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La nomination des animaux par Adam, dans l'Occident latin du XIIe au XVe siècle. Etude iconographique

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par Maÿlis Outters
Université de Versailles-Saint Quentin en Yvelines - Master 2 d'histoire médiévale 2006
  

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2. Tout pouvoir vient de Dieu

À l'époque médiévale, tout pouvoir digne de ce nom vient nécessairement de Dieu. Adam n'est pas tout puissant, seul Dieu est tout puissant. Et si Adam domine tous les animaux, même le lion, nous voyons dans la mosaïque de Venise (ill. 6) qu'Adam a sa tête et son pied tournés vers Dieu, et nous montre ainsi le siège réel du pouvoir. Cette image est renforcée par le fait que Dieu trône majestueusement sur un siège, à coté d'Adam qui reste debout. Dans une bible historiale de Guiart des Moulins74(*) (ill. 21), Adam rejette sa main gauche en arrière, paume ouverte, en signe d'acceptation du pouvoir que lui confère Dieu qui, derrière, bénit la scène. Ce même geste se retrouve dans la bible de la Pierpont Morgan Library (ill. 9), ou encore dans le bestiaire de Guillaume le Clerc (ill. 11). Dans une bible Dieu tient le poignet d'Adam (ill. 9) et il affirme ainsi, d'une manière corporelle, son pouvoir sur sa dernière créature. Adam appartient à Dieu, il lui est soumis, comme les animaux qui n'ont d'yeux que pour Dieu et Adam. Le pouvoir qu'Adam a sur les animaux lui vient de Dieu, parce qu'il est la seule créature a être à l'image de Dieu, comme nous l'explique Thomas d'Aquin : «Les supérieurs gouvernent toujours les inférieurs. Aussi comme l'homme est au dessus de tous les autres animaux car il a été fait à l'image de Dieu, est-il très convenable que les autres animaux soient soumis à sa conduite»75(*)

Adam reste soumis à Dieu. Dans l'enluminure d'une bible historiale76(*) (ill. 19) Dieu a un geste d'autorité à l'encontre d'Adam, sa paume gauche ouverte, invite Adam à nommer les animaux, qui sont désignés par son index droit tendu ; Adam, obéissant à son supérieur, s'exécute. La soumission d'Adam est aussi notée dans son imitation du geste de Dieu, qui est très explicite dans un bestiaire du XIIIe siècle conservé à Cambridge77(*) (ill. 14). Cependant l'imitation est imparfaite, Dieu élève son index gauche, il demande à Adam de nommer les animaux ; quant à Adam il élève son index droit, la main par laquelle le geste a vraiment une efficacité, où le geste agit, puisqu'en nommant les animaux, Adam leur donne une «âme», une raison à leur existence, ainsi qu'un maître. Dieu commande, mais Adam seul agit.

3. Seigneur de l'Éden

Pour l'homme médiéval, Adam est seigneur de l'Éden. Les comparaisons ne manquent pas dans les commentaires. Guiart des Moulins nous présente Adam comme le «seigneur des bestes». Le Jeu d'Adam, drame du XIIe siècle, fait dire à Dieu : «De tote terre avez la seignorie»78(*). Dans un bestiaire anglais79(*) (ill. 16), Adam apparaît comme un seigneur, car il détient des insignes traditionnels du pouvoir : un sceptre et des gants. Enfin sa pose hiératique et son geste d'autorité (l'index pointé vers le haut) confirment cette image de seigneur laïc. Nous ne connaissons pas le possesseur de ce bestiaire, mais les seigneurs laïcs étaient les premiers destinataires des bestiaires au XIIIe siècle en Angleterre. Si ce bestiaire était effectivement destiné à un laïc, il n'est pas étonnant de voir une telle représentation d'Adam, modèle des seigneurs.

Adam a sa main posée sur la tête du lion dans la mosaïque de Venise (ill. 6). Le lion est le symbole du pouvoir laïc (d'autant plus à Venise, où le lion est l'emblème de la ville), c'est l'animal royal par excellence. Adam domine le roi des animaux ; ainsi sa suprématie est-elle renforcée par la soumission du lion. Dans la littérature ou l'art, la soumission d'un lion au Moyen Âge exprime la royauté et la grandeur d'un homme : ainsi dans le lai de Haveloc le Danois, Argentille rêve que les lions s'agenouillent devant son mari, preuve qu'il deviendra roi80(*).

Le cerf est un animal fréquent dans cette iconographie, surtout aux XIIe et XIIe siècles. La relève est peut-être assurée par la licorne au XIVe siècle. Ces deux animaux au majestueux couvre chef représentent l'aristocratie, l'aristocratie qui a le privilège de chasser certains animaux dits les animaux nobles, l'aristocratie courtoise. Deux animaux christiques81(*) que nous retrouvons aussi bien dans les bibles que dans les bestiaires destinés à l'aristocratie laïque.

Le lion et le cerf (ou la licorne) sont souvent côte à côte, à une place de choix. Dans le bestiaire d'Aberdeen (ill. 5) les lions ont la première place, la première case, suivis par les cerfs, eux-mêmes talonnés par les chevaux. Ces étages supérieurs, sont «remplis» par les animaux nobles. Des animaux en qui l'aristocratie anglaise peut s'identifier. On ne connaît pas le possesseur de ce bestiaire, sinon qu'il appartenait sûrement à la famille royale, peut-être même à Richard Coeur-de-Lion. Le bestiaire jumeau de la Boldeian Library, met dans la première «case» deux lions, avec un cerf et un chien ressemblant fortement à un lévrier, le chien noble. Dans le Liber de bestiis et alliis rebus (ill. 25) seuls trois quadrupèdes font face à Adam : la licorne, dont Adam tient la corne, symbole de pureté, le lion et le lévrier. Parmi les oiseaux on reconnaît l'aigle et chez les poissons un dauphin. Ce sont des animaux nobles et/ou héraldiques. Nous pourrions multiplier les exemples pour voir que les animaux symbolisant l'aristocratie occupent une place importante dans l'iconographie d'une scène expliquant le pouvoir terrestre de l'homme sur ce qui l'environne.

Le péché originel d'Adam, nous dit Anselme de Canterbury (†1109) est comparable à la félonie d'un vassal envers son suzerain. Adam a renié son allégeance, il a injurié l'honneur de Dieu qui lui a retiré ses dons surnaturels comme le seigneur retire le fief du vassal félon82(*).

Toutefois l'iconographie qui se fait la plus explicite quant à la comparaison du pouvoir d'Adam au pouvoir séculier se trouve dans l'Orient chrétien à partir du Xe siècle. Là où comme nous l'explique Xénia Muratova, les fresques des églises financées par des princes glorifient le pouvoir séculier83(*)

* 74 Guiart des Moulins, Bible historiale,Saint-Omer, XIVe s., Paris, Bibliothèque Nationale de France, ms. fr. 152, fol. 14.

* 75 Saint Thomas d'Aquin, Somme Théologique,op. cit., p. 190.

* 76 Guiart des Moulins, Bible historiale, Paris, v.1320-1337, Paris, bibliothèque Sainte-Geneviève, ms 0020, fol. 7v.

* 77 Bestiaire, Angleterre, v.1275-1300, Cambridge, Gonville & Caius College, Ms. 372/621, fol. 2.

* 78 le jeu d'Adam, ordo representaciones Ado, prés. W. Noomen, Paris, Champion, 1971, v. 167.

* 79 Bestiaire, Angleterre, v. 1275-1300, Paris, Bibliothèque nationale de France, ms. lat. 3630, fol. 82v.

* 80 cité dans M. Bloch, Les Rois thaumaturges. Étude sur le caractère surnaturel attribué à la puissance royale et particulièrement en France et en Angleterre, Paris, Gallimard, 2000, p. 257.

* 81 M. Pastoureau, «Bestiaire du Christ, bestiaire du Diable. Attribut animal et mise en scène du divin dans l'image médiévale», dans Couleurs, images, symboles. Études d'histoire et d'anthropologie, Paris, Le Léopard d'or, 1998.

* 82 G. Minois, Les Origines du mal. Un histoire du péché originel, Paris, Fayard, 2002, p. 86.

* 83 Xénia Muratova décrit quelques fresques dans son étude «Adam donne leurs noms aux animaux», art. cit., p. 379.

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