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Géographie de l'offre de soins et aménagement du territoire en Aquitaine

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par Florian Boury
Université Paris-Sorbonne (Paris-IV) - DEA Géographie et Aménagement 2000
  

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4. Quelle(s) définition(s) des besoins en planification sanitaire ?

Puisqu'il s'agit de raisonner en terme d'équité, il est nécessaire de raisonner également " à besoin de soins égal ", ce qui soulève un problème conceptuel et méthodologique majeur : la définition et l'évaluation de ces besoins.

La loi hospitalière prévoit que « la carte sanitaire et le schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) ont pour objet de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires de l'offre de soins en vue de satisfaire de manière optimale la demande de santé (...) ; ils sont arrêtés (...) sur la base d'une mesure des besoins de la population. » (Loi n°91-748 du 31 juillet 1991, article 712-1 du code de la santé publique)

Or après examen des premiers SROS, B. BASSET et A. LOPEZ ont jugé que les données épidémiologiques avaient peu ou pas servi à la démarche planificatrice de l'adaptation de l'offre de soins. Dans l'idée où les besoins de santé font parties intégrantes de l'état de santé d'une population, d'une manière ou d'une autre, deux hypothèses peuvent être formulées. (BASSET & LOPEZ, 1997)

La première repose sur le fait que l'organisation de l'offre de soins ignore les besoins de santé des individus ; ce qui serait quelque peu paradoxal puisque la finalité du système de santé est de produire des soins en réponse à une demande traduisant des besoins humains.

La seconde hypothèse revendique l'obligation d'intégrer les besoins de santé à toute démarche planificatrice ; ce qui ramène le débat aux problèmes méthodologiques évoqués précédemment sur la définition et l'évaluation de ces besoins, et sur l'adéquation de l'offre de soins aux besoins.

Sans doute ces besoins sont-ils fonction de la taille de la population, mais le nombre de personnes doit être pondéré par leur âge : la probabilité de présenter une ou plusieurs pathologies s'accroît avec l'âge, il est donc normal que les personnes âgées occasionnent plus de dépenses que de jeunes individus. De même, sur le plan infrarégional, il est normal que des zones de peuplement âgé aient des dépenses moyennes plus élevées que de zones où la population est plus jeune. Il est reconnu en Aquitaine que les populations jeunes résident généralement en zone urbaine, et les populations âgées en milieu rural. Ce schéma de peuplement induit des besoins et des dépenses plus importantes en milieu rural. L'offre de soins doit donc être plus dense dans ces régions. Nous verrons par la suite ce qu'il en est.

Mais l'âge ne suffit pas pour rendre compte localement des écarts de besoins. Le HCSP3(*), suite à de nombreuses études, a reconnu « qu'il existe sur le territoire des spécificités épidémiologiques, des différences dans la prévalence de telle ou telle pathologie, indépendamment de l'âge. » (HCSP, 1998) Cependant, rendre compte de ces spécificités et de leur influence sur le recours aux soins et les dépenses se révèle particulièrement complexe du fait de la grande diversité des situations. Pour trouver un indice commun, il est donc nécessaire de prendre en compte des indicateurs communs et accessibles (selon la loi Informatique et Liberté n°78-17 du 6 janvier 1978) tels que la mortalité générale, prématurée, évitable...

En outre s'il est vrai que la vulnérabilité de la population aux états morbides est induite par des composantes d'ordre sociologique et économique, l'introduction d'indicateurs de vulnérabilité semble opportune : pourcentage d'individus bénéficiant des minima sociaux, des aides sociales, des personnes âgées vivant seules, bénéficiant du Ticket Modérateur, du tiers payant...(HCSP, 1998). Une liste d'indicateurs éventuels a été proposé dans le cadre du projet URCAM : "Analyse géographique de la consommation de soins " ; nous reviendrons plus loin sur cette liste.

R. PINAULT et C. DAVELUY ont défini en 1986 le concept de besoins de santé en santé publique ; il s'agit de « l'écart entre un état de santé constaté et un état de santé souhaité par la collectivité ou ses représentants. »

Deux problèmes se posent alors.

D'une part, évaluer un état de santé nécessite de disposer d'indicateurs d'évaluation tels que les données de mortalité, épidémiologiques et de consommation.

Les données de mortalité sont très importantes car elles permettent de connaître les pathologies - causes de décès, et ainsi d'orienter les politiques de santé publique.

Cependant, ces données sont limitées « par le caractère létale de ces pathologies, ce qui ne concernent qu'une partie des pathologies prises en charge par le système de soins. » L'étude des différents taux de mortalité ne permettent ni de déterminer les besoins de santé des individus, ni de montrer un défaut ou un excès d'équipement du système de soins. Ceci ouvre le débat sur d'autres questions ne mettant pas en jeu l'offre de soins, mais des sujets environnementaux ou socioculturel : accès aux soins, genre de vie, comportements à risque, desserte du territoire... (SALOMEZ & LACOSTE, 1999)

L'analyse de la morbidité met en oeuvre « l'estimation de la fréquence et des caractéristiques des problèmes de santé. » Cette analyse n'a pas de buts communs avec la planification sanitaire ; elle est réalisée sur un échantillon d'individus sélectionnés dont on va étudier l'adaptation aux conditions de vie et du milieu. « De telles études épidémiologiques, expliquent JL. SALOMEZ et O. LACOSTE, où sont enregistrées de façon exhaustive dans le cas d'une affection sur un secteur géographique, sont de véritables programmes de recherche dont la généralisation est impossible en raison des coûts et des savoir-faire méthodologiques qu'ils impliquent. » Pour pouvoir utiliser de telles sources d'information en planification sanitaire, il est nécessaire de mesurer outre la fréquence des pathologies, leur répartition géographique, les facteurs de risque et les modalités de prise en charge du système de soins. Or peu d'études offrent cette exhaustivité, jamais les sources de données permanentes. (SALOMEZ & LACOSTE, 1999)

Les données de consommation portent généralement sur le PMSI (Programme de médicalisation des systèmes d'information) des établissements hospitaliers, c'est à dire leur activité médicale. Or il apparaît rapidement que les données de consommation issues du système de soins ne peuvent être utilisée en planification sanitaire, car les statistiques sont établies sur la base de séjour et non par patients ce qui rend ces données très dépendantes de l'organisation du système de soins. De plus, estimer un besoin par la consommation revient dans le cas où l'offre de soins n'est pas présente, à estimer qu'il n'y a pas de besoins de soins, ce qui serait une gageure puisqu'il ne faut pas assimiler besoin et demande. Tout besoin ne s'exprime pas par une demande de soins, si celui-ci n'est pas ressenti ; cette conception risquerait d'entraîner de graves situations de risque, que la planification a pour but d'éviter ou d'éliminer.

D'autres part, définir un état de santé implique une base de référence, subjective ou objective, idéale ou souhaitée. Or cette base de référence n'est pas unique ; elle diffère selon le modèle de représentation de la santé. Cette référence tient compte du niveau de perception des patients : approche globalisante et communautaire du champ de la santé, et des professionnels de santé. Ces derniers ont des points de vue dissociés : les praticiens vont exprimés leur opinion en fonction de la notion de services fournis, les experts de la santé publiques selon une approche théorique et idéale. (SALOMEZ et LACOSTE, 1999)

Ce modèle de référence varie également selon une dimension spatio-temporelle. JL. SALOMEZ et O. LACOSTE précise qu' « établir un besoin de santé revient à se situer sur une échelle allant du besoin vital élémentaire au besoin de bien-être, de confort. » Cette échelle repose sur les caractéristiques démographiques, socio-économiques, culturelles ou religieuses d'une population (schéma 1 p. 23). Or ces caractéristiques diffèrent au sein d'une même région. En outre, au cours d'une période, les pathologies soignées ne sont pas les mêmes et ne s'expriment pas de la même façon en terme de besoins.

Source : SALOMEZ & LACOSTE, 1999

Le constat du caractère régional des dysfonctionnement de la société sous l'angle du trait de la vulnérabilité face à la maladie fait passer la notion de " besoin de santé " à celle de " besoin de soins ". L'influence des disparités, socio-économiques par exemple, entre les populations pourra également s'exprimer dans le type de recours aux soins, plutôt la médecine de ville ou bien la médecine hospitalière. Ces disparités infrarégional peuvent conduire à une rupture entre équité et efficacité du système de soins. La réponse adéquate à ces problèmes spatio-temporels ne passe donc pas nécessairement par l'adaptation des dotations de ressources des régions.

Ainsi le secteur sanitaire est censé développer une gamme de réponses aux cas de détérioration significative de l'état de santé de la population allant au-delà de ce qui serait la conséquence normale de la structure par âge. L'attribution des ressources à une région doit permettre à la planification sanitaire de remplir cette mission, et c'est dans ce cadre que le besoin d'accès aux soins s'identifie de prime abord à un besoin de ressources à affecter au système de santé.

Rien ne permet de considérer que cette détérioration s'effectue de manière homogène sur l'ensemble du territoire régional, tant en ce qui concerne les pathologies traitées que de l'ampleur du phénomène. Par conséquent, il est évident qu'il est nécessaire de développer régionalement certains pôles d'offre sanitaire par rapport à d'autres, ce qui pose des problèmes de planification sanitaire, mais également d'allocations de ressources comme support financier de cette planification.

Toutefois dans un souci de stabilisation des moyens dans le temps, cette exigence de l'adaptation de l'offre aux besoins de soins, et donc à l'état de santé des individus, parce qu'elle peut faire apparaître des besoins d'accès aux soins spécifiques à tel ou tel lieu, nécessite de déterminer ce qui, dans l'état de santé de la population, a réellement un caractère endémique.

Ainsi une conception élargie de la notion de besoin d'accès aux soins, incluant une dimension sociologique et économique, va de paire avec la préconisation d'un espace sanitaire infrarégional. Dans ce contexte les besoins d'accès aux soins ne s'identifient plus seulement à des ressources allouées mais aussi à des procédures d'utilisation de ces ressources.

En outre, la simple mise à niveau de l'offre de soins n'est en rien une réponse aux besoins de soins ; l'offre peut être induite par des logiques extérieures ignorant ces besoins. « Il peut s'agir du maintien ou de l'augmentation de la rétribution du prestataire (du professionnel ou de la structure de soins) (...), d'une logique d'aménagement du territoire en dehors de toute considération sanitaire (...), tous domaines où les considérations politiques locales ne sont pas absentes. » (SALOMEZ & LACOSTE, 1999) Mais ces démarches planificatrices ont tendance à intervenir sur des structures déjà en place. Par ailleurs, la logique animant ces politiques est fondée sur la consommation de soins ; or nous avons vu précédemment que consommation ne correspondait pas avec besoins de soins ou utilisation du système de soins. Cette logique part du principe que lorsque la consommation locale est inférieure à une moyenne, référence régionale ou nationale, cela traduit une faiblesse des besoins, et par conséquent une utilisation des ressources limitée. Mais lorsque cette consommation est supérieure à la moyenne, les besoins ne sont pas considérés comme plus importants, mais comme une surconsommation que les pouvoirs publics doivent maîtriser. Cette logique est aberrante, car dans un cas comme dans l'autre, les acteurs du champ sanitaire n'essaient pas d'évaluer les besoins de manière objective et efficiente, mais ils statuent sur des données statistiques subjectives qui ne représentent pas la réalité, afin de maîtriser dépenses et planification sanitaire.

Quelle est donc la finalité de politiques locales ? Gestion des ressources budgétaires ou amélioration sensible de l'état de santé des individus en essayant d'adapter l'offre aux besoins ? Une nouvelle fois, le débat porte sur deux aspects inséparables du système de santé en France : faut-il favoriser l'aspect financier ou l'aspect humain, sachant que la santé est avant tout un domaine pour les individus, organisé et géré par et pour les individus, employant des individus, mais ne fonctionnant que par des moyens financiers ?

Le schéma 2 montre que l'analyse doit prendre en compte simultanément plusieurs facteurs.

Source : SALOMEZ & LACOSTE, 1999

Enfin, l'analyse géographique de l'offre de soins en Aquitaine a pour but de répondre à ces trois questions :

Ø L'offre de soins est-elle globalement suffisante ?

Ø Est-elle adaptée et équilibrée entre les différents secteurs d'activités ?

Ø Est-elle correctement, voire équitablement, répartie sur le territoire régional ?

Les deux premières questions induisent une analyse quantitative, basée sur des statistiques établies sur le rapport : taux d'équipement par secteur, et de productions.

En outre, il convient d'effectuer une analyse spatiale dynamique des flux et des aires d'attractions, et une analyse de démographie médicale (localisation, effectifs, densités...). Ces analyses ayant pour objectif de formuler des projections afin d'anticiper sur les futurs besoins.

Cette méthodologie analytique est l'armature du projet URCAM sur lequel nous reviendrons plus en détail.

* *

* 3 Haut Comité de Santé Publique

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984