Paragraphe 2 : Revue de littérature et
Méthodologie de l'étude
A- Revue de littérature
La documentation est perçue de façon
générale comme l'action de documenter, de se documenter, de
rechercher l'information. Selon le Petit Larousse 2006, la
documentation est «l'action de sélectionner, de classer,
d'utiliser ou de diffuser des documents ». Elle désigne
également « l'ensemble des techniques de traitement de
l'information documentaire utilisant des logiciels de sélection et de
recherche ». Toujours d'après le même dictionnaire
, elle désigne «l'ensemble des opérations, des
méthodes qui facilitent la collecte, le stockage, la circulation des
documents et de l'information ». Paul OTLET
et Henri LAFONTAINE (1985), estiment
quant à eux que « la documentation englobe la
bibliographie : elle est la science qui permet la fourniture de tous les
documents sur un sujet donné ». De
l'avis de Claire MASCOLO et de Jean-Michel
RODES (1992), « la documentation est un métier de
communication dont l'objectif est la transmission d'une information contenue
dans un support (le document) vers l'utilisateur ». Mais bien
plus, Hubert FONDAIN (1992) définit la documentation
comme « la méthode qui doit permettre de
découvrir la source vive de l'information, de relativiser les
connaissances individuelles, d'encourager à chercher des opinions ;
c'est une invite à l'exploration intellectuelle ».
Selon Antoine DADELE (2005), la
documentation est également « un processus, des moyens
techniques et un résultat ». Un processus car c'est
« une démarche, celle de rechercher des documents utiles
à la satisfaction des besoins en information de quelqu'un pour
appuyer une étude ». Des moyens
techniques puisque c'est « l'ensemble de pratiques de
mise en oeuvre pour identifier et fournir des documents répondant aux
besoins des usagers ». Un résultat parce
que c'est « l'ensemble des documents résultant de
l'activité humaine : fournir une documentation ».
En somme, le terme `'documentation''
désigne plusieurs réalités :
- une collection de documents et la façon de les
organiser en vue d'une diffusion de l'information ;
- l'action de se documenter ;
- l'activité professionnelle ou la fonction
exercée par les documentalistes ;
- le service qui exerce cette activité au sein de
l'entreprise. Ce service peut s'appeler Centre de
Documentation ou Service d'information et de Documentation
(Sid). Un Sid est une appellation récente pour
désigner des services de documentation des entreprises et autres
structures qui mettent à la disposition de leur personnel de la
documentation en vue de les aider dans le travail quotidien. Ces services
à la différence des bibliothèques tendent à se
spécialiser et ne couvrent que les domaines d'interventions des services
qu'ils appuient. C'est le cas du Centre de Documentation des Services de
l'Information (CDSI) dont le fonds documentaire couvre le secteur de la
presse.
La presse est, habituellement, définie comme l'ensemble
des journaux. Le Petit Larousse 2006 désignera par
presse non seulement « l'ensemble des journaux »,
mais aussi « une activité et le monde du
journalisme » A la lumière de cette définition du
Petit Larousse (2005), on se rend compte que le
mot `'Presse'' est polysémique. Il est d'abord
utilisé pour désigner l'ensemble des périodiques quels
qu'ils soient. Ensuite, il est utilisé pour signifier le secteur
d'activité des professionnels des médias de masse. Enfin, il
désigne le monde du journalisme. Par ailleurs, selon Bernard
LAMIZET et Ahmed SILEM (1995) dans le Dictionnaire
encyclopédique des Sciences de l'Information et de la Communication,
plus explicites et plus complets, « la presse désigne
à la fois le domaine de l'information et de la communication, une
machine à imprimer par pression du papier sur la forme imprimante,
l'ensemble des journaux et les journalistes quel que soit le média
(papiers, radio, télévision) ».
La presse est donc l'ensemble des journaux et des
journalistes de la presse écrite, de la radio, de la
télévision et maintenant de la presse en ligne à
l'avènement de l'Internet. C'est aussi l'ensemble d'organes qui
constituent des moyens de diffusion massive de l'information.
L'information est au Centre de toute activité de
presse. Le journaliste soucieux d'informer doit aller à la recherche de
la documentation capable de le renseigner sur le sujet de son article. Car,
« avant d'informer, recommande la devise des professionnels de
l'information, il faut s'informer ; et s'informer, c'est aller à la
source de l'information, surtout celle documentaire ». Ainsi, le
journaliste produira des articles de fond et de meilleure qualité,
documentation fiable pour la recherche. Ce que reconnaît à juste
titre François JAKOBIAK (1995) en
écrivant : « les revues, journaux, publications
périodiques diverses constituent une source indispensable en
information scientifique et technique ». Gloria AWAD
(1995) estime quant à elle que « c'est aux
médias que revient désormais le monopole de
l'événement qui s'inscrit dans les archives de nos
sociétés modernes : journaux, agences de nouvelles ou
d'images ». Cet état de choses doit davantage justifier
le recours à la documentation des professionnels de la presse.
L'importance de la documentation dans l'amélioration
des productions de la presse n'est plus à démontrer. Il est clair
qu'avec « le flot continu d'informations que déversent les
nouveaux moyens de communication ». Eugène C.
ABALLO (2003), le journaliste doit se
référer à la documentation pour
« éclairer et informer les lecteurs, les auditeurs, les
téléspectateurs et les
internautes ». Christine LETEINTURIER
(1979) renchérit dans l'un de ses écrits publiés par le
Bulletin des Bibliothèques de France (Bbf) sur le journaliste et
sa documentation, en démontrant avec force conviction la
nécessité de la documentation pour un homme de média. Elle
observe notamment que :
« Ceci pourrait d'ailleurs avoir des
conséquences positives sur le discours des médias, leur restituer
une certaine crédibilité, si au lieu de se contenter de
répéter la même nouvelle sous des formes variées,
les différents organes d'information laissaient plus de place à
l'explication, à l'élucidation pour aider à la
compréhension par les publics des nouvelles qu'ils
reçoivent ».
Aussi, faut-il remarquer que les codes de déontologie
des professionnels des médias de par le monde exigent au journaliste le
devoir de se documenter avant la publication d'un article ou la production
d'une émission. Celui adopté par l'ensemble de la presse
béninoise le 24 septembre 1999 n'a pas dérogé au principe
et l'a si bien prescrit en son article 19 :
« Avant de produire un article ou une
émission, le journaliste doit tenir compte des limites de ses aptitudes
et ses connaissances. Le journaliste n'aborde des sujets qu'après avoir
fait un minimum d'effort de recherche ou d'enquête. Le journaliste doit
améliorer ses talents et ses pratiques en se cultivant et en participant
aux activités de formation permanente organisées par les diverses
associations professionnelles ».
En outre, et c'est ce que préconise le Guide du
journaliste d'investigation au Bénin (2005) s'appuyant à
certains égards sur l'article 2 du code de déontologie de la
presse béninoise : « De par la
responsabilité sociale qui est la sienne, le journaliste prend alors
à charge de rechercher, d'approfondir et de livrer le produit de sa
quête au public ».
L'utilité de la documentation est remarquable
aujourd'hui pour la presse pour l'amélioration de ses productions.
Ainsi que le certifie Kristin HELMORE
(2001) : « les documents sont des sources
importantes (....) et permettent aussi de vérifier l'information obtenue
à travers d'autres sources ». Se préoccupant des
questions de documentation et de presse, il va plus loin et suggère
que :
« Tous les organes de presse, qu'il s'agisse de
la presse écrite ou audiovisuelle, ont besoin de créer un
réservoir d'information -archives ou bibliothèques- où
leurs journalistes pourront puiser la documentation de base dont ils ont besoin
pour leur travail de recherche ».
Suggestion que partagent les auteurs du Guide du
journaliste d'investigation au Bénin. Georges AMLON et
al. (2005) constatent que « les organes de presse les
mieux organisés possèdent leurs propres bibliothèques et
leurs services de documentation et d'archives ». L'on y trouve,
précisent ces auteurs « comme dans tous services du
même genre les ouvrages et documents pouvant apporter l'information
complémentaire aux journalistes ».
Voeux chers et aspirations légitimes des
différentes contributions supra énumérées que de
voir la presse s'approprier la documentation pour enfin améliorer ses
productions. Mais qu'en est-il de l'environnement documentaire de la presse
béninoise ? Interrogation qui, au lieu de trouver des
réponses satisfaisantes, se confrontera au désobligeant constat
de la pauvreté des services d'information documentaires dans les
médias béninois.
En effet, le paysage de la presse au Bénin
s'élargit sans cesse au détriment de son environnement
documentaire qui demeure pauvre. Francis Marie-José ZOGO
et Pascal ZANTOU (1999) ont fait le
désobligeant constat. Ils rapportent dans Résultats de
l'enquête sur les services d'information dans les organe de presse au
Bénin que :
«Sur vingt (20) organes de presse
enquêtés, cinq (5) disposent d'un service d'information et de
documentation. Il s'agit de la chaîne de télévision
privée LC2, des quotidiens La Nation et l'Aurore, du groupe de presse la
Gazette du Golfe et de la radio commerciale privée Radio Planète.
Parmi ces 5, il y a 2 qui ont un Sid organisé et géré par
des agents permanent à savoir : la Nation et LC2. Le Sid de LC2 est
informatisé. Celui de la Nation ne l'est pas ».
Sept ans après, ces résultats restent
d'actualité. L'Etude sur l'Etat des médias au
Bénin : 1988-2000 (2000) et le Rapport national sur
l'état de la liberté de presse au Bénin (2005) sont
unanimes sur la pauvreté des services d'information et de documentation
dans les entreprises de presse béninoises. Pour
Jérôme CARLOS et al., consultants ayant
réalisé l'étude, « la plupart des organes de
presse ne semblent pas avoir conscience du rôle de la documentation.
Aussi, ne se préoccupent-ils pas de se doter de services d'information
et de documentation ». L'étude révèle par
ailleurs que « la majorité des organes de presse ne
disposent pas d'ouvrages sur le journalisme. Ce qui limite les
possibilités de formation continue au sein de leur
rédaction » Or, les services d'information et de
documentation, poursuit la même étude « constituent
des outils irremplaçables qui aident le journaliste dans son travail
quotidien. Ils lui permettent d'aller au-delà de l'actualité pour
traiter les sujets en profondeur ». Ces observations, les
acteurs des médias, engagés dans la dynamique de
l'avènement d'une presse plus professionnelle, l'ont comprises lors des
Etats généraux de la presse béninoise tenus du 18 au 23
novembre 2002 à Cotonou. Parmi les seize chantiers sur lesquels
s'édifiera une presse plus responsable, il est clairement défini
« la création, le renforcement et la dynamisation des
unités documentaires dans les organes de presse ».
Cependant, les résultats ne sont pas encore visibles
sur le terrain. Les services d'information et de documentation manquent
cruellement dans les médias au Bénin. En 2003, Eugène
C. ABALLO fait avec amertume le même constat et se
désole : « la situation documentaire des organes de
presse (...) n'est pas du tout reluisante ». Il lance un cri
d'alarme et explique dans son mémoire de fin de formation au CEFOCI que
le manque de Service d'Information et Documentation (SID) influe
négativement sur la qualité des productions des journalistes. Il
sera rejoint en 2004 par Germain H. HOUNNOU qui a
également démontré dans son mémoire, le dommage
créé par l'inexistence de ces structures au sein des
médias. Il soutient que la presse béninoise manque de
« crédibilité pour être suffisamment
documentaire ». Ainsi, pour renverser la tendance,
préconise-t-il, les professionnels des médias doivent exploiter
à fond les centres de documentation et bibliothèques du pays
notamment le Centre de Documentation des Services de l'Information
(CDSI) à défaut de disposer des SID à eux
propres. C'est le prix à payer pour avoir des productions
journalistiques de qualité.
A l'instar des centres nationaux de documentation de presse
des pays de la sous-région ouest africaine tel que le Centre de
Documentation et d'Information (CDI) de la Côte d'Ivoire , le CDSI, selon
Yacouba SANGARE (2006), «offre aux journalistes
des outils pour mieux exercer leur profession ». Le Bénin
fait partie des pionniers dans le domaine et a mis en place son Centre national
de presse depuis 1992 dans le but de :
donner aux professionnels de la presse au Bénin la
possibilité d'améliorer la qualité de leurs prestations en
leur fournissant les éléments indispensables à la
rédaction correcte d'un article ou la mise en ondes d'une
émission en rapport avec un sujet d'actualité ou une
rétrospective d'une part,
'aider les journalistes à analyser, grâce
à une documentation fiable, une nouvelle nationale dont le
développement est toujours nécessaire pour permettre aux
auditeurs et lecteurs des différents médias de maîtriser
l'actualité et de se faire une opinion d'autre part.
Ainsi que le rapporte Aude GOGOUA (2006),
journaliste ivoirienne, ce n'est le 22 juin 2006 que la Côte d'Ivoire a
inauguré son Centre de Documentation et d'Information (CDI) pour
« permettre à ses journalistes d'avoir accès
à la documentation ». Pour les autorités
béninoises et ivoiriennes, un centre de documentation national de
presse, comme le souligne Yacouba SANGARE (2006),journaliste,
« contribuera à la professionnalisation du métier
de journaliste ». Le CDSI est créé et
organisé afin que, comme l'affirme Aude GOGOUA
(2006), « les journalistes puissent y trouver commodément
des informations qui les aideront dans leur travail ou qui enrichiront leur
esprit et les instruiront ». C'est la raison pour laquelle, il
faut aujourd'hui, comme l'exigent Francis Marie-José ZOGO
et Pascal ZANTOU (1999) « transformer
le CDSI en un Centre de presse moderne qui serait un lieu de rencontres,
d'échanges et de documentation pour les professionnels des
médias ». Et, il est important de le savoir, le CDSI,
à bien des égards « se propose d'être le
creuset qui permet aux professionnels débutants ou confirmés de
la presse d'apprendre et de se perfectionner dans la collecte, le traitement et
la publication des informations tant en presse écrite, en radio qu'en
télévision ». Joseph SAGBOHAN
(1997) a plaidé dans son mémoire de fin d'études au
CEFOCI pour la mise en place effective du CDSI et a indiqué qu'il est
« un puissant instrument de documentation et d'information dont
pourront se servir les journalistes et autres usagers de la presse en vue de la
promotion et de l'élévation du niveau de culture
démocratique des citoyens ».
Le constat fait aujourd'hui afflige et laisse percevoir que
les animateurs de la presse béninoise ignorent l'existence du CDSI tout
comme « les nombreux endroits au Bénin qui
recèlent de la documentation et des archives bien souvent
inexploitées ». Constat rapporté par
Georges AMLON et al. (2005). Il faudrait,
donc comme l'a souligné François DEGILA, ancien
Directeur du CDSI lors de sa passation de service le 02 août 2005, que
le Centre :
« Ne grouille plus de journalistes, qui arrivent
non pas une fois l'an ,pour enlever des badges, mais souvent à la
quête d'éléments d'informations nécessaires pour la
rédaction d'articles fouillés et pour la conception et la mise en
onde d'émissions radiophoniques et télévisuelles
d'intérêt ».
Indiquant que les journalistes béninois ne se
documentent pas assez dans l'exercice de leur profession, Francis
Marie-José ZOGO et Pascal ZANTOU
proposent qu'il leur faut « assurer une formation continue, les
encourager à la spécialisation et leur construire un Centre de
presse moderne ». Centre de presse moderne que doit être
le CDSI en améliorant son image de marque en vue d'attirer vers lui de
nombreux journalistes. Un Centre de documentation de la trempe du CDSI ne doit
plus « mal assurer la promotion de ses ressources »
comme le conseille Jean MICHEL (1992). Les utilisateurs
(les journalistes) à l'étape actuelle « ont de
sérieuses difficultés pour appréhender toute la
richesse » du Centre, « pour connaître ses
fonds et percevoir toutes ses possibilités ». Ainsi,
pourrait-on conclure avec Jean MICHEL en collaboration avec
Eric SUTTER (1992) que le CDSI souffre « de
l'insuffisance d'un marketing documentaire ». Et pour mieux
faire connaître le Centre, nos deux spécialistes de l'information
documentaire, suggèrent : « un plan d'action en
matière de marketing et de promotion du service s'impose de façon
urgente ». Cette vision est fortement approuvée par les
grands mercaticiens tel que Guy SERRAF qui définit la
notion de marketing de la manière suivante : « Le
marketing est un système cohérent de trois axes solidaires :
la recherche, la stratégie, l'action ».
En définitive, il s'agira pour le CDSI de faire sa
propre promotion à travers des stratégies de marketing pour se
rendre utile et efficace aux professionnels des médias pour enfin
améliorer leurs productions.
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