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Les tensions entre l'union africaine et la cour pénale internationale à  l'occasion de la poursuite des chefs d'état africains

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par Stephanie Laure Anguezomo Ella
Université de Limoges - Master 2 2015
  

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Paragraphe I) L'aide de la Cour Pénale Internationale

Dans le but d'atténuer les tensions avec l'UA et plus particulièrement les États africains, la CPI a décidé de participer au renforcement des institutions nationales afin que celle-ci puissent être à même de répondre aux impératifs de la justice pénale internationale par une répression effective, efficace et dissuasive des auteurs de crimes internationaux. La tâche ne semble toutefois pas être facile dans la mesure où les relations entre les deux instituions ont pris une ampleur considérable au point pour l'UA d'envisager le retrait collectif des États africains du Statut de Rome et de créer une Cour africaine de justice compétente en matière de crimes internationaux. Si ces réactions de l'UA, qui s'apparentent à des moyens de pressions venaient à se concrétiser, le travail de la CPI sera paralysé même si cela n'affecterait pas les affaires en cours. En effet, un retrait des États africains précipiterait la fin de cette Cour lorsqu'on sait que la majorité des États parties sont africains et que les africains ont fortement aidés la Cour à se légitimer notamment par l'engouement à participer à la lutte contre l'impunité tant dans le renvoi des affaires que dans la coopération.

Loin d'être insensible aux effets néfastes de ces tensions, la CPI a décidé de créer un Groupe africain indépendant pour la justice et la fin de l'impunité146. Le rôle joué par ce groupe africain composé d'experts africains spécialisés dans le domaine du droit international et des droits de l'homme est d'aider à renforcer la justice et la lutte contre l'impunité en Afrique. La Présidente de la CPI, Silvia HERNANDEZ, se réjouissant de la création de ce groupe, déclara :

« J'ai hâte d'engager le dialogue avec le Groupe. Je suis convaincu qu'il peut, en tant que groupe indépendant composé d'experts de renom, jouer un rôle très utile et contribuer à cerner et à résoudre les difficultés actuelles, et apporter des idées nouvelles et des propositions concernant les mesures à prendre. Les liens avec l'Afrique sont cruciaux pour la CPI, et le Groupe africain pour la justice et la fin de l'impunité peut contribuer à faire entendre une voix importante et indépendante lors des débats qui porteront sur la marche à suivre à l'avenir.147»

146CPI, La Présidente de la CPI, Silvia Hernandez, salue la création du Groupe africain indépendant pour la justice et la fin de l'impunité, 25 Novembre 2015, https://www.icc-cpi.int/Pages/item.aspx?name=pres-inf-25-11-2015&ln=fr, (consulté le 25/05/2016)

147Ibid

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Le plus important dans la création de ce groupe tant pour les membres du groupe que pour la CPI c'est le renforcement des institutions judiciaires nationales en raison du fait que comme l'exige le principe de la complémentarité, la CPI ne peut intervenir si les États peuvent eux même rendre justice. A ce propos, Silvia HERNANDEZ, déclara : « (...) Il est essentiel, en vertu du principe de complémentarité consacré par la Statut de Rome, de renforcer la capacité des juridictions nationales de faire face aux crimes internationaux.148»

Toutefois parvenir à un véritable renforcement des capacités judiciaires des instances nationales ne sera pas aisé lorsqu'on ignore les réels motifs de leur inactivité. En effet, avant de l'envisager, l'idéal serait pour le groupe africain en étroite collaboration avec la Cour de rechercher les raisons de la résistance africaine parfois liée dans certaines situations à un manque de volonté étatique et dans d'autres à une défaillance judiciaire fondée sur le manque de moyens et d'expertise 149 des professionnels juridiques africains en la matière du droit pénal international. Le régime de la complémentarité commande à la CPI de ne prendre part à la répression qu'en dernier ressort c'est-à-dire en cas d'inaction de l'Etat concerné. Cette inaction s'appuie soit sur le manque de volonté de l'Etat soit sur l'incapacité de celui -ci à s'acquitter de son obligation de répression. En conséquence, il est toujours question de deux problèmes majeurs, la volonté et l'incapacité. C'est pourquoi, le renforcement des capacités des tribunaux africains doit passer par deux étapes primordiales à savoir le renforcement de la volonté étatique (politique) et celui de la capacité juridique.

Dans la première étape sans le bon vouloir des autorités étatiques, un tribunal ne saurait fonctionner efficacement car il ferait face à plusieurs maux dont la corruption, les interférences politiques et bien d'autres. Pour ce faire, par la création de ce groupe qui servira d'intermédiaire entre les Etats africains et la CPI, des voies de renouement devraient être trouvées. En effet, il faut nécessairement que la politique de lutte contre l'impunité soit commune (Etats-CPI), qu'il y'ait une certaine entente de façon à ce que les Etats fassent abstraction des intérêts politiques au profit de la justice. L'on prendra à titre d'exemple l'absence de volonté politique d'un Etat pouvant empêcher le fonctionnement de la justice : le Kenya. Il est rapporté qu'entre 2009 et 2010, la classe politique avait sapé les efforts de création d'un tribunal spécial pour juger les affaires relatives aux violences

148Ibid

149Pacifique MANIRAKIZA, AFRICAN JOURNAL OF LEGAL STUDIES (2009), L'Afrique et le système de justice pénale internationale, p21-52, http://booksandjournals.brillonline.com/content/journals/10.1163/221097312x13397499736868?crawler=true, (consulté le 13/12/2015)

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postélectorales 2007-2008150. De plus, depuis le retrait des charges par le procureur contre le président et le vice-président kenyan en 2015, aucune démarche kenyane vers la poursuite des auteurs des violences n'a à ce jour été prise lorsqu'on sait que l'UA s'était fondée sur le principe de la complémentarité pour demander la suspension des poursuites. C'est notamment parce que cette volonté étatique (politique) fait défaut qu'il est impossible de voir un Etat africain juger son président et son vice-président en exercice même pour crimes grave. A l'inverse, cette volonté politique se fera voir dans le cas d'un opposant, d'un simple militaire etc...à partir du moment où cet accusé n'a aucun lien avec le pouvoir en place. Cela donne l'image que c'est la volonté politique qui permet seule l'application de la justice dans un Etat car si le politique veut juger, il jugera.

Cette volonté étatique va de pair avec la capacité juridique car l'un sans l'autre ne peut permettre véritablement la répression des auteurs des crimes internationaux au sein de leur propre juridiction. Cette deuxième étape du renforcement de la « capacité juridique » des tribunaux africains nécessite de donner aux Etats les moyens techniques adéquats pour poursuivre les infractions concernées dans la transparence et l'impartialité. A cause de ce dysfonctionnement, l'action judiciaire en interne souffre du manque de confiance de la population africaine, laquelle n'a qu'une seule image de la justice nationale, celle d'une justice incapable de juger les responsables d'infractions internationales à cause de leur position officielle. La question de la capacité intervient également dans le cas de l'effondrement de la totalité ou d'une partie de l'appareil judiciaire d'un Etat. Dans cette situation la Cour devrait-elle aider au renforcement la capacité du tribunal de l'Etat en cause afin de faire en sorte que la complémentarité puisse jouer plutôt que de se saisir directement ou laisser du temps à l'Etat afin qu'il puisse reconstruire son système judiciaire ? La question du temps tient son importance car s'il faut accorder du temps à l'Etat quel serait le délai raisonnable à ne pas dépasser151? La capacité judiciaire suppose également que les Etats pour prendre en charge la répression se dote de mécanismes de protections des droits des accusés, des témoins et d'experts en crimes internationaux (juges, procureurs, juristes). Pour ce faire, il faut pour cela que la Cour encourage les Etats en ce sens afin que la complémentarité puisse davantage jouer. Si l'Etat national veut pouvoir librement réprimer il faut qu'il se dote de ces mécanismes comme s'en est autrefois doté le Rwanda avant le renvoi des affaires par le procureur du TPIR.

150KITTI H. Nathanièl, La Cour Pénale internationale à l'épreuve des poursuites en Afrique, CODESRIA, 08- 12 Juin 2015, http://www.codesria.org/IMG/pdf/hinnougnon_nathaniel_kitti_la_cour_penale_internationale_a_l_epreuve_des_poursui tes_en_afrique.pdf?4085/1ffb091473f28d39096b63c8897270860241e76c, (consulté le 21/10/2015)

151KITTI H. Nathanièl, La Cour Pénale internationale à l'épreuve des poursuites en Afrique, CODESRIA, 08- 12 Juin 2015, http://www.codesria.org/IMG/pdf/hinnougnon_nathaniel_kitti_la_cour_penale_internationale_a_l_epreuve_des_poursuites_en_afrique.pdf?4085/1ffb 091473f28d39096b63c8897270860241e76c, (consulté le 21/10/2015)

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On imaginerait également la CPI mettre en place grâce à ce groupe indépendant, un système d'assistance des Etats comme l'a proposé le Bdp de développer « formal and informal networks of contacts to encourage States to undertake State action, using means appropriate in the particular circumstances of a given case. For instance, in certain situations, it might be possible and advisable to assist a State genuinely willing to investigate and prosecute by providing it with the information gathered by the Office from different public sources152 «. Ce renforcement exige que les Etats africains améliorent leur architecture institutionnelle et les capacités humaines pour mener à bien l'objectif fixé par le Statut. En effet, mener des enquêtes et poursuivre les auteurs de crimes peut s'avérer couteux et complexe en raison de la nécessité d'une expérience et d'une expertise des autorités judiciaires concernées. De ce fait, le renforcement de la volonté politique des Etats apparait indispensable en ce qu'elle mettra à disposition les ressources et créera un cadre propice à la répression153. A titre d'exemple, l'Ile Maurice, un Etat africain a été interrogé sur les besoins nécessaires à assurer une coopération efficace avec la CPI. Cette dernière passe par un renforcement des capacités des autorités judiciaires locales, il déclare à ce propos que :

« Une formation juridique et une expertise technique et une assistance non juridique aux forces de police, aux ministères concernés, aux autorités de poursuite et aux membres du pouvoir judiciaire, en ce qui concerne leur participation respective (en particulier, les demandes de coopération et d'assistance judiciaire, les demandes d'arrestation et de remise, l'enquête et la collecte de preuves, la protection des témoins et des victimes ainsi que leur participation à la procédure, la poursuite des crimes internationaux, et l'exécution des peines). Une diffusion de l'information aux organisations gouvernementales et non gouvernementales, ainsi qu'au public en général, afin de leur permettre de coopérer sans délai avec les autorités154. »

Les autres Etats africains pourront bien suivre cet exemple afin que la CPI n'intervienne plus à l'avenir dans la poursuite des crimes internationaux à leur place au nom de la complémentarité. Il serait enfin nécessaire pour plus de disponibilité que les Etats africains (ceux ne l'ayant pas encore fait) créent au sein de leurs juridictions des sections ou des divisions chargées des crimes internationaux avec un personnel qualifié. La CPI pourra peut-être de mettre des experts de la CPI (juges) au sein de ces divisions ou sections pour s'assurer du bon déroulement et de l'avancée des

152CPI, Paper on some policy issues before the Office of the Prosecutor, Septembre 2003, https://www.icc-

cpi.int/NR/rdonlyres/1FA7C4C6-DE5F-42B7-8B25-60AA962ED8B6/143594/030905_Policy_Paper.pdf, ( consulté le 24/06/2016) 153 http://www.southernafricalitigationcentre.org/1/wp-content/uploads/2013/05/Postive-Reinforcement-French-version.pdf 154Ibid

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actions judiciaires nationales sans pour autant empiéter sur la primauté des juges nationaux. Ce système d'insertion de juges internationaux au sein d'un système judiciaire national indépendant permettra d'apporter plus de visibilité aux Etats quant à la conformité avec les dispositions du Statut. L'UA pourrait également revoir sa décision de créer un bureau de liaison avec la CPI, ce qui permettra aux deux institutions d'analyser ensemble les besoins nécessaires à l'Afrique pour que les Etats soient eux même en mesure d'exercer leur compétence prioritaire.

En définitive, l'on peut constater que la CPI essaye tant bien que mal de ne pas briser comme le souhaitent pourtant les États africains par le biais de l'UA, les liens qu'entretiennent l'Afrique et la CPI et qui sont nécessaires pour lutter efficacement et ensemble contre l'impunité. Cette démarche aura le mérite d'améliorer la coopération avec les États africains.

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