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L'armagnac, un produit d'avenir?

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par Floran Bayle
Université Paul Cézanne - Aix-Marseille III  - Institut d'études politiques 2007
  

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1.3.3.3 L'absence de marque leader

Un des principaux changements dans le commerce contemporain consiste à vendre des marques plus que des produits. Naomi Klein a mis en exergue ce phénomène dénonçant « une nouvelle génération de sociétés qui se considéraient comme des « courtiers en signification » plutôt que comme des « producteurs de produits »60. L'idée que l'on puisse vendre des marques plutôt que des produits dans la logique de la viticulture française est un contresens. Toute la communication, la représentation, est centrée sur le produit, le réel. Le seul mot mis en avant est Armagnac. Les marques de producteurs ont soit le nom du château ou du lieu géographique, soit le nom du négociant ; mais il n'arrive pas à dépasser cette simple signification. La réussite du Cognac à l'exportation s'appuie sur un bon produit, mais elle est avant tout la réussite de quatre marques qui se sont imposées sur les marchés notamment américains, « parce que depuis vingt ans les « marketers » ont su la rendre désirable »61. La moitié des acheteurs parisiens en grandes surfaces citent « Hennessy », « Martell » ou « Courvoisier » lorsque les sondeurs leur demandent de nommer une marque d'Armagnac62. Une marque donne sa reconnaissance au produit, encore faut-elle qu'elle soit connue. Elle offre un gage de prestige que ne peut offrir une simple appellation. Aucune marque d'Armagnac ne peut être identifiée nationalement, sans parler des marchés étrangers. La marque d'Armagnac offre une traçabilité, un lien direct avec le producteur, rien d'autre.

1.3.3.4 Une structuration mal adaptée

Le problème du développement des marques d'Armagnac n'a pas changé depuis vingt ans. Les maisons de négoce sont soit des sociétés familiales à capitaux limités pour développer à grande échelle des pénétrations des marchés, soit les sociétés appartiennent à des grands groupes (Pernod, La martiniquaise, Marie Brizard, Rémy Cointreau) depuis

59CAMPAGNE Caroline, « le vin surpasse l'Armagnac », Sud ouest, 14 novembre 2006 60KLEIN, NO LOGO- la tyrannie des marques, France, Actes Sud, 2001

61 « Le Cognac relancé par le Rap », op. cit.

62 Étude de motivation d'achat, BNIA, 2003

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trente ans dans lesquels elles ne jouent qu'un rôle de complément de gamme sans politique de développement à long terme. Les capitaux se portent sur d'autres produits à potentiel de croissance plus important. Pernod a quintuplé les ventes de rhum Havana Club en dix ans et englouti de nombreux groupes étrangers. Seule Gerland pourrait faire exception avec près de 20% des ventes d'Armagnac depuis le rachat de Sempé en 2002 ; mais sa structure coopérative et son organisation complexe entre les différentes filières ne peuvent faire d'elle une entreprise comparable.

Cette absence de moyens propres fait reposer les politiques de communication sur le BNIA avec les ambiguïtés que cela comporte. Il se retrouve sur les grands marchés face à des géants économiques avec lesquels il ne peut rivaliser. La pression dans les grandes surfaces a conduit à réduire la longueur de linéaire réservée à l'Armagnac et diminué le panel de produits au strict minimum. L'Armagnac s'est rabattu sur le marché des cavistes et magasins spécialisés. « L'Armagnac est un produit qui a besoin d'être expliqué » argue-t-on dans les milieux gersois pour expliquer ce glissement de distribution. « En France, c'est de l'épicerie via un réseau dense de caviste et de restaurateurs animé par 85 agents multicartes »63 explique Arnaud Lesgourgues, propriétaire associé de la maison L.E.D.A., pour définir sa stratégie de distribution française. Il ne faut pas oublier que près de 40% des sorties bouteilles concernent des eaux de vie jeunes dont la vente comme produit fini est difficile et soumis à une intraitable concurrence. Le marché des spiritueux est un marché compétitif avec des produits innovants où le panel de produits s'est accru depuis une vingtaine d'années.

Une trop lente adaptation et pour quel rattrapage ?

Le terme de crise semble trop fort pour représenter la situation d'ensemble de la filière aujourd'hui. Nous pourrions plutôt parler d'une lente adaptation au commerce contemporain. Les statistiques montrent une précaire stabilisation des ventes et une baisse des stocks. Comme le précise Sébastien Lacroix, directeur du BNIA, «il est difficile de travailler sur l'Armagnac en raison de l'histoire et des aspects socioculturels». L'action collective peut seule communiquer sur l'appellation. Les pouvoirs du BNIA sont limités et toujours sous réserve de l'accord des deux syndicats. Au-delà du consensus

63 « Une stratégie très sud ouest », Sud ouest, op. cit.

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nécessaire pour effectuer une politique globale, le directeur du BNIA vante sa cohérence dans les actions individuelles des opérateurs et sa régularité dans le temps et les lieux.

Plutôt que de crise nous parlerons de déclin. Comme l'ont expliqué Jean-Claude Darréon et Alain Gabriel dans leur thèse, La fin des années 1970 a constitué un pic de croissance pour le produit et celui-ci a connu une chute progressive dans les années 1980. Il nous semble que l'Armagnac a mal su s'adapter aux changements commerciaux des années 1980 et a été victime de ses ambitions démesurées des années 1970. Les auteurs prophétisaient la chute des ventes des années 1990 si aucun changement majeur dans la filière n'intervenait64. Ils prévenaient des dangers de désunion en temps de crise avec des actions à court terme des opérateurs aux risques et périls de la pérennité du breuvage d'or. S'ils refusaient la « solution miracle », ils insistaient sur la nécessité « d'une volonté commune de défense du rayonnement du nom « Armagnac » ». Ils misaient notamment sur le rôle central du BNIA, seul à même de porter les couleurs de l'Armagnac avec ses très limités moyens financiers. De nouveaux comportements sont apparus doucement, une collaboration effective a temporairement pris le pas sur des comportements individualistes. Les progrès enregistrés ces cinq dernières années, et la hausse de 18% des exportations en valeur en 2006 ne sont pas les conséquences d'un simple retournement de conjoncture.

Comme nous avons pu le voir, la structure de la filière nuit à une efficience indispensable dans le capitalisme contemporain (rapidité de la chaîne de décision, investissements, politique globale de l'entreprise,), néanmoins, il ne faut pas faire de cette diversité un handicap insurmontable. Des complémentarités entre les produits et entre les opérateurs paraissent possibles, à condition de gagner en cohérence et consensus, maîtres mots d'une relance. Celle-ci ne peut que s'appuyer sur un marketing de qualité, ciblé et fondé sur une collecte d'informations actualisées et pointues du comportement du consommateur.

64 DARREON J.C, GABRIEL A., l'Armagnac de la production à la commercialisation : des réponses inadaptées face au déclin, op. Cité, «conclusion généale», p.221-223

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2 Les politiques de relance du produit et l'avenir de la filière

« Un pour tous et tous pour un ! » cette devise des mousquetaires de Gascogne65, apparaît bien difficile à mener dans le monde de l'Armagnac. Dans cette deuxième partie de notre travail, nous verrons comment les acteurs ont travaillé et travaillent pour redonner un élan à ce produit. Ce produit n'est pas condamné par le marché de par sa désuétude comme certains produits dépassés par le progrès technique à l'image d'une radiocassette ou d'une machine à écrire. Si « La volonté et la confiance dans le produit sont indispensables »66, il faut la transmettre aux distributeurs et aux consommateurs. La caractéristique du marché des produits alimentaires pour un produit en déclin, a fortiori sur le marché plus concurrentiel des vins et spiritueux, consiste à remettre au goût du moment. Le succès du cousin cognaçais avec ses deuxièmes meilleures ventes et septième année de croissance en 2006 67 prouve qu'il n'existe pas un dégoût du consommateur pour les eaux-de-vie de vin, obstacle insurmontable. La volonté de relance ne s'est jamais estompée même si elle n'a pas été exprimée clairement, ni à bon escient. Quelles démarches ont été entreprises avec quelle vision pour l'avenir de ce produit ; ou plutôt quel produit permettra une survie de la filière ? Cette interaction permanente empêche un développement d'un discours univoque. Si les chiffres de ces cinq dernières années montrent une précaire stabilisation des ventes, par quels facteurs doit-on l'analyser ? Est-ce le signal d'un renouveau ou juste une pause dans le déclin?

Prolégomènes : Quels objectifs pour la filière ?

La bonne santé d'un produit se traduit-elle seulement par une hausse des ventes en volume? Sur quels critères peut-on juger de la bonne santé d'un produit et de sa filière ? Ces questions dépassent la simple logique économique et tous les acteurs n'éprouvent pas la même satisfaction face aux résultats économiques. Notre travail se consacre essentiellement sur le produit laissant de côté de nombreuses questions économiques et sociales. La problématique essentielle concerne l'ensemble des formes sous lesquelles le produit Armagnac peut espérer une pérennité et des moyens par lesquels elle essaie d'y

65 reprise couramment par les défenseurs de l'Armagnac, par exemple Aymeri de MONTESQUIOU, sénateur du Gers, et Jean-Paul SEMPE, Lettre des mousquetaires de l'Armagnac, n°2, janvier 2003

66 DARREON J.-C., GABRIEL A., l'Armagnac de la production à la commercialisation : des réponses inadaptées face au déclin, p.222 (II)

67 Sources B.N.I.C.

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parvenir. L'évaluation ne peut se contenter de regarder les ventes globales sans vision à long terme ou sans comparer avec les quantités distillées. La cohérence est le maître mot de toute politique globale objectifs-moyens-actions :

-une cohérence sur les produits

-une cohérence sur la communication

-une cohérence entre les produits et la communication

« Produire bon pour vendre mieux »68, la devise des professionnels définit la

stratégie de relance de l'Armagnac: une amélioration de la production (2.1) et une stratégie de vente et de communication efficace (2.2) permettront d'entrevoir un autre avenir pour le produit Armagnac (2.3).

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery