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L'étude de l'épopée d'Abdoul Rahmâne du Foûta-Djalon

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par Amadou Oury DIALLO
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Mémoire DEA 2008
  

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INTRODUCTION

Les traditions orales du Foûta-Djalon, si riches et si variées, ont fait l'objet d'une collecte et d'une diffusion à grande échelle. Cette noble entreprise a été effectuée par Gilbert Vieillard, Alfâ Ibrâhîm Sow, Thierno Diallo...dont les ouvrages, assez représentatifs de la production littéraire et historique, couvrent des domaines très vastes allant de la simple chronique à la véritable histoire, de l'oraison funèbre aux cantiques, du chant guerrier à la généalogie épique, de la poésie profane à la poésie sacrée et mystique, des sortilèges pastoraux à la satire des moeurs, etc.

Cependant certains genres sont restés, pour plusieurs raisons1(*), méconnus en dehors de la région. On peut citer l'exemple de l'épopée, du conte, du mythe, de la légende, des chants guerriers, des chants bucoliques...

Conscient de cet état de fait, notre ambition consiste à exhumer, à faire connaître, autant que faire se peut, cet héritage quelque peu enfoui dans les marécages de l'anonymat. C'est ainsi donc que notre mémoire de Maîtrise s'était attaché à établir, pour la première fois, la version peule2(*) de la chute de Kansala et à jauger le récit à l'aune du contexte et de l'histoire. Continuant sur cette lancée, nous approfondissons ce travail dans un cadre plus large.

Pour ce qui est du Mémoire du Diplôme d'Études Approfondies que nous avons intitulé Étude de l'épopée d'Abdoul Rahmâne du Foûta-Djalon, il est sous-tendu par une problématique un peu morcelée en raison même du caractère composite des éléments constitutifs du DEA.

Il s'articule autour de trois parties. Nous présentons d'abord une partie du Corpus des récits peul et mandingue qui feront l'objet de la thèse. Ce corpus est précédé par trois cartes du Foûta-Djalon et du Ngâbou. Ensuite, dans la partie Bibliographie commentée, nous procédons au résumé et à la critique de  trois ouvrages théoriques (Les Épopées d'Afrique noire de Liliyan Kesteloot et de Bassirou Dieng, Critique de la raison orale (les pratiques discursives en Afrique Noire) de Mamoussé Diagne et L'Épopée de Daniel Madelénat) et de trois articles3(*) (« Épopée et identité : exemples africains »  de Christiane Seydou, « Notes sur les procédés poétiques dans la littérature des Peuls du Foûta-Djalon » de Alfâ Ibrâhîm Sow et « Mode d'expression poétique et stratification sociale dans l'État théocratique du Fouta Djallon » de Alpha Ousmane Barry).

Enfin, dans la troisième partie, nous faisons le compte rendu des séminaires, d'une part, et présentons nos différents exposés, d'autre part.

PROBLMÉATIQUE ET ORIENTATION DE LA THESE.

Notre problématique de recherche tourne autour de l'analyse de l'épopée et de la poétique de l'épopée. On se demande, entre autres, comment le griot, en composant son récit, établit un découpage thématique et des procédés mnémotechniques à partir des intermèdes musicaux et des séquences textuelles nettement identifiables à travers le récit. Quel traitement l'épopée fait-elle des genres comme l'histoire, le mythe, la généalogie, les chants guerriers, la devise, etc. ?

Comment, dans une oeuvre qui se veut avant tout l'expression de l'identité du groupe social, apparaît la perception de l'autre ? Quelle est l'idéologie qui sous-tend une telle perception ? Quelle est la place et le rôle sinon des religions, du moins des divinités dans une guerre religieuse ? Comment sont les caractéristiques esthétiques du récit, et comment analyse-t-on les personnages ? Comment les uns et les autres se sont-ils préparés pour cette ultime confrontation, et quelles en sont les batailles symboliques ? Pourquoi, enfin, dans un récit épique dont le nerf de la guerre est l'âme humaine, ne meurt-on pas physiquement ?

Voilà en somme les différents volets de notre problématique.

Cette problématique s'appuie sur une démarche qui consiste, comme on le voit, à embrasser le récit dans ses différents contours, l'objectif étant de le décrypter entièrement et de le rendre plus intelligible non seulement aux lecteurs peuls, mais surtout aux non peuls.

En outre, nous devons signaler que notre thèse pourrait aussi prendre une autre perspective ou orientation. En effet, au lieu de s'intéresser uniquement à l'épopée, il nous semble tout aussi intéressant d'étendre notre étude à un domaine plus vaste comme celui des traditions orales du Foûta-Djalon.

Un sujet sur les traditions orales serait intéressant à plus d'un titre parce qu'une telle approche prendra en charge non seulement le récit dont on vient de décliner la problématique, mais aussi et surtout d'autres genres comme le conte, le mythe, la légende, etc. L'avantage de cette étude est de nous permettre de déployer nos ailes sur un terrain plus vaste tout en restant dans la voie balisée par notre Maîtrise.

Cette éventuelle orientation, qui est en état de conception et de murissement, nécessitera des enquêtes sur le terrain, et donc un contact plus direct et plus fructueux avec les réalités de la littérature orale.

PLAN DÉTAILLÉ DE LA THÈSE.

SUJET : ÉTUDE DE L'ÉPOPÉE D'ABDOUL RAHMÂNE DU FOÛTA-DJALON.

INTRODUCTION

PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION

I-BRÈVE PRÉSENTATION DES RÉGIONS DU FOÛTA-DJALON ET DU NGÂBOU.

1) Le Foûta-Djalon.

2) Le Ngâbou.

3) Cartes.

DEUXIÈME PARTIE : CORPUS

I- La version peule (du griot Farba Ibrâhîma Ndiâla) : Alfâ Abdoul Rahmâne Koyin du Foûta-Djalon.

II- La version mandingue (du griot Sana Kouyaté) : Tourouba? Kansala (la fin du monde animiste).

TROISIÈME PARTIE : ANALYSE ETHNO-LITTÉRAIRE

I- LA QUESTION DE L'IDENTITÉ ET DE L'ALTÉRITÉ.

1) L'épopée comme expression de l'identité « nationale ».

2) L'épopée ou la perception négative de l'autre (l'opposition idéologique : Peuls vs Païens).

3) L'Islam contre l'Animisme, ou la guerre des divinités.

II- L'ÉPOPÉE OU LA CONFLUENCE DES GENRES.

1) Épopée et histoire.

2) Épopée et mythe.

3) Épopée et généalogie.

4) Épopée et chants guerriers.

QUATRIÈME PARTIE : ANALYSE LITTÉRAIRE

I- COMPOSITION ET STRUCTURE DES DEUX RÉCITS.

1) Découpage thématique.

2) Structures narratives et procédés mnémotechniques.

3) Étude du temps et des intermèdes.

II- ANALYSE STYLISTIQUE.

1) La ou les langues des récits.

2) Les procédés rhétoriques.

3) Les motifs.

4) L'intertextualité :

La généalogie des Diallôbé, le Laqya, le Coran, l'intronisation des Almâmy

III- ÉTUDE DES PERSONNAGES.

-Personnages principaux :

1) Héros-adjuvants-antihéros.

2) Griots.

-Personnages secondaires :

1) Les Cheikhs ou les doctes et les muezzins.

2) Almâmy Oumar et Alfâ Ibrâhîma de Labé.

IV- LA GUERRE.

I- Les préparatifs :

1) Le Foûta-Djalon : De la retraite mystique à l'intervention divine.

2) Le Ngâbou : Des idoles à la reddition de Dianké Wâli.

II- Les batailles symboliques ou les guerres dans la guerre.

1) L'imberbe garçon contre l'Almâmy du Foûta.

2) Quand le petit-fils venge le grand-père : l'épopée comme expression de vengeance.

3) La mort.

CONCLUSION.

EXPLICATION DU PLAN.

Dans la première partie Présentation, il s'agira de planter le décor géographique, social et historique du Foûta-Djalon et du Ngâbou en y adjoignant des cartes à l'appui en guise de présentation. L'objectif de cette partie est de mettre en évidence les aspects sociaux, culturels, religieux de la société des Peuls du Foûta-Djalon et des Mandingues du Ngâbou. L'analyse qui sera menée ici pourra donner une lecture critique du traitement que le griot fait de ces différents aspects dans le récit.

La deuxième partie, elle, sera uniquement consacrée à l'établissement du corpus.

Ensuite, dans la troisième partie, on procèdera à une analyse qui sera à la fois ethnique et littéraire, une analyse qui éclaire le récit par le biais de la culture et de l'herméneutique littéraire. Les thèmes de l'identité, de l'altérité, de la guerre, de l'épopée comme genre pluridimensionnel... seront les principaux centres d'intérêt. On se demandera, par exemple, comment l'épopée en tant qu'autocélébration prend-t-elle en charge les deux communautés en conflit. Ceci mettra l'accent sur l'éternelle discrimination de l'autre ; discrimination qui est inhérente au genre épique même.

Par ailleurs, dans le chapitre intitulé L'épopée ou la confluence des genres nous nous demanderons comment le récit manie-t-il les genres comme l'histoire, le mythe, la généalogie, pour les intégrer en son sein et, à partir de cet traitement, quelle est la ligne de démarcation qui existe entre ces genres. L'accent sera mis plus particulièrement sur l'opposition religieuse qui émane de l'opposition identitaire, idéologique, et portera sur les relations Peuls/Païens, Islam/Animisme.

Enfin, dans la quatrième partie, Analyse littéraire, la réflexion portera sur l'analyse du récit du point de vue de sa composition, de sa progression thématique, de ses caractéristiques esthétiques et stylistiques, les caractères, les fonctions et les attributs des personnages. L'examen des intermèdes musicaux, leurs fonctions, les transitions et les motifs montreront l'originalité du griot.

À travers la composition et la structure du récit, on ferra ressortir les structures narratives et les procédés mnémotechniques, et dans l'Intertextualité, on se focalisera sur les textes d'autres auteurs qui traversent le récit comme la généalogie des Diallobé du Labé, l'air musical appelé Laqya, les passages du Coran, le texte d'intronisation des Almâmy du Foûta-Djalon.

CARTES

I. SITUATION GÉOGRAPHIQUE

DU FOÛTA-DJALON ET DU NGÂBOU

D'après Gilbert Vieillard, « Notes sur les Peuls du Foûta-Djallon », Bulletin de l'Institut Français d'Afrique Noire, n°1-2, Janvier, Avril 1940, tome 2, Paris, Larose, pp. 87-210, cartes 1.

II. ORGANISATION TERRITORIALE DU FOÛTA THEOCRATIQUE

D'après Gilbert Vieillard, « Notes sur les Peuls du Foûta-Djallon », Bulletin de l'Institut Français d'Afrique Noire, n°1-2, Janvier, Avril 1940, tome 2, Paris, Larose, pp. 87-210, cartes 3.

III. ORGANISATION TERRITORIALE DU ROYAUME DU NGÂBOU

D'après D. T. Niane dans Histoire des Mandingues de l'Ouest, Paris, Khartala, Arsan, 1989, p. 4.

-Ee Farba Abbaasi,

Miin, Farba Ibraahiima Njaala

Mi?o joo?ii Mombema

Ka Mista Jaabi Koyi?.

5 O wii4(*) himo faalaa yo mi yeewtu mo ko mo nanata;

Himo faalaa yo mi yeewtu mo ko o anndi.

- Naam.

Intermède.

-Himo faalaa

Taariika Fuuta Jaloo o?,

10 Ka hunnduko a?, miin, Faarba Njaala.

-Naam.

Intermède.

-A yi'i5(*) nde ?a yeeya ka??e maa,

Yeeyu anndu?o.

-Naam.

15 -Sa yeeyii mo anndaa

-Naam.

-Ko o lamdoto ma,

Si yonay keri maa teenirde.

Intermède.

- Eyyo.

-Eh ! Farba Abâssi6(*),

Moi, Farba Ibrâhîma Ndiâla,

Je suis assis à Mombema,

Chez l'honorable7(*) Diâby de Koyin.

5 Il dit qu'il veut que je lui parle de ce qu'il veut entendre;

Il veut que je lui parle de ce qu'il connaît.

-Oui8(*).

Intermède9(*).

-Il veut connaître

L'histoire du Foûta-Djalon,

10 À travers ma parole, moi Farba Ndiâla.

-Oui.

Intermède.

-Comme tu le sais, lorsque tu vends ton or,

Vends-le à quelqu'un qui en connaît la valeur.

-Oui.

15 -Si tu le vends à quelqu'un qui n'en connaît pas la valeur,

-Oui.

-Ce qu'il te demandera,

C'est si avec cet or on peut faire une houe ou un coupe-coupe

Intermède.

-Oui.

20 - Ayi'i kappe e ka??e,

Fow no asee e leydi.

- Naam

- Kono yo ne??o yo joo?o jentoo ka ho?ataa,

Tawa fow fotataa

25 E keccu.

- Eyyo.

Intermède.

- Mi?o yeewtude mo ?oo no Almaami Umaru

Hai?ri e Timmbo.

Mi?o yeewtude mo ?oo no Almaami Umaru

30 Ha?iri e Fuuta Jaloo.

- Naam.

- Ka?ko Almaami Umaru mo Almaami Abdul

-Naam.

-Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

35 Mo Almaami Sori

O ha?u e Fuuta

Ley?e cappan?e tati e ley?e tati.

- Naam.

- Almaami Umaru mo Almaami Abdul

40 Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

Mo Almaami Sori,

Ko Ka?ko wiyetee

Taara Nuuhu Sih e Maaliki Sih

-Eyyo.

45 -Nuuhu Sih ko ?e Almaami Sori

Baaya Sih ko ?e Baa Demmba

Taanu Fooduye Seeri e Fooduye Seydi.

-Naam.

Mo Jaasaano ko yaltuno e Kade.

20 -Car l'igname et l'or

Tout se déterre de la terre.

-Oui.

-Que les hommes s'asseyent donc et écoutent [ce récit et] ce que tu joues,

Pour qu'ils se rendent compte que tous les hommes ne se valent pas

25 À la fleur de leur âge!

-Oui.

Intermède.

-Je lui dis, ici, comment Almâmy10(*) Oumar

S'est illustré à Timbo.

Je lui dis, ici, comment Almâmy Oumar

30 S'est illustré au Foûta-Djalon.

-Oui.

-Lui, Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

-Oui.

-Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

35 Fils d'Almâmy Sory,

Il s'est illustré au Foûta

Contre trente-trois pays.

-Oui.

-Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

40 Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

Fils d'Almâmy Sory,

C'est lui qu'on appelle11(*)

Târa Noûhou Sy et Mâliki Sy.

-Oui.

45 -Noûhou Sy est de Almâmy Sory;

Bâya Sy est de Bah Demba.

Tânou Fôdouyé Sêry et Fôdouyé Seydi.

-Oui.

-Le fils de Kadé [Almâmy Oumar] ne fut en rien inférieur12(*) à ses ancêtres..

50 -Naam.

Intermède.

-Ka?ko Almaami Umaru mo Almaami Abdul

Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

Mo Almaami Sori

O na?i konu makko e Bokeeto

55 Konu Almaami Umaru boni.

-Naam.

-Ee miin haalan ma

Almaami Saamori o ha?idii e Porto

Duu?i sappo e jeetati,

60 Kono ko Ja?kee Waali Turuba?

No ?uri mo jogaade doole

-Eyyo

-Miin haalan maa!

Bukari Tammbaa no jogii doole,

65 Ko ayku Uamaru Tooroo?o

Ka?ko e toraare Alla makko

Nanngi Bukari Tammbaa,

Kono Ja?kee Waali no ?uri mo jogaade doole.

-Eyyo.

70 -Almaami Umaru mo Almaami Abdul

Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

O na?i konu makko e Turuba?,

Konu Almaami Umaru boni.

-Eyyo.

75 -Hari wa?tii Ja?kee Waali

Iwde e nder leydi Turuba? ndi?

Ara nannga Ful?e Fuuta ?e? e nder Fuuta Jaloo

Ee o na?a o yeeyoya

Go??un ?u? o yaha

80 O ta?a ko'e muu?u?

O wa?a ka mbeembal13(*) makko yiite

Himo joggii biiniiri o tu?a ?o?,

Si wonii nebban ?a? sintii,

Ko ?u? ka?ko e ?eyngu makko ?e wujotoo.

50 -Oui.

Intermède.

Lui, Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

Fils d'Almâmy Sory,

Il envoya son armée à Bokêto,

55 L'armée d'Almâmy Oumar fut défaite.

-Oui.

-Eh! C'est moi qui te le dis!

Almâmy Sâmory s'est battu contre les Blancs

Dix-huit années durant,

60 Mais Dianké Wâli de Tourouban14(*)

Est plus puissant que lui.

-Oui.

-C'est moi qui te le dis!

Boukari Tamba est puissant,

65 Mais c'est Cheikh Oumar de la lignée des Torôbhé,

Qui, grâce à ses prières à Allah,

Arrêta Boukari Tamba,

Mais Dianké Wâli est plus puissant que lui.

-Oui.

70 Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ.

Il envoya son armée à Tourouban15(*),

L'armée d'Almâmy Oumar fut défaite.

-Oui.

75 -Il fut un temps où Dianké Wâli

Avait pris l'habitude de quitter le territoire du Tourouban.

Il venait ravir des Peuls du Foûta, au Foûta-Djalon,

Et il allait les vendre.

Certains d'entre eux, lorsqu'il rentrait [à Tourouban],

80 Il leur tranchait les têtes

Et il les mettait dans son four conçu pour produire de la graisse.

Il plaçait une bouteille en dessous,

Et de la graisse qui en suintait,

Lui et sa femme, ils s'en enduisaient [le corps et les cheveux].

85 -Naam.

-Yiili Almaami Umaru mo Almaami Abdul

O na?i konu makko e Turuba?

Ee o? tuma konu makko kadi boni

-Naam.

90 -Ko Almaami yahduno o? tuma foppu muu?u?

Ka?ko Ja?kee Waali o wa?tini ka asfin maa kuulin16(*).

-Naam

-O wa?ta henndaade

Ko'e Ful?e Fuuta ?ee,

95 O wa?a ?oggi o wennga e ?aawo tataaji makko ndi?.

Kala ka yaltir-?aa e leydi Turuba? ndi?

A yi'ay hoore Pullo Fuuta no leyleyta.

-Naam.

Intermède.

Ee Ka?ko Almaami Umaru, o joo?ii, o miijii17(*),

100 O tawi o ha?idii e ley?e cappan?e tati e ley?e tati,

Ko Ka?ko Almaami Umaru fooli.

O tawi Ja?kee Waali

Faalaama mo bonnitande e Fuuta Jaloo.

Tawi le ?u? wanaa ko gasata.

105 -Eyyo.

Ko o? tuma ka?ko Almaami o seeni Dale?.

O tawi aykuujo o? Dale?.

O holli aykuujo o? Dale?.

O wi'i : «Mi?o faalaa ya torano la?

110 Rabbul sammawaati wa maa fi larli o?

Fii Ja?kee Waali Turuba?.

O tampinii Ful?e Fuuta ?e?».

Intermède.

Ka?ko Almaami Umaru, ?aa wonii o holli ?u? aykuujo o?,

aykuujo o? maaki : «Ee awa en ndaaray Alla».

115 Ko nde? ñannde ka?ko aykuujo o? o yee?i sookeeje makko

E Rabbul sammawaati wa maa fi larli

Haa Allaahu lam?o on newnani mo;

Sabu hakkunde makko e Alla

Ko ridoo.

85 -Oui.

-Ensuite, Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Il envoya son armée à Tourouban :

Son armée fut encore défaite.

-Oui.

90 -Tous ceux avec lesquels Almâmy Oumar était parti,

Dianké Wâli les rendit commes des feuilles dévorées par les termites18(*).

-Oui.

-Il avait l'habitude de prendre

Les têtes de ces Peuls du Foûta,

95 Qu'il suspendait à l'extérieur de sa forteresse.

Ainsi d'où qu'on venait du pays de Tourouban,

On voyait ces têtes des Peuls du Foûta se pendiller.

-Oui.

Intermède.

-Après, Almâmy Oumar, lui, il s'assit, il réfléchit

100 Et il trouva que, s'être battu contre trente-trois pays,

C'est toujours lui, Almâmy Oumar qui a vaincu.

Mais il trouva que Dianké Wâli

Voulait remettre en question son invincibilité au Foûta-Djalon

Alors que cela n'était pas possible!

105 -Oui.

-C'est alors que l'Almâmy partit à Dalen.

Il y trouva le cheikh19(*) de Dalen.

Il parla au cheikh de Dalen.

Il lui dit : « Je veux que tu implores pour moi

110 Le Seigneur des Cieux et de la Terre20(*),

Contre Dianké Wâli de Tourouban.

Il a fatigué les Peuls du Foûta ».

Intermède.

Quand Almâmy Oumar a consulté le docte

Le docte lui répondit : « D'accord, nous nous en remettrons à Allah ».

115 C'est ce jour-là que le cheikh implora

Le Seigneur des Cieux et de la Terre21(*)

Jusqu'à ce qu'Allah, le Souverain, l'exauçât

Car, grâce à sa piété, il n'y a entre Allah et lui

Qu'un infime voile22(*).

120 O noddi Almaami Timmbo o maaki :

«Almaami, fewndo ?oo,

Saa moo?ii konu maa e Fuuta,

Fewndo ?oo saa yahii e leydi Ngaabu ndi? tu?

Alla okkete poolal.

125 Haøaa Ja?kee Waali».

-Naam.

Intermède.

-Ko nde? ñannde ka?ko Ja?kee Waali

Ka?ko kadi o moolii e sanamuuru makko ndu?.

O yi'i ko Ful?e Fuuta ?e?

130 Golli mo ko? fow.

Ee o ka?kiti jalee?e.

Ko nde? ñannde Tuura Saane noddi mo landii :

«Ee Ja?kee Waali ko hon ?u? jalataa?»

O wi»i : «Aa! ?ee Ful?e Fuuta no faala arde ka a? gaa».

135 O wi'i : «?e moolike aykuujo ma??e o?».

O wi'i : «Kam?e fow e ko ?e moolii, fow muu?u?,

Mi yii ?e ka nder sanamuuru a? ?oo».

Hakkee ko ka?ko Ja?kee Waali ko o yawitii Ful?e Fuuta ?e?,

?aa o anndii Almaami Umaru no faalaa moo?de konu

140 Arana mo e nder Turuba?

O? tuma, o hendii njaareendi,

O loowi e tuuba makko mba? haa mba heewi

O joo?tii e hoore muu?u?, o wi'i

Ta Fuuta Jaloo ar

145 Tawa mo wonde ma ee, hay so o immike, wona o dogii.

Yo Alla danndu mo o dogude Pullo Fuuta

Ñaamoowo putee e jaabere.

Ee, ko wi'aynoo Pullo Fuuta :

Ko puloolu jaabere damoraa : ko pullo ñaamoowo jaabere.

150 Ayi'i Turuba? ko e haala mandi?koore ma??e.

?e wii hakkee ko sa?ti

Saa hewtii ?o? a? kala e njoo?a maa

Haray fii muu?u? lannii.

Ko ?u? Mandi?koo ?e? wi'i :

120 [Après avoir imploré Allah], il appela l'Almâmy de Timbo

Et lui dit : « Almâmy, en ce moment,

Si tu lèves tes armées au Foûta-Djalon,

En ce moment, si seulement tu vas au pays du Ngâbou23(*),

Allah t'offrira la victoire :

125 Tu vaincras Dianké Wâli ».

-Oui.

Intermède.

-Ensuite, c'est ce jour-là que Dianké Wâli,

Lui aussi, implora son idole.

Il vit tout ce que les Peuls du Foûta

130 Avaient intrigué contre lui.

Alors il éclata de rire.

Ce jour-là, Toûra Sâné l'interpella et lui demanda :

« Eh! Dianké Wâli, qu'est-ce qui te fait rire? »

Il lui répondit : « Ah! Ces Peuls du Foûta veulent venir chez moi, ici ».

135 Il dit : « Ils ont imploré leur Cheikh

Eux tous et tous ceux qu'ils ont implorés,

Tous ensemble, je les ai vus grâce à mon idole qui se trouve ici ».

Dianké Wâli sous-estimait tant les Peuls du Foûta,

Que lorsqu'il a su qu'Almâmy Oumar voulait lever des troupes

140 Pour venir l'attaquer à Tourouban,

Il prit alors du sable,

Il en emplit son pantalon jusqu'à ras-bord

Puis il s'y assit et dit [qu'il a fait cela]

Pour éviter que le Foûta-Djalon en arrivant

145 Le trouve débout et dise par conséquent qu'il est en train de fuir.

Puisse Allah le préserver de fuir devant un Peul du Foûta,

Qui mange de la patate et du taro24(*).

Il désignait les Peuls du Foûta par :

« Les Peuls qui mangent du taro ».

150 Tu sais, « Tourouban »  est un mot de leur parler mandinko.

On raconte que le pays, « Tourouban », est si dangereux

Que quand on y arrive avec ses provisions de voyage,

On s'expose à la mort.

Dans leur langue, les Mandingues expriment cela par

155 «Turoo banta».

Intermède.

-A nanii?

-Eyyo!

-Ko o? tuma ka?ko Almaami Umar o feewti Alfaa Ibraahiima,

Be? Alfaa Yaaya Labe

160 A yi'i yumma Alfaa Yaaya Labe ko e ngun konu woni ko o nanngaa

Kumanco ko ?i??o Ja?kee Waali Turuba?

Ko o? jibini Alfaa Yaaya Labe.

O? tuma Almaami Umar o noddi Alfaa Ibraahiima

Mo Alfaa Saaliwu o maaki : «Mi?o faalaa yaa jonnan

165 Feccere e Labe,

Ko koneeli a? Fuuta Jaloo ka?i moo?oo»

Ko nde? ñannde Alfaa Ibraahiima o maaki :

«Almaami Fuuta Jaloo

Ko e sooke25(*) mon woni.

170 Si ?a faalaa mi jonnete Labe fow».

Ko nde? ñannde o fecci e feccere Labe.

O wi'i : «Ndaarii ?o si tawii yonay

Ka koneeli maa ?i? daako».

Saa nanii Daaka Labe,

175 -Naam.

-Ee kaka o maakunoo ?o?

Ndaarii si tawii ?oo yonay

Ka koneeli moo?on ko daako,

Ko nii luttiri wi'aa Daaka Labe».

180 -Eyyo.

Intermède.

-Ko nde? ñannde ka?ko Almaami Umar, ee o maaki :

«Haa! Alfaa Ibraahiima

?oo yonay ka koneeli Fuuta Jaloo ka ?i daako».

Ko nde? ñannde muu?u?

155 « Touro banta 26(*)», c'est-à-dire pays des malheurs.

Intermède.

-M'écoutes-tu?

-Oui !

-C'est alors qu'Almâmy Oumar regarda Alfâ27(*) Ibrâhîma,

Le père d'Aflâ Yâya de Labé.

160 Tu sais que la mère d'Alfâ Yâya de Labé a été capturée pendant cette guerre-là :

Koumantio [la mère d'Alfâ Yâya] est une fille de Dianké Wâli.

C'est elle qui engendra Alfâ Yâya de Labé.

Alors, Almâmy Oumar interpella Alfâ Ibrâhîma,

Le fils d'Alfâ Sâliou, et lui dit : « Je veux que tu me donnes

165 Une moitié de Labé comme lieu de campement

Pour les troupes du Foûta-Djalon ».

C'est ce jour-là qu'Alfâ Ibrâhîma dit :

« Almâmy du Foûta-Djalon,

Cela se trouve entre vos mains28(*).

170 Si tu veux, je te cède tout le Labé ».

C'est ce jour-là qu'il divisa en deux parties le Labé.

Il dit : « Regarde ici, si ce lieu est assez vaste

Pour permettre à tes troupes d'y camper »,

Si tu entends l'expression Dâka Labé,

175 -Oui.

-Eh bien, c'est depuis ce jour où il a dit :

« Regarde ici, si ce lieu est assez vaste

Pour permettre à tes troupes d'y camper ».

Voilà comment le nom Dâka Labé29(*) est né.

180 -Oui.

Intermède.

-Alors, ce jour-là, Almâmy Oumar dit :

« Ah! Alfâ Ibrâhîma,

Ce lieu peut contenir les armées du Foûta-Djalon ».

C'est ce jour-là

185 Almaami Umaru mo Almaami Abdul

Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

Mo Almaami sori,

Ko ka?ko wi'etee :

Tooñataa yaafataako.

190 Leeter makko yahi e Ceerno mo Kaala.

Mo jaasaano ko funtunoo e Dalaba.

E Ceerno mo Kaala naati e Labe, nootii Almaami Umaru

Noddaandu makko e Labe.

-Naam.

195 -Almaami Umaru mo Almaami Abdul

Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

Ko ka?ko wi'etee :

Tooñataa yaafataako.

Ee! o nuli miin haalan ma

200 E Fugummbaa

-Naam.

-Tawi e Alfaa Irayma30(*) Fugummbaa, niimata Seeriyaa?e.

Konu yalti e Fugummbaa nootii Almaami e Labe.

-Naam.

205 -Ka?ko Almaami Umar mo Almaami Abdul

Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

Mo Almaami Sori

Ko ka?ko wi'etee :

Tooñataa yaafataako.

210 Leeter makko yottoyii e Ceerno Suleymaana mo Timmbi Tunni

Mo jaasaano ko yaltunoo e Coro.

Miin haalan ma

Konu yalti e Timmbi naati e Labe.

-Eyyo.

215 -Ee Almaami Umaru mo Almaami Abdul

Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

Mo Almaami Sori

Ka?ko wi'etee :

Tooñataa yaafataako.

185 Qu'Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ

Fils d'Almâmy Sory...

C'est lui qu'on appelle :

« Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas ».

190 Sa lettre parvint à l'érudit de Kâla,

Qui ne fut en rien inférieur [à ses ancêtres et] qui apparut à Dalaba.

L'érudit de Kâla entra dans Labé pour répondre à d'Almâmy Oumar.

Il répondit à son appel à Labé.

-Oui.

195 -Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

C'est lui qu'on appelle :

« Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas ».

Alors, il envoya un message, c'est moi qui te le dis,

200 À Fougoumbâ

-Oui.

Le message parvint à Alfâ Irayma de Fougoumbâ, la perle des Sêriyâbhé.

Une armée sortit de Fougoumbâ et répondit à l'appel de l'Almâmy à Labé.

-Oui.

205 -Almâmy Oumar, lui, fils d'Almâmy Abdoul

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ

Fils d'Almâmy Sory.

C'est lui qu'on appelle :

« Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas ».

210 Sa lettre parvint à Tierno31(*) Souleymane de Timbi Tounni32(*)

Qui ne fut en rien inférieur [à ses ancêtres et] qui apparut à Tioro.

C'est moi qui te le dis!

Une armée sortit de Timbi, entra dans Labé pour répondre à l'Almâmy.

-Oui.

215 -Ensuite, Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

Fils de Almâmy Sory,

C'est lui qu'on appelle :

« Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas ».

220 Leeter makko hewti e Maasi

Tawi Ceerno Abdul Rahmaani mo Maasi

Mo jaasaano ko yaltunoo hakkunde Guugu e Yeraa.

Konu yalti e Maasi

Nootii Almaami e Labe.

225 -Naam.

-Almaami Umar mo Almaami Abdul

Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

Mo Almaami Sori

Ka?ko wi'etee :

230 Toooñataa yaafataako

Leeter makko yahi e Keebu

Tawoyi Modulla Boobo ka?ko jibini Ceerno Foodu

Ceerno Foodu Jibini Alfaa Ibraahiima Kaala

Mo Iloo mo Yala

235 Mo Jaaja mo Jaati Sammba.

Konu yalti e Keebu naati nootii Almaami Labe.

Intermède.

Almaami Umar mo Almaami Abdul,

Mo Baa Demmba mo Karamoko Alfaa

Mo Almaami Sori

240 Leeter makko hewtoyi e Sigon, e Ceerno mo Sigon

Konu makko yalti e Sigon naati e Labe

Nootii noddaandu Almaami e Labe.

Intermède.

Almaami Umaru mo Almaami Abdul

Mo Baa Demba mo Karamoko Alfaa

245 Mo Almaami Sori,

Miin haalan ma,

Leeter makko yottoyii e Buruuji e Ceerno mo Buruuji

Konu makko yalti e Buruuji

- Naam

250 - Nootii Almaami e Labe.

- Naam.

-Almaami Umaru mo Almaami Abdul

Mo Baa Demmba, mo Karamoko Alfaa

Mo Almaami Sori,

220 Sa lettre arriva à Mâci.

Elle y trouva Tierno Abdoul Rahmâne de Mâci,

Qui ne fut en rien inférieur [à ses ancêtres et] qui apparut entre Goûgou et Yerâ.

Une armée sortit de Mâci et entra dans Labé

Pour répondre à l'appel de l'Almâmy.

225 -Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

Fils d'Almâmy Sory.

C'est lui qu'on appelle :

«Celui-qui-ne-provoque-pas-mais-qui-ne-pardonne-pas ».

230 Sa lettre partit à Kêbou.

Elle y trouva Mo Doulla Bôbo, c'est lui qui engendra Tierno Fôdou.

Tierno Fôdou engendra Alfâ Ibrâhîma Kâla,

Fils de Ilô, fils de Yala,

Fils de Diâdia, fils de Samba, l'Aïeul.

235 Une armée sortit de Kêbou et entra dans Labé

Pour répondre à l'appel de l'Almâmy.

Intermède.

Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

Fils d'Almâmy Sory,

240 Sa lettre parvint à Sigon, au docte de Sigon.

Une armée sortit de Sigon et entra dans Labé

Pour répondre à l'appel de l'Almâmy.

Intermède.

Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

245 Fils d'Almâmy Sory,

C'est moi qui te le dis!

Sa lettre parvint à Bouroûdji au docte de Bouroûdji.

Une armée sortit de Bouroûdji et entra dans Labé

-Oui.

250 -Pour répondre à l'appel de l'Almâmy.

-Oui.

-Almâmy Oumar, fils d'Almâmy Abdoul,

Fils de Bah Demba, fils de Karamoko Alfâ,

Fils d'Almâmy Sory,

255 Miin haalan ma!

Leeter makko yottoyii e Koyi?

Tawi ayku Saaliwu Ballaa mo Koyi?

Ka?ko jibini Ceerno Ibraahiima

Ceerno Ibraahiima jibini Alfaa Abdul Rahmaani Koyi?

260 Ko jaasaano ko yaltunoo Aynde Ballaa.

-Naam.

Intermède.

-Ee, ?aa wonii leeter Almaami

Yottike e Koyi?

Almaami, ee,...

265 O? tuma, ka?ko ayku Saaliwu Ballaa janngi leeter Almaami Timmbo.

O nodditi Demmbuu?e Koyi?

O nodditi Kulunnankee?e Sempi

O nodditi Kulunnakee?e Ballaa.

-Naam.

270 -O wi'i : «Almaami Timmbo torike e? ?oo faabo.

Himo fokkiti Turuba?

Himo torii konu e Koyi? ko faaboo mo e Turuba?».

-Eyyo.

Intermède.

Ko nde? ñannde ka?ko aykuujo o? o maaki :

275 «E hoore ko Almaami o? Timmbo nuli e mee?e? koo,

Kono mi anndii teddungal yaltay woni e Koyi?».

?e maaki : «Aa ayku !»

?e wi'i : «ko honno teddungal yaltirta e Koyi??»

Woo : «E nder Koyi? hannde

280 Mi maraa ko faaboyoo Almaami Timmbo

Mi maraa ee! mo mi inna ?oo mi?o jonnude konu

Ko faaboyoo Almaami Timmbo e Labe».

O maaki : «Jaka mi anndii Koyi?,

Teddungal yaltay woni Koyi?».

285 -Naam.

-Ko nde? ñannde

Taalibaa?een33(*) ?e wi'i : «Haa!»

?ee wi'i : «Huunde fow ko muy?e Alla».

?e naati kalwa34(*),

255 C'est moi qui te le dis!

Sa lettre parvint à Koyin.

Elle y trouva Cheikh35(*) Sâliou Ballah de Koyin.

C'est lui qui engendra Tierno Ibrâhîma.

Tierno Ibrâhîma engendra Alfâ Abdoul Rahmâne de Koyin,

260 Qui ne fut en rien inférieur [à ses ancêtres et] qui apparut dans la vallée de [Ballah.

-Oui

Intermède.

-Et après que la lettre de l'Almâmy

Fut parvenue à Koyin,

L'Almâmy, euh!...

265 Alors, Cheikh Sâliou Ballah lut sa lettre.

Il convoqua les Demboûbhé de Koyin.

Il convoqua les Demboûbhé de Sempi.

Il convoqua les Koulounankêbhé de Ballah.

-Oui.

270 -Il dit : « L'Almâmy de Timbo sollicite notre aide de l'aide.

Il s'apprête à aller à la guerre d'extermination des Mandingues.

Il quémande des troupes à Koyin pour le secourir dans cette guerre ».

-Oui.

Intermède.

-C'est, ce jour-là que le docte [Cheikh Sâliou Ballah] dit :

275 « À propos de la demande que l'Almâmy de Timbo nous a adressée,

Je sais donc que l'honneur est sur le point de sortir de Koyin ».

L'assemblée lui dit : « Oh! Cheikh! »

Elle reprit : « Comment l'honneur sortira-t-il de Koyin? »

Il répondit : « À Koyin, aujourd'hui,

280 Je n'ai pas quelqu'un à envoyer pour aller secourir l'Almâmy de Timbo;

Je n'ai pas hélas! quelqu'un ici à qui confier les troupes

Pour aller secourir le souverain de Timbo à Labé ».

Il dit : « Je sais donc, ô Assemblée de Koyin!

Que l'honneur est sur le point de quitter Koyin ».

285 -Oui.

-C'est ce jour-là

Que les doctes dirent : « Ah! »

Ils dirent : « De toute chose Allah est le Souverain décréteur ».

Ils entrèrent dans une retraite mystique.

290 ?e fewti Rabbul samaawaati wa larli

Haa Allaahu lam?o o? holli ?e

Ko hollata ?e kon.

Allaahu lam?o on holli ?e

Wonde ma teddungal waawa yaltude e Koyi?.

Intermède.

295 -Naam.

-Ee o? tuma...

-Naam.

-?aa wonii ?e naati kalwa, ?e yaltii,

?e noddi aykuujo o? ?e maaki :

300 «Menen, me? yi'aali dey teddungal

Yaltude e Koyi?, a? ayku!»

?e wi'i : «Kono ko ho? ?u? Alla

Holli men e nder kalwa amen o??»

Woo :«Ko ho? ?u? woni ko Allaahu lam?o o? holli meen, an aykuujo o??

305 Ko yaa nodditu ge?al?e maa ?e?,

Defanaa ?e ñiiri

?etaa kural ukkaa ka hakkunde ñiiri

Nodditaa ge?al?e maa ?e? wi'aa yo ?e joo?o ?e ñaama.

Kala ?i??o maa hawrodir?o e kural ngal,

310 Ko o? ?o? tawetee e jihaadi ndin Turuba?».

-Goonga!

Intermède.

-Ko nde? ñannde ka?ko aykuujo o?...

Ee laati o yeddaali.

O moo?ti ge?al?e makko ?e?.

315 Ñiiri defaa.

Kural ?a?aa wa?aa ka hakkunde ñiiri

Maafe o? hibbaa e hoore mu'u?.

O nodditi ge?al?e makko ?e? fow.

Miin haalan maa

320 Koyi? no renndi.

Ee ?e joo?ii ka mbatirdu aykuujo o?

?e ñaami ñiiri ndi?.

Kono hay gooto e ma??e hoy?aali wonde ma

Go??u? no e nder ndii ñiiri.

325 -Naam.

Intermède.

-Ko nde? ñannde muu?u?...

-Eyyo.

-?aa wonii ge?al?e makko ?e?, huu?ii ñiiri ndi?

?e ñaami wa?todude e taaniraawo makko o? Alfaa Abdul Rahmaani Koyi?

290 Ils implorèrent le Seigneur des Cieux et de la Terre

Jusqu'à ce qu'Allah, le Souverain,

Leur montrât ce qu'Il devait leur montrer.

Allah, le Souverain, leur montra alors

Que l'honneur ne pouvait pas sortir de Koyin.

295 -Oui.

Intermède.

-Eh! en ce temps-là...

-Oui.

-Après qu'ils furent entrés dans une retraite mystique, qu'ils en furent sortis,

Ils appelèrent le docte et lui dirent :

300 « Certes, nous, nous n'avons pas vu

L'honneur sortir de Koyin ».

Ils dirent : « Mais, qu'est-ce que Allah

Nous a montré au cours de notre retraite mystique? »

Ils dirent : « Qu'est-ce que Allah, le Souverain, nous a révélé ? »

305 Ils renchérirent en disant : « Il faut réunir tes fils,

Leur préparer un plat,

Prendre une balle et l'introduire au milieu du plat;

Convoquer après tes fils et leur dire de s'asseoir et de manger.

N'importe lequel de tes fils qui trouvera alors la balle,

310 C'est celui-là qui doit participer au djihad à Tourouban ».

-C'est vrai!

Intermède.

-C'est ce jour-là que le docte...

Eh! il se trouve qu'il ne désapprouva pas [cet avis].

Il réunit ses fils.

315 On prépara un repas,

On chercha une balle et on l'enfouit au milieu du plat,

On versa la sauce dessus

Puis on appela tous ses fils.

C'est moi qui te le dis!

320 Toute la province de Koyin était réunie

Dans la grande case de conseil du docte.

Les fils de celui-ci commencèrent à manger le plat qui leur a été préparé,

Mais, personne d'entre eux ne soupçonnait

Que quelque chose était enfoui dans le plat.

325 -Oui.

Intermède.

-Ensuite, ce jour-là...

-Oui.

-Assis autour du plat, les fils du docte mangèrent le plat

En compagnie de son petit-fis, Abdoul Rahmâne de Koyin.

[...]

Turuba? Kansala, soninkeya la ba?o36(*)

Sana Kouyaté, bande n° 569 du RDD, NCAC, 1979.

Transcrit par Mamadou Tangara.

Biri? Mandankoolu borita, Ì taata bambu Fuuta le la.

Alimaame Bubakari naata naa leetaroo safe na? Janke Waali ye.

A ko a ye :  «Iye ñi? nu me? nu kelendi, ñi? nu mu Musimimoolu le ti. de ! Ima? ke kaafiroo ti.

Bari isi fere ke iye i la fe?olu dii i la. Kaatu ifela Ì borita, Ì naata nna bankoo ka? ja?».

Janke Waali ko :  «Nte du? ma? alo? ka a fo iye Manda kele. Bari kome? saayin? nna kanta

mansoolu le ye a ke, woto nte le ye a ke. Ali a fo a ye ko nte te wo ke la, nna kanta mansoolu

ye saatewo me? kele i ye a teyi i ye naafuloo me? soto jee, nte ?a wo kii Fuuta ».

A ye kuma sa?arabaa laa wo nooto, nte te ndaa te seyi wo ka?.

I ye alifaa ne? kumoo me? na, miskinoo buka seyi wo ka?.

Alimaame Bubakari ye a lo? keloo te bayila.

A ye I paree.

Sanjii saba a be I pareela.

Aye moroolu sifaa-wo-sifaa kili.

Fe?-wo-fe? ni? waliyoo le mu a ye akili.

I ko ate fa?o mu waliyoo le ti.

Fo tooñaa le mu foo tooñaa nte? Mma? alo?.

Aye atara ama? Kaabu muta noo.

A naata wolii kili? kili, Kulla.

A ye a tara dindi?o le mu. Bari a ye a tara wolii baa.

A ye a tara ama? sii kuloo ka? foloo fa?, bari a ye a tara a la woliyaa fintita.

A naata wo kili fo Timbo a ko :

«Nte de! Nlafita taala Kaabu, kataa Janke Waali ka?. Bari n?a akataa ñaa-woo-randi? ñaama

mma? Kaabu je noo kaatumoo to, akuwoo ye njaakali baake. Maluta ñi? diiwaani woro

wuloo bee ye a moyi ka a fo ko nte ko mbita nño? keke mansoo kamma, mma? n aa haañi taala

wo ye mmalu».

A ko a ye : «Dii!»

A ko : «Haa!»

A ko a ye : «Nsi nlaa nsi asita aarijumoo suuto, tene?o fana? n?a alsitakaari, juntoo ye naa

Kotente n?a alasitakaari. Ni? Alla ye kuuwo me? tandi na jee, nsi a fo i ye».

A ko : «Bisimilayi».

Jumoo naata a ye akuwo lasitakaari.

Alla ye kuwo me? itadi a la jee, aye a safe.

Tene?o naata, a ye akuwoo lasitakaari.

Alla ye me? itandi la jee a ye a safe.

Jumoo naata kotenke a ye akuwo lasitakaari.

Alla ye kuwoo me? itandi a la ye a safe.

Fanoo keta a taata mansa kewoo ka?, Alaji Bubakari.

A ko a ye ko isi ila kuntii?olu bee kili. Alla ye me? diinna n?a a fo a li ye.

I ye mansa tabuloo maa na?,

Ì benta.

A ko : « Alifaa Buraima!»

Wo le mu Alifaa Yaaya faama ti.

A keta wo le tiloo la.

Wolu le naata a keloo to.

Alifaa Buraima wole maabeeta akeloo to.

A ko aye : «Alla ye me? nu tandi nna, ni? suuto saboolu bee wole mu jumoo suutoo, ani?

Tene?o suutoo ani? jumoo suutoo kotenke :

§ Kaabu muuto kaatumoo to, duniyaa to fe?-fe? ne ma? feeyaa me? ye asii.

§ Janke Waali ni? a la moolu, mutoo kaatumoo to fe?-fe? ma? feeyaa me? ya asii.

§ Bari Janke Waali mutoo kaatumoo la, ani? Kaabu bankoo fe?-fe? ma? koleyaa

Kono me? ye wo sii.

Ì ye akumoo sindi ñooma.

Ì ye asindi Alimaama Bubakari ma.

A ko : «Eh ! Mma? a la kumoo moyi. A la a fo a ye aseyin ka? m ma? a la kumoo moyi».

A ko : «Nko Janke Waali mutoo katumoo la ani? a la moolu fe?-fe? ma? feeyaa me? ye wo

Sii duniyaa kono. Bari nko Kaabu bankoo wo mutoo kaatumoo la fe? kole? fanar, te duniyaa

Me? ye wo sii».

A ye a fo ko siñaa saba.

Alimaame Bubakari ko ama? a la kumoo moyi.

Alifaa Buraima ko a ye : « Nte ?a a la kumoo moyi le. Ni? mo oye kumoo fo i ye, I ka

añininka le».

I ko a ye saayi? n?e iñininka mune ye afeyaandi ani? mune akoleyaandi.

A ko : «Nlafita jee le la. Kaabu mutoo katumoo la moori-wo-moori ye wo fo i ye ama? ke

Annabiyoomoo ti, ama? ke Rasul ti, fo malayiko le ye a fo I ye ba?, ama? ke malayika ti. Alla

Fa?o ye me? yaamari a jiita na?, men kio i ye ko asi Kaabu muta noo kaatumoo la ama? ani?

Fuuta bee ke kaatumoo kilin? ti, amaari ye faniyaa le fo, wo le ye akoleyaandi. Afeeyaa dulaa

Mu wo dulaa doo ti, akoleyaa dulaa mu dulaa doo ti. Kaabu ibe Alimaame Bubakari ni? Janke

Waali bee le ku?o keka kaatum kili?, na ani? fe?-fe? abitaa la ani? a be me? tarala abee be

kela kaatume kilin? ne ti.

Aaah! Bari Alla ye me? tandi nna, nte ma? jo?olu je silo ka? de ! N?a jo?olu je le me? nu

bita laakira de!

Bari je?olu me? nu be bola Kaabu iminaa Fuuta jo?yaa la, Alla ma? wolu itandi nna. Wo le

ye akoleyaandi».

Ì ko : «Bisimilayi».

A ko : «Saayi? adookuwoo ke, Kaabu Tiramaka?o bee ye amoyi ko nte Alimaame Bubakari

ko mbitaa la Janke Waali ka?. Nni? n?a abaayi, Kaabu be si a fo ko silata, biri? ja? fo tiliboo

abee si a fo ko nsilata. Fuuta ñi? diiwaani worowuloo bee ye amoyi ko nte ko mbitaa Janke

Waali ka?, nte ma? na haañi nnaata wo silo baayi, Fuuta bee si afo nsilata le».

A ko a ye : «Nsi adookuwoo noo le, ni? isi njoo noo jo? keme la».

A ko a ye : «Ni? i ye adookuwoo ke nsi jo? ta? keme jo? ta? luulu.N?a ninsi keme laa aka? I la

maafe?o». 

A ye akuwoo dooku sanji kili? a be adookuwoo la.

Wo le keta Janke Waali mansayaa sanji muwa? ni? kili? ti.

A ye akuwoo dookuu sanji kili?, fo a ye ibandi.

A ye akuwoo duwaa fo a ye ibandi.

A ko a ye : «Saayi? ali bitaa sula wule?o ñini? la, sula wule?o ku? kili? taala wuloo kono

akendoo. Ate bu? na kidi l a, a te lapila doko la a te seyila fa? na. Akendoo, ali ye asamba na?.

Alimaame Bubakari feri?ta jo?olu ku? na.

Ini? sulawule? keme naata.

abee kendo.

Moroo ko I ye mbe sulari? ne la. Ì ye sula wule? ku? kili? taala juubee me? ku?o bee

daakaata fo ifunkulata bure?!

I ye safoo kara fataroo kono, i ye afandi iye julu koyoo siti a la. I ye asiti sula wule?o ka?o to.

A ko a ye : «Kansala! Taa fo Kansala».

A ye wule?o ye silabaa muta biri? Timbo fo Kansala.

A ye tatoolu fara fo banta? juwoo me? be loori? tatoolu teema.

A banta? juwoo ma? wara bake de! Ni? ama? faa, biri? ñi? keloo keta mma? taa Kaabu. Fo

saayi? asitara jee ba? mma? alo?.

Sula wule?o tataa sele wo banta?o le santo ka?. Kana? kataa sii saatewo teema, taata woro

wuloo be daame? to. Wo ni? Mu?ñini?o te kili? ti.

A ye añaa sura.

Ì ko : «La ilaa lahi! Fuuta la koritewo le mu ñi?. Ñi? be faala le, a li n?a a fa!»

Wo lu? I ye sula wule?o bu? kidoo la fo tiloo boyita moo la kesoo ma? ajolo?.

Adu? ama? jamfa santo.

Moo kili? be jee to, wo keta hakilimaa ti. Wo ko iye ko muna Ì te kiila kii la Kakumba ba?

Ya Musa ye.

Ì ye kiila kii Ya Musa ye.

Ya Musa naata.

Ì ko a ye : «Fuuta la koritewo le mu ñi? ti».

Ì ko : «Bari biri? kumu? mbe abu? hakiloo doyaata, a ko ni? hakili doyaa nte sulawule?o ye

silo muta na? biri? Fuuta fo a naata a dunta na? Kaabu Tiramaka?o ka? fo Kansala.

Ali namuna? wo bu? na kidoo la, safoo le be aka?o to

Moroolu bie a li bulu.

Ali sele ali ey sula wule?o jindi.

Ali ye safoo firi? aka?o to, n?a akara?.

Nni? a ye atara sula wule?o ñaata faala le. Asi faa.

Ni? ama? ña? faa la. Akana faa.

Ì ko hani.

Ñimu ka?o jaata le de ! Sooninkewo.

Ì ko fo iye afaa doro?.

A ko iye : «Ali kana a faa de».

Ì ko fo Ì ye a faa.

A ko iye : «Woto ali ma? ña? nna nkili la. Kaatu nte Mbembaa ni? Tiramaka? ne jiita ñoola

adu? wo buka asooso... Mmamaalu ñolu fana? tarata wo le to. Nfaalu fana? seyita wo le do.

Nte fana? ni? alitolu le be kafurri? Janke Waali tolota lu? me? na ntele ye apredi. Saayin? ni?

nte ko a li ye kuu me? na a li kanaa ake. Ali ko fo ali ye wo ke adu? ntolu le mu a li la moroo

ti, wo le ye atinna nko a li ye wo to ali ma? ña? na nkili la. Adu? ali ma? filii Kaabu loo ñala.

Kaabu ma? lo ntolu la kebaalu kooma kaatu itolu le jiita na? ñoola ja?.

Hani wo Ì ma? so?.

Tili woro wula Ì be sula wule?o bu?a suuto ni? tiloo.

Kese ma? amaa.

Ya Musa ko iye koni !

A ko : «Sooninkeyaa mu hakilint?yaa baa le ti. Ali fata sula wule?o ma ali sele ali ye

ajuubee, ali ye safee firi? aka?o to».

Ì ma? so?.

Ì ko fo Ì ye a faa doro?.

A ko iye : «Woto ali ma? ña? na nkilila de! Ni? ali ye alo? ali sinaa nsooso. Mu? diyaata ali

ye, ali ko ali be wo le ke la, wo to ali ma? ña? na nkili la».

A korita i la.

Tiloo seyi?ja?o, alansaroo la kesoo ye sula wule?o ma.

A boyita, iye safoo firi? aka?o to.

Ya Musa ye safoo kar?.

A kumboota.

Ì ko aye : «Ika mune kumboo?»

A ko iye : «Ntolu la mansayaa banta le. Alitolu le mu ntolu la mansoolu ti, ntolu le mu alitolu

la mooroolu ti, nko ali ye ali kana sula wule?o faa nkorita a li la. Mu? be saferi? ja? ñi? sula

wule?o ni? a yeloo bonta Kansala kono, Kansala be tumbu? na le. Bari ni? ali taata safee firi?

sula wule?o ka?o to moo ma? a faa, mansa te Kansala teyi noola. Moo-wo-moo te Kaabu

mara la. N?a a fo a li ye nkorita a li la».

Ì ko : «Aah ! Kansala ma? loo ñi? kama ka a fo ko a be teyila le. Ntolu ma? Alla daami

Duniyaa kiroo ye Kansala tara loori?. Bari nko le ko kidoo te ja? teyila».

Ì taata i ye a fo Janke Waali ye.

Ya Musa ko a ye ko : «I la moolu ye me? ke... !»

A ko a ye ko : «Isawoo nte, n?a kibaaroo me? fo wo le binaa. Hani a li si kumoo wuli kili? ne

Fo, fo ñi? sula wule?o yeloo ye bo? doro?.

N?a sarrtoo me? fo wo le siita». 

Dandarilaa le te a noola fo a ye ke. Ntoloola lu? me? na n?a me? fo wo le be naa ka?.

Fe?o-wo-fe?o ni? Kaabu Tiramaka? di?o le mu a fo i ye ibee ye paree».

I ye kiila kii fo Sinn.

I ye kiila kii fo Mandina.

I ye kiila kii fo Duma Sansa?.

Kara-wo-kara ni? aye atara Kaabu le ye amara kiila tataa abee to.

Bari a ye atara Fuuta ye ikoo dindi kaatumoo la.

Ni? a ya atara won te Fuuta ni? Kaabu te kele noo la.

Kaabu le ye Fuuta noo.

Ni? ama? ke Araboolu ti Kaabu le ye bankoolu bee noo.

Bari a ye atara i ye idammalu koo dindi mooroolu yaa.

Faadi? keloolu be idammalu teema, kili? ma? kanu kotenke.

Fuuta ye keloo dadaa, kari woro wulaa Ì be keloo dadaa la.

Fo Ì ye ibandi keke dadaa la.

A naata woliyoo kili

A ko a ye : «Saayi? n?a mbandi keloo dadaa la le».

A ko a ye : «Bisimilay».

Mo wuli muwa? ni? lulu wo be saferi? ne, doolu ko fo wuli ta? saba ni? wulu luulu fo wuli

tu? naani bari m ma? wo je saferi?. I ko me? naata, kaatu I ko moo wuli muwa? ni? luulu

Fuuta di? kendoo me? afa? bo ko ñi? Kaabu keloo te foola nko. Doolu ko akaaña?ta moo

Wuli ta? ani? luluu, doo ko wuli muwa? ani? luulu, bari mma? wo je bukoo to de, kaatu, n?a a

lo? asiyaata wo ti le.

Wo woliyoo, biri? keloo be wuli la, a loota silo ye ñi? suma?loo.

Janke Waali te moo ndi ti de! Moo baa le mu !

Ni? me? naata : «Iko aue Fuuta bankoo bii».

Iye abii I ye a ke suma?loo kono.

Asi a fo iye ko : «Ni? ali ye ilaa daame?, ni? ali ye ali la faanoolu feenee, ali ye ñi? bankoo

Bii ali ya ayuru-yuru faanoo ka?, isi ilaa aka?».

Moo-moo ni? ibitaa la kumo fulata la.

Walii ba le be Ì bulu.

A ye lonoo le sotoo.

A ko iye : «Janni? ali be futa la, suuta-wo-suuta ni? I la mooroolu ye lasitakaaroo ke, Ì be ali

je la Fuuta bankoo le ka?. Ali ye bankoo me? bitaa la te? Ì be karila a li je la wo ke ka?

A sitara ali tolu wulita ali si itarendi».

Fuuta bee ni« wo bankoo le naata.

Ì wulita.

I la wuloo tili ta? i? fuloo, wo tumoo tili woro wula be ini? Kansala teema. Janke Waali ko I

ye tabuloo kosi,

Balaba Tinkidaa taata.

Puropana taata.

Tumanna taata.

Saama ma? so? na taata.

Turuba? Kansala : La fin du monde animiste.

Sana Kouyaté, bande n° 569 du RDD, NCAC, 1979.

Traduit par Mamadou Tangara.

Après la fuite des habitants de Manda ils se mirent sous la protection du Fuuta.

Almamy Boubakary envoya une lettre à Dianké Wally.

Dans la lettre il lui dit : « Les hommes que vous avez combattu [à Manda] sont des

musulmans. Ils ne sont pas des mécréants. Par conséquent, je vous suggère de faire tout pour

leur rendre leurs biens. Ils se sont réfugiés sur mon territoire, donc sous ma protection ».

Dianké Wallu répondit : « Moi je ne sais pas que Manda a été attaqué. Mais, puisque c'est l'oeuvre de mes gouverneurs, j'en assume l'entière responsabilité. Dites à l'Almamy que je

n'accepterai pas sous quelque condition que ce soit d'envoyer au Fuuta le butin provenant

d'une campagne militaire de mes gouverneurs ».

Il y ajouta des paroles injurieuses que ma bouche n'osera pas répéter. Quand on insulte un

Dignitaire, le commun des mortels se doit de ne pas revenir sur une telle parole.

Almamy Boubakary savait que la guerre ne pouvait pas être évitée.

Il se prépara en conséquence.

Il se prépara durant trois années.

Il fit venir toutes sortes de marabouts.

Il fit appel à tous les waliyous37(*).

On affirme que Almamy Boubakary lui-même était un grand waliyou.

Est-ce la vérité ou pas ? Je ne le sais pas.

Il essaya en vain de saisir le Kaabu sur le plan mystique.

Pour ce faire, il fit venir un saint homme d'Allah du nom de Koulla.

Ce Koulla était un enfant. Mais c'était un grand waliyou.

Koulla n'était pas encore installé sur la peau de prière comme Calife, mais sa connaissance

ses sciences mystiques était connue de tous.

Almamy Boubakary le fit venir jusqu'à Timbo et lui dit :

« Moi, j'aimerai me lancer à l'assaut du Kaabu pour combattre Dianké Wally. J'ai essayé tous

les moyens possibles pour connaître l'issue de la guerre à travers la divination, mais je

n'arrive pas à voir le Kaabu. Cela m'inquiète énormément. J'ai honte qu'on sache dans les

sept provinces sous mon autorité que j'ai envisagé d'attaquer un chef de guerre comme moi et

que je n'ose pas le faire. C'est une honte pour moi ».

Koulla rétorqua : « Ah bon ! »

Almamy Boubakary : « Oui ».

Koulla : « Nous pouvons aller dormir. Durant ma retraite je consulterai le Tout-Puissant la

nuit du vendredi38(*), la nuit du lundi39(*) et la nuit du jeudi en huit. Tout ce qu'Allah me

montrera, je le dirai ».

Almamy Boubakary : « Bisimilahi ».

Le vendredi arriva, Koulla consulta le Tout-Puissant.

Il marqua sur papier ce qu'Allah lui a montré.

Le vendredi en huit arriva, Koulla consulta le Tout-Puissant.

Il marqua sur papier ce qu'Allah lui a montré.

Le matin du vendredi en huit, il se rendit chez le Roi El hajk Boubakary.

Il lui demanda de convoquer tous ses gouverneurs afin qu'il puisse leur revéler cequ'Allah lui

a donné comme informations.

Le tambour royal retentit.

Tout le monde répondit à l'appel.

Koulla dit : « Alfa Bourahima ! »

Alfa Bourahima est le père de Alfa Yaya.

C'était sous son soleil qu'a eu lieu cet événement.

Ce sont les hommes de Alfa Bourahima qui sont allés guerroyer.

Alfa Bourahima participa en personne.

Koulla leur dit : Allah m'a montré pendant des trois nuits de retraite, à savoir la nuit du

vendredi, la nuit du lundi et la nuit du vendredi en huit :

§ Qu'il n'y a rien de plus facile que de jeter un sort contre le Kaabu.

§ Qu'il n'y a rien de plus facile que de jeter un sort à Dianké Wally et ses hommes.

§ Mais il n'y a rien de plus difficile que de jeter à Dianké Wally et ses hommes

dans le monde d'ici-bas.

§ Oui, jeter un sort à Dianké Wally et ses hommes, il n'y a rien de plus facile dans le

monde d'ici bas ».

L'assemblée se passa l'information de bouche à oreille.

L'information parvint à l'oreille de l'Almamy Boubakary.

Il (Almamy Boubakary) dit : « Quoi, je n'ai pas bien entendu des paroles. Dites lui de les répéter. Je ne les ai pas entendues ».

Koulla répéta : « Je dis qu'il n'y a rien de plus facile que de jeter un sort à Dianké Wally et ses

hommes dans le monde d'ici bas. Mais il n'y a rien de plus difficile que de jeter un sort à

Dianké Wally et ses hommes dans le monde d'ici-bas ».

Il répéta ses paroles trois fois.

Almamy Boubakary dit qu'il n'a pas entendu les paroles de Koulla.

Alfa Bourahima dit : « Moi, j'ai entendu ses paroles. Quand un homme énonce une parole, il faut lui demander la signification ».

Koulla répondit : « J'aimerais bien le savoir. Quelque soit le marabout qui vous dira qu'il

peut jeter un sort au Kaabu sans toucher le Fuuta, il vous aura menti. A moins qu'il soit un des

envoyés d'Allah ou Rassoul40(*) lui-même ou le porte-parole d'un ange, ou un ange à qui

Allah a donné l'ordre de descendre sur terre. Quiconque, à part ceux que je viens de citer, qui

vous dira qu'il peut jeter un sort sur Kaabu, il vous aura menti, s'il ne vous dit pas que les

forces mystiques affecteront le Fuuta de la même façon que le Kaabu. La difficulté de la tâche

se trouve à ce niveau et la facilité de l'entreprise se trouve au même niveau.

Pour réussir ce travail, on est obligé de mettre Almamy Boubakary et Dianké Wally ainsi que

tous ceux qui partiront à la guerre et ceux qu'ils trouveront sur leur chemin, dans le même

kaatumoo41(*). Les effets n'épargneront personne.

Il faut noter que dans ce qu'Allah m'a montré en vision, je n'ai pas vu de captifs [venant ici].

J'ai vu les hommes marchant vers l'au-delà.

Aaah ! Mais Allah ne m'a pas montré des captifs venant au Kaabu pour être réduits en

esclavage au Fuuta.

Voilà ce qui rend difficile le fait de jeter un sort au Kaabu ».

L'assemblée dit : « Bissimilahi42(*) ».

Almamy Boubakary lui dit : « Maintenant, je vous demande de faire le travail. Le Kaabu-

Tiramakhan est au courant du fait que moi Almamy Boubakary j'ai décidé d'attaquer Dianké

Wally. Si je reviens sur ma décision, tout le Kaabu dira que j'ai pris peur. D'ici jusqu'au

Soleil Levant, tout le monde dira que j'ai eu peur.

Toutes les sept provinces du Fuuta ont été informées du fait que je vais attaquer Dianké Wally.

Si je ne pars, le fait de revenir sur ma décision sera interprété par tout le Fouta comme de la

peur ».

Koulla lui dit : « Je peux faire le travail, si vous me donnez cent esclaves ».

Almamy Boubakary lui répondit : « Si vous faites le travail, je vous donnerai cent cinquante

Esclaves et j'y ajouterai cent boeufs pour votre nourriture ».

Pendant une année entière, Koulla ne se consacra qu'au travail de Almamy Boubakary.

Dianké Wally était à son vingt-et-unième année de règne.

Pendant une année, Koulla ne travailla que sur la guerre que le Fuuta planifiait.

Koulla termina le travail et fit des prières pour avoir la bénédiction d'Allah.

Il dit aux Peuls : « Maintenant, allez me chercher un singe rouge43(*). Un patatas solitaire. Un

singe rouge vivant. On ne doit ni lui tirer dessus, ni le frapper avec un bâton encore moins le

blesser avec une machette. Amenez le moi vivant ».

Almamy Boubakary hurla les ordres destinés aux esclaves.

Ces derniers revinrent à la maison avec cent patatas ;

Tous vivants.

Koulla choisit parmi les patatas solitaires un qui avait le cul chauve et poussiéreux.

Un gris-gris fut cousu dans un tissu de coton blanc tissé et on y mit deux fils blancs. Le gris-

fris fut attaché au cou du singe rouge.

Le marabout lui dit en peul :  « Kansala ! Va jusqu'à Kansala ».

Le singe rouge suivit la voie principale de Timbo jusqu'à Kansala.

Il passa à travers les forteresses jusqu'au fromager qui était situé au milieu des [sept]

forteresses [de Kansala].

Le fromager en question n'était pas énorme. Je ne sais, s'il n'est pas mort. Car depuis cette

guerre44(*), je ne suis pas allé au Kaabu. Je ne sais pas s'il y est toujours.

Le patatas est allé se placer sur ce fromager. [L'arbre] était en plein milieu de la cité.

L'endroit où se trouvaient les sept forteresses. La forteresse de Mu?ñini? était à part.

Le singe rouge fixa les Kaabunke droit dans les yeux.

Les animistes s'exclamèrent : « La illaa lahi, cette chose est un koritewoo45(*) envoyé par le

Fuuta. Ce singe rouge doit mourir. Tuons-le ! »

Ce jour-là, les animistes du Kaabu passèrent toute la journée à tirer sur le patatas. Mais

aucune balle ne réussit à faire tomber le singe.

Pourtant le patatas ne s'était pas placé très haut.

Il y avait parmi les tireurs un homme assez intelligent qui leur proposa d'envoyer quelqu'un à

Kankumba pour faire venir [le marabout] Ya Moussa.

Un émissaire partit chercher Ya Moussa.

Ya Moussa arriva.

Il leur dit que : « Ceci est un koritewoo très dangereux du Fuuta ».

Les animistes : « Depuis hier nous ne faisons que tirer sur ce patatas sans pouvoir le

toucher ».

Ya Moussa : « Il faut avouer que vous ne faites pas preuve de discernement. Sinon, comment

un patatas peut prendre la route du Fuuta jusqu'au Kaabu-Tiramakhan, au coeur de Kansala ?

Avant de lui tirer dessus avec vos fusils, il y a un gris-gris autour de son cou.

Vous avez vos marabouts.

Montez sur l'arbre, faites descendre le singe rouge.

Détachez le gris-gris qu'il a autour du cou et nous en décoderons les écritures.

Si le patatas doit être tué. Il le sera.

Si le patatas ne doit pas être tué. Il ne le sera pas ».

Les Kaabunkee refusèrent d'écouter [les paroles du marabout].

Les animistes sont des gens difficiles à convaincre.

Ils défendaient mordicus qu'il fallait tuer le patatas.

Ya Moussa leur dit : « Ne le tuez pas ».

Les animistes étaient convaincus que le patatas devait être tué.

Ya Moussa leur dit : « Alors, il ne fallait pas me faire venir. Tiramakhan est ici avec mon

aïeul et il n'a jamais mis en doute ses paroles...Nos grands parents ont suivi cette ligne tracée

par les ancêtres fondateurs. Nos pères leur ont emboité le pas. Moi, je suis de la même génération que vous. Le jour où Dianké Wally a été couronné, c'est moi qui lai préparé sur

le plan mystique. Si moi je vous conseille de ne pas faire quelque chose et vous insistez pour

le faire, alors que nous [lettrés musulmans]46(*) sommes vos marabouts, vous auriez dû ne pas

me faire venir. Pourtant vous ne pouvez pas faire fi du rôle de nos ancêtres dans la fondation

du Kaabu. Car nos ancêtres [animistes et musulmans] sont tous venus ensemble ici et au

même moment ».

Malgré tous les conseils de Ya Moussa les Kaabunkee refusèrent d'obtempérer.

Pendant sept jours de jour comme de nuit, ils tirèrent sur le patatas.

Aucune balle ne l'atteignit ;

Ya Moussa n'en revenait pas.

Il disait : « Etre animiste, c'est vraiment manquer de discernement. Laissez le patatas

tranquille. Montez [plutôt] sur l'arbre pour voir. Détachez le gris-gris autour de so cou ».

Ils réfusèrent en bloc.

Ils insistaient sur la nécessité de tuer le singe rouge.

Ya Moussa répéta : « Vous ne devriez pas m'appeler, si vous saviez que vous n'allez pas

m'écouter. Vous ne faites que vous plaît. Alors, il ne fallait pas m'appeler ».

Ya Moussa essaya en vain de les convaincre.

Au huitième jour, à l'heure de la prière de Asr47(*), le patatas fut atteint d'une balle.

Il tomba.

Les Kaabunkee détachèrent le gris-gris autour de son cou.

Ya Moussa décoda les signes gravés sur le gris-gris.

Il pleura.

On lui demanda : « Pourquoi pleurez-vous ? »

Ya Moussa : «  Notre règne est fini. Vous êtes nos gouvernants. Nous sommes vos marabouts.

Je vous ai dit de ne pas tuer le patatas. Je n'ai pas pu vous convaincre du bien fondé de mes

arguments. I écrit sur ce gris-gris que si le sang de ce singe rouge se verse à Kansala, la cité

périclitera. Si vous aviez détaché le gris-gris autour du cou du patatas sans qu'il ne soit tué,

aucun ro ne réussirait à détruire Kansala. Personne ne pourrait placer Kansala sous son joug ;

Je vous ai dit ce qu'il fallait faire, personne n'a voulu écouter ».

Les animistes, exaspérés par les paroles du marabout, lui dirent : « Aah ! La cité de Kansala

n'a pas été fondée pour être détruite par la guerre. Nous ne souhaitons pas non plus que la cité

de Kansala soit là jusqu'à la fin du monde. Mais, nous nous disons que personne ne soumettra

Kansala par la force du fusil ».

Dianké Wally fut informé de la situation.

Ya Moussa dit au Ñaanco : « Ce que vos hommes ont fait... ! »

Dianké Wally [ne le laissa pas terminer] il dit : « C'est indépendant de leur volonté. Mes

prédictions sont sur le point de se réaliser. Même si vous aviez prononcé mille paroles, il

fallait que le sang de ce singe soit versé.

Le moment est venu pour que mes prédictions se réalisent.

Aucun avertissement ne pouvait les arrêter. Il fallait que le sang de ce singe soit versé ;

Les prédictions que nous avons faites le jour de notre couronnement vont se réaliser bientôt.

Dites à tous les enfants du Kaabu-Tiramakhan de se préparer à la guerre ».

Un émissaire fut envoyé jusqu'au Sine.

Un émissaire fut envoyé jusqu'à Mandina.

Un émissaire fut envoyé jusqu'à Duma Sansa?.

Un émissaire fut envoyé à tous les coins du territoire sous l'autorité du Kaabu ;

Mais il se trouvait hélas que le Fouta avait réussi à les monter les uns contre les autres grâce

au pouvoir des forces mystiques.

Le Fuuta n'aurait jamais pu combattre [le Kansala] sans l'intervention des forces mystiques qui

l'appuyaient.

Le Kaabu est plus fort que le Fuuta.

A part les Arabes, le Kaabu est plus fort que toutes les nations.

Mais il se trouvait que les Kaabunke étaient remontés les uns contre les autres des

prières des marabouts [Peuls].

Une guerre intestine motivée par la jalousie et la rivalité entre demi-frères les minait de

l'intérieur.

Personne n'aimait plus personne.

Le Fuuta prépara la guerre.

La veillée d'armes du Fuuta dura sept lunes48(*).

Après avoir fini les préparatifs de guerre, ils demandèrent au Saint homme d'Allah [Koulla]

de venir.

Ils l'informèrent en ces termes : « Maintenant vous avons terminé nos préparatifs pour aller en guerre ».

Le Saint homme dit : « Bissimilahi ».

Selon certains qui citent des sources écrites, les Peuls étaient vingt cinq mille, d'aures

Évoquent le chiffre de trente cinq mille. Mais je l'ai vu écrit nulle part. On parle de vingt cinq

mille dignes fils du Fouta qui se sont présentés de façon volontaire pour ne pas rater cette

guerre contre le Kaabu. Il y a d'autres sources qui disent que le nombe de combattants

s'élèvaient à quinze mille hommes, d'aures mentionnent le chiffre de vingt cinq mille. Je ne l'ai

pas vu écrit dans un livre. Néanmoins je sais que les hommes du Fuuta étaient plus nombreux

que ça.

Au moment du déclenchement de la guerre, le Saint homme se plaça d'un côté de la route et

l'Almamy Boubakary se positionna sur le côté opposé.

Le waliyou demanda à chacun [des parents] d'amener un récipient.

En quittant le Fuuta pour marcher sur le Kaabu chacun des combattants devait se munir d'un

récipient.

Dianké Wally n'appartient pas au commun des mortels ! C'est un homme extraordinaire !

Le waliyou dmanda à tous ceux qui se présentaient devant lui : « Prenez le sable du Fuuta ».

Ils en prenaient et le mettaient dans leur récipient.

Le waliyou leur dit : « A l'endroit où vous allez dormir, une fois que vous aurez étalé votre

pagne sur le sol, prenez un peu de ce sable et mettez-en partout sur le pagne et couchez-vous

dessus ».

L'information fut transmise à tous les combattants.

Les Peuls avaient de grands marabouts maîtres dans les sciences mystiques.

Il était doté de beaucoup de pouvoirs sur le plan mystique.

Il dit aux Peuls : « Tant que vous ne serez pas devant les portes de Kansala, les marabouts (du

Kaabu) ne pourront pas vous voir à travers la divination. Chaque nuit ils vous verront sur la

terre du Fuuta. Ils seront induits en erreur grâce au sable que vous aurez pris avec vous. Ils

continueront à vous voir sur le sol du Fuuta, alors que vous êtes déjà en marche [vers le

Kaabu]. Ainsi vous allez pouvoir les prendre par surprise ».

Tout le Fuuta prit le sable du pays avec lui.

[Les troupes Peuls] partirent à l'assaut du Kaabu.

Au douzaine our de leur départ du Fuuta, au moment où il ne restait pls que sept jours de

marche pour atteindre Kansala, Dianké Wally donna l'ordre de faire retentir le tambour royal.

Le tambour royal résonna.

Balaba Tinkida se rendit à Kansala.

Puropana se rendit à Kansala.

Tumana se rendit à Kansala.

[...]

I. LES OUVRAGES THÉORIQUES :

Résumé de l'ouvrage : Les épopées d'Afrique noire de Lilyan Kesteloot et de Bassirou Dieng (1997), Karthala, éditions UNESCO.

Vaste panorama dont l'arrière-fond est coloré de vapeurs éclaircissantes49(*), Les épopées d'Afrique noire fait l'archéologie de l'immense paysage épique du continent, allant de la Mauritanie au Cap et du Golfe de Guinée aux confins orientaux. Subdivisé en trois parties, l'ouvrage effectue une chevauchée dans les épopées à travers des concepts forts, justes et accessibles.

Il dresse d'abord une théorie littéraire sur le genre. En effet, après avoir rappelé les traits spécifiques de l'épopée dans la tradition médiéviste50(*); après avoir critiqué les critères établis par Zumthor, Finnegan et Christiane Seydou, il dégage les traits principaux qui définissent véritablement l'épopée en Afrique : ton élevé et solennel, clamé et scandé; début surabondant de la parole; ampleur du récit; rythme; contenu. Sur la base de ces traits, sur d'autres considérations et en s'inspirant des modèles de Madelénat (modèle mythologique, modèle homérique et modèle historique), il dresse une typologie « approximative » des épopées africaines articulée en quatre groupes :

1) L'épopée royale ou dynastique : élaboré par les « sociétés organisées en royaumes hiérarchisés en caste » (p. 40), ce type de textes est illustré par les épopées sur Soundiata, Samory, Bademba, Samba Guéladio Diégui, Silâmaka, Hambodêdio, le Kajoor, le Koussa, le Ségou, le Rwanda.

2) L'épopée corporative. Elle concerne les pêcheurs, les chasseurs et les pasteurs. Les exemples sont : le « Pekaan » des pêcheurs du fleuve Sénégal, les épopées des pasteurs du Diolof, l'épopée Haoussa Gana Gari, l'épopée Maure Heunoune, les récits des chasseurs mandingues...

3) L'épopée religieuse. Produite par les populations islamisées, l'épopée dite religieuse porte sur des figures prophétique ou sainte (l'épopée de la vie de Mahomet, l'épopée d'Elhadj Omar).

4) L'épopée mythologique clanique. Faite par les « sociétés structurées en clans, lignages, et chefferies » (p. 47), ce genre de récit est illustré par le Mvet d'Afrique centrale, le Mwindo des Banyanga, le Moni Mambou des Pendé, etc.

Par ailleurs, c'est la formation d'artistes spécialisés préposés à la récitation, à la mémorisation, à la conservation... qui explique l'existence des oeuvres épiques qui, le plus souvent, sont composées sur des schémas d'abord appris et ensuite retravaillés et enrichis par les griots, et dont l'énonciation et le contexte de production peuvent varier d'une aire culturelle à une autre. Ces oeuvres véhiculent, entre autres, des thèmes politiques, mythiques et historiques.

L'ouvrage dans ses deuxième et troisième parties passe en revue les récits épiques d'Afrique occidentale, d'Afrique centrale et orientale dans un regroupement basé sur des critères ethniques. C'est pourquoi on trouve dans les récits épiques d'Afrique occidentale : les épopées mandingues, soninké, wolof, sérère, peules, zarma-songhaï-haoussa. Dans la troisième partie, ce sont les épopées claniques des régions forestières, les épopées royales et religieuses de l'Afrique centrale et orientale qui sont répertoriées.

Les épopées d'Afrique noire, menant de pair théorie et pratique, c'est à la fois une théorie et une anthologie épiques.

L'ouvrage s'inscrit en droite ligne par rapport à notre orientation de recherche principalement axée sur l'épopée. Aussi, dans l'ensemble, nous intéresse-t-il à plus d'un titre. La première partie traitant de l'épopée et des théories littéraires est celle qui contient plus d'éléments à travers lesquels nous pourrons approfondir notre analyse de l'épopée sur laquelle nous travaillons. À travers cette partie, en effet, nous percevons dans une large mesure les invariants communs tant aux épopées médiévales qu'africaines. Ceci nous permet donc d'appréhender le récit qui nous concerne avec une sensibilité (littéraire) plus forte parce que nourrie des apports fécondants issus des zones épiques aussi diverses que celles de l'Occident et celles d'Afrique Noire.

Outre ces intérêts certains, nous ne pouvons terminer cette lecture critique des Épopées d'Afrique noire sans donner notre sentiment sur l'esprit de modestie et de prudence qui anime les deux auteurs de l'ouvrage malgré leur notoriété certaine. Pour preuve, nous pensons à l'une des phrases par lesquelles ils ferment le chapitre 4 intitulé Essai de typologie des épopées africaines, à savoir : « Nous ne prétendons pas avoir clos de cette manière la typologie des épopées africaines. Il en existe peut-être d'autres ». Certainement! Et cette affirmation a tellement retenu notre attention que, lorsqu'ils écrivaient leur ouvrage (pensons-nons), ils ne soupçonnaient guère que des sociétés comme le Fouta-Djalon aient produit des récits épiques, mais malgré tout, avec la prudence caractéristique du bon chercheur, ils n'ont pas exclu d'éventuelles découvertes.

Résumé de l'ouvrage : Critique de la raison orale (les pratiques discursives en Afrique Noire) de Mamoussé Diagne (2005), CELTHO-IFAN-KARTHALA.

Critique de la raison orale, articulée autour de la dialectique du verbe dans l'oralité, du mémorable et de l'immémorial, part d'une problématique générale qui tente de comprendre les procédés que les civilisations africaines mettent en jeu pour véhiculer leurs messages, et, partant, détermine les incidences notables de « l'orature » sur les pratiques discursives.

Pour cerner cette problématique, Mamoussé Diagne analyse d'abord les pratiques de l'oral et les procédés discursifs dans les sociétés africaines. Il affirme que le procédé de dramatisation51(*) constitue le point nodal d'où partent les pratiques discursives (plus particulièrement le conte) dont l'objectif est de prendre en charge le réel et le surréel par l'entremise de la mise en forme, la transmission et la conservation du savoir.

Par ailleurs, pour échapper à l'éternel ennemi de l'oralité (l'absence de support matériel de fixation), les griots ou « maîtres de la parole » procèdent à l'édification du mémorable qui s'effectue au moyen du grossissement, de l'intervention du merveilleux, et dont le rôle est d'arracher les faits et personnages illustres à la quotidienneté, si ce n'est simplement à la banalité quotidienne, qui risque de les fondre dans les fondrières de l'oubli et donc les entraîner à la disparition. L'épopée, oeuvre par excellence qui prise le mémorable, vise à donner une lecture de l'histoire « en des termes de significations plus qu'en termes de faits » (p. 432), à mettre en scène certains faits et événements de la communauté concernée dans une perspective historique.

Le procédé de dramatisation et l'initiation sont les remparts que la civilisation de l'oralité érige contre l'envahissement de l'oubli.

En outre, après avoir fait un distinguo sémantique entre mythe et légende, l'auteur a montré que le mythe narre le temps des origines (« le temps d'avant le temps ordinaire des hommes » p. 561) et qu'il se déploie dans l'espace de l'initiation.

L'initiation, ou voyage dans l'univers des signes et des symboles, passant du décodage «  de l'enclos du sens » à l'accès de la signifiance, a pour objectif la connaissance profonde. Kaïdara et Koumen d'Amadou Hampâté Bâ sont de très bels exemples du parcours initiatique ou herméneutique à travers lequel le postulant accède à la sagesse (Hammadi rencontre Kaïdara en personne; Silé découvre le nom secret du bovidé hermaphrodite).

Le chemin de l'initiation qui s'effectue non seulement sur le plan de l'univers des signes, mais aussi sur celui de leur envers, est « à la fois comme mode de gestion d'un savoir supérieur et comme limite du dicible » (p.442).

En tant que tel, l'ouvrage Critique de la raison orale qui s'attache, comme l'affirme son préfacier Bonaventure Mvé-Ondo, à spécifier l'interrogation : « Et s'il y avait au coeur même de l'oralité, quelque chose comme une écriture? », présente de nombreux intérêts pour notre thèse.

En particulier, la deuxième partie (Les mémorables, pour que le temps suspende son vol) traitant de la question de l'oralité et de la temporalité, de l'édification du mémorable, des usages du passé et de l'anamnèse reconstructive, recèle des éclairages très intéressants en corrélation directe avec certains de nos sous-points, notamment : l'étude du temps et des intermèdes musicaux, épopée et histoire, et épopée comme expression de l'identité nationale.

Le traitement fait aussi du temps dans l'oralité, des stratégies pour l'édification du mémorable nous permettra d'élargir et d'approfondir notre réflexion sur le récit qui nous occupe.

L'autre intérêt de cet ouvrage pour notre sujet de recherche réside dans la richesse de sa bibliographie qui présente une multitude d'ouvrages aussi riches que variés sur la littérature orale, ou sur la civilisation de l'oralité.

Il faut remarquer cependant que la première partie de Critique de la raison orale, essentiellement axée sur la « dramatisation de l'idée » et la troisième partie orientée sur l'initiation ne présentent pas d'intérêts certains voire un certain intérêt pour notre thèse.

L'ouvrage de Mamoussé Diagne n'en demeure pas moins intéressant dans la mesure où il refuse et combat la conception normativiste procédant à « l'arraisonnement de la raison parle le seul mode de la pensée écrite52(*) » et à affirmer en le démontrant tout au long du texte que la dramatisation est le mode d'expression principal des civilisations de l'oralité.

Résumé de l'ouvrage théorique : L'épopée de Daniel Madelénat (1986), Paris, PUF.

L'épopée en tant que parole, action, séquence de thèmes est un genre codifié dont la structure peut cependant varier d'un auteur à un autre. Elle peut s'accroître et s'amplifier par des additions (de vers, d'épisodes, de motifs) auxquelles procèdent le barde ou l'aède. Ce sont le mode narratif du discours et les critères génériques du genre qui déterminent la polysémie des termes épopée, épique, héroïque et geste. L'épopée, narration au ton grave se caractérisant par une action collective et des thèmes héroïques, est « un genre de la tradition occidentale » (p. 74).

Le genre épique peut se subdiviser en trois modèles : mythologique, homérique et historique.

Le modèle mythologique mettant en scène des êtres surnaturels (des doublures des dieux) saturés du divin et « nostalgiques de l'immortalité » se caractérise par la complexité de l'action, l'ampleur des vers, la variété du style et le poids du mythe.

Le modèle homérique se définit par une action simple entre hommes et dieux qui gardent leur caractère propre. Les héros de ce type d'épopée dépassent en « dignité morale » (p. 159) les dieux qui sont dévalorisés ou profanés.

Le dernier modèle (historique), lui, se distingue par le fait qu'il ne confond pas hommes et dieux et que, plaçant les valeurs humaines au devant, il se rapproche de l'histoire du Moyen Age, et se réalise principalement dans le monde germanique (La Chanson de Nibelungen et Kudrun). La chanson de geste, marquée par une certaine instabilité formelle, réinterprète l'histoire et le mythe par la bipolarisation religieuse et la transformation de l'échec en victoire (La Chanson de Roland en est un exemple typique). Les plus anciennes chansons de geste sont La Chanson de Roland, Gormont, Isembart (seconde moitié du XIè siècle), la Chanson de Guillaume (première moitié du XIIè siècle).

Ces différents modèles se retrouvent dans d'autres cultures comme en Afrique, dans le monde celtique où on note une composition et une hybridation des modèles.

L'évolution des civilisations occidentales, la centralisation politique, la laïcisation de la pensée et la libération de l'art ont imposé au genre épique une variation des modèles. Pour éviter les déviances, l'épopée s'est à la fois ouverte éclectiquement et s'est fermée pour se conserver. Son adaptation s'est opérée au moyen de l'amplification, de l'allégorie, de la surcharge épisodique et de l'intériorisation (« l'action devient psychologique » p. 187). Elle a subi cependant une parodie : l'épopée animalière, par exemple, caricature ruse et combats dans la geste de Renart.

En outre, dans l'Antiquité gréco-latine, Homère suscite l'admiration chez les Grecs et influence fortement les Latins (l'Énéide qui fait un retour à l'orthodoxie d'Homère).

Au Moyen Age, la chanson de geste connaît des dérives. D'abord, l'épopée médiévale devient arborescente avec des ramifications historique, chronique, romanesque. Ensuite, l'inflation (accroissement de la quantité des vers, l'allongement de la laisse et la multiplication des épisodes et des thèmes) revêt un caractère général à travers les oeuvres (La Chanson de Roland, La Chanson de Guillaume, etc.) sauf en Espagne où l'épopée, quoique originale, reste sobre et brève. Avec la Renaissance et le néo-classicisme arrive la période des synthèses (La Divine comédie de Dante, Les Tragiques d'Aubigné, La Henriade de Voltaire...).

Au XIXè siècle, l'épopée est, d'une part, marquée par quelques petites mutations et métamorphoses allant de la néo-épopée à l'épopée mineure (la petite épopée) via l'épopée humanitaire et, d'autre part, avant de disparaître, elle est récupérée par l'industrie culturelle et la politique.

L'ouvrage théorique de Madelénat a retenu notre attention dans le cadre de ce travail parce que d'abord il nous semble être une très belle étude sur l'épopée, ses invariances, ses genèses et affinités, ses modèles et évolutions, et que par conséquent, il recoupe dans une large mesure un certain nombre d'aspects de notre problématique de thèse.

Ainsi les chapitres I, II, et III de la première partie traitant respectivement de la parole épique, de la composition et de l'action, et des personnages et des thèmes, nous informent sur la manière d'analyser avec pertinence ces différents aspects qu'on retrouve dans le récit qui fait l'objet de notre thèse. La deuxième partie aussi n'est pas en reste car elle nous permet d'éclairer l'épopée à la lumière de l'histoire et du mythe, et que, détaillant les rapports entre guerriers et valeurs aristocratiques, elle nous suggère d'envisager ceux qui existent, d'une part, entre les guerriers peuls et l'idéal nanthioya (l'aristocratie guerrière du Ngâbou).

Les caractères généraux qui définissent le modèle historique médiéval, à savoir, entre autres, la réduction du merveilleux au profit de valeurs proprement humaines, l'affiliation à l'histoire, nous semblent pertinentes et extensibles à certaines épopées ouest-africaines.

C'est fort de ces constats - et surtout de l'intérêt particulier pour notre thèse - qu'un de nos choix fut porté à l'ouvrage de Daniel Madelénat.

II. LES ARTICLES :

Résumé de l'article « Épopée et identité : exemples africains » (1988), Christiane Seydou in Journal des africanistes, Volume 58, n° 1.

L'Afrique offre un champ d'exploration privilégié pour l'étude de l'épopée malgré le fait que l'Occident ait longtemps nié l'existence de ce genre sur le continent. L'épopée peut y être saisie en situation parce qu'elle reste une parole vivante. Les traits spécifiques qui le définissent sont : l'association obligatoire de la parole épique à un instrument spécifique; la transgression comme ressort de toute l'action épique et la fonction réactualisatrice de l'identité du groupe.

L'épopée sert à faire une communion entre les membres de la communauté en exaltant son histoire, sa conscience et son identité distinctive.

En Afrique centrale, chez les Fang, la récitation du mvet (l'instrument qui désigne l'épopée) alternant des épisodes narratifs qui relatent la lutte entre les Immortels et les Mortels avec des interludes lyriques, a pour fonction de renforcer la cohésion du groupe par le biais de ce fameux instrument qui est « la voix des origines » (p. 9). Ici, la transgression consiste à rompre la ligne de partage qui existe entre Immortels et Mortels.

Chez les Nyanga du Zaïre, l'épopée a une vocation sacralisante qui se traduit par une projection idéologique et mythique de leur histoire; projection dont le but est de solidifier leur identité unificatrice.

En Afrique de l'Ouest, l'épopée malinké de Soundiata, de par ses références historique et mythique, constitue « une sorte de compendium de toute [la] société et de toute [la] culture » (p. 15) mandingues. Elle cristallise autour de la figure de Soundiata le nationalisme et l'idéologie de la société. C'est pourquoi d'ailleurs, elle justifie l'histoire par le mythe et la culture, et la société mandingue par l'histoire. Cette épopée a été composée pour « ranimer les ferments d'unité du peuple mandingue » (p. 15).

Il apparaît ainsi d'abord que le mvet, partant d'une cosmogonie originelle, représente l'image d'une « méta-société; que l'épopée malinké, ancrée dans le mythe et l'histoire, fait la caution de la société, et qu'ensuite le griot manding est socialement institué tandis que le barde de l'Afrique Centrale, lui, est « sacralisé par une initiation ou une inspiration divine » (p. 17).

Le traitement que l'épopée opère du mythe et surtout de l'histoire montre la conception que les civilisations à tradition orale ont de l'histoire; parce que manipulée par l'épopée, l'histoire ne prend son sens dans cette perspective que lorsqu'elle intègre le passé au présent, et de ce point de vue, elle n'est « ni archivage neutre du passé, ni réflexion analytique objective » (p. 17).

Au Macina, chez les Peuls, l'épopée, vraisemblablement empruntée aux Bambara, tire son substrat de l'histoire de l'empire du Macina fondé par Sékou Amadou. Mémoire d'une époque capable de se prêter à la critique historique, l'épopée, ici, incarne au plus haut point les vertus cardinales du pulaaku53(*) : réserve, fierté, bravoure, maîtrise absolue de soi, sens aigu de la liberté...

La particularité de cette épopée peule est qu'elle laisse le soin au héros de se définir lui-même dans ses actes et ses attitudes et qu'elle se caractérise aussi par une intériorisation visant à signifier un trait de caractère propre aux valeurs de la culture et de civilisation peules.

À l'issue de cette étude, on voit que les épopées mythologiques sont produites par les sociétés polyarchiques et que les épopées historiques, elles, naissent plutôt dans des sociétés structurées en royaumes ou empires. On note in fine le poids culturel considérable qu'a l'épopée dans les civilisations africaines.

Cet article de Christiane Seydou dont les études sur les Peuls sont plus que pénétrantes et pertinentes est très instructif pour notre thèse. En particulier, les analyses faites sur l'épopée peule du Macina nous permettent de scruter, de plonger à fond pour mieux examiner certaines parties de notre thèse : le chapitre I de la troisième partie (La question de l'identité et de l'altérité) et les points : épopée et histoire, épopée et généalogie du chapitre III intitulé L'épopée ou confluence des genres.

Résumé de l'article : « Notes sur les procédés poétiques dans la littérature des Peuls du Foûta-Djalon », SOW Alfâ Ibrâhîm (1965) dans Cahiers d'Études Africaines, n° 19, Paris, Mouton et Co. 1965, pp. 370-387.

La poésie des Peuls du Foûta-Djalon, par son inspiration et sa forme, reste très fortement liée à la poésie arabe. Écrite soit en langue arabe, soit en langue peule, la littérature, au Foûta-Djalon, est avant tout « une littérature nationale, pieuse et édifiante » (p. 370); elle traduit les aspirations profondes et les rapports au monde des Peuls. Certains auteurs comme Tierno Sâdou Dalen, auteur de Nahaw fulfulde ou Traité de Grammaire et de Versification Peules, ont écrit des traités de versification pour donner une assise théorique à la poésie.

Étant à la fois une affaire d'usage et de tradition, la poésie peule est fondée sur la succession des syllabes longues et des syllabes brèves, et elle est quantitative.

Dans le vers qui est composé de deux hémistiches d'égales longueur et de durée, les rejets sont proscrits d'un vers à un autre, mais tolérés à l'intérieur d'un même vers. Le vers est plutôt mesuré, cadencé et musical et non syllabique. Les principaux mètres que l'on trouve sont le Kâmil, le Bâsil, le Sari', le Wâfir, le Rajâz et le Mutaqârib.

Par l'étymologie même, le poète (yimoowo) se dit chanteur, et le poème (gimol, gim?i au pluriel) est avant tout une voix agréable au coeur et douce à l'oreille.

Pour véhiculer leurs messages, les poètes (et écrivains) usent d'artifices poétiques non seulement sur le système vocalique mais aussi sur le système consonantique. Il s'agit à chaque fois d'allonger les voyelles simples, d'établir des assimilations vocaliques ou consonantiques pour produire des effets phonétiques et sémantiques.

Le rythme et l'harmonie permettent de définir les contours de la poésie peule. Le rythme se caractérise par l'alternance et la quantité syllabique, le choix des mots et leurs liens internes, l'accent d'intensité syllabique et l'accent des séquences rythmiques, et enfin l'ordre des mots dans le vers.

L'harmonie découle des effets obtenus à travers le rythme, comme cela transparaît dans l'analyse des poèmes de Tierno Alliou Boûba Ndiang, Tierno Abdourahmane, Tierno Djâwo Pellel et Tierno Mouhammadou Samba Mombéyâ.

Par ailleurs, la rime est codifiée. Elle doit être un phonème final, placé au deuxième hémistiche, qui reste le même dans tout le poème. Elle peut être vocalique (a, o, u, i, e) ou consonantique (l, il, el, ol, al, ul).

Enfin, notons que l'harmonie initiative est utilisée comme procédé poétique majeur capable de produire d'heureuses impressions. Elle est très perceptible dans le poème intitulé Hymne à la Paix et au Foûta-Djalon de Tierno Abdourahmane, où l'écoulement continu de l'eau, le bruissement des rivages et l'écho des chutes sont suggérés par l'allongement et la fréquence des voyelles (i, o, u et a) et la répétition de la conjonction de coordination (e) et du possessif (mu'un).

Ces divers procédés poétiques montrent certains aspects de la richesse du Pulaar que l'artiste par son talent met à profit « pour exprimer l'expérience humaine de la vie dans toute la plénitude de sa complexité » (p. 387).

L'intérêt de l'article de Sow Alfâ Ibrâhîm dont nous avons fait ici le résumé réside dans le fait que l'analyse qu'il a faite des procédés poétiques dans la littérature des Peuls du Foûta-Djalon concerne aussi dans une large mesure l'épopée d'Abdoul Rahmâne. En effet, quoique épopée, le récit n'en demeure pas moins poétique. À maints endroits du récit, le griot procède de la même manière que les poètes. Il use d'une multitude d'artifices poétiques ou rhétoriques. C'est à ce titre que l'analyse de Sow peut nous servir à faire ressortir tous les aspects et toutes les subtilités poétiques, stylistiques de l'épopée.

Résumé de l'article : « Mode d'expression poétique et stratification sociale dans l'État théocratique du Fouta Djallon » de Alpha Ousmane Barry (2004), Semen, 18 : De la culture orale à la production écrite : Littératures africaines, Presses universitaires France-Comtoises, pp. 135-148.

L'analyse portant sur le rapport entre la stratification sociale au Fouta Djallon et le mode d'expression poétique examine le débat né autour de la problématique de la parole et de l'écriture; problématique qui consiste à se demander entre les genres oraux et les productions écrites en langues étrangères qui est digne de porter le titre de littérature(s) africaine(s). La littérature africaine comprend non seulement les productions orales, mais aussi les productions écrites.

Le Fouta Djallon est une région montagneuse ayant d'immenses plateaux et de nombreux cours-d'eau. Les Peuls s'y sont établis dès le XVè siècle sous la direction de Koly Tenguela. Ils y fondèrent ensuite une théocratie dont l'épanouissement favorisa la naissance de nombreux centres culturels et la production d'une abondante littérature qualifiée tantôt « d'Islam noir », tantôt de « littérature arabo-islamique d'expression peule ». (p. 137)

Au point de vue des structures politiques, on note à la tête de l'État, l'Almami (Chef du pouvoir central), ensuite au niveau des provinces, il y a les lam?e diiwe et enfin le pouvoir administratif dirigé par les hooree?e leydi. Quant à la société, elle se compose des couches suivantes : les quatre lignées patrilinéaires et aristocratiques (Bah, Diallo, Barry et Sow), les hommes libres ou rim?e, les artisans (ñeeñu?e) et les captifs (haa?e).

Dans les productions orales, les ressources expressives de la langue s'y manifestent par l'allitération, la régularité de certaines occurrences et les manipulations morphosyntaxiques. On peut dire, par ailleurs, que la production poétique va de la poésie didactique à la poésie mystique, de l'oraison à l'élégie, de l'apologue au prône, de la satire à l'épopée.

Outre les ressources expressives, les oeuvres orales présentent des caractéristiques phonétiques, stylistiques d'une haute qualité esthétique et littéraire comme on peut le remarquer à travers les textes de la version peule de la loi de Talion, les jeux verbaux des enfants, le poème dit hirdé jimbé.

La littérature orale se subdivise en genre profane ou populaire et en genre sacré ou ésotérique. Ces différents genres se différencient par les thèmes traités. Le genre ésotérique est centré sur la protection du bovidé. Le genre épique concerne la poésie généalogique ou asko, les hauts faits de courage et de bravoure (Samba Danna le fameux chasseur) et les faits historiques mémorables de héros nationaux.

En Afrique, au Fouta-Djalon en particulier plusieurs canaux sont mis à profit par les « auteurs » pour exprimer leurs pensées et leurs sentiments. Ces canaux sont l'expression de la richesse, de la vitalité et de la variété de la littérature orale.

La lecture critique de l'article de A. O. Barry appelle de notre part quelques remarques :

La transcription de certains passages en Pulaar ne répond pas aux normes conventionnelles de la langue. On trouve, éparpillés à travers l'article, deux systèmes de transcription : diiwè, hooree?e, leydi, maw?è (p. 139), etc. Parfois, d'ailleurs, les mots sont mal transcrits : rundè au lieu de runnde, ?ee?u?e à la place de ñeeñu?e (p. 140), mbutoori (p123) au lieu de buutoori, junna (p.143) à la place de jonna... Par ailleurs, le verbe appeler devrait se mettre à la troisième personne du pluriel dans la phrase : « Certains auteurs qualifient cette poétique d'Islam noir; tandis que d'autres l'appele tout simplement littérature arabo-islamique d'expression peule ». (p. 137)

On peut, en outre, critiquer le concept d'Islam noir utilisé pour qualifier la littérature écrite en caractères arabes, ou ajami. L'Islam noir, titre de l'ouvrage de Vincent Monteil (Paris, Seuil, 1966), désigne la coloration bien particulière et bien propre que revêt l'Islam en Afrique Noire. C'est, autrement dit, la coloration issue du contact de l'Islam et des religions traditionnelles, l'animisme notamment, qui fait que l'Islam de l'Afrique Noire se distingue de l'Islam saoudien ou iranien, même si le dogme qu'ils ont en commun reste inchangé.

Nonobstant ces critiques, l'étude de A. O. Barry reste quand même intéressante. Les poèmes sur les jeux verbaux des enfants, la version peule de la loi de Talion, le hirdé jimbé54(*) sont autant d'extraits que nous pouvons utiliser en guise d'illustration dans notre thèse qui, à l'heure ou nous écrivons ceci, pourrait englober un domaine plus vaste : les traditions orales du Foûta-Djalon. Au cas où notre thèse évoluera dans cette direction, l'article de Barry nous sera d'une grande utilité parce qu'il nous permettra d'élargir la typologie des genres oraux du Fouta-Djalon.

I. LES COMPTES RENDUS :

1. COMPTE RENDU DU SÉMINAIRE DE M. BASSIROU DIENG.

La problématique du séminaire de Bassirou Dieng porte sur le rapport entre oralité et écriture. Le séminaire s'est déroulé en deux temps. D'abord il a été question de la littérature et du lieu. Selon le professeur , en effet, « Les logiques d'expansion des littératures locales en Afrique ne sont pas nécessairement coordonnées aux aires linguistiques, aux aires culturelles, aux territoires nationaux » parce qu'on note « une mise en connexion des dynamiques littéraires avec les données physiques, humaines et historiques », et que, ajoute-t-il, « il s'agit ici de remettre en perspective les littératures africaines du point de vue des dynamiques de production locale, en tenant en compte de l'ancrage territorial » (document inédit distribué par le professeur Dieng pendant une séance de ce séminaire).

Une telle perspective consiste à envisager les littératures africaines en montrant que :

- L'imbrication entre l'oralité et l'écriture fait naître de nouvelles formes d'oralité faisant place à la médiation écrite (poésie urbaine, romans radiodiffusés, cinéma et vidéosphère, théâtre, forum).

- Le comparatisme interlinguistique peut s'appuyer sur la coexistence de plusieurs langues.

- L'articulation du livre et des productions scripturales - affiches, livrets, presse, inscriptions peut déboucher sur des nouveaux horizons.

Cette question de l'oralité et de l'écriture débouche aussi sur celle de l'intertextualité dans les oeuvres autant écrites qu'orales. Selon B. Dieng, en effet, « Traiter de l'intertextualité des oeuvres orales et des oeuvres écrites, et lier cette question aux aires culturelles procèderait d'un questionnement à double articulation de prime abord. Il s'agirait, d'une part, de l'ancrage géographique de l'oeuvre littéraire et, d'autre part, de l'inscription de l'oralité dans l'écriture55(*) ».

Il nous a détaillé ensuite le modèle de la communication orale à travers les systèmes pulaar et wolof tels que Ibrahima Wane les a établis dans sa thèse de troisième cycle (Chanson moderne et modèle de communication orale, Dakar, FLSH, 2003).

Dans la littérature pulaar, ou plutôt peule, il y a les formes corporatives (Pekaan, Dillere, Gummbalaa, Yelaa, Fantang, Keroode, Naale), les formes communes ou populaires (Janti, Daarol, Tindol, Cifti, Pulareeje, Jaraale, Noddol, Jaargol, Mallol, Leele, Lengui), les formes islamiques (Beyti, Giiri, Qasida, Taarikh).

Chez les Wolof, la typologie s'articule autour des genres narratifs (Cosan, Woy maam, Woy jaloore, Qasida, Léeb, Maye), des genres formulaires (Léebu, Cax) et des genres poétiques (Ndëpp, Gumbe, Baaw-naam, Taajaboon, Xas, Ngomaar, Kasak ou Woyu mbaar, Njam, Ceet, Xaxar, Laabaam, Bëkëtë, Woyu tool, Semb, Kañu, Jat, Lamb, Bakk(u), Tagg, Taaxuraam, Mband, Laawaan, Taasu, Taalif, Jang).

Après, on a abordé les cadres de production urbains qui comprennent : les manifestations festives, les performances ludiques, les compétitions sportives, la scène politique, la sphère religieuse, le circuit commercial.

Par ailleurs, le système de l'oralité se fonde, selon Bassirou Dieng, sur une technique de communication dont la visée est la transmission du patrimoine culturel. Ce système se base essentiellement sur la rétention et la transmission qui se font respectivement par le biais d'une mémoire institutionnalisée et la parole proférée.

La mémoire institutionnalisée est représentée par les dépositaires-transmetteurs, encore appelés griots, sages, ou initiés, qui se repartissent en non professionnels et en professionnels. Les non-professionnels produisent des oeuvres qui se situent plutôt du côté du divertissement comme les contes, les proverbes, les formules élémentaires, alors que les professionnels, eux, détenteurs de la mémoire officielle, leurs oeuvres concernent aussi bien les genres dits profanes que les genres sacrés.

Grâce à la parole proférée, diseurs et auditeurs se retrouvent ensemble, pour la transmission et la réception du message. Au-delà de cette communication, la parole proférée permet aux membres de la société de communier ensemble.

En outre, il fut procédé à l'examen de la relation entre littérature orale et société. L'idée générale de cette question est que, d'une part, la littérature orale, à travers des réalités historique et culturelle de la société, rend compte des institutions, des systèmes des valeurs, de la vision du monde propre à une société (Document inédit intitulé L'oralité distribué par le professeur Dieng, p. 3).

D'autre part, la littérature orale peut être l'expression des idées et sentiments qui fustigent des comportements jugés dévoyés par rapport à la morale.

La seconde partie du séminaire portait sur les exposés présentés par les différents étudiants sur la base d'une liste d'ouvrages ayant traits à la problématique. Voilà de façon succincte le compte rendu du séminaire qui a été animé et particulièrement très enrichissant.

2. COMPTE RENDU DU SÉMINAIRE DE M. AMADOU LY.

Le séminaire de M. Amadou Ly, axé sur la problématique : relations sud/nord : incompréhension? (traitement littéraire de la question), a fait l'objet de trois sortes de séances : la première séance est essentiellement orientée sur la mise au point de la question à travers l'histoire, la deuxième a fait l'objet d'échanges très fructueux entre étudiants, cinéastes et écrivains, et enfin la troisième s'est déroulée sous forme d'exposés présentés par les étudiants du séminaire.

En effet, l'intervention de Ly a consisté d'abord à préciser que la question du regard de l'autre est délicate et complexe, et qu'elle est le plus souvent le reflet des cultures et des civilisations en contact. Autrement dit, l'on regarde l'autre avec ses yeux, ou pour dire mieux les yeux de sa culture, de sa civilisation. C'est ce qui fait d'ailleurs qu'un tel regard se trouve être quelque peu orienté, et que chacun croît que c'est lui qui est au centre du monde.

Par ailleurs, il existe trois sortes de regards : un regard objectif qui voit l'autre comme un alter ego; un regard rejetant et repoussant qui n'accepte pas la différence et enfin un regard sympathique qui se montre tendre à l'égard de l'autre malgré qu'il soit différent.

Les relations sud/nord, ou si l'on veut nord/sud, diversement traités par les auteurs, font l'objet d'une littérature abondante. Ainsi, au nord, la production littéraire en la matière peut partir de Montaigne (Le Cannibale, le repentir) au discours de Sarkozy en passant par Voltaire (Le huron), Pierre Loti (Portrait d'un spahi), Odile Tobmer (Du racisme français), etc. Au sud, entre autres, on peut citer les oeuvres suivantes : Discours sur le colonialisme (Césaire), Oui mon commandant (Hampathé Bâ), Noirs dans les camps nazis (Serge Bilé), Le viol de l'imaginaire (Aminata Traoré), Heurts et malheurs. Des rapports Europe-Afrique Noire dans l'histoire moderne XV-XVIIIè siècle (B. Matys), L'Europe et nous (Rabemananjara), Bamako, Paris, New-York (Mantia Diawara), L'Afrique répond à Nicola Sarkozy (collectif), etc.

Le professeur a pris soin de nous préciser qu'à côté de ces productions, il y a une autre qui est issue du métissage culturel, comme Mémoires d'une peau (William Sassine), Nini ou la mulâtresse du Sénégal (A. Sadji), Douceurs du bercail (A.S. Fall), Mal de peau (Ilboudo)...

En général, l'ensemble de ces oeuvres traduit soit la volonté de domination, soit l'incapacité à prendre l'autre comme soi parce qu'il est différent, soit la contestation de la manière dont on est regardé, soit le malaise existentiel né de l'appartenance ambivalente à deux cultures...

Abordant un des contours de l'incompréhension qu'on observe entre le nord et le sud, M. Ly nous a expliqué par quelle manière Vladmir Jankélévich a tenté de comprendre le malentendu. Selon cet auteur « Le malentendu n'est pas seulement une erreur impalpable en sa source, c'est encore une erreur invétérée et durable en ses conséquences. Pour qu'il y ait malentendu il faut, non seulement avoir mal compris, mais encore ne pas s'en apercevoir tout de suite, ou du moins (si on trouve quelque intérêt à perpétuer l'équivoque) faire semblant de ne pas s'en apercevoir tout de suite. Le malentendu est un ordre, et un ordre créateur d'institutions56(*) ».

La méconnaissance à partir de laquelle naît le malentendu peut s'observer dans quatre cas : Premièrement, « les deux partenaires se méconnaissent mutuellement. [...] L'auditeur a mal compris alors que son interlocuteur se croît bien compris; dans la mesure où il ne remarque pas la méprise, ce dernier se méprend donc aussi57(*) ». Deuxièment, l'un des deux partenaires seulement se méprend. Celui qui ne s'est pas mépris peut soit faire prendre conscience à son partenaire sa situation ou son état; dans ce cas il brise le cercle qui les sépare; soit il le laisse dans sa méprise, et dans ce cas le malentendu devient tromperie58(*). Troisièment, « c'est la fausse dupe qui a conscience d'une équivoque à exploiter, et qui feint de mécomprendre, le partenaire se trouvant mécompris à son insu59(*) ». Enfin le quatrième cas, Jankélévich le qualifie de fausse situation et l'explicite ainsi : « Je te comprends, et je sais que tu me comprends, comme tu comprends toi-même que tu es compris60(*) ».

La dissolution des malentendus passe nécessairement, selon Jankélévich, par le dialogue, la médiation du langage.

En ce qui concerne les échanges avec certains cinéastes et écrivains, M. Ly nous amené Awam Amkpa, Ben Diogoye Bèye et Mantia Diawara, tous auteurs et professeurs dans des universités aux Etas-Unis. Cette séance, qui a duré tout un après-midi, a réuni ces auteurs, les étudiants du DEA de Ly et ceux du DEA du Département de Philosophie. Les thèmes débattus portaient sur le rôle des intellectuels de la diaspora et leur intégration, l'engagement de l'écrivain, la question des langues nationales, l'intégration et l'unité africaine... Sur la question du rôle des intellectuels de la diaspora, les trois auteurs étaient d'accord sur le fait que leur installation aux Etas-Unis ne signifiait pas qu'ils aient tourné le dos à l'Afrique : en faisant découvrir les aspects des cultures et des civilisations africaines aux américains, ils servent l'Afrique. Le sénégalais Ben Diogoye Bèye avait un avis très tranché sur les langues nationales : dans un pays plurilingue, il faut, estime-t-il, imposer la langue majoritaire. Mantia Diawara, dont le livre Bamako-Paris-New York est centré sur la problématique du séminaire de DEA nous a fait part de ses impressions d'intellectuel vivant dans les capitales étrangères : en étant à Paris, c'est comme si New-York lui manquait, et à Bamako, il éprouve la même chose.

Enfin, le séminaire a fait l'objet des séances d'exposés de deux sortes : un exposé sur la problématique de la thèse et un autre cette fois-ci écrit sur un ouvrage traitant du thème des relations sud/nord.

Ce séminaire a été, comme on le voit, marqué par de multiples échanges qui ont été très riches d'enseignements et ont satisfait la curiosité de plus d'un.

II. LES EXPOSÉS :

II. 1 EXPOSÉ N° 1 (SÉMINAIRE DE M. BASSIROU DIENG)

L'oralité dans En attendant le vote des bêtes sauvages d'Ahmadou Kourouma.

La question de l'oralité, ou du moins la dimension orale occupe une place centrale dans le roman de Kourouma. L'oeuvre constitue une symbiose parfaitement réussie de l'oral et de l'écrit, démontrant par là, s'il en est besoin, que les deux genres ne s'excluent pas; au contraire, ils peuvent cohabiter harmonieusement au sein d'une même oeuvre.

Notre exposé intitulé : « L'oralité dans En attendant le vote des bêtes sauvages d'Ahmadou Kourouma » tourne autour d'une problématique essentielle : le rapport entre l'oralité et l'écriture; autrement dit, on se demande comment l'oralité se manifeste-t-elle dans le romanesque? Comment Kourouma procède-t-il pour écrire l'oralité?

Pour cerner et analyser cette problématique notre propos s'articulera sur deux points : le mode d'énonciation et la structure du roman et les éléments empruntés aux genres oraux.

I- LE MODE D'ÉNONCIATION ET LA STRUCTURE DU ROMAN.

La question du mode d'énonciation est très importante dans la distinction entre les genres littéraires aussi bien écrits qu'oraux. Aussi porte-t-on toujours un regard attentif aux modalités énonciatives, aux instances narratives, aux fonctions des personnages, etc. Le roman de Kourouma est une oeuvre où le griot, figure traditionnelle de la parole, prend toute sa place. Le mode d'énonciation du roman de Kourouma est le reflet du schéma de la transmission des valeurs culturelles traditionnelles. La veillée, en Afrique, était l'un des meilleurs moments pour l'apprentissage et la transmission des savoirs. C'est l'un des moments aussi des fameuses palabres. La veillée s'oppose ainsi à la journée qui est consacrée aux différents travaux qui ponctuent la vie [traditionnelle]. C'est pourquoi « La transmission des valeurs culturelles africaines, note Tijani, constitue l'un des principaux objectifs des longues soirées de contes dans la plupart des sociétés traditionnelles. Dans les romans de Kourouma, le lecteur remarque également le souci de l'auteur de transmettre les valeurs culturelles malinké à travers un style de narration qui s'apparente à celui d'un conteur traditionnel et se caractérise par la mise en abîme des paroles de la vie africaine, l'emploi des proverbes et des expressions africaines ainsi que le recours à la répétition et à la reprise61(*) ».

C'est à travers donc l'utilisation, l'appropriation de cette figure de la parole que le roman acquiert toutes ses caractéristiques orales. Et, comme le note Ibrahima Wane « l'écrivain s'approprie véritablement l'art du récit oral. Kourouma semble s'inscrire cette fois-ci dans « l'architextualité62(*) » car avec cette fiction, il va au-delà de l'absorption d'éléments du conte, du mythe ou de l'épopée, c'est le récit traditionnel qui sert de modèle de composition même du roman63(*) ». Le fait d'avoir donné la parole à une tierce personne, en l'occurrence le griot, fait de Kourouma un conteur plus qu'un romancier. « C'est en conteur, écrit Mufutau A. Tijani, que Kourouma nous livre, sans hésitation, toutes les péripéties qui ont jalonné la vie et le règne de Koyaga64(*) ».

Le titre En attendant le vote des bêtes sauvages fait penser plutôt à un conte, une légende, un mythe, une épopée... qu'à un roman même s'il rappelle un peu le titre de la pièce de théâtre de Samuel Becket : En attendant Godot65(*). « Le vote des bêtes sauvages » ressortit en effet beaucoup plus du conte que du roman. Plus qu'un roman, l'ouvrage est « un récit purificatoire appelé en malinké un donsomana. C'est une geste. Il est dit par un sora accompagné par un répondeur cordoua » (p. 10).

La dimension orale du roman se révèle à travers sa structure. Au lieu de chapitres usuellement consacrés, le roman se compose de veillées subdivisées en sous-parties désignées par des proverbes. La veillée II, par exemple, commence par une partie nommée par ce proverbe : « Quand on voit les souris s'amuser sur la peau du chat, on mesure le défi que la mort peu nous infliger » (p. 67).

En plus de cela, notons que la veillée est le moment pendant lequel certains genres oraux étaient dits dans les sociétés africaines traditionnelles. Le conte, certains récits initiatiques... ne sont réactualisés que la nuit pendant des veillées qui se veulent solennelles. Les actualiser en dehors de leur moment précis serait un acte de profanation qui peut même amener, à l'encontre du contrevenant, une sanction humaine ou « divine ». En attendant le vote des bêtes sauvages a, selon son auteur, été dit durant six nuits pendant lesquelles le sora [le narrateur ] a raconté les six veillées dans une ambiance aussi solennelle que celle de l'énonciation de l'épopée, ou de certains récits initiatiques.

Par l'utilisation des préludes musicaux, le roman se révèle épique. Rappelons que le roman ne s'élabore pas avec un accompagnement musical. Ceci est une caractéristique et une propriété essentiellement épiques. De ce point de vue En attendant le vote des bêtes sauvages peut être considéré comme un roman épique pour plusieurs raisons. Chaque veillée commence par un prélude musical et se termine par une pause. La veillée V, par exemple, s'ouvre par : « Le sora pince la cora; le cordoua se livre à une dance débridée... » (p. 267) et elle se termine par : « Le fleuve finit toujours dans la mer. Arrêtons là nous aussi cette cinquième veillée... » (p. 327). Quant aux sous-parties, elles se terminent toujours par une pause : par exemple, la sous-partie 14 de la veillée IV s'achève ainsi : « Le sora arrête de conter, donne un intermède musical et récite trois proverbes sur le pouvoir » (p. 210) tandis que celle qui suit la sous-partie 15 se clôt par : « Quel que soit l'entrain du frappeur de tam-tam, le danseur de temps en temps s'interrompt pour souffler. Faisons comme lui et réfléchissons à trois proverbes sur le pouvoir [...] » (p. 226).

Par ailleurs, Ahmadou Kourouma lui-même reconnaît la dimension épique de son roman. Dans une interview accordée à Thibault le Renard et Comi M. Toulabor66(*), à la question : « Qu'est-ce qui vous a incité à utiliser cette trame narrative [c'est-à-dire un récit épique qui se déroule en six veillées] où « les maîtres de la parole » semblent pouvoir proférer à la face des puissants tout ce qu'ils ont envie de leur dire? » (p. 1) il répond : « Ce genre de récit me permettait d'abord de faire vivre une technique de narration qui est sur le point de disparaître. Le soir, dans les villages malinké, les griots des chasseurs viennent raconter le donsomana : la vie des chasseurs, leur lutte magique contre les animaux et les fauves, supposés posséder de la magie. La chasse est donc une lutte entre des magiciens. Le donsomana est principalement constitué de récits de chasse. Il raconte rarement la vie d'une personne. Les histoires de vie étant importantes chez les Malinké, j'ai adapté la technique du donsomana à mon roman » (p. 1).

Dans le mode d'énonciation, il y a l'ouverture qu'on peut appeler protocole énonciatif. En général, la plupart des récits épiques s'ouvrent par un protocole énonciatif, où le conteur légitime sa parole parce qu'il est l'autorité reconnue et investie par la communauté. À quelques exceptions près, on y trouve énoncés : l'identité du conteur, sa ou ses fonctions, l'objectif de l'énonciation, le destinataire de l'énonciation, le contexte...

Dans En attendant le vote des bêtes sauvages la veillée I s'ouvre par un texte qui fonctionne exactement comme le protocole énonciatif des récits (épiques). Pour bien faire ressortir la consonance orale, ou épique du roman, écoutons ce que dit, d'une part, Bingo, le narrateur et, d'autre part, Djéli Mamadou Kouyaté dans Soundjata ou l'épopée mandingue. Le narrateur de En attendant le vote des bêtes sauvages dit ceci :

« Votre nom : Koyaga! Votre totem : faucon! Vous êtes soldat et président. [...] Voilà que le soleil à présent commence à disparaître derrière les montagnes. C'est bientôt la nuit. Vous avez convoqué les sept plus prestigieux maîtres parmi la foule des chasseurs accourus. Ils sont là assis en rond et en tailleur, autour de vous. Ils ont tous leur tenue de chasse [...] Vous, Koyaga, trônez dans le fauteuil au centre du cercle. Maclédio, votre ministre de l'Orientation, est installé à votre droite. Moi, Bingo, je suis le sora; je louange, chante et joue de la cora. Un sora est un chantre, un aède qui dit les exploits des chasseurs et encense les héros chasseurs. Retenez mon nom de Bingo, je suis le griot musicien de la confrérie des chasseurs. L'homme à ma droite, le saltimbanque accoutré dans ce costume effarant, avec la flûte, s'appelle Tiécoura. Tiécoura est mon répondeur. Un sora se fait toujours accompagné par un apprenti appelé répondeur. [...] Nous voilà donc tous assis sous l'apatame du jardin de votre résidence. Tout est donc prêt, tout le monde est en place. Je dirai le récit purificatoire de votre vie de maître chasseur et de dictateur. Le récit purificatoire est appelé en malinké un donsomana. C'est une geste. Il est dit par un sora accompagné par un répondeur cordoua. Un cordoua est un initié en phase purificatoire, en phase cathartique. Tiécoura est un cordoua et comme tout cordoua il fait le bouffon, le pitre, le fou. Il se permet tout et il n'y a rien qu'on ne lui pardonne pas » (p.10-11).

De son côté, Djéli Mamadou Kouyaté dit :

«  Je suis griot. C'est moi Djeli Mamadou Kouyaté, fils de Bintou Kouyaté et de Djeli Kedian Kouyaté, maître dans l'art de parler. Depuis des temps immémoriaux les Kouyaté sont au service des princes Kéita du Manding : nous sommes les sacs à parole, nous sommes les sacs qui renferment des secrets plusieurs fois séculaires. L'Art de parler n'a pas de secret pour nous; sans nous les noms des rois tomberaient dans l'oubli, nous sommes la mémoire des hommes; par la parole nous donnons vie aux faits et gestes des rois devant les jeunes générations.

Je tiens ma science de mon père Djeli Kedian qui la tient aussi de son père; l'Histoire n'a pas de mystère pour nous; nous enseignons au vulgaire ce que nous voulons bien lui enseigner, c'est nous qui détenons les clefs des douze portes du Manding.[...] J'ai enseigné à des rois l'Histoire de leurs ancêtres afin que la vie des Anciens leur serve d'exemple, car le monde est vieux, mais l'avenir sort du passé.

Ma parole est pure et dépouillée de tout mensonge; c'est la parole de mon père; c'est la parole du père de mon père. Je vous dirai la parole de mon père telle que je l'ai reçue; les griots de roi ignorent le mensonge. Quand une querelle éclate entre tribus, c'est nous qui tranchons le différend car nous sommes les dépositaires des serments que les Ancêtres ont prêtés.

Écoutez ma parole, vous qui voulez savoir; par ma bouche vous apprendrez l'Histoire du Manding » (p. 9-10).

Comme on le voit, les deux textes s'ouvrent de la même manière. Dans l'un et l'autre texte, on retrouve les éléments constitutifs du protocole énonciatif ci-dessus énumérés.

D'autres textes épiques, comme l'épopée du Foûta-Djalon, les récits de Ségou, comme Biton et les génies de La Geste de Ségou67(*), ont, eux aussi, une ouverture similaire.

II- LES ÉLÉMENTS EMPRUNTÉS AUX GENRES ORAUX.

Dans le roman En attendant le vote des bêtes sauvages on retrouve beaucoup d'éléments appartenant communément au genre épique. Parmi ces éléments, on peut citer, entre autres, la généalogie, l'exagération, le merveilleux, les chants ou hymnes et les proverbes.

-LA GÉNÉALOGIE.

La généalogie est très importante dans le genre épique. L'épopée en tant que récit « qui développe un thème historique ou légendaire et célèbre les actions d'un héros exemplaire ou les hauts faits d'un groupe68(*) », fait un recours presque systématique à la généalogie pour dresser une ascendance toute noble et prestigieuse aux personnages exaltés.

Ainsi Koyaga est issu d'un père et d'une mère hors du commun : il a donc une ascendance glorieuse comme cela transparaît dans ces deux passages consacrés à son père et à sa mère :

« Tchao, votre père, lutta dans toutes les montagnes, derrière tous les fortins, des saisons et saisons sans qu'une fois un autre lutteur parvint à mettre sa nuque au sol. Manquant d'égal dans les montagnes, il descendit dans les plaines, défia les Peuls, les Mossis, les Malinkés...

Chez aucune race de cette terre africaine il ne rencontra non plus de challenger. Les griots le louèrent, le célébrèrent et lui apprirent que les Français cherchaient et payaient les héros lutteurs ». (p. 13)

Pour la mère de Koyaga, Bingo dit :

« Jamais plus les montagnards ne connaîtront une femme qui égale Nadjouma. Elle était belle-elle reste belle. Elle était courageuse-elle reste courageuse. Elle est intelligente. Dire...Dire! Nous, soras, n'avons que des mots et aucun n'arrive à dire les totalités de Nadjouma. Elle restera pour toutes les femmes africaines un modèle, une perpétuelle source d'inspiration [...] Elle fut la championne de lutte des montagnes et elle mourra sans qu'aucune femme réussisse à mettre sa nuque par terre » (p. 41).

Ces passages nous font penser d'abord aux généalogies flatteuses faites par Djéli Mamadou Kouyaté dans Soundjata ou l'épopée mandingue, d'après lequel : « Bilali Bounama, l'Ancêtre des Kéita, était un fidèle serviteur du prophète Mouhammadou » (p. 14) et dont un des descendants, en l'occurrence « Lahilatoul Kalabi fut le premier prince noir à venir faire le pèlerinage à la Mecque » (p. 14). On songe ensuite aux généalogies des familles dynastiques du royaume théocratique du Foûta-Djalon; généalogies faites par les griots peuls, notamment Farba Seck qui, dans la généalogie épique des Almâmis de la maison des Soriyâ, dit :

« Habîballâhi était Arabe.

Moûça-Habîballâhi était Arabe.

Bâna-Moûça était Arabe.

Eli Bâna-Moûça était Arabe.

Manti-Âli était Arabe.

Hammé-Manti, celui-là engendra Dâwoûda-Hammé,

[...]69(*) » (p. 55).

La généalogie de Koyaga montre ainsi la tonalité épique du roman; tonalité qui se manifeste aussi par l'exagération.

-L'EXAGÉRATION OU L'ENFLURE ÉPIQUE.

Ayant pour objet des hauts faits historiques ou légendaires de grands personnages, l'épopée est par excellence le genre de l'exagération, des grossissements et des enflures. En attendant le vote des bêtes sauvages, aussi étonnant que cela paraisse, fourmille de ce type de discours hyperboliques. Entre autres exagérations contenues dans le roman, citons quelques cas :

Dans la prison de l'administration coloniale, le père de Koyaga, Tchao qui « aurait dû crever dans un délai de trois semaines [...] survécut trois mois » et « avant d'expirer, de rendre l'une après l'autre ses nombreuses âmes de paléonigritiques, chanta et prophétisa. À l'endroit des Français, il formula des maléfices plus gros que le Fouta-Djalon » (p. 19).

Mais de toutes les exagérations que nous avons relevées, celle de la page 22 est la plus emblématique. Dans cette page, en effet, on lit ceci :

« La gestation d'un bébé dure neuf mois; Nadjouma porta son bébé douze mois entiers. Une femme souffre du mal d'enfant au plus deux jours; la maman de Koyaga peina en gésine pendant une semaine entière. Le bébé des humains ne se présente pas plus fort qu'un bébé panthère; l'enfant de Nadjouma eut le poids d'un lionceau. Quelles étaient l'humanité, la vérité, la nature de cet enfant?

Tout le monde le sut quand la maman put s'en libérer et que l'enfant tomba sur le sol à l'aurore.

Les animaux aussi surent que celui qui venait de voir le jour était prédestiné à être le plus grand tueur de gibier parmi les chasseurs. Des mouches tsé-tsé partirent des lointaines brousses et des montagnes et foncèrent sur le bébé. Par poignées, Koyaga, vous avez écrasé les glossines dans vos mains. À quatre pattes, vous n'avez laissé vie sauve à aucun des poussins et margouillats qui picorèrent dans vos plats de bébé. Quand vous avez eu cinq ans, les rats perdirent la sécurité de la tranquillité dans leurs trous; vous fûtes un grand et habile attrapeur de rats. Les tourterelles ne jouirent plus de repos sur les branches des arbres; » (p. 22).

Replacées dans un autre contexte, ces exagérations deviennent irrationnelles et invraisemblables, mais dans le cadre épique, elles sont logiques et vraisemblables parce que se rapportant à une histoire qui n'est pas d'une personne ordinaire.

Tout de même, on ne peut pas ne pas se demander comment de telles affirmations sont-elles possibles? Pour une hypothèse simple, mais à nos yeux bien fondée, on peut dire que l'enfantement d'une personne de la trempe de Koyaga, qui, après Ramses II et Soundiata, restera le plus grand chasseur de l'humanité, doit être entouré de circonstances particulières plus grandioses que celles de celui d'un homme ordinaire. Véritablement, Koyaga, par son profil et son itinéraire, est un héros épique, ou plutôt « une réincarnation du héros épique » pour reprendre l'expression d'Ibrahima Wane70(*). Le grossissement des affirmations enflées d'aura et teintées d'une certaine vraisemblance permet de rehausser et d'amplifier les valeurs du héros.

Par ailleurs, le roman est traversé par quelque chose qui, même si elle peut paraître vraisemblable, frise néanmoins l'inexplicable, l'incroyable : le merveilleux.

-LE MERVEILLEUX.

Grâce aux pouvoirs magiques détenus par sa mère et par son marabout, Koyaga est un personnage de démesure capable de choses prodigieuses. Par quatre fois, en effet, des actes dépassant la simple bravoure sont réalisés. Premièrement, « quand les Viéts investirent le PK 204, Koyaga avec toute la magie enseignée par sa mère se transforma en un puissant hibou nocturne. Sur l'aile gauche, il embarque les prostituées. Sur l'aile droite, il accepte une cinquantaine de tirailleurs montagnards avec leur armement. Les Viéts n'y voient que de la fumée. Près de l'aéroport de Hanoi, il débarque tout son monde [...] » (p. 40).

Deuxièment, c'est par des opérations extraordinaires que Koyaga est parvenu à tuer les quatre bêtes sauvages : la panthère, le buffle noir, l'éléphant et le caïman. Pour illustrer notre propos, citons le combat qui opposa Koyaga au caïman. Ce combat est un combat de monstres rivalisant de secrets magiques. Lorsque Koyaga tire une balle sur le caïman sacré, « elle ricoche sur le plan de l'eau, se transforme en boule de feu et se retourne contre Koyaga qui ne l'évite qu'en se muant en crabe enfoui dans le sable. Le feu allume un incendie de brousse sur la rive. Koyaga sort de son avatar et, une seconde fois, tire sur la bête. Cette fois la balle jaillit de l'eau en serpent volant et fonce sur Koyaga qui l'esquive en se muant en ver de terre. Le serpent continue sa lancée et s'anéantit dans les flammes du feu de brousse qui fait rage sur la rive. La bête, confiante en ses sortilèges, émerge des eaux, se montre sur la grève dans toute sa monstruosité et défie encore Koyaga :

-Je te mangerai! hurle-t-elle en claquant ses crocs.

Ce fut une faute fatale; elle exposait son flanc. Le chasseur paléo s'extrait de son avatar, vise le bas du ventre non couvert par les carapaces et fait feu. La bête veut regagner les eaux. En se retournant, elle découvre sa gorge non protégée par des carapaces, autre partie molle dans laquelle le chasseur, fils de la femme nue, décharge son arme. Le monstre mortellement touché voltige et culbute sur le dos dans les eaux les pattes en l'air. Le héros d'Indochine, le tireur d'élite, par trois fois encore vise et fait feu dans les côtes, dans le sternum. Il remet son fusil en bandoulière, s'accroupit derrière un tronc pour assister à l'agonie du géant » (p. 74-75).

Troisièment, pour aller à la capitale de la République du Golfe (le Togo) sans être pris par la patrouille systématique faite par les agents du président Fricassa Santos, Koyaga, dans le train, « récite une des prières magiques que le marabout lui a apprises : il se transforme en un coq blanc. Le Haoussa voit le coq sous son banc; il le croit échappé d'un de ses paniers. Vigoureusement le marchand se saisit du coq, l'enfouit et l'enferme dans le panier » (p. 90).

Enfin quatrièment, c'est le président Fricassa Santos cette fois-ci qui produit le merveilleux :

« Mystérieusement et brusquement un tourbillon de vent se déclenche, naît au milieu du jardin de la Résidence. Le tourbillon soulève feuilles et poussière, parcourt le jardin de la Résidence d'ouest en est et poursuit sa folle course dans la cour voisine, dans l'enceinte de l'ambassade des USA. Koyaga comprend tout de suite que le grand initié Fricassa Santos s'est transformé en vent pour se réfugier dans l'ambassade » (p. 99).

Par ailleurs, on peut dire que le combat qui a eu lieu entre Koyaga et le président Fricassa Santos est un combat épique qui rappelle justement un autre combat épique. « L'assaut final, remarque Ibrahima Wane, est d'ailleurs une reconstitution de l'acte par lequel Soundjata Kéita est venu à bout de Soumaoro Kanté lors de la célèbre bataille de Krina71(*) ».

Le merveilleux plus fréquent dans le genre oral, l'épopée, le conte, le mythe notamment, se trouve ainsi très présent dans le roman. Son emploi est à chaque fois lié à un personnage exceptionnel.

Ordinairement dans le roman, on expose les différentes facettes des caractères des personnages. Les actes héroïques, merveilleux habituellement sont du ressort de l'épopée. Vu sous ces deux angles, En attendant le vote des bêtes sauvages nous apparaît comme un roman au coeur de l'épique.

-LES CHANTS OU LES HYMNES.

Le chant de par son essence est oral. Il est particulièrement prisé par l'épopée. Christiane Seydou fait remarquer à juste titre que « La musique est, d'évidence, le premier élément essentiel commun à toutes les épopées africaines [...] c'est d'ailleurs souvent l'instrument de musique qui donne son nom au genre : hoddu (luth à trois ou quatre cordes) pour l'épopée peule, mvet (harpe-luth) pour l'épopée de l'Est72(*) ». Des récits comme Soundjatou, Samba Guélâdiégui, etc, emploient le chant et les hymnes. Le roman de Kourouma, à l'instar de ces récits, en fait usage. On relève quatre chants ou hymnes : le Nyama tutu, le chant des coqs de pagode, la Bibi mansa, l'hymne de l'aigle royal, le donso Kaw dunun Kan, la voix du tambour des grands chasseurs dont voici un extrait :

« Ô gens d'ici!

Entendez-vous l'hymne?

Entendez-vous l'hymne du maître des buffles?

Entendez-vous l'hymne du maître des éléphants,

Entendez-vous l'hymne du maître des grands chasseurs?

................................................................................. (p. 313).

On a enfin le dayndyon, « appelé force de l'âme, l'hymne de la vaillance, de la témérité pour le chasseur ayant un gibier noir à son tableau de chasse; par la suite il est devenu l'hymne de l'héroïsme en toutes circonstances :

Danse, écoute le dayndyon,

L'hymne des héros,

L'hymne du malheur.

Il retentit quand le chasseur frappe de malheur,

Ou que le malheur l'a frappé.

[...]

Il est dansé par des tueurs de fauves intraitables. Il es dansé par des tueurs de fauves irréductibles » (p. 314).

La particularité de ces chants, c'est que, une fois proférés, ils cessent d'être des chants, ils deviennent des hymnes guerriers, des forces agissantes et irrésistibles pour la personne à qui ils sont destinés. C'est ce qui fait que, lorsque Balla Fasséké s'est introduit dans la chambre la plus secrète du palais de Soumaoro et qu'il s'est mis à jouer du xylophone, « Tout semblait prendre vie aux accents de cette musique magique : les neuf têtes de morts reprirent leur forme terrestre, elles battaient des paupières en écoutant le grave « air des Vautours »; de la jarre le serpent, la tête posée sur le rebord, semblait écouter73(*) ».

-LES PROVERBES.

L'utilisation massive des proverbes est l'une des caractéristiques orales de ce roman. Kourouma a ponctué son oeuvre d'une multitude de proverbes. Ceux-ci touchent à divers thèmes comme le respect de la tradition, le pouvoir, la mort, etc. Ils portent en eux la quintessence de la parole et la puissance du verbe. En suspendant le récit, ils permettent au lecteur, ou du moins à l'auditeur de prendre une distance pour réfléchir, penser ce qui est dit en corrélation avec les proverbes qui, de ce fait, fonctionnent comme des miroirs où réfléchit la narration sous une forme condensée. Dans la tradition orale, l'emploi des proverbes est essentiel : ne dit-on pas que « Le proverbe est le cheval de la parole; quand la parole se perd, c'est grâce au proverbe qu'on la retrouve » (p. 42).

En outre, il faut aussi noter, d'une part, que du point de vue de son organisation interne, En attendant le vote des bêtes sauvages se lit comme une épopée. La structure canonique de l'épopée, -naissance-enfance-formation ou initiation-exil ou voyage-retour-combat-intronisation ou fin-, est celle qui organise l'aventure de Koyaga. En effet, Koyaga après une enfance marquée par des prodiges, comme nous l'avons vu un peu plus haut, a eu un itinéraire semblable à celui du héros épique : les pérégrinations qu'il a faites en Indochine, en France, un peu partout en Afrique correspondent à l'initiation et à l'exil tandis que son retour dans la République du Golfe, sa prise héroïque du pouvoir se rapportent aux deux avant-dernières étapes de l'itinéraire épique, à savoir, le retour et le combat. Quant à la fin, elle correspond à la perte du pouvoir de Koyaga dans des circonstances chaotiques, apocalyptiques et merveilleuses dignes des contes ou mythes eschatologiques. Dans les dernières pages du roman, en effet, on assiste à un incroyable déferlement d'êtres vivants de toutes sortes dont il impossible de dénombre le nombre. D'autre part, vu les empreintes orales du roman et le style de l'auteur, on peut dire que Kourouma est « un conteur traditionnel sous la peau d'un romancier74(*) ».

Enfin, En attendant le vote des bêtes sauvages est, tant par son mode d'énonciation, sa structure que par les nombreux éléments empruntés aux genres oraux, une oeuvre qui concilie l'oralité à l'écriture. Le roman est donc, pourrait-on dire, une expérience où, l'auteur a procédé à l'écriture de l'oralité en ayant conféré une double face au narrataire et au récepteur. Selon Ibrahima Wane, « La recréation par le roman de la performance orale sert une technique de construction du statut de l'énonciateur mais aussi du destinataire. La transcription d'une séance de narration a la particularité de postuler d'office deux types de récepteurs : les destinataires fictifs qui sont l'auditoire des griots et le public réel constitué par les lecteurs du roman75(*) ».

Ce mariage réussi entre l'écriture et l'oralité aura été pour Kourouma un moyen de fixer l'oralité par le truchement de l'écriture. Il a réussi ainsi à sauvegarder de la disparition beaucoup de traits de la tradition orale malinké qui, comme toutes les autres traditions orales africaines, est menacée de toutes parts.

Et c'est là une expérience de bon aloi qu'il faut prendre en compte pour sauvegarder et promouvoir l'oralité menacée par la primauté de l'écrit et par l'hégémonie de plus en plus grandissante des nouvelles technologies de l'information et de la communication.

II. 2 : EXPOSÉ N°2 (SÉMINAIRE DE M. AMADOU LY)

LE REGARD D'AIMÉ CÉSAIRE DANS LE DISCOURS SUR LE COLONIALISME.

Les rapports sud/nord suscitent chez les auteurs depuis longtemps, pour ne pas dire depuis toujours différents points de vue quant à la perception que les uns et les autres se font mutuellement. La question de ces relations a fait et fait couler beaucoup d'encre chez les écrivains au point qu'on dispose en la matière une littérature abondante. Le Discours sur le colonialisme fait partie de ces oeuvres qui traitent ce sujet.

Envisager la problématique des relations sud/nord chez Césaire consiste à s'interroger sur les rapports entre colonisation et civilisation, colonisateurs et colonisés. C'est, en outre, examiner les affirmations des auteurs occidentaux.

Avant d'entrer au coeur du sujet, il nous semble utile de dire quelques mots sur la démarche de l'auteur. La démarche de Césaire est hautement logique et scientifique : il part de trois présupposés ou du moins trois prémisses76(*) suivis d'un fait77(*) et aboutit à une conclusion78(*). L'argumentaire dans son ensemble fonctionne comme une réfutation très élaborée où l'auteur démonte avec une grandiloquence de bon aloi le système mensonger de l'Occident à l'égard du Sud.

1. COLONISATION ET CIVILISATION.

Selon Césaire le « mensonge principal à partir duquel prolifère tous les autres » part du rapport établi entre les deux termes. Ce rapport procède « d'une hypocrisie collective, habile à mal poser les problèmes pour mieux légitimer les odieuses solutions qu'on leur apporte » (p. 8). Pour démontrer le caractère spécieux et faux de cette relation, il prend d'abord le soin de dire ce que n'est pas la colonisation et ce qu'elle est ensuite.

Pour lui, il s'agit d'admettre que la colonisation n'est « ni évangélisation, ni entreprise philanthropique, ni volonté de reculer les frontières de l'ignorance, de la maladie, de la tyrannie, ni élargissement de Dieu, ni extension du Droit » (p.8).

Elle n'est rien d'autre, affirme Césaire qu'une entreprise « de l'aventurier et du pirate, de l'épicier en grand et de l'armateur, du chercheur d'or et du marchand, de l'appétit et de la force, avec, derrière, l'ombre portée, maléfique, d'une forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se constate obligée, de façon interne, d'étendre à l'échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes » (p.8-9). Ailleurs, il dira : « À mon tour de poser une équation : colonisation =chosification. [...]

On me parle de civilisation, je parle de prolétarisation et de mystification » (p.19-21).

Il ressortit ainsi que des équations malhonnêtes : « christianisme = civilisation; paganisme = sauvagerie [...] ne pouvaient [...] s'ensuivre [que] d'abominables conséquences colonialistes et racistes, dont les victimes devaient être les Indiens, les Jaunes, les Nègres » (p. 9). Donc, « l'entreprise coloniale est, au monde moderne, ce que l'impérialisme romain fut au monde antique : préparateur du Désastre et fourrier de la Catastrophe » (p. 55).

Quant à la civilisation occidentale, Césaire ne mâche pas ses mots à son encontre. Fondée sur le régime capitaliste, selon lui, « elle est incapable de fonder un droit des gens, comme elle s'avère impuissante à fonder une morale individuelle » (p. 13). Et l'humanisme dont elle se targue n'est rien qu'un « pseudo-humanisme [qui] rappétit les droits de l'homme » parce qu'il a eu « une conception étroite et parcellaire, partielle et partiale et, tout compte fait, sordidement raciste » (pp. 12-13).

Il apparaît enfin que le rapport entre colonisation et civilisation ne vise rien d'autre qu'à légitimer la volonté des européens d'exploiter le reste du monde comme cela transparaît dans cette conclusion de Césaire : « Et je dis que de la colonisation à la civilisation, la distance est infinie; que, de toutes les expéditions coloniales accumulées, de tous les statuts coloniaux élaborés, de toutes les circulaires ministérielles expédiées, on ne saurait réussir une seule valeur humaine » (p. 10).

La question des relations sud/nord s'appréhende aussi par le biais du rapport qui existe entre colonisateurs et colonisés.

2. COLONISATEURS ET COLONISÉS.

Les Occidentaux ayant délibérément posé des « équations malhonnêtes » et ne jouant presque jamais franc jeux, c'est tout à fait compréhensible qu'entre les peuples colonisés et eux il y ait des rapports d'oppresseurs et d'oppressés. C'est ainsi qu'on a, « partout où il y a, face à face, colonisateurs et colonisés, la force, la brutalité, la cruauté, le sadisme, le heurt et, en parodie de la formation culturelle, la fabrication hâtive de quelques milliers de fonctionnaires subalternes, de boys, d'artisans, d'employés de commerce et d'interprètes nécessaires à la bonne marche des affaires » (p. 19).

Allant plus avant, Césaire ajoute : «  Entre colonisateurs et colonisés, il n'y a de place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police, l'impôt, le vol, le viol, les cultures obligatoires, le mépris, la méfiance, la morgue, la suffisance, la muflerie, des élites décérébrées, des masses avilies.

Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l'homme colonisateur en pion, en adjudant, en garde-chiourme, en chicote et l'homme indigène en instrument de production » (p. 19).

Donc entre Nord et Sud, les rapports (à tout le moins tels qu'ils exprimés dans le Discours) sont pour le moins inhumains au point qu'on n'a pas l'impression d'avoir deux groupes humains en contact. Aussi Césaire qualifie-t-il les Occidentaux de « sadiques », de « tortionnaires », de « colons flagellants », d' « académiciens goitreux endollardés de sottises », d' « ethnographes métaphysiciens et dogoneux », d' « intellectuels jaspineux, sortis puants de la cuisse de Nietzsche », d' « endormeurs », de « mystificateurs ... (p. 31).

Cette féroce diatribe définit ainsi le regard que porte le négro-africain, descendant d'anciens esclaves.

3. LES AUTEURS OCCIDENTAUX79(*).

Il faut préciser que cette partie étant consacrée à la critique que Césaire fait des écrits de certains auteurs occidentaux, nous n'examinons que quelques uns. À travers cet examen ressortira le regard du Nord vers le Sud, et de la critique de Césaire celle du Sud vers le Nord.

Parmi les nombreux auteurs qui ont émis des jugements pour le moins critiquables, Césaire commence par celui qui est le plus emblématique, le plus illustratif de la pensée occidentale et qui a bouleversé les consciences au XXè siècle : Hitler.

Hitler porte à l'égard de tout ce qui est étranger à sa race un regard discriminatoire et foncièrement raciste : « Nous aspirons, écrit-t-il, non pas à l'égalité, mais à la domination. [...] Il ne s'agit pas de supprimer les inégalités parmi les hommes, mais de les amplifier et d'en faire une loi » (p. 13, Discours).

Après Hitler, Césaire rapporte les dires du philosophe idéaliste Renan qui a fait dans son ouvrage La réforme intellectuelle et morale une distinction des races sur des critères dont lui seul connaît la provenance. D'après lui, « une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre; [...] une race de maîtres et de soldats, c'est la race européenne » (p. 14). Un tel regard montre la conception égocentriste du monde occidental à l'encontre de tout ce qui n'est pas sien. Certains auteurs élaborent les théories les plus audacieuses pour légitimer les sauvageries et barbaries du vieux continent sur les peuples extra-européens. C'est le cas du colonel Montagnac, un des conquérants d'Algérie, qui affirmait que « Pour chasser les idées qui m'assiègent quelquefois, je fais couper des têtes, non pas des têtes d'artichauts, mais bien des têtes d'hommes » (p. 16).

D'autres auteurs vont encore plus loin dans cette folie d'écrire du n'importe quoi sur les autres sans autre but autre que de se faire valoir injustement et de légitimer leurs bestialités. On a Lapouge, Faguet, Jules Romains (de l'Académie française et de la Revue des Deux Mondes) qui écrivaient respectivement :

« Il ne faut pas oublier que [l'esclavage] n'a rien de plus anormal que la domestication du cheval ou du boeuf » (p. 27).

« Après tout, la civilisation n'a jamais été faite jusqu'à présent que par des Blancs... » (p. 28).

« La race noire n'a encore donné, ne donnera jamais un Einstein, un Stravinsky, un Gershwin » (p. 28).

Adjoignons, pour être complet, à ces trois auteurs ci-dessus, Roger Caillois dont Césaire nous résume ici la doctrine d'après laquelle « l'Occident a inventé la science. Que seul l'Occident sait penser; qu'aux limites du monde occidental commence le ténébreux royaume de la pensée primitive, laquelle, dominée par la notion de participation, incapable de logique, est le type même de la fausse pensée » (p. 49).

À l'instar de Gobineau qui disait : « Il n'est d'histoire que blanche » (p. 51), R. Caillois ajoute : « Il n'est d'ethnographie que blanche » (p.51).

Voilà les différents contours du regard humaniste de l'Occident qui traite l'autre d'inférieur, d'animal et qui de ce fait lui dénie la moindre capacité à créer, à inventer...

Contre ces allégations Césaire avance des arguments massue : « Là-dessus on sursaute. [...] Il reste, bien sûr, quelques menus faits qui résistent. Savoir l'invention de l'arithmétique et de la géométrie par les Égyptiens. Savoir la découverte de l'astronomie par les Assyriens. Savoir la naissance de la chimie chez les Arabes. Savoir l'apparition du rationalisme au sein de l'Islam à une époque où la pensée occidentale avait l'allure furieusement prélogique » (p. 49-50).

Terminons ce panorama sur les écrits de certains occidentaux par le cas d'un de leur éminent penseur, en l'occurrence Mannoni qui affirmait « que la colonisation est fondée en psychologie; qu'il y a de par le monde des groupes d'hommes atteints, on ne sait comment, d'un complexe qu'il faut bien appeler complexe de la dépendance, que ces groupes sont psychologiquement fais pour être dépendants; [...] que ce cas est celui de la plupart des peuples colonisés, des Malgaches en particulier » (p. 38).

Il faut noter que si les auteurs qui pensent de la façon que nous venons de voir sont nombreux, il existe cependant un petit nombre d'écrivains ou de penseurs qui portent des jugements sains et objectifs, soit en reconnaissant les tares de l'Occident, soit en mettant en avant les valeurs des autres, en particulier les Noirs. C'est ainsi que Baudelaire affirmait que « Tout en ce monde [occidental] sue le crime : le journal, la muraille et le visage de l'homme » (p.44). De son côté, Descartes écrit que : « la raison...est tout entière en chacun » et « qu'il n'y a du plus ou du moins qu'entre les accidents et non point entre les formes ou nature des individus d'une même espèce » (p. 33). Enfin Frobenius martèle : « Civilisés jusqu'à la moelle des os! L'idée du nègre barbare est une invention européenne » (p. 30).

Au vu de ce qui précède, il apparaît, d'une part, que le regard des Occidentaux est orienté pour justifier leur entreprise de domination et d'exploitation du Sud, et, d'autre part, que celui de Césaire est plutôt un regard critique de dénonciation : un réquisitoire. Persuadé « que les colonisations passent, que les nations ne sommeillent qu'un temps et que les peuples demeurent » (p. 21), Aimé Césaire porte aussi et surtout un regard de dépassement véritablement tourné vers l'avenir. C'est un regard d'un grand humaniste qui constate et dénonce les abus de l'histoire et qui - et c'est la magnanimité de Césaire - se projette vers un « vivre-ensemble » harmonieux où les peuples se respectent et se « tutoient » non pas avec des qualificatifs racistes, mais avec des qualificatifs tout simplement humains. Le Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire, malgré sa virulence affichée et son caractère apologétique, lance aussi un appel fraternel pour « une nouvelle société », un nouveau monde : «  Nous ne sommes pas les hommes du « ou ceci ou cela. Pour nous, le problème n'est pas d'une utopique et stérile tentative de réduplication, mais d'un dépassement. Ce n'est pas une société morte que nous voulons faire revivre. Nous laissons cela aux amateurs d'exotisme. [...] C'est une société nouvelle qu'il nous faut, avec l'aide de tous nous frères esclaves, créer, riche de toute la puissance productive moderne, chaude de toute la fraternité antique » (p. 29).

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Cet article est mis en ligne sur le site :

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Faculté des Lettres et Sciences Humaines, Dept. de L.Modernes.

TANGARA, Mamadou (2007), Les secrets de l'histoire et du mythe dans l'épopée du Kaabu

d'après les traditions orales mandingues, Thèse de doctorat de

l'Université de Limoges.

WANE, Ibrahima (2002-2003), Chanson moderne et modèle de communication orale, Thèse pour le

le doctorat de 3ème Cycle, UCAD, FLSH, Departement de Lettre de

Modernes.

IV. WEBOGRAPHIE.

http://www.politique-africaine.com/numeros/pdf/075178.pdf

Dictionnaire de l'Académie française, version informatique en ligne sur le site : http://www.academie-française.fr.

* 1Le manque d'implication effective des autorités en faveur de l'enseignement et de la promotion de la littérature orale (une très belle amorce avait pourtant été effectuée en la matière après l'indépendance de la Guinée en 1958), le désintérêt de plus en plus grandissant qu'ont les jeunes pour les études littéraires, le manque de moyen de certains chercheurs...sont, nous semble-t-il, les raisons qui expliquent le fait que certaines régions soient peu connues dans certains domaines de la recherche littéraire.

* 2Diallo, Amadou Oury, L'épopée d'Abdoul Rahmâne du Foûta-Djalon : histoire et épopée, UCAD, FLSH, Département de Lettres Modernes, 2006-2007.

* 3Nous avons respecté les consignes relatives au nombre de pages requis, à savoir, une à deux pages par document, deux à trois pages pour le résumé ou compte rendu de chaque séminaire.

* 4Par syncope, c'est-à-dire retranchement de syllabes ou de lettres au milieu d'un mot, le griot ne prononce pas le y du mot wiyi. Il procède ainsi à maintes reprises dans le récit. Nous indiquons à travers les procédés phonétiques empruntés au français comment certains mots ont évolué jusqu'à être prononcés de telle ou telle manière. Aussi les termes syncope, apocope, aphérèse...reviendront souvent dans les notes du texte pulaar. De tels procédés en général permettent, d'une part, d'alléger la prononciation et, d'autre part, de créer d'autres mots qui ont le plus souvent le même sens que « les mots de base ». Ils sont utilisés tant à l'oral qu'à l'écrit, mais c'est au niveau de l'écrit qu'on perçoit nettement les effets stylistiques que les auteurs produisent. Alfâ Ibrâhîm Sow a fait en la matière une étude intitulée « Notes sur les procédés poétiques dans la littérature des Peuls du Foûta-Djalon », parue dans les Cahiers d'Études Africaines, n° 19, Paris, Mouton et co.1965, pp. 370-387. Il y explique, par exemple, que le mot baaba an, mon père, peut être écrit ou prononcé en baaba an ou en baaban selon que l'on veut avoir une voyelle longue et deux brèves ou uniquement deux voyelles longues ( Sow, op. cit, p. 374).

* 5On a le même procédé que pour le mot wiyi.

* 6Il s'agit là du répondeur.

* 7Le griot a employé le mot « Mista » de l'Anglais « Mister ». C'est une habitude au Foûta-Djalon de désigner ainsi des personnes qui ont séjourné au Liberia ou en Sierra Léone. En pulaar, on devrait dire : Moodi qui signifie usuellement « monsieur », « seigneur », « honorable ». Dans un registre soutenu, il s'appliquait aux notables; cette dernière acception est peu usitée de nos jours. Selon notre ancien professeur de géographie du Lycée Oustoya de Pita en République de Guinée, M. Mamadou Sâliou Baldé, rencontré à Pita au mois de janvier 2008, ce récit a été enregistré pendant un hirde, ou veillée, organisé par Mista Diâby qui souhaitait entendre Farba Ndjâla sur l'histoire du Foûta-Djalon.

* 8 « Oui » est la réplique de l'accompagnateur (Farba Abâssi). Cette réplique est essentielle pour montrer au conteur qu'on écoute et qu'on s'intéresse à son récit, d'une part, et qu'on partage ou confirme ce qu'il dit, notamment lorsqu'il pose une question, d'autre part. Le procédé est identique à celui qui est utilisé dans l'interprétation et l'exégèse du Coran. Dans ce récit, la réplique est exprimée au moyen des mots : Naam (d'origine arabe), Eyyo et Goonga. Les deux premiers termes sont à peu près synonymes, et le troisième est plutôt employé pour acquiescer à une affirmation ou répondre à une interrogation. Comme cette réplique est récurrente (elle revient après presque chaque verset et parfois divise le verset) et un peu ennuyeuse, nous avons jugé nécessaire de ne retenir que quelques uns : ceux qui ont une incidence dans le récit, en particulier, lorsque le conteur s'adresse à son accompagnateur; cela permet une meilleure lisibilité du texte et évite de prendre certaines réponses du répondeur pour celles des protagonistes du récit. Nous avons cependant laissé tels quels les « oui » des deux premières pages pour permettre au lecteur de se faire une idée de leur trop grande récurrence. Le fait que l'accompagnateur dit souvent « oui » au conteur oblige celui-ci à reprendre le fils de son récit en désignant les personnes dont il parlait par les pronoms personnels sujets; pronoms qu'on a du mal parfois à identifier. Par souci de clarté, nous supprimons dans la traduction aussi ces pronoms en les remplaçant par les noms propres des personnes. Il en va de même pour les « il dit ».

* 9Le récit est ponctué par des intermèdes musicaux dont la tonalité varie. À chaque fois qu'elle change, nous l'indiquons en l'interprétant.

* 10 Almâmy est le titre par lequel on désignait les souverains du Foûta-Djalon. Il vient de l'arabe al-imaam qui veut dire : celui qui dirige la prière, le commandeur des croyants. L'appellation s'est tellement généralisée qu'elle occultait parfois le nom de la personne. Dans cette épopée, à chaque fois que le terme Almâmy ne sera pas suivi par un nom, on doit comprendre qu'il s'agit de Almâmy Oumar, souverain régnant à l'époque de la confrontation.

* 11C'est-à-dire qu'il est l'arrière-petit fils de Târa Noûhou Sy et de Mâliki Sy. Ce dernier est le père de Almâmy Sory-le-Grand, deuxième souverain du Foûta et ancêtre de la famille dynastique Soriyâ. Pour plus de détails sur la généalogie de ces personnages voir notre Mémoire de Maîtrise, L'épopée d'Abdoul Rahmâne du Foûta-Djalon : histoire et épopée, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, FLSH, Département de Lettres Modernes, 2006-2007, Quatrième partie : histoire et épopée, chapitre trois : les généalogies, pp. 233-235.

* 12Mot à mot : qui ne fut pas moins valeureux, vaillant... que...; autrement dit, qui est aussi digne que. Jaasaano vient du verbe jaasude ou jaasugol : être, devenir moins valeureux, vaillant...que. Quand on dit de quelqu'un : Ko a jassu?o, cela veut dire qu'il est inférieur à un autre, qu'il est moins que rien. Kadé est le nom affectif des filles ou femmes qui s'appellent Kadiatou.

* 13Mbeembal, ou beembal masc.,beembe, mbeembe, plur.désigne un récipient qui sert à garder des choses précieuses. C'est une « sorte de grand vase en argile, façonné dans la case d'habitation, et servant à mettre en sûreté les choses précieuses auxquelles on ne touche que rarement», d'après Henri Gaden dans Dictionnaire Peul-Français, fascicule I et II, Université de Dakar, IFAN, 1972, p. 37. Beembal peut aussi désigner un four crématoire.

* 14Dianké Wâli est le dernier roi du Ngâbou. Tourouban ou tourban signifie en Mandingue la catastrophe, l'extermination de la race (mandingue). Les Mandingues disent tourouban kélo : la semence (de la nanthioya, l'aristocratie guerrière du Ngâbou) est finie, c'est-à-dire qu'il n'y a plus de moyen de reproduction, la chute de Kansala ayant été une catastrophe qui a entraîné la fin du royaume. C'est là une allusion à la chute de Kansala, la capitale du Ngâbou. Dans la traduction, nous utilisons tantôt le nom Tourouban tantôt ce qu'il signifie.

* 15Par la passé les Almâmy du Foûta-Djalon et les rois du Ngâbou se sont fait la guerre plusieurs fois.

* 16Nous mettons en italique tous les passages qui ne sont pas dits en langue pulaar et indiquons les langues de ces dits passages dans le texte français.

* 17On attendait miijitii.

* 18Passage du Coran : Sourate Al-Fil (L'éléphant), verset cinq.

* 19Cheikh est, selon A. I. Sow, « le titre reconnu par l'opinion publique à un tierno de grande érudition et passé maître dans la connaissance du droit et de la théologie de l'Islam. Le cheikh est un érudit, un docte musulman de grande réputation » (Chroniques et récits du Foûta-Djalon, Paris, Klinscksieck, 1968, p. 8).

* 20Passage très récurrent dans le Coran que le griot emploie maintes fois dans ce récit. C'est une périphrase pour désigner Allah.

* 21Idem pour la note précédente.

* 22Il est donc parvenu à se rapprocher de très près de Dieu au point qu'il n'y a entre eux que l'épaisseur d'un infime voile.

* 23Les Peuls disent Ngâbou, les Mandingues ou Mandinkos et les Auteurs portugais Kâbou, les Sérères et les Chercheurs Gâbou.

* 24Ce verset revient souvent. C'est par lui que les Sébhé se moquent des Peuls du Foûta. Ils disent par ailleurs que le Peul ne connaît rien d'autre que le taro chaud, et ignore la viande. Aussi est-il physiquement petit et faible, disent-ils.

* 25Vocabulaire de déférence. Le terme familier est junngo.

* 26Touro banta signifie en mandingue : « il n'y a plus de semence ». Voir la note 67 du texte français.

* 27Alfâ est un titre qui vient de l'arabe al-fahim ou al-fagih, celui qui a compris, celui qui a de grandes connaissances en droit. Tierno Diallo note que « dans presque toutes les provinces, le titre alfa a glissé du religieux au politique à l'exception de celle de Timbi. Là, le titre politique des chefs de la province et de ses sous-provinces était cerno [...] » in Les Institutions politiques du Fuuta-Dyalon au XIXè siècle, Initiations et Études Africaines, n° XXVIII, Dakar-IFAN, 1972, p. 161.

* 28Autrement dit cela dépend de toi. On note dans ce verset et dans le suivant une variation dans l'emploi des pronoms personnels : « vous » et « tu »; ce passage du vouvoiement au tutoiement nous semble curieux dans la mesure où le vouvoiement est de rigueur au Foûta-Djalon à chaque fois qu'on s'adresse à une personne plus âgée ou à une autorité (politique ou religieuse).

* 29Dâka Labé signifie : le campement de Labé, le lieu de séjour; l'expression désigne le nom d'un quartier de la préfecture de Labé.

* 30Irayma est un nom qui vient de Ibraahiima : on remarque qu'il y a eu syncope du b et du h et simplification de la géminée aa. Peut-être que c'est la géminée ii qui a donné le y de Irayma.

* 31Tierno désigne le titre que portaient les chefs de la province de Timbi Tounni. Il désigne en outre un lettré qui a étudié, récité, traduit et commenté le Coran (Ceerno ko janngu?o hunnji firi tafsiri Alqur'aana).

* 32Nom d'une des neuf provinces du Foûta. Il tire son origine dans la guerre que les Peuls musulmans avaient menée contre les païens. Selon Karamoko Salmâna de Pita, le nom Timbi Tounni signifie : «  j'ai commencé à les [les païens] convertir. (Durand, Osvald, « Moeurs et institutions d'une famille du cercle de Pita », Bulletin du Comité d'Etudes Historiques et Scientifiques de l'A.O.F., 1929, t. 12, Paris, Larose, (pp. 1-85), p. 8.

* 33Taalibe, sing, taalibaa?e, plur : disciple suivant l'enseignement d'un maître; synonyme de almuudo, almu?e. Par extension, il désigne le maître.

* 34 Le kalwa ou xalwa est une retraite au cours de laquelle on fait des prières spéciales en vue d'une consultation divine pour une affaire déterminée. Il diffère de la retraite rituelle dite ufnagol, qui consiste à s'isoler provisoirement pour des raisons religieuses ou politiques. Selon Tierno Mouhammadou Samba-Mombéyâ dans Le Filon du bonheur éternel, Paris, Armand Colin, col. Classiques Africains, 1971, pp. 72-73, « le reclus se retire pour accomplir des oeuvres : Ufnii?o ko lun?itanii?o dewal ».

* 35Cheikh est, selon A. I. Sow, « le titre reconnu par l'opinion publique à un tierno de grande érudition et passé maître dans la connaissance du droit et de la théologie de l'Islam. Le cheikh est un érudit, un docte musulman de grande réputation » (Chroniques et récits du Foûta-Djalon, Paris, Klinscksieck, 1968, p. 8.

* 36 Nous reproduisons cette partie du récit telle quelle se trouve dans la thèse de Tangara ; les deux textes (mandingue et français) sont disposés séparément. Nous avons toutefois rectifié certaines erreurs (d'accord, de ponctuation...). Les rectifications sont signalées par l'écriture en gras.

* 37 Soufis, maîtres dans l'art des sciences mystiques de l'Islam.

* 38 Correspondant à la nuit du jeudi selon la perception mandingue.

* 39 Nuit du dimanche.

* 40 Le prophète Mohamed (P.S.L)

* 41 Les signes cabalistiques par lesquels on fait le maraboutage.

* 42 « Qu'il en soit ainsi » dans ce contexte.

* 43 Un singe rouge.

* 44 Guerre d'indépendance menée par le PAIGC contre le Portugal en Guinée-Bissau.

* 45 Gris-gris très puissant qui selon l'imaginaire populaire peut atteindre un homme à distance.

* 46 Les marabouts mandingues étaient respectés et vivaient en harmonie avec les animistes mandingues.

* 47 Vers 17 heures.

* 48 Sept mois.

* 49La théorie littéraire.

* 50Ces traits sont : « poème narratif; imitation d'actions de haute morale; composé autour d'une action « entière et complète, ayant un commencement et une fin »; ampleur du poème; composition étendue ; multiplicité et variété des épisodes; péripéties merveilleuses et pathétiques; utilisation du mettre héroïque (hexamètre), élocution » (p. 21).

* 51Le procédé de dramatisation est « un ensemble de pratiques au moyen desquelles une idée s'élabore et se transmet, se reçoit et se conserve », Diagne, Mamoussé (2005) Critique de la raison orale (les pratiques discursives en Afrique Noire), CELTHO-IFAN-KARTHALA, p. 26.

* 52Bonaventure Mvé-Ondo, « Préface » (pp. 5-10), p. 9. dans Critique de la raison orale...

* 53Manière d'être idéale et distinctive du Peul.

* 54À titre d'exemple, nous donnons ici le poème intitulé « la soirée dansante au rythme du tam-tam ». Nous avons rectifié la traduction de dewro : à la place de copie, nous avons mis copine.

1. Lewru ndun no sayyitaa// 5. Samba Juma e Saatenen

2. wengaa// dow dow to weeyo 6. Nodditii fijoo?e ?en

3. kammu ngun no ?enkitaa 7. Siran Sitan e Kumba Korka

4. Leele no teeri amoowo 8. Wontiri ?un jinda fatwa

9. Hande Kadi ko hirde jimbe 13. Kunnakiti ko tikka sooyi

10. Hirde tama e hirde sanje 14. ?un alaa ko yeddu maa

11. Gooto kala e dewro mu'un 15. Mi weddoto ngol jooni jooni

12. Fottoyen ka ndantahun 16. Dewro tuma nde yolli?a

17. Samba Tenen tappu tii?a 20. Donkin-Dane-mawna-inde

18. Manga Sabu no hirsi 21. Lewru ndun no sayyitaa mbeewa

19. Hande ko fijo cuule julde 22. Kammu ngun no ?enkitaa

Traduction : La lune est balayée, suspendue très haut dans l'éther. Le ciel est astiqué. La clarté de la lune défie le danseur. Samba Juma et Saatenen convient leurs invités à la réjouissance. Sira Sitan et Kumba Korka s'activent à vérifier tous les détails de l'organisation. Aujourd'hui encore c'est jour de danse au son du tam-tam, aux tambourins et aux crécelles. Chacun avec sa copi[n]e, convergeons tous vers l'espace public. Il ne fait l'objet d'aucun doute que Tikka soyi est un habit à la mode. Lorsque nous serons entrés dans la transe, je jetterai très haut mon mouchoir de tête. Samba Tenen active-toi dans la percussion. Manga Sabu a abattu une chèvre pour la circonstance. Aujourd'hui c'est jour de réjouissance pour l'excision de Julde. Donkin-Dane-grand personnage illustre. (Semen, op, cit. , p. 144)

* 55 Dieng, Bassirou (1991), « Les genres narratifs et les phénomènes intertextuels dans l'espace soudanais (mythes, épopées et romans) » in Annales de le Faculté des Lettres et Sciences et Humaines, n° 31, (pp. 77-93), p. 77.

* 56Jankélévich, Vladmir (1980), Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien (2.La méconnaissance/Le malentendu), Paris, Seuil, col. Essai, p. 211.

* 57Jankélévich, Vladmir (1980), op. cit., p. 212.

* 58Ibid, p. 213.

* 59Ibid, p. 214.

* 60Ibidem.

* 61Tijani, Mufutau Adebowale (2004), «  Ahmadou Kourouma : un conteur traditionnel sous la peau d'un romancier », Semen, 18 : De la culture orale à la production écrite : Littératures africaines, (pp. 105-115), p. 107.

* 62GENETTE, Gérard, « Introduction à l'architexte », in COLLECTIF, Théorie des genres, Paris, Seuil, 1986, p. 89-159. Genette définit l'architextualité comme « cette relation d'inclusion qui unit chaque texte aux divers types de discours auxquels il ressortit [...] » (p. 157).

* 63WANE, Ibrahima « Transgressions, concessions et conciliations ou l'altérité dans En attendant le vote des bêtes sauvages d'Ahmadou Kourouma », Éthiopiques, numéro 75 Littérature, philosophie et art 2ème semestre 2005, p. 1. Les pages que nous donnons dans cette étude correspondent à celles de l'article mis en ligne : elles différent donc de celles de l'article qui a été publié dans la revue Éthiopiques.

* 64Tijani, Mufutau Adebowale (2004), op. cit., Semen, 18, p. 108.

* 65Paris, Éditions de Minuit, 1952.

* 66www.politique-africaine.com/numeros/pdf/075178.pdf

* 67Dumestre, Gérard (1979), Paris, Armand Colin, classiques africains.

* 68Dictionnaire de l'Académie française, version informatique en ligne sur le site : www.academie-francaise.fr

* 69Farba Seck, « Les Almâmis de la maison des Soriyâ », Sow Alfâ Ibrâhîm (1968), Chroniques et récits du Foûta-Djalon, Paris, Klincksieck, (pp. 54-83), p. 55.

* 70Article, op. cit., p. 1.

* 71 Idem, p. 2.

* 72Seydou, Christiane (1983), « Réflexions sur les structures narratives du texte épique. L'exemple des épopées peule et bambara », L'Homme, vol 23, n° 3, (pp. 41-54), p. 43.

* 73 Niane, Djibril Tamsir (1960), Soundjatou ou l'épopée mandingue, Paris, Présence Africaine, p. 75.

* 74 Cf. L'article de Tijani, Semen, 18, op. cit.

* 75WANE, Ibrahima, op. cit., p. 3. Voir la note 3.

* 76« Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente.

Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte.

Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde », Césaire, Aimé (1955) Discours sur le colonialisme, Paris, Présence Africaine, p. 7.

* 77« Le fait est que la civilisation dite « européenne » [...] est incapable de résoudre les deux problèmes majeurs auxquels son existence a donné naissance : le problème du prolétariat et le problème colonial; [...] impuissante à se justifier. ». Césaire, A., op. cit, p. 7

* 78« L'Europe est indéfendable ». Ibidem.

* 79Les numéros de pages de cette partie renvoient à celles du Discours de Césaire et non aux oeuvres des auteurs.

* 80 Cette bibliographie concerne à la fois le présent mémoire et la thèse de doctorat.






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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984