet, dès les années 2000, des rapports officiels sur la créativité et les industries créatives sont publiés en Europe13(*). Deux visions différentes de la place de la créativité ressortent de ces rapports : l'une place la créativité dans le domaine du culturel et de l'esthétique, c'est-à-dire que la créativité serait un secteur des industries créatives, et l'autre s'intéresse à la diffusion de l'innovation et de la créativité dans la société. La deuxième vision par exemple, va s'intéresser à la notion de réseau. Ces différentes études amènent à penser que la créativité devient une thématique centrale dans le renouvellement du marketing territorial. Tous les rapports parlent de territoire créatif. Selon ces rapports, un territoire créatif doit être attractif, il doit permettre aux entreprises de s'ancrer et il doit avoir une tolérance culturelle et une ouverture à l'immigration. Ces mêmes rapports préconisent également la mise en place de mesures pour faire venir le créatif et pour le faire rester. Le succès de la ville créative ne réside d'ailleurs pas seulement dans ces politiques, il est aussi la conséquence de la labellisation de l'UNESCO qui, en 2004, a crée un réseau des villes créatives afin de « promouvoir la coopération avec et entre les villes ayant identifié la créativité comme un facteur stratégique du développement urbain durable »14(*).

Finalement, être une ville créative n'apparaît-il pas simplement comme une logique de marketing territorial ? La ville créative est devenue en quelque sorte un « label », un outil à l'attractivité. C'est n'est plus seulement la clé de la réussite, la solution au développement économique et culturel, c'est aussi un bon outil au rayonnement de la ville. Mais sans cette labellisation, sans cet outil de marketing, est-ce que le cluster pourrait exister ?

b) Le principe de proximité : point clé de la réussite du cluster

En suivant le concept que nous venons de présenter, le cluster se définit par un ensemble de créatifs qui se trouvent sur un territoire créatif où l'innovation est possible. Mais pas seulement. Le tout doit fonctionner en synergie et l'institutionnalisation ou les labels ne suffisent pas : il faut qu'il y ait de la proximité entre les créatifs. D'un coté, il faut que les acteurs soient proches géographiquement, puisqu'ils sont sur un même espace, mais aussi qu'il y ait une certaine organisation qui se mette en place entre eux.

- Proximité géographique :

On constate, dans toutes les définitions du concept de cluster, l'importance de la proximité géographique. Pour que des entreprises s'organisent et s'affrontent, il faut qu'elles soient en lien direct, c'est-à-dire à proximité géographique. Bien que la mobilité des acteurs et l'innovation des technologies de communications et de transports ont permis de rapprocher les personnes qui travaillaient autrefois à longue distance, celles-ci ne permettent pas de créer un écosystème de type cluster. Les partenariats à distance restent de l'ordre du contractuel, alors que les interactions à proximité sont aussi des rapports physiques entre les acteurs. Elles permettent aussi de mettre en concurrence des industries d'un même secteur qui sont sur un même lieu. Leurs interactions font leur force et leur attractivité et leur proximité fait leur compétitivité. Certains clusters se rapprochent même du district marshallien, c'est-à-dire qu'ils reposent sur la proximité spatiale d'un même secteur culturel ou créatif.

Mais au-delà du fait que la synergie d'entreprises est importante entre les industries d'un cluster, les partenariats avec des entreprises venues d'autres territoires ne sont-ils pas tout aussi importants ? Dans un cluster se met en place un réseau qui permet aux entreprises d'échanger leurs compétences et de travailler en synergie. Mais comme nous avons pu le voir à travers la définition de la proximité, tout est relatif. La synergie peut tout aussi bien s'établir avec des entreprises venues d'ailleurs, l'échange de savoir-faire aussi. Finalement, il semble important de stipuler que, pour qu'un écosystème soit de type cluster, les entreprises doivent obligatoirement être proches géographiquement et être en synergie les unes avec les autres, même si elles le sont aussi avec des entreprises de l'extérieur. C'est ce que fait d'ailleurs PORTER, dans sa définition, puisque selon lui, un cluster est "un groupe d'entreprises et d'institutions partageant un même domaine de compétences, proches géographiquement, reliées entre elles et complémentaires" (PORTER, 1999).

D'autres chercheurs, comme LEHMANN (2004) et MENZEL (2005) ont mis en avant le fait que la proximité spatiale semblerait aller en faveur de la diffusion de connaissances tacites et explicites. MENZEL a d'ailleurs décrit l'« effet cafétéria » par lequel les gens entrent en contact de façon non formelle et échangent des informations auxquelles ils n'auraient sans doute jamais eu accès sans cela. En fin de compte, la proximité géographique permet de mettre les acteurs en confiance et leur donne envie de faire des efforts supplémentaires pour que des échanges naissent.

- Proximité organisée

La proximité organisée, qui correspond à la corrélation entre des entreprises qui partagent des savoir-faire et des connaissances communes, et, au même titre que la proximité géographique, un point indispensable à la création d'un cluster.

André TORRE (2010) par exemple, réalise un schéma d'articulation des proximités organisées et géographiques. Dans le cas P1, ce sont des entreprises ou personnes qui se trouvent à proximité sans pour autant échanger.

Graphique 2 : articulation des proximités géographique et organisée. Source : André TORRE, 2010

La situation P2 illustre le cas où les entreprises ne sont pas sur le même lieu et ne se rencontrent pas. La possible mise en interactions repose sur les actions d'individus ou d'institutions. Enfin, le cas P3 est le cas des Systèmes Localisés de Production. Ce sont des réseaux d'innovation au sein desquels la proximité géographique et organisée favorisent la mise en processus d'interactions et coordinations. C'est grâce à ce rapport proximité géographique et organisée que les entreprises sont en synergie au sein d'un cluster.

Mais la proximité organisée doit être déclenchée par des actions. Il doit aussi y avoir certains liens à activer. C'est pourquoi, bien que le cluster soit souvent défini simplement par ces deux premières proximités, la proximité sociale et la proximité institutionnelle semblentaussi avoir toute leur importance, c'est pourquoi nous avons choisi de dédier notre prochain chapitre à l'étude dynamique des proximités. Ce chapitre nous permettra ainsi de mieux comprendre les dynamiques du cluster où proximité géographique et organisée permettent aux entreprises d'interagir et de collaborer.

c) Les limites du cluster et du secteur créatif

Le terme de cluster créatif est passé à celui de territoire de la culture et de la création. Ce rapport fort entre territoire et cluster est notamment dû à la théorie de Richard FLORIDA selon laquelle parce qu'il y a des créatifs sur un territoire, alors ce dernier est créatif. Mais si le cluster n'est pas suffisant à développer un projet de territoire ? Pour qu'il y ait projet de territoire, il faut qu'une ressource économique (par exemple la créativité) soit déclenchée par des acteurs au sein d'un territoire. Lorsqu'un cluster se développe sur un territoire, certes son attractivité profite à la ville, mais ne profite pas forcement au territoire local sur lequel il est.

De plus, le cluster est un espace où s'inventent de nouvelles formes de précarité dans l'emploi15(*). Dans un territoire créatif, la part des diplômés est plus importante, et donc l'emploi n'est pas accessible aux habitants du territoire. Si l'on suit la théorie de FLORIDA selon laquelle la ville doit faire venir les créatifs, on peut comprendre que la ville doit attirer de l'emploi et non en créer. L'enjeu est surtout de donner un sens à son territoire par la créativité, et non pas de le régénérer. Le secteur créatif est également un secteur très fragilisant pour les individus. Les réseaux personnels sont importants, il y a une incertitude des ressources, une flexibilité horaire obligatoire, une individualisation, une généralisation des formes d'emplois atypiques, une fragilisation des statuts.

En fin de compte, le cluster créatif participe bien à l'attractivité de la ville. En dehors de ça, il est plutôt désavantageux pour les salariés. Il ne participe pas systématiquement au développement du territoire local sur lequel il est présent. Ce n'est pas lui qui va permettre le projet de territoire. Finalement, le cluster est sur un territoire, mais parfois, il n'y a pas de raison légitime si ce n'est le rayonnement de la ville.

Chapitre 3 : Analyse dynamique des proximités

Ce chapitre fait suite aux deux précédents et regroupe les différentes notions de proximité. Il a pour but d'en définir les termes et de comprendre leurs liens et leurs limites. Nous nous baserons notamment sur l'analyse qu'y en est faite depuis le début des années 1990 par des économistes, des sociologues et des géographes. Cette analyse est en partie fondée sur le dyptique « proximité géographique/proximité organisée ». En premier lieu, nous rédigerons un inventaire succinct de l'analyse de la proximité. Nous définirons ensuite plus particulièrement les notions de proximité géographique et organisée et nous finirons par les mettre en liens dans une perspective de développement et d'innovation. L'analyse de se rapport qui définit notamment le principe de cluster qui peut se développer au sein d'une Friche culturelle va nous permettre de comprendre les limites de ces écosystèmes.

1. L'école de la proximité

a) Les différentes approches de la proximité

Le groupe "Dynamiques de Proximité" composé d'économistes, sociologues et géographes, porte depuis le début des années 1990 une réflexion collective qui vise à mettre en évidence des convergences et cohérences dans les nouvelles approches théoriques de l'espace. Il se base notamment sur le fait que l'espace n'est pas neutre et qu'il doit être pris en compte dans les analyses. Leur ambition est d'expliquer la nature des effets de proximité et de contribuer à la valorisation de cette espace dans les sciences sociales. En effet, « l'objectif principal de ce groupe de?recherche est de déterminer la nature des?effets de la proximité et d'établir le rôle?endogène de l'espace dans la théorie économique. » (BOSCHMA, 2004)L'approche de la proximité se fait en deux courants majeurs qui font respectivement appel à deux (proximité organisée et géographique) ou trois catégories générales (proximité géographique, organisée et institutionnelle) d'une part, et à cinq proximités d'autre part. Les chercheurs traitent la notion de proximité comme une catégorie avec de nombreuses implications sociales, politiques et économiques. La notion de proximité couvre donc de nombreuses dimensions. Le plus souvent, les chercheurs étudient la proximité sous deux formes : géographique et organisée. Il existe tout de même des exceptions. Certains chercheurs vont jusqu'à étudier cinq formes de proximité (KIRAT et LUNG, 1999 ; MASKELL et MALMBERG, 1994 ; NOOTEBOOM, 2000 ; BOSCHMA, 1999) : les deux précédentes auxquelles s'ajoutent la proximité institutionnelle, la proximité cognitive et la proximité sociale. BOSCHMA, par exemple, explique que la proximité rend compte à la fois d'un espace de relations et d'un espace de références et de connaissances (dimensions comportementales et cognitives des formes organisationnelles). Il différencie la coordination au sein d'un réseau et les liens cognitifs des formes organisationnelles. On a non plus deux mais trois proximités : la proximité institutionnelle vient ainsi s'additionner.

D'autres chercheurs choisissent d'étudier la proximité selon deux grandes catégories (GILLY, TORRE, 2000 ; RALLET et TORRE, 2004 ; TORRE, 2010) : la proximité géographique et la proximité organisé. Selon eux, « ces notions recouvrent avant tout un potentiel, offert aux individus, aux groupes, aux actions humaines en général, dans leurs dimensions techniques et institutionnelles, potentiel qui peut ou non exister à un instant t et donc être mobilisable ou activable par l'action et les représentations des acteurs humains ou non humains. »

b) Théorie de la structuration : comment l'étude des interactions permet de comprendre l'importance de la proximité ?

La théorie de la structuration provient des sciences sociales : économie, gestion, sociologie, géographie. D'une manière générale, il faut souligner l'importance du rôle de l'espace géographique dans la proximité ; mais également le fait que les interactions sont indispensables. L'intérêt de cette théorie est de ne plus différencier le niveau micro et le niveau macro mais de les étudier d'une façon complémentaire, en insérant les acteurs dans un tissu de relation.Finalement, « le dualisme de la « personne » et de la « société » devient la dualité de l'action et du structurel » (GIDDENS, 1987). Les interactions sont donc vectrices de dualités structurelles. Mais pas seulement. Les interactions peuvent être unités d'analyse. En effet, étudier les interactions entre individus revient finalement à fonder une « méso-analyse », c'est-à-dire analyser chaque interaction.Cette étude revient à analyser le comportement d'un acteur et le comportement d'autrui mais aussi l'ensemble orienté par le cadre institutionnel (GILLY, TORRE, 2000 ; PECQUEUR, ZIMMERMANN, 2004). Ensuite, les interactions peuvent être situées (TALBOT, 2009). Elles peuvent être situées dans le temps (en tant qu'histoire pour la continuité et en tant que mouvement pour les dynamiques) et dans l'espace (contrainte physique imposée et lieu).L'interaction doit alors être distinguée du structurel.Cette localisation d'interactions permet ainsi de mesurer leur conditionnement (c'est-à-dire l'influence et le stimulus qu'ont les activités sur les interactions) vers les activités économiques, productives, commerciales, d'innovation, etc., des acteurs. (PECQUEUR, ZIMMERMANN, 2004). Enfin, les interactions peuvent avoir un potentiel restreint. La proximité suppose une différenciation entre les individus qui participent à l'interaction et ceux qui en sont exclus. En théorie, les acteurs se situent dans l'espace-temps et répondent à la fois à une dimension spatiale et sociale. La proximité devient alors un principe de différentiation sociale. Elle sert donc à rendre compte des effets de l'espace géographique et de l'espace social (donc des effets de proximité) sur les stratégies des acteurs.

Finalement, la théorie de la structuration revient à localiser les interactions dans le temps et dans l'espace. Les acteurs étant eux-mêmes situés dans l'espace géographique et dans l'espace social, cela devient un facteur explicatif des comportements collectifs qui peuvent opérer. Les acteurs peuvent donc être aussi bien proches géographiquement mais aussi « proches » tout en étant éloignés.

2. Proximité cognitive, géographique et organisée : conceptions, limites, alternatives

La suite de l'analyse a pour but de comprendre les différentes proximités (à travers différentes méthodes d'analyse), comment parvient-on à ces dimensions, ce qu'elles apportent, leurs limites, et parfois leur lien qui permettent la création de territoires coordonnés. Nous verrons notamment que ces proximités permettent de comprendre le principe du cluster de manière plus approfondie et nous verrons par la suite que d'autres proximités peuvent également jouer leur rôle dans la création d'un système collaboratif.

Il nous semble important, avant d'évoquer l'aspect conceptuel des catégories de proximité, de différencier « proximité » et « distance ». La distance doit être prise en compte en tant que séparation, comme une expression quantitative. La proximité quant à elle, est une expression qualitative ; elle prend en compte le fait d'« être proche de » et « être loin de ». La distance géographique est diminuée par les infrastructures, les moyens de transports et de communications. Ce sont d'ailleurs ces derniers qui permettent la proximité. La distance est donc relative puisqu'elle est pondérée par le temps et les coûts de transport (TORRE et RALLET, 2005).

Aussi, l'espace géographique ne doit pas uniquement être vu comme un contexte physique avec des attributs matériels mais également comme une association de valeurs, de représentations (on appartient à un groupe social en même temps qu'on dit appartenir un lieu). L'espace géographique est le lieu de construction d'une identité commune. Néanmoins, ce n'est pas parce que l'on se sent « proche » que des relations se mettent forcement en place.

a) La proximité cognitive : pour le partage de connaissances et de compétences

Selon BOSCHMA, les personnes partagent la même base de connaissance et de compétences. Mais il est difficile de savoir ce que l'on entend vraiment par le terme « cognitif ». NOOTEBOM (2000) se réfère à deux conceptions : « la capacité d'absorption » et « l'extension de la fonction cognitive ». Autrement dit, d'un côté on a les connaissances et les compétences des individus et de l'autre l'accélération et l'extension de cette assimilation (c'est-à-dire de leur capacité à intégrer de nouvelles connaissances). Par définition, le terme cognitif renvoie au processus d'acquisition de connaissances.

Les interactions cognitives peuvent différer selon les acteurs et les entreprises et elles peuvent persister. Cette idée prédomine dans l'économie évolutionniste qui insiste sur le caractère local du développement le long des trajectoires technologiques (ANTONELLI, 1995). PEREZ et SOETE (1988) quant à eux, mettent l'accent sur une relation négative entre la base de connaissances existantes d'une entreprise et les frais que les entreprises doivent engager afin d'obtenir les connaissances indispensables d'une technologie nouvelle. En d'autres termes, pour une nouvelle technologie il existe un seuil de connaissance à avoir pour que cette dernière fonctionne.

Mais la proximité cognitive a ses limites, selon si elle est trop faible ou si elle devient trop importante (BOSCHMA, 2004) :

· pour acquérir des connaissances, il faut des savoirs à la fois dissemblables et complémentaires. Si les entreprises ont le même savoir et les même compétences de base, elles ne pourront rien apprendre les unes des autres ;

· une trop faible distance entraine un enfermement, mettant de côté toute nouvelle technologie ou nouvelle possibilité de développement. Pour éviter cela il faut que les entreprises conservent un accès aux sources d'information et une certaine ouverte au monde. Cet accès aux ressources peut apparaître sous différentes formes, mais le fait d'avoir le même langage, d'appartenir au même groupe social, ou encore d'avoir eu la même éducation, facilite forcement ce rapport à l'apprentissage ;

· la proximité cognitive accroit le risque de communication intempestive. A contrario d'une trop faible distance cognitive, une proximité cognitive trop importante peut, en effet, nuire à l'apprentissage. A partir du moment où les savoirs sont quasi semblables et ne sont plus complémentaires mais bien supplémentaires, l'apprentissage ne peut plus opérer puisque les acteurs n'ont plus rien à apprendre les uns des autres.

Il faut donc que la distance cognitive ne soit pas trop importante pour permettre le lien entre les entreprises et un apprentissage efficace, et, en même temps, qu'elle ne soit pas trop petite pour éviter l'enfermement. NOOTEBOM (2000) pense qu'un compromis entre la distance cognitive et la proximité cognitive peut donc convenir. Finalement, il est important de conserver à la fois une distance cognitive (contre l'enfermement) et une proximité cognitive (pour l'apprentissage).

Les acteurs ont donc besoin d'une proximité cognitive sous la forme d'une base de connaissances communes s'ils veulent communiquer entre eux mais aussi absorber et traiter ces nouvelles informations. Par contre, ils doivent se limiter dans cette proximité pour ne pas qu'elle nuise à l'apprentissage. Si les acteurs ont la même proximité cognitive, ils n'auront finalement rien à apprendre les uns des autres et se trouveront ainsi dans une enclave à l'innovation.

La proximité sociale est une forme de proximité définie essentiellement par les précurseurs de la proximité en cinq mouvements. Elle est néanmoins très liée à la proximité cognitive. Elle est issue de la littérature relative à « l'encastrement », celle qui indique que les relations économiques dépendent du contexte social et que parfois elles y sont « encastrées » (BOSCHMA, 2004). De la même manière, les liens et les relations sociales ont un impact sur l'apprentissage et l'innovation. Pour que les relations soient socialement encastrées, il faut qu'elles soient basées sur des liens amicaux ou familiaux. Par extension, les liens liés à la religion ou à l'ethnie ne sont pas des liens sociaux mais plutôt des liens culturels. La capacité des organisations à interagir peut dépendre de certains liens sociaux, comme c'est le cas pour les liens cognitifs.

Comme nous l'avons expliqué dans la théorie de PORTER, la dimension sociale est une condition nécessaire à la création et au fonctionnement du cluster. Selon JOHANNES (2013), les interactions au sein d'un cluster sont, en grande partie, libres et informelles. « Elles résultent d'attitudes socio-culturelles induisant la cohérence entre les éléments ». Être en collaboration traduit le fait que les acteurs favorisent les autres acteurs du cluster. Être en concurrence traduit le fait que ces acteurs conservent une liberté de choix. En fin de compte, c'est le relationnel social qui permet l'économie et la compétitivité. On se trouve donc dans le cas inverse des entreprises industrielles où c'est l'économie et la compétitivité qui créent les liens sociaux. FLORIDA décrit lui aussi le processus créatif comme un processus social et pas seulement individuel. Selon lui, « the creativeprocessis social, not justindividual, and thusforms of organization are necessary. »16(*)c'est-à-dire que le processus créatif est social et pas seulement individuel, et ainsi des formes d'organisations sont nécessaires. C'est d'ailleurs par ce biais de la coopération et de l'échange nécessaire à la créativité que la proximité organisée s'établit.

Finalement, cette littérature de l'encastrement suggère que plus l'apprentissage est interactif et plus les performances en matière d'innovation sont importantes. Comme pour la proximité cognitive, si la proximité sociale est trop excessive, elle peut affaiblir les capacités d'apprentissage des organisations mais aussi diminuer l'innovation.

b) La proximité géographique : lorsque l'espace influx sur les interactions

Selon BEURET et TORRE (2012), « la Proximité Géographique se rapporte à la distance entre les acteurs, pondérée par le coût monétaire et temporel de son franchissement. Dans son acception la plus simple, il s'agit du nombre de mètres ou de kilomètres qui séparent deux entités. ». Cette notion est donc liée à une distance kilométrique entre deux entités qui peuvent être des individus, des organisations, des villes, etc.

Puisque la proximité géographique se rapporte à une distance à parcourir, elle est relative (RALLET, TORRE, 2004). Les caractéristiques morphologiques, la disponibilité des infrastructures de transports, la richesse des individus qui utilisent ces transports, la perception de la distance qui diverge selon l'âge, le groupe social, le sexe, la profession, peuvent modifier la proximité géographique (ou la distance par extension). Ainsi, selon la perception des uns qui diffère de celle des autres, la proximité peut devenir distance et vis-versa. Bien que sociale et subjective, la proximité géographique peut être, à un instant t, considéré comme une donnée de l'espace physique représentant une contrainte.

TORRE (2010) ajoute à cette définition que les actions des acteurs économique et sociaux peuvent activer ou modifier la proximité géographique. En effet, les acteurs vont plus ou moins chercher à se rapprocher de certaines personnes, de certains lieux. Ils peuvent tout à fait avoir besoin d'une proximité permanente -dû soit à une localisation jugée appropriée ou par une installation à proximité de -, comme d'une proximité temporaire -où il n'y a pas de changement de localisation mais seulement des mobilités-. Aussi, la proximité n'est pas toujours choisie. On peut alors distinguer deux types de proximité géographique :

- Recherchée : les acteurs cherchent à se rapprocher d'une manière temporaire ou permanente ;

- Subie : situation ou les acteurs se voient imposer la proximité géographique d'autres acteurs, d'objets techniques ou de lieux, sans pouvoir se déplacer. Dans ce cas, la proximité peut devenir négative.

De plus, certains travaux expliquent que les agents tendent à se rapprocher pour bénéficier d'échanges de biens, de travails, d'informations ou d'autres connaissances. C'est notamment le cas de la théorie de KRUGMAN (1995). Selon lui, ce rapprochement qui favorise certaines externalités conduit à une inégale répartition des localisations d'activités productives. En effet, les liens créés au sein d'une localité permettent de renforcer cette dernière au détriment des autres. Chaque producteur souhaite renforcer le marché sur un seul site, évitant ainsi les coûts importants d'échelle (lié notamment au transport). Néanmoins, selon RALLET et TORRE (2005) qui réalise une certaine critique de cette théorie, les externalités ne sont pas forcement accessible par la simple proximité géographique. Aussi, elles n'expliquent pas le besoin de proximité géographique.

On a tendance à expliquer le processus de concentration spatiale par l'existence d'externalité directes de proximité géographique. Selon RALLET et TORRE (2001), « on appelle externalité directe de proximité géographique toute interdépendance directe entre agents requérant la proximité géographique pour se réaliser, quelle que soit la forme de l'externalité, pécuniaire ou technologique ». Selon cette explication, les personnes se regroupent parce que la proximité géographique est nécessaire à la réalisation de leur interaction. C'est en partie la réponse donner par LUCAS (1988) à la question de la localisation des activités industrielles, mais aussi par la nouvelle géographie économique (notamment KRUGMAN, 1991) qui analyse le rapprochement des agents économiques dans le fait qu'ils entretiennent des relations d'échanges de biens ou de travail (d'autres auteurs mettent l'accent sur le transfert de connaissances (FELDMAN et MASSARD, 2002)).

Malgré le fait que les externalités sont, par définition, de proximité, cet aspect est rarement démontré. La recherche de proximité n'est plus mise en avant dans les stratégies des entreprises. Bien au contraire, certaines entreprises insistent sur le fait que la mobilité est primordiale à leur développement. Pourtant, la littérature qui traite des questions spatiales semble admettre la proximité géographique.

Finalement, il faut peut-être s'interroger sur le rôle de la territorialité, de la proximité géographique, dans une économie de plus en plus fondée sur de la dé-territorialisation. Il faut donc intégrer d'autres recherches à celle de la proximité purement géographique. L'augmentation des mobilités, de la mondialisation, des liens à distance peut diminuer le besoin de coordination locale. Cette analyse fait notamment partie des travaux du groupe de recherches « dynamiques de proximité », qui ont aboutie a deux idées principales :

1. La contrainte de la proximité géographique est très relative dans la coordination économique (RALLET et TORRE, 2001). La concentration géographique des agents ne peut être expliquée seulement par la proximité géographique. Les réseaux économiques sont encastrés dans les réseaux sociaux. Le cadre géographique des institutions est conditionné par le jeu des institutions.

2. Il existe une diversité des échelles spatiales qu'il faut bien sûre prendre en considération. Un agent économique peut être à deux endroits en même temps. Il est donc capable d'agir de façon simultanée à plusieurs endroits. Cette vérité a d'ailleurs pris une ampleur considérable depuis la création des TIC.

Il faut donc faire valoir l'importance de la mobilité des hommes, des informations et des marchandises. Par exemple, en zone de service, on pense que les employés travaillent forcement dans leur zone d'emplois, mais ce n'est pas toujours le cas. La prestation est délivrée souvent sur un autre lieu que le lieu administratif. Le lieu de rattachement administratif et le lieu de travail sont souvent différents. Cette mobilité s'est accrue avec le développement des moyens de transports et des télécommunications. Certaines personnes travaillent aujourd'hui a plusieurs endroits, ou en se déplaçant. Le chercheur qui se rend à un colloque, une tournée de médecin, un ingénieur de maintenance, etc. peuvent être des exemples de mobilités dans le travail. La proximité géographique peut donc être, parfois -hors cas des services et des biens par exemple- substituer par des voyages, une présence régulière mais non permanente (soit une co-localisation permanente). C'est ce que RALLET (2009) appel le besoin de « proximité géographique temporaire ». Cette présence joue un rôle sur la localisation des entreprises. Bien souvent, on démontre que les entreprises s'installent les unes à coté des autres car elle sont souvent en interaction. Cette idée est notamment présente dans le domaine de la géographie de l'innovation comme c'est le cas du cluster que nous avons défini en précédent chapitre. Selon FELDMAN (1999), les entreprises ont besoin de proximité géographique pour échanger des connaissances tacites17(*) (échanges informels, imitations, etc.). Pour lui, les connaissances codifiées ont besoin d'un échange physique alors que d'autres se transmettent à distance avec les TIC. Pour les chercheurs du groupe « dynamiques de proximité » il faut relativiser de cette thèse qui est légèrement succincte. Premièrement, les connaissances tacites n'ont pas toujours besoin d'une proximité géographique. Deuxièmement, il est difficile de traduire les usages par des géographies différentes. Enfin, les TIC peuvent également offrir des moyens de partage ou de co-production de connaissances tacites à distance, bien que l'échange physique reste indispensable dans certaines interactions (surtout ceux liés au processus de délibération ou de négociation).

Bien que la proximité géographique ne semble pas être indispensable au développement des connaissances tacites, dans le cas du cluster, cette proximité est nécessaire pour que des liens se forment. Cette contrainte du face à face peut varier selon les phases de processus de transferts (GALLAUD et TORRE, 2004). On peut avoir besoin de proximité géographique pour établir un premier lien. Puis, cette proximité peut se juxtaposer avec une proximité organisée. Ainsi, la phase de co-production de connaissances fondamentales, tacites et contextuelles se développe. Puis, la proximité géographique peut être totalement remplacée par la proximité organisée. Lorsque le lien est établit, il reste seulement deux cas, selon RALLET et TORRE (2001), où la proximité géographique est nécessaire : la mise en place de projet d'innovation et la gestion de conflits. Dans le cas du cluster, le projet est basé sur des interactions entre les industries innovantes pour qu'elles puissent se développer dans un principe de concurrence/coopération.

Les besoins en matière de proximité géographique peuvent se poser dans la localisation des entreprises (GALLAUD et TORRE, 2004). Les entreprises n'étant pas encore installées auront ainsi tendance à se localiser à proximité des firmes avec lesquels elles souhaitent tisser des liens. Les entreprises étant déjà localisées devront soit créer une « joint venture »18(*), soit déplacer une partie des personnes responsables des projets d'innovations.

Enfin, nous avons vu que la proximité géographique peut avoir des effets néfastes sur le territoire. D'un point de vue général, TALBOT (2009) explique qu'« être géographiquement proche et une mise en disponibilité relationnelle peut favoriser la naissance d'une interaction. Mais au-delà de cette idée très positive, il ne faut pas oublier que la proximité géographique présente aussi des effets négatifs. ». Bien qu'au tout début des études, la proximité géographique est citée comme possible ressources d'économies externes en économie (MARSHALL, 1898), elle apparaît aujourd'hui comme à l'origine d'externalité négatives (TORRE et ZUINDEAU 2009). Certains conflits peuvent exister entre les acteurs sur l'attribution de fonction à une faible distance physique. L'espace est souvent partagé autour de plusieurs activités : tourisme, commerce, éducation, industrie, culture, etc. Ces activités rassemblent des acteurs différents : employés d'État, associations, artisans, touristes, habitants, entrepreneurs, etc. Et le fait qu'il y ait autant d'acteurs différents fait que des conflits sur l'utilisation de l'espace se développent. KIRAT et TORRE (2008) concluent à une territorialisation croissante des conflits d'usage. Ainsi, la proximité géographique peut être source de conflits et entrainer des inégalités entre les acteurs.

c) De la proximité organisationnelle à la proximité organisée

La notion de proximité organisationnelle est souvent traitée de façon très large. Les notions qui reviennent néanmoins fréquemment dans la littérature sont « espace », « interactions », « organisations ». La notion de proximité organisée fait référence au caractère agencé des activités humaines(et non à l'appartenance à une organisation en particulier).

Selon KIRAT et LUNG (1995), la proximité organisationnelle « [...] lie les agents participant à une activité finalisée dans le cadre d'une structure particulière. [...] [Elle] se déploie à l'intérieur des organisations - firmes, établissements, etc.- et, le cas échéant, entre organisations liées par un rapport de dépendance ou d'interdépendance économique ou financière - entre sociétés membres d'un groupe industriel ou financier, au sein d'un réseau, etc. - ». La proximité organisationnelle a donc pour seul but de lié les agents : elle ne peut être subit (elle est recherchée). Elle diffère de la proximité géographique de par sa distance qui devient sociale et non plus métrique. Par proximité sociale on entend des concordances sur les plans cognitifs et matériels(sexe, âge, santé, etc.). Pour qu'il y ait proximité organisationnelle, il faut que les acteurs soient similaires socialement. Mais une faible distance sociale ne suffit pas : ilfaut que les acteurs se coordonnent cognitivement et politiquement. Cela passe par une organisation autour de règles et de routines au sein d'une localisation.

D'un point de vue cognitif, la coordination permet la réduction de l'incertitude et la sécurisation des anticipations face aux décisions des acteurs les uns par rapport aux autres. Elle passe par des règles mécaniques et automatiques.

D'un point de vue politique, l'organisation ne présente pas deux acteurs sans les lier mais « deux partenaires qui doivent faire des choses différentes et dont les rôles et les statuts sont justement fixés par une règle établie, un usage social que les gens suivent » (DESCOMBES, 1996, p. 297). De cette façon, chaque acteur a une fonction qui lui est attribué de manière à ce que les acteurs soient complémentaires. Mais même les rôles sont fixés, une organisation doit bien évidemment avoir une constitution juridique qui renvoie au but de cette même organisation et surtout, qui exprime les relations de pouvoir et d'autorité. (BAZZOLI et DUTRAIVE, 2002). Cette organisation repose ainsi sur des règles externes (qui fondent l'existence de l'organisation) et internes (qui organise l'exercice de pouvoir).

La proximité organisationnelle ne peut donc pas seulement être associéeà une dimension cognitive qui renvoie au partage de représentations, de valeurs, de savoirs, mais doit également être régularisée par une dimension politique qui attribue des rôles aux acteurs et permet ainsi une coordination et un apaisement des conflits.

Une autre approche à la proximité organisationnelle peut être faite. C'est notamment le cas de l'analyse de BOSCHMA (2004). Selon lui, la proximité organisationnelle implique à la fois de l'intensité et de l'autonomie. Il faut donc exclure la proximité cognitive, bien qu'elle soit bénéfique à l'apprentissage et à l'innovation. Ce risque s'explique dans le fait que la création de connaissances va de pair avec l'incertitude et l'opportunisme. Il faudrait donc instaurer des mécanismes de contrôles. La proximité institutionnelle, par exemple, permet de répondre à ces problèmes. On ne parle alors plus de proximité organisationnelle mais de proximité organisée. Néanmoins, la proximité organisationnelle, si trop importante, peut nuire à l'innovation et à l'apprentissage.

On peut voir ici tout le paroxysme de ce paradigme. En effet, la proximité cognitive peut permettre la proximité organisée, mais cela doit passer par de la proximité institutionnelle. Néanmoins, si la proximité institutionnelle induit trop de restriction à l'organisation, celle-ci est alors dépourvue de tout pouvoir d'apprentissage de connaissances et d'innovations par rapport aux organisations extérieures. Finalement, la proximité organisée devrait être autonome, mais avec une limite d'ouverte sur l'extérieur. D'après BOSCHMA (2004), les réseauxne sont pasdes mécanismes qui coordonnent les transactions, mais on peut les voir comme « une sorte de véhicule permettant le transfert et l'échange d'information et de connaissances dans un monde plein d'incertitudes. ». Ce principe peut notamment s'expliquer par des échanges qui peuvent devenir spécifiques, mais aussi par des liens trop forts qui limitent l'accès aux ressources nouvelles, etc. Une proximité organisationnelle excessive s'accompagne d'un manque de souplesse, alors que si elle est trop faible, on a un manque certain de contrôle. A contrario, une organisation plus souple permet un accès certain aux apprentissages novateurs puisque plus large. Elle permet aussi la coordination des interactionset la communication par une autorité centrale.

Finalement, la proximité organisationnelle est nécessaire à la création de la connaissance par la maitrise de l'incertitude et de l'opportunisme.

La réalisation d'une proximité organisationnelle par le rapport cognitif au sein du réseau est possible. Elle émane d'un système où maitrise et souplesse vont de paire.

Enfin, dans une troisième approche, BEURET (2012), TORRE (2010) et RALLET (2002 et 2009) voit l'organisation comme favorable aux interactions. Ils tentent de mesurer la capacité d'une organisation à faire interagir ses membres. Il ressort ainsi deux principes :

1. Le fait d'appartenir à une organisation se traduit par l'existence d'interaction entre ces membres. En effet, par définition, « deux membres d'une organisation sont proches l'un de l'autre parce qu'ils interagissent, et que leurs interactions sont facilitées par les règles ou routines de comportement (explicites ou tacites) qu'ils suivent. » (RALLET, TORRE, 2004). La coopération sera donc plus facile entre personnes d'une même entreprise ou d'un même réseau d'innovation.

2. Il existe une « logique de similitude » au sein d'une même entreprise. En effet, les personnes doivent y partager un même système de représentations - ou ensemble de croyances - et les mêmes savoirs. Par exemple, des chercheurs qui font partie d'une même communauté scientifique auront des facilités à communiquer car ils ont le même langage.

Ces deux logiques sont donc complémentaires, mais elles sont aussi substituables.

Si l'organisation n'est pas dirigée par un caractère institutionnelle (par définition ce n'est donc plus vraiment une organisation mais plutôt une communauté informelle), c'est-à-direqu'elle est dirigée par un certainnombre de règles explicites fortes, cela peut entrainer une faible coopération entre les acteurs. C'est alors que la proximité cognitive entre en jeu : par la cohésion comportementale, la convergence des représentations, la proximité organisationnelle peut alors exister.

Finalement, la proximité organisationnelle est dépendante d'autres proximités. La proximité cognitive, par exemple, favorise les interactions entre les membres d'un réseau, et peu aboutir à une proximité organisationnelle. La proximité institutionnelle quant à elle, peut permettre de limiter les interactions afin d'éviter, dans certains cas, le surplus d'information ou les conflits d'intérêt. Dans le cas de la proximité cognitive, on entre dans une certaine logique d'appartenance. Cette logique désigne « le fait que deux ou plusieurs acteurs appartiennent à un même graphe de relations, ou encore à un même réseau, que leur relation soit direct ou intermédié.» (BEURET, TORRE, 2001). La coopération est facilitée par exemple entre chercheurs et ingénieurs qui appartiennent à une même entreprise, à un même consortium technologique ou à un même réseau d'innovation. Mais des similitudes peuvent aussi être positives. Par exemple, les normes sociales, le langage, participent aux interactions entre plusieurs acteurs. Plus les références culturelles de deux personnes sont correspondantes, plus elles auront des possibilités de cohésion.

Mais l'appartenance et la connectivité ne suffisent pas. Il faut de l'action humaine ! Les potentiels des proximités sont neutres par définition. Ce sont les actions et les perceptions qui vont les déclencher et leur donner un penchant positif ou négatif.

La proximité organisationnelle est donc un potentiel aux interactions entre les entreprises (BEURET, TORRE, 2004). Puisqu'elle constitue un potentiel, elle doit être activée ou mobilisée. Lorsqu'elle est activée, les liens qui se tissent entre les acteurs sont des liens en dehors de la proximité géographique. Les deux peuvent évidemment s'ajouter, mais elles ne sont pas immuables. Une proximité organisationnelle doit être dirigéepar un caractère institutionnel et devient ainsi organisée. Les proximités organisées sont en constante construction et déconstruction, au gré des dynamiques qui fondent les relations entre acteurs. Ces mouvements sont ainsi fondés sur les logiques d'appartenance et de similitude. Les relations changeantes permettent un changement de configuration des regroupements d'acteurs et de leurs interactions.

Finalement, pour comprendre d'une manière plus approfondie comment fonctionne un système productif local, il faut en étudier les proximités. En effet, la proximité stimule les interactions (BOSCHMA, 2004) et donc stimule l'innovation. Ainsi, en théorie, le cluster est forcement rendu possible par la proximité. Dans le cas d'une Fricheculturelle, les proximités géographique et institutionnelle entre les acteurs sont importantes. Cela permet à chacun de partager le lieu (que ce soit des associations, des entreprises, etc.). S'il n'y avait pas d'institutionnalisation par le caractère politique de la chose, il n'y aurait sans doute pas de durabilité dans le projet. De plus, une Friche peut tout à fait devenir, par extension, un cluster où entreprises et associations travailleraient ensemble dans un principe de concurrence/collaboration autour de projets communs. En fin de compte, la proximité est importante pour créer des liens, rendre durable un système et lui permettre d'innover. Mais il faut également faire attention à ce que la proximité ne soit pas trop importante sinon l'apprentissage n'est pas rendu possible. En effet, si on se trouve en présence d'un regroupement d'entreprises de même type, avec les mêmes connaissances, le même savoir-faire, les mêmes technologies, alors l'apport de connaissances est impossible et les entreprises ne peuvent innover : elles sont obligées d'aller chercher cette nouvelle connaissance ailleurs.

3. À la croisée des proximités géographique et organisée

Comme nous l'avons défini précédemment, le cluster regroupe des entreprises qui partagent au minimum une proximité géographique et une proximité organisée. La question que l'on peut alors se poser est est-ce que cela suffit à la durabilité d'un tel système productif local ?

a) L'importance de l'institutionnalisation dans la création d'une coordination d'acteur

Une question se pose : faut-il conserver la distinction entre proximité institutionnelle et proximité organisationnelle ou les réunir sous le terme de proximité organisée ? Comme nous l'avons définit précédemment, la proximité organisationnelle doit être dirigée par un certain nombre de règles communes aux acteurs, qui permettent d'éviter les conflits d'usages. Ces règles constituent le caractère institutionnel de la proximité organisée. En théorie, on a tendance à plus fréquemment étudier la proximité sous son caractère organisé et non organisationnel. Il nous semble donc important de faire la différence et de comprendre les outils qui entrent en compte dans ce potentiel d'interactions.

La proximité est un phénomène institutionnel donc c'est une ressource du structurel, mais seulement si on distingue proximité et distance. La distance physique caractérise la mesure métrique qui sépare deux entités. En revanche, la proximité est un fait institutionnel non réductible. Il faut donc différencier la croyance du fait. Les acteurs pensent avoir une proximité les uns avec les autres alors qu'il existe une distance bien réelle entre eux. Le fait est que cette proximité est mentale : elle est créée par des liens institutionnels entre les acteurs et non pas par de la distance physique. La proximité sert également à délimiter et différencier les groupes les uns des autres.

BOSCHMA (2004) qui est l'un des chercheurs à étudier la proximité sous cinq formes différentes (géographique, cognitive, organisée, institutionnelle, sociale), analyse la proximité institutionnelle en dehorsde la proximité organisée. Le cadre institutionnel et politique qu'il étudie est donc de niveau macro. D'autres auteurs font la distinction entre le niveau macro et le niveau micro. NORTH (1990) par exemple, tente de différencier « l'environnement institutionnel » au niveau macro et les « aménagements institutionnels » au niveau micro. Il a pour idée que les acteurs économiques sont « encastrés » dans les « règles du jeu » institutionnelles et les ensembles de valeurs communes. Cette notion d'encastrement se retrouve sur des points de vue politiques et culturels. Lorsque des personnes et des organisations partagent le même environnement politique et culturel, elles sont amenées à connaître plus de relations que les autres personnes. (DI MAGGIO, ZUKIN, 1990). La proximité institutionnelle reste donc tout de même fortement liée aux proximités organisationnelles et sociales dans l'analyse de BOSCHMA. Finalement, l'environnement institutionnel doit être perçu comme « ciment » de l'action collective.

Selon la théorie de l'encastrement de GI MAGGIO et ZUKIN (1990), la proximité institutionnelle s'appuie sur des lois et règlements régies par un gouvernement actif et sur une structure culturelle forte (langage, ethnie, habitudes communes, etc.). Lorsque les organisations partagent les mêmes critères politiques et culturels, ils sont amenés à interagir.

Alain RALLET et André TORRE (2004) soulignent l'importance des réseaux sociaux et des institutions dans l'interaction des acteurs. Ils mettent en lien proximité institutionnelle et proximité géographique. La recherche de proximité géographique débouchant sur un processus de localisation ne doit pas être la seule explication possible. Selon LUCAS (1988) et KRUGMAN (1991), la seule explication aux localisations des activités industrielles se trouve dans le regroupement d'acteurs qui échangent des relations de biens ou de services. D'autres auteurs comme FELDMAN (1999) mettent l'accent sur le transfert de connaissances ou sur les raisons sociologiques de ce rapprochement (FUJITA et OTA, 1993). Dans tout les cas, la proximité intervient. Mais la démonstration en a rarement été faite, surtout à l'époque de la globalisation où il ne faut pas confondre recherche de proximité géographique et localisation - notamment avec les nouvelles mobilités qui rendent possible la proximité géographique temporaire - lorsqu'il s'agit d'individus ou d'organisations. Finalement, la recherche d'une proximité géographie n'entraine pas toujours un processus de localisation et la mobilité a permis l'extension des interactions à distance. Il paraît alors judicieux de trouver d'autres explications au processus de localisation. Les relations économiques encastrées dans un réseau social peuvent être un des facteurs explicatifs ; le jeu des institutions peut en être un autre (selon le groupe « Dynamiques de Proximité »). Les politiques locales produisent de la proximité géographique par la mise en place d'institutions légitimes. Par exemple, dans le cas du cluster, le développement des industries créatives fait partie des politiques urbaines et culturelles puisqu'elles participent au développement économique des territoires. Un cluster est une réunion sur un même territoire d'entreprises, d'acteurs de la formation, d'acteurs de la recherche, qui sont soutenus par un écosystème et des dynamiques locales, qui sont eux-mêmes soutenus par les collectivités territoriales. Dans certains cas, comme le cluster culturel métropolitain, ce sont les collectivités territoriales qui ont directement impulsé la réhabilitation d'un espace urbain, par exemple à la suite d'une crise industrielle. Les aides et subventions des institutions marquent aussi un intérêt certain pour le développement des industries créatives.

Mais outre ces préoccupations quant au développement économique et culturel urbain, la proximité institutionnelle entre les entreprises est également fondamentale. « Ainsi et quelles que soient les politiques mises en oeuvre et leur efficacité, si la stratégie de l'entreprise ne coïncide pas avec les actions mises en oeuvre dans le cadre de ces politiques scientifiques, ces dernières seront inefficaces. » (DELAPLACE, 2011). L'instauration de règles communes permet aux entreprises de se rapprocher et de collaborer. Ainsi, la synergie d'entreprise se met en place dès le moment où les entreprises sont aptes à collaborer et à suivre un projet commun.

La coopération et même les synergies entre les acteurs sont devenues un des objectifs clés de l'action politique actuelle. C'est cette coordination qui doit permettre au territoire de se développer et surtout de rayonner à l'international. Néanmoins, tout cela semble rester de l'ordre de la théorie. En pratique, il semblerait que, à travers des enquêtes réalisées sur les coopérations inter-firmes (FREEL, 2002 et TETHER, 2002), les entreprises ne coopèrent pas - ou peu - avec des organisations de proximité géographique. Les interactions de proximité sont donc relativement faibles.

Finalement, bien que la coordination des acteurs locaux soit devenue l'alpha et l'oméga de la politique de développement local, elle n'est que rarement mise en pratique. La proximité géographique est donc dépendante tant des besoins de coordination économique que de l'encastrement des interactions sur le plan social et institutionnel. C'est d'ailleurs la question que nous nous poserons dans notre analyse du Pôle Belle-de-Mai : est-ce que la proximité d'entreprises a permis la mise en place d'interactions ? Est-ce que les proximités organisée, sociale, cognitive, institutionnelle existent ? Est-ce que, finalement, les entreprises ont besoin d'être en coordination économique et stratégique pour se développer ?

b) Comment les aspects négatifs de la proximité géographique favorisent la proximité organisée

Bien que la mobilité soit très présente dans l'économie actuelle, tous les acteurs de l'économie ne sont pas mobiles. Par exemple, les biens et infrastructures ne peuvent être déplacés. Les infrastructures sont bien souvent construites pour développer un territoire et pour permettre aux firmes d'obtenir une proximité géographique ou organisée. Cette proximité géographique peut alors être soit permanente, soit temporaire. Mais dans d'autres cas, c'est la proximité géographique (morphologique notamment) qui permet le développement économique. Les activités liées à l'exploitation du sol ou du sous-sol (et donc une partie des activités agricoles, agroalimentaires) par exemple, ont besoin d'un certain type de territoire. Cela contraint alors fortement la localisation à avoir recours à la proximité géographique. La mobilité n'est donc pas toujours un facteur aux économies contemporaines pour des raisons liées aux contraintes naturelles, sociales et économiques.

Dans certains cas, la co-localisation est obligatoire (TORRE, 2004). Une occupation du sol qui va obliger des acteurs à être proches localement alors qu'ils ne partagent pas les mêmes logiques peut alors être néfaste. On entre alors dans un processus ou la proximité géographique est une contrainte, elle est subie19(*). La proximité géographique a alors un rôle dans la création d'externalités négatives, souvent sous la forme de tensions et de conflits d'usages entre voisins ou usagers. C'est par exemple le cas des activités source de pollution ou de nuisance sonore, mais aussi dans la colocation d'immeuble ou de la nuisance paysagère due à la construction de bâtiments. La seule échappatoire semble donc être le déménagement pour les personnes et la délocalisation pour les structures économiques. Mais dans les deux cas, le processus est complexe, du fait de la disponibilité de la ressource et les moyens financiers.

Comme nous l'avons exprimé, la proximité géographique peut-être de deux formes différentes : recherchée ou subie (et dans certains cas elle peut-être à la fois l'une et l'autre dans la mesure où on peut vouloir se rapprocher de quelqu'un et que d'autres entreprises soient déjà proches de cette même personne/structure). Si elle est recherchée, elle va permettre la mise en place d'une organisation érigée par des institutions. Si elle est subie, elle va devenir une source certaine de conflits d'intérêts entre les acteurs et les usagers d'un même territoire. Nous devons alors nous poser la question de la résolution de ces conflits et des modalités de coordination d'acteurs. Toutefois, il semble important de préciser que la proximité organisée n'est pas seulement un moyen de diminuer ces tensions ; ce peut-être dans certains cas un révélateur de tensions. Localement, la proximité organisée apparaît comme un remède aux conflits d'intérêts qu'ils soient politiques, culturels, ou sociaux. Elle permet de trouver des compromis aux tensions et même de les anticiper. Elle s'illustre sous différentes formes : les tribunaux - la forme la plus radicale, ou encore la négociation, qui est sans doute la forme la plus recherchée et la plus propice à la réduction de conflits.

Finalement, lorsque la proximité géographique est subie, qu'elle génère des conflits, elle va permettre à la proximité organisée de se révéler et de relever tout son intérêt sur le territoire. Elle doit tout de même être liée à d'autres logiques pour que le processus fonctionne, et notamment la logique de similitude qui conditionne l'acceptation et le respect de règles communes.

c) Articulation et combinaison des proximités

Nous avons pu voir dans notre analyse comparative sur les proximités que proximité géographique et proximité organisée ne sont pas des catégories absolues, ni dépendantes. En théorie, elles n'ont pas besoin des autres proximités pour fonctionner. Mais nous avons observé que la réalité est toute autre et que, par exemple, la proximité organisée n'existe que par la mise en place d'institutions (et donc par extension par de la proximité institutionnelle). André TORRE (2004) va plus loin dans cette approche, et tente de comprendre les liens qu'il peut exister entre la proximité géographique et la proximité organisée. Il explique par exemple que l'activité humaine permet de rapprocher deux lieux (par la construction d'infrastructures, mais aussi par l'étalement urbain, la mondialisation). Deux villes se situant à 100 km l'une de l'autre peuvent même devenir « proches » avec l'innovation dans les transports. Par exemple, Marseille et Paris se situent seulement à 3h en TGV et seulement 1h30 en avion. Pour certaines entreprises, les collaborations se traduisent par des voyages croisés, des réunions chez l'un puis chez l'autre. La proximité géographique n'est plus obligatoire de façon permanente. L'ubiquité et la mobilité, la géographie temporaire sont ainsi deux facteurs qui ont toute leur importance dans la constitution de liens économiques et sociaux. Finalement, la distance ne semble plus être un problème, ni une barrière au rapprochement et aux interactions d'acteurs. La proximité géographique (et la distance au même titre) peut donc avoir des dimensions organisées. De la même manière, la proximité organisée est sans cesse impactée par des dimensions spatiales. Des réseaux peuvent se créer au sein d'un technopôle, les acteurs économiques peuvent conserver des liens avec leur territoire d'origine, etc. Il paraît donc difficile d'analyser ces deux dimensions de la proximité pour qu'elles soient substituables ou complémentaires.

RALLET et TORRE (2004) tentent tout de même de comprendre les combinaisons qu'il peut exister entre ces deux dimensions. Ils pensent notamment que cela permettrait de comprendre les processus de coordination et de communications puisque ces deux idéaux définissent typiquement « la relation humaine inscrite dans l'espace ».

Ils déduisent de leur approche le tableau suivant :

Tableau 1. Le croisement des deux proximités et ses résultats en matière d'interactions

Sources : RALLET Alain, TORRE André, 2004.

On peut alors remarquer quatre possibilités dans la juxtaposition des deux proximités :

1/ Lorsque la proximité géographique rencontre la proximité géographique : rien ne se passe. Les acteurs économiques, bien qu'agglomérés, n'ont pas de relations entre eux. Finalement, c'est le cas qui permet de démontrer qu'agglomération et interactions ne sont pas deux notions à confondre - alors que certains auteurs de la littérature empirique le font trop souvent.

2/ Lorsque la proximité géographique rencontre la proximité organisée : c'est le cas où la proximité géographique doit être structurée et activée par la proximité organisée. Les réseaux locaux, les SPL, les dispositifs de négociation, et bien évidemment les clusters, font partis de cette déclinaison. C'est donc la situation où la proximité géographique est activée de manière permanente par des interactions et par le biais de proximité organisée. Cette combinaison réside dans une co-localisation d'acteurs engagés, dont l'articulation repose sur des politiques spécifiques.Et c'est là toute la difficulté du concept de cluster. Si les entreprises se rassemblent sur un même espace autour de l'innovation et qu'elles ne communiquent pas, rien ne se passe. Si des règles communeset politiques spécifiques ne sont pas mises en place, rien ne se passe non plus.

3/ Lorsque la proximité organisée rencontre la proximité géographique : la proximité géographique peut avoir des effets négatifs. Ces effets peuvent être combattus par la mobilisation des ressources de la proximité organisée. La proximité organisée se transforme alors temporairement en proximité géographique. C'est un des aspects que nous avons pu développer précédemment, où les effets néfastes de la proximité géographique peuvent permettre d'activer la proximité organisée.

4/Lorsque la proximité organisée rencontre la proximité organisée : c'est le cas des interactions supra-locales (firmes multi-établissements, réseaux globaux d'entreprises) où les coordinations se passent autour du partage de normes, de règles et de représentations communes. La coopération doit être rattachée à un caractère institutionnel pour exister. Cela devient alors des réseaux non territoriaux. C'est finalement une relation que l'on remarque de plus en plus, puisque grâce aux nouvelles technologies les acteurs n'ont parfois pas besoins de se rencontrer pour émettre des liens, on parle même de plus en plus de dé-territorialisation.

Ces différents croisements fournissent donc une grille d'analyse des différents modèles d'organisation géographiques des activités. Les milieux innovateurs sont des milieux caractérisés par le regroupement des deux proximités. La proximité organisée peut être un remède à la proximité géographique tout comme cette dernière peut activée la proximité organisée. Ce modèle économique reste très répandu, mais il faut tout de même émettre une certaine critique. Dans certainscas, la proximité organisée prend racine sur des relations fonctionnelles ou identitaires fondées sur l'organisation et non sur le territoire. Aucun lien n'est alors présent entre les deux proximités. Il faut donc prendre en considération que le développement local peut être défini sous différents modèles. On doit d'abord partir de la disjonction des deux proximités pour ensuite parvenir à leur articulation.

Pour conclure sur ce chapitre, nous avons dû, dans un premier temps, comprendre les différences entre les notions de distance et proximité. La clé de la compréhension des dynamiques de proximité réside dans le fait que la perception de la distance qui sépare deux entités n'est jamais la même. L'appartenance au même groupe social, la pratique du même langage, les moyens de communications, les infrastructures de transports, sont tous des moyens pertinents de réduire le sentiment de distance et ils permettent de rapprocher des acteurs. L'apprentissage et l'innovation sont alors possibles. Néanmoins, une trop grande proximité cognitive ou sociale peut rendre difficile ce processus. Ce risque de conflit peut alors être réduit par le biais de règles communes, d'institutions. Ainsi, pour que la jointure entre la proximité organisée et la proximité géographique fonctionne, il faut que les acteurs soient engagés et que la collaboration passe par des politiques spécifiques. Par définition, c'est le cas du cluster où l'ambition commune aux entreprises est la collaboration dans l'innovation. Le plus important est de comprendre quelle proximité entre en jeu sur quel type de territoire et entre quels types d'acteurs. Nous avions émis l'hypothèse que laFriche culturelle pouvait, par extension, être un cluster qui rassemblerait des industries culturelles autre d'un projet commun. Les Friches culturelles étant bien souvent prises en compte par les politiques, une certaine proximité institutionnelle se met en place. La proximité géographique entre les associations et entreprises est aussi évidente. Il reste à se poser la question de la proximité organisationnelle basée sur le projet commun qui diffère selon le territoire et la Friche étudiée.

En conclusion de cette première partie, nous pouvons dire qu'il existe deux types de proximités qui sont les plus étudiées par les chercheurs : la proximité géographique et la proximité organisée. Par extension à celles-ci, on trouve la proximité cognitive qui permet d'échanger des connaissances, la proximité sociale qui permet d'échanger et la proximité institutionnelle qui permet de réguler les échanges. Lorsque l'on croise les proximités on obtient des écosystèmes où les entreprises sont en collaboration et en concurrence. C'est le principe du cluster. En effet, le cluster se définit par une proximité géographique et organisée entre des entreprises d'un même secteur culturel et/ou créatif. Le cluster créatif est un ensemble d'industries issues de milieux créatifs qui s'assemblent et qui collaborent. Elles participent au développement économique de la ville. Ce sont notamment les politiques de l'économie créative qui ont permis leur succès et leur attractivité. Les Friches culturelles sont également issues de ces politiques, c'est pourquoi, la question que nous pouvons nous demander et est-ce que ces friches peuvent-être, par extension, des clusters. Nous tenterons de donner une réponse à cette interrogation avec le cas de la Belle-de-Mai à Marseille qui rassemble sur un même lieu, des industries culturelles et des industries créatives. Nous verrons si chacun des trois pôles que constituent la Belle-de-Mai sont des clusters et si l'ensemble lui même un est un ou si, au contraire, chacun des pôles fonctionnent différemment. Nous verrons enfin, dans une troisième partie quel est l'ancrage territorial de l'ensemble. Selon FLORIDA, les villes doivent attirer les créatifs qui eux-mêmes vont développer la ville. Elles doivent aussi leur donner envie de rester. Mais est-ce que c'est le cas à la Belle-de-Mai ? Qu'est ce qui fait, finalement, que les industries créatives sont ici et pourquoi restent-elles ?

METHODOLOGIE

Le travail qui va suivre portera sur les interactions entre le Pôle Média, le Pôle Patrimoine et la Friche la Belle-de-Mai. Ce travail a été réalisé dans le cadre d'un stage à l'Agence d'urbanisme de l'Agglomération Marseillaise. Il a été décidé suite à une demande de la région d'animer un débat autour des industries créatives. Son but est d'apporter une nouvelle approche des industries créatives et aussi de fournir de nouvelles illustrations qui représentent les liens au sein des industries créatives de Marseille. Mon travail portera sur le territoire de la Belle-de-Mai, lieu emblématique de la créativité Marseillaise. J'ai choisi de faire mon étude sur ce territoire car c'est un lieu qui réunit à la fois des industries créatives et des industries culturelles, réparties sur 3 pôles (Pôle Patrimoine, Pôle Média, pôle culture vivante).

Les données dont je dispose pour analyser les industries créatives à l'échelle de la région PACA proviennent de l'AGAM et de l'INSEE. Je me suis notamment basée sur un fichier qui regroupe l'ensemble des industries créatives selon les codes NAF 200820(*).

Concernant mon étude sur le territoire de la Belle-de-Mai, j'ai dans un premier temps répertorié touts les articles et dossiers sur le projet de réhabilitation.

J'ai ensuite réalisé une enquête à partir d'un questionnaire destiné aux employés des pôles média et patrimoine et des intermittents et employés de la Friche la Belle-de-Mai. J'ai ainsi pu obtenir sur l'ensemble des trois pôles 247 réponses soit une part représentative de 17%.

Tableau 2 : Répartition des participants au questionnaire par îlots

Les deux prochaines parties s'appuient également sur une enquête qui a été réalisée en 2014 à la Belle-de-Mai par l'AGAM à la demande de la direction des Projets Économiques de la Ville de Marseille. Cette enquête portait sur la mobilité à la Belle-de-Mai. Les personnes interrogées furent les salariés de la Belle-de-Mai, le grand public ainsi que les visiteurs professionnels. Le taux de réponses étant beaucoup plus important que celui de mon questionnaire personnel21(*), je me suis ainsi servie de leurs données pour mon analyse sur les logements et les transports.

Mon analyse se base également sur des entretiens que j'ai réalisés auprès de certaines structures du Pôle Média, du Pôle Patrimoine et de la Friche. Ces entretiens m'ont permis de cerner les rapports entre les différents pôles mais aussi leurs objectifs quant aux dynamiques sociales pour le quartier. Les personnes qui ont acceptées de me répondre sont :

- Nathalie AVERSENQ, Chef de Projet Pôle MédiaBelle-de-Mai ;

- Boris GAUBERT, Archives municipales ;

- Émilie GERARD, Centre de Conservation et de Ressources ;

- Marion LATUILLIERE, Crèche de la Belle-de-Mai ;

- Yann LORTEAU, Chargée de Projet, Friche la Belle-de-Mai ;

- Roland MAY, Directeur du CICRP ;

- Susana MONTEIRO, Chargée d'Action Culturelle de la Friche la Belle-de-Mai ;

- Dominique SAMANNI, Réserves municipales ;

- Céline SOULIERS, Directrice de l'incubateur du Pôle Média.

Enfin, j'ai émis plusieurs hypothèses afin de diriger mon travail et de permettre soit de les démontrer soit de les annuler. La première est que les entreprises ne suivent pas la même stratégie de développement malgré le fait qu'elles se situent au même endroit. Ces entreprises, bien qu'étant dans des écosystèmes favorable aux échanges, n'arrivent pas forcement à corréler. La deuxième est que les entreprisesde la Belle-de-Mai et le quartier évoluent de façon réciproque mais pas en synergie. La complémentarité peut s'établir entre la Friche et le quartier mais pas entre les deux autres pôles et le quartier.

DEUXIEME PARTIE: LES INTERACTIONS AU PÔLE DE LA BELLE-DE-MAI

Chapitre 1 : Industries créatives à la Belle-de-Mai : influence de l'institutionnalisation

Chapitre 2 : Analyse des discours des acteurs

Chapitre 3 : Quelles sont les réelles interactions à la Belle-de-Mai ?

La reconversion du Pôle de la Belle-de-Mai n'est plus un secret pour personne. Elle a fait l'objet de nombreuses études : ANDRES L. (2006), ANDRES L. et GRESILLON B. (2011), GRESILLON B. (2002, 2011), LABARTHE F. (2013), LANGLADEI (2003), ROULEAU-BERGER L. (1996), DELLA CASA F. (2013), FOULQUIE P. (2010,2013). Pour rappel, ce lieu emblématique est situé sur une ancienne manufacture de tabac, à la Belle-de-Mai, dans le 3ème arrondissement de Marseille. À la suite d'une forte crise industrielle, les locaux doivent fermer leurs portes en 1990 et laissent derrière eux plusieurs centaines d'emplois (ils étaient 1000 salariés en 1960 et 250 en 1988, deux ans avant la fermeture définitive). L'usine, qui longe la voie ferrée, a une place stratégique dans la cité phocéenne. Elle devient alors une Friche industrielle de grande ampleur puisque c'est quelques 12 Ha de terrain qui se transforment en Friche. L'opération de reconversion débute en 1992 lorsque l'association Système Friche Théâtre investit les lieux après la signature d'une convention d'occupation avec la Seita, propriétaire des bâtiments. La présence d'artistes et la synergie avec des producteurs et opérateurs va en faire un lieu culturel de renommée. En 1995, un grand projet de réhabilitation est décidé avec l'architecte et penseur Jean Nouvel. Ce projet de Friche intitulé « un Projet Culturel pour un Projet Urbain » va tenter de lier la dimension artistique et culturelle à la dimension urbaine. L'idée est que la présence artistique participe - et est même indispensable - au développement urbain. La ville de Marseille devient propriétaire des lieux en 1998 et le Pôle de la Belle-de-Mai s'inscrit au sein du projet Marseille Euroméditerranée. En 2001/2002 le site de la Belle-de-Mai est réparti en 3 îlots qui comptabilisent un ensemble de 100 000 m² : un Pôle Patrimoine et institutionnel(Centre Interdisciplinaire de Conservation et Restauration du Patrimoine, Archives Municipales, Réserve des Musées de Marseille et de l'INA-antenne Méditerranée), un pôle multimédia (Pôle Média de la Belle-de-Mai) et un pôle culture vivante (Friche la Belle-de-Mai).

L'aménagement de ces différents pôles a permis de diversifier le territoire de la Belle-de-Mai en réunissant des initiatives plutôt artistiques avec la Friche et plutôt institutionnelles avec le Pôle Média et le Pôle Patrimoine. C'est aussi un lieu d'expérience où des projets uniques sont érigés comme les réserves des Musées (projet centralisé unique en France) ou bien le Pôle Média choisi par l'État comme site pîlote du premier espace national « Culture-Multimédia » et qui est également unique en Europe pour sa concentration d'entreprises et d'activités autour de l'image et du son. En 2013, le Pôle de la Belle-de-Mai est propulsé sur le devant de la scène grâce à Marseille-Provence, Capitale européenne de la culture. L'aménagement de la tour panorama a été, à titre d'exemple, un des éléments clés de cette année capitale. Aujourd'hui, le Pôle de la Belle-de-Mai est connu est reconnu de par sa culture, sa créativité, mais aussi pour promouvoir la création d'emplois. En effet, depuis ces débuts, ce sont quelques 400 personnes qui travaillent à la Friche, environ 1000 au Pôle Média et 150 réparties sur l'ensemble du Pôle Patrimoine.

Bien que le Pôle de la Belle-de-Mai regroupe des industries à la fois culturelles et créatives, nous pouvons nous demander si, finalement, cette proximité géographique permet la création d'une synergie ? Est-ce que le rapprochement entre ces industries permet une complémentarité ou au contraire, est-ce que les industries sont totalement disjointes et ne travaillent pas ensemble ? Nous verrons, dans cette partie, à travers l'institution des projets, les discours politiques et de la presse, les entretiens récoltés auprès des structures du Pôle de la Belle-de-Mai et les questionnaires personnalisés auprès des salariés et intermittents, si le discours autour de cette complémentarité qui se veut optimiste a des raisons de l'être ou si, au contraire, il s'agit simplement d'un marketing urbain fort qui permet de cacher une réalité tout autre.

Chapitre 1 : industries créatives à la Belle-de-Mai : influence de l'institutionnalisation

Nous verrons, dans ce premier chapitre concernant les interactions à la Belle-de-Mai, la place de l'institutionnalisation dans le développement des industries créatives et de leurs interactions. Nous tenterons de comprendre quel est l'intérêt pour les institutions de développer la Belle-de-Mai par les industries créatives. Nous nous appuierons notamment sur les projets de développement de ces industries à Marseille, de leur place dans l'économie régionale ainsi que du discours politique et de la presse qui en est fait.

1. Politiques de développement des industries créatives en Provence-Alpes-Côte-D'azur

a) La créativité au coeur de la politique territoriale

La culture et la créativité font partie intégrante, depuis les années 2000, du discours et de la stratégie politique de la ville de Marseille. Voici les deux schémas directeurs dont les orientations principales sont la culture et l'attractivité :

- 2002-2012 : La culture au coeur du débat

Dans ce schéma directeur, Marseille présente un projet culturel de grande envergure et déjà, la question des industries créatives y est capitale.« Elles sont, en effet, un complément indispensable du soutien à la création. Elles apportent à ces domaines artistiques un rayonnement et une audience spectaculaires. Elles ont un véritable poids économique, ont un avenir dans la révolution numérique, et exercent aussi une influence sur la variété et la richesse des biens culturels. »22(*). Et déjà, la Belle-de-Mai apparaît comme moteur indispensable aux développements de ces industries. « La Friche de la Belle-de-Mai est l'un des projets culturels les plus innovants de ce début de millénaire. Né à Marseille en 1990, ce concept et d'ailleurs aujourd'hui repris dans de nombreuses métropoles européennes (Lyon, Bruxelles, Naples.) ». La Friche apparaît donc comme un lieu nouveau« qui permet à la culture de jouer dans la cité un vrai rôle de développement économique. ». La Friche apparaît comme moteur au développement économique de la ville tout entière. Son attractivité au niveau global a permis d'en faire un modèle et elle est surtout« porteuse de richesses en matière d'image ». Elle joue un rôle marketing. Elle n'est pas seulement là pour produire et créer, elle est aussi là pour susciter l'envie d'une même réussite. La ville parle même d'un lieu réalisant « la 3ème époque de l'action culturelle », c'est dire l'importance de l'image véhiculée par le lieu.

Concernant le pôle audiovisuel et multimédia, on nous parle de concept « original », « unique en Europe », visant « à développer l'économie locale ». Là aussi, l'image et le rôle économique sont des enjeux importants dégagés. Ajouté à cela, on peut lire dans ce rapport que le Pôle est finalement « la mise en synergie de tous les acteurs de l'industrie cinématographique ». Le Pôle Média serait donc un cluster du cinéma ? On doit tout de même émettre une réserve qu'en à la réelle collaboration entre les acteurs. C'était un des objectifs du projet de base. Mais aujourd'hui, qu'en est-il ? C'est là tout le fondement de notre analyse basée sur des entretiens et des questionnaires personnels auprès des entreprises et de leurs salariés constituant la suite de ce mémoire.

- 2012-2020 : Marseille attractive, « un projet pour une stratégie partenariale » :

Au sein de ce document stratégique, la ville de Marseille présente le territoire, son diagnostic en matière d'attractivité, et les objectifs de développement. La stratégie conduite depuis plusieurs années est présentée sous la forme qui suit :

· « amélioration de l'environnement économique et de la qualité urbaine pour encourager la création et l'installation d'entreprises et d'activités sur le territoire marseillais ;

· le soutien à l'émergence d'activités et de filières innovantes, mais également, le développement de fonctions métropolitaines pour positionner Marseille à l'échelle régionale et sud européenne ... ;

· la mobilisation des ressources et partenariats locaux autour d'une préoccupation centrale : le développement de l'emploi »23(*).

Dans cette continuité, la ville de Marseille souhaite faire de l'attractivité un enjeu majeur commun à tous les acteurs du territoire. L'ambition première présentée est de « permettre aux acteurs de se rassembler et de construire un projet partenarial ». On reste toujours sur cette notion de synergie, de partenariat, renforcée depuis la précédente stratégie 2002-2012. Dans ce nouveau document, la ville continue de renvoyer la Belle-de-Mai à une « vitrine pour l'ensemble de la ville ». Mais le Pôle est cette fois sujet à l' « innovation », au « coworking ». On est donc passé à échelon supérieur. La collectivité exprime même le fait que « le secteur de la Belle-de-Mai autour du Pôle Média et des Friches culturelles pourrait devenir « un living lab » liant industries créatives et médias numériques. »24(*) . Pour rappel, le « living lab » est un concept/projet lancé par un programme européen en 2006. Ce concept se construit autour d'une coopération d'acteurs privés et publics, d'entreprises, de laboratoires et de collectivités locales aboutissant à des services et usages nouveaux. La Belle-de-Mai pourrait donc s'apparenter à un lieu où les industries culturelles et créatives se conjuguent parfaitement. La ville relie même la Belle-de-Mai au « quartier/cluster du transmédia et des télécentres de Marseille ».

Finalement, aux grés des stratégies de développement culturel, la ville de Marseille commence par distinguer la Friche et le Pôle Média en expliquant que ce sont deux facteurs de développement économique et de marketing urbain. Par la suite, les termes qui renvoient aux interactions entre les différents pôles sont de plus en plus forts. On passe de « partenariat » à « synergie » puis à « cluster ». On voit donc toute l'importance du discours politique dans la perception des interactions.

b) Quel est le poids de l'économie créative dans la région ?

Ces dernières décennies, l'émergence des nouvelles technologies ainsi que la mondialisation ont favorisél'accélération de l'économie mondiale. Certaines régions mondiales, dont l'Europe, ont choisi de s'éloigner del'industrie manufacturière traditionnelle qui constituaitune économie considérable. Le choix s'est alors porté sur les industries de l'innovation, c'est-à-dire l'économie de la connaissance, de l'information, de l'immatériel et du numérique. Cette nouvelle économie, dite créative, est aujourd'hui considérée comme une ressource pionnière au développement économique ainsi qu'à l'attractivité et la compétitivité des territoires.

Dans cette optique, certains territoires dont la France, ont produit des rapports qui répertorient les industries créatives et leur poids dans le PIB. Pour rappel, les industries dites créatives font suite au terme industrie culturelle qui est apparu dans les années 1950. Aujourd'hui, elles regroupent 9 secteurs d'activités culturels et créatifs que sont le spectacle vivant, les arts graphiques et plastiques, la musique, le cinéma, la télévision, la radio, les jeux vidéo, les livres, la presse, journaux et magazines25(*).

C'est donc à partir de cette nomenclature et à la mobilisation de plusieurs bases de données que l'analyse de la créativité peut être faite. Grâce aux bases de données Séquoia issues de l'ACOSS et des URSSAF ainsi que le fichier SIRENE (Système Informatique pour le Répertoire des ENtreprises et de leurs Etablissements), nous avons puconstituernotre propre analyse des industries créatives en région PACA.

Une première carte a pu être dégagée. Elle représente le nombre de créatifs en région PACA en 2013. On y remarque que l'emploi est condensé dans les grandes métropoles que sont Aix-Marseille et Nice.

CARTE 2 : Nombre d'emplois créatifs dans la région PACA en 2013 par commune (selon les codes NAF)

A l'échelle de la France, l'économie créative représente en 2003 2,3% du PNB. Le département des Bouches-du-Rhône se situe en 2010 au 6ème rang des départements français avec 28 335 salariés créatifs. L'économie créative y représente 5,4% des emplois privés26(*) (contre 5,6% à l'échelle nationale). Concernant l'emploi, les industries culturelles et créatives regroupaient en 2011 1,2 million de personnes en France, soit 5% de l'emploi intérieur total27(*).

Le développement des industries créatives dans les aires urbaines peut également s'exprimer du fait que de grands événements culturels peuvent y être organisés, favorisant l'expansion et la reconnaissance des industries culturelles et créatives sur le territoire. Prenons l'exemple de Marseille Provence Capitale Européenne de la Culture. Ce label a permis en 2013 de donner des centaines de manifestations culturelles et artistiques sur un territoire regroupant 97 communes. L'aspect le plus important lié à cet événement a été le développement de 20 grands chantiers culturels à partir de 660 Millions d'euros d'investissements. Les investissements les plus importants sont bien entendus situés à Marseille, où les plus grandes manifestations ont eu lieu, avec l'aménagement par exemple du MUCEM, grand musée Méditerranéen, mais également de salles comme la Tour Panorama à la Friche la Belle-de-Mai, qui a permis de développer ce lieu, par un projet de construction, et de mettre en avant ce lieu où les projets étaient surtout des réhabilitations. Finalement, des événements de cette ampleur sont surtout de très bons accélérateurs de l'économie créative, bien que la question qui se pose aujourd'hui soit l'impact « après Capitale ». Des études ont d'ailleurs déjà été faites ou sont en cours de réalisation sur l'impact positif qu'a eu l'événement sur le territoire durant l'année Capitale. Cependant, un impact négatif peut aussi s'observer après l'année « Capitale ». On notera par exemple que Avignon a également été Capitale Européenne de la Culture en 2000, mais qui s'en souvient ? Aujourd'hui, le label Capitale de la Culture semble plutôt être décerné à des villes qui ont besoin d'être développées et redynamisées. Marseille ne présentait pas forcement de potentiel culturel - bien que des aménagements étaient de facto prévus dans la candidature de la ville - contrairement à ses concurrentes que furent Bordeaux, Lyon et Toulouse. La ville de Marseille a surtout vu en cette candidature un potentiel au développement de son territoire en matière de culture évidemment, mais aussi quant au développement économique. La question qui reste en suspens aujourd'hui est finalement de savoir si cet évènement a engendré un impact seulement positif, avec près d'un milliard d'euros de retombées, ou n'est-ce pas plutôt un dispositif favorisant des inégalités sociales voir une gentrification forte ?

Concernant l'évolution des industries créatives en région PACA, on remarque par la carte ci-contre que l'évolution positive se fait surtout en arrière pays. Certaines communes du Var et du Vaucluse connaissent jusqu'à 400% d'augmentation : c'est le cas de Sault (84) et de Seillons-Source-d `Argens (83). On trouve également 5 communes dans le Vaucluse et 4 dans le Var qui possèdent entre 200 et 300 % d'augmentation. Ces chiffres sont évidemment dus au fait que ces communes n'avaient aucunes industries créatives en 2008 et qu'elles en ont 2, 3 ou 4 en 2013. Ces chiffres sont donc peu représentatifs ; mieux vaut étudier des cas de plus grandes villes comme Marseille, Nice ou encore Aix-en-Provence qui sont plus représentatives des politiques de développement économique et culturel.

Carte 3 : évolution du nombre d'établissements créatifs en région PACA entre 2008 et 2013 par commune (selon code NAF)

À Marseille, les évolutions sont mitigées. Le 14ème arrondissement connaît le plus fort taux de décroissement avec 14,8% et le 15ème le plus fort taux d'accroissement avec 15,9%. Les arrondissements qui sont également en décroissance sont le 6ème, le 13ème et le 12ème. Le fait que le 13ème arrondissement se trouve en décroissance semble d'ailleurs étonnant puisque c'est un arrondissement avec une forte dynamique d'innovation lié au Technopôle de Château Gombert. Le 3ème arrondissement, où se trouve le quartier de la Belle-de-Mai, connaît quant à lui un accroissement de 5,7%. Comme nous le verrons dans la suite de ce mémoire, la création d'entreprises à la Belle-de-Mai se maintien de manière croissante depuis 2008. La ville d'Aix-en-Provence connaît une légère croissance de ces industries créatives entre 2008 et 2013 avec 1,9% d'augmentation. On observe également à Nice une décroissance de 5% et à Toulon une croissance de 3,5%.

Ces dynamiques peuvent s'expliquer par la Stratégie Régionale de l'Innovation qui fait partie du Contrat de Projet Etat-Région et qui entre dans l'élaboration du Programme Opérationnel FEDER. Cette stratégie comporte 4 orientations stratégiques qui sont l'innovation par les pôles, l'accompagnement de toutes les entreprises, l'économie créative et une Méditerranée durable et enfin l'innovation sociétale et territoriale. Bien que cette stratégie se définisse comme « régionale », grands nombres des projets qui la constituent se situent dans les grandes agglomérations de PACA et sur des territoires où l'économie créative n'est plus à démontrer. Finalement, les aides apportées aux industries créatives et au développement des entreprises qui y sont liées dépendent du potentiel de chaque territoire. Sur un territoire où les industries culturelles et créatives sont, de facto, peu représentées, les préoccupations quant à leur développement et parfois même leur survie sont moindres. A l'inverse, lorsqu'une ville ou commune présente un potentiel certain au développement d'une stratégie d'innovation, elle sera d'avance favorisée dans les projets de territoire. Ces projets de territoire proviennent bien évidemment des régions, mais aussi des collectivités locales. Et bien que ces institutions aient des compétences d'échelle totalement différentes, elles jouent toutes un rôle dans le développement économique d'un territoire local, c'est d'ailleurs ce que nous allons voir dans le cas de notre territoire d'étude : le Pôle de la Belle-de-Mai.

2. La place des collectivités dans l'aménagement du Pôle de la Belle-de-Mai et dans sa légitimité

a) Développement de la créativité à la Belle-de-Mai : un projet en trois « îlots » où la ville joue un rôle majeur

Comme nous l'avons vu, l'aide à la création d'entreprises créatives est aujourd'hui un enjeu majeur des politiques de développement local. Les collectivités s'intéressent de plus en plus à l'attractivité économique que peuvent avoir les industries créatives. Dans le cas de la Belle-de-Mai, la Ville de Marseille a très vite cerné cette opportunité d'attractivité par le création et la créativité. Ce territoire offre, en effet, depuis 1992 et l'installation du Système Friche Théâtre dans l'ancienne manufacture des tabacs, un potentiel culturel et économique au territoire de la Belle-de-Mai et plus largement au territoire marseillais, qu'il est essentiel de développer et soutenir. Dans cette dynamique, elle choisit, dans un premier temps, en 1998, de racheter la totalité de l'ancienne manufacture de tabac sur laquelle s'est déjà installé le Système Friche Théâtre en 1992. Grâce à cette nouvelle collaboration entre collectivités et artistes, le projet Friche va prendre une ampleur considérable. Les différents projets de réhabilitation qui feront suite à « un projet culturel pour un projet urbain » vont développer la renommée nationale et internationale de la Friche. La ville y voit alors un potentiel d'attractivité pour Marseille et décide de développer sur le reste de la manufacture un ensemble conjuguant industries culturelles et industries créatives. Elle choisit alors de répartir le territoire en 3 îlots : un îlot spectacle vivant(que l'on pourrait regrouper dans le secteur culturel des arts et spectacles vivants), un îlot multimédia (qui regroupe les secteurs culturels et créatifs du spectacle diffusé, de la communication, du design, du marketing et de la publicité, des jeux vidéo et logiciels) et un îlot patrimoine (qui appartient typiquement au secteur culturel du patrimoine). Ces trois îlots regroupent trois projets aux objectifs et perspectives différentes avec trois types d'acteurs de développement différents. Mais la place de la ville de Marseille dans la définition de ces dits projets y reste toujours très importante.

- L'îlot patrimoine et institutionnel : Pôle Patrimoine

« Le Pôle Patrimoine est axé sur la conservation et la restauration d'oeuvres d'art et d'archives. »28(*). Dans le cas du Pôle Patrimoine, chaque structure est gérée de manière différente mais toujours en partenariat avec des collectivités et/ou l'État:

- le Centre Interrégional de Conservation et de Restauration du Patrimoine, autonome juridiquement mais partenaire de la ville de Marseille ;

- la Conservation du Patrimoine des Musées ;

- le Fonds Communal d'Art Contemporain ;

- l'INA-Méditerranée qui conserve les archives audiovisuelles liées aux productions radiophoniques et télévisuelles de la région PACA et de la Corse ;

- les Archives Municipales de la ville de Marseille, gérées par la ville.

À ces structures, nous avons ajouté pour notre étude le centre de conservation et de ressources du MuCEM (CCR) puisqu'il est à proximité même du site et fait également office d'un centre de conservation du patrimoine. Il est quant à lui placé sous la tutelle du Ministère de la Culture qui reste donc aussi à caractère publique.

- L'îlot multimédia : le Pôle Média

Dans le cas du Pôle Média, c'est la ville qui gère l'ensemble du Pôle, soit la distribution et la gestion des locaux. On y trouve bien évidemment des entreprises privées mais aussi des entreprises publiques et même des établissements gérés ou subventionnés par l'État ou la Région. C'est notamment le cas de l'incubateur (labélisé par le Ministère de l'Education Nationale, de la Recherche et de la Technologie) et de la pépinière d'entreprise (gérée par Marseille Innovation) qui sont des structures accueillant des entreprises en court de création pour une durée allant jusqu'à 18 mois pour l'incubateur et 24 mois (renouvelables) pour la pépinière. Pour les entreprises dont le projet aboutit, une disposition d'accueil est également développée afin qu'elles puissent louer des locaux directement à la ville et ainsi rester au sein du Pôle Média. On y trouve également des structures comme PRIMI (Pôle Transmédia Méditerranée) qui est un cluster rassemblant les filières de l'audiovisuel et du cinéma, de l'animation, du jeu vidéo, de l'Internet et du multimédia. PRIMI est labellisé Grappe d'Entreprises par la DATA et PRIDES par la région PACA. Ce Pôle fait notamment partie de la dynamique d'innovation par les Pôles de compétitivité et les Pôles Régionaux d'Innovation et de Développement Économique Solidaire (PRIDES) soutenue par la Stratégie Régionale de l'Innovation.

Photo 1 : Le Pôle Média de la Belle-de-Mai

Source : SEVERIN Hélène, 15 mai 2015

Le projet du Pôle Média entre dans le cadre d'une politique régionale en faveur du multimédia, le projet IRIS (Initiatives Régionales Innovations et Stratégies). Cette politique veut faire du développement des TIC un axe prioritaire avec le déploiement du haut débit, l'accès public à Internet et le développement des industries multimédia dont le Pôle Média est un moteur important. Elle ajoute également dans ses objectifs le développement du cinéma et de l'audiovisuel.

Finalement le Pôle Média répond à deux objectifs principaux :

- Développement d'une filière de contenus multimédia, audiovisuels, cinématographiques en région ;

- Capitaliser le tournage à Marseille et en région PACA.

Le soutien à l'économie créative relève des administrations des ministères, des opérateurs issus de ces ministères et des professionnels de ces secteurs concernés. A la Belle-de-Mai, les grands partenaires financeurs sont29(*) :

Ø L'Union Européenne,

Ø Le Conseil Régional Provence-Alpes-Côte-D'azur,

Ø Le Conseil Général des Bouches-du-Rhône,

Ø La ville de Marseille,

Ø Euroméditerranée, qui assure la promotion du site,

Ø La communauté urbaine Marseille Provence Métropole qui assure la commercialisation des locaux et l'accompagnement des entreprises dans leur implantation.

Enfin, les acteurs que sont Marseille Innovation, l'Incubateur Belle-de-Mai, les Studios de Marseille, l'Observatoire des Ressources Multimédia en Éducation, le Centre Régional de Documentation Pédagogique et l'Espace Culture Multimédia assurent le développement du site.

Lors de notre entretien avec Nathalie AVERSENQ30(*), chargée du projet Pôle Média, cette dernière nous explique qu'à la création de la communauté urbaine dans les années 2000, la ville de Marseille décide de confier les compétences économiques à la communauté. Elle lui a également confié les compétences facultatives. C'est en 2008 que la ville de Marseille souhaite récupérer les compétences facultatives. Elle crée alors la Direction Attractivité Economique, aujourd'hui appelée Direction des Projets Economiques (depuis 2015). Le Pôle Média fait partie de ce pôle de direction et MPM est en charge de sa gestion. Au sein de cette direction, on trouve un pôle développement territorial (en charge de la gestion et de la technique) et un pôle promotion (en charge de la commercialisation et de la promotion).

Le Pôle Média regroupe aujourd'hui quelques 900 salariés pour une cinquantaine d'entreprises. Quatre sur cinq d'entres elles sont des TPE de moins de 10 salariés. Le groupe lié à la série « Plus Belle la Vie » (400 emplois) et Egencia (200 emplois) regroupent les trois quarts des effectifs de l'îlot.

- L'îlotspectacle vivant : la Friche la Belle-de-Mai31(*)

Situé rue Jobin, la Friche la Belle-de-Mai est une structure regroupant des artistes, des salles de spectacles et concerts, salles de diffusion d'oeuvres, une librairie ; regroupés dans les secteurs culturels que sont le spectacle vivant, le spectacle diffusé, le livre et la presse. Mais on y trouve aussi une crèche et un restaurant qui ne sont pas des industries créatives.

La Friche s'est constituée en 2007 en Société Coopérative d'Intérêts Communs et est désormais locataire de la ville de Marseille31(*). Les partenaires fondateurs de la Friche sont :

Ø Le Ministère de la Culture,

Ø Le Conseil Régional PACA,

Ø Le Conseil Général Bouches-du-Rhône,

Ø La Ville de Marseille.

Le projet initié à la Friche est basé sur la production et la diffusion d'une culture nouvelle accessible dans une stratégie de mixité sociale. Les acteurs associatifs qui y sont installés ont surtout voulu créer un lieu où tout le monde peut se regrouper et partager. « La qualité et la quantité des projets, leur variété et leur autonomie, garantissent la singularité du lieu32(*). »

La question qui se pose alors est pourquoi la ville s'intéresse à ce projet culturel ? L'engouement de la ville quant au développement du territoire de la Friche et plus généralement de la Belle-de-Mai se trouve simplement dans la notoriété dégagée par la Friche. Elle reste d'ailleurs toujours engagée dans le projet.Elle participe, chaque année à hauteur de 6 Millions d'euros au projet de développement des 45 000 m². A titre indicatif, sur la friche du 104 à Paris, c'est 10 millions d'euros directement injectés par les collectivités chaque année pour 10 000 m² de projet. La contribution de la ville de Marseille reste donc faible bien que notable par rapport à d'autres. Alain ARNAUDET, directeur de la Friche, explique33(*) que « si les activités culturelles apportent beaucoup aux collectivités qui les accueillent, cette valeur ajoutée s'apprécie plus en matière de notoriété, de lien social ou d'animation que d'un point de vue économique. »

Photo 2 : Toit-terrasse de la Friche la Belle-de-Mai

Source : SEVERIN Hélène, 15 mai 2015

Finalement, le seul îlot où la ville de Marseille n'exerce pas une totale gestion est l'îlot 3. En effet, la réhabilitation de la manufacture en une friche culturelle est un projet qui émane du Système Friche Théâtre, et bien que la ville soit maître d'ouvrage des aménagements qui y sont faits, les projets sont initiés par des acteurs associatifs. Et c'est sans doute pour cela que la Friche constitue le seul des trois pôles dont la mixité sociale prend une large part des objectifs de développement34(*).

b) L `utilisation du terme de « pôle » renvoie-t-il au concept de « cluster » ?

Les trois îlots du Pôle Belle-de-Mai font référence à 3 pôles que sont la Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine. On peut remarquer par la présente phrase que le terme « pôle » est récurrent sur ce territoire. Il est d'abord utilisé au sein des différents projets de réhabilitation de l'ancienne manufacture. Il est ensuite utilisé comme référence nominative pour l'îlot multimédia qui devient le Pôle Média et l'îlot patrimoine qui devient le Pôle Patrimoine. Enfin, il décrit l'ensemble qui constitue le « Pôle Belle-de-Mai ».

Mais qu'entend-on par le terme « pôle » ? A quoi ce terme fait référence ?

Nous pouvons supposer que l'expression « pôle » pourrait s'apparenter à celle de « pôle de compétitivité ». Dans sa définition, un pôle de compétitivité est « une combinaison, sur un espace géographique donné, d'entreprises, de centres de formation et d'unités de recherche publiques ou privées engagés dans une synergie autour de projets communs au caractère innovant. »35(*). Les mots qui ressortent de cette définition sont « synergie » et « projets communs ». L'intérêt de ce genre de pôle est de rassembler des industries qui gravitent autour d'un même secteur et ainsi leur fournir la possibilité de travailler en corrélation. Dans le cas du Pôle Média, ce sont des entreprises de production, de création et de diffusion multimédia et audiovisuelle qui sont regroupées au sein d'une même structure. Concernant le Pôle Patrimoine, ce sont des établissements de conservation des patrimoines qui se regroupent sur un même secteur géographique. Enfin, à la Friche, ce sont des associations d'artistes dont le but est de produire de la culture pour tous les publics. Bien que la Belle-de-Mai ne dispose pas de centre de formation ou de recherche, il s'agit bien d'un regroupement d'entreprises issues de mêmes secteurs d'activités.

Finalement, la définition du « pôle de compétitivité » se rapproche quelque peu de celle du « cluster » que nous avons développé en partie 1. En effet, la possible création d'une synergie donnant lieu à des projets communs peut s'apparenter au système « cluster ». On retrouve d'ailleurs ce rapprochement dans plusieurs études sur les pôles média et pôles de compétitivité en général. Au sein de l'annexe 2 du bilan Stratec sur la pertinence d'un Pôle Média à Bruxelles dans l'élaboration du schéma directeur de la zone levier n°12 RTBF-VRT36(*), le rapprochement entre pôle et cluster est clairement fait. En effet, « le terme « pôle » s'apparente aÌ celui de cluster qui, en urbanisme, désigne « une unitéì urbaine, un bloc urbain dont les activités économiques sont homogènes ». Par exemple, un Central Business District (CBD) tel que La Défense aÌ Paris est un cluster. »37(*). Par définition38(*), un cluster consiste en un regroupement d'acteurs d'un même secteur dont le rassemblement constitue un intérêt commun. La proximité géographique entre ces entreprises permet la mise en place d'une synergie, d'une cohabitation collaborative, d'une proximité organisée. Dans le cas d'un cluster de type Pôle Média, les entreprises qui se rassemblent viennent de secteurs créatifs. Bien que la proximité géographique soitun des points fort de ce pôle, est-elle vraiment suffisante à la création d'une synergie ? En effet, dans certains cas de cluster, le rassemblement n'est pas obligatoire. Grâce aux nouvelles technologies de communications, les acteurs audiovisuels et média peuvent se rassembler virtuellement. On retrouve dans cette affirmation tout le paroxysme du paradigme de cluster. Un cluster est un regroupement d'entreprises dont la proximité géographique et la proximité organisée est une nécessité. Mais la proximité géographique, dans sa limite, n'est pas toujours nécessaire de manière quotidienne. Le lien peut évidemment se créer par les nouvelles communications et les nouveaux modes de transports. Finalement, cela revient à nous questionner sur le fait que la proximité géographique ne produit pas toujours de proximité organisée. Dans le cas de la Belle-de-Mai par exemple, les entreprises se sont surtout implantées là pour le prix et pour la renommée du lieu, mais cherchaient-elles vraiment à créer du lien avec d'autres acteurs ?

Le cluster est donc une stratégie intéressante lorsque les acteurs se regroupent pour former un ensemble synergique où les projets se ressemblent et s'assemblent. Il est même très intéressant de voir des entreprises dont l'efficacité économique augmente lorsqu'elles entrent en rapport avec d'autres entreprises environnantes dont la réussite est certaine. Nous devons donc nous demander, pour le cas de la Belle-de-Mai et pour la suite de notre analyse, si des interactions existent entre les entreprises et, si elles existent, est-ce que l'ensemble de sociétés est plus efficace qu'une activité consolidée par une seule entreprise ?

c) Le Pôle Belle-de-Mai comme une réussite de la ville

Nous l'avons constaté dans les deux points précédents : les collectivités ont fort à faire sur le territoire de la Belle-de-Mai. Et c'est bien par la réhabilitation du Pôle Belle-de-Mai que la ville de Marseille veut montrer sa capacité à innover, à être créatif et attractif. Aujourd'hui, les trois îlots ont été totalement rénovés : la Friche, bien qu'elle ne soit pas immuable, constitue aujourd'hui un moteur dans l'économie culturelle marseillaise ; le Pôle Média dispose de nombreux atouts dans les secteurs du multimédia, des TIC, de l'audiovisuel ; le Pôle Patrimoine regroupe des structures de conservation et de restauration du patrimoine qui sont un autre potentiel à l'économie culturelle de Marseille. Mais la réhabilitation de ces trois pôles par les collectivités, par des promoteurs, et par des associations, avaient bien d'autres objectifs : créer des clusters où les entreprises travaillent en synergie autour d'un projet commun, créer un pôle de compétitivité regroupant l'ensemble des trois îlots où la proximité organisée viendra s'ajouter aux rapprochement des acteurs publics, privées et associatifs.

Quelle est la position du discours politique quant à la stratégie collaborative à la Belle-de-Mai ?

Selon Catherine KERBRAT-ORECCHIONI (2008), l'analyse de discours doit impérativement répondre aux principes suivants : il est nécessaire de prendre en compte la totalité du matériel qui compose le discours ; de prendre en compte le caractère co-construit, c'est-à-dire ses répercutions en amont et en aval ; de prendre en compte les facteurs contextuels les plus pertinents. Finalement, l'analyse de discours est un outil au questionnement de son impact au-delà de son dire.

Dans le cas de la Belle-de-Mai, les politiques se servent en effet du succès du pôle pour se légitimité ainsi que leur politique auprès des citoyens. « Aujourd'hui, les trois pôles « auteur, patrimoine et média » sont une réussite »39(*) selon Jean-Claude GAUDIN, maire de Marseille. Déjà, dès l'ouverture du Pôle Média, le maire se félicite du travail accompli sur le territoire Belle-de-Mai. Mais la différenciation entre les trois îlots, qui fait partie du discours politique de manière récurrente, n'aide pas la mise en place d'un écosystème d'ensemble favorable aux industries créatives. Le pôle qui est, d'ailleurs, le plus mis en avant est l'îlot 2. Selon Alain AYOT, vice-président du Conseil Régional, «  ce n'était pas dans nos compétences, mais il s'agit d'un élément essentiel du développement de la filière cinéma et audiovisuel en région. ». Alain AYOT exprime par là le fait que le Pôle Média soit une réussite, et bien que n'appartenant pas aux compétences de la région (celle-ci faisant tout de même partie des développeurs économiques du pôle), il apporte à la région un outil important dans les secteurs de l'audiovisuel et du cinéma. Les retombées d'un tel pôle de développement ne sont donc pas simplement de l'ordre du local, mais au-delà, du supra-local voir du global.

Jean-Noël GUERINI, président du Conseil Général, salue « cet ouvrage, qui est le fruit d'une collaboration entre l'ensemble des collectivités territoriales, l'Etat et l'Europe. Cet esprit de concertation qui a présidé d'emblée à cette opération doit perdurer. ». Enfin, Renaud MUSELIER, ancien secrétaire d'État aux affaires étrangères et premier adjoint, se dit « réjoui que le monde de la culture et de l'économie se rejoignent dans ce lieu. ». Finalement, le pôle sur lequel la ville de Marseille semble le plus avoir « misé » est le Pôle Média, et c'est une réussite ! La collaboration entre différentes collectivités de différentes échelles semble avoir fonctionné.

Lors de la candidature de la ville auprès de l'État pour devenir l'un des 15 « quartiers numériques », la Belle-de-Mai est de nouveau mise sous les projecteurs. Dans un article paru le 24 septembre 2013 dans la Provence, le titre « SiliconValley à la Belle-de-Mai »40(*) est très évocateur. Daniel SPERLING, adjoint UMP délégué à l'accès à Internet, souhaite faire de ce secteur « un vivier international du numérique, ainsi qu'il avait déjà exprimé le souhait à Fleur Pellerin, la ministre à l'Économie numérique, en visite en septembre 2012 à Marseille. ». Le terme « international » est ici lourd de sens. On le retrouve d'ailleurs par la suite : « en termes de moyens et de valorisation à l'international, c'est énorme. »Le projet du Pôle Média est un projet global de développement, dont le rôle principal est une nouvelle dynamique attractive de Marseille. Fleur PELLERIN, ministre de la culture, exprime quant à elle le fait que « cette ville a des atouts considérables et qu'il faut développer » lorsqu'elle se rend au Pôle Média en septembre 2012. Elle y confirme d'ailleurs que l'État accompagnera le projet de la stratégie numérique à la Belle-de-Mai.

Bien que le Pôle Média soit souvent mis en avant au sein du discours politique, les deux autres îlots sont beaucoup moins représentés. Comme nous pourrons le voir, la Friche est bien souvent reliée au quartier et ce sont donc des acteurs locaux associatifs qui la représentent. En vue de cette mise à l'écart des îlots patrimoine et spectacle vivant, il est tout à fait normal de ne trouver aucune locution politique précise quant aux interactions entre les trois pôles. Et c'est là tout le problème. Dès le début du projet, les trois îlots sont différenciés ; c'est comme si, géographiquement, ils étaient distants de plusieurs dizaines voire centaines de kilomètres. Pourtant, ils partagent le même espace sur le territoire. Du coup, on peut se poser la question de l'impact d'une telle distinction : est-ce que cette différenciation reste de l'ordre du discours politique ou est-ce qu'elle s'est reflétée sur le discours des acteurs du Pôle Belle-de-Mai ? C'est la question à laquelle nous tenterons de répondre dans notre prochain chapitre.

3. Étudesinstitutionnelles et discours de la presse

« Parce qu'il est le produit d'un champ social singulier (le champ politique), le discours politique doit donc être étudié comme genre singulier doté d'une certaine cohérence. » (LE BART, 2003). Le discours politique reste principalement le vouloir-dire des acteurs politiques. Il représente peu souvent la réalité du monde social. C'est pourquoi les citoyens sont le plus souvent méfiants face à ce type de discours. Il représente les idéologies et la position du locuteur. L'étude des discours est certes une science qui remonte à l'antiquité, mais qui prend de plus en plus d'importance dans le champ politique avec la question de la légitimé des élus. L'un des précurseurs de la définition d'une théorie de l'analyse du discours en politique est Pierre BOURDIEU. Il décrit le champ du discours politique comme un illusio, c'est-à-dire comme un jeu dont les acteurs politiques sont les pions et dont la possibilité et la prévisibilité ne se fait que par le chercheur, qui se trouve ex-consensus. L'illusio apparaît comme une croyance, voir même une contrainte puisque qu'elle s'impose à l'ensemble du cercle politique. Elle est intériorisée et prend la certaine forme de foi, foi qui paraît transparente voir invisible in-consensus. Finalement, selon BOURDIEU, on ne peut comprendre les croyances d'un champ que lorsque qu'on se trouve à l'extérieur de ce champ, là où la croyance n'existe plus41(*).

Mais bien que les acteurs politiques aient fait de leur croyance une vocation, il n'en existe pas moins différentes stratégies ou tactiques discursives. Un même professionnel de la politique n'aura pas le même discours selon s'il agit de manière ponctuelle, professionnelle ou collective. Il existe donc autant de discours au sein du champ politique que de locuteurs. Finalement, le champ politique n'est pas, comme tout champ social, une opposition entre le dedans (l'illusio, la croyance) et le dehors (ce qui peuvent ne pas y croire). C'est aussi une opposition entre les positions dominantes et dominées (locuteurs en position inférieure ou latérale). Aussi, quelle est la place des citoyens dans un champ social qui n'est pas renfermé sur lui-même ? Le discours politique suscite de plus en plus de méfiance. Les professionnels de la politique n'ont donc pas le pouvoir de transmettre leur croyance. Ils ne sont d'ailleurs même plus légitimes par leur simple statut politique. Le discours politique s'est aujourd'hui étendu au-delà du simple champ politique. C'est-à-dire qu'il est également utilisé par les professionnels de la politique pour se légitimer face au citoyen.

Dans le cas de la Belle-de-Mai, quelle est l'importance de cette linguistique particulière ? Quel rôle joue le discours politique dans la mise en évidence et la promotion du Pôle Belle-de-Mai ?

a) Le rapport LEXTRAIT : vers la reconnaissance des territoires culturels ?

L'un des discours pionnier relatif à la reconnaissance des territoires créatifs a été apporté dans le rapport LEXTRAIT sur les nouveaux territoires de l'art. Ce rapport édité en 2001, intitulé dans son premier volume « une nouvelle époque de l'action culturelle » fait suite à une demande du secrétaire d'État au Patrimoine et à la Décentralisation Culturelle Michel DUFFOUR. On y trouve des monographies et fiches d'expériences de nouveaux territoires de l'art comme la Caserne d'Angely à Nice, la Gare au Théâtre d'Ivry ou encore la Friche la Belle-de-Mai à Marseille. Ce rapport marque donc la prise de conscience des institutions et donc des acteurs politiques de ces nouveaux territoires de l'art, de la culture, et même de la créativité.

Dans sa fiche détaillée sur la Belle-de-Mai, Fabrice LEXTRAIT dresse un portrait détaillé de l'évolution de l'ancienne manufacture de tabac de Marseille. Il décrit le projet de réhabilitation comme une confrontationau « gigantisme »42(*) du lieu qu'est la Belle-de-Mai. Les bâtiments réaménagés proposent des espaces « inouïs » au spectateur. LEXTRAIT va même jusqu'à décrire la requalification de la Friche comme évoquant « la poésie de ce paysage urbain ». « De programmation en programmation, la Friche la Belle-de-Mai devient en quelques années l'un des principaux pôles de création, de résidence et de pratique culturelle de la ville »43(*). On voit déjà, avant même qu'une analyse du Pôle Média et du Pôle Patrimoine soit faite par les politiques, le terme « pôle » apparaître. Cette fiche rapporte également les propos de Philippe FOULQUIE, à l'époque directeur du Système Friche Théâtre. Il se pose d'ores et déjà la question suivante : « et si la culture était l'alternative économique dont cette ville et ce quartier avaient besoin ? ». L'importance de cette interrogation va porter ses fruits lors des projets et stratégies d'aides aux industries culturelles décidés par l'État suite à ce rapport.

Bien que le rapport prône la culture comme développeur économique local, Fabrice LEXTRAIT émet déjà des réserves quant aux orientations de la réhabilitation de l'ancienne manufacture. « Sans avancer sur ce terrain, il est fort possible que chaque îlot se sclérose sur ses propres pratiques, alors que l'ambition du projet est de garantir une transversalité réelle à l'échelle de la Friche, à l'échelle du quartier, de la ville et de la très grande région. »44(*). Les orientations du projet qui sont initiées au début des années 2000 prônent la mixité sociale et la collaboration entre les structures des 3 îlots de la Belle-de-Mai. Néanmoins, ce projet paraît quelque peu ambitieux puisque l'impact attendu par la réhabilitation de l'ancienne manufacture sera, selon la ville de Marseille et ses acteurs, à échelle de la Friche, du quartier, de la ville et même de la région. Bien que l'impact sur la Frichen'est plus à prouver aujourd'hui, puisque le lieu subsiste depuis maintenant 20 ans, ses répercussions sur le quartier sont bien moindres. Par contre, l'image que le lieu culturel dégage a su profiter à la ville de Marseille et en à fait sa renommée. Aussi, les aménagements des deux autres îlots - patrimoine et multimédia - se sont directement répercutés sur l'économie de Marseille, de la région, et même - comme il l'est parfois présenté dans le discours politique- de la France (notamment pour les développeurs que sont l'incubateur, la pépinière et le cluster PRIMMI classé PRIDES).

Contrairement aux relations que vont entreprendre les différents projets avec leur territoire, les liens au sein de la Friche sont, pour LEXTRAIT, un des éléments clés de sa stabilité à la Friche. « En multipliant et en diversifiant les modalités de résidence, il se crée des interactions multiples qui favorisent les rencontres et la synergie entre les artistes. »45(*). Pour lui, le fait que les artistes soient résidents à la Friche permet de développer des liens entre eux et des collaborations apparaissent.

LEXTRAIT considère également que les salariés des autres pôles vont pratiquer la Friche puisque la population de la Friche qui est définie dans son rapport est l'ensemble des salariés des deux autres pôles ainsi que tous les publics extérieurs.

À la fin de son analyse, LEXTRAIT pose la question du devenir de la Friche. Il propose alors une alternative où « soit le développement en trois îlots plus ou moins réunis par des espaces communs de circulation confirme les perspectives proposées par des gestionnaires, ...; soit un engagement plus audacieux, continuant d'appuyer les dimensions artistiques, fondant une coordination où chacun des trois îlots apporte ses propres contributions, pour lui- même et pour l'ensemble, ... . »46(*). Il ajoute d'ailleurs à cela que pour que le développement d'un éco-systéme où tout le monde travaillerait en synergie, l'engagement politique est très important. Pour lui, si la ville de Marseille, l'État et le ministère de la Culture ne s'intéressaient pas à la coordination possible entre les trois îlots, cela entrainerait l'échec de la Friche47(*) qui « pourrait bien stigmatiser l'impuissance de la puissance publique, son incapacité à appréhender le nouveau, à s'occuper d'innovation. ». Finalement, la réussite - ou l'échec - aurait des conséquences directes sur la ville et sur sa légitimité quant à sa puissance d'appréhension de l'innovation.

b) Le discours de la presse plutôt tourné vers l'impact sur le quartier et vers l'institutionnalisation du projet que sur les interactions entre les îlots

Au-delà du discours politique qui prône la collaboration entre les collectivités et l'attractivité que renvoi le projet, le rôle des études sur les industries créatives et de la presse dans la perception de l'impact positif de cette réhabilitation semble tout aussi capital. Leurs discours rend fondamentalement le discours politique et son locuteur légitime. Traiter du discours de la presse revient à comprendre la manière avec laquelle les événements sont traités dans et par la presse. Au même titre que le discours politique, le discours de la presse appartient à la linguistique. Il constitue lui aussi un moyen de locution et une façon d'imager un événement. Les termes qui y seront employés seront évidemment différents selon l'auteur mais aussi selon le contexte. Au-delà du fait que la presse traite les événements -plus ou moins importants- et les expose au grand public tout en leur donnant une dimension politique, elle permet aussi de créer un sentiment d'appartenance et de mémoire. Il en revient donc d'étudier les termes forts qui y sont utilisés, le contexte, la nature de l'échange.

Pour sélectionner nos articles, nous avons dans un premier temps pris les articles concernant le quartier de la Belle-de-Mai entre 1981 et 2015. Ensuite, nous avons choisi ceux dont le titre est constitué d'un ou de plusieurs des termes suivants : Belle-de-Mai, Friche, Pôle Média, Pôle Patrimoine, art, culture, quartier. Bien évidemment, nous n'avons malheureusement pas pu retrouver l'ensemble des articles sur le sujet de la Belle-de-Mai, mais nous nous sommes concentrés sur les journaux le Méridional, la Provence, la Marseillaise, la Croix. Nous avons ainsi réduit nos articles au nombre de 43. Puis, nous les avons lus et analysés et n'avons gardés que les plus pertinents pour notre étude.

Voici le tableau récapitulatif des articles de presses dont nous nous sommes inspirés pour notre analyse48(*):

Années

1981

1989

1994

1998

2001

2002

2003

2004

2009

2011

2012

2013

2014

2015

Nombres d'articles de presse

1

1

1

1

1

5

1

4

1

2

3

4

7

1

Tableau 3 : Articles de presses sur la Belle-de-Mai

- Projet de Friche :

La première analyse qu'il convient de faire, est celle du projet de la Belle-de-Mai que la presse a mis de nombreuses fois sur le devant de la scène tentant d'en faire LE lieu référence de la culture à Marseille. Dès 1994, dans la Provence,« l'opération résurrection de la Belle-de-Mai semble réussie. »49(*). « Le site de la Seita s'ajoute aux 45 hectares de friches industrielles de Marseille auxquelles Christian Poitevin, élu à la culture, rêve de donner une seconde chance. ». On parle également des « créateurs » de la Friche (en parlant du SFT), on a donc déjà une référence à la création et la créativité. Le terme « résurrection », également utilisé dans le titre est lourd de sens. En effet, l'auteur aurait très bien pu choisir un terme comme « aménagement » ou « réhabilitation », des termes qui renvoient plutôt à une redynamisation d'un milieu urbain alors que « résurrection » est, par définition, le retour à la vie. Il semblerait donc que seulement deux ans après la réhabilitation, le projet soit une réussite. Et c'est d'ailleurs grâce à des mots comme celui-là que la Friche et les deux autres îlots (bien que moins représentés au sein de la presse) ont pu développer leur image. En 2002, la Provence décrit la Friche comme un « interlocuteur incontournable »50(*)en matière de politique culturelle. Malgré tout, la Friche « pâtit encore, dix ans après son ouverture, de deux handicaps majeurs. ». Le premier handicap est le statut, le deuxième est l'image. En effet, bien que la Friche apparaisse comme un moteur au développement économique par la culture à Marseille, elle n'a pas vraiment eu d'impact sur son quartier51(*), d'où une image un peu péjorative de lieu culturel qui tourne le dos à son territoire.Et cette image est d'autant plus représentative qu'elle est le rapport entre les habitants du quartier et la Friche. Beaucoup considèrent que la Friche est un « monde à part » et qu'elle n'a rien à voir avec leur quartier. Bien que les politiques et la presse tentent de minimiser ce rapport, il reste très représenté et a peu changé depuis la réhabilitation des trois îlots.

De plus, la presse insiste elle aussi sur le fait que l'institutionnalisation du projet joue un rôle primordial. L'État s'implique en effet dans les projets de réhabilitation. « Soucieux d'y répondre sans chercher à régenter, l'Etat s'implique donc, aidé des relais locaux, se mettant à leur écoute et débloquant des fonds spécifiques de développement. »52(*). On insiste également sur le fait que l'accompagnement administratif est très important pour l'intégration des artistes et le développement de la « consommation culturelle »53(*).

En fin de compte, le discours de la presse tente de montrer au public l'importance d'une proximité institutionnel entre les acteurs de la Friche pour son développement. Il insiste sur le fait que les collectivités ont participé au projet, mais ne semblent pas s'intéresser aux interactions possibles entre les structures développées. Il faut surtout montrer que le projet est une réussite et qu'il a permis à Marseille d'être plus attractive sur le plan culturel.

- Projet du Pôle Média :

Concernant le Pôle Média, les Nouvelles Publications, dans un article de 2004, peu de temps après son inauguration, présentent le pôle comme nouveau lieu du numérique à Marseille. Et d'ailleurs, pour le journal, « avec ce pôle, Marseille n'a pas lésiné sur les moyens. »54(*). La Provence, quant à elle, décrit ce pôle comme étant le nouveau « cadre idéal du développement de projets avec d'autres entreprises du cinéma, de l'audiovisuel et de multimédia. »55(*). La Belle-de-Mai est donc une nouvelle fois mis en avant. Mais cette fois le projet n'est pas renvoyé à un renfermement de l'ancienne usine, à son impact sur le quartier, mais à ses répercussions sur l'ensemble de Marseille. Et le caractère politique du discours prend tout son effet. Le projet du Pôle Média a entièrement été décidé par la ville de Marseille - contrairement à la Friche où le SFT s'est d'abord installé avant que la ville rachète l'ensemble de l'ancienne manufacture -, c'est sans doute pour cela que l'impact économique est d'autant plus mis en évidence. En 2012, le « grand Pôle Média marseillais » apparaît dans le Provence comme « symbole de dynamisme et de créativité »56(*). Le Pôle Média reste donc un poids important dans l'économie marseillaise. Les termes « dynamisme » et « créativité » utilisés doivent permettre au lecteur de voir ce pôle comme lieu d'attractivité de la ville de Marseille.

Bien que les projets Friche et Pôle Média soient exprimés dans la presse, nous n'avons rien trouvé concernant le Pôle Patrimoine. Nous n'avons également rien répertorié concernant les interactions entre les pôles. Bien souvent, les articles parlent du rapport entre le projet Pôle Belle-de-Mai et le quartier, c'est-à-dire son ancrage territorial, étudié en partie 3 de notre mémoire.

Chapitre 2 : analyse des discours des acteurs

Quels sont les liens au sein des pôles ? Quelles sont les interactions entre les 3 pôles ? Quels projets existent pour mettre en place ces interactions ? Est-ce que l'ambition de la synergie est partagée par tous ? Toutes ces questions sont celles que nous avons posées aux acteurs publics, associatifs et privés du Pôle de la Belle-de-Mai. Leurs réponses vont notamment nous permettre d'appréhender la réalité est d'assimiler - ou non - l'ensemble à un cluster créatif.

1. Une « synergie » au sein des pôles ?

a) Interactions au Pôle Patrimoine

L'ensemble du Pôle Patrimoine, sous-entendu le CICRP, l'INA, le Fond Communal d'Art Contemporain, les réserves des musées de la ville de Marseille et les Archives Municipales, est géré par l'État et la ville de Marseille. A ces 4 structures vient s'ajouter le Centre de Conservation et de Ressources du MuCEM (CCR, aussi appelé Réserves du MuCEM) qui est présent sur le site de la Belle-de-Mai seulement depuis 2012. Contrairement à la Friche ou au Pôle Média où les acteurs sont associatifs et/ou privés, la mise en synergie du Pôle Patrimoine est facilitée par cette proximité cognitive et institutionnelle entre les structures.

Roland MAY, directeur du CICRP, que nous avons rencontré le 23 avril 2015, nous a confié que son centre a déjà été sollicité par les réserves des musées et les archives. Le CICRP entretient d'ailleurs des liens forts avec les Archives Municipales puisqu'il dispose d'une grande salle de conférence de 250 places. Ils y ont d'ailleurs organisé en 2011 et 2013 des journées d'étude et des colloques. Il entretienne également des relations avec les réserves du MUCEM. Néanmoins, il n'y a pas de lien avec l'INA - qui n'a d'ailleurs de lien avec personne. L'INA organisait auparavant des projections, mais depuis 5 ans ce n'est plus le cas. M.MAY nous confie d'ailleurs qu'ils n'ont pas « les mêmes finalités professionnelles ».

Dominique SAMANNI57(*), régisseur des collections et responsable des réserves des musées de Marseille (nom communément donné à la Conservation du Patrimoine des Musées), nous confie elle aussi n'avoir aucun lien avec l'INA. Elle confirme, par contre, avoir des partenariats avec le CICRP, les Archives Municipales et le Fond Communal d'Art Contemporain.

Emilie GERARD, conservatrice et directrice des réserves du MuCEM nous a accueilli dans ces locaux le 07 mai 2015. Au même titre que les précédents entretiens, nous lui avons demandé quels sont les partenariats que les réserves entretiennent avec les autres structures du Pôle Patrimoine. Il existe un partenariat avec le CICRP qui était jusqu'alors informel et qui est devenu formel par une convention. Avec les Archives Municipales, ils entretiennent des liens plutôt informels sur les mêmes types d'événements comme lesjournées du patrimoine.Les liens existent plus au dans l'aspect événementiel mais pas tellement sur des financements, puisque les structures du pôle sont différentes ; sauf le CICRP avec qui les réserves ont un partenariat de compétence autre qu'événementiel. Bien qu'il n'y ait pas de convention, sur des événements comme la fête de la mémoire qui a réuni le CICRP, l'INA, la Friche et les Archives Municipales, chacun a sa « valeur ajouté ». Emilie GERARD classifie enfin les partenariats qu'ils ont avec l'ensemble du Pôle Belle-de-Mai avec en première position le CICRP puis la Friche et enfin les Archives municipales.

Boris GAUBERT des Archives Municipales nous explique quant à lui, lors d'un entretien téléphonique, avoir des relations avec le CICRP et de temps en temps avec l'INA.

Enfin, concernant l'INA Méditerranée, nous n'avons malheureusement pas pu rencontrer de personnes pour répondre à notre demande.

Dans le cas présent, la proximité géographique entre les structures a permis la mise en place de partenariats. Ces partenariats peuvent être informels comme pour des événements ponctuels ou bien formels comme c'est le cas entre le CICRP et les réserves du MUCEM. La proximité organisée s'établit donc par le biais de contrat institutionnel. Finalement, nous pouvons supposer que le Pôle Patrimoine pourrait s'apparenter à un cluster qui réunit des industries culturelles travaillant en synergie autour d'un projet commun : la conservation du patrimoine. En effet, les industries culturelles du Pôle sont toutes issues du secteur public et sont gérées par les collectivités et/ou l'État. Bien que l'INA reste très légèrement éloignée du caractère synergique, l'ensemble semble tout de même fonctionner d'une manière très collaborative. La mission de l'INA étant la concertation des fonds régionaux, son secteur d'activité semble finalement plutôt de l'ordre du média et de l'audiovisuel, au même titre que le Pôle Média.

b) Interactions au Pôle Média

Le Pôle Média de la Belle-de-Mai réunit des industries de l'image, du son et du multimédia dans un espace de 30 000 m². Bien que ces entreprises semblent cognitivement associables, qu'en est-il de la réalité ?

Fabien PIERRE-NICOLAS de la société NOVIWARE, confie dans un entretien publié sur le site du Pôle Média, que « le Pôle essaie de trouver des synergies entre les entreprises afin de faire naître des projets à forte valeur ajoutée pour chaque partenaire. »Le Pôle Média est donc un outil de développement de projet commun, où le travailler ensemble sera plus bénéfique que le travailler séparément. Un des principes fort du cluster en temps qu'éco-systéme favorable aux industries créatives et le principe de concurrence-coopération.

Lorsque la question du choix du site de la Belle-de-Mai est posée à Grégory COLPART, Société EVOLIX, la réponse est « incontestablement la dynamique du site : le côtoiement facile des entreprises entre elles, qu'elles soient en incubateur, pépinière ou déjà constituées, l'échange des expériences... ». Selon Pierre GARBEY de Citivox,c'est « le fait d'être entouré d'entreprises spécialisées dans le numérique, le multimédia ou l'innovation, qui ont fait la différence. C'est cette synergie qui est le point intéressant du Pôle, véritable carrefour d'échanges.»58(*). Lors de notre entretien avec Céline SOULIERS, directrice de l'incubateur, celle-ci précise que l'incubateur a deux partenariats couverts par une convention, un avec le cluster PRIMI et un avec la pépinière Marseille Innovation. Ils travaillent également avec des entreprises comme Data-Observer et Galoo. Mais les partenariats conventionnels restent des partenariats entre des structures avec les mêmes objectifs : développer des projets pour qu'ils deviennent des entreprises. Pour Nathalie AVERSENQ59(*), responsable du projet Pôle Média, la « synergie professionnelle » fait la force du Pôle Média. C'est un « immeuble d'entreprises qui vit sa vie » et « c'est aussi une adresse qui fait envie ».

Bien que la synergie soit la principale cause du choix des entreprises du Pôle Média comme lieu d'installation, ce n'est pas le cas de toutes. On peut alors se poser la question de la taille critique et de la culture du secret d'entreprise - qui correspond à une structure où il y a suffisamment d'entreprises qui ont le même but et qui coopèrent ensemble-. Cela suppose donc un effectif conséquent. Mais est-ce le cas du Pôle Média ?

Bien que beaucoup d'entreprises appartiennent à des secteurs du multimédia et de l'audiovisuel, d'autres n'en font pas partie.EGENCIA est une entreprise de voyages d'affaires, la 5ème au niveau mondial et la 3ème en France, et elle n'a pas choisit la Belle-de-Mai pour ces collaborations. Cette entreprise de 200 salariés sort en effet du contexte « industries créatives » dans lequel le Pôle Média s'est installé. Selon Abdelkarim DJOUHRI, « le Pôle Média s'est montré très réactif pour mettre à disposition des infrastructures adaptées avec une surface et un loyer attractifs. »60(*). C'est donc les prix très attractifs du lieu qui prônent sur l'installation de l'entreprise. D'autres entreprises comme France Télévision ou TelFrance ne sont sans doute pas non plus à la Belle-de-Mai pour les interactions. Ce sont des structures très fermées qui n'entretiennent pas de lien avec les entreprises environnantes.

Il existe aujourd'hui de nouveaux modèles où on utilise les règles du jeu du spectacle. On a un metteur en scène qui partage ses idées avec des acteurs et met ces acteurs en liens avec d'autres. Chacun travail l'un pour l'autre. Mais à la Belle-de-Mai, il y a une liberté des entreprises à venir au Pôle Média, on n'a pas à faire à un manager, un organisateur. Concernant ce nouveau modèle, les locaux sont loués et donc les entreprises ne choisissent pas de venir, c'est le promoteur qui décide qui vient. Et donc, par extension, ce sont les meilleurs de la créativité qui viennent. C'est par exemple le cas de l'incubateur où les entreprises qui sont installées sont choisies par MPM qui est instructeur des dossiers. Finalement, de notre point de vue, le but au Pôle Média est de faire de l'argent, de créer de l'emploi, et pas forcement de créer de l'échange.

c) Interactions à la Friche

La Friche apparaît comme un regroupement d'artistes dont le projet commun est de produire de la culture pour tous les publics. Selon Alain ARNAUDET, directeur de la Friche, ce lieu est devenu un « modèle économique fort ». Point auquel il ajoute que « au moment de sa relocalisation (îlot 3) et de l'ouverture du « Pôle Média » (îlot 2), la Friche défend plus fortement un travail de synergie complémentaire à son impact artistique et culturel. »61(*). C'est donc par la synergie que la création artistique et culturelle pourra se développer. Il ajoute à cela que « aujourd'hui, l'intention de la Friche est de mobiliser des acteurs sur la réalisation de projets communs ».

Concernant nos entretiens, Susana MONTEIRO, chargée d'action culturelle de la Friche et Yann LORTEAU, chargée de la gestion du site, nous ont confié que leurs premières ambitions étaient de créer un lien avec le quartier et d'offrir à Marseille un lieu culturel d'accueil de renommé. Marion LATUILLIERE, directrice de la crèche, nous explique62(*)quant à elle que son établissement n'a pas de partenariat financier avec d'autres structures de la Friche. Néanmoins, la crèche à un partenariat avec les grandes tables puisque la personne qui s'occupe des repas des enfants est employée par le restaurant. Il leur arrive également d'aller à la Friche pour des expositions, qu'ils ont au préalable sélectionnées avec les parents. Ils travaillent surtout avec les médiateurs de l'atelier le Cartelpour mettre en place ces journées.

Finalement, ce qui ressort le plus souvent concernant la Friche, c'est son objectif de mixité sociale et d'ouverture sur le quartier et sur la ville. La Friche étant composée en SCIC, on peut supposer que le caractère associatif de son organisation permet aux artistes de travailler les uns avec les autres autour de projets événementiels ou même à long terme.

2. Quelles interactions pour quel type d'écosystème ?

Bien que, pour les politiques, le Pôle de la Belle-de-Mai est un écosystème qui fonctionne en synergie, qu'en est-il des acteurs des 3 îlots qui le constituent ? Est-ce que des partenariats existent ? S'il existent, sont-ils plutôt représentatifs au sein des pôles ou entre les pôles ?

a) Un souhait de créer une collaborationentre pôles est bien présent

Nous avons remarqué que le souhait de collaborer avec les structures alentours est très présent dans le discours des acteurs. Alain ARNAUDET, par exemple, explique qu'« aujourd'hui, l'intention de la Friche est de mobiliser des acteurs sur la réalisation de projets communs, d'associer l'ensemble du site (îlots 1, 2, 3) au territoire et de lui (re)donner vie du même coup en optimisant l'aide à la production, à la diffusion, à la formation et aux structures intermédiaires. »63(*). Le directeur de la Friche a donc plusieurs ambitions : créer du lien au sein de son pôle et rassembler les 3 pôles au profit du territoire.

Céline SOULIERS nous explique que l'incubateur aimerait avoir des liens avec les entreprises des autres pôles, mais que cela lui paraît impossible. Premièrement, les entreprises ne sont pas forcement au courant de ce qu'il se passe à coté. Deuxièmement, on a tendance à trop différencier les trois pôles alors qu'ils se regroupent dans un seul bâtiment. Et troisièmement, rien n'est fait pour que les gens se connaissent et échangent entre eux.

Roland MAY, directeur du CICRP, nous confie que si un événement était organisé en rassemblant les trois pôles, ils aimeraient y participer. Emilie GERARD espère quant à elle qu'il y ait un apport du Pôle de la Belle-de-Mai sur le quartier mais aussi un apport des pôles, dont la réhabilitation est une réussite, les uns par rapport aux autres. Elle se pose d'ailleurs la question de cette proximité qui est soit un mélange social, soit peut-être plutôt un vernis social. Nathalie AVERSENQ pense aussi qu'il y a forcement une passerelle pour créer du lien les uns avec les autres puisque ce ne sont que des industries créatives. Elle tente de mettre régulièrement en contact des personnes de la Friche avec d'autres aux pôles Média. Mais ça reste du cas par cas, il n'y a pas de projet de fond. La Friche l'a par exemple contactée pour reloger des frichistes provisoirement au Pôle Média. Mais la mise en réseau des entreprises n'est pas facile, il faut surtout toutes les connaître et savoir ce qu'elles pourraient mutuellement s'apporter. Yann LORTEAU aimerait, quant à lui, nouer des liens avec des conservatrices du Pôle Patrimoine pour des événements de type expositions par exemple.

La Friche et le Pôle Média ont un site Internet commun qui permet de regrouper des informations sur des événements ponctuels, sur les entreprises, sur l'histoire des deux sites. Finalement, créer un projet commun regroupant les deux sites est peut-être possible. Il faut tout de même émettre une réserve. Le site Internet est là seulement pour jouer un rôle d'image, et cette image véhiculée doit être positive, elle doit faire penser aux visiteurs que les deux sites travaillent en corrélation. Mais créer un site Internet commun ne permet pas de créer des partenariats entre les entreprises des deux pôles, il permet simplement de les rassembler sur le virtuel.

Finalement, tout le monde semble souhaiter que l'ensemble des trois pôles forme un seul et unique pôle de compétitivité rassemblant des industries culturelles et créatives. Mais qu'en est-il vraiment ?

b) Des partenariats peu représentatifs entre les 3 îlots

Concernant le Pôle Média, la mise en réseau des acteurs semble être un indicateur avancé par les pouvoirs publics pour attirer les entreprises. Mais qu'en est-il vraiment ? A la question « existe-il des interactions avec la Friche ? »,Céline SOULIERS, directrice de l'incubateur, nous répond : « Nous concernant, nous avons des interactions avec la structure ZINC à la Friche. Peut-être aussi quelques infographistes. ». Mais tous ces partenariats restent modestes. Céline SOULIERS ajoute à son analyse qu'« il y a que très peu de relations avec la Friche. Les entreprises ne sont pas forcement au courant de ce qu'il se passe à la Friche ni même quels types de structures y travaillent. Le seul rapport qui existe vraiment reste au moment du repas ou les frichistes viennent manger au Pôle Média et où nous allons manger à la Friche. » Et ce rapport, très tourné vers l'échange au moment des repas, va se confirmer dans nos entretiens avec des structures des deux autres pôles.

À la Friche, la crèche64(*) n'a aucune interaction avec le Pôle Média. Néanmoins, leur projet de base a été développé autour de la mixité sociale. Ils ont fixé le taux de réservataires à 1/3 pour les personnes qui habitent dans le 3ème, 1/3 pour celles qui travaillent dans le 3ème mais n'y vivent pas et 1/3 pour les personnes qui n'ont rien à voir avec le 3ème arrondissement. En 2014, 31% des réservataires vivaient hors du 3ème, 32% travaillaient dans le 3ème et 37% y vivaient. On comptait dans cette totalité 24% de personnes qui travaillaient sur l'ensemble du site du Pôle Belle-de-Mai. Marion LATUILLIERE nous explique que, par exemple, une actrice de Plus Belle la Vie vient emmener son enfant à la crèche tous les jours. Il n'y a donc pas de partenariat direct avec le Pôle Média mais des liens particuliers avec des salariés de l'ensemble du Pôle de la Belle-de-Mai. Elle nous confie également que « la Friche concentre des artistes et le Pôle Média se soucie plus de faire de l'argent avec ces entreprises, il ne peut donc pas y avoir de lien ». Susana MONTEIRO va d'ailleurs nous confirmer le peu d'interactions notables entre les pôles. Son explication est la suivante : « nous avons un site commun, qui regroupe à la fois les frichistes et les acteurs du Pôle Média mais je ne connais pas de projet commun. Les mélanges se font plus au moment des repas du midi où les frichistes se rendent au Pôle Média et vice versa. »65(*). Yann LORTEAU insiste lui aussi sur le fait que les entités sont fondamentalement différentes. Le Pôle Média est reconnu comme économie de marché bien que géré par le secteur public et la Friche est reconnue comme service d'intérêt général.

Concernant le Pôle Patrimoine, le discours est à peu prés le même. Le CIRCP n'a aucun partenariat avec le Pôle Média en dehors de la restauration excepté 1 ou 2 fois pour des tournages (prêt de locaux pour le tournage de Plus Belle la Vie). Roland MAY ajoute d'ailleurs qu'ils n'ont pas les mêmes objectifs et qu'ils ne se connaissent finalement pas. Dominique SAMANNI des réserves municipales nous explique également que le lien se forme autour du repas le midi. Boris GAUBERT des Archives Municipales, nous confirme que eux aussi n'ont aucune action entreprise avec les autres pôles. Les Réserves du MuCEM n'ont, elles non plus, aucun lien avec le Pôle Média. Par contre, en décembre 2014, elles ont créé un événement autour du cirque et de la fête foraine avec la Friche et la Crié.

On a donc, dans le discours des acteurs des trois pôles des faits plutôt similaires. Il existe quelques interactions entre des entreprises du Pôle Média et des entreprises de la Friche. Nous tenterons de le confirmer à partir de nos questionnaires personnels. Les seuls liens qui sont visibles entre les trois îlots se trouvent au moment du repas. Les salariés du Pôle Média vont à la Friche, les salariés de la Friche vont au Pôle Média et les salariés du Pôle Patrimoine vont à l'un ou l'autre. Finalement, on se retrouve un peu dans un « effet cafétéria ». Cette théorie reprise par Menzel (2005)passe par le fait que les gens se rencontrent de façon non formelle (au moment du déjeuner par exemple), non prévue, et échange des informations auxquelles ils n'auraient jamais eu accès si cette rencontre n'avait pas eu lieu. Ce genre d'échanges peut mettre en confiance deux personnes de deux entreprises différentes et ainsi, à terme, faciliter la création d'un projet de collaboration. A l'inverse, on peutégalement se demander si le fait d'avoir son propre restaurant ne renferme pas chacun des pôles sur lui même ? Prenons l'exemple de la Friche. Elle a son propre restaurant, mais aussi sa propre librairie, son espace sportif, sa propre crèche - bien que le projet comme explicité précédemment est la mixité sociale-. En quelque sorte, la Friche s'est créée son propre environnement où tout le monde peut vivre et échanger. Mais cette mise en réseau - volontaire ou involontaire - n'oblige-t-elle pas la Friche à se renfermer et à finalement, ne pas s'ouvrir à d'autres liens ?

Le fait d'être proche géographiquement, de travailler dans les mêmes secteurs d'activités qui constituent les industries culturelles et créatives et de partager des moments d'échanges informels ne favorise donc pas toujours la création de partenariats professionnels. La différence des types d'acteurs et des projets de développement dissociés est aussi un facteur à prendre en considération.

3. Pourquoi l'écosystème ne se développe pas en synergie ?

Pour résumer, les pôles des entreprises qui ont quelques partenariats au sein de leur structure. Les entreprises fonctionnent plus ou moins de manière synergique. Bien qu'il y ait des exceptions, on peut considérer que ce sont des écosystémes où l'échange est basé sur le fait que les industries qui y sont présentes appartiennent aux mêmes secteurs d'activités. En contrepartie, la proximité organisée entre les trois pôles ne semble pas aboutir. Mais alors, pourquoi, bien que le Pôle de la Belle-de-Mai semble être un parfait système favorable aux industries créatives et culturelles, celles-ci n'évoluent-elles pas en réseau ?

a) Une distinction récurrente entre les pôles

La première cause possible au fait que l'écosystème ne se développe pas en coalition est la distinction récurrente des trois îlots. Ce discernement n'est pas seulement présent au sein des projets et des discours politiques, il l'est tout autant de la part des acteurs qui pratiquent le Pôle de la Belle-de-Mai, c'est-à-dire les entrepreneurs et salariés.

Dans le projet de réhabilitation, la distinction est présente dès la nomination des trois pôles. La « Friche » reste un nom plutôt péjoratif, elle fait référence à un lieu laissé à l'abandon, vacant. D'autres industries culturelles en France ont choisit des noms plus accrocheurs, où l'ambition du lieu est illustrée comme « nouveau » et non pas comme « ancien réhabilité ». C'est par exemple le cas des Friches Confort Moderne à Poitiers, le Tout Nouveau Théâtre à Bordeaux ou encore les Mains d'oeuvres à Paris. En revanche, concernant le Pôle Média, le nom est bien plus vendeur. Parler d'un « pôle » laisse forcement penser qu'il y a de l'échange, que c'est un réseau fort, et « média » s'apparente aux nouvelles technologies, aux multimédia, au développement des industries créatives. Le « Pôle Patrimoine » quant à lui, fait référence à un site ou des professionnels sont mis en synergie autour de la conservation du patrimoine.

Mais la distinction entre les pôles ne se fait pas seulement par leur nom. Elle est récurrente. Nathalie AVERSENQ, qui gère le projet Pôle Média, nous dit avoir appris que le Pôle Média, le Pôle Patrimoine et la Friche faisaient partie du même bâtiment seulement en rencontrant le directeur de la Friche.

Mais bien que cette distinction soit défavorable à la création d'échange, n'est-elle pas nécessaire au développement de chacun des pôles ? On peut supposer, par exemple, que si les trois pôles étaient « liés », la Friche pourrait, de par sa notoriété, faire de l'ombre au Pôle Média, et que ce dernier pourrait lui même faire de l'ombre au Pôle Patrimoine. L'image que dégage chacun des sites lui est propre, il ne dépend pas de son environnement alentour. Bien évidemment, si la Friche n'avait pas été là, la ville de Marseille ne se serait sans doute pas intéressée à la Belle-de-Mai. Et bien évidemment, si elle ne si était pas intéressé, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine ne seraient sans doute pas regroupés ici, sur un seul et même site. On peut donc se demander si le problème ne vient pas, en amont, de la politique de la ville qui, d'un coté, veux créer un pôle de compétitivité avec le Pôle Média, de l'autre, créer un centre de conservation du patrimoine pour améliorer son attractivité et enfin, soutenir un projet associatif à la Friche afin de développer la ville économiquement et lui donner une meilleure image. Est-ce que le fait d'avoir des perspectives et des objectifs aussi distincts n'est pas, finalement, un frein à la collaboration ? Le problème vient-il des entreprises et associations qui ne se connaissent pas et qui n'échangent pas ou de la politique de la ville qui n'a pas, d'emblée, encouragé les entreprises et associations à interagir ?

b) Des financements et des partenariats différents

Au Pôle Média se concentrent, pour la majorité, des acteurs privés et des entrepreneurs. Concernant la gestion, le bâtiment appartient à la ville de Marseille. Pour les partenariats, ils ne sont pas les mêmes pour toutes les entreprises. L'incubateur, la pépinière et PRIMI ont par exemple, des partenariats avec le département, la région, et même parfois l'Europe. Mais les autres entreprises comme EVOLIX, Cityvox, et même EGENCIA, n'ont pas de partenariats avec les collectivités. Elles n'ont donc, pour ainsi dire, pas de directives concernant une possible collaboration avec d'autres entreprises du pôle. Concernant la Friche, on est dans le même cas sauf que c'est un regroupement plutôt associatif que privé. La Friche a bien entendu des subventions de la ville, d'Euroméditerranée, de la région et du département, mais les artistes, associations et entreprises qui y travaillent n'ont pas tous les mêmes aides financières. La crèche par exemple n'est pas aidée par la ville mais par la CAF des Bouches-du-Rhône et le Conseil Régional. Pour le Pôle Patrimoine, la plupart des structures sont subventionnées par la ville, mais d'autres collectivités viennent s'ajouter. Dans le cas de l'INA par exemple, la Corse est aussi un partenaire important.

On a donc, au sein des trois pôles, des acteurs de statuts différents (privés, publics, associatifs) mais aussi des financements et partenariats différents. En bref, les directives ne sont jamais les mêmes. Pour comprendre pourquoi certaines entreprises se mettent totalement « à part » (c'est le cas d'EGENCIA qui est une société de voyage) il faudrait faire du cas par cas, étudier chacun des projets et chacun des schémas directeurs, ce serait donc un travail de longue haleine, et ce n'est pas le sujet aujourd'hui. Tout ce que l'on peut dire, c'est qu'il n'y a, à ce jour, aucune réelle proximité institutionnelle entre les pôles qui permettrait de créer une proximité organisée et d'en faire un cluster.

c) Attractivité et partenariat plutôt tourné vers l'international

Enfin, un dernier point explicatif qui nous paraît pour l'instant - en vue des entretiens réalisés et rapportés - pertinent, est celui des autres partenariats que ceux existants sur le territoire de la Belle-de-Mai. En effet, les entreprises et associations des pôles ont tissé des liens plus où moins fort avec d'autres établissements sur Marseille, en région PACA, en France et même à l'étranger. Ces partenariats se sont construits à partir d'échanges cognitifs, qu'ils soient proches ou lointains. Alain ARNAUDET explique par exemple qu'il y a beaucoup de relations internationales à la Friche: il répertorie « 180 partenariats, 120 projets internationaux (coopération, résidence, diffusion, échanges de compétences), la moitié de la Friche est impliquée, et 40 pays concernés dans le monde »66(*). Céline SOULIERS nous explique également que sur 142 projets, ils ont accueilli 49 projets exogènes à la région PACA. L'incubateur étant national, il ne participe pas toujours au développement d'entreprises intra-marseillaises. Au Pôle Patrimoine on a aussi des liens avec l'extérieur. Les réserves municipales ont des partenariats avec les musées de Marseille, de France et du Monde et notamment la Chine, les Etats-Unis, l'Australie.

Le fait d'avoir autant de partenariats avec d'autres destinations peut peut-être, parfois, limiter les liens de « proximité ». Avec les nouvelles technologies de communications et de transports, les échanges à distance sont parfaitement possibles. Finalement, le principe du cluster où des industries de mêmes secteurs collaborent parce qu'elles sont proches géographiquement - et par extension cognitivement et institutionnellement - n'est-il pas trop simple ? Le fait d'être proche géographiquement n'engendre pas toujours des interactions. Le fait d'être loin peut permettre des partenariats. Le fait d'avoir des partenariats financiers qui proviennent des mêmes institutions ne permet pas toujours d'avoir les mêmes directives. Enfin, être des industries créatives et culturelles sur un même territoire n'est pas toujours encourageant. Les industries culturelles et créatives ne regroupent-elles pas, en fin de compte, trop de secteurs ? Comment, par exemple, des industries du patrimoine et de design pourraient tisser des liens ?

Chapitre 3 : quelles sont les réelles interactions à la Belle-de-Mai ?

Dans ce chapitre, il s'agira de comparer le discours des politiques, le discours de la presse ainsi que le discours des acteurs importants du Pôle de la Belle-de-Mai aux faits réels. Ces faits sont basés sur un questionnaire distribué à l'ensemble des salariés du Pôle Belle-de-Mai et dont 247 réponses ont été retournés. Nous avons également eux accès à différentes ressources telles que les bases de données ACOSS, SIREN, ainsi que l'enquête mobilité réalisé en 2014 par l'AGAM à la Belle-de-Mai.

Cette comparaison nous permettra notamment de comprendre les distorsions qu'il peut exister entre la réalité, le discours de la presse et les projets politiques. Le discours a parfois tendance à trop relativiser les choses pour les rendre plus attractives pour le territoire. Et cette affirmation n'est pas seulement plausible sur le territoire de la Belle-de-Mai mais bien évidemment à toutes les autres échelles. Nous proposerons d'ailleurs pour le cas de la Belle-de-Mai des réflexions possibles à la création de liens entre les structures des 3 pôles.

1. Différente structure pour différents projets

a) Des acteurs trop hétérogènes ?

Comme nous l'avons constaté précédemment, le Pôle de la Belle-de-Mai regroupe des acteurs de différents secteurs : privé, public, associatif. La base de données SIREN de l'INSEE regroupe l'ensemble des établissements à échelle nationale, leur secteur d'activité, leur effectif, leur date de création, etc. Après avoir sélectionné les entreprises de la Belle-de-Mai selon leur adresse, nous avons pu en déduire une nouvelle base de données pour la suite de notre étude. Concernant les secteurs d'activités des établissements de la Belle-de-Mai, on constate par le schéma ci-après que 25 sont des associations, 26 sont des SARL et 15 sont des Sociétés Civiles Immobilières. Pourtant, la Belle-de-Mai regroupe des industries créatives et culturelles autour du multimédia, de l'audiovisuel, du patrimoine, du spectacle vivant.

Graphique 3 : répartition des établissements du Pôle Média et de la Friche la Belle-de-Mai selon le type (Source : SIREN)

On a donc, d'un coté, des associations déclarées, qui, par définition, ne peuvent pas faire de bénéfice, et des établissements à but lucratif qui, au contraire, font des bénéfices. « L'association est la convention pour laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. »67(*) Les SCI sont des contrats immobiliers grâce auxquels plusieurs personnes s'associent en mettant en commun des biens immobiliers, dont elles peuvent en tirer des bénéfices et dont elles sont également responsables en cas de perte. La SCI a donc un objet immobilier. Une SARL peut être composée d'un ou plusieurs associés. Lorsqu'il y a un seul associé on parle d'EURL (SARL unipersonnelle, 5 établissements à la Belle-de-Mai en font partie). Ce qui caractérise une SARL c'est la responsabilité limitée des associés ; les associés sont responsables à hauteur de leur apport. Dans une entreprise de type SCI ou SARL, ce sont des personnes morales qui font des bénéfices. Ce sont les personnes physiques qui décident de la personne morale et donc du statut de l'entreprise.

On a, d'un coté, des SCI et SARL qui sont des acteurs privées et de l'autre des associations déclarées qui sont des acteurs associatifs. On a donc des personnes dont le but est ni plus ni moins de faire de l'argent, et à l'inverse des acteurs qui défendent une cause commune ou qui ne souhaitent pas faire de l'argent.C'est le cas des artistes qui se portent en associations déclarées, qui veulent produire et diffuser de l'art sans forcement créer de bénéfice. De plus, on remarque que les SCI sont des sociétés avec obligations de bien immobilier, ce sont souvent des promoteurs. Finalement, cela revient à se poserla question des industries créatives à la Belle-de-Mai. Sont-elles vraiment présentes ? Nous pouvons également supposer que le Pôle Belle-de-Mai ne peut être un cluster du fait qu'il soit constitué en partie d'association dont le but n'est pas de produire. Ce ne peut donc être un système productif local.

b) Une définition des code NAF un peu vague qui peut induire en erreur

Le fait d'avoir beaucoup de structures associatives ou collaboratives à la Belle-de-Mai n'est pas simplement lié aux secteurs d'activités. Il faut également regarder les codes NAF d'un peu plus prés. Grâce à la base de données de l'ACOSS et des URSSAF répertoriant l'emploi, la masse salariale et le nombre d'établissements du secteur privé en France, nous avons pu déduire une carte à l'échelle de Marseille représentant le nombre d'établissements à Marseille en 2013. Nous avons sélectionné les établissements à Marseille puis nous avons gardé seulement les codes NAF liés au milieu créatif, ce qui nous a permis d'obtenir le nombre d'établissements créatifs par arrondissement.

Carte 4 : Nombre d'établissements créatifs dans les arrondissements de la ville de Marseille en 2013 (selon code NAF)

On remarque par la présente carte que l'on trouve le plus d'industries culturelles et créatives dans le 1er arrondissement. Le 3ème arrondissement où se situe la Belle-de-Mai ainsi que le 13ème arrondissement où se situe le technopôle de Château-Gombert, qui est le deuxième pôle de compétitivité à Marseille, ne sont pas les arrondissements où il y a le plus d'industries créatives. Ce peut-être lié à la répartition de ces industries. Dans le 3ème par exemple, à part le Pôle Belle-de-Mai, les industries culturelles et créatives ne sont que très peu représentées. Peut-être que dans le 1er arrondissement, bien qu'il n'y ait pas de pôle de compétitivité à proprement dit, les établissements peuvent très bien être dispatchés. Mais nous pensons que la vraie réponse à apporter est celle du choix des secteurs d'activités. Les secteurs d'activités sont définis par les entreprises et non pas par l'INSEE comme c'est le cas des codes NAF. Une entreprise qui, par exemple, crée un logiciel qu'elle installe ensuite à distance où qu'elle envoie à ces clients, peut choisir comme secteur d'activité la « vente à distance » alors qu'elle fait partie du secteur des jeux vidéo. L'INSEE va ensuite attribuer à cette entreprise un code NAF qui n'aura rien à voir avec les codes NAF des industries créatives. Cela revient donc à se demander si les entreprises sont vraiment bien informées des enjeux du choix du secteur d'activité au moment de la création d'entreprise.

Aussi, la nomenclature NAF ne prend pas en compte les emplois créatifs hors filière créative comme par exemple le marketing dans une industrie du pneumatique, le webmaster dans une collectivité. Ces emplois créatifs hors filière sont d'ailleurs considérés comme plus nombreux que intra-filière. Aussi, les emplois non créatifs au sein de la filière sont pris en compte. Le comptable d'une entreprise de publicité est par exemple introduit dans l'effectif de l'entreprise créative. De plus, les nomenclatures choisies pour les études économiques ne sont pas forcement les mêmes selon les personnes qui les réalisent. Il est donc impossible de faire une nomenclature des industries créatives universelle. Par exemple, aux Etats-Unis, les chercheurs considèrent qu'un match de foot est un spectacle vivant et donc que c'est une industrie créative. Cela revient finalement à se poser la question de la définition même du terme « créatif ».

Pour comprendre le phénomène, prenons notre objet d'étude du Pôle de la Belle-de-Mai. Nous avons calculé, à partir de la base de données SIRENE et des codes NAF attribués aux entreprises, le nombre d'industries créatives sur le territoire de la Belle-de-Mai (en sélectionnant les adresses du Pôle Média, du Pôle Patrimoine et de la Friche). Nous n'avons malheureusement pas eux accès aux données emplois par établissements -du moins le fichier n'était pas complet-. Il aurait sans doute était d'autant plus intéressant de les étudier pour voir l'impact des projets sur l'économie de l'emploi créatif.

Comme on peut le constater par le schéma ci-contre, seuls 20% des établissements de la Belle-de-Mai sont des industries créatives.

Graphique 4 : Part des industries créatives dans l'ensemble des établissements du Pôle Belle-de-Mai

Cette répartition qui semble totalement improbable en vue des projets énoncés, peut provenir de plusieurs explications :

- les secteurs d'activités choisis par les entreprises ne correspondent pas à leur production,

- les codes NAF attribués par l'INSEE selon le secteur d'activité ne conviennent pas,

- les chiffres sont exacts et dans ce cas le projet et le discours du développement des industries créatives et totalement faux. Les pôles ne seraient finalement pas des ensembles culturelles et créatifs mais simplement des hôtels d'entreprises quelconques.

2. Des pratiques porteuses de liens ?

Concernant les pratiques des trois pôles, nous avons posé la question à l'ensemble des salariés grâce à un questionnaire personnel. Nous avons réalisé ces questionnaires notamment en rapport aux définitions du cluster créatif qui prônent la proximité sociale et donc des pratiques individuels. Sur 247 réponses, nous arrivons aux affirmations suivantes : les pôles sont plutôt pratiqués dans le cadre de la restauration ; il existe quelques partenariats contractuels entre les entreprises ; il existe des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai.

a) Globalement les pôles sont plutôt pratiquée mais surtout pour la restauration

Dans le discours des acteurs, nous avons souvent retrouvé le constat d'un croisement entre les pôles autour de la restauration, le midi. Est-ce vraiment le seul lien ? D'autres pratiques existent elles ?

Le premier constat que nous pouvons faire est que la plupart des salariés se sont déjà rendus à la Friche et au Pôle Média. En effet :

Ø 94 % des salariés du Pôle Média se sont déjà rendus à la Friche,

Ø 93 % des salariés du Pôle Patrimoine se sont déjà rendus à la Friche,

Ø 83 % des salariés du Pôle Patrimoine se sont déjà rendus au Pôle Média,

Ø 85 % des salariés de la Friche se sont déjà rendus au Pôle Média.

Nous n'avons malheureusement pas pu avoir les données concernant les pratiques sur le site du Pôle Patrimoine puisque nous avons intégré ce dernier à notre étude après avoir questionné les salariés du Pôle Média et de la Friche68(*). Globalement, les pratiques sont les mêmes entre les pôles. Autant de salariés de la Friche et du Pôle Patrimoine se sont rendus au Pôle Média et autant de salariés du Pôle Média et du Pôle Patrimoine se sont rendus à la Friche.

Concernant ces pratiques, nous avons représenté leurs types sous forme de graphique. Pour les pratiques de la Friche, nous obtenons les graphiques ci-dessous :

Graphique 5 : type de pratiques des salariés du Pôle Média à la Friche

Graphique 6 : type de pratiques des salariés du Pôle Patrimoine à la Friche

On remarque que la Friche est le plus souvent pratiquée pour la restauration (restaurant les Grandes-Tables et café librairie la Salle des Machines). La crèche et le parking sont les deux lieux les moins pratiqués. Comme expliqué précédemment, la crèche ne prend qu'un tiers d'enfants dont les parents travaillent dans le 3ème arrondissement. En considérant que le Pôle de la Belle-de-Mai n'est pas le seul employeur de l'arrondissement, il est normal qu'un taux très faible des salariés ait accès à la crèche de la Friche. Pour le parking, chaque pôle a son propre parking. Il est donc rare que les salariés utilisent les parkings des autres pôles. Le cadre professionnel (réunion, rendez-vous, etc.) recouvre une faible part des échanges mais est non négligeable. Nous tenterons, dans la suite de ce chapitre, de comprendre quels sont ces échanges professionnels. Enfin, pour les autres types de pratiques, elles semblent différer selon les pôles. En dehors des spectacles qui représentent environ le même taux, les autres pratiques culturelles que sont les expositions et la librairie sont bien plus pratiquées par les salariés de Pôle Patrimoine. Cela pourrait s'expliquer de différentes manières. Le Pôle Patrimoine regroupe des industries culturelles et le Pôle Média des industries créatives. Selon l'activité, les centres d'intérêts des salariés ne sont pas forcement les mêmes. De plus, les salariés du Pôle Média vivent, en général, plus loin69(*). On peut supposer qu'ils n'ont pas forcement le temps de se rendre régulièrement à la Friche pour des expositions. Bien que les expositions soient à caractère artistique, il semblerait que pour les salariés du Pôle Belle-de-Mai elles environnent autour du secteur patrimonial plutôt que créatif. Enfin, pour la librairie, l'explication peut-être la même. Il est également possible que les livres proposés - bien que l'on y trouve de tout - ne conviennent pas aux créatifs puisque l'écart entre le Pôle Média et le Pôle Patrimoine est assez conséquent.

Concernant les pratiques du Pôle Média, nous avons pu constituer les deux graphiques suivants :

Graphique 7 : types de pratiques des salariés de la Friche au Pôle Média

Graphique 8 : types de pratiques des salariés de Pôle Patrimoine au Pôle Média

La restauration couvre là aussi une large part des échanges, bien qu'ils soient plus importants en provenance du Pôle Patrimoine. Les frichistes sont moins nombreux à se rendre au Pôle Média pour la restauration puisqu'ils ont déjà deux restaurants sur site. Le cadre professionnel est peu représenté entre le Pôle Patrimoine et le Pôle Média, il y a donc peu d'échanges professionnels entre les deux pôles, cela reste des échanges « cafétéria ». Mais les échanges professionnels sont non négligeables entre la Friche et le Pôle Média. Ils recouvrent les réunions professionnelles, les rendez-vous, mais aussi le prêt de locaux lorsqu'il y a des travaux à la Friche et que des frichistes sont relogés au Pôle Média. 4 personnes sur 10 semblent avoir des échanges avec le Pôle Média. Les autres types de pratiques présentées par les salariés lors des questionnaires sont des événements ponctuels de type projections de films, castings.

b) Partenariats contractuels entre certaines structures des 3 îlots

En dehors des pratiques personnelles des salariés entre les pôles, nous nous sommes demandé si des échanges contractuels existaient. Les politiques ainsi que la presse définissent le Pôle de la Belle-de-Mai comme un pôle de compétitivité de type cluster. Pour qu'un ensemble d'entreprises deviennent un cluster, il faut qu'elles soient proches géographiquement, que leur secteur d'activité soit le même et surtout qu'elles échangent entre elles autour de projets communs et de partenariats contractuels. La Belle-de-Mai regroupe des industries créatives et culturelles sur un même site. Par contre, contrairement à ce qui est avancé dans le discours politique et de la presse, les partenariats (c'est-à-dire lorsqu'une entreprise est cliente ou prestataire d'une autre entreprise) sont très faibles.

- Partenariats entre la Friche et le Pôle Média:

· 75 % des salariés de la Friche connaissent des personnes qui travaillent au Pôle Média et 9% en connaissent plus de 10 ;

· 23% ont des interactions avec des entreprises Pôle Média.

Graphique 9 : Types de partenariats des salariés de la Friche avec des entreprises du Pôle Média

· 46 % des salariés du Pôle Média connaissent des personnes qui travaillent à la Friche ;

· 24% en connaissent plus de 10 ;

· 16 % ont des interactions avec les associations et entreprises de la Friche.

Graphique 10 : Types de partenariats des salariés du Pôle Média avec des entreprises et associations de la Friche

Les financements d'événements sont des subventions ou des aides apportées par des entreprises d'un des îlots pour des événements organisés par des entreprises de l'autre îlot. Les salariés de la Friche sont plus nombreux à connaître des personnes qui travaillent au Pôle Média que dans le cas contraire. Par contre, la moitié des personnes du Pôle Média qui connaissent des personnes à la Friche en connaissent au moins 10, mais ce n'est pas pour autant qu'il y a plus de partenariats. Mais pourquoi les chiffres ne sont pas les mêmes ? Simplement parce que les personnes interrogées n'appartiennent pas aux mêmes entreprises. Par exemple les personnes qui travaillent pour EGENCIA sont 200. Si l'entreprise à un partenariat avec une association d'une ou deux personnes à la Friche, on aura dix ou vingt personnes du Pôle Média qui travailleront en collaboration avec deux personnes de la Friche et donc le taux ne sera pas le même. Finalement, il vaudrait mieux étudier les partenariats par entreprises que les partenariats entre salariés.

Concrètement, des partenariats comme par exemple la ZINC à la Friche qui apparait à quatre reprises dans les questionnaires des salariés du Pôle Média ne l'est qu'une seule fois dans les questionnaires de la Friche. Ainsi, il n'y a que sept partenariats différents sur vingt-trois énoncés par les salariés du Pôle Média avec la Friche et quatre sur onze entre la Friche et le Pôle Média.

De plus, des salariés du Pôle Média nous ont répondu qu'ils avaient des interactions avec la Friche puisqu'ils y travaillent mais que leur employeur se trouve au Pôle Média (EGENCIA). Nous n'avons pas réussi à obtenir des informations complémentaires sur ce partenariat mais il semblerait que la Friche - au même titre que le Pôle Média parfois - prête ou loue des locaux pour des entreprises du Pôle Média.

Un autre problème que nous avons noté est que les salariés de la Friche considèrent le Pôle Patrimoine comme appartenant au Pôle Média. En effet, un partenariat avec l'INA et un autre avec le CICRP sont indiqués lorsque nous leur posons la question des échanges avec la Friche, alors que ce sont des structures de l'îlot patrimoine. Alors que dans le discours, les trois pôles sont trop souvent différenciés, il semblerait qu'au Pôle de la Belle-de-Mai la différenciation soit plus difficile par les salariés. Ces confusions peuvent donc induire en erreur notre analyse.

- Partenariats du Pôle Patrimoine avec la Friche et le Pôle Média :

· 53 % des salariés du Pôle Patrimoine connaissent des personnes qui travaillent à la Friche ou au Pôle Média ;

· 26 % des salariés du Pôle Patrimoine ont des interactions avec les entreprises ou associations de la Friche et du Pôle Média.

Graphique 11 : Type de partenariats entre les salariés du Pôle Patrimoine et les entreprises ou associations de la Friche et du Pôle Média

Concernant les échanges entre le Pôle Patrimoine et les deux autres pôles, on a peu de différence mis à part de nouveaux types de partenariats expliqués dans les questionnaires comme les autorisations de tournage. Le terme « camarades de travail » peut s'apparenter à un partenariat mais nous n'avons pas pris le risque de l'en rapprocher. Au même titre que la Friche, des salariés du Pôle Patrimoine ont fait la confusion des pôles et ont intégré des partenariats avec le MUCEM et les Archives Municipales. Finalement, sur 13 partenariats annoncés, on a seulement 9 partenariats contractuels différents.

Bien que le Pôle de la Belle-de-Mai soit présenté comme un écosystème dédié aux industries culturelles et créatives, les échanges sont plutôt faibles. En moyenne -et si on enlève les erreurs de confusion dans la définition des pôles -, on trouve 20% d'échanges entre les salariés de la Friche et du Pôle Média et 26% entre ceux du Pôle Patrimoine et ces deux derniers. Par contre, si l'on élimine les partenariats répétés plusieurs fois on a seulement huit partenariats contractuels entre la Friche et le Pôle Média et neuf entre le Pôle Patrimoine et ces deux derniers. Il semblerait donc que le Pôle Patrimoine entretienne autant de liens avec la Friche et le Pôle Média que ces deux derniers entre eux, alors que seulement cinq structures se trouvent au Pôle Patrimoine contre soixante-dix environ à la Friche et soixante-cinq au Pôle Média. Huit partenariats entre cent trente-cinq entreprises représentent seulement 6% des entreprises du Pôle Média et de la Friche qui collaborent entre elles. C'est le même cas pour le Pôle Patrimoine puisqu'il n'y a que 6,5% d'échanges. Finalement, il ne semble pas plus facile de créer du lien avec un pôle qui regroupe soixante-dix structures qu'avec un pôle qui en regroupe cinq. Pour comprendre le principe d'un cluster, il faudrait donc se poser la question du seuil d'échange entre les entreprises mais aussi du nombre d'entreprises présentent. 6% d'échanges paraissent dérisoires sur un territoire qui ne regroupe que des industries culturelles et créatives. Mais alors, pourquoi le lien ne se crée pas ? Pourquoi le Pôle de la Belle-de-Mai ne semble pas être un cluster alors qu'il est annoncé comme tel par les politiques et la presse? La proximité organisée ne semble pas fonctionner alors que les industries sont, selon les politiques, toutes du même secteur. Pourquoi sont-elles finalement situées ici ?

c) Des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai plus représentés ?

Puisque les entreprises ne travaillent pas en synergie ni en collaboration, avec qui travaillent-elles ? Pourquoi sont-elles à Marseille, à la Belle-de-Mai, si elles n'ont pas d'interactions entres elles ? Ce n'est sans doute pas pour le quartier puisque, mis à part la Friche qui a toujours eu pour objectif de dynamiser le quartier, les deux autres îlots n'ont pas de directive liée au quartier. Par contre, ces entreprises et associations semblent avoir des partenariats avec des entreprises implantées ailleurs. C'est par exemple le cas des réserves des musées dont la représentante, Dominique SAMANNI, nous a expliqué avoir des partenariats avec le monde entier. Nous nous sommes donc interrogés sur ces partenariats et nous avons intégré cette interrogation à notre questionnaire personnel auprès des salariés du Pôle de la Belle-de-Mai. Cela se traduit par les pourcentages suivants :

· 75 % des salariésdes structures auxquelles appartiennent les salariés de la Friche ont des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai

Graphique 12 : répartition des partenariats des salariés de la Friche selon l'échelle

· 26 % des salariés du Pôle Média ont des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai

Graphique 13 : répartition des partenariats des salariés du Pôle Média selon l'échelle

· 53 % des salariés du Pôle Patrimoine ont des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai

Graphique 14 : répartition des partenariats des salariés du Pôle Patrimoine selon l'échelle

Lorsque l'on compare les données, on remarque que les salariés de la Friche ont plus de partenariats en dehors de la Belle-de-Mai que ceux des deux autres îlots. Ils ont d'ailleurs trois fois plus de partenariats que ceux du Pôle Média. Les partenariats à la Friche sont aussi plus dispersés concernant la distance que pour les deux autres pôles. Les salariés du Pôle Média n'ont aucun partenariat en dehors du territoire national. Finalement, si l'on regarde les taux de partenariats intra-régionaux, ont peut dire que les partenariats duPôle Médiasont peut-être les plus ancrés sur le territoire marseillais. On y enregistre le plus fort taux d'interaction avec des entreprises à Marseille et seulement 10% des partenariats vont au-delà de la région. Malgré tout, seul 26% des salariés ont des liens avec l'extérieur. Tout en sachant désormais qu'il existe peu - voir pas- d'interactions au Pôle de la Belle-de-Mai, les entreprises du Pôle Média semblent renfermées sur elles-mêmes, elles travaillent seulement et purement pour elles. On voit d'autant plus cette écart avec les autres îlots puisque, comme nous l'ont expliquées bon nombre de personnes lors des entretiens, le but du Pôle Média est de faire de l'argent, de créer une activité économique durable, alors que la Friche a un penchant associatif, elle est très tourné vers le quartier, vers l'international, et le Pôle Patrimoine et un centre de conservation, et non de création de richesse ou d'une économie pérenne. La Friche et le Pôle Patrimoine ont d'ailleurs beaucoup plus de liens infra Belle-de-Mai. Plus de sept personnes sur dix ont des partenariats avec des entreprises en dehors de Marseille et dans ces partenariats, 38% sont en dehors de la région. La Friche prouve, là encore, son attractivité qui permet de rendre Marseille compétitive sur le plan culturel. Enfin, le Pôle Patrimoine, étant un centre de conservation, à autant de liens avec la région qu'avec l'ensemble de la France. Il y a aussi des collaborations avec d'autres pays, notamment pour les prêts d'oeuvres.

Finalement, les entreprises n'ont visiblement pas choisi d'être à la Belle-de-Mai pour la proximité géographique et organisée avec celles déjà sur site. Ou alors, elles l'ont choisit en vue du projet annoncé mais il s'avère que ces liens ont du mal à se mettre en place. Le Pôle Patrimoine a été implanté ici par la ville, le Pôle Média aussi. La réhabilitation de ces deux bâtiments est d'ailleurs venue après le succès de la Friche qui elle a été décidé par une association. Et bien que ces structures louent les locaux, les entreprises qui s'y installent sont souvent sélectionnées selon leur profil.

Dans un cluster, le principe est simple. Les entreprises choisissent de venir s'implanter à un endroit pour être proches d'entreprises qui ont déjà des liens avec elles où qui font partie du même secteur d'activité. On trouve également d'autres cas ou c'est une seule personne qui choisit les structures qui rejoindront du cluster afin de pouvoir y créer un projet commun. Pour résumer, au sein des clusters, les entreprises sont en concurrence/coopération. À la Belle-de-Mai, la concurrence est certaine. Les entreprises du Pôle Média par exemple tentent au mieux de tirer leur épingle du jeu et d'être les plus reconnues, les plus productives. Mais alors, où est la coopération ?

3. Que manque t'il au Pôle Belle-de-Mai pour être en synergie et fonctionner comme un écosystème de type cluster ?

On a pu comprendre à travers notre enquête, que la Belle-de-Mai ne fonctionne pas en synergie et que ce n'est pas un écosystème. Nous avons également vu que ce qui empêche vraiment ces rapports est la directive d'évolution que suit chaque îlot et qui est totalement différente. Nous nous sommes alors demandé quelles perspectivespourraienttavoir ce pôle créatif et comment le lien pourrait s'établir.

a) Importance du turn-over dans la création d'interactions

La mobilité et le turn-over sont deux points importants dans un cluster. Ce sont eux qui permettent en partie de créer ou non le lien. La mobilité permet de créer du lien avec l'extérieur, mais aussi d'être mobile au sein du cluster et de pouvoir apporter son savoir-faire auprès de plusieurs entreprises et ainsi créer des échanges. Les phénomènes endogènes dépendent de la mobilité des personnes. Le turn-over, s'il est trop important, ne permet pas de créer du lien puisque les salariés n'ont pas le temps de connaître leur territoire et les entreprises qui s'y trouvent. A la Belle-de-Mai, il n'y a pas d'éducation ou de culture des mélanges.

Concernant le turn-over, voici un graphique représentant la date de création des entreprises à la Belle-de-Mai. Comme on le remarque, il y a certaines périodes de forte création et d'autres bien plus faibles. Nous avons aussi fait le choix de diviser les industries en industries créatives ou non (selon les codes NAF).

Graphique 15 : répartition des établissements du Pôle Belle-de-Mai selon leur date de création

On remarque qu'à certaines dates, la création d'entreprises est plus importante. 1990 marque la fermeture de la manufacture et donc le début de l'installation du Système Friche Théâtre. 1995 est la date à laquelle le « projet culturel pour un projet urbain » a débuté, déclenchant la venue de nouveaux créatifs à la Friche. Le Pôle Média a été inauguré en 2004, d'où le début d'une augmentation dans la création des industries créatives qui se maintient jusqu'à aujourd'hui.

Néanmoins, nous n'avons pas eu accès aux données sur la rotation salariale en entreprise mais simplement sur la rotation de certaines entreprises au sein du Pôle Média. Nathalie AVERSENQ nous a par exemple confié que pour l'année 2014, sept entreprises sont arrivées et deux sont parties. Les industries semblent donc plutôt récentes, c'est peut-être pourquoi les liens ne se sont toujours pas mis en place.

Tableau 4 : période depuis laquelle les salariés sont dans leur entreprise

On constate une nouvelle fois, grâce à l'ancienneté des salariés de la Belle-de-Mai, que les entreprises sont récentes et surtout que leurs salariés travaillent depuis peu à la Belle-de-Mai. En effet, moins de la moitié des salariés travaillent à la Belle-de-Mai depuis plus de 4 ans.

Ajouté à cela, les pépinières d'entreprises aux pôles Média accueillent des entreprises pendant six à vingt-quatre mois pour l'incubateur et dix-huit mois pour la pépinière. Il semble donc difficile pour les entrepreneurs d'avoir le temps de créer des liens avec des entreprises du Pôle Média et encore moins avec celles de la Friche et du Pôle Patrimoine.

On voit donc, une fois de plus, toute la difficulté de créer un écosystème de développement en projet commun. Chacun a ses ambitions, ses valeurs, ses projets, il semble donc délicat de donner naissance à une synergie entre les entreprises. Pour que celle-ci se mette en place il faudrait, par exemple, que les entreprises restent plus longtemps sur le territoire pour pouvoir nouer des liens et créer des échanges.

b) Quelques idées de directive pour la création d'interactions

Enfin, la question que l'on peut se poser pour conclure sur ce chapitre est comment créer un environnement ou concurrence et collaboration iraient de paire à la Belle-de-Mai ?

Il faudrait, avant tout, penser les choses pour qu'elles génèrent de la synergie.Les initiatives suivantes sont des idées et suggestions que nous avons formulé dans le cadre de notre stage à l'AGence d'urbanisme de l'Agglomération Marseillaise avec notre encadrant de stage, Monsieur Patrick TANGUY ainsi que Sylvain CRESPEL, chargé d'études en stratégies économiques :

· Rechercher des collaborations possibles entre les entreprises des trois îlots et organiser des rencontres entre celles-ci. Faire connaître les entreprises en expliquant ce qu'elles font et ce qu'elles peuvent apporter à d'autres. Initier des contrats de partenariats en obligeant les entreprises à choisir leurs partenaires en premier lieu à la Belle-de-Mai,

· Dans le projet Pôle Média 2, qui a été décidé sur le site des casernes du Muy, secteur voisin au Pôle Patrimoine, mettre en place des collaborations et partenariats dès l'arrivée des entreprises. Peut-être que la ville pourrait aussi sélectionner les entreprises qui ont déjà des liens avec celles de la Belle-de-Mai, ou qui sont du même secteur et qui pourraient donc en avoir.

Bien que ces idées ne soient que des propositions, nous pensons que la ville devrait réellement songer à mettre en place un partenariat entre les entreprises. Premièrement, le pôle de compétitivité deviendrait un écosystème de type cluster, ce qui ferait la force de cet ensemble d'industries créatives. Deuxièmement, cela permettrait de rendre Marseille plus attractive d'un point de vue économique et stratégique. Enfin, cette attractivité pourrait se déverser sur le quartier de la Belle-de-Mai, qui, nous allons le voir, ne tire pas encore son épingle du jeu.

En conclusion de cette deuxième partie, nous pouvons dire que les interactions sont très faibles à la Belle-de-Mai. Nous avons, d'un coté, une Friche culturelle, de l'autre, un Pôle Média où se réunissent des entreprises du multimédia et,enfin, un Pôle Patrimoine où l'on trouve des structures de conservation et de restauration du patrimoine. Nous nous sommes demandé, au début de notre analyse, si l'ensemble fonctionnait en synergie.

Pour rappel, selon PORTER, un cluster est "un groupe d'entreprises et d'institutions partageant un même domaine de compétences, proches géographiquement, reliées entre elles et complémentaires" (PORTER, 1999). Selon FLORIDA, la « classe créative » est fondé sur le principe que c'est un groupe d'individus, les « créatifs », qui développe la ville économiquement et culturellement. Et ces « créatifs » s'y installent grâce à ce que la ville leur propose. Dans le cas de la Belle-de-Mai, la ville a fait venir les industries créatives en leur fournissant un loyer alléchant et un territoire culturel. Grâce à la notoriété que dégage la Friche, le développement des deux autres pôles a été une réussite.

De plus, le cluster est intéressant à partir du moment où des entreprises sont plus efficacesensembles que si elles exerçaient leur activité seules. Au sein des îlots, on trouve des interactions entre certaines entreprises. Bien que faible, elle existe. Par contre, il n'y a que très peu de relation entre les îlots, sauf au moment du déjeuner. Et même dans des moments propices aux échanges informelles, les interactions n'arrivent pas à ce mettre en place. De plus, les industries qui constituent le Pôle de la Belle-de-Mai semblent trop différentes. Elles ne sont pas toutes du même secteur, on a des industries du livre, du patrimoine, on trouve de l'audiovisuel et des artistes, etc. les trois pôles sont eux-mêmes différents. On a des acteurs publics, des acteurs privés et des acteurs associatifs. Il semble donc certainement plus compliqué de créer des liens et des partenariats entre des entreprises dont les objectifs finaux sont totalement dissemblables. La Friche prône la mixité sociale et veut fournir de l'art à tous les publics, le Pôle Média veut créer une économie autour du multimédia et le Pôle Patrimoine doit fournir à Marseille un patrimoine intéressant.

Finalement, bien que le Pôle de la Belle-de-Mai soit économiquement et culturellement une grande réussite, l'ensemble ne fonctionne pas en synergie. Il manque sans doute à la Belle-de-Mai de la proximité sociale entre les individus mais aussi et surtout une proximité institutionnelle qui permettrait de construire un projet commun.

TROISIÈME PARTIE: ANCRAGE TERRITORIAL

Chapitre 1 : Réhabiliter la friche pour régénérer le quartier ?

Chapitre 2 : Rapport des entreprises au territoire : conséquence de leurs implantations à la Belle-de-Mai

Chapitre 3 : Encastrement individuel des salariés au sein quartier

Dans cette partie, il s'agira de comprendre le rapport qu'entretiennent les pôles Média, Patrimoine et Spectacle Vivant avec le quartier de la Belle-de-Mai. Selon notre hypothèse de départ, nous pensons que les « entreprisesde la Belle-de-Mai et le quartier évoluent de façon réciproque mais pas en synergie. La complémentarité peut s'établir entre la Friche et le quartier mais pas entre les deux autres pôles et le quartier » (voir page 72). L'objectif est donc de démontrer si oui ou non la réhabilitation du Pôle de la Belle-de-Mai, qui a été très positive pour l'attractivité de Marseille, l'a également été pour le quartier. Est-ce que le quartier connaît un renouveau de ses dynamiques sociales, urbaines et surtout économiques depuis le début du projet ? En fin de compte, cette interrogation revient à étudier l'ancrage territorial des entreprises qui constituent le Pôle de la Belle-de-Mai.

Au même titre que pour notre seconde partie, il s'agira dans cette partie d'étudier les discours des politiques et de la presse et de les comparer avec ceux des acteurs de la Belle-de-Mai, puis avec nos questionnaires et les études complémentaires réalisées par l'AGAM.

L'objectif de cette partie est de compléter la précédente. Après avoir étudié les interactions entre les entreprises du Pôle de la Belle-de-Mai et avoir compris que ces rapports sont plutôt mitigés, nous nous sommes demandé quelles étaient leurs interactions avec leur territoire. Le fait que ces industries créatives n'entretiennent pas de réels rapports les unes avec les autres a-t-il un impact sur leur rapport avec le quartier de la Belle-de-Mai ? L'objectif de ce projet de réhabilitation était, bien évidemment, la régénération urbaine par la culture. On a pu assister, au fur et à mesure de l'avancé du projet, une reterritorialisation de l'ancienne manufacture par la ressource culturelle. Mais cette nouvelle économie de la créativité et de la culture a-t-elle des répercutions positives sur le quartier qui, comme sa réputation en a fait, est lequartier le plus pauvre de Marseille ? Nous verrons ainsi, dans un premier temps, comment le quartier et le Pôle de la Belle-de-Mai sont perçus. Nous verrons ensuite si les objectifs avancés lors des projets ont été tenus et si les différents îlots ont eu des répercutions sur le quartier. Enfin, nous comparerons ces discours avec nos questionnaires et les enquêtes complémentaires de l'AGAM pour voir si, les individus participent à l'ancrage de leur entreprise.

Chapitre 1 : Réhabiliter la friche pour régénérer le quartier ?

Dans ce premier chapitre, il s'agira de définir les bases de notre étude à l'aide des discours des politiques, de la presse, et des acteurs du Pôle et du quartier. Nous verrons ainsi comment le quartier de la Belle-de-Mai est perçu et en quoi la Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine doivent favoriser sa reconversion. Nous pourrons ainsi en déduire un premier constat concernant l'ancrage territorial de ces trois îlots que nous comparerons ensuite avec nos questionnaires et nos entretiens personnels. Mais, avant toute chose, il nous a semblé judicieux de définir succinctement ce qu'est l'ancrage territorial pour appréhender le sujet de notre analyse.

1. Définition et analyse de l'ancrage territorial

a) L'ancrage territorial comme l'investissement des entreprises sur leur territoire d'implantation

De plus en plus souvent, on entend parler de l'ancrage territorial des entreprises et de leur investissement dans le système productif territorial. À l'heure où la délocalisation des productions est de plus en plus transcendante, les chercheurs et les collectivités locales cherchent à comprendre pourquoi les entreprises restent sur leur territoire ou pourquoi ne restent-elles pas(PERRAT, J., ZIMMERMANN, J-B., 2003). Les entreprises ont tendance a être de plus en plus nomades avec les nouvelles technologies et les nouveaux moyens de transports (ZIMMERMANN, J-B, 2005). Pour les entreprises qui font le choix de s'installer durablement sur un espace délimité, la question qui se pose est pourquoi ces entreprises restent-elles ? Si certaines firmes font le choix d'être nomades ou de se délocaliser, c'est qu'elles n'ont pas trouvé la ressource dont elles ont besoin pour améliorer leur profit. Au contraire, une entreprise qui s'implante de façon pérenne sur un territoire aura trouvé ce dont elle a besoin pour se développer.

De plus, selon FUJITA M. et THISSE J.F. (1997), le territoire ne doit pas être considéré comme simple réceptacle des facteurs de production. Il est le résultat d'un processus de construction entre les différents agents économiques. Les entreprises lient nécessairement des relations diverses avec les acteurs locaux. Ces interactions étant plus ou moins intenses, l'ancrage territorial qui en découle sera plus ou moins important. Finalement, l'ancrage territorial d'une entreprise correspondrait à son investissement productif au sein de son territoire d'implantation.

La norme ISO 26000 définit l'ancrage territorial comme étant « le travail de proximité proactif d'une organisation vis-à-vis de la communauté. Il vise à prévenir et à résoudre les problèmes, à favoriser les partenariats avec des organisations et des parties prenantes locales et à avoir un comportement citoyen vis-à-vis de la communauté. ». Plusieurs termes importants apparaissent : proximité, proactif, partenariats et comportement citoyen. L'entreprise doit donc être géographiquement proche de son territoire, c'est-à-dire qu'elle y est implantée. Elle doit aussi jouer d'une proximité proactive c'est-à-dire qu'elle doit anticiper les besoins et les problèmes du territoire, et le territoire doit faire de même pour l'entreprise. Ainsi, en anticipant les problèmes de la communauté, l'entreprise pourra y faire face en créant une synergie avec les acteurs locaux. Enfin, elle doit avoir un comportement citoyen, c'est-à-dire qu'elle doit respecter une certaine civilité, un civisme et une solidarité à l'égard de la population de son territoire.

Finalement, l'entreprise doit anticiper les possibles problèmes d'un territoire pour pouvoir ensuite les résoudre. Pour se faire, elle peut utiliser la recherche et l'innovation, la médiation, la prévention, la formation, la sensibilisation, la gouvernance, le mécénat de compétences et bien évidemment la concertation70(*). Ces différentes possibilités doivent néanmoins toutes répondre aux mêmes objectifs : comment lier les entreprises avec des structures extérieures par des partenariats ? Comment intégrer les initiatives locales à l'activité de l'entreprise ?

Selon le Premier Baromètre FACE sur l'engagement social et sociétal des entreprises sur les territoires réalisé en avril 2010, les entreprises qui sont investies sur le plan social et sociétal estiment que ces investissements ont des répercussions positives sur leur image externe, leur intégration dans l'environnement local, leur performance globale, la cohésion sociale au sein de leur entreprise et enfin l'attractivité et la fidélisation de leurs salariés.

Finalement, l'ancrage territorial montre la stratégie d'implantation territoriale d'une entreprise. Les capitaux, le savoir-faire, l'emploi et les technologies de l'entreprise vont être directement injectés sur le territoire. Ces apports vont ainsi permettre au territoire de se développer. Ajouté à cela, l'entreprise va réaliser des actions en faveur de son territoire, pouvant se manifester par un dialogue et des rencontres avec les acteurs locaux, des partenariats locaux, un transfert de savoir-faire, la préservation de l'emploi et du tissu économique local. Pour que la cohabitation et la collaboration entre l'entreprise et les acteurs s'établissent, il faut donc une certaine proximité entre elles. C'est ce que nous allons tenter de définir dans la suite de ce chapitre.

b) Un rapport entre proximité organisationnelle et proximité géographique

Ce qu'un territoire peut attendre d'une entreprise, c'est donc, premièrement, le développement de la concertation sur des projets avec des réunions participatives, des dispositifs de médiation, etc. Ensuite, l'entreprise doit soutenir les infrastructures sociales du territoire par exemple avec des soutiens de financements. L'entreprise doit également donner une meilleure image du territoire et favoriser son attractivité. Enfin, elle doit soutenir le développement économique par des collaborations publiques/privées ou encore par le transfert de savoir-faire. Ce transfert de savoir-faire fait partie intégrante d'un apport de proximité qui s'est établit entre l'entreprise et les acteurs locaux. En effet, selon « l'ancrage territorialdes activités industrielles et technologiques trouve ses fondements dans la conjonction entre des aspects de proximité organisationnelle, révélateurs de la dimension industrielle intra comme inter-firmes, et des aspects de proximité géographique, sur lesquels se fonde la dimension territoriale » (ZIMMERMANN J-B., 2005). En ce sens, l'ancrage territorial repose sur des interactions firmes-territoire basées sur une endogénéisation réciproque des deux parties. L'ancrage e doit permettre de créer une dynamique commune entre l'entreprise et son territoire. Finalement, la firme est proche géographiquement de son territoire puisqu'elle y est ancrée, mais elle l'est aussi de manière organisationnelle puisqu'elle va établir, avec les différents acteurs publics et privés du territoire, un rapport de force lui permettant de se développer et permettant au territoire de faire de même.

Comme nous l'avons exprimé en première partie, la proximité géographique peut être recherchée ou subie. Le cas de la proximité géographique subie peut être un cas de proximité négative au développement d'une entreprise puisque le fait qu'on lui impose un lieu avec des acteurs, des technologies particulières et des contraintes évidentes peut lui empêcher d'acquérir des connaissances et un savoir-faire nouveaux. Dans le cas d'une proximité géographique recherchée, l'entreprise choisit le lieu où elle souhaite s'implanter. Bien souvent, le choix est dû au fait qu'elle entretient des liens avec d'autres entreprises du territoire. Si elle s'installe sur un territoire qu'elle a choisi, l'entreprise aura certainement plus de facilité a tisser des liens avec ce territoire, du moins c'est ce que nous supposons. Aussi, certaines entreprises entretiennent des rapports seulement avec des firmes du même secteur mais implantées sur un lieu différent. On a alors un système productif global ou la proximité géographique ne suffit pas à supprimer la faiblesse de la proximité organisationnelle ou institutionnelle. Il importe donc, pour cerner l'ancrage territorial d'une entreprise, de prendre en compte le fait qu'elle ait soit choisi, soit subi son implantation géographique.

Concernant la proximité organisationnelle et/ou institutionnelle, elle s'établit entre la firme et le territoire à partir du moment où il y a une dynamique commune. Par la médiation, la création de projet commun, la concertation, etc., les interactions entre l'entreprise et son territoire sont fondées de manière organisée et parfois institutionnelle.

c) Comment le calculer ?

Outre le fait que l'ancrage territorial se mesure par une proximité géographique et organisationnelle entre une firme et son territoire, cela ne suffit pas. Il faut bien évidemment prendre en compte d'autres facteurs.

Pour rappel, une entreprise doit s'investir dans la communauté pour qu'elle ait un fort taux d'ancrage territorial. Elle doit se fixer durablement sur un territoire délimité. Elle doit également prendre en compte sa complexité, c'est-à-dire connaître tous les acteurs présents et les considérer dans son projet. La proximité organisationnelle entre la firme et le territoire ne suffit donc pas à comprendre l'ancrage territorial. Il faut également considérer depuis combien de temps une entreprise est installée et son investissement dans la communauté,c'est-à-dire les projets qu'elle peut avoir pour favoriser les aides sociales auprès de la population du territoire. Ce ne sont donc pas forcement des projets institutionnels ou organisés. Ce peut être des projets de mixité sociale, de création d'emploi, etc. Il s'agit donc du comportement de l'entreprise vis à vis de la société. Mais c'est aussi et surtout la manière dont se comportent les salariés de l'entreprise vis à vis de la société,c'est-à-dire quelles relations ils entretiennent avec le territoire.

Pour comprendre l'ancrage territorial d'une entreprise, il faut étudier ses impacts sur la société qui l'entoure et sur son environnement. Cette analyse peut ainsi se décliner en trois points essentiels :

Ø l'activité économique d'une entreprise au profit d'un territoire,c'est-à-dire la création d'emploi, les investissements, l'aide à l'innovation, l'âge de l'entreprise, les partenariats public/privé avec des structures du territoire, la participation au développement local, etc.

Ø l'activité environnementale,c'est-à-dire la maitrise des énergies, les activités liées aux déchets, aux transports, à la consommation de l'eau, à la biodiversité, etc.

Ø l'activité sociale, c'est-à-dire la cohésion sociale de l'entreprise, son accessibilité par les citoyens, le bien être des salariés, le recrutement, la santé et la sécurité au travail, etc.

L'ancrage territorial des individus semble plus difficile à cerner. Il est évidemment lié aux pratiques et comportements des individus sur le territoire. Au même titre que l'encastrement des entreprises, celui des individus prend en compte leur rapport social et sociétal vis à vis du territoire. À titre d'exemple, nous pouvons étudier la mobilité des individus sur le territoire, leur rapport avec la population, leur rapport avec l'économie locale, etc.

L'étude de l'encastrement spatial d'une entreprise regroupe quant à elle l'encastrement des entreprises sur le territoire spatialement parlant et l'encastrement des individus au même titre. Il regroupe par exemple la mobilité des individus sur le territoire, la période depuis laquelle l'entreprise est installée sur le territoire, etc.

Il s'agira donc, dans cette partie, d'étudier l'ancrage territorial du Pôle de la Belle-de-Mai. Nous avons d'ores et déjà étudié les interactions entre les entreprises des trois îlots, interactions qui restent très faibles. Ces interactions font partie des relations entre firmes d'un même territoire, c'est-à-dire de l'ancrage économique d'une entreprise. De plus, il nous semble judicieux de compléter cette analyse par des recherches concernant la durée d'implantation des entreprises, leurs investissements sur le territoire, les partenariats qu'elles peuvent avoir avec des collectivités, etc. Nous étudierons aussi l'activité sociale de l'entreprise,c'est-à-dire quel est le lien entre l'entreprise et la communauté. Ajouté à cela, nous disposons de données concernant un panel de salariés de 250 personnes environ reposant sur leur rapport au quartier de la Belle-de-Mai, c'est-à-dire leur mobilité, leur consommation, etc. Nous ne disposons pas, par contre, de données concernant les activités environnementales des entreprises. Notre étude est plutôt portée sur le caractère économique et social de l'ancrage qui nous semble être le point clé du développement local (le rapport à l'environnement étant une question bien plus actuelle). Enfin, nous verrons ce que la réhabilitation du Pôle de la Belle-de-Mai a apporté à son territoire. Nous tenterons ainsi de décliner l'ancrage territoriale de l'ensemble Friche, Pôle Média, Pôle Patrimoine selon l'encastrement des entreprises, l'encastrement des individus et enfin l'encastrement spatial de l'ensemble.

2. La Belle-de-Mai : un quartier où pauvreté et insécurité dominent

Avant d'étudier l'ancrage territorial des entreprises du Pôle de la Belle-de-Mai, il semble bien évidemment essentiel d'étudier le territoire. Nous nous baserons sur des discours de la presse, des politiques et des acteurs du pôle pour comprendre quels sont les enjeux du territoire. Nous nous demanderons ainsi comment ces différents acteurs voient le territoire ? En quoi les projets de Friche, Pôle Média et Pôle Patrimoine peuvent être une solution ? Ces interrogations nous permettront de comprendre si les acteurs de développement sont conscients des problèmes du territoire et quelles sont les perspectives qu'ils proposent. Nous pourrons ainsi cerner les différents enjeux du territoire pour voir, par la suite, si les entreprises les ont pris en compte et si elles se sontinvesties dans la résolution des problèmes.

a) Le quartier « le plus pauvre d'Europe »

Nous nous sommes interrogés, dans un premier temps, sur la perception du quartier. Et ce que l'on entendou litle plus souvent dans les discours, que ce soit auprès des politiques, des acteurs locaux ou de la presse, c'est que la Belle-de-Mai est un quartier où insécurité et pauvreté dominent très largement.Depuis que le quartier existe, il expose de grandes inégalités tant sur le plan social que sur le plan économique. Et ces problèmes de développement se sont intensifiés avec la fermeture de la manufacture des tabacs. En 1989, La Belle-de-Mai fait déjà les grands titres. Dans le Méridional, un des titres marquant sur la Belle-de-mai est « Belle-de-Mai, quand stoppera-t-on la paupérisation ? ». Les journalistes semblent se rendre compte de la paupérisation qui a toujours sévi dans le quartier, et qui s'est maintenue depuis la fermeture de la manufacture en 1990. En effet, ce quartier était particulièrement tourné vers l'industrie. En 1869, seulement quelques années après l'urbanisation et l'industrialisation du quartier notamment avec l'implantation de l'usine Seita, 57% des habitants y étaient employés71(*). Dès l'urbanisation du quartier, l'habitat apparaît comme « malsain et précaire »72(*). À coté de cela, la ville de Marseille favorise le développement de l'industrie par l'aménagement de voies commerciales, de trottoirs, etc. On comprend alors que déjà, à l'époque, la municipalité ne cherche pas forcément à améliorer le coté habitation et vie sociale du quartier. Et le fait de se soucier aussi peu du devenir du quartier va faire en sorte que ce dernier se paupérise, son insécurité et sa vétusté n'en étant qu'amplifiées.

Le quartier doit finalement être rentable tout au plus, et ne doit être voué à une vie sociale. En 2002, c'est-à-dire 10 ans après l'implantation du SFT à la Belle-de-Mai et donc le début de la reconversion de l'ancienne manufacture, le territoire semble pourtant toujours abandonné. Il semblerait même que les politiques se rendent enfin compte des problèmes à la Belle-de-Mai.

Lisette NARDUCCI, maire du 2èmesecteur, constate la grande difficulté que représente la Belle-de-Mai. Elle considère le quartier comme « un quartier populaire et populeux »73(*), et le compare même à un « village ».Elle pense également qu'il y a « une difficulté sociale et économique qu'il ne faut pas ignorer. Il y a une concentration de familles en grande précarité, les voyants sont au rouge. ».

M.VOUYOUCAS, ancien directeur du Gyptis (cinéma) fait lui aussi part de sa détresse dans la Provence74(*), et se demande si « le quartier est abandonné à la saleté et à la laideur ? ». Ce à quoi il ajoute« Ensemble, nous devons entreprendre des travaux d'aménagements sans lesquels tout autre projet ne peut fonctionner. ». Finalement, selon lui, la Friche n'a pas profité au quartier, qui reste toujours très pauvre. Il faudrait sans doute rénover le quartier dans son ensemble pour qu'une nouvelle dynamique positive apparaisse. Sans quoi, les autres projets, que se soit la Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine ne pourraient fonctionner. Pourtant, aujourd'hui, en 2015 soit plus de vingt ans après l'implantation de la Friche et dix ans de développement des projets Pôle Média et Pôle Patrimoine, les projets semblent ancrés sur le territoire75(*). Cela revient à nous demander si le fait qu'un projet économique évolue sur un territoire qui n'évolue pas en fait forcement un projet non durable ? Ou si, au contraire, le territoire et l'entreprise évoluent de manière totalement disjointe. Il se pourrait alors que, malgré le fait qu'une entreprise réussisse à se développer et à se créer un capital important, le territoire sur lequel elle est implantée n'arrive pas à suivre ce mouvement et que, au contraire, l'écart économique et social se creuse un peu plus. C'est en tous cas ce qu'il semble se passer à la Belle-de-Mai.

b) Une conscience des problèmes universelle sur le territoire

Un deuxième constat que nous pouvons faire un sein des discours est celui de la conscience universelle des problèmes du quartier dans son développement et qu'il semble urgent de s'en défaire. Ce constat commence dès les années 1980, c'est-à-dire 10 ans avant la fermeture de la manufacture qui a entrainé encore plus de déclin au sein du quartier. Dans un article paru dans le journal Le méridional le vendredi 16 janvier 1981, Jean BETTOIA rapporte une enquête réalisée auprès des habitants du quartier. Certains expriment un sentiment de changer de « planète ... lorsqu'on arrive à la Belle-de-Mai. »D'autres expliquent qu'ils ne veulent «  nullement être discriminatifs, mais il existe une telle différence de physionomie entre ces lieux et les « beaux quartiers » qu'on est forcé d'insister sur ce contraste criard. ». Ils ajoutent également que « le quartier est sale, à l'abandon ». Au-delà du fait que le quartier est pauvre, les habitants semblent se sentir délaissés et même abandonnées, face aux inégalités et à l'insalubrité. Dominique SAMANNI, Directrice des réserves municipales, nous confie également que « lorsque les visiteurs se rendent à sa structure à pieds depuis Saint-Charles, ils se rendent compte de la grande différence qui règne entre l'insécurité et la fracture sociale du quartier et la Friche. »76(*).

Lisette NARDUCCI, maire du 2ème secteur, constate elle aussi le problème, mais tente de le minimiser. Elle explique la chose suivante : « Vous savez, je reçois les CIQ tous les mois pour faire le point sur les dossiers. Il y a une économie souterraine. En même temps, il y a une vie tout à fait normale. Il y a un savoir vivre ensemble mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas de problèmes. D'une manière générale, cela se passe plutôt bien. On n'a pas les grands règlements de compte. On a notre « petite bande ». Il y a quelques individus qui foutent la pagaille. » Ce à quoi elle ajoute « pendant trente ans rien n'a été fait. Mais cela commence à changer. Depuis que je suis maire, j'ai fait remonter la nécessité de l'intervention des pouvoirs publics. ... C'est en train de bouger. Tout n'est pas encore très visible. Ca va sortir de terre. La Belle-de-Mai est en mouvement. On avait touché le fond, on a amorcé la remontée. »77(*). Pour Mme NARDUCCI, les choses sont donc en train de changer, depuis qu'elle a été élue. La tendance s'est inversée même si les choses ne sont pas encore visibles. Mais cela ne relève-t-il pas simplement du discours politique à la veille d'une élection municipale (les propos ayant été tenus en 2013 et les élections ayant eu lieu en 2014) ? Est-ce que les habitant ont eux aussi l'impressions que les choses changent ? Nous avons également pu voir sur le site internet de la mairie du 2ème secteur, que la description du quartier de la Belle-de-Mai ne se fait que par son Pôle Média, sa Friche et son Pôle Patrimoine. On rapporte même le fait que « ce lieu vit au rythme du cinéma, de la télévision et de la culture. »78(*). Finalement, dans le discours politique, les problèmes de la Belle-de-Mai, bien que constatés, semblent quelque peu cachés derrière le succès des industries créatives du pôle.

Mais pour certains, le vrai problème n'est pas le fait que le quartier soit pauvre ou insécurisé, c'est le fait que personne ne s'en soit préoccupé. Et bien que le maire constate que les politiques n'ont été que trop peu présentes à la Belle-de-Mai pendant plus de trente ans, son discours est bien plus optimiste que d'autres. Selon le directeur du CIQ, Serge PIZZO, « la crise des années 70 est venue saccager cette belle vitalité. ... Les pouvoirs publics ont laissé ce quartier à l'abandon pendant plus de 30 ans. »79(*).

Finalement, on a tendance à rejeter la faute sur la Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine, mais ce constat semble légèrement irraisonné. La question de l'accès à la Friche se fait par exemple de plus en plus pressante80(*) étant donné le nombre de salariés, artistes et visiteurs qui s'y rendent. Mais lorsque la Friche n'était qu'une manufacture de tabac, la question ne se posait pas. Les gens se rendaient naturellement sur le site puisqu'ils devaient y aller pour travailler. Aujourd'hui, on dit que la Friche est inaccessible, mais elle ne l'est pas plus que du temps industriel... Il semble donc quelque peu irrationnel d'accuser la Friche. Le problème qui devrait par contre être mis en évidence est le fait que la municipalité n'a pas développé de vrai projet de territoire. Elle a simplement décidé de soutenir des projets culturels et créatifs mais ne semble pas avoir donné de directives sur l'intégration de la population dans ces projets.81(*) La question que nous pouvons par conséquent nous poser est quel est le réel intérêt à développer la culture et la créativité sur un territoire aussi défavorisé ?

3. Quel est l'intérêt de la culture au sein des projets à la Belle-de-Mai

a) La culture comme clé de développement ?

Pour AndonisYOUYOCAS82(*), directeur du Gyptis en 1989, la culture est également indispensable au développement d'un territoire. Il explique que pour lui, « il faut savoir si les gens veulent aller au théâtre et ce qu'ils souhaitent y voir. ». Constat auquel il ajoute : « à mon avis, d'ailleurs tant en peinture qu'en musique, Marseille ne valorise pas ses créateurs, d'où cette hémorragie permanente. ... Je le dis bien haut : les gens investiront à Marseille quand il y aura une vie culturelle très intense. Si on veut sortir la ville de son désert culturel il faut absolument valoriser la création à tous les niveaux. ». Pour l'ancien directeur du Gyptis, la culture est l'élément clé du développement du quartier. Si l'on développe la ressource culturelle et qu'on la met en avant, elle permettra au quartier de se dynamiser, d'attirer de nouveaux investisseurs et surtout de rendre Marseille attractive.

De plus, pour certains acteurs politiques, favoriser l'implantation d'artistes dans la ville lui permettrait de se développer. Fabrice LEXTRAIT par exemple, connu pour son rapport sur les nouveaux territoires de l'art, pense que les artistes souhaitent travailler avec leur territoire. En effet, la proposition des artistes « s'adresse au public non pas en tant que consommateurs mais en tant spectateurs intégrés au processus de création. Et, surtout, de travailler en profondeur et en proximité avec une population. ... Il est vrai que de nombreux artistes ressentent comme une nécessité de travailler en rapport étroit avec un territoire, une ville, un quartier. Beaucoup d'entre eux, mais pas tous, souhaitent que leur travail alimente le « débat démocratique ». Les artistes cherchent un public « exclus de la « consommation culturelle »83(*). Cette idée selon laquelle l'artiste veut participer à la vie de la société et veut favoriser des liens avec les habitants peut se rapporter à la définition de l'ancrage territorial selon laquelle les firmes participent au développement local et doivent s'intégrer d'un point de vue social et sociétal.

D'autres, quant à eux, préfèrent penser que ce sont les liens sociaux et les réhabilitations urbaines qui peuvent permettre à un territoire de se développer. Robert SEBAOUI84(*), ancien directeur de la maison pour tous, pense que son établissement doit « jouer à fond un rôle de moteur pour essayer de dynamiser le quartier sur l'axe de l'animation sociale. ». De plus, il se pose la question du « pourquoi ne pas programmer une réhabilitation comme au Panier ou comme en centre-ville ? ». Finalement, pour lui, la culture n'est pas forcement la clé du développement à la Belle-de-Mai. C'est plutôt la réhabilitation urbaine et surtout le partage et la cohésion sociale qui doivent être développés.

b) Projets proposés pour répondre aux enjeux : les ambitions

Le projet du Pôle de la Belle-de-Mai par d'un constat alarmant : « le site de la Seita s'ajoute aux 45 hectares de Friches industrielles de Marseille auxquelles Christian Poitevin, élu à la culture, rêve de donner une seconde chance. »85(*). On a donc, d'un coté, un territoire en Friche, abandonné, et de l'autre, des acteurs locaux qui souhaitent le réhabiliter par la culture. Le SFT apparaît alors comme « les créateurs » de cette résurrection. Ce sont eux qui, les premiers, se sont installés à la Belle-de-Mai et ont changé l'image du quartier. Selon Michel DUFFOUR, alors secrétaire d'Etat du Ministère de la Culture, « il faut des réponses politiques à ces propositions atypiques. Mais il ne s'agit pas d'enfermer dans des cases. Nous ne cherchons pas à écrire les aventures à leur place. »86(*). Pour que la culture s'installe durablement sur le territoire, il faut donc que la Friche s'institutionnalise. Et c'est d'ailleurs ce qu'il s'est passé en 1998 lorsque la ville décide de racheter l'ancienne manufacture.

En partant de ce constat, nous nous sommes demandé quels étaient les projets de développement des trois pôles et surtout quelles étaient leurs ambitions. Nous avons donc, d'un coté, la Friche, lieu dédié à la culture et au spectacle, dont l'ambition est de donner une vision nouvelle de la culture à un public toujours plus grand. On peut supposer, en suivant la définition, que la Friche culturelle doit participer à l'ancrage territorial puisque ce sont des artistes qui utilisent et s'approprient la ressource culturelle tout en la territorialisant afin que la population et que le territoire se les approprient (l'artiste et la ressource). Le Pôle Média, est un espace qui regroupe des entreprises de l'audiovisuel et du multimédia. Créé en 2004, il est aujourd'hui un lieu incontournable où se regroupent un incubateur, une pépinière, un cluster, et des entreprises créatives. Le Pôle Patrimoine regroupe quant à lui des structures dédiées à la conservation et à la restauration du patrimoine. Il semblerait donc, en apparence, que les trois îlots ne soient pas des projets de territoire où le quartier et la population seraient intégrés aux ambitions de développement, bien que la Friche culturelle doit quand même répondre à certaines de ces exigences (d'autant que le projet de Friche est devenu « un projet culturel pour un projet urbain » en 1995).Nous n'avons malheureusement pas eu accès aux projets en phase idéique, ni même aux ambitions avancées par les politiques. Mais nous pouvons cependant supposer que le développement du quartier n'était pas la question de départ. Le but du projet était surtout de donner une nouvelle image à la culture et à la créativité à Marseille afin de rendre la ville plus attractive. Nous nous sommes alors demandé, sur la base de cette supposition, si les projets ont été une réussite d'un point de vue économique, urbain et social.

c) Quelles ont été les conséquences de la réhabilitation ?

Richard MARTIN87(*), homme de théâtre et de culture, explique en 1981 qu'« on ne peut oeuvrer pour la culture qu'avec une multitude d'opérations authentiques de la région. J'ai l'impression qu'on favorise ici des « opérations parachutées » de prestige, mais combien coûtent-elles ? ». Pour lui, les opérations de réaménagement qui font état, en 1981 à la Belle-de-Mai, ne sont pas des opérations initiées par la région et donc elles ne peuvent améliorer le quartier. Il s'inquiète d'ailleurs du coût de ces opérations. Mais aujourd'hui, bien que les opérations de réhabilitation des trois îlots de la Belle-de-Mai ont été en partie subventionnées par la région, il n'en est pas moins qu'elles n'ont pas profité au quartier ! Et pourtant, selon la presse locale et les politiques, cette réhabilitation est une réussite pour le quartier. Déjà, en 1994, le journal la Provence explique que « l'opération résurrection de la Belle-de-Mai semble réussie. »88(*). Il semblerait donc qu'en quatre ans, de l'installation du SFT à la Friche à la date de cet article, tout ait changé.Ensuite, la Friche apparaît comme élément clé du développement du quartier. « À partir de là, la FricheBelle-de-Mai s'imposera au gré des changements d'équipes municipales et des relances économiques comme un interlocuteur incontournable. »89(*).

Pourtant, ce n'est pas le constat de tout le monde. Alain ARNAUDET, par exemple, Directeur de la Friche, explique que « la présence de la Friche n'a, pour l'heure, pas transformé le quartier... Du point de vue financier et économique, la Friche a toujours été à la limite, en tant que projet. Mais un pas a été franchi avec les nouveaux aménagements en cours. Désormais il devrait y avoir des incidences sur le quartier quant à la vie économique et culturelle. Mais il faut également qu'elle s'organise autour. Nous voulons contribuer à améliorer la vie économique et sociale du quartier, mais aussi qu'il conserve son caractère populaire et accessible, qu'il ne soit pas emporté par une gentrification toujours possible avec ce type de projet. »90(*). Finalement, bien que la presse semble très optimiste quant à l'impact du Pôle Belle-de-Mai sur le quartier, les acteurs de cette réhabilitation semblent bien plus rationnels. Nous verrons d'ailleurs dans notre chapitre deux que les autres acteurs du Pôle de la Belle-de-Mai pensent que le problème ne vient pas du fait que le quartier soit défavorisé, mais bien du fait que les projets culturels n'ont aucune directive à visée sociale, c'est au bon vouloir de l'entrepreneur de s'investir dans le quartier.

Enfin, du coté des politiques, ce qui est surtout mis en avant, ce sont les projets, et non pas leur rapport au quartier. Jean Claude GAUDIN, par exemple, lorsqu'il exprime son point de vue sur la Belle-de-Mai, se dit satisfait des nouvelles dynamiques et pense que « aujourd'hui, les trois pôles « auteur, patrimoine et média » sont une réussite. »91(*). Nous n'avons malheureusement trouvé que très peu de discours politiques concernant l'ancrage territorial des entreprises à la Belle-de-Mai. Bien souvent, les politiques constatent le fait que le quartier est pauvre et que le pôle est une réussite, mais il font rarement le rapprochement entre les deux. Finalement, cela nous rapporte à notre interrogation précédente à savoir pourquoi la faute est rejetée sur le Pôle Belle-de-Maiet pourquoi les politiques ne se demandent pas si le problème ne vient pas des directives de développement des industries culturelles et créatives qui ne prennent pas forcement en compte le quartier.

Chapitre 2 : rapport des entreprises au territoire : conséquence de leurs implantations à la Belle-de-Mai

1. Des projets qui prennent de plus en plus en compte la population

Dans la définition de l'ancrage territorial, l'entreprise doit se rapprocher de son territoire d'un point de vue social et d'un point de vue sociétal. Concernant le social, nous nous sommes demandé en quoi les pôles Média, Patrimoine et Spectacle vivant intègrent la population locale. Et ce sont les propos que nous avons recueillis dans la presse et lors de nos entretiens qui argumenteront nos idées dans cette sous-partie. Nous verrons ensuite comment les entreprises participent à la vie sociétale du quartier de la Belle-de-Mai.

a) Un projet Friche qui tente de s'ouvrir sur le quartier

Le projet de Friche est le premier à voir le jour à la Belle-de-Mai. Ce projet basé sur une cohabitation entre artistes n'avait pas, au début de l'initiative, un objectif d'ouverture sur le quartier. C'est d'ailleurs le constat que fait Philippe FOULQUIÉ en 1998. Selon lui : « nous n'avions au départ ni l'intention, ni les moyens, de modifier son architecture globale. Mais le but n'est pas de fonder un couvent d'artistes, plutôt de les mettre dans la ville, et de voir comment elle peut se les approprier.»92(*). Finalement, les objectifs du projet de base étaient de fournir à des artistes un espace où ils pourraient s'exprimer. C'était d'ailleurs non pas aux artistes de s'approprier la ville mais bien à la ville de se les approprier. C'est-à-dire que le développement du milieu artistique et culturel à la Belle-de-Mai devait d'abord profiter aux artistes avant de profiter au quartier. Philippe FOULQUIÉ ajoute également le constat que « la Friche de la Belle-de-Mai reste une usine. Protégée par d'immenses remparts, entourés de tunnels, elle tourne le dos au quartier et regarde vers la voie ferrée. ». Tout compte fait, la Friche semble n'être la que pour les artistes, et non pas pour développer le quartier. En effet, « curieusement, cette notoriété semble exercer peu d'influence sur le quartier. ». Des habitants s'étaient d'ailleurs, lors des portes ouvertes, « déplacés en voisins »93(*). La Friche est donc installée sur le leur, mais ne semble pas vraiment lui appartenir. En tous cas, elle ne s'est pas encore territorialisée et les habitants ne se sentent pas concerné par ce nouveau lieu culturel. Et ce constat, beaucoup d'acteurs de la Friche et du quartier le font. Graziella VÉGIS du théâtre Massalia explique par exemple que « si la proximité joue en sa faveur, le quartier n'occupe pas vraiment une place plus importante que les autres ? Si les gens viennent nous voir spontanément, on aura gagné quelque chose. » Ange ANDREANI, président du CIQ pense quant à lui « qu'il faudrait faire un effort pour l'ouvrir d'avantage au quartier. Il y a un manque de communication, cela fonctionne en vase close. ». Le président de l'association des commerçants, Alfred SANTORO confirme que « cet endroit fermé et en retrait par rapport au centre villageois, fait un peu bunker. ». La Friche est donc repliée, elle tourne le dos à son quartier. « Pour les habitants, c'est un peu effrayant, ces grosses institutions, » témoigne Renée ORABONA94(*). Il y a visiblement un grand manque de communication : les habitants voient la Friche comme une inconnue, ils n'osent pas forcement s'y rendre, ils ne savent même pas ce qu'il s'y passe. Mais pour les acteurs locaux, c'est à la Friche de s'ouvrir au quartier, et non l'inverse ! On a donc, d'un coté, le président de la Friche qui pense que la ville doit s'approprier les artistes et de l'autres, des personnes qui participent à la vie associative du quartier, qui pensent que c'est aux artistes de s'ouvrir à la ville.

Rappelons tout de même que l'ancrage territorial se définit par les moyens mis en place par les entreprises pour se rapprocher de leur territoire et pour participer à son développement local. Cette directive ne semble donc pas du tout adoptée par la Friche, tout du moins au début de son implantation. En effet, par la suite, les acteurs vont se rendre compte qu'en se rapprochant de leur quartier et en faisant de la mixité sociale un des objectifs de la Friche, ils pourraient faire de ce lieu un lieu d'exemple et de renommée où culture et cohésion sociale s'assemblent.

C'est notamment depuis le projet de Jean NOUVEL, « un projet culturel pour un projet urbain », que la Friche a décidé de se tourner vers on quartier. Jean NOUVEL est alors président du Système Friche Théâtre et il va demander, à Mathieu POITEVIN, architecte, de faire un projet à la Friche où projet urbain et projet culturel seront indissociables. Le but de se projet est de pérenniser la Friche en l'institutionnalisant. Les besoins des artistes sont pris en compte, et de nouveaux aménagements sont faits pour le permettre d'avoir plus de possibilité. Ajouté à cela, le choix de s'ouvrir sur le quartier apparaît dans ces nouveaux aménagements. Philippe FOULQUIE rappelle que « la complexité a été d'ouvrir le site sur le quartier. Il ne faut pas oublier qu'au début, c'était une usine fermée. Au bout de dix ans, on a installé une crèche et tenté de créer des liens avec le quartier. »95(*). Alain ARNAUDET, son successeur, confie lui aussi qu'ils travaillent « à l'ouverture de la Friche sur le quartier. Cela a été l'un des axes majeurs de la rénovation de la Friche. Il faut créer un espace public poreux. ». Bien que les éléments culturels ne semblent pas vraiment favoriser la mixité sociale (le public qui se rend aux expositions et spectacles est différent du quartier), d'autres lieux favorisent l'ouverture sur le quartier. En tête de liste, on trouve évidemment le Street Park. Mais on trouve aussi d'autres lieux fréquentés par les habitants, comme la crèche. La crèche a d'ailleurs fait de la mixité sociale son objectif principal, c'est ce que nous rapporte Marion LATUILLIERE, Directrice de la crèche, lors de notre entretien le 15 avril 2015. Elle nous explique comment fonctionne le projet de la façon suivante : « Notre projet de base a été développé autour de la mixité sociale. Nous avons fixé le taux de réservataires à 1/3 pour les personnes qui habitent dans le 3ème, 1/3 pour celles qui travaillent dans le 3ème mais n'y vivent pas et 1/3 pour les personnes qui n'ont rien avoir avec le 3ème arrondissement. En 2014, 31% des réservataires vivaient hors du 3ème, 32% travaillaient dans le 3ème et 37% y vivaient. On comptait dans cette totalité 24% de personnes qui travaillaient sur l'ensemble du site du Pôle Belle-de-Mai. De plus, nous réalisons beaucoup de sorties sur le site du quartier, notamment au parc avec les plus grands et au cinéma Gyptis (qui appartient d'ailleurs à la Friche). Nous aimerions également mettre en place des sorties marchées. Nous avons été sollicitésdès le début par la Maison Départementale de la Solidarité du quartier et également celle du quartier des Chartreux dans le 4ème arrondissement pour mettre en place un principe d'accueil d'urgence (pour éviter notamment les placements d'enfants). Ce sont six places à mi-temps qui sont remplies quasiment tout le temps. ».

D'autres projets vont également voir le jour, comme les nouveaux équipements sportifs qui sont actuellement en construction. Ces équipements seront gratuits et mis à disposition des habitants du quartier. Susanna MONTEIRO nous explique que « le projet est de créer de nouveaux équipements sportifs et un espace d'atelier dédié à la pratique artistique. Les travaux vont débuter en juin, au sein de la Friche. Ces nouveaux équipements sportifs seront notamment mis à disposition des écoles du quartier. L'espace atelier constituera une base pour les associations du quartier pour le développement de soutien scolaire, etc. »96(*).

Bien que tous ces projets tentent de prendre en compte la population locale, il semble opportun de signaler le fait que cette population est plutôt jeune. Susana MONTEIRO, chargée d'action culturelle à la Friche, nous explique par exemple les rapports qu'entretiennent la Friche et le quartier.« Nous avons plusieurs projets de partenariat avec certaines structures sociales du quartier. La maison pour tous de la Belle-de-Mai pour qui nous disposons d'ateliers de pratique pour les enfants le mercredi et pendant les vacances à la Friche. La Maison Départementale de la Solidarité avec qui nous avons monté un projet autour de la population de Roms, notamment pour les alphabétiser. Aussi, nous avons mis en place une maison d'accueil pour les enfants de personnes touchant le RSA. C'est une quarantaine d'enfants environ, non scolarisés, qui viennent surtout le mercredi pour s'instruire. Les centres aérés avec qui nous avons des partenariats pour les enfants. Ce sont des projets surtout tournés vers le cinéma ; les enfants vont par exemple tourner un film aux vacances d'avril. Des gouters gratuits sont également donnés le mercredi, pour les enfants. Et enfin les associations de quartier  avec qui nous entretenons des partenariats pour l'alphabétisation des femmes par exemple. Les associations ont notamment accès à la Friche gratuitement pour donner des cours aux femmes en difficulté. ... On a donc tout un volet sur l'action éducative : par exemple une convention de trois ans avec le collège de la Belle-de-Mai est mis en place avec 6 projets par an. Ces projets se traduisent par la mise à disposition des jardins participatifs, de studios photos ou du théâtre pour les enfants. » Le fait que la population visée soit plutôt jeune ou défavorisée peut faire émerger un nouveau rapport entre laFriche et le quartier. Par le biais du jeune public, l'image positive véhiculée va se refléter sur la population moins jeune, et ainsi ouvrir de nouvelle porte au partage et à la mixité sociale à la Friche.

Mais, bien que des projets aboutissent en étroite collaboration avec les associations de quartier, le constat reste sans appel : la Friche n'est que très peu fréquentée par les gens du quartier. La population qui se rend sur le lieu culturel reste en effet bien différente socialement parlant de celle du quartier. Pour Yann LORTEAU, « les habitants du quartier ont souvent d'autres choses à se préoccuper que de venir à la Friche. Bien qu'il y ait des événements gratuits comme le Mad'inFriche, les 48H chrono, ou encore certaines programmations musicales ou cinématographiques, le reste des spectacles est payant et bien souvent pas accessible au petit budget des gens du quartier »97(*).

Finalement, tous ces projets ont fait en sorte que les habitants du quartier commencent à voir la Friche comme un moyen de se développer et de rendre le territoire plus attractif. Anne PFISTER, du collectif citoyen « brouettes et compagnies » exprime par exemple son point de vue : « Personnellement, je m'intéresse plus au devenir de ce quartier qu'à son histoire et je crois à sa valeur et à sa future véritable place dans la ville de Marseille. Vous trouverez quelques renseignements historiques sur le site de la Friche de la Belle-de-Mai qui, depuis quelques années, a fait un effort visible d'ouverture vers le quartier »98(*).

b) Des activités au Pôle Patrimoine qui ne facilitent pas le lien avec les habitants du quartier

Comme nous l'avons expliqué dans notre partie 2, le Pôle Patrimoine constitue un secteur d'activité voué la conservation et la restauration du patrimoine. En apparence, il n'y a donc aucune directive sociale. Mais nous avons tout de même posé la question au directeur des structures qui constituent ce pôle pour savoir si oui ou non, ils ont fait en sorte de s'ancrer sur le territoire d'un point de vue social. Et notre hypothèse de base n'a pu qu'être confirmée.

Roland MAY, directeur du CICRP, nous confit que son établissement n'a aucun lien avec le quartier. Ils n'ont pas de vocation publique à la différence des Archives Municipales qui sont ouvertes au public. Il nous explique que la structure est « un lieu de travail, de recherche et de restauration. »99(*). Il explique également qu'ils réalisent tous les trois mois des conférences ouvertes à tous, même au gens du quartier. Ils ont également été sollicités une fois par le comité de quartier pour l'organisation d'une visite, mais elle n'a jamais eu lieu. Ils ont réalisés une fois une journée du patrimoine, en 2007, et ont pu recevoir 360 personnes dans un week-end. Mais c'est un événement difficile à organiser et ils ne peuvent pas recevoir plus de personnes. Il affirme tout simplement qu'ils n'ont « pas d'ancrage avec le quartier ». La structure a une activité plutôt dédiée à la Ville, et non au quartier. De plus, les seules personnes qui s'y rendent sont des personnes qui connaissent le lieu et qui ont des liens avec la structure. Finalement, il semble impossible de créer un lien fort entre le CICRP et le quartier, ce n'est d'ailleurs pas sa vocation.

Concernant les réserves municipales, Dominique SAMANNI nous confie que leurs visiteurs peuvent être des artistes très côtés, mais aussi des personnes qui travaillent pour le Ministère de la Culture. Une fois de plus, un rapport avec le quartier semble impossible. La directrice des réserves s'alarme d'ailleurs des problèmes dont souffre le quartier. « Je me demande comment le quartier ne s'en sort pas après toutes ces rénovations ? Sans doute que la fracture sociale est trop importante »100(*) nous rapporte t-elle.

Boris GAUBERT, directeur des Archives Municipales, nous explique quant à lui qu'ils organisent des manifestations ouvertes au public mais qu'ils n'ont pas d'actions avec le quartier et pas de manifestations conçues pour attirer spécifiquement les gens du quartier.

Emilie GERARD, conservatrice et directrice des réserves du MUCEM, nous rapporte les propos suivants : « nous n'avons pas vocation de travailler seulement avec le quartier, mais on a tout de même des micro événements tournés vers le quartier uniquement, comme par exemple la fête de la mémoire du quartier. Par contre, on a des événements ponctuels avec les associations du quartier autour de la collection, de la photo, de travail d'écriture et de lecture. On a un intermédiaire pour les activités publiques, qui sont plutôt des activités « public champ social ». Ce sont des interventions ponctuelles, à petite échelle et assez régulières. Mais ce n'est pas très lisible. Il faudrait peut être créer une bibliothèque de quartier mais ce n'est pas fait car la direction ne veut pas.  ... Je ne pense pas que les gens du quartier viennent ici. J'ai déjà rencontré une personne qui, en passant la porte, m'a dit « ah mais vous êtes ouverts au public ? ». Il y a donc une certaine surprise des gens que le lieu soit ouvert. De plus avant que l'on ait le panneau à l'entrée, à moins de passer devant chez nous pour aller à la Friche, nous étions invisibles.  ... Les gens du quartier ne savent même pas ce qu'il se passe ici. On attire le plus souvent les gens qui vont à la Friche. Nos réserves sont visitables, en plus de la petite salle d'expo. Nous avons entre 300 et 400 visites par mois tout de même. »101(*).

Finalement, même si les structures qui constituent le Pôle Patrimoine sont ouvert au public de façon ponctuel ou permanente, la population de la Belle-de-Mai ne s'y rend pas et ne semble même pas s'y intéresser ce qui rend difficile la mise en place de lien sociaux et sociétaux avec le quartier.

c) Un Pôle Média très renfermé sur lui-même

Enfin, concernant le Pôle Média, le constat est sans appel : il n'y a aucun lien entre les entreprises et le quartier. Lorsque nous nous sommes rendus pour la première fois sur les lieux, nous nous sommes d'ailleurs demandé si le lieu était accessible au public ou si seulement les personnes qui y travaillent peuvent y entrer.

Céline SOULIERS, directrice de l'incubateur, nous confie les propos suivant : « À ma connaissance, il n'y a aucun lien entre les entrepreneurs de notre incubateur et le quartier. L'incubateur et le Pôle Média sont basés en général dans le quartier simplement et purement par rapport aux politiques de la ville. Dans notre cas c'est également dû au fait que la pépinière d'entreprise se trouve juste à coté. ... Notre structure étant basée sur des projets novateurs, nous ne sommes pas accès sur un public défavorisé (alors que dans le quartier c'est le cas). Nous sommes en lien avec la recherche publique et donc les personnes qui développent leur projet ici sont de niveau cadre supérieur. ... Nous n'entrons pas non plus dans des missions d'insertion comme ça peut être le cas à la Friche. Aucune demande de l'État ne nous a été transmise sur un quelconque investissement pour le quartier. Nous restons quand même dans une mission sociale et économique mais pas pour le quartier. A savoir que le Pôle Média ne fait pas parti des zones franches urbaines qui sont des zones où les gens du quartier environnant doivent être pris en compte. Il faut également ajouter que le Pôle Média reste un passage pour nos entrepreneurs et ils n'ont pas forcement le temps de mettre en place des liens avec le quartier»102(*).

Nathalie AVERSENQ qui est en charge du projet Pôle Média, confirme également le fait qu'il n'existe aucune vocation sociale au sein du pôle. « Notre vocation est de faire un écosystème. Si les gens du quartier peuvent y entrer il n'y aura aucun problème. Mais nos élus ne nous le demandent pas. Il y a une certaine culpabilité de dire qu'il faut absolument aider le quartier ».

2. Des projets qui s'intéressent très peu au développement économique du quartier

Finalement, même s'il n'y a pas beaucoup de liens sociaux, certaines structuresintègrent le rapport au quartier d'un point de vue social dans leurs projets. C'est le cas par exemple de la Friche qui souhaite offrir un espace sportif pour les habitants du quartier ou encore qui souhaite aider les plus défavorisés. C'est aussi le cas de la crèche qui a fait de la mixité sociale un des objectifs principaux de son projet. Mais c'est aussi le cas au Pôle Patrimoine où des événements ponctuels rassemblant les habitants du quartier sont de plus en plus à l'ordre du jour. Par contre, le Pôle Média n'a aucune vocation sociale (même si l'idée du projet de studio rencontre pour Plus belle la vie a été énoncé). Comme nous l'avons vu, son but est d'abord et avant tout de créer de l'économie par le biais des industries créatives. Mais est-ce que cette économie profite au quartier ? Ou est-ce qu'elle profite seulement aux institutions qui subventionnent et aux entreprises ? Aussi, est-ce que les deux autres pôles ont vocation à développer une économie qui participerait à l'économie locale ?

a) Quelques projets pour le développement économique du quartier

Un des projets ambitieux où industries culturelles et quartier défavorisé tentent de tisser un lien est sans aucun doute celui du Gyptis. Yann LORTEAU, nous explique, lors de notre entretien, le projet : « le Gyptis est un cinéma implanté dans le quartier, qui est financé et géré par la Friche. Bien qu'il reste un cinéma d'art et d'essai, tout l'intérêt réside dans sa programmation. Nous mettons en place des séances de famille et nous avons les tarifs les plus bas de Marseille (2,50 euros la séance). Le but était donc de faire des propositions qui conviennent à la population du quartier ». Le cinéma a donc un objectif évidemment social, puisqu'avec des tarifs attractifs et des offres qui conviennent à la population il permet de la rassembler, mais il est aussi un bon moyen de redorer l'image du quartier et de le redynamiser.Certains sont d'ailleurs très optimistes. « Non le quartier n'est pas abandonné ! Les choses changent ! » s'estpar exemple félicitée lors de l'inauguration du GyptisLisette Narducci (PRG), maire du 2e secteur (2e-3earrondissements)103(*). Ce projet montre également bien le fait que la Friche souhaite de plus en plus s'ouvrir sur le quartier. C'est d'ailleurs ce que Alain ARNAUDET  dit : il s'agit de « désenclaver la Friche sur le quartier, et désenclaver le quartier sur Marseille »104(*). C'est finalement en se rapprochant du quartier et en créant de la proximité avec les associations, la population, que le quartier pourra s'en sortir.

Un autre projet, qui n'est pour l'instant qu'une idée, qui permettrait de redynamiser le quartier d'un point de vue économique, serait initié par la ville de Marseille sur le secteur du Pôle Média. Nathalie AVERSENQ qui est en charge du projet Pôle Média, nous explique qu'«  Il y a la question de Plus belle la viequi meurtrit tout le monde : tout le monde voudrait visiter leurs locaux et rencontrer les acteurs. C'est sans doute quelque chose qui aiderait le quartier et nous y réfléchissons évidemment. Si on avait un showroom il y aurait énormément de gens qui voudraient le visiter. Des activités connexes au sein du quartier pourraient ainsi se développer. Ça aurait un succès fou, cela pourrait avoir un impact très positif sur le quartier. Mais il faudrait trouver le foncier, car au Pôle Média c'est impossible. Notre objectif est de réaliser ce projet rapidement, et nous aurions même dû le faire avant »105(*). Bien que ce projet ne soit encore qu'une idée, il montre bien le fait que les entrepreneurs et politiques commencent à se demander comment le Pôle Belle-de-Mai pourrait enfin aider le quartier.

b) Globalement, les initiatives sont faibles et la greffe ne prend pas

Nous l'avons décrit dans la définition de l'ancrage territoriale : pour que les entreprises soient ancrées il faut qu'elles établissent une certaine proximité avec le quartier. La proximité géographique à la Belle-de-Mai est forcement avérée. Les entreprises et associations sont disposées au sein de trois îlots qui constituent le Pôle de la Belle-de-Mai. Même si cet ensemble, comme nous l'avons vu, tourne le dos au quartier, il y a bien une proximité géographique entre les deux. La deuxième proximité qui doit être avérée est une proximité organisée entre les entreprises et les structures du quartier. Les entreprises doivent participer au développement local, elles doivent mettre en place une collaboration avec des entreprises ou associations du quartier, elles doivent participer à l'innovation, etc. Mais pour le cas de la Belle-de-Mai, il semblerait que les entreprises n'ont pas conscience des enjeux du quartier et qu'elles ne s'intéressent pas à son développement. Il n'y a pas de médiation avec les acteurs locaux, sauf pour certains événements ponctuels où les associations de quartier entrent en contact avec des entreprises du pôle, mais ce sont des événements très rares et souvent à caractère social. Concernant la formation, il n'existe aucune offre de la part du Pôle Belle-de-Mai. Il y a eu comme idée de remplacer la maternité (actuellement en friche) en espace dédié à la recherche et à la formation, mais elle sera finalement transformée en logements (dans tous les cas, le Pôle Belle-de-Mai n'avait rien à voir avec ce projet). De plus, nous avons expliqué en partie 2 le fait que le turn over était un bon indicateur de proximité organisée entre les entreprises. Mais il l'est aussi entre les entreprises et le quartier. Pour rappel, la plupart des entreprises sont très récentes et la plupart des salariés sont à la Belle-de-Mai depuis moins de 4 ans, il semble donc difficile d'établir un lien de façon durable. Par exemple, si une personne va s'intéresser au devenir du quartier et qu'elle est ensuite amenée à changer d'entreprise ou tout simplement de territoire, il est alors plus difficile pour l'entreprise de s'intéresser au développement économique du quartier.

Les industries qui constituent les trois îlots sont des industries du secteur créatif et culturel. Nous pouvons donc également émettre l'hypothèse que ces industries, étant surtout tournées vers la culture, n'auraient pas d'autres ambitions et peut-être même possibilités que de développer de la culture au sein du quartier. Par exemple, Susana MONTEIRO, chargée d'action culturelle de la Friche, explique que -en parlant de la Friche-« nous avons financé la réhabilitation du cinéma Gyptis rue Loubon. On y trouve notamment des séances organisées par la Friche pour les enfants des associations de quartier. Par contre, nous ne finançons aucun aménagement de type logements sociaux, etc. ». Le Gyptis étant un cinéma, il appartient bien au secteur culturel. Par contre, elle nous confirme bien qu'ils n'intègrent pas d'autres aides dans leur budget de subventions annuelles.

On constate également, dans le discours des acteurs, que l'impact du pôle sur le quarier n'est pas forcement visible. Patrick ALARY, qui préside la Fédération des Professionnels de l'Immobilier de Provence, pense par exemple que « créer un équipement culturel quelque part, c'est toujours une bonne chose pour un quartier, cela le rend plus attractif. Cela dit, je pense que la Belle-de-Mai reste un secteur très en retard. »106(*).Béatrice SIMONET, secrétaire générale du Système Friche théâtre pense quant à elle qu'« on ne prétend pas apporter une solution aux problèmes du quartier, l'un des plus pauvres d'Europe. C'est vrai qu'il n'y a pas eu de transformation rapide du quartier, de « boboïsation », comme à Berlin ou à Liverpool »107(*). Enfin,Robert ROSSI, du groupe de rock Quartiers Nord exprime son point de vue : «  je ne suis pas très optimiste. Prenez le Pôle Média... au départ, on disait que les salariés viendraient s'installer à la Belle-de-Mai. Pensez donc : c'est un monde à part qui a son propre restaurant, qui ne se mélange pas »108(*). Finalement, on a, d'un coté, les optimistes que sont les politiques et qui tentent de démontrer que le pôle a eu un impact positif sur le quartier ; et les autres, les acteurs du pôle et les acteurs locaux, qui ont un discours bien plus pessimiste.

Il semble tout de même important de signaler que nous n'avons pas assez de données pour soutenir ce que nous avançons. En effet, lors de nos entretiens mais aussi dans la presse ou dans le discours politique, la préoccupation est surtout de l'ordre du social, c'est-à-dire pourquoi le quartier reste aussi défavorisé même après d'aussi grands projets. Les réponses qui ressortent le plus souvent concernent donc le rapport qu'ont les entreprises avec le quartier d'un point de vue social et sociétal, et non pas économique. On peut alors se demander pourquoi ce rapport entre développement de l'industrie créative et développement économique du quartier n'est jamais mis en avant ? Le fait que le quartier soit aussi défavorisé fait sans doute oublier aux entreprises le fait qu'elles pourraient participer à son développement économique. Finalement, le fait qu'il soit aussi défavorisé est aussi une preuve que les projets de développement des trois îlots n'ont pas fonctionné sur le quartier. Peut-être aussi est-ce dû au fait que le développement local ne faisait pas partie du projet de base et que les politiques ne se rendaient pas compte du potentiel d'une telle réhabilitation. Finalement, la question de la participation au développement économique, nous nous la poserons par la suite lorsque nous analyserons les pratiques du quartier par les salariés des trois îlots. Nous pourrons ainsi analyser l'encastrement individuel qui pourra nous emmener à des conclusions -bien que subjectives- quant à la participation des entreprises au développement local. C'est d'ailleurs ce que Serge PIZZO, Président du CIQ de la Belle-de-Mai, explique : « l'arrivée de la Friche, des structurelles culturelles, a freiné cette dégringolade.  Et ces salariés, ils consomment aussi dans le quartier, les commerces de bouche y ont trouvé leur compte. Avec la population, le pont a été fait et un événement comme la Belle fête de mai y contribue»109(*).

3. Finalement, est-ce que ces projets ont vraiment profité au quartier ?

Comme nous l'avons vu, les projets de Friche, Pôle Média et Pôle Patrimoine s'intéressent très peu au développement économique du quartier. Ils tentent par contre, de plus en plus, d'intégrer la population défavorisée du quartier à leur site. Nous allons donc voir, à travers les discours des politiques et des acteurs, si ces idées et/ou projets ont profité au quartier. Nous comparerons ces discours avec les chiffres de l'INSEE sur le quartier. Nous verrons ainsi s'il s'agit plutôt d'un marketing urbain fort revendiquant l'ancrage territorial des entreprises pour attirer d'autres entreprises ou s'il s'agit simplement de la réalité.

a) Comment est perçu le rapport entre Pôle Belle-de-Mai et quartier par les politiques et les acteurs locaux ?

Bien que des projets ou des partenariats pour le quartier existent, on peut se demander si ceux-ci ont eu des effets positifs sur le quartier. Est-ce qu'un projet d'une telle envergure a profité à un quartier aussi défavorisé ? Certaines hypothèses apparaissent dans le discours des acteurs locaux et des politiques. Lisette NARDUCCI, maire des 2ème et 3ème arrondissements, tente par exemple de traiter la chose de façon optimiste. Selon elle, « c'est une dynamique et des lieux où se rencontrer.[...] Quand j'organise une concertation, maintenant, tout le monde est là ! Les gens, ici, ont envie d'apporter leur pierre à ce quartier »110(*). Mais le problème ne semble pas venir du fait que les acteurs s'intéressent ou non au devenir du quartier, il semblerait que se soit autre chose.Le Président du CIQ par exemple, exprime sont point de vue en donnant une idée alternative : « pourquoi ne pas englober toute la Belle-de-Mai dans Euroméditerranée et pas seulement la partie du Pôle-Média et de la Friche ? [...] Ce qui a sauvé la Belle-de-Mai c'est la Friche et le Pôle Média. Près de 1500 personnes viennent y travailler chaque jour »111(*). Finalement, selon lui, la réhabilitation a profité au quartier. Et le fait d'intégrer le quartier au projet Euroméditerranée pourrait permettre d'approfondir cette dynamique. Corinne BARBEREAU, restauratrice, pense quant à elle que la Friche a été un excellent outil de dynamisme positif sur le quartier. « Grâce à elle, il y a un renouvellement de la population à la Belle-de-Mai, qui autrefois déclinait. »112(*).

Mais d'autres sont beaucoup moins optimistes, c'est notamment le cas des acteurs du pôle. Yann LORTEAU par exemple, nous explique que des choses sont faites pour le quartier. Mais il ajoute que « tout est relatif. On fait des choses mais ça reste un impact insuffisant par rapport à la population ». Finalement, la population et le quartier ne semblent pas être touchés par cette réhabilitation, mais pourquoi ? Est-ce que finalement, le discours optimiste ne relève t-il pas simplement d'un marketing urbain pour attirer de nouvelles entreprises à venir s'installer sur le Pôle Belle-de-Mai ?

b) Le développement de ces projets culturels a-t-il profité au quartier sur le plan social ?

Nous avons pu décrire plusieurs projets et/ou idées qui permettraient de mettre en lien les entreprises qui constituent les pôles avec la population du quartier. C'est notamment le cas de la crèche, d'événements ponctuels comme les 48H chrono et des nouveaux terrains sportifs à la Friche, et de partenariats ponctuels entre les structures du Pôle Patrimoine et les associations de quartiers. Concernant le Pôle Média, l'objectif d'intégrer la population dans le projet n'est pas à l'ordre du jour. Finalement, on peut supposer que bien qu'une ouverture sur le quartier est faite de façon ponctuelle et est de plus en plus incitée, la réhabilitation du Pôle Belle-de-Mai ne semble pas avoir profité au quartier sur le plan social. Et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, la population qui travaille à la Belle-de-Mai et celle qui vie dans le quartier sont totalement différentes. Concernant la précarité annoncée dans les discours des politiques et des acteurs, elle se confirme par les chiffres de l'INSEE. La Belle-de-Mai s'inscrit ainsi plus largement dans un territoire pauvre qui est le troisième arrondissement de Marseille. Le revenu médian de la ZUS (zone urbaine sensible Saint-Mauront, Bellevue, Cabucelle) par unité de consommation est de 5 853 € en 2010 contre 16 128 € à Marseille. De plus, la population est très dépendante des aides sociales. 37,6% des habitants dépendent à 100% des aides contre 23% à Marseille. La part des allocataires bénéficiaires de la CMUC atteint 29,4% contre 11,9% à Marseille. On est donc sur un territoire très précaire, et où les niveaux d'études et de qualifications sont très faibles.

Au Pôle Belle-de-Mai, selon notre enquête réalisée auprès des salariés des trois îlots, 1,62% des salariés ont un niveau d'étude CAP ou BEP, 0,81% ont un BEPC ou brevet des collèges, 12,96% ont un BP ou un Baccalauréat, 31,98% sont diplômés de l'enseignement supérieur court et 51,82% sont diplômés de l'enseignement supérieur long, seulement 0,81% sont sans diplôme (sur un panel de 247 réponse). En comparaison, dans le troisième arrondissement, on a 19,17% des habitants qui ont un niveau d'étude CAP ou BEP, 13,92% ont un BEPC ou brevet des collèges, 11,94% ont un BP ou un Baccalauréat, seulement 6,4% sont diplômés de l'enseignement supérieur court et 5,93% de l'enseignement supérieur long, enfin 42,65% sont sans diplôme (sur une population totale de 15 ans et plus non scolarisée en 2009 de 29 098 personnes). Finalement le fait que le pôle d'industries créatives ne profite pas au quartier est sans doute également dû à ce grand écart social entre les salariés et les habitants. Le fait est que plus l'écart est important, plus les centres d'intérêts sont éloignés. De plus, le Pôle Belle-de-Mai reste un lieu très culturel qui n'attire pas forcement cette population défavorisée. Bien que tarifs préférentiels soient mis en place à la Friche par exemple pour attirer cette population peu aisée, celle-ci ne se sent pas forcement concernée par ce qu'il s'y passe.Selon Yann LORTEAU, «  le plus important c'est de créer l'envie de venir. Finalement, à la Friche,on a jamais été capable de créer du désir pour les gens du quartier pour qu'ils viennent voir ce qu'il s'y passe. »113(*). Le constat semble donc sans appel : le Pôle Belle-de-Mai, au-delà des différences avec le quartier, n'a pas réussi à attirer sa population et à créer de lien social avec celle-ci.

c) Le développement de ces projets culturels a-t-il profité au quartier sur le plan économique ?

Comme nous le savons, pour qu'il y ait ancrage territorial économiquement parlant entre entreprise et territoire, il faut qu'il y ait une certaine synergie entre ces deux ensembles. Pour qu'il y ai une synergie, il faut de la proximité géographique et de la proximité organisée, elle même composée d'une proximité organisationnelle et d'une proximité institutionnelle. Concernant la proximité géographique, elle a été établie, d'abord avec le territoire, puis pour les pôles entre eux. Concernant la proximité organisée, s'il est prouvé qu'elle existe, alors les entreprises doivent se développer de façons parallèles et complémentaires.

Emilie GERARD, Directrice des réserves du MUCEM, nous explique qu'elle « espère tout de même qu'il y a un apport du Pôle Belle-de-Mai sur le quartier. Mais aussi un apport des pôles les uns par rapport aux autres. La proximité est importante avec les autres pôles. La réhabilitation est une réussite d'un point de vue urbain. Mais est-ce que c'est un mélange social ou plutôt un vernis social ? C'est la population aisée qui vient ici, elle repart tout aussi vite et ne prend pas le temps de s'intéresser au quartier. »114(*). Il semblerait donc qu'un des problèmes énoncés par les acteurs soit le fait qu'il y ai trop de différences sociales entre les habitants du quartier et les visiteurs du Pôle Belle-de-Mai. Mais nous pensons que cet écart est tout aussi important entre les habitants et les salariés.

Le 3ème arrondissement de Marseille est le plus précaire (devant le 1er et le 2ème arrondissement) avec un indice de 26,2 points alors que la moyenne nationale est de 8 points.Cet indicateur calculé par l'INSEE prend en compte les formes les plus fréquentes de précarité : monétaire, liée à l'emploi, des familles en difficulté et au logement. Cet indice augmente entre 1999 et 2009 soit en même temps que la population. Le 1er et le 3eme arrondissement sont les plus défavorables au niveau de l'emploi sur la métropole de Marseille. La question de la formation et de l'accès à la mobilité est une question centrale. 25 % des personnes ayant terminé leurs études se retrouvent sans emploi. L'insertion professionnelle est donc un réel problème dans la question de l'emploi.

La hausse du chômage progresse plus vite à la Belle-de-Mai qu'en moyenne sur Marseille. 29,4% de la population déclare être au chômage en 2009, contre 17,3% à Marseille. En 2010, on comptait 2 147 demandeurs d'emploi de catégorie ABC115(*) sur une population de 13 629 personnes (chiffre 2009). Les femmes et les plus de 50 ans sont particulièrement concernés par cette hausse. On relève une hausse de 11,2% pour les femmes par rapport à 2009 contre 7% à l'échelle de Marseille. Cela peut s'expliquer par la faiblesse des niveaux de qualifications qui rend les habitants du quartier particulièrementvulnérables à la crise économique. Le décrochage scolaire est également important sur ce territoire.Parmi les 18-24 ans, seuls 36,7% sont scolarisés (60,1% à Marseille). De plus, 64% des demandeurs d'emploi n'ont qu'un niveau baccalauréat, contre 56,6% à l'échelle de Marseille.En 2009, 35,1% de la population est sans diplôme, ce qui reste particulièrement élevé (24.4% à Marseille).

À l'échelle du troisième arrondissement, en 2009, les cadres ne représentent que 2,3% des 15 ans et plus, les artisans et commerçants 2,55%, les professions intermédiaires 8,56%, les employés 18,6% et les ouvriers 15,1%. Au Pôle Belle-de-Mai, on trouve 40,98% de cadres, 41,8% d'employés, 0,82% d'ouvriers, 6,97% de professions intermédiaires et 9,43% d'artisans, commerçants et chefs d'entreprises (selon notre enquête réalisée auprès des salariés du pôle, avec 244 réponses). Il semble finalement compliqué que le Pôle Belle-de-Mai profite au quartier en matière de développement économique en vue de ces chiffres. En effet, les entreprises ne peuvent par exemple pas fournir d'emplois aux habitants du quartier qui n'ont pas du tout les mêmes qualifications que les salariés des îlots. Il semble également compliqué de fournir une formation qui, premièrement, conviendrait aux niveaux d'études des habitants du quartier et, deuxièmement, profiterait au développement de l'entreprise.

Nathalie AVERSENQ nous confirme également que le développement économique du quartier par les projets du Pôle Belle-de-Mai est impossible. Concernant le Pôle Média par exemple, le but est de « créer de l'emploi pour le marché, et non pour le quartier ». L'objectif de départ était finalement de rassembler des entreprises sur un seul territoire et créer un écosystème. Mais il y a eu un problème d'explication entre les pouvoirs publics et le quartier, car le but n'était pas de développer le quartier, mais simplement un écosystème d'industries créatives.

Finalement, les entreprises et plus globalement les projets que sont la Friche, le Pôle Média et le Pôle Patrimoine, ne semblent pas avoir d'encastrement territorial. Le seul encastrement territorial que les entreprises ont est dû au fait qu'elles soient implantées à la Belle-de-Mai et donc qu'elles ont une proximité géographique avec celle-ci. Par contre, il n'y a pas vraiment de directive concernant une intégration de la population et une incitation au développement local. Bien que la Friche soit de plus en plus proche du quartier, le Pôle Belle-de-Mai reste très en retrait par rapport à son territoire.

Chapitre 3 : encastrement individuel des salariés au sein quartier

L'ancrage territorial, comme défini précédemment, se décline en trois points : l'encastrement des entreprises (c'est-à-dire les relations qu'ont les entreprises avec le territoire), l'encastrement des individus (le rapport qu'ont les salariés avec le territoire) et enfin l'encastrement spatial (des entreprises et des individus). Après avoir étudié l'encastrement des entreprises et leur encastrement spatial, nous allons donc étudier, dans ce dernier chapitre l'encastrement des individus, pour pouvoir donner une conclusion plus significative sur l'ancrage territorial des entreprises.

1. Les consommations des salariés dans le troisième arrondissement

a) Comment se mesure la consommation des salariés dans le troisième arrondissement ?

Afin de calculer l'encastrement des individus sur le territoire, nous avons réalisé une enquête pour savoir quels sont leurs types de consommation sur ce territoire, leurs récurrences, etc. Nous avons donc, sur un total de 247 réponses, obtenu les résultats qui vont suivre. Bien que ce panel ne représente qu'environ 17% des salariés du Pôle Belle-de-Mai, nous tenterons d'en tirer un certain nombre de conclusions nous amenant à comprendre l'ancrage territorial des associations et entreprises des pôles. Nous avons notamment demandé aux salariés s'il leur arrivait d'avoir recours à de la consommation de biens ou de services dans le troisième arrondissement ; si oui, quelle en était la fréquence ; quel était le type de ces consommations ; et pourquoi y avaient-ils recours ? Nous avons choisi de poser la question à échelle de troisième arrondissement car les données majeures de l'INSEE dont nous disposons et que nous avons analysées précédemment étaient aussi à échelle du troisième arrondissement.

Après analyse des questionnaires, nous obtenons les graphiques suivants :

Graphique 16 : taux de consommation de biens ou de services dans le troisième arrondissement par les salariés du Pôle de la Belle-de-Mai

On constate qu'une grande majorité des salariés ont recours à des biens ou des services dans le troisième arrondissement. La Friche étant la structure où le plus grand nombre de salariés consomment dans le troisième, cela confirme l'hypothèse que c'est la structure la mieux ancrée. En effet, non seulement la Friche a élaboré des projets pour intégrer les gens du quartier à son activité, mais il semblerait que les salariés font également l'effort de s'y rendre et de participer à l'économie locale.

Le Pôle Patrimoine garde un taux relativement élevé de consommation de ces salariés dans le troisième arrondissement. Environ 85% d'entre eux se sont déjà rendus dans l'arrondissement pour des achats. Il semblerait donc que bien que les structures du Pôle Patrimoine soient très renfermées et très peu ouvertes sur le quartier (et sur tout autre quartier d'ailleurs puisque mis à part les réserves du MUCEM et les archives, aucune structure n'accueille du public), les salariés restent tout de même proches de leur quartier.

Enfin, le Pôle Média est l'îlot où le taux de consommation des salariés dans le troisième arrondissement est le plus faible. En effet, seulement 57% des salariés ont déjà consommé dans le troisième, soit un peu plus de la moitié. Ce chiffre est faible lorsque l'on voit l'ampleur du Pôle Média qui rassemble quasiment 1000 personnes. Finalement, les salariés, autant que leur entreprise, ne semblent pas s'intéresser à ce qu'il se passe dans le quartier et plus largement dans le troisième arrondissement.

Graphique 17 : récurrence des consommations de biens ou de services des salariés dans le troisième arrondissement

Concernant la récurrence de ces consommations exposée dans le graphique ci-dessus, on remarque que les taux sont quasi les mêmes pour tous les pôles. Une part faible mais notable des salariés qui consomment dans le troisième le font tous les jours, soit 14,6 pour la Friche, 10,6% pour le Pôle Média et 12,8% pour le Pôle Patrimoine (attention : ces taux sont basés sur l'ensemble des salariés qui consomment dans le troisième, et non sur l'ensemble des salariés). Ensuite, on a entre 35% et 45% qui consomment 1 à 2 fois par semaine, environ 40% le font une fois par mois et seulement 5 à 10% une fois par an. Il semblerait donc que les salariés se rendent tout de même dans le troisième arrondissement dans le but d'y consommer, ce qui est un bon point pour l'économie locale. Mais la récurrence est assez faible : les salariés ne s'y rendent que de façon ponctuelle, ce qui ne permet pas de dynamiser le territoire.

Les deux pôles culturels que sont la Friche et le Pôle Patrimoine semblent donc être constitués d'individus qui sont plus ancrés sur le territoire que le Pôle Média qui rassemble des industries créatives. Cela revient à se demander en quoi le secteur d'activité peut jouer sur les relations qu'on les individus avec leur environnement ? Finalement, est-ce que les créatifs sont plus renfermés sur eux-mêmes ? Est-ce qu'ils ne restent pas simplement en groupe de créatifs et ne s'ouvrent pas au reste du monde ? Est-ce que, au contraire, les individus qui appartiennent au secteur culturel ne sont pas plus ouverts ? Ces questions reviennent à nous demander si, finalement, une Friche culturelle n'est pas forcement plus ancrée qu'un cluster créatif, dans sa façon d'être spontanée, mais aussi dans la manière des artistes de faire un chemin au milieu de la ville. Le cluster créatif ne serait-il pas, au contraire, moins ancré, par son caractère institutionnel fort, et son but principal de créer un écosystème et non pas d'offrir une culture nouvelle comme c'est le cas dans la Friche. En fin de compte, toutes ces questions reviennent à nous demander si la Friche peut être un cluster, et si le fait qu'elle devienne un cluster ne va pas la renfermer sur elle même ? Toutes ces questions sont des interrogations auxquelles il serait difficile de répondre en un seul mémoire. Il faudrait sans doute des années de recherche, de comparaison, et d'études de cas pour en tirer des conclusions acceptables. Notre but ici est simplement de démontrer l'ancrage territorial des entreprises à la Belle-de-Mai, et non pas de savoir si la Friche culturelle peut devenir un cluster.

b) Les types de consommations de biens ou de services des salariés dans le troisième arrondissement

Après avoir questionné les salariés sur le fait qu'ils sont amenés ou non à acheter dans le troisième arrondissement, nous leur avons demandé quels étaient le ou les types de ces consommations. Nous avons ainsi déduit le graphique suivant :

Graphique 18 : type d'achats de biens ou de services dans le troisième arrondissement

Ensuite, nous avons demandé aux salariés quels étaient leurs types de consommation. Etudier le type de consommation revient finalement à nous questionner sur comment le territoire est perçu par les salariés et peut donner des perspectives de développement pour attirer encore plus d'individus. On remarque tout d'abord que les commerces de proximité et les supermarchés sont en tête de liste. Au moins 75% des salariés qui consomment le font dans des commerces de proximité c'est-à-dire la Poste, la banque, la boulangerie, la charcuterie, etc. Concernant les supermarchés, c'est au moins 58% d'entre eux. Les sorties et loisirs arrivent en troisième position. Les salariés du Pôle Média sont ceux qui vont le moins souvent dans le troisième pour leurs loisirs, ceux du Pôle Patrimoine sont ceux qui y vont le plus pour la même raison. La restauration a un taux très faible dans la part des consommations mais reste notable. Les salariés du Pôle Média sont ceux qui vont le plus dans l'arrondissement pour se restaurer. Pourtant, ils ont leur propre restaurant. Nous avons également vu dans notre précédente partie que les échanges entre les pôles avaient le plus souvent lieu au moment des repas, la Friche et le Pôle Média ayant leur propre restaurant. Mais il semblerait que les salariés vont également consommer dans le quartier lors de leur pause déjeuner. Mais cela représente une très faible part des salariés (environ 5% du total). Enfin, les écoles, les marchés, et les associations ont les taux de consommations les plus faibles. Les salariés ne semblent pas utiliser les écoles de l'arrondissement et préfèrent sans doute mettre leurs enfants dans une école de leur quartier. Les marchés sont également très peu fréquentés. Quant aux associations, il semblerait que les salariés n'en connaissent quasiment pas l'existence.

Les salariés fréquentent donc l'arrondissement surtout pour y acheter, c'est-à-dire soit faire leurs courses, soit sortir, soit se restaurer. Les biens et services que sont l'éducation et les associations sont les moins utilisés, et même dans certains cas pas sollicités du tout. On peut donc en conclure que les salariés voient le quartier comme un territoire où l'on peut consommer. Finalement, c'est sans doute que le quartier offre assez de commerces pour que les salariés aient envie de s'y rendre. Par extension, on peut se demander si la précarité du quartier vient vraiment de son offre ou si elle vient du fait que la population qui y a toujours vécu, qui est en majorité immigrée, est défavorisée.

c) Pourquoi les individus consomment - ou ne consomment pas - dans le troisième arrondissement ?

Enfin, après avoir demandé aux salariés s'ils consommaient dans le troisième arrondissement et quels étaient leur type de consommations, nous leur avons demandé les raisons pour lesquelles ils ont recours ou non à ces biens et services. Les interrogés devaient cocher une réponse parmi plusieurs propositions et pouvaient, s'ils le souhaitaient, ajouter une remarque.

Nous avons ainsi obtenu les graphiques suivants :

Graphique 19 : les raisons pour lesquelles les salariés ont recours à des achats de biens ou de services dans le troisième arrondissement

La quasi totalité des salariés qui consomment dans le troisième semblent le faire parce que le territoire est à proximité de leur travail. Une nouvelle fois, la proximité géographique a toute son importance. Du fait que les salariés sont sur un territoire, ils sont amenés à s'y rendre et à y consommer. Par extension, la proximité géographique permettrait donc de créer une certaine économie locale entre les individus et le territoire. Les entreprises pourraient ainsi profiter au quartier pour son développement et les individus pourraient s'y rendre pour favoriser le maintien de l'économie locale. En contre partie, si l'économie locale est maintenue et que le territoire se développe, alors il sera plus attractif et les entreprises voudront s'y installer de façon durable. Cette affirmation se confirme par le fait que les prix, l'attractivité du quartier et la proximité du logement restent des raisons avec des taux bien plus faibles que la proximité du travail. Le fait que les prix soient attractifs ou que le logement se trouve sur le territoire est peu pris en compte par les salariés. Ils préfèrent finalement privilégier la proximité même avec leur lieu de travail. Pourtant, c'est seulement 2,4 à 6,3% d'entre eux qui trouvent que le quartier est attractif. On peut donc supposer que, bien que le quartier ne soit pas attractif, il offre assez de propositions pour répondre au besoin des salariés.

Concernant les tribunes libres, ce qui est ressorti pour la Friche est « l'échange avec les personnes », « la qualité des propositions » et « l'intérêt pour les propositions artistiques et culturelles ». Les autres raisons avancées par les salariés sont donc d'ordre personnel et culturel. Pour le Pôle Patrimoine, on trouve «  des intérêts ciblés : produits asiatiques, consommations culturelles : la Friche, Gyptis, officines socio-culturelles » mais aussi « j'aime la Belle-de-Mai : quartier populaire, pittoresque par endroits, etc. ». Là encore, les raisons sont soit personnelles et affectives soit culturelles. Cela confirme ce que nous disions sur le fait que les salariés de la Friche et du Pôle Patrimoine étaient sans doute plus intéressés par les offres culturelles que ceux du Pôle Média, qui sont biens plus renfermés sur eux-mêmes et qui restent en groupes de créatifs. La seule tribune libre que nous avons eu au Pôle Média est « mes parents habitent la Belle-de-Mai ». Cela reste donc de l'ordre du personnel et affectif.

Enfin, en comparaison, les raisons pour lesquelles les salariés ne consomment pas dans le troisième arrondissement sont les suivantes :

Graphique 20 : les raisons pour lesquelles les salariés n'ont pas recours à des achats de biens ou de services dans le quartier

Il semblerait, cette fois-ci, que les raisons évoquées ne sont pas du tout les mêmes selon le lieux de travail. À la Friche, 75% des personnes qui n'ont jamais recours à des achats de biens ou de services ont évoqué la raison des offres qui sont peu attractives. 50% disent que c'est soit par préférence, soit du fait qu'elles n'ont pas de proximité avec le quartier et 25% pensent que c'est à cause des prix. En comparaison, aucun salarié du Pôle Média et du Pôle Patrimoine ne se rend dans le troisième en raison des prix peu attractifs. Le problème des offres peu attractives est moins présent au Pôle Média (39%) et l'est encore moins au Pôle Patrimoine (14%). La proximité et les préférences sont par contre un problème majeur pour les salariés du Pôle Média. Le manque de temps est une raison seulement évoquée au Pôle Patrimoine. Concernant les tribunes libres, seuls quelques répondant du Pôle Patrimoine y ont participé. Nous pouvons rapporter les dits suivants : « je ne consomme pas dans le troisième arrondissement, j'achète le déjeuner du midi, j'habite loin c'est compliqué pour moi de transporter les courses de la maison en transports en commun », « c'est mal famé et c'est Harlem », « je fais une journée continue et rentre chez moi dès la fin de mon travail », « pas le temps », « manque de commerces attractifs ». Il semblerait que le manque de temps soit bel et bien une des raisons les plus évoquées par les salariés du Pôle Patrimoine.

Finalement, si l'on veut schématiser le tout - de manière évidement imparfaite -, les salariés de la Friche qui ne consomment pas dans le troisième pensent que les offres sont peu attractives. Il est tout de même indispensable de rappeler que cela ne représente que 7,7% des salariés qui ont répondu au questionnaire, et donc c'est une faible part des salariés de la Friche qui semble avoir une mauvaise image du quartier. Au Pôle Média, les salariés qui ne se rendent pas dans le troisième ne le font pas par préférence. On peut d'ailleurs se demander si « la préférence » ne rejoint pas le fait que le quartier est peu attractif et donc qu'il ne souhaite pas s'y intéresser. Enfin, au Pôle Patrimoine, on manque de temps, et c'est la raison pour laquelle on ne s'intéresse pas au quartier. Mais avant d'avoir des conclusions trop hâtives, il faut rappeler qu'une partie non négligeable, voir très importante des salariés se rend dans le troisième arrondissement et y consomme.

2. Rapport au territoire et impressions liées à son attractivité

Nous verrons dans ce sous chapitre, quel est le rapport qu'entretiennent les salariés avec le territoire de la Belle-de-Mai. Nous allons tout d'abord étudier leur mobilité avec d'un coté la mobilité résidentielle et de l'autre le turn-over. Nous verrons ensuite comment les salariés jugent le quartier en matière d'équipements et enfin comment ils perçoivent la réhabilitation par rapport au quartier.

a) Importance de la mobilité dans le rapport de l'individu au territoire

Mobilité résidentielle :

Nous avons analysé, dans notre précédent sous-chapitre, le rapport qu'ont les individus avec leur territoire. Ce rapport est un rapport de consommation puisqu'il se définit par les pratiques qu'ont les salariés du pôle dans le troisième arrondissement dont fait partie le quartier de la Belle-de-Mai. Après analyse, il semblerait que ces pratiques diffèrent selon l'îlot où les salariés travaillent et selon des critères personnels. Dans ces critères, que ce soit pour les personnes qui consomment ou celles qui ne consomment pas, plusieurs explications ressortent : la proximité du travail, la proximité du logement, les offres, les prix, le temps. Il semblerait donc que la mobilité fasse partie de ces justifications, c'est pourquoi nous avons décidé d'étudier les lieux de résidence des salariés. Avec seulement 246 réponses à notre questionnaire et ayant la possibilité d'avoir une base de données plus fournie, nous nous sommes basés sur l'enquête accessibilité réalisée par l'AGAM en 2014 (730 réponses). Après analyse, nous sommes parvenus à la cartographie suivante :

Carte : répartition des salariés du Pôle Belle-de-Mai selon leur commune de résidence principale

Tout d'abord, on remarque que la plupart des salariés vivent dans le département des Bouches-du-Rhône. On remarque également que les taux de répartition les plus élevés se trouvent à Aix-en-Provence, Allauch et Marseille (bien que ceux-ci ne se situent qu'entre 1% et 10%). On a donc une répartition assez homogène sur le département excepté Marseille où se concentrent 78,49% des salariés.

Lorsque l'on se concentre sur Marseille, on remarque que les salariés sont également répartis de façon homogène. Les arrondissements où se concentrent le plus de salariés sont les 1er, 4ème, 5ème et 6ème. Le 3ème arrondissement ne concentre que 4,54% des salariés. On peut donc se demander en quoi joue cette proximité du logement dans le rapport des salariés au territoire. Elle a forcement un impact sur leur consommation. En effet, une personne qui vit dans un quartier aura tendance à plus consommer dans ce quartier pour des questions de proximité, de gain de temps, et même de préférence dans certains cas.

Mais on peut aussi se demander comment les salariés du pôle qui vivent dans le troisième ont été amenés à s'y installer. Est-ce qu'ils ont choisi leur lieu de vie par rapport à leur lieu de travail ? Dans ce cas la proximité géographique entre le lieu de travail et le territoire aurait un rôle. Est-ce qu'ils ont choisi leur lieu de travail par rapport à leur lieu de vie ? Dans ce cas c'est la proximité du territoire avec l'entreprise qui joue un rôle. Finalement, est-ce que le fait que leur lieu de travail soit à la Belle-de-Mai les a incité à s'installer dans le quartier, c'est-à-dire est-ce que le fait d'être tous les jours sur ce territoire leur a donné l'envie de s'y installer ? Si tel est le cas, alors ces salariés sont d'autant plus ancrés que les autres. Ils vont consommer dans le quartier parce qu'ils y travaillent mais aussi parce qu'ils y vivent. Ils vont également avoir un rapport citoyen différent des salariés qui vivent en dehors du territoire. Plus il y a de salariés qui vivent sur le territoire, plus leur encastrement est fort. Finalement, dans le cas de la Belle-de-Mai où très peu de salariés vivent dans le troisième arrondissement, on peut se demander si le fait qu'ils y vivent ne fausse pas plutôt les résultats, c'est-à-dire que quoi qu'il arrive, ils auront un rapport au territoire et des consommations plus importantes qu'un salarié qui n'y vit pas. On ne peut donc pas vraiment mesurer l'impact du lieu de vie sur l'encastrement territorial d'un salarié, bien qu'il semble judicieux de le prendre en considération puisqu'une personne qui ne vit pas sur le territoire aura forcement été incitée par une cause externe pour y consommer. En revanche, si l'on avait obtenu des taux bien plus forts de salariés qui résident dans le troisième arrondissement, nous aurions alors pu en conclure que l'encastrement des salariés était conséquent et qu'il serait dû au fait que leur travail est à proximité géographique du territoire et que leur lieu de vie l'est également. On peut donc considérer que la proximité géographique entre travail et territoire à la Belle-de-Mai joue davantage sur l'encastrement que celle entre logement et territoire.

Le turn-over :

Au même titre que le lieu de résidence, le turn-over semble pouvoir jouer sur l'encastrement des salariés. Comme nous l'avons expliqué en seconde partie, le pôle est constitué d'entreprises récentes mais aussi de salariés qui sont sur le territoire depuis peu de temps. La pépinière d'entreprise et l'incubateur reçoivent par exemple des entreprises pendant une durée définie de vingt-quatre mois maximum. De plus, au sein de ces regroupements d'entreprises, peu d'entrepreneurs sont présents. Ils viennent bien souvent seulement pour des réunions et rendez-vous. Ils n'ont donc pas forcement le temps de s'intéresser à ce qu'il se passe dans le quartier. C'est d'ailleurs au Pôle Média que l'on a le taux le plus faible de salariés qui ont déjà eu recours à des achats de biens ou des services dans le troisième arrondissement avec seulement 57% du total.

Ensuite, les salariés de l'ensemble du pôle sont sur le site depuis moins de 5 ans pour 60% d'entre eux116(*). C'est donc 60% de salariés qui ont eu peu de temps pour découvrir le quartier et s'intéresser à son offre. Pourtant, les raisons qui ressortent le plus souvent à la question « pourquoi ne consommez-vous pas dans le troisième arrondissement ? » sont les offres peu attractives, la proximité et les préférences personnelles. Le manque de temps est seulement cité au Pôle Patrimoine. Il semblerait donc que les salariés ne se rendent pas dans le quartier pas parce qu'il ne le connaissent pas, mais parce qu'ils préfèrent tout simplement aller ailleurs.

b) Un territoire pas assez attractif

Nous avons précédemment constaté que les salariés avaient plutôt tendance à se rendre dans le troisième arrondissement de façon régulière ou ponctuelle. La plupart d'entre eux s'y rendent parce que c'est à proximité de leur lieu de travail ou de leur logement. L'attractivité du territoire est la dernière cause de leur consommation. Nous nous sommes donc demandé pourquoi, selon les salariés, le territoire n'est pas attractif.

Lors de l'enquête accessibilité réalisée par l'AGAM en 2014, la question des équipements a été posée aux salariés. Et la plupart d'entre eux117(*)sont insatisfaits des équipements dont dispose le quartier.

Graphique 21: un niveau d'équipements jugés insatisfaisant (source : enquête accessibilité Belle-de-Mai, AGAM, septembre 2014)

Comme le montre le graphique ci-dessus, le niveau d'équipements est en majorité jugé insuffisant. Les banques, assurances et les commerces alimentaires sont les deux types d'équipements jugés qui satisfont le plus les salariés. Les sports et les loisirs sont quant à eux les équipements qui satisfont le moins les salariés. Finalement, aucun des neuf types d'équipements énoncés ne recueillent plus d'un tiers des avis favorables. De plus, l'analyse des tribunes libres conforte ces données. Les salariés expliquent par exemple qu'ils aimeraient avoir une offre plus diversifiée pour ce qui est de la restauration que ceux du Pôle Média et de la Friche. Ils sont donc prêts à se rendre dans le quartier si l'offre se dynamise.

Un sentiment d'insécurité ressort également de ces tribunes libres. Certains parlent d'agression, de dégradations, d'un certain coté anxiogène du quartier. Cela confirme donc également ce qui est ressorti de la presse et du discours politique. Pour certains, le quartier est même peu convivial et il n'y a rien à y faire.

Finalement, même si, nous l'avons vu, les salariés consomment régulièrement ou ponctuellement à la Belle-de-Mai et plus largement dans le troisième arrondissement, il semblerait qu'ils n'en pensent pas moins qu'ils ne disposent pas d'une offre attrayante. Ce discours est assez redondant avec celui de la presse et des politiques qui disent que le quartier lie insécurité et précarité et qu'il a besoin de se diversifier.

c) Un pôle qui profiterait au quartier selon les salariés

En contre partie du fait que les salariés trouvent que le quartier n'est pas assez dynamique, il semblerait que, selon eux, le Pôle Belle-de-Mai a pourtant favorisé ce dynamisme et ils se disent même plutôt satisfaits, dans l'ensemble, de travailler à la Belle-de-Mai. Comme nous le montre le graphique ci-dessous, travailler à la Belle-de-Mai est agréable pour 75% des salariés.

Graphique 22 : taux de salariés qui pensent que travailler à la Belle-de-Mai est agréable/désagréable

Pour conforter ce constat, près des deux tiers des salariés pensent que travailler à la Belle-de-Mai est valorisant professionnellement.

Graphique 23 : Taux de salariés qui pensent que travailler à la Belle-de-Mai est valorisant d'un point de vue personnel/professionnel.

Par contre, seulement la moitié d'entre eux pensent que c'est valorisant personnellement. Il faut sans doute faire le lien entre ce constat mitigé et le fait que le quartier n'a, selon les salariés, pas assez d'équipements ; qu'il y a de l'insécurité et de la précarité ; qu'il n'est pas attirant. Il semble néanmoins évident de signaler que malgré ces différents constats, les salariés considèrent pour moitié que travailler dans le quartier est une bonne chose. Et d'ailleurs, ils pensent aussi que le pôle a été une bonne chose pour le quartier.

Comme nous le constatons avec le graphique ci-contre, qui représente le ressenti des salariés sur l'impact du pôle sur le quartier, c'est 67,9% d'entre eux qui pensent que cela a eu un impact positif.

Graphique 24 : ressenti des salariés quant à l'impact du pôle sur la Belle-de-Mai

De plus, seulement 1,6% d'entre eux pensent que cela a eu un impact négatif. Nous avons également demandé aux salariés ayant un avis neutre ou positif sur quel plan le pôle avait eu un impact. Nous avons ainsi obtenu les réponses suivantes :

Graphique 25 : types d'impacts du Pôle Belle-de-Mai sur le quartier énoncé par les salariés

Pour 76,8% d'entre eux, le pôle a eu un impact culturel sur le quartier. C'est sans doute la réponse la plus convenable et la plus plausible. Le Pôle Belle-de-Mai étant un lieu qui réunit industries culturelles et industries créatives, il a forcement permis au quartier d'élargir son offre dans ce secteur. Pour les trois autres raisons, il semblerait que ce soit plus difficile à comprendre. On a environ 44% des salariés qui considèrent que cela a eu un impact social et urbain et 35% qui pensent que cela a eu un impact économique. Il semblerait donc que les entreprises et les salariés n'ont pas la même vision des choses. D'un coté on a les entreprises, qui pensent que le pôle n'a pas profité au quartier, que la précarité y persiste voir qu'elle y a été renforcée, que le pôle n'a pas permis de redynamiser l'économie et que la vie sociale est toujours aussi difficile. Et de l'autre, on a les salariés, qui pensent que le pôle a permis de créer une certaine richesse au sein du quartier par la ressource culturelle.

Finalement, si l'on croise tous ces éléments, que se soit la consommation, le logement, les considérations des salariés en matière d'équipements, d'impact du pôle, les avis sont plutôt mitigés. On a d'un coté ceux qui consomment parce qu'ils sont a proximité du quartier ou parce qu'il considèrent qu'il est attractif et de l'autre ceux qui ne consomment pas par préférence ou parce que l'offre n'est pas assez attractive. On a aussi ceux qui pensent que travailler à la Belle-de-Mai est valorisant et ceux qui pensent le contraire. Ceux qui considèrent que le quartier de la Belle-de-Mai ne dispose pas d'assez d'équipements et donc n'est pas assez attractif et ceux qui considèrent que l'offre y est plutôt intéressante. Enfin, il y a ceux qui pensent que le pôle a eu un bon impact sur le quartier et d'autres qui sont plus réservés. Tout semble donc être une question d'encastrement personnel : chacun pratique le quartier d'une manière différente et c'est aussi ça qui fait l'ancrage territorial. Si les individus étaient trop encastrés, alors cela impacterait sans doute le développement de leur entreprise. Et au contraire, s'ils ne sont pas assez encastrés, alors la distinction entre l'entreprise et le quartier serait récurrente et le développement de lien serait impossible. Nous nous sommes donc demandé quelles pourraient être les perspectives pour la Belle-de-Mai et en quoi le quartier pourrait, aujourd'hui, se développer.

3. Perspectives de développement de la Belle-de-Mai

a) Quel est l'avenir des liens entre quartier et pôle ?

On se demande tout le temps pourquoi il n'y a pas de liens entre le quartier et les pôles, ou du moins s'il y en a. Mais finalement, pourquoi devrait-il y en avoir ? Yann LORTEAU par exemple, se fait la réflexion suivante : « Publiquement personne ne va critiquer la Criée parce qu'ils ne travaillent pas avec le quartier. ». On a donc tendance à très vite dire des choses sur le rapport entre la Friche et le quartier.

Un projet de développement par la culture doit, de façon certaine, profiter à son territoire. Mais dans le cas de la Belle-de-Mai, nous ne sommes pas dans un projet de développement local où il a été question d'intégrer le quartier. La question ne s'est posée qu'après la réhabilitation et les collectivités locales ne s'intéressent pas vraiment aux liens entre pôle et quartier, ce qui les rend d'autant plus difficiles. Ce serait finalement aux entreprises de les mettre en place et de les gérer. C'est d'ailleurs la définition même de l'ancrage territorial : les entreprises doivent s'intéresser à leur territoire et tenter de développer une collaboration avec les acteurs locaux pour que chacun s'enrichisse de l'autre. De plus, le fait qu'il n'y ait pas d'encastrement des entreprises n'a pas empêché celles-ci, et par extension les pôles, de se développer. Finalement, pourquoi les pôles ou les collectivités devraient se soucier de créer de l'ancrage si cela n'empêche pas aux entreprises de s'installer et de se développer ?

On a peut-être tendance à trop souvent rejeter la faute sur les entreprises. Il faut aussi prendre en considération les moyens donnés à l'action pour mesurer l'impact de cette action sur le territoire. On considère trop souvent la Friche par exemple comme un lieu dédié au quartier. Mais non, c'est un lieu dédié au public de Marseille et de l'extérieur. Finalement, le plus important serait peut-être de créer de l'envie pour que les gens du quartier viennent au pôle et s'intéressent à ce qu'il s'y passe.

b) Le pôle peut-il être considéré comme cluster créatif ?

Après nos nombreuses analyses de l'encastrement des individus et de l'encastrement de entreprises, on peut se demander si le pôle peut ou non se définir en tant que cluster créatif. Par définition, un cluster créatif se développe sur un territoire créatif. Pour rappel, un territoire créatif n'est pas seulement une concentration de créatifs, mais c'est surtout un ensemble de créatifs réunis dans des lieux où ils se sentent bien et où les conditions d'innovation sont bonnes. À la Belle-de-Mai, bien que la moitié des salariés disent se sentir biens au pôle et aiment y travailler, cela ne représente pas la majorité d'entre eux. Toujours selon la définition que nous avons donnée en première partie, les pouvoirs publics ne peuvent pas fabriquer les « créatifs », mais ils peuvent par contre faire en sorte qu'ils viennent s'installer sur leur territoire. Il faut donc qu'ils fassent en sorte que le territoire offre des conditions favorables et que la qualité de vie attire ces talents. Mais à la Belle-de-Mai, rien n'a été fait pour permettre aux salariés se sentir bien depuis le début de la réhabilitation. Même si le quartier a connu quelques rénovations, cela ne lui a pas permis de se redynamiser et la précarité y est toujours très importante. De plus, le territoire créatif a bien évidemment des inégalités de niveau de vie mais celles-ci ne sont pas fortes par définition. La cohésion sociale y est bonne, ainsi que la sécurité des biens et des personnes. Il propose des moyens d'éducation et de recherche, favorise la diversité des équipements, des hommes et de l'environnement. Il favorise la créativité et l'innovation. Si un territoire répond à toutes ces exigences, alors il est créatif, permet l'innovation et donne les moyens au cluster de se développer. Mais à la Belle-de-Mai, la réalité est tout autre. Les inégalités sociales entre salariés et habitants sont très fortes, aucun programme de recherche ou d'éducation n'est mis à disposition des créatifs, et surtout, il n'y a aucune initiative pour la diversité des offres. Finalement, ces différents constats confortent notre analyse en seconde partie selon laquelle le pôle n'est pas un cluster. Ces différents points ajoutés au fait qu'il n'y ait pas de liens entre les acteurs confirment donc que le pôle ne fonctionne pas en synergie et qu'il n'y a pas de cohésion avec le territoire. On apprend aussi que dans le cas présent, le territoire où se développent les industries créatives n'est pas un territoire créatif, ce qui va donc à l'encontre de la théorie selon laquelle un cluster ne se développe qu'au sein d'un espace qui favorise l'innovation et la créativité. Finalement, le fait qu'il n'y ait pas de liens entre les entreprises est-il dû à leur politique de développement ou au fait que le quartier ne soit pas un territoire créatif ?

c) Les casernes du Muy : un projet collaboratif et participatif

En dernier lieu de se chapitre, nous avons choisi de nous intéresser au devenir du quartier et plus particulièrement aux possibilités de développement qui s'offrent à lui. Outre le fait que le Pôle Belle-de-Mai doit développer des projets pour prendre en compte le quartier, de nouveaux projets mis en place par les collectivités montre bien une prise de consciente et un intérêt pour son renouveau. L'exemple des caserne du Muy est bien sûr le plus important, puisque sur ce territoire va naître le projet Pôle Média 2.

La concertation a été un des points forts de ce projet. On peut y voir une nouvelle forme de considération de la population. En effet, pour la première fois, la concertation avec les habitants s'est déroulée avant le projet, afin de connaître leurs attentes et leurs idées. La prise en compte de la jeunesse, l'activité économique, l'emploi, la culture sont des pistes de développement proposées par les habitants pour que « la greffe prenne ». Tous ont en tête le cas de la Friche, merveilleux outil culturel qui « n'a hélas pas réussi à attirer les gens du quartier »118(*).

Il faut comprendre l'importance de l'atelier « quartiers libres » à la Belle-de-Mai où des médiateurs ont été embauchés pour mettre en place des séances de réflexions avec les gens du quartier pour faire un projet selon leurs attentes. La Belle-de-Mai a l'avantage d'être un quartier central, de se trouver à proximité même de la gare Saint-Charles. Mais cela n'empêche pas à ce quartier d'être fortement enclavé119(*). La Friche, le Pôle Patrimoine et le Pôle Média étaient censés désenclaver ce quartier -tout du moins participer à son renouveau- mais aujourd'hui on constate que ça n'a en rien favorisé la diminution de la pauvreté et de l'insécurité dans le quartier. Aujourd'hui, la municipalité cherche d'autres solutions pour diminuer les clivages qui persistent sur le territoire. « Quartiers libres » constitue donc la consultation des citoyens pour le projet d'aménagement du quartier Saint-Charles-Belle-de-Mai qui représente 140 hectares. Cette concertation qui fait couler beaucoup d'encre dans la presse locale concerne également le devenir des casernes du Muy. Ces casernes représentent environ 7 hectares et elles aussi participent à l'enclavement du quartier par rapport au reste de Marseille. Cet enclos renfermé était occupé jusqu'en 2015 et appartient aujourd'hui à la ville de Marseille. Et depuis, la ville veut en faire un projet de développement pour le quartier.

« Il faut raccorder la Belle-de-Mai au centre ville, construire un pôle d'attractivité économique à l'échelle métropolitaine »120(*) insiste Laure-Agnès CARADEC, adjointe à l'urbanisme. Ce à quoi répond Robert ASSANTE, « on est collectivement responsable, ça fait cinquante ans qu'on loupe le 3ème arrondissement ». Les gens trouvent que leur quartier s'est appauvri, que l'habitat s'est dégradé et que la population reste repliée sur elle-même. » C'est le premier constat que rédigent les gens du quartier lors de la première réunion à la Friche la Belle-de-Mai. Un autre constat qui se présente très vite à l'appel c'est l'apport du Pôle de la Belle-de-Mai sur le quartier. L'un des habitants pense plus particulièrement qu'il faudrait « construire un pôle d'attractivité économique, mais, attention, la Friche et le Pôle Média déjà implantés fonctionnent en vastes clos et ne génèrent pas d'activité pour les habitants »121(*). Actuellement, en juin 2015, la concertation est entrée dans une seconde phase. On sait par contre qu'un projet de Pôle Média 2 verra le jour sur site.

On voit donc, à travers ce projet de concertation importante, que la ville a aujourd'hui enfin considéré le cas du quartier de la Belle-de-Mai. Par son initiative de concertation, elle rapproche les gens du quartier avec les entrepreneurs. Et par le projet Pôle Média 2, elle réutilise un système économique qui fonctionne déjà sur le même territoire pour de nouveau réhabiliter le quartier et développer l'offre de la ville. La question qui se pose aujourd'hui est est-ce que ce nouveau pôle va profiter au quartier ? Est-ce que, comme les autres îlots, il tournera le dos au quartier ? Mais surtout, est-ce que la ville va donner des directives pour que les entreprises intègrent le quartier dans le projet et ainsi les inciter à s'ancrer sur le territoire ?

Pour conclure sur cette partie, il faut tout d'abord rappeler que la proximité entre le lieu de travail et le territoire est essentielle dans l'encastrement des individus et de leur entreprise. Elle se créé de deux manières différentes : géographique et organisationnelle. La proximité organisée s'est avérée très faible sur le territoire de la Belle-de-Mai : les entreprises n'ont pas d'interactions avec les acteurs locaux et n'ont pas pour projet d'aider le territoire à se développer. Finalement, les entreprises qui sont au Pôle Belle-de-Mai constituent un monde à part, où créativité et création de richesses sont les seules finalités. Par contre, la proximité géographique est bien entendu assurée. Cette proximité, bien que le Pôle Belle-de-Mai reste un élément qui tourne le dos au quartier, a permis de donner au pôle une certaine territorialité. Malheureusement, cette proximité géographique qui, ajoutée à la proximité organisationnelle, doit former un système organisé où firmes et territoire se développent de manière concordante et réciproque, ne semble pas être avéré sur le territoire de la Belle-de-Mai.

CONCLUSION

En conclusion générale de ce mémoire, nous pouvons tout d'abord rappeler notre problématique de départ qui était la suivante :

Nous nous étions alors interrogés sur les rapports que pouvaient avoir les industries créatives et leurs liens avec le territoire. Nous nous étions également demandé si, par le biais d'interactions au sein d'un pôle, celui-ci pouvait devenir un cluster.

Dans le cas des friches culturelles, il s'agit d'un rassemblement sur un même lieu abandonné d'artistes et associations qui souhaitent créer et offrir une nouvelle forme de culture. Lorsque, au sein d'une friche culturelle, les intermittents travaillent ensemble sur un même projet de développement, ceux-ci développent une certaine proximité organisationnelle. L'étude de cette proximité ajoutée aux proximités géographique, institutionnelle, cognitive et sociale nous a permis de mieux comprendre le principe du cluster créatif. En effet, au sein d'un cluster, les entreprises sont obligatoirement proches géographiquement mais le sont également de façon organisée. Cette proximité organisée se met d'ailleurs bien souvent en place par une institutionnalisation du projet entre firmes. Un cluster joue donc sur de nombreuses proximités qui en font un Système Productif Local durable.

Nous nous sommes alors demandé si la friche culturelle pouvait être un cluster. Nous avons alors supposé qu'il était tout à fait possible qu'il y ait des interactions en son lieu mais le fait qu'elle soit constituée d'associations n'en fait pas un SPL. Par contre, nous avons émis l'hypothèse qu'un ensemble de pôles rassemblant des industries culturelles et créatives pourraient être un cluster. Nous avons ainsi comparé ce schéma au Pôle de la Belle-de-Mai. Après analyse, nous avons vu que les entreprises avaient une certaine proximité organisationnelle au sein de chaque pôle. Nous avons ensuite constaté que ces entreprises ne partageaient pas forcement de liens avec celles des autres pôles. Il ne semble pas non plus exister de proximité institutionnelle donnant des directives aux trois îlots quant à de possibles interactions. De plus, la plupart des établissements ne sont pas des industries créatives. Nous avons supposé que cela était dû à l'attribution des secteurs d'activités et des codes NAF mais aussi que ces données pouvaient tout à fait être correctes. Dans ce cas, la différence entre discours politique, projets institutionnels et réalité est tout à fait conséquente. Ainsi, nous pouvons en conclure que le Pôle Belle-de-Mai ne peut être un cluster puisque, hormis une proximité géographique entre entreprises, rien ne montre une synergie entre les pôles.

Concernant notre problématique sur l'ancrage territorial des entreprises, nous avons réparti notre travail selon deux axes d'analyse. D'un coté, nous avons rapporté les dires des acteurs locaux pour cerner le rapport qu'entretiennent les industries avec le quartier. Nous avons ensuite questionné les salariés pour analyser leur encastrement. Nous avons ainsi conclu à de grandes divergences selon les pôles :

La Friche, bien que tournant le dos à son quartier d'un point de vue physique, tente de plus en plus de faire de l'intégration de la population un de ces objectifs d'avenir ;

Le Pôle Média n'a pas de directives sociales ou sociétales et ne s'intéresse pas vraiment au quartier ;

Le Pôle Patrimoine, en dehors d'évènements ponctuels de type journées du patrimoine où la population est invitée à se rendre sur le site, a pour seul objectif la conservation et la restauration du patrimoine.

La Friche semble donc être la plus ancrée sur le territoire par ces projets d'intégration et ce malgré la réticence de la population à son égard.

De plus, la réhabilitation de l'ancienne manufacture n'a pas vraiment eu d'impact positif sur le quartier. En effet, l'insécurité et les inégalités sociales perdurent depuis la fermeture de la manufacture des tabacs. Pourtant, le Pôle semble se développer sans aucun problème. Finalement, lorsque dans la théorie le territoire doit être attractif et innovant pour attirer les industries créatives et pour leur permettre de se développer, dans la réalité, territoires et industries créatives se développent de manières totalement disjointes.

Concernant l'encastrement des individus, là aussi des inégalités apparaissent. Mais, globalement, les salariés consomment dans le 3ème arrondissement. Certains le font parce qu'ils y vivent, d'autres par choix et beaucoup le font parce qu'ils y travaillent. Pourtant, la plupart des salariés sont insatisfaits des équipements dont le 3ème arrondissement dispose. Le lieu de travail et la proximité avec le quartier semblent donc jouer un rôle dans l'encastrement des individus et surtout dans leur consommation. En règle générale, les salariés sont également satisfaits de travailler à la Belle-de-Mai professionnellement parlant. D'un point de vue personnel, le fait que le quartier est insécurisé et insalubre ressort assez souvent.

En fin de compte, même si les salariés ne s'intéressent pas toujours au quartier et à ces nombreux problèmes, ils leurs arrivent de s'y rendre et participent ainsi à l'économie locale.

Pour finir, nous pouvons dire que les vrais problèmes à la Belle-de-Mai sont souvent cachés derrière un discours politique qui met seulement en avant la réussite économique des pôles. On rejette trop souvent la faute sur le pôle et plus particulièrement sur la Friche quant à son renfermement vis à vis du quartier. Mais le projet de départ était de développer de la culture pour Marseille, et non pas de redynamiser le quartier. Le but de l'ensemble était de donner à la ville un pôle créatif la rendant plus attractive et lui permettant d'être concurrente dans l'économie mondiale. L'institutionnalisation du projet et le discours des politiques sont donc très importants dans la perception de ce pôle et des entreprises qui y sont implantées.

Notre mémoire et notre analyse des interactions et ancrage territorial de la Belle-de-Mai nous ont amenés à nous questionner sur le rôle du marketing territorial dans le développement d'un écosystème où les entreprises fonctionneraient de manière synergique entre elles et avec leur territoire. Nous pourrions également nous demander l'influence qu'ont eu les pôles les uns par rapport aux autres. Par exemple, est-ce que le fait que le développement des industries créatives se fasse sur un territoire où une friche culturelle existait déjà leurs a permis de se développer plus rapidement ? Finalement, est-ce que la présence d'une friche culturelle peut influencer le développement d'un cluster créatif dont la proximité géographique est notable.

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE 3

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE: CADRAGE THEORIQUE ET CONCEPTUEL 7

CHAPITRE 1 : LE PHÉNOMÈNE DE « FRICHE CULTURELLE » 11

1. Comment la Friche culturelle est-elle rendue possible ? 11

a) Une difficile définition de ce qu'est une Friche 11

b) Le temps de veille : lorsque la culture intervient dans la question de la résilience territoriale 15

c) Le rapport de la Friche à son environnement : les limites de son rayonnement 18

2. De la culture au projet urbain 20

a) Institutionnalisation du projet : le pouvoir des politiques publiques dans la visibilité de la Friche culturelle. 20

b) Le marketing urbain : pour la compétitivité ? Ou vers un renforcement de l'inégalité sociale ? 22

3. Quelques exemples européens de résilience par la culture 24

a) Exemples allemands : Wolfsburg et Cottbus 25

b) Exemples anglais : Birmingham 26

c) Exemple français : Reims et Marseille 27

CHAPITRE 2 : LE CLUSTER CRÉATIF 29

1. De l'industrie culturelle à l'industrie créative 29

a) La créativité : émergence d'un concept économique du XXIème siècle 29

b) De l'industrie culturelle... 30

c) ...à l'industrie créative 31

2. Le cluster fondé sur des industries innovantes et compétitives 34

a) FLORIDA et la classe créative 34

b) PORTER pour l'innovation et la compétitivité 36

c) Le modèle de la Silicon Valley 38

3. Importance de l'institutionnel et de la coordination d'acteurs 39

a) Le cluster en tant qu'enjeu politique 39

b) Le principe de proximité : point clé de la réussite du cluster 41

c) Les limites du cluster et du secteur créatif 43

CHAPITRE 3 : ANALYSE DYNAMIQUE DES PROXIMITÉS 45

1. L'école de la proximité 45

a) Les différentes approches de la proximité 45

b) Théorie de la structuration : comment l'étude des interactions permet de comprendre l'importance de la proximité ? 46

2. Proximité cognitive, géographique et organisée : conceptions, limites, alternatives 47

a) La proximité cognitive : pour le partage de connaissances et de compétences 48

b) La proximité géographique : lorsque l'espace influx sur les interactions 51

c) De la proximité organisationnelle à la proximité organisée 56

3. À la croisée des proximités géographique et organisée 60

a) L'importance de l'institutionnalisation dans la création d'une coordination d'acteur 61

b) Comment les aspects négatifs de la proximité géographique favorisent la proximité organisée 64

c) Articulation et combinaison des proximités 65

METHODOLOGIE 70

DEUXIEME PARTIE: LES INTERACTIONS AU PÔLE DE LA BELLE-DE-MAI 73

CHAPITRE 1 : INDUSTRIES CRÉATIVES À LA BELLE-DE-MAI : INFLUENCE DE L'INSTITUTIONNALISATION 77

1. Politiques de développement des industries créatives en Provence-Alpes-Côte-D'azur 77

a) La créativité au coeur de la politique territoriale 77

b) Quel est le poids de l'économie créative dans la région ? 80

2. La place des collectivités dans l'aménagement du Pôle de la Belle-de-Mai et dans sa légitimité 85

a) Développement de la créativité à la Belle-de-Mai : un projet en trois « îlots » où la ville joue un rôle majeur 85

b) L `utilisation du terme de « pôle » renvoie-t-il au concept de « cluster » ? 92

c) Le Pôle Belle-de-Mai comme une réussite de la ville 94

3. Études institutionnelles et discours de la presse 97

a) Le rapport LEXTRAIT : vers la reconnaissance des territoires culturels ? 98

b) Le discours de la presse plutôt tourné vers l'impact sur le quartier et vers l'institutionnalisation du projet que sur les interactions entre les îlots 101

CHAPITRE 2 : ANALYSE DES DISCOURS DES ACTEURS 105

1. Une « synergie » au sein des pôles ? 105

a) Interactions au Pôle Patrimoine 105

b) Interactions au Pôle Média 107

c) Interactions à la Friche 109

2. Quelles interactions pour quel type d'écosystème ? 110

a) Un souhait de créer une collaboration entre pôles est bien présent 110

b) Des partenariats peu représentatifs entre les 3 îlots 112

3. Pourquoi l'écosystème ne se développe pas en synergie ? 114

a) Une distinction récurrente entre les pôles 115

b) Des financements et des partenariats différents 116

c) Attractivité et partenariat plutôt tourné vers l'international 117

CHAPITRE 3 : QUELLES SONT LES RÉELLES INTERACTIONS À LA BELLE-DE-MAI ? 119

1. Différente structure pour différents projets 119

a) Des acteurs trop hétérogènes ? 119

b) Une définition des code NAF un peu vague qui peut induire en erreur 121

2. Des pratiques porteuses de liens ? 124

a) Globalement les pôles sont plutôt pratiquée mais surtout pour la restauration 125

b) Partenariats contractuels entre certaines structures des 3 îlots 128

c) Des partenariats en dehors de la Belle-de-Mai plus représentés ? 132

3. Que manque t'il au Pôle Belle-de-Mai pour être en synergie et fonctionner comme un écosystème de type cluster ? 135

a) Importance du turn-over dans la création d'interactions 135

b) Quelques idées de directive pour la création d'interactions 137

TROISIÈME PARTIE: ANCRAGE TERRITORIAL 141

CHAPITRE 1 : RÉHABILITER LA FRICHE POUR RÉGÉNÉRER LE QUARTIER ? 143

1. Définition et analyse de l'ancrage territorial 143

a) L'ancrage territorial comme l'investissement des entreprises sur leur territoire d'implantation 143

b) Un rapport entre proximité organisationnelle et proximité géographique 145

c) Comment le calculer ? 146

2. La Belle-de-Mai : un quartier où pauvreté et insécurité dominent 148

a) Le quartier « le plus pauvre d'Europe » 149

b) Une conscience des problèmes universelle sur le territoire 151

3. Quel est l'intérêt de la culture au sein des projets à la Belle-de-Mai 153

a) La culture comme clé de développement ? 153

b) Projets proposés pour répondre aux enjeux : les ambitions 154

c) Quelles ont été les conséquences de la réhabilitation ? 156

CHAPITRE 2 : RAPPORT DES ENTREPRISES AU TERRITOIRE : CONSÉQUENCE DE LEURS IMPLANTATIONS À LA BELLE-DE-MAI 159

1. Des projets qui prennent de plus en plus en compte la population 159

a) Un projet Friche qui tente de s'ouvrir sur le quartier 159

b) Des activités au Pôle Patrimoine qui ne facilitent pas le lien avec les habitants du quartier 164

c) Un Pôle Média très renfermé sur lui-même 166

2. Des projets qui s'intéressent très peu au développement économique du quartier 167

a) Quelques projets pour le développement économique du quartier 167

b) Globalement, les initiatives sont faibles et la greffe ne prend pas 169

3. Finalement, est-ce que ces projets ont vraiment profité au quartier ? 171

a) Comment est perçu le rapport entre Pôle Belle-de-Mai et quartier par les politiques et les acteurs locaux ? 172

b) Le développement de ces projets culturels a-t-il profité au quartier sur le plan social ? 173

c) Le développement de ces projets culturels a-t-il profité au quartier sur le plan économique ? 175

CHAPITRE 3 : ENCASTREMENT INDIVIDUEL DES SALARIÉS AU SEIN QUARTIER 179

1. Les consommations des salariés dans le troisième arrondissement 179

a) Comment se mesure la consommation des salariés dans le troisième arrondissement ? 179

b) Les types de consommations de biens ou de services des salariés dans le troisième arrondissement 182

c) Pourquoi les individus consomment - ou ne consomment pas - dans le troisième arrondissement ? 184

2. Rapport au territoire et impressions liées à son attractivité 188

a) Importance de la mobilité dans le rapport de l'individu au territoire 188

b) Un territoire pas assez attractif 192

c) Un pôle qui profiterait au quartier selon les salariés 193

3. Perspectives de développement de la Belle-de-Mai 196

a) Quel est l'avenir des liens entre quartier et pôle ? 196

b) Le pôle peut-il être considéré comme cluster créatif ? 197

c) Les casernes du Muy : un projet collaboratif et participatif 198

CONCLUSION 202

TABLE DES MATIERES 205

TABLE DES ILLUSTRATIONS 210

BIBLIOGRAPHIE 215

SITOGRAPHIE 224

ANNEXES 225

TABLE DES ILLUSTRATIONS

GRAPHIQUES :

GRAPHIQUE 1 : CERCLE CONCENTRIQUE REPRÉSENTANT LES INDUSTRIES CRÉATIVES PAR RAPPORT À L'ENSEMBLE DE L'ÉCONOMIE 32

GRAPHIQUE 2 : ARTICULATION DES PROXIMITÉS GÉOGRAPHIQUE ET ORGANISÉE. SOURCE : ANDRÉ TORRE, 2010 43

GRAPHIQUE 3 : RÉPARTITION DES ÉTABLISSEMENTS DU PÔLE MÉDIA ET DE LA FRICHE LA BELLE-DE-MAI SELON LE TYPE (SOURCE : SIREN) 120

GRAPHIQUE 4 : PART DES INDUSTRIES CRÉATIVES DANS L'ENSEMBLE DES ÉTABLISSEMENTS DU PÔLE BELLE-DE-MAI 124

GRAPHIQUE 5 : TYPE DE PRATIQUES DES SALARIÉS DU PÔLE MÉDIA À LA FRICHE 126

GRAPHIQUE 6 : TYPE DE PRATIQUES DES SALARIÉS DU PÔLE PATRIMOINE À LA FRICHE 126

GRAPHIQUE 7 : TYPES DE PRATIQUES DES SALARIÉS DE LA FRICHE AU PÔLE MÉDIA 127

GRAPHIQUE 8 : TYPES DE PRATIQUES DES SALARIÉS DE PÔLE PATRIMOINE AU PÔLE MÉDIA 128

GRAPHIQUE 9 : TYPES DE PARTENARIATS DES SALARIÉS DE LA FRICHE AVEC DES ENTREPRISES DU PÔLE MÉDIA 129

GRAPHIQUE 10 : TYPES DE PARTENARIATS DES SALARIÉS DU PÔLE MÉDIA AVEC DES ENTREPRISES ET ASSOCIATIONS DE LA FRICHE 129

GRAPHIQUE 11 : TYPE DE PARTENARIATS ENTRE LES SALARIÉS DU PÔLE PATRIMOINE ET LES ENTREPRISES OU ASSOCIATIONS DE LA FRICHE ET DU PÔLE MÉDIA 131

GRAPHIQUE 12 : RÉPARTITION DES PARTENARIATS DES SALARIÉS DE LA FRICHE SELON L'ÉCHELLE 133

GRAPHIQUE 13 : RÉPARTITION DES PARTENARIATS DES SALARIÉS DU PÔLE MÉDIA SELON L'ÉCHELLE 133

GRAPHIQUE 14 : RÉPARTITION DES PARTENARIATS DES SALARIÉS DU PÔLE PATRIMOINE SELON L'ÉCHELLE 133

GRAPHIQUE 15 : RÉPARTITION DES ÉTABLISSEMENTS DU PÔLE BELLE-DE-MAI SELON LEUR DATE DE CRÉATION 136

GRAPHIQUE 16 : TAUX DE CONSOMMATION DE BIENS OU DE SERVICES DANS LE TROISIÈME ARRONDISSEMENT PAR LES SALARIÉS DU PÔLE DE LA BELLE-DE-MAI ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 17 : RÉCURRENCE DES CONSOMMATIONS DE BIENS OU DE SERVICES DES SALARIÉS DANS LE TROISIÈME ARRONDISSEMENT ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 18 : TYPE D'ACHATS DE BIENS OU DE SERVICES DANS LE TROISIÈME ARRONDISSEMENT ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 19 : LES RAISONS POUR LESQUELLES LES SALARIÉS ONT RECOURS À DES ACHATS DE BIENS OU DE SERVICES DANS LE TROISIÈME ARRONDISSEMENT ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 20 : LES RAISONS POUR LESQUELLES LES SALARIÉS N'ONT PAS RECOURS À DES ACHATS DE BIENS OU DE SERVICES DANS LE QUARTIER ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 21: ENQUÊTE ACCESSIBILITÉ BELLE-DE-MAI (SOURCE : AGAM, SEPTEMBRE 2014) ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 22 : TAUX DE SALARIÉS QUI PENSENT QUE TRAVAILLER À LA BELLE-DE-MAI EST AGRÉABLE/DÉSAGRÉABLE ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 23 : TAUX DE SALARIÉS QUI PENSENT QUE TRAVAILLER À LA BELLE-DE-MAI EST VALORISANT D'UN POINT DE VUE PERSONNEL/PROFESSIONNEL. ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 24 : RESSENTI DES SALARIÉS QUANT À L'IMPACT DU PÔLE SUR LA BELLE-DE-MAI ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

GRAPHIQUE 25 : TYPES D'IMPACTS DU PÔLE BELLE-DE-MAI SUR LE QUARTIER ÉNONCÉ PAR LES SALARIÉS ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

CARTES:

CARTE 1 : LES INDUSTRIES CRÉATIVES DE LA SILICON VALLEY 38

CARTE 2 : NOMBRE D'EMPLOIS CRÉATIFS DE LA RÉGION PACA EN 2013 PAR COMMUNE (SELON LES CODES NAF) 81

CARTE 3 : ÉVOLUTION DU NOMBRE D'ÉTABLISSEMENTS CRÉATIFS EN RÉGION PACA ENTRE 2008 ET 2013 PAR COMMUNE (SELON CODE NAF) 84

CARTE 4 : NOMBRE D'ÉTABLISSEMENTS CRÉATIFS DANS LES ARRONDISSEMENTS DE LA VILLE DE MARSEILLE EN 2013 (SELON CODE NAF) 122

CARTE : RÉPARTITION DES SALARIÉS DU PÔLE BELLE-DE-MAI SELON LEUR COMMUNE DE RÉSIDENCE PRINCIPALE ERREUR ! SIGNET NON DÉFINI.

TABLEAUX:

TABLEAU 1. LE CROISEMENT DES DEUX PROXIMITÉS ET SES RÉSULTATS EN MATIÈRE D'INTERACTIONS 66

TABLEAU 2 : RÉPARTITION DES PARTICIPANTS AU QUESTIONNAIRE PAR ÎLOTS 71

TABLEAU 3 : ARTICLES DE PRESSES SUR LA BELLE-DE-MAI 102

TABLEAU 4 : PÉRIODE DEPUIS LAQUELLE LES SALARIÉS SONT DANS LEUR ENTREPRISE 137

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- http://quartierslibres.jenparle.net/bibliotheque/17/documents : site officiel des projets quartiers libres en France

ANNEXES

- Codes NAF détaillés 2008

- Questionnaire type pour les salariés

- Libellé de la nature juridique des entreprises du Pôle Belle-de-Mai

- Questionnaire type pour les acteurs du pôle

- Exemples d'entretiens

Codes NAF des industries créatives :

J Information et communication?58.2 Édition de logiciels

58.21 Édition de jeux électroniques

58.29 Édition d'autres logiciels?59 Production de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision ; enregistrement sonore et édition musicale

59.1 Activités cinématographiques, vidéo et de télévision?59.11 Production de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision 59.12 Post-production de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision 59.13 Distribution de films cinématographiques, de vidéo et de programmes de télévision 59.14 Projection de films cinématographiques

59.2 Enregistrement sonore et édition musicale?59.20 Enregistrement sonore et édition musicale

60 Programmation et diffusion?60.1 Édition et diffusion de programmes radio

60.10 Édition et diffusion de programmes radio 60.2 Programmation de télévision et télédiffusion

60.20 Programmation de télévision et télédiffusion 63 Services d'information

63.1 Traitement de données, hébergement et activités connexes ; portails Internet 63.12 Portails Internet

M Activités spécialisées, scientifiques et techniques?71 Activités d'architecture et d'ingénierie ; activités de contrôle et analyses techniques

71.1 Activités d'architecture et d'ingénierie 71.11 Activités d'architecture

71.12 Activités d'ingénierie 73 Publicité et études de marché

73.1 Publicité?73.11 Activités des agences de publicité

74 Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques 74.1 Activités spécialisées de design

74.10 Activités spécialisées de design 74.2 Activités photographiques

74.20 Activités photographiques?74.9 Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques n.c.a.

74.90 Autres activités spécialisées, scientifiques et techniques n.c.a.

R Arts, spectacles et activités récréatives?90 Activités créatives, artistiques et de spectacle

90.0 Activités créatives, artistiques et de spectacle 90.01 Arts du spectacle vivant

90.02 Activités de soutien au spectacle vivant 90.03 Création artistique?90.04 Gestion de salles de spectacles

91 Bibliothèques, archives, musées et autres activités culturelles?91.0 Bibliothèques, archives, musées et autres activités culturelles

91.01 Gestion des bibliothèques et des archives?91.02 Gestion des musées?91.03 Gestion des sites et monuments historiques et des attractions touristiques similaires 91.04 Gestion des jardins botaniques et zoologiques et des réserves naturelles

93 Activités sportives, récréatives et de loisirs 93.2 Activités récréatives et de loisirs

93.21 Activités des parcs d'attractions et parcs à thèmes 93.29 Autres activités récréatives et de loisirs

S Autres activités de services?94 Activités des organisations associatives

94.9 Activités des autres organisations associatives?94.99 Activités des organisations associatives n.c.a.

J Information et communication 58 Édition

58.2 Édition de logiciels?58.21 Édition de jeux électroniques 58.29 Édition d'autres logiciels

61 Télécommunications?61.1 Télécommunications filaires

61.10 Télécommunications filaires 61.2 Télécommunications sans fil

61.20 Télécommunications sans fil 61.3 Télécommunications par satellite

61.30 Télécommunications par satellite 61.9 Autres activités de télécommunication

61.90 Autres activités de télécommunication 63 Services d'information

63.1 Traitement de données, hébergement et activités connexes ; portails Internet 63.12 Portails Internet

Section C : INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE?18 IMPRIMERIE ET REPRODUCTION D'ENREGISTREMENTS

18.1 IMPRIMERIE ET SERVICES ANNEXES 18.12Z-A Imprimerie de labeur

18.12Z-B Sérigraphie de type imprimerie 18.13Z-A Travaux de préparation d'impression 18.13Z-B Graphisme-décoration?18.13Z-C Activités graphiques n.c.a.?18.14Z-Z Reliure et activités connexes

32 AUTRES INDUSTRIES MANUFACTURIÈRES?32.1 FABRICATION D'ARTICLES DE JOAILLERIE, BIJOUTERIE ET ARTICLES SIMILAIRES

32.12Z-Z Fabrication d'articles de joaillerie et de bijouterie

32.13Z-Z Fabrication d'articles de bijouterie fantaisie et articles similaires 32.2 FABRICATION D'INSTRUMENTS DE MUSIQUE

32.20Z-A Lutherie?32.20Z-B Facteur d'orgues?32.20Z-C Fabrication d'autres instruments de musique

Section J : INFORMATION ET COMMUNICATION 58 ÉDITION

58.1 ÉDITION DE LIVRES ET PÉRIODIQUES ET AUTRES ACTIVITÉS D'ÉDITION?58.19Z-P Edition d'imprimés fiduciaires, imprimés commerciaux, formulaires imprimés

Section M : ACTIVITÉS SPÉCIALISÉES, SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES?74 AUTRES ACTIVITÉS SPÉCIALISÉES, SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES

74.1 ACTIVITÉS SPÉCIALISÉES DE DESIGN?74.10Z-P Conception de modèles pour étalages et décoration

74.2 ACTIVITÉS PHOTOGRAPHIQUES?74.20Z-Q Studio de photographie?74.20Z-R Portrait, reportage?74.20Z-S Photographie industrielle et publicitaire?74.20Z-T Laboratoires techniques de développement et de tirage

Section R : ARTS, SPECTACLES ET ACTIVITÉS RÉCRÉATIVES?90 ACTIVITÉS CRÉATIVES, ARTISTIQUES ET DE SPECTACLE

90.0 ACTIVITÉS CRÉATIVES, ARTISTIQUES ET DE SPECTACLE 90.01Z-P Spectacles de marionnettes?90.03A-P Restauration d'objets d'art

Section C : INDUSTRIE MANUFACTURIÈRE?26 FABRICATION DE PRODUITS INFORMATIQUES, ÉLECTRONIQUES ET OPTIQUES

26.1 FABRICATION DE COMPOSANTS ET CARTES ÉLECTRONIQUES 26.11Z-A Fabrication de composants électroniques (hors capteurs solaires) 26.11Z-B Fabrication de capteurs solaires photovoltaïques?26.12Z-Z Fabrication de cartes électroniques assemblées

26.2 FABRICATION D'ORDINATEURS ET D'ÉQUIPEMENTS PÉRIPHÉRIQUES 26.20Z-Z Fabrication d'ordinateurs et d'autres équipements informatiques

26.3 FABRICATION D'ÉQUIPEMENTS DE COMMUNICATION 26.30Z-Z Fabrication d'équipements de communication

26.4 FABRICATION DE PRODUITS ÉLECTRONIQUES GRAND PUBLIC 26.40Z-Z Fabrication de produits électroniques grand public

26.5 FABRICATION D'INSTRUMENTS ET D'APPAREILS DE MESURE, D'ESSAI ET DE NAVIGATION ; HORLOGERIE 26.51A-Z Fabrication d'équipements d'aide à la navigation?26.51B-Z Fabrication d'instrumentation scientifique et technique?26.52Z-Z Horlogerie

26.6 FABRICATION D'ÉQUIPEMENTS D'IRRADIATION MÉDICALE, D'ÉQUIPEMENTS ÉLECTROMÉDICAUX ET ÉLECTROTHÉRAPEUTIQUES

26.60Z-Z Fabrication d'équipements d'irradiation médicale, d'équipements électromédicaux et électrothérapeutiques 26.7 FABRICATION DE MATÉRIELS OPTIQUE ET PHOTOGRAPHIQUE

26.70Z-A Fabrication de matériels photographiques et cinématographiques

26.70Z-B Fabrication d'instruments d'optique?26.8 FABRICATION DE SUPPORTS MAGNÉTIQUES ET OPTIQUES

26.80Z-Z Fabrication de supports magnétiques et optiques

Questionnaire type pour les salariés de la Friche :

I. Ancrage territorial

1. Habitez-vous à Marseille ?

OUI NON Ne Se Prononce Pas

2. Si oui, dans quel arrondissement ?

................

3. Si non, dans quelle commune ?

................

4. Comment vous rendez-vous sur votre lieu de travail ?

Transports individuels

Transports en communs, précisez

À pieds

5. Si vous venez en transports individuels, où vous garez-vous ?

Parking de la Friche

Autres parking du quartier

Dans le troisième

Autres, précisez ..........

6. Vous arrive t-il de faire des achats ou d'avoir recours à des services dans le 3ème arrondissement ?

OUI NON

7. Si oui, quelles en sont la nature ?

1. Sortie, loisir

2. Commerce de proximité

3. Supermarché

4. Ecole, crèche

5. Autres, précisez ............

8. Vous effectuez ces consommations de biens ou de services à hauteur de (pour chaque réponse précédente) :

1-2 fois par an

1-2 fois par mois

1-2 fois par semaine

Tous les jours

9. Pourquoi consommez-vous dans le 3ème arrondissement plutôt qu'ailleurs?

Proximité du travail

Proximité du logement

Prix

Offre

Autres, précisez ............

10. Si non, pourquoi ne consommez-vous pas dans le 3ème arrondissement ?

Prix

Offre

Proximité/préférence

Autres, précisez ............

II. Interactions pôle culture/Pôle Média

1. Connaissez vous quelqu'un qui travaille à la Friche la Belle-de-Mai (pôle culture) ?

OUI NON

2. Si oui, combien de personnes ?

1-2

2-5

5-10

Plus de 10

3. Travaillez-vous avec une personne/structure/entreprise du pôle culture ?

OUI NON

4. Si oui, avec qui ?

.............................................................................................................

5. Sous quelle forme se traduisent ces liens ?

Partenariats, préciser ................

Financement d'événements

Autres, préciser .....................

6. Aussi, travaillez-vous avec une personne/structure/entreprise du Pôle Média ?

OUI NON

7. Si oui, avec qui ?

..............................................................................

. ...........................................................................

8. Sous quelle forme se traduisent ces liens ?

Partenariats, préciser .............................

Financement d'événements

Autres, préciser ...........................

9. Avez vous des partenariats avec d'autres types de structures ?

OUI NON

10. Si oui, sur quels territoires se situent-elles ?

Marseille

PACA

France

Etranger, précisez .....................

11. Etes-vous déjà allé à la Friche la Belle-de-Mai ?

OUI NON

12. Si oui, à quelle fréquence ?

1-2 fois par ans

1-2 fois par mois

1-2 fois par semaine

Tous les jours

13. Pour quelles raisons vous rendez vous à la Friche la Belle-de-Mai ?

Exposition

Restauration

Librairie

Spectacle - concert

Crèche

Parking

Autres, précisez ........................

14. Au contraire, pour quelles raisons ne vous rendez-vous pas ou peu à la Friche ?

Prix (restauration, spectacle, concert)

Spectacle, concert, expo ne m'intéresse pas

Pas d'enfants

Autres, précisez ......................

15. Comment évaluez-vous l'impact de la Friche (dans son ensemble) sur le 3ème arrondissement ?

Positif

Négatif

Neutre

16. Pour vous, cet impact est :

Économique

Culturel

Social

Urbain

III. Personnalité

1. Sexe ?

Homme Femme

2. Age ?

18-25 ans 25-40 ans 40-60 ans + de 60 ans

3. Niveau de diplôme ?

Sans diplôme

Certificat d'étude primaire

BEPC, brevet des collèges

CAP ou BEP

BP ou Baccalauréat

Diplôme de l'enseignement supérieur court (BTS, licence, etc.)

Diplôme de l'enseignement supérieur long (master, doctorat, etc.)

4. Où avez-vous fait vos études ?

Marseille

PACA

France,

Étranger : précisez .............

5. Avez-vous des enfants ?

0 1 2 3 4 et plus

6. Au sein de quelle entreprise travaillez-vous ?

..................................

7. Nature de votre emploi ?

Artisans, commerçants et chef d'entreprise

Cadres et professions intellectuelles supérieures

Professions intermédiaires

Employés

Ouvriers

Autres, précisez ...................

8. Depuis combien de temps travaillez-vous dans cette entreprise ?

- de 1 ans 1-2 ans 2-4 ans 4 ans et +

Libellé de la nature juridique des entreprises du Pôle Belle-de-Mai

 

3

Activité des médecins généralistes

1

Activités combinées de soutien lié aux bâtiments

1

Activités d'architecture

1

Activités de clubs de sports

1

Activités de conditionnement

1

Activités de santé humaine non classées ailleurs

2

Activités de sécurité privée

1

Activités de soutien au spectacle vivant

1

Activités des agences de publicité

1

Activités des infirmiers et des sages-femmes

2

Activités des marchands de biens immobiliers

1

Activités des organisations professionnelles

1

Activités des sociétés holding

3

Activités des syndicats de salariés

1

Activités hospitalières

1

Arts du spectacle vivant

5

Autres activités de soutien aux entreprises n.c.a.

1

Autres activités liées au sport

2

Autres activités récréatives et de loisirs

1

Autres commerces de détail alimentaires en magasin spécialisé

1

Autres commerces de détail spécialisés divers

2

Autres commerces de détail sur éventaires et marchés

4

Autres enseignements

1

Autres intermédiaires du commerce en produits divers

1

Autres organisations fonctionnant par adhésion volontaire

10

Autres travaux de finition

2

Autres travaux spécialisés de construction

1

Boulangerie et boulangerie-pâtisserie

2

Coiffure

1

Comm. de gros d'éqpts et composants électroniques et de télécomm.

1

Comm. dét. fleurs, plantes, etc, animaux de cie et leurs aliments

1

Comm. détail de quincaillerie, peintures et verres (mag.< 400 m2)

1

Comm. détail pain pâtisserie & confiserie (magasin spécialisé)

2

Comm. détail viandes & produits à base de viande (magas. spéc.)

1

Commerce d'alimentation générale

3

Commerce de détail alimentaire sur éventaires et marchés

1

Commerce de détail d'habillement en magasin spécialisé

1

Commerce de détail de biens d'occasion en magasin

1

Commerce de gros (commerce interentreprises) non spécialisé

2

Commerce de gros d'autres biens domestiques

1

Commerce de gros de produits pharmaceutiques

1

Conseil pour les affaires et autres conseils de gestion

3

Construction de maisons individuelles

1

Création artistique relevant des arts plastiques

3

Débits de boissons

1

En attente de chiffrement sans activité

2

Enregistrement sonore et édition musicale

1

Enseignement de la conduite

1

Entretien corporel

1

Entretien et réparation de véhicules automobiles légers

1

Fabrication de matériel médico-chirurgical et dentaire

1

Formation continue d'adultes

1

Ingénierie, études techniques

1

Location de logements

7

Location de terrains et d'autres biens immobiliers

17

Location et location-bail d'articles de loisirs et de sport

1

Messagerie, fret express

1

Organisation de foires, salons professionnels et congrès

1

Production de films et de programmes pour la télévision

2

Production de films pour le cinéma

1

Recherche-développement : autres sciences physiques et naturelles

1

Réparation de machines et équipements mécaniques

1

Restauration de type rapide

3

Restauration traditionnelle

2

Soins de beauté

1

Télécommunications filaires

2

Traduction et interprétation

1

Transports routiers de fret de proximité

2

Transports routiers de fret interurbains

1

Questionnaire type posé aux acteurs du pôle Belle-de-Mai :

- en quoi consiste votre projet de développement ?

- est-ce que des collectivités vous aide de maniére subventionnelle ?

- connaissez-vous des entreprises des autres pôles ?

- avez-vous des liens avec ces entreprises ?

- avez vous des liens avec le quartier ?

- avez vous des projets pour le quartier ?

- que pensez-vous de l'impact de la réhabilitation sur le quartier ?

Exemples d'entretiens :

Entretien avec Celine SOULIERS - Directrice de l'incubateur du Pôle média - réalisé le 15 avril 2015 par Hélène SEVERIN

Catherine SOULIERS nous explique le principe du projet incubateur, on peut d'ailleurs y voir l'importance des directives de l'État et de la ville de Marseille dans le processus :

« Les projets incubateurs sont des projets initiés par l'Etat pour aider le milieu de la recherche innovante. Il existe 29 incubateurs au total en France. Celui de la Belle de Mai date de 1999. Notre but est d'accompagner des projets d'entreprise de la première idée jusqu'au premier client. Ces projets sont tous issus d'idées très créatives et sont dédiés au domaine du numérique. 30% de nos projets seulement se trouvent hors PACA, pour la plupart ce sont des entrepreneurs qui viennent de Marseille et d'Aix-en-Provence. Les entreprises restent entre 18 et 24 mois. Dans la majorité des cas, le projet aboutit (environ 80%) et 70% d'entre eux sont encore en activité au bout de 5 ans. Pour chaque entreprise créée c'est entre 4 et 5 emplois créés. En 15 ans ont a aidé 153 projets à aboutir.Une grande partie des entrepreneurs sont amenés par des agences prescripteurs comme les pépinière d'entreprise par exemple. On est également très présent sur internet (sur notre site, sur twitter, etc.). Enfin, on met en place des ateliers de sensibilisation à l'entreprise.

Notre accompagnement se passe autour de plusieurs axes : de l'individuel ; du collectif avec les déjeuners, les work shop par exemple ; et aussi la possibilité de fournir un espace d'accueil, notamment lorsque les entrepreneurs ne vivent pas forcement à Marseille et ont besoin de locaux pour leur rendez-vous et/ou réunions.

Concernant le financement des projets, on a une enveloppe dédiée à chacun d'eux sous forme de tiers-payant. C'est à dire que l'on gère surtout la prestation d'expertise mais que c'est aux chefs d'entreprise de gérer les relations avec les partenaires. Les projets sont financer à partir des aides du Ministère de l'enseignement et de la recherche innovante, des remboursements des anciens incubateurs, de la Région PACA, de la Ville de Marseille, du Conseil Général du Vaucluse et des Bouches du Rhône, des cotisations des membres. 75% de nos financements viennent du milieu public. »

INTERACTIONS :

A la question « existe-il des interactions avec la friche ? », Madame SOULIERS nous a répondu : « Nous concernant, nous avons des interactions avec la structure ZINC à la friche. Peut-être aussi quelques infographistes qui peuvent être des partenaires de certains de nos projets mais à ma connaissance il y a que très peu de relation avec la friche. Les entreprises ne sont pas forcement au courant de ce qu'il se passe à la friche ni même quel type de structure y travail. Le seul rapport qui existe vraiment reste au moment du repas ou les frichistes viennent mangé au pôle média et où nous allons manger à la friche. »

A votre connaissance existe-il des liens entre les entrepreneurs de l'incubateur et le quartier ?

A ma connaissance non. L'incubateur et le pôle média en général sont basés dans le quartier simplement et purement par rapport au politique de la ville. Dans notre cas c'est également dû au fait que la pépinière d'entreprise se trouve juste à coté.

Notre structure étant basée sur des projets novateurs, nous ne sommes pas accès sur un public défavorisé (alors que dans le quartier c'est le cas). Nous sommes en lien avec la recherche publique et donc les personnes qui développent leur projet ici sont de niveau cadre supérieur.

Nous n'entrons pas non plus dans des missions d'insertion comme ça peut être le cas à la friche. Aucune demande de l'État nous à été transmise sur un quelconque investissement pour le quartier. Nous restons quand même dans une mission sociale et économique mais pas pour le quartier. A savoir que le pôle média ne fait pas parti des zones franches urbaines qui sont des zones où les gens du quartier environnant doivent être pris en compte. Il faut également ajouter que le pôle média reste un passage pour nos entrepreneur et il n'ont pas forcement le temps de mettre en place des liens avec le quartier

Rencontre avec Marion LATUILLIERE - Directrice de la crèche à la friche la Belle de Mai - Entretien réalisé par Hélène SEVERIN le 15 avril 2015

Mme LATUILLIERE nous a également fournit en documentation les données clés de la crèche

Avez vous intégré les personnes qui travaillent sur le site de la friche et les personnes du quartier dans votre projet de crèche ?

Notre projet de base a été développé autour de la mixité sociale. Nous avons fixé le taux de réservataires à 1/3 pour les personnes qui habitent dans le 3ème, 1/3 pour celle qui travaillent dans le 3ème mais n'y vivent pas et 1/3 pour les personnes qui n'ont rien avoir avec le 3ème arrondissement. En 2014, 31% des réservataires vivaient hors du 3ème, 32% travaillaient dans le 3ème et 37% y vivaient. On comptait dans cette totalité 24% de personne qui travaillaient sur l'ensemble du site de la friche.

Nous avons 50 places par jour à la crèche. En 2014 nous avons accueillit 123 enfants.

Avez vous des liens avec le quartier ?

Nous réalisons beaucoup de sortie sur le site du quartier, notamment au parc avec les plus grands et au cinéma Gibtsy (qui appartient d'ailleurs à la friche). Nous aimerions également mettre en place des sorties marchées.

Nous avons été sollicité dés le début par la MDS du quartier et également celle du quartier des Chartreux dans le 4ème arrondissement pour mettre en place un principe d'accueil d'urgence (pour éviter notamment les placements d'enfants). Ce sont 6 place à mi-temps qui sont remplis quasiment tout le temps.

Est-ce que la région ou la ville de Marseille vous donne certaines directives ?

Nos financements proviennent principalement de la CAF et du Conseil Régional. Mais nous n'avons pas vraiment de directive. Ils nous demandent simplement de prendre en compte les familles monoparentales et en situation de handicape. Le texte qui rédige l'accueil de la crèche spécifie d'ailleurs un accueil pour tous. La ville ne finance pas de projet alors que la CAF et le Conseil Régional peuvent le faire.

Pour conclure sur cet entretien, je dirais qu'il n'existe pas vraiment de lien entre la friche et le pôle média car il y a trop de différence. La friche concentre des artistes et le pôle média se soucis plus de faire de l'argent avec ces entreprises.

Avez vous des partenariats avec la friche et/ou le pôle média ?

Nous n'avons pas de partenariats financiers avec la friche et le pôle média. Le seul partenariat que nous avons est celui avec les grandes tables puisque la personne qui s'occupe de nos repas est employée chez eux. Il nous arrive d'aller à la friche pour des expositions, que nous avons au préalable sélectionné avec les parents. Nous travaillons aussi avec les médiateurs du Cartel.

Rencontre avec Susana MONTEIRO - Chargée d'Action Culturelle de la friche la Belle de Mai - entretien réalisée par Hélène SEVERIN le 07 avril 2015

Quelles sont les interactions que vous menez avec le quartier de la Belle de Mai ?

Nous avons plusieurs projets de partenariat avec certaines structures sociales du quartier.

La maison pour tous de la Belle de Mai : ces liens se traduisent par des atelier de pratique pour les enfants le mercredi et pendant les vacances à la friche.

Maison Départementale de la Solidarité : nous avons monté un projet autour de la population de Roms, notamment pour les alphabétiser. Aussi, nous avons mis en place une maison d'accueil pour les enfants de personnes touchant le RSA. C'est une quarantaine d'enfants environ, non scolarisés, qui viennent surtout le mercredi pour s'alphabétiser.

Centres aérées : partenariat pour les enfants. Ce sont des projets surtout tourné vers le cinéma ; les enfants vont par exemple tourner un film aux vacances d'avril. Des gouters gratuit sont également donné le mercredi, pour les enfants.

Associations du quartier : partenariat pour l'alphabétisation des femmes par exemple. Les associations ont accès à la friche gratuitement pour donner des cours aux femmes en difficultés.

On a donc tout un volet sur l'action éducative : par exemple une convention de 3 ans avec le collège de la Belle de Mai est mis en place avec 6 projets par an. Ces projets se traduisent par la mise à disposition des jardins participatifs, de studios photos ou du théâtre pour les enfants.

Enfin, un nouveau projet d'investissement a été décidé. L'idée est de créer de nouveaux équipements sportifs et un espace d'atelier dédié à la pratique artistique. Les travaux vont débuter en juin, au sein de la friche. Ces nouveaux équipements sportifs seront notamment mis à disposition des écoles du quartier. L'espace atelier constituera une base pour les associations du quartier pour le développement de soutien scolaire, etc.

Ces interactions visent quel genre de population ?

Les projets visent plutôt une population jeune. Ma mission depuis que je suis à ce poste est de se rapprocher des jeunes et des familles sur d'autres temps que le week-end et les vacances.

Quels moyens sont utilisés pour mettre en place les différents projets ?

Ce sont pour la plupart des co-financements. Nous utilisons notre fond de co-production qui provient pour l'essentiel des financements publics.

Financez-vous des aménagements dans le quartier de type sociaux ?

Nous avons financé la réhabilitation du cinéma Gibsy rue Loubon. On y trouve notamment des séances organisées par la friche pour les enfants des associations de quartier. Par contre, nous ne finançons aucun aménagement de type logements sociaux, etc.

Quelle est la place des collectivités locales dans ces liens ?

Les collectivités locales ne s'intéressent pas vraiment à ces liens. Ce sont à nous de les mettre en place et de les gérer. Elle participe seulement à notre fond de co-production dont nous nous servons ensuite pour ces co-financements.

À votre connaissance, existe t-il des interactions entre le pôle média et la friche ?

Je ne suis en charge de l'action culturelle à la friche que depuis 1 an, je n'ai donc pas assez de recul. Néanmoins, à ma connaissance, il n'existe pas d'interaction directe entre les deux structures. Nous avons un site commun, qui regroupe à la fois les frichistes et les acteurs du pôle média mais je ne connais pas de projet commun. Les mélanges se font plus au moment des repas du midi où les frichistes se rendent au pôle média et vis versa. 

* 1 « Mission des Nouveaux territoires de l'art-Institut des Villes ». Ressource disponible en ligne : http://www.artfactories.net/-Mission-Nouveaux-Territoires-de-l-.html

* 2 Cette phase fera l'objet d'une analyse plus approfondis en 2. De la culture au projet urbain

* 3 Alexandre GRONDEAU, introduction au colloque « crise, résilience, culture», le 27 mars 2015 à la MMSH d'Aix-en-Provence

* 4 Projets que nous avons énuméré en 1.a dont font partie les waterfront aux Etats-Unis, Glasgow, Barcelone ou encore Bilbao

* 5 Entretien entre ANDRES L. et Fabrice LEXTRAIT, 2006

* 6 Le projet de ville représente l'ensemble des actes volontaires de transformation de la ville qui peuvent se représenter sous formes de projets urbains ; c'est une intention globale qui guide l'action. (ROSEMBERG-LASORNE, 1997)

* 7Boris GRÉSILLON, « La culture comme alternative au déclin : mythe ou réalité ? », Géocarrefour[En ligne], Vol. 86/2 | 2011, mis en ligne le 05 mars 2012, Consulté le 20 mars 2012. URL : http://geocarrefour.revues.org/8305

* 8Ibid, p7

* 9 Selon la définition de l'OCDE.

* 10 TREMBLAY Remy et TREMBLAY Diane-Gabrielle, 2010, La classe créative selon Richard FLORIDA, un paradigme urbain ?, Presses universitaures de Rennes, 222p.

* 11 FLORIDA Richard, 2002, The Rise of the Creative Class, New-York, BookHolders, p21

* 12ZIMMERMANN Jean-Benoît, 2008, « Le territoire dans l'analyse économique » in Proximité géographique et proximité organisée, Revue française de gestion, n° 184, p. 105-118.

* 13 Dont les suivants :

Department for Culture, Media and Sport, UK. CreativeBritain: New Talents for the New Economy, 2008. ;

DutchMinistry of EconomicAffairs et Ministry of Education, Culture and Science. Culture &Economy. Our Creativepotential, 2005. ;

European Commission. The economy of culture in Europe, 2006. ;

FederalMinistry of Economics and Technology and FederalGovernmentCommissioner for Culture and the Media. Culture and Creative Industries in Germany, Research Report, 2009. ;

KEA, study for European Commission. The impact of culture on creativity, 2009. Nordic Innovation Centre. Creativeeconomy green paper for the Nordicregion, 2007. ;

Santagata, Walter. White paper on creativity: Towards an Italian model of development, 2009. ;

World IntellectualPropertyOrganization, Ministry of Culture of the Republic of Bulgaria. Wipostudy of the economic contribution of the copyright-based industries in Bulgaria, 2007.

* 14http://fr.unesco.org/creative-cities/content/propos

* 15 VIVANT Elsa, 2009,Qu'est-ce que la ville créative ?, Presses universitaires de France, coll. « La ville en débat », 89 p., EAN : 9782130578833.

* 16 FLORIDA Richard, 2002, The Rise of the Creative Class, New-York, BookHolders, p21

* 17 Les connaissances tacites sont des connaissances personnelles de types informels, non codifiées, qui font appel à l'expérience et au savoir-faire de l'individu qui les possède.

* 18 Principe de coentreprise

* 19 Voir chapitre 3.2.b

* 20 Pour rappel, le code NAF (Nomenclature d'Activités Française) est un code que l'INSEE attribue à chacun des secteurs d'activités économiques (en ce qui concerne les industries créatives, une nomenclature détaillée est disponible en annexe).

* 21 Pour l'enquête de l'AGAM, c'est la chef de Projet Pôle Média Belle-de-Mai, Nathalie AVERSENQ, qui a transmis le questionnaire. Ils ont ainsi pu obtenir 730 réponses.

* 22Marseille 2002-2012, la culture au coeur du débat, schéma directeur culture

Dossier du schéma directeur culture, de la ville de Marseille

* 23 Marseille attractive, un projet pour une stratégie partenariale, ville de Marseille, Délégation Générale Ville Durable et Expansion, Direction de l'attractivité Économique », P.7

* 24Ibid, p.33

* 25 La définition des secteurs diffère selon les études. Nous avons choisi la nomenclature de l'UNESCO qui reste la plus reprise.

* 26Selon le rapport de la Chambre de Commerce et d'Industrie des Bouches-du-Rhône de 2012, p.8

* 27Ibid, p.35

* 28 http://www.marseille.fr/siteculture/les-lieux-culturels/la-Friche-de-la-belle-de-mai/le-pôle-patrimoine, site de la ville de Marseille consulté le 18 mai 2015

* 29 Information recueillie en aout 2003 par l'Observatoire des Territoire Numérique

* 30 Réalisé le 20 mai 2015

* 31 Bien que la ville de Marseille soit propriétaire des lieux depuis 1998, elle a confié, via un bail, la responsabilité foncière à la SCIC.

* 32 http://ancien.laFriche.org/, consulter le 13 mai 2015

* 33Ibid, audit de Marc Bollet, Président & Alain Arnaudet, Directeur / Système Friche Théâtre

* 34 Cette affirmation sera développée dans la troisième partie du mémoire dont la directive est l'ancrage territorial du Pôle Belle-de-Mai

* 35 https://www.univ-nantes.fr/82467798/0/fiche___pagelibre/&RH=VALO&RF=1327082384526, consulté le 21 juin 2015

* 36 https://urba.irisnet.be/fr/lesreglesdujeu/pdf/20110418%20RTBF%20VRT_%20annexe%202%20rapport%20Pôle%20m-aedia.pdf, consulté le 02 juillet 2015

* 37Ibid, p4/51

* 38 Se rapporter au I.3.Le cluster créatif

* 39 La Provence, 19 juin 2004, « La Belle-de-Mai a tout pour séduire Hollywood », Florent PROVANSAL

* 40 La provence, 24 septembre 2013, SiliconValley à la Belle-de-Mai ? Delphine TANGUY

* 41 BOURDIEU, 1998

* 42 LEXTRAIT Fabrice, 2001, p.70

* 43Ibid, p.71

* 44Ibid

* 45Ibid, p.73

* 46Ibid, p.75

* 47 Sous-entendu ici comme l'ensemble des trois pôles. Bien souvent, le terme Friche est utilisé pour décrire le Pôle de la Belle-de-Mai dans son ensemble puisqu'il fut le premier projet décidé sur l'ancienne manufacture des tabacs, une référence en matière de réhabilitation. Néanmoins, la partie « Friche » est aujourd'hui présente seulement sur l'îlot culture et spectacle vivant.

* 48 Il reste à titre indicatif. Nous n'avons pas pu répertorier tous les articles qui parlaient du Pôle Belle-de-Mai. Nous en avons malgré tout sélectionné une large part, ou du moins ceux qui nous ont parules plus pertinents.

* 49 La Provence, 25 avril 1994, « Friches : opération résurrection »

* 50 La Provence, 03 février 2002, « système Friche » mode d'emploi, Patrick MERLE

* 51 C'est le constat que nous réaliseront en partie 3 de ce mémoire

* 52 La Provence, 02 février 2002, « l'art en dehors des sentiers battus », Patrick MERLE

* 53La croix, 19 juin 2001, Les nouveaux jardins culturels, Geneviève WELCOMME,

* 54 Nouvelles Publications N°9278, 16 juillet 2004, « le Pôle MédiaBelle-de-Mai enfin inauguré »

* 55 La Provence, 22 novembre 2004, Florent PROVANSAL, « Ils veulent tous aller à la Belle-de-Mai »

* 56 La Provence, 28 septembre 2012, « Fleur PELLERIN : « cette ville a des atouts considérables. » », Guillaume AUBERTIN

* 57 Entretien avec Dominique SAMANNI, réalisé le 24 avril 2015

* 58http://www.mediaterranee.com/0122012-marseille-le-pôle-media-de-la-belle-de-mai-abrite-bien-des-talents.html#sthash.Ws83YjJv.dpuf, consulté le 10 mai 2015

* 59 Entretien avec Nathalie AVERSENQ, chef de projet Pôle Média, réalisé le 20 mai 2015

* 60 http://www.pôlemedia-laFriche.com/content/cest-vous-qui-le-dîtes-1, consulté le 25 juin 2015

* 61ancien.laFriche.org, consulter le 13 mai 2015,?Marc Bollet, Président & Alain Arnaudet, Directeur / Système Friche Théâtre 

* 62 Entretien avec Marion LATUILLIERE, directrice de la crèche, réalisé le 7 avril 2015

* 63ancien.laFriche.org, consulter le 13 mai 2015,?Marc BOLLET, Président & Alain ARNAUDET, Directeur / Système Friche Théâtre 

* 64Ibid

* 65 Rencontre avec Susana MONTEIRO - Chargée d'Action Culturelle de la Friche la Belle-de-Mai - entretien réalisée par Hélène SEVERIN le 07 avril 2015

* 66ancien.laFriche.org, consulter le 13 mai 2015,?Marc Bollet, Président & Alain Arnaudet, Directeur / Système Friche Théâtre 

* 67 Selon l'article premier de la loi association du 1er juillet 1901

* 68 En effet, après discussions avec Patrick TANGUY et Sylvain CRESPEL lors de notre stage à l'AGAM, nous avons jugé opportun de prendre en compte le Pôle Patrimoine à notre questionnaire.

* 69 Partie 3, chapitre 3

* 70 Selon la norme ISO 26000

* 71 CLAIR S. (2003)

* 72Ibid

* 73La Provence, dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013

* 74 La Provence, 16 mai 2002, Des idées neuves pour la Belle-de-Mai et National, C.P

* 75 Dans le sens physique du terme ; ne pas faire de rapprochement avec l'ancrage territorial qui est le sujet de notre étude.

* 76 Propos recueillis le 24 avril 2015

* 77La Provence, dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013

* 78 http://www.mairie-marseille2-3.com/nos-quartiers/belle-de-mai/, consulté le 20 juillet 2015

* 79Ibid

* 80 Direct matin Provence, 20 février 2014, Belle-de-Mai : et si on améliorait l'accès au pôle ?

* 81 C'est le constat que nous ferons dans la suite de cette partie, notamment par les entretiens réalisés auprès des acteurs du Pôle Belle-de-Mai

* 82 Le méridional, jeudi 27 avril 1989 Belle-de-Mai : quand stoppera-t-on la paupérisation ?

* 83 La croix, 19 juin 2001, Les nouveaux jardins culturels,Geneviéve WELCOMME

* 84Ibid

* 85 La Provence, 25 avril 1994, Friches : opérations résurrection.

* 86 La Provence, 02 février 2002, L'art en dehors des sentiers battus, Patrick Merle

* 87 Le méridional, Marseille, vendredi 16 janvier 1981. Vivre à la Belle-de-Mai 

* 88 La Provence, 25 avril 1994, Friches : opérations résurrection.

* 89La Provence, 03 février 2002, « système Friche » mode d'emploi, Patrick Merle

* 90La marseillaise, 18 mai 2012, « S'y rendre spontanément, comme on irait à la plage », propos de Alain ARNAUDET, recueillis par Antoine PATEFFOZ,

* 91La Provence, 19 juin 2004, La Belle-de-Mai a tout pour séduire Hollywood, Florent PROVANSAL

* 92 La Provence, le 11 février 1998, Friche : la culture a pris racine au bord du quartier, Frederic STURLESI.

* 93Ibid

* 9420 minutes, 10 février 2011, « la Friche, îlot « bobo » à la belle-de-mai?, Laurent BERNERON

* 95La Provence, dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013

* 96Rencontre avec Susana MONTEIRO - Chargée d'Action Culturelle de la Friche la Belle-de-Mai - réalisée par Hélène SEVERIN le 07 avril 2015

* 97 Entretien réalisé le 22 avril 2015

* 98 https://lemistralien.wordpress.com/tag/belle-de-mai/, consulté le 25 juillet 2015

* 99 Entretien réalisé le 23 avril 2015

* 100 Propos recueillis le 24 avril 2015

* 101 Entretien réalisé le 07 mai 2015

* 102 Propos recueillis le 15 avril 2015

* 103http://blogs.mediapart.fr/edition/visages-de-marseille/article/071014/le-quartier-de-la-belle-de-mai-laboratoire-du-futur

* 104La Provence, 11 mai 2012, Friche et culture ont-elles vraiment changé la Belle-de-Mai, Marie-Eve BARBIER et Delphine TANGUY

* 105 Propos recueillis le 20 mai 2015

* 106La provence, 11 mai 2012, Friche et culture ont-elles vraiment changé la Belle-de-Mai, Marie-Eve BARBIER et Delphine TANGUY

* 107Ibid

* 108La Provence, dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013

* 109La provence, 11 mai 2012, Friche et culture ont-elles vraiment changé la Belle-de-Mai, Marie) Eve BARBIER et Delphine TANGUY,

* 110La provence, 11 mai 2012, Friche et culture ont-elles vraiment changé la Belle-de-Mai, Marie-Eve BARBIER et Delphine TANGUY

* 111La Provence, dossier : la belle-de-mai veut croire en l'avenir, avril 2013

* 112Ibid

* 113 Propos recueillis le 22 avril 2015

* 114 Propos recueillis le 07 avril 2015

* 115Demandeurs d'emploi de catégories A, B, C : demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, et étant sans emploi (A) ou ayant exercé une activité courte (B) ou longue (C ; plus de 78 h. au court du mois)

* 116 Données : enquête accessibilité Belle-de-Mai, AGAM, 2014

* 117 Entre 62% et 97% du total des répondants (681) ont participé à cette question selon le thème

* 118 La Provence, 17 novembre 2014, projet des casernes Belle-de-Mai

* 119 Enclavement qui est lui aussi dû à la proximité de la gare Saint-Charles puisque de longs murs longent le quartier le rendant sordide

* 120Gomet', 18 novembre 2014

* 121Gomet', 18 novembre 2014






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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo