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Problématique de la pauvreté et bidonvillisation en Haiti, le cas de Shada au Cap-Haitien

( Télécharger le fichier original )
par Banet JEAN
Université d'Etat d'Haiti - Licence sciences économiques 1999
  

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FACULTE DE DROIT, DES SCIENCES ECONOMIQUES ET DE GESTION

CAP-HAITIEN

Promotion DAVID RICARDO
1999-2003

THEME :
PROBLEMATIQUE DE LA PAUVRETE ET
BIDONVILLISATION EN HAITI

LE CAS DE `SHADA ' AU CAP-HAITIEN

Mémoire de Sortie de l'étudiant
Ban et JEAN

Pour l'obtention du grade de Licencié
Ès Sciences Economiques

Sous la direction du Professeur
Roland BELIZAIRE

Février 2008

AVANT-PROPOS

Il nous est vraiment difficile de trouver des expressions suffisamment puissantes pour présenter la situation quotidienne des haïtiens, en ces derniers temps. Malgré les grands travaux effectués par les experts pour trouver des réponses cohérentes sur le problème que pose la pauvreté, malheureusement, la condition de vie des citoyens continue à se dégrader davantage. Parmi les travaux de référence, on peut se souvenir des résultats des programmes d'ajustements structurels (PAS), élaborés par les Institutions de Brettons Wood (IBW). Aujourd'hui, encore, on essaie de venir avec d'autres stratégies pour voir comment éradiquer ce fléau. Par exemple, à travers le document intitulé « Cadre de Coopération Intérimaire » (CCI), le Document stratégique pour la réduction de la pauvreté - intérimaire (DSRP-I),... sans oublier les multiples autres aides internationales.

Nous ne voulons pas être trop pessimiste, mais l'expérience haïtienne révèle que ces types de programmes ayant pour objectif de « réduire » la pauvreté n'arrivent pas ou assez souvent, à la destination finale. Les pauvres se plaignent, parce que leurs situations du point de vue socio-économique se détériorent, jours après jour.

De manière pratique, qui aide réellement les pauvres à faire face aux difficultés de toutes sortes, en particulier, l'eau, communication, santé, etc. ?

Pour s'échapper des solutions, bon nombre de penseurs disent même que les pauvres sont les artisans même de leur propre malheur. Pour trouver la source de la pauvreté, d'autres parlent de la position géographique des pays, etc. Ces façons de voir ou poser le problème peuvent-elles aider à solutionner le problème ? Les nouvelles approches sur ce fléau suscitent pas mal de commentaires du côté des Haïtiens, tant chez les gouvernants que du côté des gouvernés. Est-ce qu'on va enfin mettre un terme avec cette question de pauvreté, en Haïti, qui dure déjà trop longtemps ? Y a-t-il vraiment une grande différence entre ce qu'on nous propose aujourd'hui et les autres programmes de développement déjà présentés ? Les habitants des bidonvilles, notamment ceux de Shada, au Cap-Haïtien, ont-ils intérêt à espérer un mieux- être ?

Nous voulons dans le cadre de ce mémoire , d'une part, à identifier les causes de la pauvreté
dans les bidonvilles en Haïti, en particulier, celles de Shada, bidonville situé à l'entrée Est de la
ville du Cap-Haïtien et, d'autre part, essayer à proposer certaines pistes de solutions dans la

démarche de la lutte contre la pauvreté qu'on mène afin de changer la condition de vie des concitoyens, en difficulté, qui se demandent à chaque instant s'ils vont voir le jour succédant, à cause de l'insécurité alimentaire, manque de soin sanitaire, etc.

Ce travail est, franchement, le fruit de dur labeur, compte tenu de multiples difficultés que confrontent les étudiants, quand il s'agit de faire une recherche scientifique. Nous n'avons pas été épargné de cette dernière. Nous avons dû nous déplacer très souvent, en vue de nous rendre à la Capitale, Port-au-Prince, pour trouver des informations indispensables. Et, l'enquête n'était pas une chose facile à mener à Shada. Les gens sont vraiment réticents à partager des informations avec d'autres personnes qui ne leurs sont pas familières et ceci peut expliquer d'une certaine manière l'échantillon que nous étions obligé de choisir par rapport à la population.. Heureusement, ils ont enfin compris notre démarche. Nous les remercions vachement.

Que ce mémoire puisse contribuer grandement à améliorer leur sort.

Nous remercions le Professeur Roland Bélizaire, malgré ses multiples occupations professionnelles à travers le pays, qui a accepté de diriger ce travail. Nos remerciements s'en vont au Vice Doyen attaché à la section Economique, le professeur Hervé C. HYPPOLITE , pour ses apports et encouragements et aussi, à Me Fritz Brutus; à tous les professeurs et les membres du décanat, aux collègues de la SOGESOL / Cap-Haïtien.

Nous ne voulons pas négliger certaines personnes qui nous ont aidé, soit par des suggestions, soit en nous ouvrant leur bibliothèque. Nous citons, entre autre, le personnel du Centre Carl Levèque (Port-au-Prince), ISPAN (Cap-Haïtien), mes amis Pierre Ironce, Pierre Duvon, Pierre Jérôme, Muller Frantz, Métellus Jacquilot, ... et mon frère Jean Joël.

Nous remercions, sincèrement, notre mère Jean Germilia qui nous donne un soutien inestimable, faisant de nous ce que nous sommes aujourd'hui. Merci à notre épouse Jean T. Monique et Jean Banet Ménard Keynes, notre fils.

Enfin, merci à tous et à toutes, qui d'une façon ou une autre ont contribué à la réussite de ce mémoire. Que ce travail aide à trouver une voie en plus, pouvant conduire Haïti à connaître des jours meilleurs !

SIGLES ET ABREVIATIONS

AHE : Association Haïtienne des Economistes

BID : Banque Interaméricaine de Développement BM : Banque Mondiale

CCI : Cadre de Coopération Intérimaire

CLED : Centre pour la libre entreprise et la Démocratie CNSA : Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire

CNUCED : Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement

CONASA : Conserverie Nationale S.A

DSRP-I : Document stratégique pour la réduction de la pauvreté - intérimaire FAO : Organisation des Nations Unis pour l'alimentation et l'Agriculture

FIDA : Fonds International pour le Développement Agricole

FMI : Fond Monétaire International IBW : Institutions de Brettons Wood IHSI : Institut Haïtien de Statistiques et d'Informatique

INARA : Institut National de la Reforme Agraire

ISI : Industrialisation par substitution des importations

ISPAN : Institut de Sauvegarde des Patrimoines Nationaux

MENFP : Ministère de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle ODM : Objectifs de développement du Millénaire

OEA : Organisation des Etats Américains ONG : Organisation Non Gouvernementale ONU : Organisation des Nations Unis PAM : Programme Alimentaire Mondiale

PAS : Programmes d'ajustements structurels PEA : Population Economiquement Active PGC : Projet de Gouvernance Communale PIB : Produit Intérieur Brut

PMA : Pays Moins Avancés

PNB : Produit National Brut

PNUD : Programme des Nations Unis pour le Développement

SEPREN : Service d'Entretien Permanent du Réseau Routier National

SNEP : Service National d'Eau potable

UNESCO : Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture

UNICEF : Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (ou Unicef, United Nations Children's

Fund)

USAID : Agence des États-Unis pour le développement international (ou United States Agency for International Development)

Table des Matières

Introduction 1

PREMIERE PARTIE: DIMENSIONS THEORIQUES DE LA PAUVRETE Chapitre I - CADRE CONCEPTUEL ET THEORIQUE 5

Section 1. Des Concepts . 6

Section 2. Multi dimensionnalité de la pauvreté 11

Section 3. Cadre théorique de la pauvreté 11

3.1. Selon les Classiques 12

3.1.1- Adam Smith et Jean Sismondi . 12

3.1.2- David Ricardo 14

3.1.3-Thomas Malthus . 15

3.2- Approche Marxiste . 17

3.3- Selon les Néoclassiques 19

3.4- Selon les Structuralistes 20

3.5- Certaines Approches contemporaines 21

3.5.1 - John Friedman .. 21

3.5.2- Amartya SEN 22

3.5.3- Banque Mondiale . 22

DEUXIEME PARTIE : LA QUESTION DE LA PAUVRETE EN HAITI

ET A SHADA

CHAPITRE II- CAUSES DE LA PAUVRETE . 23

Section 1. Mode de production et faiblesse de l'économie Haïtienne . 24

1.1.1 - Mode de production . 25

1.1.2- Répartition des exploitations . 27

1.1.3- Part des importations dans la consommation Nationale 31

1.2- faiblesse de l'économie haïtienne . 34

1.2.1- Evolution du PIB 35

Section 2. Les politiques économiques en vigueur 38

Section 3. Causes sociopolitiques et Institutionnelles ... 40

3.1 Instabilités politiques et Institutionnelles . 40
3.2- Situation socio-économique et développement Humain 45

CHAPITRE III - MONOGRAPHIE DE SHADA 47 Section 1- Historique et description géographique de Shada 47

Section 2- Sommaire de la situation d'observation socio-économique de Shada .. 48

Section 3- Présentation de l'enquête 49

Section 4- Causes et typologie de la pauvreté à Shada 57

Section 5- Analyse économique des résultats de l'enquête ... 66

Section 6. Analyse sociale des résultats de l'enquête en termes d'incidences

de la pauvreté et de couverture sociale 73

TROISIEME PARTIE : LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETE ET

ALTERNATIVES

CHAPITRE IV.- LES MESURES TRADITIONNELLES : 78

Section 1. Les programmes d'ajustement structurels . 79

1.1- Programme d'aide 82

Section 2. Assistancialisme financier, technique et institutionnel 82

2.1 - Apparition de l'assistance extérieure 82

2.2- Projet de développement institutionnel et d'assistance Technique . 84

Section 3. La sécurité alimentaire 86

3.1 - Sécurité alimentaire, Approche anti-pauvreté . 86

3.2- Approche de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire . 90

Section 4. Le secteur public et la lutte contre la pauvreté 92

CHAPITRE V- LES MESURES ALTERNATIVES 95

Section 1. L'apport des ONG et le développementisme 95

Section 2. Des politiques de démarginalisation et de participation . 98

Section 3. La réforme agraire et la décentralisation . . 99

- CONCLUSION & Recommandations 104

- BIBLIOGRAPHIE 109

- ANNEXE I

INTRODUCTION

La pauvreté est l'un des maux majeurs que confronte le monde aujourd'hui, en particulier, les pays en développement. Le fossé se creuse entre les riches et les pauvres. 80% de l'humanité n'ont accès qu'à 20% de l'ensemble des ressources incluant la terre et le savoir. Au même moment, les trois personnes les plus riches du monde possèdent une fortune supérieure à l'ensemble des produits intérieurs bruts (PIB) des 48 pays les moins avancés du monde. Selon les récentes enquêtes, menées par l'Organisation des Nations Unis pour l'alimentation et l'Agriculture (FAO), le monde compte plus de 500 millions d'hommes qui sont gravement sous-alimentés. De prestigieuses institutions, ne cesse de parler de lutte contre la pauvreté ; d'ailleurs c'est l'un des grands objectifs du millénaire pour le développement. Le constat fait jusqu'à nos jours reste et demeure simple et clair, à savoir : les conditions de vie des pauvres dans les bidonvilles en Haïti, notamment, ceux de `SHADA', perdurent précaire. La pauvreté est l'un des défis le plus important à relever en Haïti, vu sa dimension qui touche l'ensemble du pays. Touchant aussi bien les grandes villes que les villes secondaires, l'exode rural massif pose de graves problèmes en matière de services de bases et de disponibilité de logements.

Le contraste dans cette question de pauvreté se situe dans une réalité où il y a un petit groupe (les nantis) jouissant de tous les privilèges de la société en même temps, une grande majorité souffre de toutes sortes d'injustices de la part des responsables, à tout niveau confondu. On ne peut compter pas plus que 5 latrines « publiques » disponibles pour environ 12500 habitants. Constatant ce fait combien embarrassant, certaines ONG comme l'OXFAM GB, PROTOS ET GTIH oeuvrent dans la zone en vue d'apporter certaines solutions. C'est dans ce sens qu'elles interviennent ensemble dans un projet intitulé EauCap, afin de doter la zone certaines latrines écologiques.

Avec les latrines publiques construites en plein air sur la mer, le Shada est en mal de santé publique. Le quartier est construit sous une forme de labyrinthe, à proximité de la mer.

On constate qu'en ces derniers temps, l'extension de la bidonvilisation prend des proportions alarmantes et a des incidences majeures sur le mode de vie des habitants de SHADA.

La pauvreté et la bidonvilisation développent des rapports de dépendance mutuelle et cohabitent pendant plus d'une décennie. Tous les indicateurs socio-économiques sont au point rouge, commençant par le taux élevé du chômage jusqu'à celui d'analphabétisation en passant par l'absence de soins d'hygiène et la montée grandissante du banditisme. Dans ce bidonville, située à proximité de la ville du Cap-Haïtien, c'est la désolation totale! Plus de 12500 habitants vivent dans la promiscuité, la violence, la misère, la mise à l'écart de tout soutien social, dans l'impossibilité d'être seul avec soi-même. Ils sont confrontés à une réalité les empêchant même d'élever leurs enfants dans un environnement dépourvu des services de bases, comme l'aurait fait remarquer André Corten.

Ironiquement les grands pays, dits amis d'Haïti, continuent d'aider et à faire des promesses d'aide dans le but de résoudre le problème de la pauvreté. Chose étrange, la pauvreté perdure encore en Haïti alors qu'on prétend que nous sommes en plein coeur d'une révolution économique internationale. On se demande pourquoi les programmes d'aide ou de lutte contre la pauvreté s'échouent-ils? Devant cette constatation combien désastreuse et douloureuse, nous ne pouvons que paraphraser le Prix Nobel Albert CAMUS dans son dernier livre LE PREMIER HOMME, où il eut à écrire « La pauvreté est entrain de devenir une forteresse sans porte de sortie ». La pauvreté reste un phénomène complexe qui au cours des dernières décennies a fait l'objet de nombreux débats théoriques, très souvent complémentaires les uns des autres. L'intérêt commun aux différentes approches reste l'identification rigoureuse des causes de la pauvreté, indispensable pour faciliter la mise en oeuvre des politiques d'éradication de ce phénomène.

Notre objectif est de déterminer et analyser les causes de la pauvreté dans les bidonvilles en Haïti, en particulier, celles de Shada afin d'établir les impacts socio- économiques.

Pour ce faire, nous avons tenté de répondre à certaines interrogations articulées autour d'une question principale, pour la rédaction de ce document :

Les politiques économiques suivies dans le pays depuis les décennies 70 ne sont-elles pas responsables de l'aggravation de la pauvreté dans le pays et notamment à Shada ?

· Quelles sont les causes de la pauvreté en Haïti ?

· Quels sont les facteurs socio-économiques de la Pauvreté et Bidonvilisation à SHADA ?

Les analyses vont être produites autour des hypothèses suivantes:

1- Le phénomène de la pauvreté et bidonvilisation s'intensifie au fur et à mesure que l'Etat Haïtien continue à appliquer des politiques socio-économiques qui ne cadrent pas avec la réalité des conditions de vie des couches défavorisées ;

2- La pauvreté des habitants de Shada est le résultat de la faiblesse de la production nationale liée aux politiques économiques appliquées ou mises en oeuvre par les différents gouvernements depuis plus de deux décennies.

Et, nous axons notre plan de travail en trois parties.

+ La première partie se porte sur le profil théorique de la pauvreté. Elle contient un chapitre traitant le cadre théorique et conceptuel, ayant trois sections :

· Des concepts ;

· Multi dimensionnalité de la pauvreté ;

· Les différentes approches sur la pauvreté.

+ La deuxième partie traite la question de la pauvreté en Haïti et à Shada. Elle se compose des chapitres deux et trois.

o Le deuxième chapitre est intitulé : Causes de la pauvreté, avec trois sections

· Mode de production et faiblesse de l'économie haïtienne ;

· Les politiques économiques en vigueur

· Causes sociopolitiques.

o Le troisième chapitre est titré : Monographie de Shada. Il contient six sections

· Historique et Description géographique de Shada ;

· Sommaire de la situation d'observation socio-économique de Shada ;

· Présentation de l'enquête ;

· Typologie de la pauvreté à Shada ;

· Analyse économique des résultats de l'enquête ;

· Analyse sociale des résultats de l'enquête en termes d'incidences de la pauvreté et de couverture sociale.

+ La troisième partie a pour titre: Les mesures de lutte contre la pauvreté et alternatives. Elle se constitue des chapitres quatre et cinq.

o Le chapitre quatre est titré : Les mesures traditionnelles. Il a quatre sections.

· Les programmes d'ajustement structurels ;


· Assistancialisme financier, technique et institutionnel;

· La sécurité alimentaire ;

· Le secteur public et la lutte contre la pauvreté

o Le chapitre cinq traite les mesures alternatives et contient trois sections ;

· L'apport des ONG et le développementisme ;

· Des politiques de démarginalisation et de participation ;

· La réforme agraire et la décentralisation.

Enfin, nous présenterons nos recommandations au niveau de la conclusion.

PREMIERE PARTIE:

DIMENSIONS THEORIQUES DE LA

PAUVRETE

CHAPITRE I :

CADRE CONCEPTUEL

ET THEORIQUE

La bidonvilisation et la pauvreté restent des phénomènes complexes. Au cours de ces dernières décennies, elles ont fait l'objet de nombreuses recherches, très souvent complémentaires les unes des autres. Les chercheurs constatent assez souvent que les deux augmentent de manière simultanée. La crise de bidonvilisation qui prévaut en Haïti, notamment à Shada, au Cap-Haïtien, a entraîné des manifestations de certaines situations socio-économiques vraiment néfastes à la survie de la population défavorisée. Au sein d'un même pays (Haïti) ou de la même ville (Cap-Haïtien), une minorité détient toutes les richesses (détenteurs du pouvoir politique, propriétaires de grands commerces, de grands revenus adéquats afin de jouir des grands modes de vie), tandis qu'il y a une grande majorité pour qui la vie sur terre devient un enfer. Cette dernière vit dans l'instabilité économique, dans la pauvreté, dans l'insatisfaction des besoins de bases ou primaires. Les points de vue sont nombreux, concernant les approches sur la pauvreté. La mesure du niveau de vie des ménages ou des individus ou du seuil de pauvreté s'opère à travers un certain nombre de critères et d'indices qui varient d'une Ecole à l'autre. C'est très souvent à partir de ces critères que se construisent les stratégies de lutte contre la pauvreté. Il s'agit pour nous, dans ce présent chapitre de présenter le cadre conceptuel et théorique de la pauvreté.

SECTION 1- DES CONCEPTS

1.1 - Définition du mot Concept :

Un concept économique, selon Docteur Mokhtar LAKEHAL, est un terme forgé par un théoricien ou un mot courant vidé de son sens habituel auquel le théoricien donne un autre sens, il est une boîte à outil mis à la disposition de l'économiste pour analyser des situations ou des problèmes1. Le sujet s'intitule : «Le problème de la pauvreté dans les bidonvilles en Haïti, le cas de `Shada' au Cap-Haïtien, Crises et Perspectives.» Après avoir défini le mot concept, il est important, pour nous aussi, de définir d'autres concepts qui feront partie intégrante du développement de notre recherche.

1.2- Problème: Ce mot vient du latin, problema et du grec, problêma qui signifie ce qu'on a

devant soi. Question à résoudre par des méthodes logiques dans le domaine scientifique ou situation difficile à laquelle on est confronté (embarras, ennui)2. Question à résoudre, d'après un ensemble de données, dans une science ou encore c'est une difficulté ; une situation compliquée3. On peut voir aussi que les problèmes sont toujours mis à nu à partir des crises.

1.3- Crises : Paroxysme d'un sentiment, d'un état psychologique, disons entre autre, c'est un moment difficile et généralement décisif dans l'évolution d'une société, d'une institution. Ou, c'est un ensemble de difficultés qui se manifestent dans cinq domaines principaux - la croissance, l'investissement, les prix, l'emploi et le pouvoir d'achat -qui ont des répercussions sur l'ensemble des structures politiques, économiques, sociales et culturelles du pays, au point d'engendrer et d'entretenir de nouveaux problèmes aux agents économiques. Ces derniers les subissent de manières bien différentes, car certaines activités prospèrent en période de crises, tandis que d'autres en pâtissent4. Ici nous voulons parler directement de crise sociétale qui sont des résultats des différents problèmes de la société dont les principaux « responsables » font semblant ne pas comprendre. Prenons à titre d'exemple le cas des problèmes socio-

1 Lakehal, p.141

2 Larousse Pratique, p.1186

3 Hachette, p. 1186

4 Hachette, pp.468-469

économiques que confrontent les habitants des quartiers défavorisés dans les milieux urbains ou à la campagne. Assez souvent quand les paysans ne trouvent rien à faire ou ne possèdent pas de terre, les propriétaires terriens les oblige à accepter des compromis à travers des conditions très difficiles comme celui du système métayage.

1.4- Métayage : En fait, cette tenure consiste en une « association entre un propriétaire et un travailleur, le propriétaire apportant la terre , les bâtiments et une grande partie tout au moins du cheptel et de l'outillage, le travailleur fournissant la main-d'oeuvre et parfois une partie du capital d'exploitation » . Les produits de l'exploitation sont partagés généralement de deux moitiés entre le propriétaire et le travailleur, d'où le nom de métayer que prend ce dernier. Le métayer est aussi appelé colon partiaire. Dans notre législation, le bailleur apportera pour moitié les frais d'exploitation, à moins qu'il n'ait été stipulé par écrit que le métayer aurait en compensation au moins les deux tiers des produits d'exploitation5. Cette façon de procéder, le plus souvent, décourage les paysans. Nous constatons assez souvent que ces derniers n'ont que deux choix normaux ou bien de laisser le pays, ils disent que tous les moyens sont bons, ou bien de fuir la campagne pour venir s'installer en ville, en pratiquant ce nous que appelons l'exode rural.

1.5- Exode rural : « Départ en masse d'une population rurale ou c'est la migration définitive des habitants des campagnes vers la ville »6.

De l'avis de l'écrivain François Latortue, le phénomène de l'exode rural exprime la tendance à l'équilibre des revenus et des productivités dans tous les secteurs de la production. Il apparaît comme un corollaire du développement de l'industrie. C'est aussi un des plus grands problèmes de l'agriculture.

L'exode rural est caractérisé par le déplacement de la population proprement agricole (agriculteurs, éleveurs) vers la ville, s'explique par les difficultés inhérentes à l'exploitation agricole, où le problème du système de métayage, en particulier rend la vie des paysans vraiment difficile et les conditions particulièrement défavorables du travail salarié agricole par

5 François Latortue, pp. 96-97

6 Larousse Pratique, p. 579

rapport au travail salarié industriel : rémunération moins élevée, travail plus irrégulier, assujettissement plus étroit à l'entreprise, etc.7

Avec une structure difficile déjà entretenue dans les villes, les gens venant de la campagne ont du mal à s'intégrer, notamment en ce qui a trait à un logement décent. C'est ainsi, qu'ils se mettent, eux-mêmes, à chercher un endroit favorable, gratuit ou moins cher, afin de s'abriter. Malheureusement, ces lieux sont souvent inappropriés, vues leurs conditions hygiéniques et autres qui ne répondent pas. On appelle ces lieux assez couramment bidonville. 1.7- Bidonville : est un terme utilisé, pour la première fois, en 1950, par Yves Lacoste, pour nommer un quartier de Casablanca (Maroc) où les maisons étaient construites avec les gros bidons découpés pour servir de baraquement à la population. Depuis, le terme désigne un habitat insoluble où la population vit dans la promiscuité8. Nous pouvons dire aussi que, selon le dictionnaire Larousse pratique, c'est une agglomération d'abris de fortune en matériaux de récupération, dont les habitants vivent dans des conditions précaires, à la périphérie des grandes villes9. D'autre étude approfondie avance à dire que c'est une forme d'habitat précaire, dépourvu d'un équipement élémentaire (eau, électricité), et dont la construction est réalisée initialement avec des matériaux de récupération. Les bidonvilles, qui forment des quartiers urbains et périurbains considérables, sont assez généralisés dans les métropoles des pays en développement (favelas au Brésil, barriadas au Pérou, gourbiville en Afrique du Nord, médina en Afrique noire). Cet habitat traduit les conditions de la croissance urbaine dans une société inégalitaire.

L'exode rural amène dans les villes une population pauvre, dont les pouvoirs publics sont dans l'impossibilité d'assurer l'accueil et le logement. Ces néocitadins occupent illégalement des terrains souvent inconstructibles (en raison de la pente ou de problèmes d'eau, ou parce qu'ils sont grevés de servitudes) selon les normes habituelles. La construction se fait selon l'opportunité d'une place libre pour minimiser les coûts, et souvent en un temps très court (maison d'une nuit en Turquie) pour éviter une éventuelle procédure d'expulsion. Ce scénario a été fréquent pendant le dernier quart du XXe siècle et a été l'une des formes de l'explosion urbaine. Les bidonvilles qui n'ont pas été rasés brutalement et dans des délais courts par les autorités ont connu un processus d'« urbanisation » par un équipement minimal en eau potable et en électricité ; les habitants se sont organisés pour assurer des services (enlèvements des ordures). Des

7 François Latortue, p. 52

8 Lakehal, p.67

9 Larousse Pratique, p. 149a

matériaux en dur ont peu à peu remplacés ceux de récupération ; les plus anciens des bidonvilles ont accédé à la reconnaissance administrative et transformés en quartier avec une représentation de type municipal, des écoles, des services sociaux, en Haïti, nous avons l'exemple de Cité Soleil. Les bidonvilles peuvent être envisagés dans un cycle de l'urbanisation particulier aux sociétés en développement, mais ils ont aussi été observés localement, dans des périodes de crise, dans les pays industrialisés10.

Les habitants de ces quartiers souffrent des problèmes multiples et sont dans une lutte

perpétuelle afin de subvenir aux besoins quotidiens dits de bases. Nous évoquons, entre autres, le problème de nourriture qui a des répercussions assez grave sur l'état sanitaire de la population, en particulier avec des cas de maladies comme la malnutrition chez les enfants.

1.8- Malnutrition :

Etat physiologique pouvant devenir pathologique dû à une carence ou à une consommation excessive d'un ou plusieurs éléments nutritifs. Un sujet court le risque de souffrir de la malnutrition lorsque l'apport calorique ou l'équilibre nutritionnel ne sont pas conformes à ses besoins. Si l'alimentation est trop pauvre en calories, les réserves de graisses de l'organisme, puis celles de protéines des muscles sont utilisées pour fournir de l'énergie. En cas de carence prolongée, le corps devient trop faible pour avoir un métabolisme normal et combattre les infections. Les enfants, en particulier ceux de moins de cinq ans, sont plus sensibles aux conséquences d'une malnutrition que les adultes. Ils souffrent notamment de carences protéiques, dont les formes les plus courantes sont le marasme et la kwashiorkor, des maladies mortelles rencontrées dans tous les pays en voie de développement. Le rachitisme survient lorsque les nouveau-nés sont sevrés trop rapidement et consomment une nourriture pauvre en énergie et en éléments nutritifs. Ces enfants souffrent également d'infections chroniques (notamment des gastro-entérites) dues à de mauvaises conditions d'hygiène, soignées de manière purement symptomatique par de l'eau ou de l'eau de cuisson de riz. Les enfants souffrant de marasme ont un poids très inférieur à la normale et ne possèdent ni graisses ni muscles. La kwashiorkor survient aussi après un sevrage tardif lorsque le lait maternel est remplacé par une alimentation traditionnelle, riche en féculents mais pauvre en protéines. Il se manifeste souvent à la suite d'une infection aiguë. La maigreur des enfants est souvent masquée par une rétention d'eau qui leur donne un visage en forme de lune et un ventre gonflé. Les symptômes d'une carence en vitamines ou en sels minéraux dépendent de la fonction de cet élément dans l'organisme. Ainsi, un déficit sévère en vitamine A entraîne une cécité. Certains de ces nutriments ont plusieurs fonctions, si bien que des carences prolongées peuvent avoir des effets multiples sur la santé de l'individu11.

10 Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2004. (c) 1993-2003 Microsoft Corporation

11 Ibidem

La présence de cette maladie est un signe palpable de la domination de la pauvreté sur la vie de ces personnes. Compte tenu de la complexité qui règne autour de l'étude concernant la pauvreté, dans la section qui suit, nous allons essayer de présenter la multidimensionnalité de la pauvreté.

Section 2. Multidimensionnalité de la pauvreté

Pauvreté est un concept multidimensionnel, ce qui la rend difficile à définir. Il est intéressant, afin de bien cerner le concept, de se référer à l'origine latine du terme « pauvre ». « Sa racine latine est pauper (peu ou petit) qui est elle-même proche du grec peina (la faim). La traduction grecque du mot « pauvreté » est aporia qui signifie absence de chemin. Nous voyons qu'en dominant les deux origines, nous aboutissons à une double conception de la pauvreté : C'est une notion à la fois quantitative - peu, petit, le manque de nourriture- et, qualitative, en ce sens qu'elle traduit la condition psychologique de celui ou celle qui ne peut trouver son chemin »12. Nous pouvons, aussi, retenir que chaque école ou conception amène ces propres recommandations en matières des mesures à prendre pour combattre ce fléau. Elle épouse différentes formes. La revue de la littérature sur le concept de pauvreté est extrêmement abondante et caractérisée par un niveau d'ambiguïté très élevé dans son rapport à la théorie économique. « Elle fournit plusieurs façons de définir la pauvreté, qui conduisent évidemment à une identification différente des pauvres. Le débat conceptuel sur la pauvreté apparaît lorsqu'on aborde la nature de la chose manquante. Les polémiques sur la nature et le niveau de ce qui ne doit pas manquer à personne, nous ramènent à la question plus vaste de l'équité, puisqu'ils portent sur l'identification formelle d'un sous-espace de l'espace d'équité, et sur la détermination, pour chaque dimension identifiée, d'un seuil sous lequel un membre de la société est caractérisé comme `pauvre' »13.

12 CLED, Haïti 2020, p.111

13 Louis-Marie Asselin et al, p. 21

Section 3. Cadre théorique de la pauvreté

C'est quoi la pauvreté ? Offrir une réponse consensuelle est un véritable problème pour l'économiste. Concept aux formes multiples, la pauvreté est un phénomène tant sociologique, qu'économique ou encore anthropologique. Mais les objectifs assignés à chaque corps scientifique sont bien différents. Ainsi, ceux de l'économiste consistent à identifier puis à quantifier le phénomène dans un contexte donné. Cependant, les approches sont diverses, d'une école de pensée à une autre. Cette partie nous permettra de voir la conception de certain courant comme ceux des classiques, marxistes, néoclassiques, structuralistes et celle des contemporains.

3.1 - Selon les Classiques :

Pauvres et riches ont toujours vécu côte à côte, toujours inconfortablement, parfois de manière périlleuse. Plutarque affirmait que : « Le déséquilibre entre les riches et les pauvres est la plus ancienne et la plus fatale des Républiques. Les problèmes résultants de cette coexistence, et particulièrement celui de la justification de la bonne fortune de quelques uns face à la mauvaise fortune des autres, sont des préoccupations de l'être aujourd'hui. »14

3.1.1 - Adam Smith et Jean Sismondi

De nombreux économistes venant de divers courants économiques se sont déjà penchés sur la manière d'orienter l'économie nationale en vue d'assurer le bien-être de tout le monde.

Ainsi, les théoriciens de la pensée classique ne restent pas indifférents sur les moyens à mettre en branle pour créer les conditions de vivre dans la société. C'est dans cette lignée qu'Adam Smith, qui est considéré comme le fondateur de l'économie politique (1723-1790), dans sa fameuse « Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations» commence par l'étude de la division du travail, car c'est elle, selon lui, qui produit « l'opulence générale».La richesse d'une nation, selon lui, est constituée de « toutes choses nécessaires et commodes à la vie que permet d'obtenir le travail annuel d'une nation »15. Une situation qui peut générer

14 Ibid.

15 Jean Boncoeur et al, p.84

d'extrême abondance de biens matériels. Cette tendance veut faire penser qu'il n'y a pas de place pour la misère, voire la pauvreté dans la division du travail. A savoir, qu'une fois la division du travail établie, un individu ne peut produire qu'une infirme partie de ce qui lui est nécessaire. Smith considère que l'individu est «riche ou pauvre selon la quantité de travail qu'il sera en mesure de commander ou qu'il sera en état d'acheter»16. Cette situation ne nous donne pas droit de penser qu'on est dans la pratique de la loi «du plus fort» ? Que faire avec ceux qui n'ont pas la force ou aptitude nécessaire pour fournir du travail? Smith prône une accumulation continue de capital, puisque ce dernier joue un rôle fondamental dans la croissance économique. « L'accumulation de capital exerce un effet différent sur les composantes du prix et donc sur les différents revenus. Il considère toutefois, que le salaire courant est déterminé par convention entre ouvrier et propriétaire du capital, chaque catégorie poursuivant son intérêt. Mais, il souligne l'existence de coalitions entre employeurs susceptibles de faire baisser le salaire à un niveau très faible. Il parle à ce sujet d'un complot. Les ouvriers, également, se mettent ensemble pour combattre celles des maîtres. Bien qu'en général les employeurs l'emportent, ils ne peuvent réduire le salaire à un niveau inférieur au salaire de subsistance »17 . D'où une lutte perpétuelle entre l'employeur qui veut toujours avoir la plus large partie du gâteau, être toujours dans l'opulence et le petit ouvrier, ayant à sa disposition une miette partie du gâteau et qui s'efforce toujours à survivre. Au sein même du courant dit classique, il y a des théoriciens comme Jean Sismondi, qui apparaissent avec des idées plus ou moins humanistes. Malgré sa vision capitaliste, il critique la mauvaise répartition des richesses qui sont le résultat de la réunion du capital et du travail permettant de dégager une «mieux-value», comme la source de la pauvreté. Il explique de façon claire « lorsque ce partage se trouve trop en défaveur des ouvriers, il réduit ces derniers à la misère et conduit notamment à mettre au travail les enfants pour compenser l'appauvrissement des adultes»18 . Mais Ricardo de sa part, voit les causes de la pauvreté dans d'autres horizons. La pauvreté est le résultat du faible salaire attribué aux travailleurs ne pouvant pas répondre à leurs besoins.

16 Claude Schwab, p.55

17 Ibid., p.58

18 Ibidem, p. 71

3.1.2- David Ricardo

Dans son analyse purement capitaliste, Ricardo affirme que « tout ce qui augmente les salaires diminue nécessairement les profits», et que «rien ne peut affecter les profits en dehors des salaires». « L'analyse classique du salaire part de l'idée que le travail est une marchandise ayant, comme toute marchandise, un prix naturel et un prix de marché »19 . Le salaire naturel est celui pouvant faciliter les travailleurs à subsister, c'est-à-dire, leur permettant d'acquérir un panier de biens de consommation stricte à entretenir le travailleur et sa famille. Cette situation, aux yeux de David Ricardo, ne représente pas un minimum physiologique car, il dépend des moeurs et coutumes de la population». Elle varie d'un pays à l'autre ou évolue d'une époque à une autre. Ricardo, croit que « quand le prix du travail est au-dessous de son prix naturel, la condition des travailleurs est tout à fait misérable; dans ce cas la pauvreté les prive de ces éléments de confort que l'habitude rend absolument necessaires»20. Pour lui, dans la mesure où « les besoins humains ne sont pas satisfaits, on est en état de pauvreté. Pour que les pauvres connaissent des jours meilleurs, selon Ricardo, « c'est seulement après que les privations aient réduit leur nombre, ou que la demande de travail ait augmenté, que le prix de marché de travail s'élèvera sur son prix naturel, et que le travailleur jouira du confort modeste que le taux des salaires ne lui offre pas»21 . C'est ainsi que l'on détermine le seuil de la pauvreté repose sur cette base théorique.

Dans ce sens, selon Simon Langlois, le seuil de pauvreté est une «mesure normative qui détermine ce qu'il en coûte pour survivre à un moment donné ; le seuil normatif de pauvreté est établi à partir des dépenses encourues par l'achat d'un panier de bien sans lequel la survie serait difficile sinon impossible. L'approche normative de la pauvreté cherche à identifier les besoins fondamentaux des êtres humains définis selon deux perspectives: la subsistance et l'universalité. Dans l'approche définissant les besoins en termes de subsistance, le seuil de pauvreté correspond au coût minimum des dépenses requises pour les biens et services de base: logement, alimentation, habillement»22. On voit que ce seuil détermine préalablement les revenus qui sont nécessaires pour acheter un ensemble de biens et services assurant la survie physique. C'est pour cela qu'on qualifie de normatif à cause de la manière qu'on procède

19 Jean Boncoeur et al, p.110

20 Ibid., p.1 11

21 Claud Schwab, p. 71

22 Madeleine Gauthier, p.199

pour déterminer la pauvreté, parce qu'ils dépendent d'un jugement porté sur les dépenses estimées nécessaires pour satisfaire un niveau donné de besoins. Qui est mieux placé pour déterminer le seuil de pauvreté? Les experts ou les pauvres eux-mêmes? En fait, en dehors des causes de la pauvreté que nous venons d'identifier, il y a d'autres idées qui planent encore au sein même du courant classique, comme par exemple celles de Thomas Malthus.

3.1.3-Thomas Malthus

Malthus, de son côté, dans l'énoncé de la loi de la population, voit cette dernière « s'accroître de façon spontanée selon une progression géométrique, alors que les moyens de subsistance ne croissant au mieux que selon une progression arithmétique. La croissance de la population finira donc par buter sur une contrainte de moyens de subsistances disponibles »23. D'où, une source d'inquiétude, car selon lui, lorsque la population s'accroît, la quantité de subsistances par tête d'habitant décroît, « l'offre de main-d'oeuvre étant en excédent par rapport à sa demande, le salaire nominal baisse. Alors que, la relative raréfaction de subsistance accroît leur prix. L'appauvrissement de la population est alors tel qu'elle se réduit par élimination physique»24. Malthus est contre toute forme d'aide aux pauvres, parce qu'il croit que l'effet immédiat de cette dernière est d'accroître la consommation des pauvres et de favoriser la croissance de la population. Par ailleurs, l'assistance donnée aux pauvres est perçue comme un détournement de la part du revenu qui revient à la population en activité, «opposé à toute pratique contraceptive, le Pasteur Malthus préconise le mariage tardif et l'abstinence des célibataires. Ces vertueuses recommandations sont adressées essentiellement aux pauvres, qui selon Malthus procréant et sont de fait les artisans de leur propres malheur»25 . Ainsi, les pauvres sont perçus comme les causes mêmes de la pauvreté. C'est à eux de chercher la solution. S'ils veulent trouver une solution, ils doivent cesser de croître, afin de conserver les moyens de subsistance disponible.

23 Claude Schwab, p. 74

24 Ibidem

25 Jean Boncoeur et al., p.114

En somme, nous pouvons voir que les classiques dégagent une vision sur la pauvreté comme un manque de ressources monétaires autrement dit, comme expression des privations. Pour paraphraser Alexandre Bertin :

Les grands philosophes utilitaristes des 17e et 18e siècles, tels Bentham, Mill et Smith, dont les idées reposent sur les notions d'individualisme et de rationalité, ont inspiré une définition monétaire de la pauvreté. Selon eux, est considéré comme pauvre tout individu manquant des ressources nécessaires pour assumer les besoins de sa famille, compte tenu des normes en vigueur dans la société comme les normes alimentaires, les normes vestimentaires, etc. Ainsi être pauvre, c'est ne pas pouvoir subvenir aux besoins de sa famille, ne pas disposer de capital suffisant pour assurer sa descendance. Cette vision de la pauvreté propose de fixer un seuil minimal correspondant aux normes nutritionnelles : il s'agit des ressources minimales permettant de se procurer les biens alimentaires dont les valeurs nutritionnelles couvrent les besoins journaliers individuels. Ce seuil minimal, complété par un seuil non alimentaire, sous-entendu les biens de consommation non alimentaires, définit un seuil de pauvreté monétaire. Ainsi, un individu est pauvre si son revenu se situe sous ce seuil. L'ensemble des individus situés sous le seuil représente la population pauvre d'une société »26.

Cette approche est-elle une conception juste sur les causes de la pauvreté, quand nous considérons les multiples abus et injustices que sont victimes les pauvres dans les sociétés locales et dans le monde en général. Toutefois, malgré l'approche monétaire semble être acceptée par les grands ténors mondiaux, il n'en reste pas moins qu'elle est critiquée, notamment par d'autres théoriciens, comme K. Marx, qui voient les causes de la pauvreté d'une façon tout à fait opposé aux autres économistes classiques qu'on vient de citer précédemment.

3.2- Approche Marxiste

K. Marx considère la pauvreté comme une sorte d'oppression. Ici, la pauvreté s'entend comme fruit de l'organisation économique elle-même de la société, qui exploite les uns, tout en excluant les autres du système de production : les sous-employés, les chômeurs et toute la masse des marginalisés. Pour lui, la pauvreté trouve sa racine dans la suprématie du capital sur le travail, le premier contrôlé par un petit nombre et l'autre exercé par l'immense majorité.

26 Alexandre Bertin, E:\Définir la pauvreté aujourd'hui - LMU - Le Mensuel de l'Université - Magazine interuniversitaire.htm, juillet 2007

Dans cette interprétation, la pauvreté apparaît pleinement comme un phénomène collectif, et de plus conflictuel, dont le dénouement exige par conséquent un système social alternatif. La pauvreté est un effet de l'héritage et la mémoire de cet héritage nous est nécessaire pour comprendre et agir aujourd'hui. Pour comprendre le présent il est donc essentiel de faire référence au passé et à l'histoire car les différentes perceptions de la pauvreté et de l'exclusion à travers les siècles contribuent à mieux cerner l'origine des problèmes actuels. C'est dans l'histoire des doctrines économiques, intitulée encore théorie sur la plus-value, que nous voyons, notamment, exposer les conceptions de K. Marx sur les causes de la misère des pauvres.

Selon Marx, « ce qui distingue une époque économique d'une autre, c'est moins que l'on fabrique, que la manière de fabriquer les moyens de travail par lesquels on fabrique. Les moyens de travail sont les gradimètres du développement du travailleur et les exposants des rapports sociaux dans lesquels il travaille »28. Dans le mode de production capitaliste, ceux qui prennent possession de la nature sont ceux qui mettent en oeuvre concrètement les moyens de travail, c'est-à-dire les travailleurs. Dès lors, seuls ces derniers sont productifs, au sens où ils sont seuls à être créateurs de valeur, ce que Marx appelle encore « une plus-value » que les capitalistes s'approprient au dépend des travailleurs, par le fait même que l'esprit qui anime le capitaliste n'est autre que l'accumulation du capital. Marx dit à ce propos que le capitaliste est un « agent fanatique de l'accumulation, il force les hommes sans merci ni trêve, à produire pour produire, et les pousse instinctivement à développer les puissances productives et les conditions matérielles qui seules peuvent former la base d'une société nouvelle et supérieure » et en cela il poursuit des mobiles personnels car « accumuler, c'est conquérir le monde de la richesse sociale, étendre sa domination personnelle, augmenter le nombre des ses sujets, c'est sacrifier à une ambition insatiable»29. C'est ainsi que le capitalisme représente, pour Marx, la généralisation des rapports inégaux à l'échelle de la société. « Ce qui caractérise l'époque capitaliste, c'est donc que la force de travail acquiert pour le travailleur lui-même la forme d'une marchandise qui lui appartient, et son travail, par conséquent, la forme de travail salarié. D'autre part, ce n'est qu'à ce moment que la forme marchandise des produits devient la forme

sociale dominante »30. Le développement du capitalisme s'accompagne d'un accroissement de la misère et de l'oppression. Etant victime d'un tel système, la classe ouvrière n'a que s'appauvrir davantage. Quel que soit le taux de salaire, « haut ou bas, la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital s'accumule »31

Cependant, selon Marx, cette situation ne peut pas perdurer, jusqu'à ce que la

logique du système capitaliste doive donc le conduire nécessairement à sa crise générale et à sa disparition. Cette logique n'est pas purement mécanique ; elle a ses acteurs. Ces derniers ne sont autres que les prolétaires, considérés comme des victimes du système. Finalement, on peut constater que les approches sur les causes de la pauvreté sont seulement différentes selon le courant économique qu'appartiennent les économistes. Mais, ce qui est important, pour nous n'est autre que l'intérêt commun des différentes approches qui reste l'identification rigoureuse de la pauvreté indispensable pour faciliter la mise en place des politiques d'éradication de ce phénomène. Ainsi, des économistes néoclassiques entendent reformuler certaine des approches, déjà vues, avec les classiques comme le principe d'utilité, pour expliquer la pauvreté.

3.3- Selon les Néoclassiques

A priori nous devons noter qu'une très grande partie des idées théoriques trouvées chez les néoclassiques ont été développées avec les classiques. Nous prenons le cas du principe d'utilité qui a été évoqué par J.B Say. Mais, nous considérons aussi que le philosophe Jérémy Bentham qui en 1789, formule le plus clairement ce qu'il appelle le principe d'utilité : « La nature a placé l'humanité sous le gouvernement de deux maîtres souverains, la peine et le plaisir. C'est à eux seuls de démontrer ce que nous devons faire et de déterminer ce que nous nous ferons »32. Toute fois, Léon Walras est considéré comme le plus grand représentant de cette école.

Pour les utilitaristes, la «chose» en question est le bien-être économique. Certains font parfois référence au bien-être économique sous le terme anglais economic welfare. Les welfarists ramènent le concept de bien-être soit directement au concept d'utilité commun en économie, soit indirectement via le terme bien-être économique compris

30 Jean Boncoeur et al., p.163

31 Ibidem, p.91

32 Ibid., p.98

comme l'utilité générée par la consommation totale. L'utilité elle-même est conçue comme un état mental, tel que le bonheur, le plaisir ou la satisfaction du désir procuré à une personne par la consommation (ou la possession) de biens et services. Le terme «niveau de vie» est un autre terme quelques fois utilisé pour référer au bien-être économique33.

Selon cette tendance, un individu qui n'arrive pas à maximiser le nécessaire afin de combler

ses besoins en terme de biens et services est en situation de pauvreté. Dans ce sens, on voit que le concept de pauvreté tire ses origines dans la théorie microéconomique moderne et découle de l'hypothèse de base que les individus maximisent leur bien- être.

L'approche utilitariste ou welfarist est généralement utilisé par les économistes des institutions internationales et les directions des statistiques des pays concernés. Pour eux, le bien-être est un sentiment procuré par la satisfaction d'un besoin; cette satisfaction peut être comblée par des biens et services marchands ou par des biens non-marchands, comme par exemple les relations interpersonnelles ou la consommation de biens collectifs. Rien ne doit pas causer d'entraves pour la satisfaction de ces besoins. A ce propos, L. Walras dit « la liberté procure, dans certaines limites, le maximum d'utilités, donc les causes qui la troublent sont un empêchement à ce maximum, et quelles qu'elles puissent être, il faut les supprimer le plus possible ... Il préconise à ce que l'Etat produit des biens et services publics et les fournir gratuitement »34. L'Etat doit mettre à la disposition des citoyens les moyens nécessaires afin d'assurer leur bien-être économique. Un individu qui ne peut pas assurer son bien-être est considéré comme pauvre. On doit signaler, aussi, que cette approche peut être biaisée d'un pays à un autre, par le fait que les réalités socio-économiques sont différentes. En pratique, le bien-être économique des individus n'est pas directement observable. De plus, les préférences varient d'une personne à l'autre, cette approche est amenée à formuler un premier principe: celui que les individus sont les seuls à savoir ce qui est véritablement dans leurs intérêts. C'est ainsi, d'autres pensent que les individus ont des besoins indispensables afin d'assurer leur survies. Si une personne n'arrive pas à combler ces besoins de base, on les considère comme pauvre. Encore, la recherche des causes de la pauvreté, a vu naître un autre courant de pensée économique dit structuraliste qui voit l'origine de la pauvreté un peu différent et fait des propositions.

3.4- Selon les Structuralistes

Selon cette école de pensée latino-américaine, la pauvreté tire son origine dans les types de relations développés par les pays pauvres (Sud) avec les pays industrialisés (Nord). Ils constatent que ces rapports (Nord-Sud) sont profitables unilatéralement qu'aux pays développés alors que les pays en voie de développement voient leurs termes de l'échange se dégrader constamment. Cette école est animée notamment par les économistes R. Prebish, O. Sunkell, C.Furtado, H. W. Singer, « qui pensaient que leur région ne pourrait sortir du sous-développement sans se déployer 4 grands moyens :

1. Une reforme des structures agraires bloquées par le dualisme latifundios / minifundios, c'est-à-dire de très grandes exploitations agricoles mal utilisées et de trop petites fermes paysannes peu productives ;

2. Une politique de substitutions d'importations avec intervention de `Etat pour orienter les investissements nationaux ;

3. Une politique des revenus afin que les classes défavorisées disposent des moyens d'achat pour soutenir la production nationale de biens et services courants, ce qui réduirait à la fois la dépendance économique vis-à-vis de l'occident et permettrait la reconquête de l'indemnité nationale ;

4. Union des pays du tiers-monde, pour imposer un nouvel ordre économique international plus juste35.

Car selon Roger D. Hansen, « l'un des traits les plus marquants de la politique internationale de ces dernières années est la revendication formulée par les gouvernements d'une grande majorité de pays représentant la moitié de la population du monde, estimant ne pas recevoir une part équitable de la richesse et de la puissance mondiale »36. Pour plus d'un, le problème demeure plus que jamais et les pays industrialisés se trouvent en présence d'un problème de taille majeure où de toute façon ils doivent faire face. Bien que certains critiques conservateurs se tiennent encore à dire « si les pays en développement n'occupent dans le monde qu'une position subalterne, c'est de leur faute et non celle des pays industrialisés »37. Ils avancent à faire valoir cependant qu'une telle façon de voir les choses « n'implique pas que les perspectives de développement des pays du tiers-monde soient peu encourageantes. Comme dans le passé, les pays du tiers-monde qui fixent la croissance comme objectif à leurs politiques d'investissement et de change connaitront un développement économique rapide »38.

35 Mokhtar Lakehal, p.634

36 Albert Fislow et al., p.3

37 Ibidem,, p. 14

38 Ibid., p.15

3.5- Approches Contemporaines :

3.5.1- John Friedman, Selon l'approche de John Friedman (1992), dans son article paru dans la Revue Internationale des sciences sociales tente de modeler sa réflexion sur la pauvreté structurelle dans un modèle d'autonomisation axé sur l'économie familiale, « la famille a besoin de produire ses propres moyens de subsistance qui constituent la base du pouvoir social. Suivant l'analyse de la pauvreté structurelle, la pauvreté est le produit des données de l'ordre socio-économique qui tendent à entraîner un exode général des petits paysans arrachés de leur terre »39. Selon cette approche, on voit que la pauvreté est le produit des rapports inégaux existant dans la société.

3.5.2- Amartya SEN, lui, selon le professeur C. Morrison, « fonde ses réflexions sur la pauvreté en termes de capacités ou incapacités des individus à répondre à leurs besoins de base, ce qu'il appelle encore CAPABILITES. Sen distingue les biens disponibles et la capacité d'en tirer parti pour satisfaire des besoins, au lieu de raisonner seulement en termes de biens. Par exemple, une personne n'a pas les mêmes capacités de satisfaire un besoin de transport avec un service public selon qu'elle est en bonne santé ou handicapée. Un service gratuit de prévention sanitaire sera moins utilisé par une personne illettrée que par celle sachant lire »40. Des institutions comme la Banque Mondiale parle aujourd'hui de pauvreté élargie, pour essayer d'apporter une explication sur l'ampleur que prend ce phénomène, de nos jours.

3.5.3- Banque mondiale, Pauvreté Elargie.

Le rapport préparé par la BM en 2001 sur le développement dans le monde apparaît avec une nouvelle définition à la pauvreté. Selon la BM, la définition ayant été axée sur la consommation et le revenu permettant de satisfaire les besoins essentiels est trop étroit. Présentement, la pauvreté élargie, selon le rapport, comprend 3 parties :

- Accès au capital sous toutes ses formes : capital éducatif, physique, financier, moyens de production (terre), capital social lié aux relations et aux obligations réciproques ;

39 Revue Internationale des sciences sociales (RISS) , JUIN 1996, p.1 83.

40 Christian Morrisson, p.107

- Sécurité : les pauvres souffrent de leur vulnérabilité à des risques souvent liés : maladie, mauvaise récolte, violence, épidémie, conflits ou guerre civile, désastres naturels ;

- Participation au pouvoir : les pauvres sont souvent exclus ou discriminés à cause de leur caste, race ou ethnie. Par exemple, les fonctionnaires peuvent leur refuser des documents, les enseignants négliger leurs enfants, le gouvernement ne pas se préoccuper de leurs besoins. (BM, rapport 2001)

DEUXIEME PARTIE :

LA QUESTION DE LA PAUVRETE EN

HAITI

CHAPITRE II :

CAUSES DE

LA PA UVRETE

SECTION 1. MODE DE PRODUCTION ET FAIBLESSE DE

L'ECONOMIE HAÏTIENNE :

L'agriculture joue un rôle central dans le développement économique parce que la majorité des pays pauvres tirent leur subsistance du sol. « Le seul moyen dont disposent les dirigeants- réellement soucieux du bien-être de leurs concitoyens pour améliorer la situation du plus grand nombre d'entre eux- est de les aider d'abord à accroître la productivité de leurs cultures alimentaires et commerciales et, ensuite, à élever les prix auxquels elles sont payées aux agriculteurs »42. Aujourd'hui, personne ne peut pas nier le rôle que joue l'agriculture dans l'économie haïtienne, malgré toutes ses lacunes. Dans un sens, nous pouvons affirmer que l'agriculture ne constitue qu'un secteur d'activité parmi les autres de la vie économique, mais c'est un secteur tout à fait spécial, vue son importance majeure en tant que facteur de production. Elle sert aux autres secteurs, auxquels elle est indispensable. Comme a fait remarquer par le Professeur Malcom Gillies « l'agriculture est le seul secteur à produire de l'alimentation. Pour survivre, l'humanité peut se passer d'acier, de charbon ou d'électricité, mais pas de la nourriture. Il existe des produits de remplacement pour la plupart des articles manufacturés, mais non pour l'alimentation. Un pays doit ou bien assurer lui-même sa production alimentaire ou bien de l'importer »43.

C'est un truisme de dire qu'Haïti est un pays essentiellement agricole, c'est-à-dire un pays qui ne vit que par son agriculture et de son agriculture. La primauté du secteur primaire est l'évidence même. Mais il s'agit d'une agriculture de « grappillage » ou de « rapine ». Ces expressions soulignent la faiblesse de l'économie agricole en Haïti. Selon Edouard Francisque, « cela tient à la complexité de noeuds de régression qui trouvent leur origine, d'une part, dans l'état archaïque de la technique, la baisse croissante de la productivité des sols par suite de la répétition séculaire des façons culturales inadéquates, dans l'éventail de plus en plus réduit des grandes denrées d'exportation qui autrefois faisaient la richesse du pays ; d'autre part, dans l'exiguïté croissante des parcelles cultivées qui, à chaque génération successorale, s'émiettent de plus en plus ; dans la prolifération minifundia qui gênent la culture extensive, la modernisation de l'agriculture et contribuent à la persistance d'un système anarchique de

42 Malcom Gillies et al, p.551

43 Ibid.

tenure du sol. Il faut ajouter à tout cela le peu de souci accordé par les pouvoirs Publics au développement agricole »44. A cette étape, il nous semble important de toucher le mode de production pratiqué en Haïti.

1.1 - Mode de production

« Le système agricole est mécanisé de façon très faible et est obligé, dans ce sens, de se soumettre aux conditions climatiques. La production agricole, en Haïti, dépend techniquement des facteurs de production : terre et travail, mais il convient de prendre en compte le taux de précipitation. Cela ne signifie pas que la pluie constitue un facteur de production mais elle influence très fortement les rendements (peu d'engrais utilisé) car la majorité des cultures sont pluviales. Cette situation tend à rendre précaire davantage la production nationale. Le pays a récolté 210 000 tonnes de maïs en 1994, soit un rendement de 808 kilos par hectare contre un rendement moyen mondial de 4330 kilos par hectare »45.

Avec une économie dominée par une agriculture traditionnelle de faible productivité Haïti dispose d'une économie fortement tributaire de son secteur agricole traditionnel qui continue de mobiliser la plus forte partie de sa main-d'oeuvre active (50,6% dans l'ensemble du pays et 68,4% en milieu rurale selon l'IHSI) et fournit environ 30% du PIB. Néanmoins, ce secteur a toujours souffert d'un manque cruel d'investissement productif et d'innovations. Les principaux produits vivriers sont : le riz, le maïs, les haricots, la banane et les tubercules. Tandis que les principaux produits d'exportations sont le café, le cacao, la mangue et les huiles essentielles... 46.

Faut-il bien que nous fassions relater aussi que l'économie urbaine est restée rachitique et liée

au commerce international, faible en volume en valeur et en part relative du produit intérieur brut47. En effet, la population haïtienne a vécu jusqu'à la fin des années 60 dans et d'une économie à prédominance agricole basée sur la petite exploitation paysanne de faible productivité. En fait, la diminution rapide de la fertilité de nos sols est imputable également aux pratiques culturales archaïques sur un relief des plus accidentés. « Dans sa lutte contre la rareté, le paysan est contraint d'abattre des arbres protecteurs, soit pour fabriquer du charbon de bois (principale source d'énergie du pays), soit pour alimenter le foyer des fours à chaux ou à briques, des « guildives » ou alambic, des boulangeries ou des « dry cleaning » ou des distilleries d'huiles essentielles, soit tout simplement pour implanter ses « places à vivre » qui

44 Edouard Francisque, p.99

45 Fred Doura, p.72

46 Jacob Sergot, p.5

47 CEPAL, Août 05, www.eclac.cl

assureront sa survie et celle de sa famille. La surpopulation entraîne une demande croissante de bois qui accélère les processus d'érosion et de stérilité des sols »48. « La structure agraire est un système de rapport de force, donc de lutte pour la captation du surproduit. Elle est caractérisée actuellement en Haïti par quelques 700 000 petites propriétés et dispersées, dont environ 89% ont 0,01 hectare et 2 hectares. Plus de 48% de ces exploitations disposent de moins d'une demi carreau (0,6 Hectare), généralement de mauvaise terre incapable d'assurer l'essentiel des moyens de subsistance pour faire vivre une famille. C'est pourquoi le paysan non propriétaire se préoccupe très peu ou pas du tout de protéger la terre ou d'accroître les rendements »49. Nous avons à titre d'exemple la pratique des « boucans », les incendies de vastes zones montagneuses au profit de la culture des graminées, des plantes à tubercules ou à racines fasciculées peu propices à la rétention des sols sur des pentes accidentées dépassant parfois 450 d'inclinaison, achèvent la ruine de nos terres qui perdent leur couche arable emportée par le ruissellement des eaux courantes. Il ne reste plus en beaucoup de zones que la roche mère sous-jacente et des débris rocailleux stériles impropre à la culture. « Plus de sept millions de tonnes de sol de surface annuellement sont charriés à la mer par les cours d'eau, soit quatre mille tonnes d'éléments fertilisants, perte équivalant à 160.000 dollars par an »50. Faut-il bien souligner que la production alimentaire, axée sur l'autoconsommation, n'arrive pas, dans bien des cas, à même couvrir la totalité des besoins alimentaires des gens à 50%. Sur le plan économique, la proportion de terre rentable ne doit pas être inférieure à 5 hectares, on doit reconnaître qu'avec moins que 2 hectares comme c'est le cas, en Haïti, le paysan perd son temps. Le rapport entre la portion de terre disponible et le nombre d'habitants (T/H) devient de temps à autres, difficile à réaliser, lorsqu'on compare la vitesse d'accroissement de la population avec l'accès restreint des habitants à la terre. Bien des travaux de recherches et d'analyses consacrés à l'économie haïtienne au cours de ces trois dernières décennies, ont révélé maintes réalités au chapitre du sous-développement de notre espace national. Il s'agit de l'existence de notre mode de production encore archaque (techniques rudimentaires, pratique de certaines formes de servage, tenure de la terre largement foncière, faiblesse de l'encadrement de la paysannerie) et de notre cadre écologique affecté par l'érosion pour ne contenir aujourd'hui qu'environ 1.5 % de ressources forestières. A ces réalités, il importe

48 Edouard Francisque, p.100

49 Fred Doura, tome , p.80

50 Edouard Francisque, p.100

d'ajouter aussi notre cadre institutionnel et juridique déficient, l'explosion démographique, la dégradation de l'environnement, la baisse de la fertilité des sols, l'aide alimentaire, manque ou absence de financement et d'infrastructure, ainsi que le degré d'analphabétisme de notre société qui compromettront encore longtemps tout vrai démarrage national (note de cours d'économie haïtienne).

1.1.1- Répartition des exploitations

« La question agraire posée au lendemain même de l'indépendance d'Haïti, malgré les divers traumatismes sociaux dont elle est responsable à titre principal, n'a encore trouvé de nos jours aucune solution adéquate. Elle s'inscrit en filigrane dans la trame de tous les bouleversements, de tous les conflits qui jalonnent plus d'un siècle et demi d'histoire nationale »51. En effet ce tableau peut nous donner une idée sur le comportement du paysan haïtien qui est toujours en butte aux tracasseries de l'administration, qui défend chaque jour, pouce par pouce, sa propriété constamment menacée. L'essor démographique, en faisant essaimer les cultivateurs sur les terres domaniales et même sur les « habitations » des propriétaires absentéistes, favorisa ça et là le développement de la petite propriété au cours d'un siècle et demi. Toutefois, la condition de propriétaire est des plus précaires. La commune renommée, le témoignage des voisins ou tout autre moyens de preuve à défaut de titres authentiques, aident le paysan à faire valoir ses droits de propriété. En fait, une perpétuelle insécurité et des craintes sérieuses de dépossession brutale freinent la volonté créatrice du paysan qui n'a aucun intérêt à aménager une terre qu'il risque de perdre à cause des conflits permanents de légitimité qui remettent en question la validité de ses droits.

Tableau 2.1- Répartition des exploitations en nombre de surface

Classes de

dimensions des exploitations

en carreaux

Nombre d'exploitations

% du nombre total

d'exploitations

Superficie

totale en

carreaux

% de la

superficie

totale

0,01 - 0,5 0,51 - 1,00 1,01 -2,00 2,01 - 4,00 4,01 - 10,00 plus de 10,00

293725 144270 110260 49370 16910 2175

47,6 23,4 17,9 8,0

2,7

0,4

94020 123855 175030 143390 99120 33980

14,0 18,5 26,1 21,5 14,9 5,0

Total

616710

100,0

669395

100,0

SOURCE: Doura, Tome I, p.82

De l'avis de Fred Doura « la taille des exploitations a tendance à diminuer encore davantage en raison d'une part de la croissance démographique et de l'achat de petites parcelles à la mesure du pouvoir d'achat des paysans qui ne peuvent trouver du travail dans un autre secteur de l'économie et d'autre part, en raison des « partages successoraux répétés » basés sur des droits qui accordent la distribution égalitaire de l'héritage entre l'ensemble des héritiers. Ce système a favorisé la petite propriété rurale, une structure foncière qui a retardé grandement la modernisation de l'agriculture et a handicapé lourdement l'industrialisation d'Haïti »52. Ces situations favorisent le développement de la pauvreté en Haïti. Cette dernière est liée, aussi, au ralentissement de la croissance économique qui est dû à la chute des investissements, à la baisse de la productivité et des exportations. Ce tableau ci-après va nous donner une idée plus claire sur la situation des exportations d'Haïti au reste du monde de la période allant de 1982 à 1990.

52 Fred Doura, Tome I, p.82

Tableau 2.2- Les principales productions en Haïti
1982 - 1990

PRODUIT

1982

1984

1987

1990

CAFÉ

179.4

228.9

182.5

76.7

HUILES ESSENTIELLES

28.4

28.2

14.5

1.9

PITE

8.6

0.9

18.7

21.4

SUCRE

-

2.5

22.7

18.3

VIANDE

8.6

1.8

-

-

CACAO

11.1

22.8

21.8

9.2

AUTRES

103.1

564.7

298.3

181.3

TOTAL

339.2

564.7

298.3

181.3

Source: BRH, 1987,1992

Ce tableau montre clairement que la croissance économique n'est viable que si elle s'accompagne d'une distribution équitable du revenu et de la satisfaction progressive des nécessités basiques de la population.

Nous pensons qu'il s'avère nécessaire de signaler que le contexte sociopolitique actuel est défavorable à la croissance qui devrait en temps normal, améliorer les conditions de vie de la population.

Nous devons insister sur le fait que, selon Fred Doura :

L'agriculture joue un rôle central dans le développement économique de tout Etat-nation, principalement en Haïti, car une forte majorité de la population tire leur subsistance de la production agricole. Ainsi les dirigeants haïtiens ont le devoir d'aider tous ceux qui travaillent dans ce secteur à améliorer, d'une part, leur productivité et le rendement spécifiquement de la culture alimentaire et commerciale, et d'intégrer, d'autre part, une politique de prix dans leur politiques économiques. Un pays comme Haïti, doit compter sur les ressources locales pour produire l'alimentation consommée par la population, particulièrement, urbaine ; d'autant qu'une croissance de la production peut faire

économiser les devises utilisées pour payer les importations des produits alimentaires et en même temps elle peut constituer un apport important de capitaux pour les investissements, source d'une croissance économique durable53.

Malheureusement, jusqu'à l'heure où nous sommes, on constate que le paysan est contraint de

travailler encore sur son lopin de terre de manière archaïque, faute d'un encadrement adéquat de la part des autorités responsables. Et, enfin, on voit le résultat qui n'est autre qu'une régression continue de la productivité, si on veut bien considérer les données statistiques allant de l'année 1982 à 1990. Cette tendance tend à perdurer davantage si on ne prend pas les mesures qui s'imposent.

1.1.2- Part des Importations dans la consommation nationale

« Le secteur agricole - déjà caractérisé par un très faible niveau d'équipement (donc, une faible intensité capitalistique) et de productivité (tant au niveau du facteur terre que celui de la main d'oeuvre) -s'amenuise de plus en plus. En outre, le secteur agricole n'est pas arrivé à remplir l'une de ses fonctions premières qui est d'alimenter une population en rapide croissance. Contrairement aux périodes précédentes, il a couvert en 1996 à peine 50% des besoins théoriques nationaux évalués à 1,77 millions de Tonnes Equivalent Céréales par la Food and Agriculture Organization (FAO) pour la même année; selon les estimations de la Coordination Nationale de la Sécurité Alimentaire (CNSA); l'autre brèche étant comblée par les importations commerciales, la contrebande et l'aide alimentaire »54. Selon la Banque Mondiale, dans une année normale, « la production nationale fournit 59%, les importations 34% et l'aide alimentaire 7% des besoins caloriques d'Haïti »55.

53 Idem, Tome II, pp. 68-67

54 Jacob Sergot, p.6

55 Banque Mondiale, 1998, p.14

Tableau 2.3- Besoins alimentaires - Haïti

 

Tonne métriques

Calories en

(000 000)

Pourcentage de Calories

Besoins alimentaires

1 635 500

5 889 786

100%

Production nationale

900 000

3 241 800

55%

Aide alimentaire

100 000

360 200

6%

Importations commerciales

525 000

1 891 050

32%

Déficit alimentaire

110 000

396 736

7%

Source : Banque Mondiale, 1998

Cette insuffisance de la production nationale, malgré un faible surplus orienté vers l'exportation, s'est traduite par une augmentation continue des importations de produits alimentaires. En ces derniers temps, l'importation a pris des proportions importantes, sans une intervention rapide au niveau du secteur agricole, on risque d'enfoncer de plus en plus vers une dépendance accélérée qui va en retour renforcer notre état de pauvreté. Le tableau que nous allons présenter va donner une idée plus précise de notre point de vue.

Tableau 2.4- Estimation Des Importations/Consommation

PRODUITS

PART ESTIMEE DES IMPORTATIONS DANS LA CONSOMMATION TOTALE

RIZ

64%

SUCRE

85%

FARINE

100%

MAIS

5%

BANANE

1%

SORGHO

0%

POIS

20%

VIANDE DE PORC

27%

VIANDE DEPOULET

75%

OEUFS

78%

LAIT

56%

Source: IRAM & Group Croissance, 1998

Les besoins de consommation de la population et la non disponibilité des aliments créent un déséquilibre. Ce dernier, Selon Fred Doura, « oblige Haïti à importer des grandes quantités de denrées alimentaires environ 235 millions de dollars américains en moyenne par année de 1995 à 2000, ce qui représente près de 40% du total des importations. La facture alimentaire s'est alourdie année après année et elle constitue un sérieux obstacle budgétaire et politique au progrès et à la croissance. Ces taux annuels moyens ont continué de croître à un rythme accéléré dans les importations totales du pays. Cette accélération prouve largement comment

les mauvaises décisions de politique de l'Etat oligarchique haïtien ont causé la destruction de la production agricole nationale »56.

Dans le point qui suit, nous allons traiter la faiblesse de l'économie, afin de mieux cerner d'autres paramètres sur les causes de la pauvreté en Haïti.

1.2- Faiblesse de l'économie haïtienne :

« Haïti, est une superficie de 27 750 kilomètres carrés et ses [8.5] millions d'habitants, est un pays très appauvri, fort peu urbanisé, dont à peine 36% de la population vivent dans les villes. Environ 85% de la population économiquement active (PEA) survivent dans l'économie citoyenne-informelle. L'emploi, dans de l'économie officielle, reste limité, à moins de 10% de la population active. Le taux d'activité économique des femmes âgées de 15 ans et plus représente 57.7% du marché du travail en ce début du XXIème siècle. La dégradation de la situation économique est observable dans tous les secteurs tels que : le commerce, les revenus, l'emploi, la consommation privée, la production agricole et industrielle »57.

« On se rappelle qu'en 1950, Haïti se positionnait à la dernière place au classement des revenus per capita parmi les pays d'Amérique. Elle a gardé la même place depuis, alors que l'écart s'agrandissait entre elle et les autres pays de la région entre 1950 et 1980. C'est donc sur une toile faite de rachitisme économique et de retards importants au niveau de tous les indicateurs socio-économiques qu'Haïti a abordé un cycle de longue stagnation et de difficultés énormes à partir de 1981 »58 . Voyons entre autre l'évolution négative du produit intérieur brut (PIB).

1.2.1- Evolution du PIB

« Dans tout Etat-nation, les activités économiques sont exercées, habituellement, selon des
règles établies, que l'on peut caractériser de normes dominantes reflétant ainsi le secteur
officiel de l'économie : elles sont dites légales, soumises à des obligations déclaratives fiscales

56 Fred Doura, Tome I, pp.66-67

57 Idem, Tome II, p. 9

58 R. MONTAS, p.3

et sociales, c'est pourquoi elles sont comptabilisées dans le produit intérieur brut (PIB) et soumises à la régulation des pouvoirs publics »59. Il importe de souligner que le PIB, en soi, n'est pas une mesure complète pour expliquer le niveau de production d'un pays, car il ne tient compte que des richesses qui peuvent être évaluées sous forme monétaire telles activités marchandes assurées par le secteur privé ou les activités non marchandes mais financées par les prélèvements obligatoires. Ainsi, selon les études de Fred Doura, « le PIB ne reflète pas toujours très bien la mesure de la production du pays, puisque certaines productions telles que les production hors marché (préparation des repas, éducation des enfants, ...) ou la production réalisée dans le cadre de l'économie citoyenne-informelle sont exclues »60. Cependant, il reste et demeure un puissant instrument pouvant donner une certaine idée sur le niveau de productivité d'un pays. C'est ainsi que nous pouvons voir à la lumière des études menées par R. Montas que l'investissement total a représenté en « moyenne 17% du PIB vers la fin des années 1978. Il a enregistré une tendance à la baisse en passant de 18% en moyenne sur la période 1980/ 1987 à environ 14% en moyenne entre 2000 et 2003. Pour un pays au niveau de développement aussi faible, la croissance obtenue à partir d'un tel taux d'investissement aurait dû être beaucoup plus élevé, c'est-à-dire de l'ordre d'au moins 4 à 5% par année si la productivité était plus élevé alors qu'il y a été enregistré une croissance moyenne du PIB par tête de 2.1 entre 1987 et 2003 »61 . Plus d'un pense que cette situation a un rapport étroit avec les mauvaises gestions des ressources humaines et naturelles par les autorités responsables.

Nous voulons employer le terme propre de l'Institut Haïtien de Statistique et d'Informatique (IHSI), le produit intérieur brut (PIB) se nourrit des 3 trois branches d'activités de l'économie, à savoir: le secteur primaire, secondaire et tertiaire. On ne peut négliger aucun de ces secteurs, compte tenu de leurs poids, mais nous devons faire remarquer l'importance du secteur primaire avec ses diverses composantes (l'agriculture, la sylviculture, l'élevage, ...) ne représente plus en moyenne les années antérieures. Telles : « 31,92% (1995-1998) contre 38% pour les années 1985-1986 à 1989-1990, alors qu'il représentait 50% de ce même PIB dans les années 70. La tendance de ce secteur est donc très nette.

L'agriculture représente, à l'intérieur même du secteur primaire, 85,95% pour les années

59 Fred Doura, Tome II, p.21

60 Ibidem,, p.26

61 R. Montas, p. 4

1985-1986 / 1990-1991, 81,94% pour les années 1990-1991 / 1995-1996, et à 77,23% pour les années 1995-1996 à 1997-1998 »62.

Au niveau de ce sous-secteur, on constate une chute significative qui est, à notre avis, le résultat de plusieurs paramètres dont le manque d'encadrement des paysans ; quasiment, pas d'infrastructures ; l'isolement du milieu rural qualifié de « pays en dehors » où, selon Fred Doura, « habite les deux tiers de la population haïtienne, soit environ 5.2 millions de personnes et d'après la Banque Mondiale, 80% d'entre eux disposent d'un revenu en dessous du seuil de pauvreté, dont 66% vivent dans une extrême pauvreté »63. C'est dans cette optique que Kern l'a si bien fait remarquer en disant que « la société nationale ne forme pas un tout solidaire et interdépendant. C'est plutôt un ensemble stratifié, disposé en couches superposées avec subordination des unes par rapport aux autres. L'élite urbaine, qui s'est emparée des dépouilles de l'administration coloniale, s'arroge en pseudo aristocratie et réserve des prérogatives exorbitantes : détentrice du pouvoir politique et économique, elle domine le paysannat qu'elle soumet à une exploitation impitoyable. C'est l'apparition du colonialisme interne, qui prend le relais du colonialisme français »64. Selon Harry Salomon, la performance enregistrée dans l'agriculture est le résultat des effets combinés de la saison pluvieuse et de quelques investissements publics en matière d'infrastructures agricoles ( cité par Henri Bazin, p.39)

62 Henri Bazin, p.37-38

63 Fred Doura, Tome II, p.25

64 Kern, p. 203

Poids en Pourcentage des différentes branches à l'intérieur du secteur
primaire, de 1985 à 1998

Tableau 2.5-

 

1985-

1986-

1987-

1988-

1989-

Moyenne

Branches d'activités

1986

1987

1988

1989

1990

 
 

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

 

Secteur primaire

 
 
 
 
 
 

Agriculture

86.40

85.98

86.23

85.98

85.16

85.95

Sylviculture, élevage et pêche

13.31

13.60

13.34

13.66

14.46

13.68

Industries

0.29

0.42

0.43

0.36

0.38

0.37

Extractives

 
 
 
 
 
 

(Source : HENRI BAZIN p.305) Tableau 2.6-

Branches d'activités

1990-

1991

1991-

1992

1992-

1993

1993-

1994

1994-

1991

Moyenne

Secteur primaire

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Agriculture

84.84

84.50

82.65

80.13

77.59

81.94

Sylviculture, élevage et pêche

14.78

15.18

16.98

19.49

21.88

17.76

Industries Extractives

0.38

0.32

0.37

0.39

0.52

0.40

(Source: HENRI BAZIN p.305)

Tableau 2.7-

Branches d'activités

1995-1996

1996-1997

1997-1998

Moyenne

Secteur primaire

100,0

100,0

100,0

100,0

Agriculture

77.74

77.07

77.19

77.23

Sylviculture, élevage et pêche

21.98

22.29

22.14

22.14

Industries Extractives

0.58

0.65

0.67

0.63

Source : HENRI BAZIN, p.305

SECTION 2. LES POLITIQUES ECONOMIQUES EN VIGUEUR

Avant de parler des politiques économiques appliquées en Haïti, il importe pour nous de rappeler que « la politique économique désigne l'ensemble des mesures prises par l'Etat pour modifier l'affectation des ressources, réguler la conjoncture et redistribuer le revenu national. La politique économique se fait en fonction d'objectifs avec des instruments et selon des théories économiques. Pour atteindre ces objectifs, il y a plusieurs instruments disponibles ; le choix se fait en fonction d'options théoriques65 ».

Tableau 2.8- INSTRUMENT DE POLITIQUE ECONOMIQUE

Choix théoriques

Instruments

Objectifs

Néo-classique Keynésien

Politique monétaire politique budgétaire

Chômage inflation

65 Notes de cours / http://pauillac.inria.fr/~lang/licence/v1/lldd.html

Cependant, comme s'est demandé le professeur Fritz DESHOMMES, peut-on parler de politique économique en Haïti. Depuis quand en a t-on entendu parler dans ce pays ? Depuis quand les grandes options sur la meilleure manière de conduire, de piloter l'économie nationale ont fait l'objet de débats, de discussions ou même d'information ou de sensibilisation 66 . La crise socio-économique tend à persister, tant que les décideurs n'agissent pas en faveur des plus faibles afin de les faire sortir dans leur difficulté. Assez souvent l'Etat se montre désengager en faveur des pauvres et cette situation a le coût qu'elle mérite. A ce propos, Fred Doura fait avancer que l'accélération de la crise économique, durant les deux dernières décennies, a montré l'incapacité de l'Etat haïtien d'intégrer la plus forte partie de sa population dans un projet de développement articulé et de création massive d'emplois. Réduire la pauvreté nécessite une réforme agraire efficace, des investissements importants dans l'agriculture, l'industrialisation rurale et surtout des investissements publics dans l'éducation, la santé et les infrastructures.

« Force est de constater que l'économie exclut d'importantes couches de la société, générant ainsi de nouvelles formes d `inégalités, d'injustices sociales, d'exploitations et d'abus. Le coût de l'exclusion, qui apparaît chaque fois que les décisions sont prises par l'Etat au profit des minorités, sans tenir compte de l'intérêt d'un individus ou d'un groupe, est d'autant plus élevé qu'il a d'êtres-citoyens actifs exclus »67. Le développement du pays ou la sortie des démunis dans la pauvreté ne va pas se faire avec une baguette magique. Il demande science et méthode. Joseph Déjoie nous montre que « dans les pays développés, le progrès économique peut-être facilement atteint si ces pays respectent les lois économiques fondamentales. Quoique la tache soit plus difficile que dans les pays développés, un progrès économique viable peut-être atteint en Haïti, si, comme ces pays, nous suivons des principes économiques appropriés et acquérons certains facteurs essentiels qui nous font défaut. Ces facteurs sont en l'occurrence, la connaissance technique moderne, la disponibilité de capitaux, la disponibilité de main-d'oeuvre spécialisée et un plan solide pour l'utilisation de capitaux, de la maind'oeuvre et de la connaissance technique. Si ceux-ci sont fournis, il y aura progrès »68. Comme dit le vieux dicton « Mieux vaut tard que jamais ». C'est vrai, que nous avons beaucoup à faire pour sortir dans ce que nous sommes (Haïti) aujourd'hui, mais c'est une obligation impérieuse.

66 Fritz Deshommes, Politique en Haïti, Rétrospectives et Perspectives

67 Fred Doura, Tome II, pp. 27-28

68 Joseph Déjoie, p.19

Ce que nous vivons maintenant, est le fruit de ce qu'on a semé, notamment avec les différentes politiques économiques appliquées en défaveur de la majorité de la population. A noter que « durant ces 20 dernières années, Haïti confronte à une récession prolongée causée, en partie, par la dégradation du marché du travail liée aux problèmes des systèmes de production traditionnels. Les politiques de libéralisation économique, entamées en 1987 et consacrées en 1996, qui ont sérieusement affecté l'agriculture et l'industrie de transformation »69. Si les politiques économiques ont un poids assez lourd dans les causes de la pauvreté en Haïti, elles ne sont pas aussi les seules. Il y a, aussi, des causes dites sociopolitiques et institutionnelles. Nous tentons de les développer dans la section qui suit.

SECTION 3. CAUSES SOCIO-POLITIQUES ET INSTITUTIONNELLES

Il est plus facile de trouver des idées communes autour des caractéristiques de la pauvreté que d'en trouver sur ces causes, toutefois nos recherches nous ont permis d'identifier les causes suivantes :

3.1 - Instabilité politique et Institutionnelles

Selon Kern, « l'un des traits fondamentaux de la société haïtienne réside dans le fait que la majorité de la population est soumise à des effets de domination, d'exploitation et de discrimination qui conduisent à de très fortes disparités entre les différentes classes sociales et entre les différentes régions du pays. Au sein de société inégalitaire par excellence, une majorité asservie est écrasée par une minorité dominante »70. L'insatisfaction des besoins fondamentaux engendre des flambées de violence. Cette situation laisse l'avenir de la Première République Noire hypothéqué. Haïti est en train de marquer des pas sur place, au dire de plus d'un. Force est de constater que de 1804 à nos jours, ce pays a toujours connu une série de dictatures plus ou moins sanglantes qui alternant avec des périodes d'anarchies, généralement courtes (L.F. Hoffmann, 1995:196).

69 Rapport National 2004 sur les objectifs du millénaire, pp. 11-12

70 kern, p.260

De l'observation de Fred Doura, depuis 1986, ce pays a connu douze gouvernements et un coup d'Etat sanglant causant la mort de milliers de personnes, induisant un embargo commercial partiel qui a détérioré complètement son économie71. « Neuf présidents et plus d'une quinzaine de gouvernements se sont succédés au pouvoir en Haïti. L'Etat haïtien est caractérisé par une instabilité politique et économique quasiment permanente, et une gestion économique et financière catastrophique. Aucun des régimes qui se sont succédés en Haïti n'a eu la chance de bénéficier du temps de la stabilité pour instaurer de manière durable une politique de développement. Manifestations, graffitis et barricades enflammées, d'un côté, gigantesques murs de maisons aisées, vitres fumés et autres barbelées, de l'autre, témoignent tous d'une situation d'antagonisme important »72.

La quasi inexistante de l'Etat a favorisé pendant deux siècles la succession de régimes autoritaires. En effet, de Jean-Jacques Dessalines à Jean-Bertrand Aristide, respectivement premier et dernier dirigeant en date d'Haïti (2004), les hommes politiques haïtiens se sont souvent proclamés dirigeants à vie ou ont manifesté des velléités allant dans ce sens. Pour y parvenir, ils se transformèrent en despote ayant à leur solde des bandes armées : « Zenglens » sous le Président Soulouque, les macoutes sous Duvalier ou les chimères sous J.-B. Aristide. En outre, le vide institutionnel chronique a permis à l'opposition de fomenter des coups d'Etat, émeutes, soulèvements armés et assassinats qui garantissaient la victoire aux détenteurs des armes. En témoigne ce dicton populaire haïtien : « La constitution, c'est du papier et les baïonnettes, c'est du fer ». Cette conception du pouvoir s'est traduite par la succession de gouvernements éphémères (15 dirigeants sur 47, soit plus d'un tiers, sont restés moins d'un an au pouvoir). En outre, la primauté des armes se manifeste par l'écrasante majorité de gouvernements militaires dans l'histoire d'Haïti (au moins 27 soit près de 60 %), alors que seulement 5 présidents ont été élus au suffrage universel direct73.

Cette situation chaotique que connaissait le pays a découragé les entrepreneurs à investir faute de l'instabilité et l'incertitude. Ce qui a provoqué une forte recrudescence de la violence, la misère, ...

« En raison de la faiblesse des Institutions Politiques, les dirigeants haïtiens ont souvent pillé les caisses de l'Etat. Par des stratagèmes variés, ils ont amassé des fortunes considérables

71 Fred Doura, p34

72 Didier Dominique, p.9

73 M@ppemonde, p.6

en détournant l'aide internationale, en prélevant un pourcentage élevé des taxes et des impôts et en se livrant à des trafics de tout genre. La fortune de J.-C Duvalier (1971-1986) a été évaluée à 120 millions de dollars et celle de J.-B Aristide (1994-1996 et 2000-2004) s'échelonnerait entre 200 et 800 millions de dollars »74. N'est-ce pas dans cette lignée que LUNDAHL, dans ses réflexions sur les causes de la pauvreté en Haïti, avance à penser que « se sont surtout les forces politiques combinées à des facteurs structurels, comme la croissance démographique et l'érosion, qui sont responsables de l'appauvrissement rural en Haïti et non les imperfections du marché »75. Ces derniers temps, on a pu constater une forte migration interne, où les paysans laissent la campagne pour venir s'installer dans les grandes villes notamment au Cap-Haïtien en vue de trouver une amélioration dans leur vie quotidienne. Les causes de cette migration sont multiples notamment le manque d'infrastructures de bases, telles: Routes, Education, Santé, Loisirs. Ils sont en quête d'une vie meilleure.

L'agriculture a connu une diminution de 32% de sa valeur ajoutée de 1990/91 à 1993/94 ...Durant cette même période, le produit national brut (PNB) a baissé de plus de 17% en 1992/93, puis encore de 10% en 1994 (BM, 1998, vol.II, 1).Cet échec a une incidence majeure sur l'économie avec:

- Une croissance économique négative et faible du PIB (4 millions $ en 2002 contre -3,5 millions en 2004

- Déséquilibre budgétaire permanent

- Investissement public insuffisant

- Chômage très élevé

- Augmentation élevée de la pauvreté.

- Pillage systématique au niveau des administrations publiques76.

74 Ibidem

75 LUNDAHL, pp. 243-263

76 www.radiocanada.ca, Haiti : Entre la dictature et la pauvreté

Tableau 2.9- Des Gouvernements D'Haïti, 1956@ 2004

Nemours Pierre-Louis

12 décembre 1956 - 3 février 1957

Franck Sylvain

7 février 1957 - 2 avril 1957

 

Daniel Fignolé

25 mai 1957 - 14 juin 1957

 

François Duvalier

22 octobre 1957 - 21 avril 1971

 

Jean-Claude Duvalier

22 avril 1971 - 7 février 1986

Leslie F. Manigat

7 février 1988 - 20 juin 1988

 

Henri Namphy

20 juin 1988 - 18 septembre 1988

 

Prosper Avril

18 septembre 1988 - 10 mars 1990

 

Ertha Pascal-Trouillot

18 mars 1990 - 7 février 1991

 

Jean-Bertrand Aristide

7 février 1991 - 7 février 1996

 
 

René Gracia Préval

7 février 1996 - 7 février 2001

 

Jean-Bertrand Aristide

7 février 2001 - 29 février 2004

 
 

Boniface Alexandre

29 février 2004 -

 

SOURCE: http://www.infolimone.it/l/li/liste_des_presidents_d_haiti.html

« Cette instabilité politique a eu pour conséquence le retrait de certains investisseurs nationaux et internationaux, compte tenu du risque très élevé qu'on court en Haïti. Cette situation augmente d'avantage la pauvreté à Shada et encourage souvent des émeutes. L'intensité des conflits portant sur la conquête du pouvoir et la répartition des richesses ne permet pas aux gouvernements d'acquérir la cohésion et la force internes nécessaires à l'accomplissement des taches impératives à l'Etat. La nation ne peut accéder à une phase de développement, qui postule les changements structurels et des réformes drastiques. Les dirigeants restent

incapables d'assurer la capacité d'adaptation du pays aux défies du dedans comme du dehors »77.

Pour sa part, Alex Dupuy, dans son analyse voit l'appauvrissement d'Haïti comme « le produit du sous-développement structurel de l'économie haïtienne, comme l'a souligné tantôt Kern. Le système d'exploitation agricole ayant une répercution vraiment négative sur la taille des exploitations agricoles et d'une part les relations entre les différentes catégories des couches paysannes, telles : les grands dons et les petits paysans victimes du système de deux moitiés, et d'autre part, l'inefficacité du système traditionnel ou archaque pratiqué dans le quotidien du paysan haïtien, caractérisé par la faiblesse du soutien ou le manque d'encadrement de l'Etat haïtien à ce dernier »78.

3-2 Situation socio-économique et Développement Humain

Durant ces dernières années les conditions de vie de l'haïtien s'aggrave, notamment du point de vue socio-économique. Les derniers rapports de la CNUCED en sont des révélations. Ils révèlent tout, la généralisation de la pauvreté, c'est-à-dire le développement d'une situation où la plus grande partie de la population dispose d'un niveau de revenu à peine suffisant ou insuffisant pour satisfaire ses besoins primaires. La pauvreté empointe une voie à un point tel, les différentes ressources disponibles de l'économie, même équitablement reparties, ne pourraient pas tenir longuement pour assurer la survie de la population dans sa quête de satisfaire ses besoins les plus essentiels.

Les faits montrent bien que :

- L'espérance de vie à la naissance passe de 53.7 ans en moyenne en 1997 contre 52.4 en 2001 ;

- La persistance de la sous-alimentation et de la malnutrition ;

- Faible investissement en capital humain ;

- Mauvaises conditions hygiéniques, faible accès aux services de santé et à l'eau potable, mortalité infantile élevée, prévalence de maladie infectieuses, ...79.

Les éléments essentiels du bien-être dans un Etat-nation sont le niveau du revenu réel

par habitant, le niveau d'éducation, la santé et l'espérance de vie de la population. Le PNUD (1998 : 16), fait référence à un indicateur composite construit.

77 Kern, p.258

78 Alex Dupuy, p.100

79 CNUCED, p. 75

CHAPITRE III :

MONOGRAPHIE

DE SHADA

Section I- HISTORIQUE ET DESCRIPTION GEOGRAPHIQUE DE

SHADA

La présentation de cette partie a pour objectif principal de nous aider à trouver des indices valables pouvant nous permettre de trouver des éléments qui sont à même de prouver l'existence de la pauvreté dans la zone.

La population est estimée à 12500 habitants environ à Shada, bidonville situé à l'entrée Est de la ville du Cap-Haïtien, est l'une des plus pauvres de la région Nord. Elle a commencé à attirer des personnes venant notamment des milieux ruraux, tels Dondon, Bahon, Saint- Raphaël, ... (Voir le tableau A) à partir des années 1980, pour se faire installer autour des grandes compagnies et Usines qu'on avait dans la zone, telle : Fougerolles, Conserverie Nationale S.A (CONASA), le Service d'Entretien Permanent du Réseau Routier National (SEPREN) par le fait que ces personnes sont dépourvues de tout accès pouvant les aider à survivre à la campagne. Les habitants se disent être en quête d'un mieux être. Le quartier SHADA est divisé en deux (2) parties distinctes soit SHADA I qui est délimité par le Pont Hyppolite (ou Pont Ancien) et le marché du Pont Neuf localisé juste avant le pont du même nom et SHADA II, qui va du marché Pont Neuf au delà du pont du même nom jusqu'à CONASA qui est une ancienne conserverie de jus de mangue déchouquée en 1991.

SECTION 2. SOMMAIRE DE LA SITUATION D'OBSERVATION

SOCIO-ECONOMIQUE DE SHADA

« Dès la première vue, le quartier présente un tableau vraiment sombre, avec des constructions qui sont si rapprochées qu'il est parfois difficile de s'y croiser les pieds. Ce quartier accueille une gare routière, un marché, où on y vend principalement du charbon et de la canne à sucre et un grand marché en détail. Il se situe sur une bande étroite de terrain entre la mer et l'embouchure de la rivière de Haut-du-Cap. Ces terrains sont souvent inondés lors des marrées et des fortes pluies. Par endroit de petites digues ont été construites de manière bien irrégulière et s'avèrent insuffisantes. Il n'y a pas vraiment accès pour un véhicule ou une charrette, à l'intérieur du quartier. Il est parfois nécessaire de passer à travers un logement pour accéder à certains autres secteurs de ce même quartier. Les marres d'eau stagnantes sont dues à l'accumulation des eaux de pluies ou d'écoulement de drain et transforment parfois ce quartier en véritable marécage particulièrement lors des marées montant parfois jusqu'à 300- 400 cm dans le quartier »80.

Les gens défèquent, assez souvent, dans des sacs plastiques qu'ils jettent dans la mer car, souvent, ils n'ont pas d'autres options. Selon une étude réalisée par DESSAU INTENATIONNAL LTD/Ltée, Shada est considéré comme « la zone la plus insalubre avec la plus forte densité de la population et également repère de bandits les plus dangereux de la commune ; symbole de promiscuité et délinquance.» (Volume II, annexe 3, p.4). Ce qui à nos yeux est important de mentionner ici est que la faible scolarisation de la population a une incidence majeure sur le développement regrettable de la pauvreté à SHADA II. Comme le démontre aussi l'enquête qui a été menée par l'IHSI, les plus fortes incidences de la pauvreté sont associées au niveau d'éducation les plus faibles ou à l'absence de tout bagage scolaire.

Section 3. PRESENTATION DE L'ENQUETE

Objet de l'enquête :

Nous nous sommes fixés comme objectif d'étudier la problématique de la pauvreté à SHADA, au Cap-Haïtien, tout en essayant d'identifier les facteurs socio-économiques afin d'y proposer certains éléments de solutions pouvant servir aux principaux décideurs du pays à résoudre ce fléau.

METHODE DES COLLECTES DES DONNEES

Il a été question pour nous de réaliser, de manière approfondie, une étude sur le problème de la pauvreté en Haïti, et d'une façon spécifique, à SHADA au Cap-Haïtien, par le fait que nous avons rencontré d'énormes difficultés de trouver des données disponibles pour mieux approfondir notre travail. Toutefois, des documents tirés au bureau de l'Institut pour la sauvegarde des patrimoines nationales (ISPAN / Nord) et des enquêtes de l'Institut Haïtien de Statistique et d'informatique (IHSI) nous étaient vraiment favorables. Nous avions dû, nous- même, mener notre propre enquête socio-économique auprès de certains ménages du côté de Shada I et II. Cette enquête était considérée comme le gros de notre travail et surtout, elle nous a permis d'aborder les habitants de cet immense bidonville afin de mieux cerner le problème que pose la pauvreté.

En somme, nous avons fait appel tour à tour aux méthodes suivantes :

o Investigation documentaire consistant à passer en revue des ouvrages, revues,
documents officiels et des sites Internet ayant rapport avec le sujet sous étude.

o Engager une enquête sur le terrain, construit à partir d'un échantillon et la tenue d'entrevue avec un questionnaire auto administré. Pour interpréter et analyser les données, nous avons fait appel à l'analyse statistique et celle de contenu.

Mise à jour du questionnaire

Ce questionnaire est le fruit d'un ensemble de recherches mené dans des documents émanant
de la part de ceux qui ont déjà réalisé des travaux similaires. Après être documenté, nous avons

compris la nécessité de monter le questionnaire qui comportait 30 questions, à travers lesquelles nous avons trouvé des informations concernant les conditions de vie socio- économiques des habitants de Shada I et II. Nous avons reparti le questionnaire en trois parties :

1. Aspect Démographique

2. Le mode de vie domestique

3. Questions aux responsables des écoles de la zone, relatives à l'état des écoles, le niveau académique des enseignants, financement, etc.

Après avoir construit le questionnaire, nous étions prêt à passer à l'étape de prétest.

Prétest du questionnaire

Nous avons beaucoup appris avec la réalisation du prétest. En effet, il nous a permis d'approcher 11 chefs de familles, dont 7 à Shada I et 4 à Shada II. Ces interviews administrées nous ont, aussi, donné la possibilité de mieux structurer notre questionnaire et y ajouter d'autres questions pertinentes constituant le questionnaire définitif.

Questionnaire définitive

Nous avons décidé d'ajouter 16 questions du questionnaire utilisé pour le prétest, c'est-à-dire un ensemble de 46 questions au total. Pour la compréhension totale des interviewés, nous avons rédigé notre questionnaire en créole. Une fois élaborée, nous n'avions qu'à utiliser les techniques d'enquêtes enseignées par les spécialistes du domaine. Le dépouillement des données nous ont permis de découvrir la manière dont ce bidonville a été construit, le milieu de provenance des gens, leur conditions de vie, éducation, ...

Enquête sur le terrain

L'enquête a été dirigée auprès de 70 chefs de famille. A cause de la mauvaise numérotation des maisons qui est le fruit des constructions anarchiques, nous avons dû recourir à la méthode de grappe, en lieu et place de celle de probaliste.

On a tout prévu, suivant la planification qu'on a élaborée. Le questionnaire étant codé à l'avance, on avait qu'à y insérer les chiffres.

CAUSES DE LA MIGRATION A SHADA

A travers notre travail de recherche nous résumons les causes de la migration en ce sigle intitulé F.E.S.E.P.

Tableau 3.1- Causes de la Migration à Shada

Causes de Migration

Quantité

Pourcentage

Economiques

26

37.14 %

Education

15

21.43 %

Santé

13

18.57 %

Raisons Familiales

11

15.72 %

Politique et Autres

5

7.14 %

Total

70

100 %

Source : Notre enquête 2006

Familiale : Lorsque le chef de famille se déplace, laissant sa famille à la campagne et après un certain temps la femme ou le mari est obligé de laisser le milieu rural pour s'installer au côté de son conjoint. Ces cas représentent 15.72 %, environ. Ils sont appelés à occuper les aires marginales où les logements et terrains coûtent moins chers.

Economique : Notre enquête menée auprès de ces gens nous pousse à constater que les migrants sont, pour la plus grande majorité, touchés par des problèmes économiques et cela constitue la cause la plus fondamentale. Cette situation persiste par le fait que les paysans ne reçoivent quasiment aucun encadrement auprès des responsables. Ils sont laissés pour contre. L'agriculture qui est leur source économique la plus fiable tombe depuis plusieurs décennies en

une situation lamentable. Les chefs de famille souvent accompagnés de leurs enfants et époux se sont obligés de s'émigrer en ville pour chercher le pain quotidien. Le seul endroit répondant à leur situation de misère est cette zone, située à proximité d'une part, d'une cité fraîchement établie dans la région appelée cité Fougerolles. L'établissement de cette cité a été rendue possible grâce à un prêt hypothécaire qui a été octroyé par l'Office National d'Assurance et de Vieillesse (ONA) aux anciens employés de la centrale sucrière Nord (WESCH) et le lotissement des terrains de Mme Georges Benjamin ; et d'autre part, tout près des grandes compagnies établies dans la zone, telles CONASA ET FOURGEROLLES. Malheureusement, avec la fermeture brutale de ces compagnies, leur espoir se passe en désespoir. L'absence d'emploi, d'éducation, d'encadrement, ... transforme ce lieu en un « enfer sur terre ». Il tire son nom de la Société Haïtienne Américaine de Développement Agricole qui a reçu le monopole de l'importation du caoutchouc et de sisal, produits fort demandés sur le marché de guerre nord américain81. Elle représente environ 37, 14 % des cas.

Santé : Les zones de provenance des habitants de grand bidonville, sont dépourvues d'hôpitaux ou de centre de santé pouvant aider les habitants lorsque le besoin est. C'est ainsi qu'on peut toujours constater un va et vient qui se pratique par le paysan qui habite à la campagne au sein des villes en quête de soin de santé. Ceux qui répondent à nos questions à Shada concernant les causes de leur migration représentent environ 18.57 %.

Education : La quête d'une bonne éducation est l'une des grandes causes de migration, selon la révélation faite par les habitants de Shada. Les personnes qui se déplacent à la recherche du pain de l'instruction pour elles-mêmes et / ou leurs enfants constituent 21.43 % des cas, en moyenne. Cette situation est due à cause des manques ou absences d'infrastructures scolaires dans les milieux ruraux. La personne qui est contrainte d'envoyer à l'école son enfant au Cap- Haïtien doit avoir un minimum financier afin de louer ou acheter une maison. Faute de ce minimum, il est obligé d'aller s'installer à ce quartier qui ne l'exige pas trop.

81 Gérard Pierre-Charles, Economie Haïtienne et sa voie..., p.91

POLITIQUE : Les autres cas comme celui de la politique s'élèvent à 7.14 %. Ce dernier s'explique avec les troubles politiques de 1986 où l'on pratiquait le déchoucage des chefs sections et les « adjoints » dans les milieux ruraux et des miliciens « les tontons macoutes » dans les villes. Ces personnes-là sont obligées de chercher des endroits plus ou moins propices afin de se faire protéger contre toute sorte d'attaque, c'est ainsi que les gens envahissent des terrains vides de la zone.

Tableau 3.2- Répartition des zones de provenance
des habitants de Shada

Aire

Quantité

%

Dondon

16

22.86

Bahon

9

12.86

Saint-Raphaël

12

17.14

Limonade

5

7.14

Grande Rivière du Nord

7

10

Ranquite

3

4.29

Limbé

4

5.71

Port-Margot

3

4.29

Marmelade

2

2.86

Né dans la zone

9

12.86

Total

70

100

Source : Notre enquête, 2006

Type d'Union constaté à Shada :

L'enquête nous révèle que plus de 24 % des familles sont séparées. Cela représente plus de 20 % des familles qui sont dirigées par des hommes et 26 % de celles dirigées par des femmes. Plus de 14 % des unions sont faites de façons régulières, soit environ 13 % de la situation des hommes et plus de 14 % chez les femmes. Selon l'enquête plus de 51% des chefs

de famille vivent en union libre, situation de plus de 34 des hommes et 39 %, le cas des femmes chefs de famille.

Tableau 3.3- Répartition des types de relations conjugales

 

Hommes

Femmes

Total

 

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Séparé

6

20.69

11

26.83

17

24.29

Marié

4

13.79

6

14.63

10

14.29

Concubinage

15

34.48

21

39.02

36

51.43

Célibataire

4

13.79

3

4.29

7

10

Total

29

100

41

100

70

100

Source : Notre enquête, 2006

- MAUVAIS LOGEMENT:

Au seuil du 21ème siècle où l'avancement de la technologie permet à l'homme de penser à la colonisation de l'espace, cette étude nous a permis de constater que la majorité des habitants vivant à SHADA croupit dans les conditions les plus primitives, qu'on pourrait même qualifier d'infrahumaines. Ils souffrent d'une pénurie de logements. Ils s'abritent dans des maisonnettes délabrées, mal construites et surpeuplées. La majorité des familles, composée jusqu'à 5 personnes, vivent dans une pièce de moins que 4 m2. Cette situation les oblige de pratiquer une stratégie communément appelée : «dòmi pa relèv». Ils construisent à proximité de la mer, sur des déchets, des bagasses, etc. Ces maisonnettes de désespoir représentent un véritable enfer sur terre, pourtant cela fait souvent l'affaire de certains dirigeants étatiques (politiques) ou des ONG quand il y a des catastrophes naturelles, telles, les inondations, etc.

Conséquences:

Les gens deviennent des «laisser pour contre». Ils cherchent à eux seuls à gagner le pain quotidien, sans aucun soutien social, ce qui encourage aussi le développement vertigineux du secteur informel. Ils forment aussi une cachette de clientélisme politique au service des politiciens (Déchouquage, manifestations, ...)

Autres conséquences: Propagation de la Tuberculose, Promiscuité, sida, beaucoup de victimes lors des inondations et autres.

Tableau 3.4- Répartition du niveau d'éducation des chefs de ménage

 

Hommes

Femmes

Ensemble

Niveau d'instruction

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Aucun

9

31.04

16

39.02

25

35.71

Préparatoire

5

17.24

7

17.07

12

17.14

4e - 6e AF

5

17.24

4

9.76

9

12.86

7e - 9e AF

3

10.35

5

12.20

8

11.43

3e Sec. -Philo

3

10.35

4

9.76

7

10

Université

1

3.45

1

2.44

2

2.86

Professionnelle

3

10.35

4

9.76

7

10

Total

29

100

41

100

70

100

Source : Notre enquête, 2006

SECTION 4- CAUSES ET TYPOLOGIE DE LA PAUVRETE A SHADA

+ ETRE ISSU D'UNE FAMILLE PAUVRE :

A SHADA, notamment au numéro 2, il y a une pauvreté chronique qui fait rage. 43 personnes
sur 70 questionnées déclarent avoir vécu leur enfance dans la pauvreté. Précisément, ceux qui
à la campagne n'avaient pas eu de parents possédant de terre, bétail ou autres biens. D'autres

qui naissent dans le bidonville, avaient des parents qui ne possédaient rien en terme de propriété (maison, terrain, voitures, ...). Ils soulignent, également, leur limitations à la non scolarisation.

Conséquences : Ces personnes n'ont presque aucune éducation de base qui aurait pu leur permettre d'avoir un métier ou une activité économique rentable en vue de les aider à survivre.

Rares, sont ceux qui déclarent avoir eu de richesse et devenus pauvres, sauf dans le cas des gens qui gagnaient de l'argent dans la loterie et en faisaient de mauvaise gestion.


·
· Absence ou manque d'encadrement:

Dans tous les pays, le rôle premier de l'Etat est d'assurer la sécurité des citoyens. Notre observation à SHADA nous amène à constater la faillite de l'Etat Haïtien à ce point de vue où toute la population est laissée pour compte. Il y a une insatisfaction totale des besoins fondamentaux. Au cours de ce travail, nous avons été mis en face d'une réalité, celle de la polarisation de la société haïtienne. L'inégalité sociale, la mauvaise répartition des biens et services est criante. Les disparités se manifestent notamment dans le pouvoir d'achat, l'alimentation et la nutrition, logement, le niveau de l'éducation, l'accès à l'eau potable et autres services de bases. En constatant ce qui se passe dans ce bidonville, l'étude nous pousse, justement, à demander où est l'Etat Haïtien? Pour reprendre le professeur Kern, « on reste de façon impuissante à constater que le niveau du pouvoir d'achat des groupes sociaux désavantagés continue d'être plus dérisoires. Sa régression est la règle: elle est à l'origine d'un appauvrissement croissant qui ne permet pas aux masses populaires urbaines et rurales de se procurer les biens de consommation et les services indispensables. A l'inverse, l'accroissement du pouvoir d'achat reste la norme pour les minorités dirigeantes, qui s'enrichissent continuellement »82. On peut facilement remarquer dans beaucoup de zones dans le pays, en particulier à SHADA où des gens ne peuvent pas arriver à se procurer le strict minimum indispensable pour apporter à l'organisme la somme d'énergie nécessaire pour le bon fonctionnement du corps, faute de moyen économique.

Tableau 3.5- Evolution de la consommation des ménages
sur l'ensemble du pays

 

1986-1987

1999-2000

Alimentation

48.00 %

55 %

Logement, transport, habillement

29.8 %

30 %

Santé

2.2 %

3 %

Education

5.3 %

3 %

Autres

14.7 %

8%

Total

100 %

100 %

Source : IHSI, Enquête budget consommation, 1986-87 ; 1999-2000

+ ÉDUCATION :

« L'instruction est fort peu répandue dans le pays qui ne dispose pas d'un système d'enseignement national généralisé, contrairement au Costa Rica ou à Cuba par exemple. L'ensemble des effectifs scolaires aux différents niveaux de l'enseignement reste inférieur à 1 500 000. Les taux de scolarisation nets comptent les plus faibles du continent américain 48.3 % pour l'enseignement primaire, 10.1% pour l'enseignement secondaire et 1.1% pour l'enseignement supérieur. L'inefficacité du système se mesure notamment à la grave déperdition d'effectifs résultant de l'importance des taux de départ prématuré : seulement

10% des élèves complètent le cycle d'études auquel ils sont régulièrement inscrits. L'analphabétisme atteint plus de 50% de la population de plus de 15 ans »83 . Comme nous l'avons vu au point 1, concernant l'historique de SHADA, on a pu constater que les gens venaient dans la zone en vue de trouver un mieux être. Au point de vue éducatif, on voit que le milieu rural est marginalisé par les décideurs. A titre d'exemple, du total de 2.5% du PIB dépensé par le gouvernement, en 1993, seulement 20% étaient destinées aux zones rurales où vivent 70% de la population. Le coût direct moyen par étudiant varie considérablement par

région et type d'école et met en évidence de grandes inégalités dans les opportunités d'éducation84.

Notre enquête révèle que 30 % des adultes de la population de Shada ont un niveau primaire, 34.48 % des hommes et 15.71 % des femmes. Les chefs de famille analphabètes atteignent jusqu'à 35.71% de l'ensemble, soit 3 1.04 % au sein des hommes et 39.02 % des femmes chefs de famille. Ils ont aussi, un niveau très bas en classe secondaire, soit un pourcentage représentant un total de 21.43 %, soit 20.7 % chez les hommes et 21.96 % chez les femmes. Le niveau supérieur est atteint jusqu'à 2.86 %, soit 3.45 % Chez les hommes et 2.44 % chez les femmes. 10 % des chefs de familles fréquentent l'école professionnelle.

Tableau 3.6- Distribution du niveau d'éducation des chefs de ménage

 

Hommes

Femmes

Ensemble

Niveau d'instruction

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Aucun

9

31.04

16

39.02

25

35.71

Préparatoire

5

17.24

7

17.07

12

17.14

4e - 6e AF

5

17.24

4

9.76

9

12.86

7e - 9e AF

3

10.35

5

12.20

8

11.43

3e Sec. -Philo

3

10.35

4

9.76

7

10

Université

1

3.45

1

2.44

2

2.86

Professionnelle

3

10.35

4

9.76

7

10

Total

29

100

41

100

70

100

Source : Notre enquête, 2006

84 Notes de cours Economie haïtienne, Haïti : Lutte contre la pauvreté

Tableau 3.7- Coût direct annuel de scolarisation par étudiant et par type d'école (1993)

PROVINCE

ECOLES CATHOLIQUES

ECOLES PROTESTANTES

ECOLES NON-

CONFESSIONELLES

 

75

83

125

Artibonite

 
 
 
 

43

41

55

Centre

56

59

53

Grand-Anse

170

89

111

Nord

67

64

105

Nord-est

76

86

129

Nord-ouest

226

191

341

Ouest

76

79

75

Sud

49

64

74

Sud-est

 
 
 

Total

108

100

167

Source : FONHEP, 1994

Selon la constitution, il est clairement dit que « l'État garantit le droit à l'Éducation, il veille à la formation physique, intellectuelle, morale, professionnelle, sociale et civique de la population. »85. Toutes les grandes sociétés font de l'alphabétisation de masse, le développement de l'enseignement supérieur et de la formation scientifique une des priorités majeures, vu leur importance dans le développement. Ici, en Haïti, c'est le contraire qui se pratique. N'est-ce pas l'une des bases de la pauvreté ? ). « En 1995, selon un rapport publié par le PROGRAMME DES NATIONS UNIS POUR LE DEVELOPPEMENT (PNUD), l'analphabétisme des adultes était évalué à 55%. En Haïti, indique la Banque Mondiale (1998 : 3), la dotation en capital humain et matériel est faible. Quelques 58% des chefs de ménage ne savent ni lire ni écrire, 34% ont suivi six années de scolarisation, 6% ont terminé le cycle supérieur et 0.4% ont obtenu un diplôme universitaire »86. Pour des raisons strictement économiques, les élèves issus de classes ou couches sociales différenciées ne bénéficient pas de chances égales en matière d'accès au système éducatif. « On observe que les groupes sociaux défavorisés, dont les ressources exiguês ou incertaines ne peuvent financer les

85 Constitution de 1987, Article 32

86 Fred Doura, p.162

dépenses d'éducation, sont victimes d'une discrimination de fait sanctionnée d'ailleurs par les pouvoirs publics. Par contre, les taux d'accès aux différents niveaux d'enseignement sont relativement élevés pour les enfants en provenance des couches sociales aisées disposant de revenus substantiels. Ici, l'origine sociale de l'élève produit son effet dès l'age de scolarité élémentaire »87.

De nos jours, le problème de l'éducation est quasiment le même à travers tout le pays. Des écoles situées au coeur de Port-au-Prince, la capitale du pays, ne sont pas à l'abri des problèmes rencontrés aux autres écoles des provinces, notamment dans les bidonvilles. Nous pouvons considérer le cas de l'Ecole Nationale Claire Heureuse qui a fait la une au niveau de la presse, quand le journaliste Gaspard Dorélien a mis nu l'état exécrable dans lequel se trouve l'école nationale. Selon les propos du journaliste « la vie dans cette école n'est ni claire, ni heureuse pour les professeurs, encore moins pour les trois groupes d'élèves qui fréquentent l'établissement »88. Cette école souffrance de la négligence de nos dirigeants au niveau du Ministère de l'Education Nationale et de la Formation Professionnelle (MENFP) qui ne font rien pour redresser la situation des écoles, notamment celles appelées « école nationale », destinées surtout à recevoir les enfants les plus pauvres de la société. L'exemple de l'école Claire Heureuse que nous venons de citer, abritant « environ un millier d'élèves, du préscolaire à la 6ème année fondamentale, en trois vacations, hébergée dans deux bâtiments différents. Le premier qui compte six chambrettes mal aérées et mal éclairées est une ancienne maison qui pourrait s'écrouler à la moindre secousse. Le second bâtiment, plus récent et en béton comprenant deux salles, abrite les classes septième année.

Le nombre de bancs est insuffisant et sont en majorité en piteux état... Une chambre est convertie en quatre salles de classe. Chacune est séparée par des contreplaqués troués et qui manque par endroits. Deux élèves de deux classes différentes peuvent aisément communiquer entre eux. Imaginons la cacophonie et/ou l'interférence qui doivent quotidiennement régner quand plusieurs classes font à haute voix, lecture ou récitation de tables de calcul, comme cela se fait, généralement, en Haïti dans les écoles primaires89. De l'avis de plus d'un, le maire de cette ville devait classer cette maison comme danger public et la fermer pour rénovation. Elles sont légions, les écoles nationales situées au coeur de Port-au-

87 Kern, p267-268

88 Le Nouvelliste, Une année académique ni claire ni heureuse, No 37474, mercredi 30 août 2006

89 Idem

Prince se trouvant dans le même état que Claire Heureuse. On retrouve des problèmes similaires dans d'autres endroits du pays, à titre d `exemple, « dans le Bas comme dans le Haut Plateau central, les problèmes du systèmes éducatif sont presque identiques. Avec force d'exemples, les professionnels de l'éducation ont dressé un tableau plutôt sombre de l'enseignement dans cette région. Professeurs non payés, état pitoyable des écoles nationales, élèves qui doivent marcher plus de 10 kilomètres, écoles « borlettes » et personnel souvent incompétent, mauvaise gestion, incapacité des responsables à contrôler le nombre et le fonctionnement réel des écoles du département, le système éducatif est manifestement malade dans le plateau centrale »90. Les écoles n'ont pas les moyens de bases pour fonctionner, tels : bancs, bibliothèque, papiers, absence de toilette ou latrines etc. Les professeurs travaillent dans des conditions vraiment difficiles et la situation des élèves est pire. A SHADA, au Cap-Haïtien, l'état piteux du système éducatif. Considérerons, l'enseignement du premier cycle fondamental. Il en existe seulement 5 Écoles primaires, dont une école nationale où sa cour sert aussi comme marché public. Chacune possède en moyenne 3 enseignants, c'est-à-dire, 1 enseignant pour 2 classes, en moyenne. Ces enseignants- là, pour la grande majorité n'atteignent pas une étude jusqu'au 2ème cycle fondamental. Les bâtiments qui sont plus en piteux états se trouvent à Shada II où l'on a 3 chambrettes pour 6 classes. On est obligé de les séparer en deux. Les élèves s'entassent, certains sont obligés de rester débout à la fenêtre. Cette situation est le résultat des salles trop éxiguies ou manque de bancs. Les professeurs n'ont pas même un espace pour placer leur bureau. Le directeur de l'école nationale de Shada déclare qu'il pourrait faire mieux, malheureusement il ne trouve pas le soutien du Ministère de l'éducation Nationale et de la

Formation Professionnelle (MENFP). C'est la direction de l'école qui doit elle-même se procurer les matériels didactiques, la craie, papiers, etc.

Avec cette maigre présence d'école à SHADA, on a pu constater seulement 2 enfants sur 10 vont à l'école. Les causes sont dues notamment du niveau élevé du chômage qui sévit trop longtemps dans ce quartier. A ce point, en se référant à l'enquête de l'IHSI (2001), il y a un rapport assez étroit entre la pauvreté et l'éducation. Selon ce rapport, de plus fortes incidences de la pauvreté sont associées aux niveaux d'éducation les plus faibles (primaires, P.E :51%) où à l'absence de tout bagage scolaire (aucun niveau, P.E : 68%).

La qualité de l'éducation à Shada est dramatiquement faible. Selon une enquête du Ministère de l'Education Nationale, « seulement 43% des élèves entrant en première année arriveront à la cinquième, et 29% seulement arriveront à la sixième année. La moitié des élèves du primaire ont passé l'age. La proportion atteint 89% en cinquième année, où l'age moyen est de 15,3 par rapport à un age théorique de 11 ans. La mauvaise qualité provient du grand nombre d'enseignants non qualifiés et non motivés, du manque de manuels scolaires, du développement non coordonnés de programmes scolaires et de matériels pédagogiques, et des mauvaises installations »91. Sans une éducation saine, on n'arrivera jamais au développement. Aujourd'hui l'éducation n'est pas seulement une question d'ordre sociale, mais elle est aussi économique. Comme le démontre MICHAEL Porter, lors d'une conférence destinée à des chefs d'entreprises latino-américains « l'éducation est une question de compétitivité économique et pas seulement une question sociale »92. Le fait que les gens n'ont pas de moyens financiers pour envoyer leurs enfants a l'école, ils sont condamnés dans une sorte de cercle vicieux ou les mêmes causes produiront dans les temps à venir les mêmes effets. Avec moins de 34 à 40 gourdes par jour. Ces familles se composent, aussi, avec 3 à 6 enfants. Les personnes appartenant à cette tranche ont comme principale activité la cordonnerie et le petit commerce. La dernière tranche se composant de

plus de 20 % des chefs de famille pratiquant comme activité maçon, ferronnerie et la charpenterie. Leurs revenus se situent entre 1201 et 1400 gourdes. Ils doivent s'efforcer également pour prendre soin, peu qu'il soit, avec moins de 41 gourdes à 47 gourdes par jour.

EAU POTABLE :

Un spécialiste du PNUD, déclare l'absence d'accès à l'eau potable, est à l'origine de la mort de près de deux millions d'enfants tous les ans et contribue à creuser le fossé entre les pays riches et pauvres, affirme le Programme des Nations Unies pour le développement. A la lumière de ce rapport, on peut sans aucun ambages déclarer que le problème de l'accès à l'eau potable devient une préoccupation mondiale. « Les causes profondes de la crise de l'eau sont liées à la

91 Notes de cours de l'Economie haïtienne, Haïti, La lutte contre la pauvreté, p.29

92 CLED, p.30

pauvreté, aux inégalités, aux relations de pouvoir déséquilibrées ainsi qu'à des politiques inadaptées de gestion de l'eau qui exacerbe de ressources»93.

Les infrastructures en eau et assainissement d'Haïti sont pour une large part déficientes, notamment en zone urbaine. En 2005, l'UNICEF estime à « 45% le pourcentage de la population haïtienne ayant accès à l'eau potable. Ceci conjugué à une forte croissance démographique et à un très fort exode rural, les installations existantes (points d'eau, pompes, canaux de drainages, latrines, etc.) sont souvent sur-sollicitées et en l'absence d'entretien souvent dans un état déplorable »94. L'enquête que nous avons menée à SHADA nous décrit des scènes stupéfaites, encore. L'institution qu'on appelle Service National d'Eau potable (SNEP) paraît être inconnue pour beaucoup de gens questionnés. Sur 50 personnes, 10 d'entre elles savent le rôle de l'institution, 14 avouent avoir l'habitude d'en entendre parler vaguement et 26 déclarent l'ignorer. Tout cela, c'est juste pour montrer la quasi-absence de ce service dans ce bidonville. L'eau potable y est acheminée par bidon acheté en petite quantité. On y fait un recyclage intensif de l'eau qui est constamment récupérée et réutilisée. Comme ce qu'a révélé le rapport 2006 du PNUD, où « chaque jour des millions de femmes et de jeunes filles vont chercher de l'eau pour leurs familles, un rituel qui renforce l'inégalité des sexes face à l'emploi et l'éducation. », les habitants de Shada se sont livrés à eux-mêmes. Ils sont obligés de parcourir des kilomètres, de s'abonner avec des marchands ambulants, ou se creuser un puits afin de se procurer de l'eau. Le PNUD met aussi en exergue la situation sanitaire déplorable dans nombre de bidonvilles en Afrique et cette situation n'est pas différente à ce qui se passe dans les bidonvilles en Haïti, notamment à Shada.

Conséquences : Diarrhées, typhoïde et autres...

Selon Guillaumont, les besoins fondamentaux ont des caractères communs, leur satisfaction peut être mesurée grâce aux indicateurs sociaux et elle est susceptible d'accroître la productivité humaine. Ils sont nombreux, des chefs de famille résidant à Shada II, à déclarer être venus des zones rurales en quête de meilleures conditions de vie. Mais au lieu de trouver un logement décent et sûr, ils sont confrontés à une dure réalité ne leur permettant pas d'élever leurs enfants, considérés comme leur « seul bien ». Il n'y a quasiment aucune infrastructure de

93 Kema Dervis, PNUD, 2006

94 Action contre la Faim, Haïti, p.3

base à Shada II. Toutes les conditions sont réunies pour dire que le Shada est en état d'extrême pauvreté.

SECTION 5. ANALYSE ECONOMIQUE DES RESULTATS DE

L'ENQUETE :

Le gros de la population est condamné à des niveaux de vie médiocres, qui tendent à s'empirer. Cette réalité est claire à SHADA, où la population se demande, chaque jour, quoi faire ? Les enfants, pour la grande majorité, ne peuvent pas aller à l'école et prendre un repas normal par jour ; promiscuité ; maladies ; délinquance, développement des « Banks » de borlette et autres jeux de hasard, etc. Bref, ils ne voient où s'en aller. C'est le désespoir. Pourtant, en dépit de leur triste réalité, selon l'observation de SIMON M. Fass, spécialiste en urbanisation, « ces gens ordinaires sont, en fait, extraordinaires au moins sur un point. Leurs revenus sont bas, si bas que la moindre erreur sérieuse de jugement ou le moindre accident peut souvent menacer la survie de tout un foyer en tant que tel ou celle des individus qui le composent. Ce qui est extraordinaire ce n'est pas tant la pauvreté elle-même que la capacité de ces gens à survivre malgré elle. D'ailleurs, ils ne se contentent pas de survivre. Ils s'engagent eux-mêmes de façons actives et agressives dans ce qui peut apparaître comme un processus constant de production- reproduction au minimum, au niveau de revenu qui leur permet de survivre... »95.

En fait d'une manière globale, les problèmes de revenus qui est le résultat direct de la baisse de la productivité du secteur primaire ont porté beaucoup de paysans à se tourner le dos à la campagne et à venir gonfler les rangs des bidonvilles. Pour eux, les centres urbains constituent leur espoir ultime. Pour mieux présenter l'aspect économique de notre enquête, nous allons surtout mettre l'emphase sur le chômage et emplois, le revenu, la consommation des familles vivant dans ce bidonville.

EMPLOIS ET ABSENCE DE TRAVAIL

Les chefs de famille sont ceux qui ont la responsabilité de prendre soin de la famille du point de vue éducationnel, sanitaire, logement, nutritionnel,... Une majorité d'entre eux, questionnée déclare n'avoir pas de travail à faire. 40/70 sont des professionnels de petits métiers (cordonniers, maçons, ferronnier, charpentier, ...) et les autres n'en ont pas. Pour bien remplir sa mission, le chef de famille doit avoir une occupation. Ce qui est anormal, selon tout ce qu'on a remarqué à Shada I et II, plus de 61 % des responsables de familles sont en situation de chômage, soit environ 58 % de la condition des hommes et 63 % de celle des femmes. Seulement 38 % de l'ensemble, soit environ 41 % des hommes et 36 % en moyenne dans le cas des femmes chef de famille, ont quelques choses à faire. Cette situation oblige beaucoup d'entre eux à pratiquer de la pêche occasionnelle ou de portefaix. Ce sont alors majoritairement des personnes isolées ou de familles monoparentales et dans une moindre mesure des couples avec 3 à 6 enfants. Ici, la pauvreté prend un sens monétaire qui est lié surtout du taux élevé du chômage dans la zone. Selon l'étude, les femmes sont les premières victimes du chômage (63.41%) et cette situation crée leur situation de dépendance par rapport aux hommes qui sont occupé à plus de 41 %.

Tableau 3.8- Nombre de familles en situation de chômage ou occupé

 

Hommes

%

Femmes

%

Total

%

Occupés

12

41.38

15

36.59

27

38.57

Chômeurs

17

58.62

26

63.41

43

61.43

Total

29

100

41

100

70

100

Source : Notre enquête, 2006

Le chômage transforme leur espoir en désespoir. L'absence d'emploi, d'éducation, et d'encadrement transforme ce lieu en un « enfer sur terre ». SHADA est dépourvue de richesse, sauf la mer en situation normale aurait pu permettre aux habitants de la zone d'avoir la possibilité de subsister (pêche, tourisme,...). Hélas ! les gens l'ont mal utilisées notamment

avec la pratique déboisement des palétuviers, les dépôts d'ordures, ... En constatant cette situation, on se demandait: Quelle stratégie utilisée par ces habitants faisant partis du groupe de plus de 61 % de la population en situation de chômage ? L'enquête révèle que plus de 30 % de cette entité reçoit du transfert venant des parents vivant notamment à République Dominicaine ou Providenciales « Turks and Caicos » ; plus de 25 % vivent au dépend des voisins ou amis ; 13 % environ vivent de la mendicité ; plus de 23 % fonctionnent avec l'aide de l'église et les autres, soit près de 7 % subsistent avec des moyens divers.

Tableau 3.9- Moyen de subsistance des gens en Situation de chômage

 

Quantité

%

Transfert

13

30.23

Solidarité des voisins/ amis

11

25.5 8

Mendicité

6

13.95

OEuvres Ecclésiales

10

23.26

Autres

3

6.98

Total

43

100

Source : Notre enquête, 2006

Il est important de faire remarquer que les 38 % des chefs de familles qui déclarent être occupés, travaillent dans des activités différentes du métier appris, le plus souvent. Voyons les différents types d'activités.

Tableau 3.10- Type d'activités des personnes dites occupées

Activités

Quantité

%

Charpentier

3

11.11

Portefaix

4

14.81

Journalier

4

14.81

Pêcheur

4

14.81

« Bonne » / Lessiveuse

3

11.11

Gardien

2

7.40

Maçon

2

7.40

Ferronnier

1

3.70

Petit Commerçant

3

11.11

Cordonnier

1

3.70

Total

27

100

Source : Notre enquête, 2006

Selon le tableau précédent, on voit que cette population occupe surtout des petites activités pouvant juste leur permettre de subsister. Les activités de portefaix, la pêche et journalier « vann jounen », comme on l'appelle en créole, représentent à chacun respectivement un total de 14.81 % ; il y a aussi les charpentiers, les servantes ou lavandières, ainsi que les petits commerçants qui représentent tour à tour 11.11 % ; il s'en suit des gardiens des maisons ou boutiques et les maçons qui occupent une valeur de 7.40 % et enfin, les ferronniers et les cordonniers qui représentent 3.70 % du total.

Revenu Produit Par les Activités des Habitants de Shada

L'étude nous a révélé des situations pires de ce qu'on aurait pensé. Il y a une situation de chômage déguisé qui se répand grandement dans ce bidonville. On se demande

que fassent ces chefs de familles pour répondre à leur responsabilité, vu leur maigre revenu. Le tableau ci-dessous nous donne une idée quantitative pour mieux apprécier cet état de fait.

Tableau 3.11- Revenu produit par Habitant

TRANCHE REVENU
Par Mois en gourdes

NOMBRE DE CHEFS DE
FAMILLE

POURCENTAGE

500 - 600

4

14.82 %

601 - 700

5

18.51 %

701 - 800

3

11.11 %

801 - 900

3

11.11 %

901 - 1000

4

14.82 %

1001 - 1100

2

7.41 %

1101 - 1200

3

11.11 %

1201 - 1300

2

7.41 %

1301 - 1400

1

3.70 %

TOTAL

27

100 %

Source : Notre enquête, 2006

Notre attention se porte surtout par le fait que les revenus des habitants de Shada disant être occupés se situent entre 500 et 1400 gourdes. Au niveau de la répartition de cette tranche, on peut constater que près de 60 % de cette population vivent avec un revenu inférieur ou égal à 1000 gourdes par mois. Nous nous sommes demandés quelle marge de manoeuvre a un chef de famille avec 16.7 gourdes à 33.33 gourdes par jour, pour offrir les besoins de bases à sa famille composée le plus souvent de 4 à 6 enfants. Cette catégorie fait partie des personnes ayant comme activité de portefaix, vendeur de journée, la petite pêche, servantes ou lavandières et gardien de maisons ou de magasins. Il y a aussi près de 20 % de chefs de famille qui ont un revenu mensuel se trouvant entre 1001 et 1200 gourdes. Ces chefs de familles, quoiqu'ils soient mieux par rapport à la première catégorie, eux aussi doivent consentir des efforts considérables pour vivre.

Faible alimentation:

« Il est hors de doute que le volume global de la consommation privée reste faible par rapport à l'importance de la population. Les niveaux de consommation varient en effet avec le montant de ressources monétaires qui leur donnent naissance. La demande est fonction du pouvoir d'achat et du niveau des prix. La médiocrité du revenu, aggravée par l'inflation, a pour effet de maintenir la demande à des niveaux très bas. La faiblesse de la consommation moyenne se manifeste dans tous les domaines... Parmi les dépenses des ménages, le plus important est celui de l'alimentation, qui absorbe environ 50% du budget. La modicité des dépenses alimentaires n'autorise qu'une consommation moyenne de 1700 calories par jour, d'où le déficit de 25% par rapport aux besoins minima. En dehors d'une insuffisance globale de calories, le régime alimentaire se caractérise par une forte consommation de céréales et de tubercules. Par contre, la consommation de viande, de légumes, de produits laitiers, de graisses, d'oeufs et de poissons, reste trop faible »96. Dans la grande majorité, la population est gravement mal nourrie, conséquence directe de la faim qui sévit dans le pays de manière chronique. On constate que le plus grand nombre de la population haïtienne a de jours en jour de très grandes difficultés à se nourrir, ce qui entraîne de graves incidences sur leur état de santé, notamment des cas de malnutritions fréquentes.

« La situation alimentaire demeure particulière alarmante. Plus d'un, pourtant, reste convaincus que le problème alimentaire haïtien n'est pas à rechercher du coté de la disponibilité de la nourriture, puisque selon ces personnes les marchés locaux sont en règle générale bien achalandés. Mais les Haïtiens citadins les plus vulnérables souffrent d'un manque frappant de revenus et donc d'accès à une nourriture en quantité et en qualité suffisante. En Haïti, plus de 70% de la population serait en chômage »97. L'état nutritionnel des habitants est très faible. Selon l'enquête menée à SHADA, en voici le sombre tableau sur 70 personnes questionnées:

6 déclarent avoir la possibilité de prendre 2 plats chauds par jour;

26,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,,,,,,, 1 , ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, ,, , ,, ,, ,, ,,,,,;

38 déclarent avoir l'habitude de passer une journée, assez souvent, sans rien prendre. Cette
situation occasionne fréquemment des cas de maladies. Cette situation conduit le plus souvent

96 Kern, p.264

97 Action Contre la faim, p.5

à la malnutrition. On sait pertinemment que quand cette dernière apparaît sous forme de malnutrition protéino-énergétique chez les enfants d'age scolaire, en particulier de 5 à 15 ans, cela dérange énormément la capacité intellectuelle de bien appréhender les choses. « A cinq ans, les enfants ont pratiquement la même alimentation que les adultes. Elle est donc souvent insuffisante en qualité et en quantité. Dans les cas de pénuries alimentaires saisonnières (période de soudure), on note chez les enfants de paliers dans leurs courbes de poids, mais ces stagnations alternent avec une période de croissance accélérée après la récolte. L'insuffisance globale de la ration alimentaire résulte d'une mauvaise répartition des repas dans la journée. Souvent les restes de la veille sont insuffisants. L'enfant va à l'école et y passe la journée sans manger. A cela, s'ajoutent les longues distances parcourues pour atteindre l'école : les besoins énergétiques de l'enfant sont donc majorés.

Conséquences : Les alternances de sous-alimentation et de suralimentation sont préjudiciables au développement physique harmonieux de l'enfant. Il présente un retard de croissance ainsi que certaines difficultés d'attention et d'apprentissage à l'école »98.

La continuité de la régression de l'économie nationale menace la viabilité de la formation sociale haïtienne. Elle crée une situation anormale qui deviendra difficile à maintenir, à mesure que le rétrécissement du niveau de vie porte sur les biens alimentaires indispensables99. Comme nous l'avions déjà dit, les faits économiques ne peuvent pas démontrer, à eux seuls, le caractère monstrueux de la pauvreté dans ce bidonville. C'est pourquoi, notre étude s'est intéressée aussi à l'analyse sociale.

SECTION 6. ANALYSE SOCIALE DES RESULTATS DE L'ENQUETE
EN TERMES D'INCIDENCES DE LA PAUVRETE ET DE

COUVERTURE SOCIALE.

En analysant le phénomène de la pauvreté, nous aurions pu nous concentrer uniquement sur l'aspect économique du problème. Cependant la science économique étant une « science sociale qui a pour objet l'étude et la recherche de « lois » permettant d'expliquer les

98 LE NOUVELLISTE, 14-05-07, Les différentes formes de malnutrition, p.21

99 Kern Delince, p.228

mécanismes qui gouvernent la production, la consommation et l'échange de biens et services ou encore, sur la manière dont les individus décident d'affecter, au meilleur coût possible, telle ressource au système productif en vue de satisfaire des besoins de consommation individuels et collectifs, présents et futurs »100, selon la définition donnée par l'économiste américain Samuelson. Vue sous cet aspect, la science économique ne peut pas se dissocier des faits sociaux quotidiens et, c'est cette constatation qui nous pousse à analyser l'aspect social de la pauvreté à Shada. En fait, il s'agit pour nous de mettre en évidence la nature de logements occupés et l'habitat, de la vie au foyer, les loisirs, etc., des habitants de Shada.

Nature des logements occupés :

La localité de Shada répond théoriquement aux différentes caractéristiques des bidonvilles, notamment sur les formes d'habitat précaire, dépourvu d'équipement élémentaire (eau, électricité), et dont la construction est réalisée initialement avec des matériaux de récupération. Cette situation est due par le fait que ces gens venant des campagnes, résultat de l'exode rural, n'ont pas de l'argent nécessaire pour se payer un bail normal. Ils se voient dans l'obligation d'avoir recours à des terrains à proximité de la mer. L'exode rural ajoute dans les grandes villes, en Haïti, une population pauvre, dont les pouvoirs publics sont dans l'impossibilité d'assurer l'accueil et le logement. C'est pour cela qu'ils occupent illégalement des terrains souvent inconstructibles selon les normes habituelles. La construction se fait selon l'opportunité d'une place libre pour minimiser les coûts Ses unités de logement sont environ de 6 m2 pour une famille de 6 personnes en moyenne. Cet habitat traduit les conditions de la croissance urbaine dans une société inégalitaire. Nous devons aussi souligner le poids de la nourriture dans leur budget, les obligeant d'habiter que ce quartier.

L'étude nous a permis de questionner les gens afin d'avoir des réponses claires et nettes concernant leur état foncier. La situation se présente ainsi :

100 Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2004.

Tableau 3.12- Nature d'occupation des logements

Nature

Quantité

Pourcentage

Locataire

42

60

Héritier

7

10

Propriétaire

15

21.43

Autres

6

8.57

Total

70

100%

Source : Notre enquête 2006

On constate bien qu'une très grande majorité des occupants des maisonnettes sont en situation de location soit un total de 60 %. En suite vient ceux qui ont leur propre unité de logement sont estimés à 21.43 %. Puis 10 % jouit une à deux chambres de maisons comme héritage d'un parent ou autre. Enfin, d'autres qui habitent avec tiers ou jouissent d'une faveur d'une personne.

En fait le problème du logement ne peut se poser isolément. En effet, on doit le contempler dans un contexte général de développement urbain planifié incluant les services de base, le transport, etc. Un partenariat du secteur privé et de l'Etat s'avère nécessaire.

La vie au foyer :

Les habitants de Shada connaissent des situations difficiles qui sont liés avec leur niveau économique tellement précaire. Ils habitent des chambres de maisons coincées, ce qui les pousse à vivre dans des conditions de promiscuités avilissantes. Nous devons souligner aussi l'état de délabrement des latrines, quand elles existent. Ils cohabitent avec la présence de déchets (ordures ménagères). Les marres stagnantes renforcées par des ordures ménagères à cause des canaux obstrués constituent une menace pour la vie au foyer. Elles sont aussi les sources de différentes maladies courantes, telles : la malaria, la diarrhée, la typhoïde, etc. Une très grande majorité des habitants de cette zone dit ne se sent pas à l'aise avec le genre de vie qu'ils mènent à la maison. Ils sont obligés d'y rester faute de moyen nécessaire pour trouver une autre maison. Une fois que leur condition économique change, selon leur avis,

ils laisseront la zone. On constate aussi qu'une très grande quantité d'enfants se livrent à eux- mêmes. Ceci est le résultat des activités des parents qui sont obligés, malgré les vents et marrées de chercher le pain quotidien pour leurs enfants. Ainsi, voit-on, une montée grandissante de la délinquance juvénile. Beaucoup d'entre eux passent leur journée à la station de Pont-neuf, à la mer ou à travers les rues.

Le système de loisirs :

Selon l'Encyclopédie Microsoft Encarta 2004, les loisirs sont des « activités, pratiques dites de « temps libre », qui se définissent par opposition au temps passé au travail. Les loisirs sont en général associés à des notions telles que le plaisir ou le divertissement. La définition des loisirs est fonction de l'époque dans laquelle ils s'inscrivent, mais en règle générale ils ont toujours été le reflet des sociétés et de leurs inégalités. Les différentes catégories sociales

peuvent plus ou moins facilement se dégager des servitudes du travail et ont un accès plus ou moins aisé aux loisirs en fonction de leurs revenus »101. En tout temps, l'homme a toujours divisé son temps en trois parties, à savoir : le temps pour prendre son sommeil, pour faire son travail et, enfin, pour prendre ses loisirs. Ces derniers constituent toujours un sujet de préoccupation pour la très grande majorité des habitants de grand bidonville. Le loisir est comme le plus grand des luxes. Nous avons posé des questions relatives aux modes de divertissements pris par les gens comme loisirs. Voici les réponses trouvées :

101 Encyclopédie Microsoft ® Encarta ® 2004. (c) 1993-2003 Microsoft Corporation.

Tableau 3.13- Les types de loisirs

Divertissements

Quantité

Pourcentage

Football

6

8.57

Vaudou

7

10

Eglise

10

14.29

Télévision

6

8.57

Cinéma de quartier

17

24.29

Musique (radio)

20

28.57

Autres

4

5.71

Total

70

100 %

Source : Notre enquête 2006

Le résultat de cette enquête nous montre que la musique et les activités de cinéma réalisées grâce aux initiatives de quelques personnes en vue d'en faire profit en retour, occupe un très grand pourcentage dans le partage du temps des loisirs, soit respectivement à 28.57 % et 24.29 % des interviewés, ensuite, nous avons les activités ecclésiales avec une valeur relative de 14.29 %. Les gens pour se libérer de certains problèmes, notamment celui de la faim, passent beaucoup de temps à jeûner, dans les réunions de prières et les veillées de nuit. Puis, viennent ceux qui pratiquent le vaudou comme divertissement, ils représentent 10 %, les amants ou pratiquants du football et ceux qui ont un poste téléviseur sont à 8.57 %, tour à tour. Enfin, les autres divertissements comme jeu de hasard, domino, carte, etc. représentent 5.71 %.

TROISIEME PARTIE :

LES MESURES DE LUTTE CONTRE LA

PAUVRETE ET ALTERNATIVES

CHAPITRE IV :

LES MESURES

TRADITIONNELLES

En ces derniers temps, à travers toutes les grandes institutions du monde, on ne cesse de parler de la lutte contre la pauvreté et beaucoup de ressources (économiques et humaines) se convergent en vue de trouver la solution adéquate. Mais, jusqu'ici, où en sommes-nous ? A qui bénéficie véritablement cette lutte, dite contre la pauvreté ? Autrement dit, comment y arriver ?

Plusieurs voies s'offrent.

Si l'on veut considérer la logique des néo-libéraux, c'est de laisser « le libre jeu des forces du marché », et à long terme, tout finirait par rentrer dans l'ordre. Cependant, selon une remarque assez surprenante faite par l'un des experts du PNUD, Hugo FernandezFaingold :« Si la région parvenait à croître à un taux de 6 %, sans modifier les patrons actuels de distribution, il faudrait compter plus de trois décennies avant que sa population puisse sortir de la pauvreté. »103. Donc voir cette lutte d'une manière traditionnelle, comme on le fait depuis des années, ne va pas résoudre le problème. Il est nécessaire de changer les canaux de distribution tout en incluant les pauvres eux-mêmes. On doit les demander leur point de vue, notamment en ce qui concerne leur aspiration. On doit faire en sorte que les pauvres soient réinsérés dans les rapports sociaux leur ouvrant l'accès aux ressources, biens et services disponibles. Nous pensons que la lutte contre la pauvreté ne doit pas être réduite à une manière spécifique d'intervenir en faveur des pauvres, mais elle doit être une façon de concevoir des modèles inclusifs de développement. Il est clair que la pauvreté représente, aujourd'hui un grand danger. Et c'est ce que fait remarquer le directeur général de l'UNESCO, « la pauvreté est un facteur d'instabilité. Aujourd'hui, la pauvreté constitue la facette la plus alarmante de l'insécurité à l'échelle internationale... La croissance dans l'inégalité tend à l'aggraver. Inégalité non seulement à l'échelle internationale mais surtout à l'échelle nationale. Très

103 Fritz Deshommes, p. 224

souvent, les références aux inégalités, aux asymétries, aux bipolarités internationales occultent- parfois malicieusement- les inégalités énormes, Intolérables, qui existent à l'intérieur des différents pays »104 . Plus que jamais, on doit chercher des voies à en sortir. Voyons les solutions qui ont été déjà proposées.

SECTION 1. LES PROGRAMMES D'AJUSTEMENT STRUCTURELS

Avec les néo-classiques, au cours des années 1970, un terme nouveau apparut dans le domaine de la pensée économique. Il s'agit bien du « programme d'ajustement structurel » et ce dernier a pris un rôle déterminant dans tous les débats socio` -économiques et au niveau de la coopération bilatérale et multilatérale. Mais, on peut ajouter aussi qu'au moment de la crise de la dette de 1982, au régime soviétique débilité sont venus s'ajouter les échecs patents des modèles de développement fondés dur des approches « radicales » et « structuralistes » comme l'Industrialisation par substitution des importations (ISI) mis à l'essai en Amérique latine. Cette conjoncture a eu pour effet d'instiller l'idée pour que le modèle capitaliste à l'américaine fût la seule voie de développement pour les gouvernements des pays du Sud. Les programmes d'ajustements structuraux (PAS) proposés par le FMI et la BM ont donc pu être appliqués sans trop de résistance105.

Cependant, les programmes d'ajustement structurels varient en fonction du besoin d'un pays à un autre et semblent, assez souvent, résulter de la mauvaise utilisation des recettes en devises et des ressources de l'Etat suite à l'élévation rapide de la valeur de leurs exportations. Selon le constat fait par GUILLAUMONT Patrick, «quatre indicateurs de besoin d'ajustement sont retenus pour définir un indicateur synthétique : deux indicateurs fondamentaux : solde courant et croissance ; et deux indicateurs complémentaires : niveau d'endettement extérieur, et de taux de change réel. Selon les critères retenus, sont considérés comme ayant un fort besoin d'ajustement ceux dont simultanément le solde de la balance des paiements courants et le taux de croissance du PIB sont inférieurs à leur valeur médiane, ou encore ceux qui combinent l'une des deux propriétés précédentes avec un encours de la dette extérieure ou un taux de change effectif réel supérieur à sa valeur médiane».Nous énumérons certains indicateurs de besoin, selon ce dernier:

104 Ibidem, p.225

105 Le Nouvelliste, No. p.11

1- Un pays dont la balance courante est déficitaire et la croissance du produit faible, voire négative;

2- Un pays qui ne parvient à équilibrer sa balance courante qu'au prix d'une politique déflationniste (c'est-à-dire dont la croissance est faible ou négative). Son besoin d'ajustement correspond à une perte de compétitivité et dans le fait qu'il a atteint son niveau maximum d'endettement, ce qui le condamne à équilibrer sa balance courante. Un pays dont la croissance économique rapide s'accompagne d'un fort déséquilibre de la balance des paiements courants et qui ne peut espérer poursuivre sa croissance si l'encours de sa dette extérieure limite à brève échéance le recours aux capitaux extérieurs et si son niveau de compétitivité compromet le rééquilibre de sa balance106.

Ce schéma, dicté par le FMI et la BM, a conduit les grands décideurs d'Haïti d'entrer dans ce « jeu », comme ce fut les cas pour d'autres pays de l'Amérique latine, à savoir, l'application des programmes d'ajustement structurels. Malgré le caractère messianique qu'on a voulu attribuer à ces types de programme, pour résoudre le problème de la pauvreté dans les pays du TIERS-MONDE, puisqu'ils n'arrivent pas aux attentes escomptées. Selon ce que nous lisons dans le document titré « Une fenêtre d'opportunité pour Haïti », on dit que :

Après l'ajustement structurel de 1986 dont la performance est généralement qualifiée de succès, l'on assiste à une succession de programmes financiers (accords de confirmation, accord d'ajustement structurel renforcé, programmes relais) dont l'implantation est presque toujours interrompue par l'éclatement de crises surtout politiques. Néanmoins les réformes structurelles touchant le commerce extérieur et les finances publiques entreprises durant la mise en oeuvre des programmes financiers, quoique généralement inachevées et les engagements pris au niveau international pendant les 25 dernières années, ont changé le cadre d'évolution de l'économie haïtienne. Ces changements sont pour la plupart `désirables', ce sont également accompagnés de chocs externes, de pratiques et de politiques dommageables, avec des conséquences lourdes pour le cadre macroéconomique. Ainsi, avec l'avènement du gouvernement de transition en 2004, certaines pratiques ont entraîné la contraction de la pression fiscale, la perte du contrôle de l'augmentation des prix, la perte de compétitivité malgré une dépréciation importante de la monnaie nationale par rapport au dollar américain le retrait des investissements privés, l'asphyxie du marché du crédit, la dollarisation de l'économie. Vu l'état critique de la situation, le Gouvernement décida d'accorder la priorité à la stabilisation macroéconomique et au renforcement de la gouvernance tout en misant sur un appui renforcé des bailleurs de fonds107.

Les critiques sont nombreuses sur les méfaits de l'application des programmes d'ajustement
structurels (PAS). Nous pouvons citer les commentaires de la professeure Stéphane

106 Guillaumont, p.19

107 Une fenêtre d'opportunité pour Haïti, DSRP-1, p. 14, Septembre 2007

Rousseau108, affirmant que les effets des « PAS » sont négatifs et ils auraient contribué à « l'accroissement des inégalités sociales, à l'incapacité des pays de développer et maintenir des industries nationales qui ont un potentiel d'entraîner le développement d'autres secteurs et permettant de réinvestir au niveau national »109. Le professeur Jacques B. Gélinas110, pour sa part, présente un bilan désastreux de l'application des PAS dans les pays sous-développés. Selon lui, « vingt ans plus tard, plus d'une centaine de pays soumis aux PAS ont reculé par rapport à leur niveau de développement des années 1980 111». En contrepartie, Mme Rousseau concède certains aspects positifs du « PAS ». Toutefois, elle affirme qu'en Amérique Latine, au Moyen-Orient et en Afrique « il y a eu une stabilisation économique liée aux PAS, car ils forçaient les Etats à mettre de l'ordre dans leurs finances, à assurer une gestion financière et fiscale plus rigoureuse et équilibrée 112». Il est important de voir les différentes formes que prennent le plus souvent les programmes voulant résoudre le problème de la pauvreté.

1.1- Programme d'Aide

La réduction de la pauvreté est l'un des plus anciens objectifs que la « Communauté Internationale » s'est fixée dès le lendemain de la deuxième guerre mondiale. L'aide étrangère, telle qu'on la conçoit aujourd'hui, est l'élimination de la phase qui a suivi la Seconde Guerre mondiale. Nous devons rappeler que « l'origine de l'aide remonte au plan Marshall dont l'application a amené les Etats-Unis à transférer 17 milliards de dollars en quatre ans à l'Europe - soit l'équivalent d'environ 1,5 % du PNB américain pour l'aide à se reconstruire après le conflit. On a jugé, à l'époque, que deux éléments du plan Marshall avaient été essentiels à son succès : l'apport de capital financier de la part des Etats-Unis et l'utilisation productive de celui-ci, par des plans coordonnés, pour rebâtir le patrimoine matériel dévasté de l'Europe »113. Au fil des années, la formulation de l'aide a varié au cours du temps mais elle constitue aujourd'hui une question centrale avec les Objectifs de développement du Millénaire (ODM), définis et adoptés par un sommet des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'est tenu en

108 Professeure de Sociologie à l'Université Laval, Canada

109 Le Nouvelliste,

110 Professeur de sociologie de développement retraité de l'Université d'Ottawa, Canada

111 Ibidem

112 Ibid., p.11

113 Malcolm Gillies et al., 1998, 284 pages

Septembre 2000 sous les auspices de l'ONU. Des huit objectifs retenus, le premier vise expressément la pauvreté absolue (réduire la proportion de la population dont le revenu est inférieur à $1 par jour). Pour y arriver depuis plus d'un demi-siècle, on essaie d'utiliser plusieurs méthodes afin de trouver des solutions viables. Parmi lesquelles, nous retenons l'assistancialisme.

SECTION 2. ASSISTANCIALISME FINANCIER, TECHNIQUE ET INSTITUTIONNEL

2.1- Apparition de l'assistance extérieure

« On peut faire remonter au début des années 1950 le démarrage de l'assistance extérieure telle qu'elle se présente actuellement, en Haïti. Sur une période relativement courte, des agences internationales s'implantent à Port-au-Prince et fournissent au secteur public, sous forme d'assistance technique et d'appui financier, un volume appréciable d'aide multilatérale. Les principales sources de ce type d'assistance sont les Nations Unies (PNUD, FAO, UNICEF, UNESCO, etc.), la Banque Interaméricaine de Développement (BID) et l'Organisation des Etats Américains (OEA) »1 14 . L'aide bilatérale provient essentiellement des Etats-Unis, par l'intermédiaire de l'USAID. A coté des Etats-Unis, on doit noter le Canada, Taiwan, la République fédérale d'Allemagne. D'après les données de la Banque Interaméricaine de développement ( BID), entre 1980 et 1990, les apports nets des ressources extérieures de toutes origines fournies à Haïti s'élèvent à 2 660.9 millions de

dollars EU. Ce transfert effectif, qui regroupe capitaux publics et capitaux privés, représente l'écart entre l'investissement brut et l'épargne intérieure. Il figure au tableau ci-dessous.

Tableau 4.1- Transfert Réel de Ressources (en millions de dollars EU)

Année

Montant

1980-1984

1 506.1 6

1985

230. 78

1986

232.10

1987

240.11

1988

218. 79

1989

232.94

Total

2 660.88

Source : Kern, p.310

Environ une vingtaine des principaux bailleurs de fonds travaille activement en Haïti, chacun avec des soldes importants non décaissés, se chevauchant dans les secteurs et dans les projets, et ayant souvent des objectifs divergents. L'assistance passe par le programme d'investissement dans le secteur public, le soutien de la balance des paiements, l'assistance humanitaire, et l'octroi direct de sécurité. En 1997, il y avait 269 programmes séparés d'assistances techniques et d'investissement financés par les agences bilatérales et multilatérales dont 43 dans le domaine de la gestion des affaires publiques, 39 dans l'agriculture, 31 dans l'enseignement, 29 dans l'eau, l'assainissement, l'aménagement urbain et 27 dans la santé. Sur ceux-ci, 110 programmes avaient des engagements se montant à un total inférieur à 2 millions de dollars EU115.

Le professeur Malcolm Gillies fait voir que « les fonds étrangers de tous ordres ont pour rôle

d'accroître l'épargne intérieure, afin d'augmenter l'investissement et, par conséquent, d'accélérer la croissance. A supposer que l'aide et tous les autres financements extérieurs ajoutent, disons 6% au PIB, qu'ils servent tous à des investissements supplémentaires, que le coefficient de capital s'élève á 3.0 et que la part du PNB acquise par le capital atteigne 50%, le taux de croissance sera accru de 1 % »116.

2.2- Projets de développement institutionnel et d'assistance technique

Selon l'Association Haïtienne des Economistes (AHE), « il est impératif que le pays s'inscrive dans une dynamique institutionnelle constructive. Qu'il s'agisse des jeux politiques, des jeux

115 Notes de cours de l'Economie haïtienne, Haïti la lutte contre la pauvreté, p.25

116 Malcolm Gillies et al., p.515

économiques, de la recherche de réponses aux questions sociales, de la résolution des conflits et des problèmes juridiques de manière générale, c'est dans la mise en place et le renforcement des structures institutionnelles et dans le respect de leurs vocations que le pays devra trouver les voies pour réenclencher le cercle vertueux du développement. La gouvernance institutionnelle concerne en effet tous les secteurs de la vie publique »117. En fait, si les institutions sont aussi déterminantes pour la prospérité économique, pourquoi notre société ne se dote-t-elle de bonnes institutions ou se retrouve-t-elle avec de mauvaises institutions ? Pourquoi de telles institutions persistent-elles longtemps malgré leurs conséquences désastreuses? Est-ce un accident de l'histoire ou le résultat d'idées fausses ou d'erreurs de nos décideurs ?... « En plus d'influer sur les perspectives économiques d'un pays, les institutions jouent un rôle essentiel dans la répartition du revenu entre les individus et entre les groupes sociaux. Autrement dit, elles influent non seulement sur la taille du « gâteau social », mais aussi son partage. Dans cette optique, une transition d'institutions dysfonctionnelles vers des institutions de meilleure qualité qui augmenteront la taille du gâteau social pourrait néanmoins être bloquée si les groupes au pouvoir voyaient leur part

du gâteau notablement réduite et ne pouvaient être compensés de manière crédible »118. Nous devons noter toute fois que la persistance des institutions et l'éventuelle résistance aux réformes ne signifient pas que ces institutions ne peuvent pas changer. Les institutions évoluent souvent de manière notable, et même des institutions fort dysfonctionnelles peuvent être transformées avec succès. Les politiques prioritaires pour transformer l'économie haïtienne, les politiques de support à mettre en oeuvre pour créer un cadre propice au développement des entreprises, ainsi que celles qui sont indispensables pour assurer une croissance dans l'équité, supposent des institutions qui fonctionnent de façon éfficiente119. C'est ainsi, touchée par cette réalité, depuis 1994, la Communauté Internationale dans le cadre de la lutte contre la pauvreté intervient à travers des projets de développement institutionnel et d'assistance technique. L'emphase sur le renforcement de la capacité institutionnelle était considérée comme essentielle à la durabilité des projets. Ceci a été accompli en formant de nombreuses organisations communautaires, les ONG et les gouvernements locaux à la gestion et l'administration des projets. L'objectif premier de l'assistance technique est d'encadrer et

117 AHE, p.4

118 Daron Acemoglu, p.4

119 CLED, Haiti 2020,p.134

former des haïtiens à la réalisation des programmes de développement socio-économique. Elle assure la fourniture de services administratifs ainsi que d'équipement. Cette forme d'aide représente un volet considérable de l'effort bilatéral ou multilatéral, en raison de l'exceptionnelle gravité de la pénurie de cadres nationaux. En dehors de l'ONU et de l'OEA, de nombreux organismes internationaux pratiquent l'assistance technique. En assurant l'exécution de programmes d'ordre multilatéral ou bilatéral, les ONG sont amenés à fournir également les services d'assistance technique120. Depuis de nombreuses années le secteur privé étranger finance des projets d'assistance institués et gérés par des entreprises bénévoles. Ces associations à but non lucratif que la terminologie officielle désigne du nom d'organisations non gouvernementales (ONG) interviennent aux cotés des organismes de l'aide bilatérale et multilatérale. Elles agissent en complément de l'aide publique au développement fournie par la coopération internationale. Nous devons noter que les ONG font leur apparition en Haïti vers les années 1960, sous forme de missions d'assistance à caractère humanitaire (voluntary agencies ou VOLAGS) bénéficiant de l'appui financier de l'Agence pour le Développement International (AID). Les organisations formées par des groupements privés ont proliféré au cours des années suivantes, mais leur action s'est étendue au domaine de développement, particulièrement du développement rural121. Dans le cas du projet de gouvernance communale (PGC), par exemple, le soutien institutionnel aux élus et aux leaders locaux a conduit à la création de 25 comités d'amélioration qui maintenant se réunissent pour discuter leurs priorités en matière de développement communautaire122. Il faut commencer par reconnaître l'importance des institutions pour le développement économique et identifier les obstacles souvent considérables qui bloquent des réformes institutionnelles.

120 Kern, p.318

121 Ibidem, p.316

122 Note de cours de l'Economie Haïtienne, Haïti, lutte contre la pauvreté, p.35

SECTION 3. LA SECURITE ALIMENTAIRE

3.1- Sécurité Alimentaire, Approche Anti-pauvreté :

Pour venir à bout des problèmes de la pauvreté et de sous-alimentation, de nombreux bailleurs de fonds ont fourni une assistance humanitaire au moyen de l'aide alimentaire. Paradoxalement, l'aide alimentaire est parfois dénoncée comme un aspect de l'arme alimentaire. L'aide alimentaire consiste dans des livraisons fournies à titre gratuit ou à des conditions particulières de paiement (prix et devises) aux pays déficitaires (Notes de cours). En provenance presque exclusivement des Etats-Unis, l'aide alimentaire consiste dans la fourniture de surplus agricoles, à titre gracieux ou onéreux, en vertu d'une loi adoptée par le Congrès des Etats-Unis et connue sous le nom de Public Law 480 et est administrée par le USAID. Elle comprend trois volets principaux :

1- conformément au titre I, le gouvernement des Etats-Unis accorde à l'Etat haïtien des prêts à long terme pour le financement des importations de céréales alimentaires destinées à être commercialisées sur le marché local.

2- Aux termes du titre II, l'administration américaine fait procéder à des distributions gratuites d'excédents alimentaires par le canal des entreprises bénévoles américaines implantées dans le pays.

3- Les fonds du titre II constituent des subventions ordinaires, par opposition à ceux du titre II qui représentent une assistance d'urgence.

L'aide alimentaire américaine s'est chiffrée à 42.5 millions de dollars en 1995, soit 21.1 % de l'aide totale américaine123. En 1995, les denrées alimentaires les plus importantes étaient le blé bulgur, la farine de blé, les légumineuses et le riz. Au cours de cette même année, l'aide alimentaire a atteint selon les estimations 1.3 millions de bénéficiaires directs124. Les bailleurs de Fonds choisissent eux-mêmes les canaux de distribution selon des programmes différents, tels : Santé maternelle et infantile, alimentation scolaire, vivre contre travail, et assistance générale. Ces types de programme viennent à partir de contacts justifiés, sur la dégradation du système alimentaire de la majorité des haïtiens considérés comme des pauvres. La sécurité alimentaire des haïtiens se détériore de jour en jour. Avoir de quoi à se nourrir

123 Kern, p.319

124 Haïti, Lutte contre la Pauvreté, p.37

quotidiennement est un droit humain fondamental. Tout système de sécurité doit être conçu non seulement pour atténuer la pauvreté et la faim mais, aussi, il doit pouvoir assurer la sécurité du revenu. Par exemple, au Canada, la sécurité alimentaire est envisagée sous deux optiques globales : la première visant à établir un système alimentaire durable, la seconde, à éliminer la pauvreté. Ces deux optiques correspondent aux deux principales dimensions de la sécurité alimentaire, à savoir : Production et offre d'une quantité suffisante d'aliments de bonne qualité et accès aux denrées. Il est intéressant de faire remarquer qu'au cours de notre enquête, beaucoup de personnes vivant à Shada ont déjà bénéficié de l'aide alimentaire que ce soit à travers le Programme Alimentaire Mondiale (PAM) ou l'USAID, mais ne sont pas satisfaits par le caractère de courte durée du programme. Selon les donateurs, étant donné que l'extrême pauvreté continue à représenter un problème majeur dans le court terme, l'aide alimentaire la plus effective est ciblée aux familles extrêmement pauvres et elle est fournie aux fins d'objectifs spécifiques et réalisables. Il est vraiment difficile de quantifier le résultat de ces programmes à Shada, et nous estimons que ceci est valable pour tout le reste du pays. Jusqu'à présent, les pauvres continuent à se demander chaque jour s'ils auront de quoi à manger demain.

Les gens, ce qu'ils demandent exactement c'est du travail à faire afin d'éduquer leurs enfants, de payer leur logement, bref, ils veulent être membre à part entière de la société. Ce constat nous amène à paraphraser Elaine M. Power « Les solutions alimentaires ne règleront pas le problème de la pauvreté. Sans justice sociale pour les personnes pauvres de la société, c'est-à-dire, sans la garantie d'un niveau suffisant de ressources matérielles qui procurera à tous les citoyens dignité, stabilité et sécurité et favorisera leur participation entière à la société, les programme visant à résoudre les problèmes alimentaires des personnes ne feront que renforcer les solutions individualistes aux problèmes structurels, peu importe les intentions des concepteurs des programmes 125 ». « Toutefois, il serait irresponsable, de notre part, de nier qu'elle sauve des vies humaines. Il est évident que l'aide d'urgence s'impose en cas de besoin comme un devoir de solidarité internationale. Mais, si au lieu d'être exceptionnelle pour répondre à un besoin temporaire, elle devient structurelle, elle risque de fixer durablement le pays receveur dans sa dépendance alimentaire126». Les réflexions montrent qu'une aide

alimentaire bien articulée devrait viser une production agricole plus importante, supposant d'agir sur les techniques de production et sur les structures sociales de l'agriculture. Si l'on veut effectivement finir avec la dépendance d'Haïti du point de vue d'aide alimentaire, il faut conjuguer les efforts à déboucher sur une croissance économique qui soit pérenne.

Tableau 4.2- Aide Externe Par Secteur
En 1990 Et 1996

Secteur

Valeur

1990

%

1996

Valeur %

Gestion de l'Economie

5329

3.84

81297

19.43

Administration du développement

3940

2.84

20220

4.83

Ressources Naturelles

5796

4.18

2392

0.57

Ressources humaines

16951

12.22

11293

2.85

Agriculture, foresterie et pêcheries

33687

24.29

46496

11.11

Développement régional

13488

9.73

46742

11.17

Industrie

709

0.51

4710

1.13

Energie

3823

2.76

26365

6.3

Commerce de biens et services

83

0.06

1014

0.24

Transports

7316

5.28

24162

5.77

Communications

1367

0.99

1606

0.38

Développement social

9301

6.71

55664

13.3

Santé

18115

13.06

26182

6.26

Planification préalable en prévision de catastrophes

0

0

0

0

Aide et secours humaines

18757

13.53

69635

16.64

Total

138662

100

418.408

100

Source : PNUD

 
 
 
 

3.2- APPROCHE DE LA COORDINATION NATIONALE DE LA SECURITE

ALIMENTAIRE

En 1996, on croyait trouver un remède adéquat pour combattre l'insécurité alimentaire qui fait rage dans le pays. C'était l'année de la création de la coordination de la sécurité alimentaire (CNSA). Son but ultime était d'élaborer et proposer un plan de sécurité alimentaire, comme l'indique bien son nom, dans le sens de trouver une sorte d'harmonisation et d'intégration des politiques sectorielles. Selon les conclusions tirées par cette institution, les principales causes déterminantes de la situation d'insécurité alimentaire sont pluridimensionnelles et doivent, de ce fait, impliquer tous les secteurs de la vie nationale. La stratégie de lutte contre l'insécurité alimentaire définie par la CNSA s'inscrit dans le long terme. Le tableau qui succède nous donne une idée sur les priorités que l'institution s'est fixée, dans le but d'atteindre ses objectifs.

Tableau 4.3- Orientation d'une stratégie de lutte contre l'insécurité alimentaire en Haïti

Axes d'interventions

Stabilisation et

relance de

l'économie

Objectifs

- Amélioration de

l'accessibilité

économique aux

aliments ;

- Génération d'emplois et de revenus

- Relance de la production
nationale et des services

Mesures à prendre

- Contrôle de l'inflation

- Rationalisation et ciblage

de l'aide alimentaire

- Mise en place d'activités
génératrice d'emplois

- Appui au secteur informel

- Etablissemment des

conditions favorables à

l'investissement

Relance et

diversification de la production vivrière

Amélioration de

l'utilisation globale des aliments

- Augmentation de la

disponibilité alimentaire

- Accroissement des

rentrées en devises

- Amélioration du niveau
de vie des agriculteurs

- Corrections des

problèmes de sanitaire, de couverture de santé et d'éducation

- Réforme agro foncière

- Maîtrise de l'eau et

aménagement des bassins

versants

- Appui à la mise en d'un système financier décentralisé

- Renforcement de la

disponibilité et de

l'accessibilité aux intrants

- Amélioration des

conditions de

commercialisation des

vivres

- Contrôles les déficiences nutritionnelles

- Renforcement des services de santé publique milieu rural

- Déconcentration des

ressources sanitaires

- Prévention des qualités nutritives et de l'innocuité des aliments consommés

Source : CNSA, 1996

SECTION 4. LE SECTEUR PUBLIC ET LA LUTTE CONTRE LA

PAUVRETE

Une phrase célèbre, souvent citée, dit « Le gouvernement le meilleur, c'est celui qui gouverne le moins ». A ce propos, Ludwig Von Mises déclare « je ne crois pas que ce soit là une image correcte du rôle d'un bon gouvernement. Le pouvoir politique doit faire tout ce pour quoi il est nécessaire, tout ce pour quoi il a été instauré. Il doit protéger les personnes, à l'intérieur du pays, contre les violences et les escroqueries des malfaiteurs, et il doit défendre le pays contre les ennemis étrangers. Telles sont les fonctions du gouvernement dans un régime libre, dans le cadre du système d'économie de marché127 ». L'Etat, en tant que pourvoyeur de biens publics, a la responsabilité première de mettre en place le cadre qui facilite la tâche aux autres acteurs du domaine de développement, comme le dit CLED « lutter contre la pauvreté, c'est mettre en place, en même temps et dans l'harmonie, toute les pièces du « puzzle », mais c'est surtout être attentif aux besoins des pauvres. »128. C'est le rôle de l'Etat haïtien de mettre les moyens en place en vue de sécuriser les citoyens à tous les points de vue, comme est le cas dans les pays développés. Par exemple, au XVIIIe, « le développement économique a commencé en Grande Bretagne avec une aide directe minime des pouvoirs publics ; mais depuis cette époque, la part prise par le gouvernement dans le processus s'est constamment accrue, au point qu'aucune croissance véritable n'est réellement possible sans un appui public actif... Pour l'heure, il suffit de savoir que les pouvoirs publics doivent exercer une intervention active, positive. Il s'ensuit que le gouvernement qui se refuse à remplir un tel rôle, ou on est incapable, peut lui-même être considéré comme un obstacle au développement ou comme une cause fondamentale de la pauvreté »129.

C'est bien malheureux de constater qu'il est vraiment difficile de parler aujourd'hui, en Haïti, de véritable stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, du point de vue de planification ou mis en oeuvre d'un programme cohérent. Notre gouvernement et 188 autres chefs d'Etat et de gouvernements se sont mis d'accord sur un ensemble de points en vue d'éliminer ce fléau qu'est la pauvreté. Les différents objectifs, aussi, définis dans le programme d'action établit lors de la 3ème conférence des Pays Moins Avancés (PMA) pour

127 Ludwig Von Mises, p.3

128 CLED, Haïti 2020 : Vers une nation compétitive, p. 126

129 Malcolm Gillies et autres, p.31

la période allant de 2001 jusqu'à 2010 concernent entre autres les soins de santé, la nutrition, l'éducation et la formation, la réduction progressive de la pauvreté et le développement humain, la croissance et l'investissement, bref le développement. Plus de 6 ans après, on soupire encore. On se demande : où sont passées ces belles idées ?

Ces prises de positions ne sont pas nouvelles, puisque de façon théorique « réduire la pauvreté a été une priorité plusieurs fois exprimée par les gouvernements haïtiens qui se sont succédés depuis 1986. Mais, ceci n'a jamais fait l'objet d'une politique systématique ni d'un programme cohérent avec des mesures et des objectifs précis. En l'an 2000, le gouvernement a souscrit aux Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). En 2003, il a appuyé le Programme Intégré de Réponse aux Besoins Urgents des Communautés et Populations Vulnérables (PIR) lancé par les Nations Unies. Le but de ce programme était d'apporter une réponse coordonner, rapide et ciblée aux besoins urgents d'une portion grandissante de la population. Pourtant, malgré toutes ces initiatives, aucune voie réaliste n'a été tracée jusqu'à présent, pour atteindre les OMD. C'est aussi au milieu de l'année 2003 que le gouvernement a initié pour la première fois la préparation d'une Stratégie Intérimaire de Réduction de la pauvreté. Il mettait ainsi à profit le cadre méthodologique proposé par les Institutions de Brettons Wood et les incitations monétaires qui y sont généralement associées. Mais, les troubles politiques de la fin de 2003 et du début de 2004 qui ont entraîné la chute du gouvernement ont mis aussi fin à l'exercice de préparation de ce DSRP intérimaire. Il est cependant possible de tirer des leçons de cette expérience avortée130 ». En pratique le leadership du secteur public devrait motiver les administrations à être plus attentif aux besoins des démunis et de leur donner des moyens d'agir en ce sens. Il devrait également favoriser la circulation de l'information et donner aux vrais pauvres de faire entendre leurs voix.

Toutes les analyses montrent bien que le système socio-économique haïtien va de mal en pire. On doit s'efforcer à remédier cette situation le plus rapidement possible. Pour y arriver, nos dirigeants étatiques doivent faire preuve d'intelligence, en élaborant des stratégies de développement véritables. Nous pensons qu'ils n'ont qu'à s'approprier des objectifs de la 3ème Conférence des PMA de l'an 2001, à savoir : concentrer des investissement dans les infrastructures, l'agriculture, l'éducation et formation, la santé, etc. Faut-il dire, clairement, que la démarche pouvant déboucher à l'apaisement voire l'éradication de cette pauvreté que nous

connaissons plus d'un siècle en Haïti et, encore, plus de deux décennies à Shada, doit passer inévitablement par l'adoption d'une stratégie nationale visant la mise en valeur et à l'utilisation maximale de toutes les ressources du pays. C'est-à-dire, les ressources tant humaines que naturelles, tout en tenant compte de la mondialisation et / ou la globalisation nous faisons face aujourd'hui. Les politiques publiques doivent favoriser l'accès des pauvres aux actifs, aux marchés et aux infrastructures de base. C'est le rôle de l'Etat de s'assurer de la fourniture des infrastructures et des services publics nécessaires pour réduire l'isolement des communautés les plus pauvres. Nos politiques d'urbanismes doivent rendre les bidonvilles vivables et s'attaquer sans tarder à la crise urbaine et à ses avatars : la dégradation du cadre de vie et la criminalité131.

CHAPITRE V :

LES MESURES

ALTERNATIVES

SECTION 1.- L'APPORT DES ONG ET LE DEVELOPPEMENTISME

Les ONG jouent un rôle extrêmement important dans la lutte contre la pauvreté en Haïti. Bien sûr, il y a dans certains cas où elles n'arrivent pas remplir de façon efficace, cependant leur contributions ne peuvent pas être ignorées par quiconque.

A la lumière des précisions données par le CLED, avant d'aborder ce qu'est ou doit être le rôle des organisations non gouvernementales (ONG), il convient de différencier « la réduction » de « l'allégement » de la pauvreté. Ce dernier se réfère au support qui est donné à la consommation des individus et de familles pour suppléer à leurs besoins de base, alors que la réduction a trait à des programmes dont l'objectif est d'améliorer la capacité des pauvres à se sortir eux-mêmes de leur situation.

Les ONG ne sont pas toutes, loin s'en faut, engagées dans des programmes de réduction de la pauvreté. Il faut cependant reconnaître qu'il y a une place pour l'allégement dans notre stratégie, tout comme il y a une place pour l'étayage dans une construction pendant la période qu'il faut aux colonnes de béton pour durcir132. Tout le monde ne voit pas de la même manière le rôle des ONG dans un processus pouvant amener à éliminer la pauvreté ou encore, selon le CLED, Le rôle des ONG dans une stratégie de réduction de la pauvreté est un sujet assez controversé. Cependant certains consensus ont émergé lors du débat sur la question au cours de l'Atelier organisé dans le cadre de Forum 2000 :


· Les ONG tant nationales qu'internationales ont rendu de grands services à la

communauté haïtienne et ceci depuis de nombreuses années. Il suffit de se rappeler que

l'Hôpital Albert Schweitzer de Deschapelles est géré par une ONG depuis près de 45 ans.

· Leur rôle s'est accru depuis les années 1970 en réponse aux faiblesses de l'Etat haïtien et à son incapacité à fournir certains biens publics, en particuliers en éducation et en santé primaire.

· Dans ce vide laissé par l'Etat se sont insérées des institutions qui ne remplissent pas toujours la mission humanitaire à laquelle elles étaient destinées133.

Depuis les années 1970 les bailleurs d'aide internationale ont repris les idées sur les méthodes de développement découvertes par les organisations non gouvernementales (ONG). Ces associations à but non lucratif, le plus souvent au départ originaires des pays développés, étaient désireuses de faire accéder les pays pauvres à un développement réel, en partant de la base, en invitant les communautés « villageoises » ou les populations apparemment non structurées à se regrouper pour travailler ensemble à des actions des « projets ». Cela a été l'époque de la floraison des petits projets, ou des projets intégrés d'envergure régionale eux aussi menés avec cette nouvelle approche groupale, époque qui dure encore. De tous temps les pauvres ont été ainsi invités à se regrouper pour qu'on puisse leur apporter les bienfaits des oeuvres de charité ou ceux de nouvelles techniques134.

De part sa nature et pour avoir été issues des mouvements religieux, les ONG ont réintroduit la morale dans le développement. Les fonds de l'aide doivent parvenir aux bénéficiaires au lieu d'être détournés à travers les grands programmes d'Etat, les projets doivent être conçus en fonction des capacités réelles des bénéficiaires, ni plus ni moins, au lieu d'être montés par des bureaux d'études ou des services étatiques corrupteurs et corruptibles. En outre, les projets devaient être à la dimension des communautés, pouvoir être gérés par un expatrié, puis par un homologue local, ou un groupe (plus rarement). Autogestion, honnêteté, résultats immédiats, petits projets de durée courte, et renouvelables, tous ces concepts ont été intégrés dans les techniques de développement135.

Cependant malgré toutes ces mesures, de l'observation de plus d'un, certaines ONG ont

même été formée par des individus malhonnêtes, en vue de détourner ce qui a été préalablement conçu au bénéfice des pauvres.

Il reste à l'Etat haïtien de mettre des balises afin d'empêcher la population cible à être toujours des éternels perdants. En dépit des faits constatés et mentionnés plus-haut, on peut constater une sorte de grimpement dans la présence des ONG, en Haïti, jour après jour. « Le développement communautaire a tellement cru et proliféré, c'est du fait de la demande inextinguible et sans cesse différenciée des couches sociales les plus démunies. Ne perdons pas de vue que ce modèle est une réponse à des besoins réels. Mais comme le rappelle la devise

133 Ibidem, p. 128

134 Collectif pour l'Etat de droit en Haïti,, p.78

135 Ibid., p.79

d'une grande ONG française, ce que nous pouvons espérer faire de mieux par le développement communautaire c'est d'offrir « l'accès au développement »136.

La présence accrue des ONG tant nationales qu'internationales n'est pas quelque chose ayant lien au hasard. Elle est le résultat de la faiblesse de l'Etat haïtien a subvenir aux besoin de la population. Aussi, le rôle important que joue les ONG dans la prestation des services est né de la nécessité des différentes crises économiques et politiques et a été renforcé durant l'embargo. Bien que les ONG aient pourvu aide et charité, et aient assuré les services sociaux depuis les années 1950, leur intervention s'est considérablement accrue au cours des deux dernières décennies. Pendant la crise de 1992-94, les ONG ont fourni 100 millions de dollars américains d'assistance officielle au développement selon les estimations. Cette tendance s'est poursuivie, en particulier dans les secteurs de la santé, de l'éducation, de l'alimentation en eau et de l'assainissement, ainsi que dans la construction et la réhabilitation de l'infrastructure à petite échelle137.

Dans de nombreuses zones rurales isolées, le gouvernement haïtien dispose d'une capacité très

restreinte de prestation de services, et les ONG ont pris la responsabilité de satisfaire les besoins de la population. Leurs services sont également importants pour les pauvres des villes.

Dans le domaine de la santé, les ONG assurent environ 50 % des services des soins primaires et curatifs. Dans le domaine de l'éducation, soit les ONG soit le secteur privé, des institutions à but lucratif, gèrent près de 80 % de toutes les écoles primaires et secondaires. Et dans le secteur de l'eau et de l'assainissement, près que toutes les interventions sont financées par le biais des organisations non gouvernementales ... Les ONG en Haïti sont très variables en taille, en structure administrative et en capacité. La qualité des services varie considérablement, avec des problèmes de capacité institutionnelle et en technique, de chevauchement des activités et de diminution du financement. Toutefois dans l'ensemble, il y a des preuves d'une masse importante d'organisations de taille grande, moyenne et petite qui possèdent des bilans supérieurs à la moyenne et qui pourraient absorber davantage de fonds et les utiliser plus efficacement et plus effectivement s'ils devaient recevoir assistance technique et formation. Les écarts et les chevauchements des activités pourraient être réduits s'ils étaient coordonnés générales qui jouent un rôle important dans ce domaine. Les organisations générales pourraient aider les ONG membres en donnant de meilleures informations aux membres et coordonnant les activités avec des économies d'échelle telles que la formation technique et de gestion et la collecte des fonds.... A l'avenir, l'accroissement de la prestation et de la qualité des services exigera le renforcement de l'ensemble de la capacité institutionnelle et technique au sein des secteurs public et des ONG et une intégration plus poussée de la prestation des services par les ONG dans les stratégies sectorielles telles que les plans d'éducation et de santé nationales. En outre, il faut qu'il y ait des relations plus formelles entre le secteur public, les bailleurs de fonds et les ONG au moyen d'une collaboration net de modalités contractuelles138.

136 Ibidem, p.99

137 Note de cours d'économie Haïtienne, Haïti, lutte contre la pauvreté, p.25

138 Ibid., p.25-26

SECTION 2. DES POLITIQUES DE DEMARGINALISATION ET DE

PARTICIPATION

La situation socio-économique des pauvres à Shada, qualifiés comme des marginaux, doit attirer l'attention de tous les secteurs pouvant faire quelques choses de mieux, afin de les aider à sortir dans ce style de vie humiliant et déshumanisé. Il est vraiment difficile, pour nous, d'établir si l'Etat a une politique de « démarginalisation ». S'il en existe, elle ne se fait pas sentir. A part de certaines ONG qui ont une présence dans la zone, on constate que cette portion de population est oubliée par ceux qui conçoivent les politiques de « développement ».

Peut-on parler de « lutte contre la pauvreté » sans mener des enquêtes sérieuses sur la vie des habitants des quartiers pauvres ou bidonvilles afin d'en tirer des conclusions réelles ? Selon les observations faites à travers notre étude, on arrive à constater que la marginalité de cette population n'est pas un résultat du hasard. Elle est le produit du mauvais rapport existant entre les grandes villes du pays et les campagnes, appelées encore « En dehors ». Les paysans se sont laissés pour contre. Ils sont de véritables oubliés. La plus grande partie de la population vit à la campagne. Pourtant, leurs milieux ne sont pas dotés des infrastructures de base notamment : Routes, hôpitaux / centre de santé, école, loisirs, ...pas d'encadrement agricole pour les encourager à pratiquer l'agriculture. Cette situation encourage l'exode rural. Malheureusement, si les décideurs ne font pas ce qu'il faut pour freiner cette tendance, les années à venir vont être pire. Quand les gens arrivent en ville, ils se créent des endroits non appropriés pour s'abriter. Bidonvilles. Devenus sources de toutes sortes de tensions sociales et encouragent assez souvent le banditisme, la corruption, prostitution ... Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de personnes sérieuses au sein de la zone. Il en existe. Il y a beaucoup de gens qui s'efforcent pour gagner dignement leur vie, envoyer leurs enfants à l'école, tant bien que mal, mais, malheureusement les conditions ne sont pas réunies. Aujourd'hui, la politique de démarginalisation constitue une mesure alternative à appliquer dans la lutte contre la pauvreté. On doit aider les gens à participer, eux-mêmes aussi, dans lutte dite anti-pauvreté. Les marginalisés réclament leur participation dans le développement de la communauté.

Très souvent, on constate que les projets de développement implantés dans la zone ne donnent pas les résultats escomptés. La cause principale de cet état de fait est due par le fait que les responsables de ces projets ne tiennent pas compte des réalités de la population, c'est-àdire ces besoins réels. A la lumière de ces expériences, on peut dire que l'implantation des

projets doit étudier minutieusement et préalablement avec les leaders de la communauté. On doit essayer de venir avec des projets pouvant avoir une répercussion directe sur la situation socio-économique des marginaux. On sait tous que la majorité des personnes vivant dans la zone n'a ni ressources économiques, ni profession assez rentable, ni de grandes relations sociales afin de s'intégrer facilement dans la société.

SECTION 3. LA REFORME AGRAIRE ET LA DECENTRALISATION

La réforme agraire se définit, selon Mokhtar Lakehal, comme une politique d'expropriation des propriétaires riches et de redistribution de leurs terres à des paysans pauvres, en vue de lutter contre l'exode rural et d'améliorer le niveau de vie des masses paysannes. L'expropriation peut se faire sans indemnisation139. De l'avis de Malcolm Gillies, habituellement, la réalisation d'une reforme agraire se fonde principale sur des motifs politiques. Les facteurs politiques qui conduisent à la reforme sont de deux ordres. La société dotée d'une fraction importante de fermiers et journaliers sans terre, placée sous la tutelle d'autres classes, peut se trouver en butte à une agitation rurale croissante. Dans la première formule de reforme agraire, pour empêcher l'agitation d'exploser en révolution, on adopte des lois qui visent à réduire la charge imposée à la paysannerie et à l'intéresser au maintien de la stabilité. Dans le second cas, la reforme agraire survient après le succès d'une révolution soutenue par les ruraux démunis. En l'espèce, l'objectif essentiel de la reforme est de consolider l'appui de ces derniers à la révolution et d'éliminer la base économique de l'une des classes, celles des propriétaires- les plus opposés à la revolution140. En Haïti, la lutte pour une vraie reforme agraire ne date pas d'hier. Pour certains, cela remonte au lendemain de la guerre de l'Indépendance, en 1804. André Yves Cribb, explique que J.J. Dessalines commença a dénoncé l'exclusion économique des `pauvres noirs' sans terre ; mais, malheureusement, il n'a pas eu le temps de réaliser une redistribution foncière en leur faveur. En 1883, Salomon mit en exécution une reforme agraire ; mais, malheureusement, celle-ci n'avait pas une dimension suffisante pour provoquer de profond changement dans le système économique et social du

139 Mokhtar Lakehal, p.566

140 Malcom Gillies, p.561

pays141. En ses manières, le Professeur E. FRANCISQUE dit « La question agraire posée au lendemain même de l'indépendance d'Haïti malgré les divers traumatismes sociaux dont elle est responsable à titre principal, n'a encore trouvé de solution adéquate. Elle s'inscrit en filigrane dans la trame de tous les bouleversements, de tous les conflits qui jalonnent plus d'un siècle et demi d'histoire nationale...Le paysan haïtien, toujours en butte de tracasseries de l'administration, défend chaque jour, pouce par pouce, sa propriété constamment menacée. L'essor démographique, en faisant essaimer les cultivateurs sur les domaniales et même sur les `habitations' des propriétaires absentéistes, favorisa ça et là le développement de la petite propriété au cours d'un siècle et demi142».

Faute d'une prise en charge par l'Etat, ses paysans sont restés seuls à se débrouiller pour trouver des solutions à leurs problèmes, notamment en ce qui a trait avec la question de deux moities, engrais, machine agricole, etc. C'est ainsi qu'on constate une sorte de paupérisation qui se développe dans les milieux ruraux et qui facilite et encourage l'exode rural. Ce dernier, comme on le sait bien, va amplifier les problèmes existant déjà dans les villes ou centres urbains, en augmentant ce qu'on appelle les « bidonvilles » quand les migrants n'ont autre choix. André Y. Cribb fait remarquer que de nombreuses études publiées au cours des dix dernières années mettent à nu l'ampleur de la misère dans laquelle vivent des ruraux haïtiens. La plupart d'entre elles analysent minutieusement cette lamentable situation et en même des interprétions. « En 1988, la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'Agriculture) a informé que les ruraux haïtiens vivant dans la pauvreté absolue- c'est-à-dire, n'ayant pas suffisamment de moyens pour satisfaire leurs nécessités basiques- représentaient environ 80 % de la population totale du pays et 95 % de la population rurale. Elle a en outre pris le soin d'indiquer que, parmi ces pauvres, il existait des indigents, c'est-à-dire des ruraux n'ayant même pas la possibilité d'acheter le minimum d'aliments nécessaires. Ceux-ci constituaient environ 90 % des ruraux pauvres. En 1992, le FIDA (Fonds International pour le Développement agricole) a classé Haïti parmi les quatorze pays de l'Amérique Latine où la pauvreté rurale est sévère. Elle base cette classification sur l'indice de sécurité alimentaire. Le FIDA a constaté que, sur une période à peu près vingt cinq ans, la pauvreté ne cessait de s'accroître. De 1965 à 1988, le nombre de ruraux vivant dans la pauvreté absolue passait

141 André Yves Cribb, p.4, www.geocities.com/aycribb

142 Edouard Francisque, p.111

d'environ 891 000. Les catégories de ruraux principalement atteints étaient : les petits agriculteurs, les ruraux sans terre, les travailleurs ruraux journaliers, les petits artisans et les jeunes chômeurs ruraux 143». Dans le cadre de lutte contre la pauvreté qu'on mène en Haïti, une reforme agraire s'avère nécessaire en vue de faciliter un mieux-être pour les pauvres paysans.

On doit, certes, se référer aux différentes « réformes agraires » qu'on a déjà expérimentées, mais, cependant on ne peut pas les prendre comme modèle. Si on prend le cas de celle qui a été menée par le leadership du Président René Préval (en 1995), dans la vallée de l'Artibonite, on peut se dire que cela a contribué à l'éradication des conflits mettant assez souvent des petits paysans face à face, ou tantôt avec les « grandons » présents ou absentéistes. A ce niveau, c'était un succès, mais si on considère les autres aspects en terme d'accompagnement, cette reforme peut-être considère comme un échec. Il n'y avait quasiment aucun encadrement en faveur des pauvres ruraux. Par exemple, comme le constate Djemps Olivier d'Alter Presse, « l'augmentation considérable des coûts de production grève les profits de ce riziculteur de Carrefour Peigne, près de Pont Sondé. Vendu à 175 gourdes il y a six ans, le sac d'engrais coûte aujourd'hui 1500 gourdes. Pas étonnant qu'il ne récolte plus que seize sacs de riz à chacune de ses deux récoltes annuelles, soit moitié de ce qu'il récoltait auparavant... 144». Il est vrai que l'institut National de la Reforme Agraire (INARA) a prévu de distribuer une parcelle d'1/2 hectares à chacun des bénéficiaires du programme et l'octroi d'un prêt de 5000 gourdes pour une durée de deux ans145, mais cela ne suffit pas, comme le montre la réalité, d'après.

Il faut reconnaître même si on aurait donné tout ce qu'il faut pour assurer le suivi de la

reforme, dans le contexte du commerce international d'aujourd'hui, les paysans seraient toujours en butte à certaines difficultés. Les parcellements n'encouragent pas le développement des technologies pouvant aider les paysans à maximiser leurs profits davantage, au contraire, ils encouragent des systèmes d'exploitation familiale. Il faut, de toute façon, agir, en sorte que la reforme agraire soit accompagnée d'une « politique de développement rural intégré », c'està-dire une « politique qui se définit par un ensemble d'objectifs et de moyens destiné à faciliter l'intégration des marginalisés en comblant le fossé entre les secteurs riches et pauvres du monde rural. Elle est conçue de façon à apporter des ressources aux pauvres des zones rurales. Elle met l'accent sur des programmes tels que le crédit, l'assistance technique, la conservation des sols, l'infrastructure routière, l'adduction d'eau potable, la santé, l'éducation, etc.... Aujourd'hui, le développement rural ne doit pas être considéré comme une bienfaisance

143 André Yves Cribb, p.1, www.geocities.com/aycribb

144 http://www.alterpresse.net

145 http://www.collectif-haiti.fr/data/file/nih_16.pdf.

sociale mais plutôt comme un investissement socialement rentable dans le cadre d'une stratégie globale de la relance de l'économie nationale. Les financements, consentis pour le réaliser, peuvent favoriser à une croissance évidente de l'offre de produits agricoles et artisanaux ainsi qu'une augmentation considérable de la demande de ceux-ci. La clé du succès d'un tel processus de reprise économique réside dans le choix et l'agencement de mesures et actions définies dans le cadre d'une perspective de freinage de l'exode rural146». L'Etat haïtien a intérêt de doter des paysans les moyens nécessaires pour survivre à la campagne, au lieu de les attendre à venir gonfler les bidonvilles déjà existés ou en créer d'autres. Leurs prises en charge en ville par l'Etat haïtien seraient plus coûteuses à tous les points de vue. « Le développement rural en Haïti exige une politique destinée à combattre non seulement des problèmes liés aux techniques de production agricole ou forestière mais aussi ceux relatifs à d'autres aspects économiques et sociaux. Une telle politique ne peut être conçue et menée à bonne fin qu'avec la participation d'une équipe de cadres professionnels, choisis non sur la base clientélisme mais en fonction de leurs compétences. Il est temps de faire preuve de discernement et de volonté politique. C'est seulement à ce modeste prix qu'on peut cesser de cultiver la pauvreté rurale en Haiti147 ».

CONCLUSION ET RECOMMANDATION

Fatigué par des programmes implantés ne répondant pas à la réalité, Haïti ne cesse de plonger dans la pauvreté extrême. On ne constate que des sols ruinés, société déstructurée qui sont, également, des conséquences des politiques socio-économiques ne rendant pas vraiment compte des besoins fondamentaux des couches défavorisées, en particulier les paysans qui sont exploités et méprisés, ainsi que les habitants des bidonvilles qui sont marginalisés. Plus d'un se demande où est l'Etat haïtien?

On constate que ce dernier se dissimule à un point tel qu'on ne sait pas où il est. Comme nous l'avons mentionné, les programmes d'ajustement structurels imposés par les puissances étrangères et appliquées par les gouvernements qui se sont succédés au cours de ces 20 dernières années n'ont pas jusqu'ici donné les résultats escomptés.

Jusqu'à quand notre gouvernement va enfin mettre les balises nécessaires, en place, pour atteindre les Objectifs du Millénaire, dont il était parti prenante ?

Comment continuer à tolérer à ce qu'une minorité de gens ont assez de nourriture à manger et, en même temps, la grande majorité de la population ne peut pas nourrir sa famille ?

Il est de l'intérêt de tous, de travailler à ce qu'on ait une société juste. Cette dernière est indispensable pour créer la stabilité. On sait que la stabilité encourage l'investissement et ceci crée l'emploi et réduit le chômage afin de bloquer le développement de la pauvreté qui fait tant de rage. Il n'y a pas d'effet sans cause. Ce qu'on est entrain d'assister à Shada, est le résultat du mode d'organisation de l'Etat ou du moins, de la mauvaise gestion du pays.

Pour étayer ce que nous venons d'avancer, prenons l'exemple du Cap-Haïtien, étant le chef-lieu du département du Nord et la deuxième ville du pays, qui est doté quasiment de l'ensemble des infrastructures socio-économiques du Grand Nord, voire le pays en général, après Port-au-Prince. Mais, quelles infrastructures ?

A l'inverse, les autres communes du département continuent à être placées sous la dépendance des « infrastructures » existant au Cap-Haïtien. Cette situation alimente le phénomène de l'exode rural comme nous l'avons déjà expliqué et facilite la prolifération des bidonvilles, jour après jour aux alentours de la ville. On assiste à une sorte de paupérisation grandissante de cette tranche de la population qui se livre à elle-même. En effet, nous

rappelons que l'étude sur le problème de la pauvreté dans les bidonvilles en Haïti, le cas de Shada au Cap-Haïtien, a pour objectif principal de déterminer et analyser les causes du phénomène de la pauvreté dans les bidonvilles en Haïti et, notamment à Shada. C'est ainsi que les résultats de notre enquête nous permettent d'affirmer encore que les causes majeures de la pauvreté à Shada sont :

1- L'absence ou Manque de planification de l'Etat ;

2- Inadéquation à la réalité des différentes dispositions, prises par l'Etat ou imposées par les « Amis d'Haïti », en vue d'éradiquer le phénomène de la pauvreté ;

3- Imposition et l'application de la politique néolibérale.

4- Manque d'éducation, car un niveau faible en éducation favorise et encourage la marginalisation du fait que le niveau d'instruction non compétitif empêche les individus d'accéder à un emploi bien rémunéré. Ils sont obligés de pratiquer des petits métiers manuels.

5- Manque d'infrastructures.

6- Chômage

7- Etc.

Devant cette complexité, on a droit de se demander, à nouveau, « Quoi faire »?

Devons-nous rester comme des spectateurs passifs par devant cette montée cruelle de la pauvreté qui tue, sacrifie et marginalise davantage plus de 85 % de la population, notamment ceux des bidonvilles ? Peut-on continuer à faire croire que c'est le destin qui veut que le Shada soit ainsi, en ce 21ème siècle ?

On est tous conscients qu'il n'existe pas une baguette magique pour résoudre le problème. Mais, nous croyons que science et méthode peuvent nous aider à trouver des solutions alternatives. Celles-ci dépendent de la volonté et la capacité de l'Etat à assumer ses responsabilités vis-à-vis du reste de la population qui n'attend qu'une bonne directive à suivre. On doit être clair qu'en dehors de ceci, on va continuer à regarder ce grand épisode de la paupérisation des couches les plus vulnérables du pays.

En terme de mesures alternatives, nous proposons à ce que l'Etat :

1- Encadre et canalise les actions des Organisations Non Gouvernementales notamment dans les milieux ruraux et urbains. Avec toutes leurs défaillances constatées, on ne peut

pas nier et négliger l'apport considérable des ONG au cours de ces deux décennies dans la « lutte contre la pauvreté » et en même temps, l'Etat doit travailler pour reprendre le contrôle où ses interventions étaient absentes ;

2- Mène sans relâche, une politique de démarginalisation au profit des pauvres. Notre enquête nous permet d'affirmer que la population n'exige que du respect de leur droit de vivre. C'est-à-dire la capacité, d'une part, de pourvoir aux besoins primordiaux de leur famille (nourriture, logement, éducation, ...), d'avoir un emploi stable ou du travail à faire et, d'autre part, de participer activement dans les grandes décisions engageant cette génération et future ;

3- Active la reforme agraire et la décentralisation. Il doit prouver qu'il ait une volonté réelle de freiner le développement grandissant des bidonvilles autour des grandes villes du pays, en particulier au Cap-Haïtien. L'étude nous permettait de retracer la zone originelle des habitants de Shada. Plus de 85 % des gens viennent de la campagne, en quête d'une vie meilleure en ville.

L'Etat a pour responsabilité de doter les milieux ruraux des infrastructures de bases (routes, hôpitaux/centre de santé, école,...) et doit réaliser une reforme agraire afin d'encourager les habitants à vivre dans leurs milieux d'origine. En les questionnant, ils n'ont pas vraiment envie de venir s'installer en ville. En revanche, comment voulez-vous que le paysan soit resté à la campagne alors qu'il n'a pas de quoi à prendre soin des membres de sa famille à tous les points de vue ?

En bon père ou bonne mère de famille, c'est normal qu'il ou elle prenne ses responsabilités de chercher « la vie » là où elle parait être existée.

On ne peut pas parler de lutte contre la pauvreté sans tenir compte des droits les plus fondamentaux de l'individu, à savoir de se nourrir, se vêtir, avoir un logement , s'éduquer/ se former, etc. La lutte pour une Haïti juste devrait être l'objectif de tout citoyen- haïtien, aujourd'hui, en vue de se réaffirmer comme peuple aux yeux du monde entier.

Nous constatons que la précarité de la situation socio-économique des habitants compromet beaucoup à leur épanouissement général. La manière même de s'entasser dans des maisonnettes mal confectionnées a un impact assez négatif sur leur état sanitaire. Des maladies comme la diarrhée, malaria et tuberculose font rage dans ce bidonville à cause de la mauvaise gestion de l'environnement et de manque d'hygiène.

Le mode de vie de la population de Shada met à jour le niveau extrême de la pauvreté en Haïti, en ce début du 21ème siècle. Nous constatons que la grande majorité de la population s'efforce de subsister avec leur maigre moyen économique. Comment accepter qu'une petite partie baigne dans l'opulence, alors que la grande majorité se plonge sans arrêt dans le désespoir ? Ne sont-ils pas tous fils d'une même nation Ces genres de rapports ne sont-ils pas les sources des différentes instabilités du pays ? On doit changer cette tendance, si on veut éviter d'éventuelles tensions sociales en Haïti. Nous reprenons, la véritable lutte de tout vrai haïtien aujourd'hui, doit être contre : la faim, l'inégalité, l'analphabétisme, mauvaise condition d'hygiène et le chômage. La nécessité nous en oblige ! Une autre Haïti est réellement possible, mais, avant tout, il nous faut de la volonté, la capacité et détermination. La reconstruction du pays doit être démarrée de toute urgence, sinon, Haïti deviendra un pays invivable. On doit travailler à réduire la pauvreté, afin de pouvoir l'éradiquer, en retour. C'est la seule façon d'intégrer le grand concert des nations et de faire preuve de reconnaissance à la grande bataille que nos valeureux héros ont mené pour notre indépendance, dans le but d'avoir un pays juste et prospère pour tous ses fils.

« Mieux vaut tard que jamais ».

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2) ACEMOGLU, Daron. Causes profondes de la pauvreté, une perspective historique pour évaluer le rôle des institutions dans le développement économique. FMI, juin 2003.

3) LOUIS-MARIE Asselyn, et Anyck DAUPHIN. Mesure de la pauvreté, un cadre conceptuel. Québec-Canada, Octobre 2000, 27 pages.

4) Association Haïtiennes des Economistes (AHE). Enjeux et défies: Position de l'association haïtienne des économistes. 2006, 6 pages.

5) BERTIN, Alexandre. E/ Définir la pauvreté aujourd'hui. - LMU- Le mensuel de l'Université- Magasine InterUnuiversitaire.htm, juillet 2007.

6) CRIBB, André Yves. Comment cesser de cultiver la pauvreté rurale en Haïti ? GIFAD, Rio de Janeiro, RJ, Brésil, 10 pages ( www.geocities.com).

7) DORIER-APPRILL, Elisabeth. Présentation Rapide des méthodes d'enquêtes possibles. Université de Provence- géographie- UE GEO LO3, 12 pages.

8) GROUPE DE RECHERCHE ET D'ECHANGES TECHNOLOGIQUES. L'extension des lotissements sauvages à usage populaire en milieu urbain, ou paysans, villes et bidonvilles en Haïti. Aperçus et réflexions, Juin 1996.

9) Initiative pour le changement en Haïti (ICH). Plan pour le changement économique et social en Haïti.

10) Institut Haïtien des Statistiques et d'informatique (IHSI). La pauvreté en Haïti : ampleur, détermination et perceptions. 2001-2002, 9 pages.

11) VON MISES, Ludwig. Politique économique Réflexions pour aujourd'hui et pour demain. Éditions de l'Institut Économique de Paris (1986).

12) PERRIN, Emile-Robert. La lutte contre la pauvreté. HCCI, Avril 2004.

ANNEXE

Questionnaire d'Enquête / Shada / Cap-Haitien

No du questionnaire

Zone

Popilasyon-an

1- Sèks: a) Gason b) Fanm

2- Ki laj ou genyen ?

3- Ki jan ou ap viv kounye-a? a) Plase

 
 
 
 

b) Marye

 
 
 
 
 
 

c)Selibatè d) Separe e) Lòt

4- Nan Ki Klas ou te rive lekòl ?

a) Pa janm ale lekòl b) Klas pwepatatwa (3e AF)

b) Klas 4e - 6e AF c) Klas 7e - 9e AF

d) Klas 3e AF - Reto e) Klas Filo - Inivèsite

f) Lekòl pwofesyonèl

5-

Konbyen pitit ou genyen?

a) Kantite piti fi b) Kantite pitit gason

c) Pa genyen pitit

6- Nan Ki zòn ou fèt ?

a) Nan Shada b) Lòt Kote ( pwesize)

7- Ou ap viv nan Shada depi Konbyen tan ?

8- Poukisa ou te kite zòn ou te fèt la ?

a) Travay b) Vini lekòl

d) Problèm Sante

d) Lòt ( pwesize )

9-

Poukisa?

Poukisa?

Eske ou renmen Katye a ? a) Wi

b) Non

10- Eske ou gen moun lòt bò dlo ?

a) Wi Nan ki peyi lap viv

b) Non

11- Ki moun li ye pou ou ?

12-

Konbyen lajan li konn voye pou ou?

13- Konbyen chanm kay la genyen ?

14- Konbyen moun k'ap viv nan kay sa-a ?

15- Konbyen nan moun sa yo ki sou responsabilité ou ?

16- Ki metye ou te aprann ?

17- Eske se ak metye sa-a ou ap viv ?

a) Wi b) Non

18- Ki travay ou ap fè kounye a ?
( si se non, pase nan # 28 )

19- Ki pozisyon ou nan travay la ?

20- Eske ou renmen travay la ?

a) Wi b) Non

22- Ki lòt aktivite ki rapòte ou lajan an plis de travay ou an ?

23- Eske ou konnn resevwa transfè lajan ?

24- Konbyen kòb antou ou genyen pou depanse nan yon semèn ?

25 Konbyen ou depanse nan yon mwa ?

26- Nan ki bagay ou depanse plis kòb, nan yon mwa ?

27- Konbyen lajan ou depanse pou manje nan yon jounen ?

28- Konbyen fwa ou manje pandan jounen ?

29- Ou di-m ou p 'ap travay, depi konbyen tan ?

30- Pouki sa ou p 'ap travay ?

31- Eske ou konn jwenn pwete a lenterè ?

a) Wi b) Non

( si se non, pase nan # 34)

32- Ki kote ?

a) Vwazinaj b)Mezon dafè

c) Mikwofinans / Labank e) Lòt

33- Sou 100 goud, konbyen enterè a konn ye ?

a) 10 a 20 goud b) 21 a 40 goud

c) 41 a 50 goud d) Lòt

Fonksyònman ak Lavi nan kay la

34- Nan ki kondisyon ou rete nan kay ?

a) Pwopwyetè b) Lokatè

c) Eritye d) Lòt

35- Nan konbyen chanm ou rete nan kay la ?

36- Avèk ki sa kay la konstwi ?

a) Tè b)Blòk

c) Tòl d) Beton

37- Ki sa ou itilize pou distraksyon-w?

38- Lè moun nan kay la malad, ki kote n 'ale trete?

a) Dispansè b) Gran lopital

b) Kay bòkò d)Lòt( Pwesize)

39- Ki kote ou jwenn dlo pou bwè ?

a) Nan Pi b) Nan tiyo

c) Nan Ponp d) Lòt Pwesize

40- Konbyen fwa yo bay tiyo nan yon mwa?

41- Kisa ou konnen de Sèvis Nasyonal Dlo Potab (SNEP)

Keksyon pou Responsab lekòl ki nan zòn nan

42- Pou kilès lekòl sa ye ? a) Leta b) Pwive

43-

44-

45-

46-

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

c) Kominotè

 
 

d) Kongweganis

 
 
 
 

e) Lòt

47- Konbyen sal klas lekòl la genyen ?

48- Nan ki Klas lekòl la rive ?

49- Konbyen Pwofesè lekòl la genyen ?

50- Konbyen pwofesè nan lekòl la ki rive nan nivo :

a) 5è - 9è AF b) 3è - Reto

d) Filo - Inivèsite e) lekòl nòmal fondamantal

f) Lòt






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