WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Géographie de l'offre de soins et aménagement du territoire en Aquitaine

( Télécharger le fichier original )
par Florian Boury
Université Paris-Sorbonne (Paris-IV) - DEA Géographie et Aménagement 2000
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Troisième Partie

De la planification à l'aménagement

de l'espace sanitaire

« Un médecin, un juge ou un homme d'Etat peuvent avoir dans la tête beaucoup de belles règles, de pathologies, de jurisprudence ou de politique à un degré capable de les rendre de savants professeurs en ces matières et pourtant se tromper facilement dans l'application de ces règles, soit parce qu'ils manquent de jugement naturel, sans manquer cependant d'entendement et que, s'ils voient bien le général in abstracto, ils sont incapables de distinguer si un cas y est contenu in concreto, soit parce qu'ils n'ont pas été assez exercés à ce jugement par des exemples et des affaires réelles. » E. KANT, " Critique de la Raison Pure ", 1781.

Chapitre I : LA SANTÉ, ENJEU D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Selon M. NOGUES et B. AZEMA, « la planification dans son sens général vise à promouvoir sous un précepte d'équité, les biens et les ressources ; elle suppose un encadrement qui peut être autoritaire, empirique, normatif, pragmatique ou seulement incitatif. » Elle se doit donc de définir dans un contexte prospectif « les marques d'une configuration de l'espace-temps », à partir du développement et d'une volonté d'organisation et d'aménagement.

Toutefois, cette attitude est soumise à une concertation entre les différentes forces et secteurs socioprofessionnels concernés. La planification actuelle est indissociable de la régionalisation en s'appuyant sur les lois et ordonnances prônant décentralisation et déconcentration, et la mise en place des contrats de plan Etats-Régions. Or il apparaît bien souvent que la concertation évoquée précédemment repose avant tout sur les moyens financiers alloués, modifiant la planification sanitaire en planification des ressources. Cette planification s'exprime en tant qu'outil « posant les conditions d'un véritable contrat social dans un système d'économie mixte où coexistent actions publiques et privées » ; mais outil soumis également aux rapports conflictuels des forces sociales et/ou économiques.

De manière générale, il est courant d'évoquer la notion d'aménagement du territoire en lieu et place de la planification sanitaire ; concept plus abordable mais aussi plus généraliste qui définit mal la spécificité des actions réalisées. De plus, l'aménagement du territoire peut avoir des objectifs différents de ceux de la planification sanitaire quitte parfois à les associer afin de mieux distribuer les activités, les acteurs et les populations sur le territoire, pour réduire les disparités et améliorer sa performance globale ou celle de certains lieux. L'aménagement du territoire possède d'autres définitions, reprises dans les ouvrages " Les spécificités démographiques des régions et l'aménagement du territoire " (DUMONT, 1996) et " L'aménagement du territoire français " (alii, sous la direction de G. WACKERMANN, 1996).

En outre, la planification se veut être un acte législatif d'orientation, tandis que l'aménagement du territoire est, dans son sens premier, l'acte matériel entrepris dans la réalité, traduisant cette décision. Ceci explique bien souvent l'incohérence ou l'inadéquation de l'une à l'autre, tant elles peuvent être de nature et de volonté différente.

L'objectif de la planification sanitaire est la répartition équitable des services de santé sur le territoire. Celui de l'aménagement de l'espace sanitaire est d'intervenir sur l'organisation du système de soins, afin de rendre l'offre de soins accessible à tous en réduisant autant que faire se peut les inégalités et les disparités géographiques de santé, sachant qu'il est utopique de vouloir atteindre un objectif de totale équité, car ce concept d'équité ne dépend pas uniquement du système de soins ou de sa gestion, mais également des usagers, des professionnels de santé et des caractéristiques démographiques et épidémiologiques des populations locales, si différentes entre elles.

La densité des professionnels de santé est un élément primordial du système de soins, mais n'est pas le seul facteur influençant l'état de santé : la disponibilité de l'offre de soins ne signifie pas accès effectif aux soins, ni efficience de cet accès.

Outre une intervention sur l'aspect matériel du système de soins (structure, équipement, localisation...), la planification sanitaire, mais aussi la prévention et l'éducation sanitaire, notamment en rapport avec les comportements et la perception du système de soins, font aussi partie des actions publiques de planification sanitaire. Or ces actions nécessitent de disposer de structures et de personnels à répartir sur le territoire dans cet esprit d'équité : il s'agit d'aménager le territoire.

L'aménagement de l'espace sanitaire doit donc conjuguer politique de santé publique (prévention et éducation sanitaire vis-à-vis du système de soins et des principaux problèmes de santé) et allocations régionales de ressources afin de maîtriser les dépenses et les orienter le plus efficacement possible.

Mais il est nécessaire de sortir d'un contexte d'expertise financière et technocratique qui ne se soucie pas des spécificités locales. De fait, déterminer un cadre d'intervention à échelle plus fine qui éliminerait les déséquilibres de l'espace et de l'environnement socio-économique, comme les bassins de santé (TONNELLIER et VIGNERON), les bassins d'emploi, les ZAU...

Il faut replacer les questions de santé dans le cadre de l'aménagement du territoire. Car la santé constitue un enjeu d'aménagement du territoire particulièrement sensible. La question de l'égalité d'accès aux soins en tout point du territoire occupe une place important dans l'élaboration des SROS et dans les débats sur la loi d'orientation de « la politique d'aménagement et de développement du territoire » du 04 février 1995. (DUMONT, 1996)

Ceci est une exigence démocratique auquel doit répondre directement l'aménagement du territoire. Néanmoins, à l'heure actuelle, nombre de contraintes techniques et financières empêche toute réalisation dans ce sens. Car « il existe pourtant des solutions réalistes, soutient M. AMIEL de la DATAR, des moyens qui permettent de dépasser le noeud des contradictions et d'oppositions qui constitue cette épineuse question de l'égalité d'accès aux soins. » (AMIEL, 1995)

La question est particulièrement vive lorsqu'il s'agit de territoires à faible densité démographique, à dominante rurale, dépourvues d'agglomérations importantes ou polarisantes. Car l'absence ou la présence d'un réseau suffisamment denses de services de soins, représente un facteur d'attraction ou de répulsion des territoire, un atout ou un handicap pour le développement local.

Les préoccupations sont duales : d'ordre sanitaire, qualité et proximité de l'offre de soins ; d'ordre économique, la structure de soins qu'est l'hôpital ou la clinique, privé ou public, est un acteur économique déterminant, bien souvent le premier employeur, la première entreprise de moyennes et de grandes agglomérations, d'un bassin de vie ou d'emploi, un des " poumons " de l'activité économique locale ; mais également un élément indispensable d'organisation, de structuration du territoire environnant, qui renforce l'aire d'attraction d'une ville ou d'une agglomération. Ce dernier point explique la vigueur de certaines réactions quant aux projets de restructurations hospitalières proposés ces dernières années. Dans ce cas, le rôle indispensable de l'aménagement de l'espace sanitaire devrait être de maintenir un réseau de proximité, afin d'éviter toutes formes d'exclusion ou d'enclavement. Cependant, il faut se méfier d'une égalité territoriale à tout prix qui recouvrirait une inégalité sociale bien réelle ; seuls les plus démunis recourent à l'établissement de proximité (Carte 15 p. 91). Il est impensable de maintenir des unités obsolètes voire dangereuses car vétustes et insalubres. L'aménagement du territoire se doit donc d'éviter tout immobilisme.

En outre, subsiste un second problème structurel inhérent au système de santé français, la maîtrise des dépenses de santé, question épineuse dans le contexte de la société actuelle en termes économiques et de cohésion sociale d'autant que les pouvoirs publics ont tendance à négliger certaines réalités démographiques tel le vieillissement de la population. L'offre de soins a besoin d'une plus grande rationalité. Dans ce contexte, s'inscrivent les récentes restructurations hospitalières générant tant de débats, qu'il s'agisse de la fermeture de certains services de chirurgie ou d'obstétrique dans lesquels le nombre d'interventions est jugé insuffisant pour garantir l'expérience des équipes médicales et attirer les praticiens les plus performants, qu'il soit libéraux ou hospitaliers.

Nonobstant ces considérations, les opérations menées actuellement ne paraissent pas toujours prendre suffisamment en compte les préoccupations sanitaires et économiques des populations ou des professionnels de santé, non plus que les préoccupations d'aménagement évoquées précédemment. Car, comme le confirme M. AMIEL, « il existe des solutions réalistes, des moyens concrets pour valoriser les sites de proximité dans de bonnes conditions de coût et d'efficacité, et résoudre ainsi - au moins en partie - le conflit entre demande de qualité et de proximité d'un côté, contraintes techniques et financières d'autre part. » (AMIEL, 1995)

Il est tout à fait possible de développer des solutions techniques préexistantes, amplifier un mouvement en cours tendant, par exemple, à :

Ø instituer de nouvelles formes de présence et de nouvelles formes de production du service de soins, grâce aux postes de consultations avancés, à la chirurgie ambulatoire ou à la télémédecine ;

Ø assurer des services nouveaux, en particulier l'hébergement en court séjour de proximité en lits de moyen et long séjour pour les soins de suite, les réadaptations et les personnes âgées, qui font défaut en bien des endroit en Aquitaine (Landes, Dordogne, Lot-et-Garonne), ce qui est un des objectifs des reconversions de lits.

De plus, il est également dans le domaine du possible de développer les coopérations entre établissements, ce qui a déjà débuté en Aquitaine dans le cas des pôles hospitaliers de Mont-de-Marsan et Dax :

Ø horizontalement afin d'accroître la complémentarité entre établissements voisins (par exemple dans le cas de la chirurgie ambulatoire) pour mettre ainsi fin aux concurrences stériles ;

Ø verticalement dans le but de mettre en place des postes de consultations avancés ou la télémédecine.

Ce point implique la mise en réseau des établissements voulue par la circulaire du 3 juin 1993 « relative à l'adaptation de l'offre de soins hospitalière en cohérence avec une politique équilibrée d'aménagement du territoire. » Cette circulaire n'eut pas immédiatement les échos opérationnels attendus, puisque aujourd'hui encore cette volonté tarde à se réaliser concrètement.

Toutefois, ceci implique également de prendre clairement conscience de la responsabilité territoriale de l'hôpital, d'accorder une attention particulière aux établissements de proximité à la limite des seuils techniques nationaux de fonctionnement (trois cents accouchements par an au minimum pour le maintien d'une maternité), dont la pertinence n'a pas été prouvée. Ces seuils, souvent théoriques, devraient être appliqués en tenant compte de ces spécificités locales évoquées précédemment, notamment dans les zones de faible densité, rurales ou de montagne où, de surcroît, les distances-temps entre le patient et la structure de soins peuvent être importantes et poser également des problèmes de sécurité sanitaire.

Il est enfin indispensable de prendre en compte le " gigantisme " (AMIEL, 1995) de certains établissements type CHR ou CHU, dont on est droit de se demander si leur croissance ne se fait pas au détriment des pôles hospitaliers de l'arrière-pays. En cela, le SROS Aquitaine, deuxième génération, prend parfaitement en considération ce phénomène.

Cependant, au-delà de l'intervention opérationnelle destinée à une égalité des moyens, il paraît plus ambitieux, mais aussi plus réaliste, voire pour certains peut-être plus inaccessible, de tendre vers un rapprochement des niveaux de santé des populations au moins à un niveau infrarégional. Si le système de soins agit sur l'état de santé à la fois par sa dimension curative et par sa dimension préventive, de nombreux autres déterminants interviennent en amont.

Or les enveloppes constituées par les allocations régionales de ressources ont pour but de financer l'offre de soins. Il est dans ce cas impératif de faire en sorte que ces allocations contribue directement à atteindre l'objectif recherché. Toutefois, on ne peut affirmer que le rapprochement des enveloppes moyennes est un facteur d'homogénéisation des états de santé.

En effet, d'une part, dans un système de soins satisfaisant en terme d'offre au plan national, un niveau d'offre inférieur à un ratio national (la densité moyenne nationale par exemple) n'est pas pour autant synonyme d'insuffisances ou d'immobilisme, que des financements supplémentaires permettraient de corriger. D'autre part, un dispositif d'allocation très différenciée au niveau régional, telle que la gestion actuelle des enveloppes et leur déclinaison, ne donne en aucun cas de gage que ces sommes supplémentaires allouées soient parfaitement ciblées sur des problèmes ou sur des populations qui sont effectivement à la source d'inégalités régionales. De fait, ces inégalités régionales recouvrent bien souvent des inégalités infrarégionales bien plus importantes qui tiennent tout autant compte des spécificités locales que de la gestion du système de soins.

L'harmonisation et la maîtrise des dépenses, définies par le SROS 1999 - 2004 et le Plan régional de l'assurance maladie 2000 - 2002, ne peuvent donc à elles seules contribuer de facto à l'harmonisation des états de santé. Il est nécessaire qu'elles soient associées à une politique volontariste régionale ayant le même objectif et gérant les enveloppes au profit des zones les plus défavorisées ou, a contrario, en restreignant le budget alloué aux zones surdotées.

Ainsi, si le principe de justice recherché est celui de la réduction des inégalités des citoyens devant la maladie ou la mort, la répartition régionale des enveloppes de médecine ambulatoire ou hospitalière n'est certainement pas en mesure d'assurer seule la réalisation de cet objectif de planification sanitaire, du fait de l'absence de liens étroits entre état de santé, offre et accès de soins. En cela, les axes de développement en matière d'aménagement de l'espace sanitaire sont les parfaits usages opérationnels.

* *

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"