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La notion de "performativité" de John Langshaw Austin

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par Bouchra M'hayro
Ecole Normale Supérieure-Ulm - Master I "Sciences Cognitives" 2006
  

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III. La notion de performativité et les sciences sociales11

8 Le paradoxe pour un logicien est une phrase qui n'est ni vraie ni fausse. Si elle est vraie, est fausse et vice-versa.

9 Paradoxe découvert dans l'antiquité grecque.

10 Searle, Speech acts, 1969 traduit sous le titre « les actes de langage », 1972 sous le conseil de O. Ducrot _bien que Searle aurait préféré

« les actes de parole »_ considérant que le terme « parole » revêt en français une connotation négative.

Searle, J.R. (1972), les actes de langage, paris, Hermann.

11 Voir l'article de Jérôme Denis, 2006, Performativité : usages et relectures d'une notion frontière, Études de Communication (n°29), qui en

présente un véritable engouement interdisciplinaire.

« Le terme « performatif » dérive du verbe anglais « to perform » qu'on emploie (...) avec le substantif « action » (...) indique que

produire l'énonciation est exécuter une action. » (P. 42)

B.M'hayro - 7 - Sémantique Pragmatique (O.Ducrot/M. Carel)

Les sciences sociales voient la naissance d'un intérêt vif envers la notion brillante de « performativité ».

Certains parlent de la participation de cette notion à un « double tournant épistémologique » : linguistique

_découlant de la naissance d'une passion pour les pratiques langagières, et la communication au sein de

disciplines qui, jusque-là, s'en désintéressaient_ et pratique _ centré sur la compréhension et description de

l'action composant l'objet de ces disciplines. La question cruciale fut alors de connaitre le pourcentage

langagier constitutif de l'action, ainsi que sa nature pragmatique, c'est-à-dire les actes de langage. Les

disciplines nourricières de la notion de « performativité »_philosophie, linguistique_ , l'ont vue épousée par des

traditions disciplinaires étrangères à son milieu initial. Ces disciplines en ont dévoilées certains aspects concrets,

allant au-delà du simple « perform », et en ont accusé les limites. Désormais, elle est centrale, point de

rattachement de multiples disciplines inquiètes de sa portée heuristique, obnubilées par ses modifications,

attentives à permettre sa préservation en tant qu'instrument à la base d'une problématique de communication et

de l'action à un niveau multidisciplinaire12. Si J. Austin abandonne ces premières intuitions dès les premières

conférences, elles donnent lieu à réappropriation par des propositions semblant antagonistes. La notion

Austinienne de Performativité semble constituer une régression pour qui s'arrêterait à ses conclusions. Tel n'est

plus le cas lorsque nous nous penchons sur sa reconquête théorique, culminant en une profonde redéfinition.

Elle voyage depuis sa création à travers les espaces disciplinaires, les esprits d'auteurs la reconsidérant sans

cesse, l'érigeant en objet de recherche exclusif. Si J. Austin l'a délaissée, dépassée, certains vont se dresser,

contra lui, la réhabiliter dans toute sa splendeur, fut-ce au prix d'une critique de la philosophie ordinaire de son

créateur. Notamment, elle constituera la centralité d'un vif débat entre linguistique et sciences sociales,

culminant à l'extrême en une nouvelle vision du langage, de l'action et de leurs interrelations.

J. Austin souhaitait définir la caractère performatif de certains énoncés afin de spécifier les différentes

occasions où l'énonciation ne faisait pas simplement que « constater » une action, une situation, mais constituait

en elle-même une action à part entière. Il rompait avec toute une tradition philosophique tandis qu'il considérait

les cas où dire, c'est faire. Tout au long de son oeuvre, J. Austin est confronté à des complications l'amenant à

abandonner sa créature initiale à l'issue de la septième conférence : c'est un constat d'échec de la distinction

performatif versus constatif pour de multiples raisons13. La notion comprise comme qualité parfaite des

énonciations spécifiques, sera délaissée après cet aveu d'échec afin de « reprendre le problème à neuf » et

travailler à la mise en lumière de l'épaisseur pragmatique de toute énonciation, qu'il décompose en actes

locutoires (qui ont une signification), illocutoires (qui ont une force) et perlocutoires (qui ont des effets). Il

dévoile alors la mutation d'une problématique visant à scinder performatifs et constatifs en celle d'une théorie

des actes de discours (p. 152), devenant mature en fin d'ouvrage _dernière conférence_ via le compte-rendu des

valeurs qu'il peaufine en dressant une liste des valeurs illocutoires de l'énonciation.

Les sciences sociales ont été habitées par un même choc pragmatique que la philosophie, fondé en

grande partie sur la réflexion Austinienne. Tous ceux qui s'en réclament, le font avec une force variable :

certains fidèles, d'autres originaux, voire contradicteurs. E. Benveniste14 et J. R. Searle15 vont soutenir une

vision d'un usage restreint de cette notion. A contrario, le concept de force illocutoire ne sera pas confondu avec

la notion de performativité pour d'autres auteurs de sciences sociales se réclamant d'elle, et refusant pour elle,

afin de la parer à nouveau d'une force heuristique, de suivre le mouvement analytique initié par J. Austin. Afin

de préserver les pratiques ordinaires, les situations concrètes, réelles. Pour eux, il s'agit de trouver un équilibre

entre langage, action, situation refusant que toute énonciation supposant un acte illocutoire soit performative,

devenant attentifs à son analyse via les conditions de sa réalisation. Face à ce renouveau de la notion, nous

trouvons des critiques adressées au créateur, ses conclusions ne considèrent pas à leur juste valeur la part située

du discours (les conventions, les institutions, les « conditions de félicité », enfin), nous dirigeant vers un absolu

linguistique. P. Bourdieu16 sera l'une des figures premières critiquant J. Austin en mettant en lumière, dans

l'analyse des performatifs, la position des énonciateurs dans l'espace social et la force du pouvoir dont ils sont

possesseurs. Actuellement, la notion de performativité est prise en un dynamisme sociolinguistique

l'enrichissant en la fusionnant à des objets constitutifs de situations sociales vivantes, nous permettant de la

considérer sous un nouveau regard multidisciplinaire, multiculturel...telle qu'elle est.

12 C'est, entre autres, le cas de l'anthropologie/ethnologie, la sociologie, les sciences de la communication et de l'information, bien entendu,

s'ajoutant au disciplines-berceau de la notion.

13 Confer les première et seconde partie de ce document : Les « malheurs » d'abord ne sont pas totalement réservés aux énonciations

performatives, tout comme l'exigence de conformité factuelle n'est pas exclusive aux constatifs. Aucun critère grammatical ne lui a par

ailleurs permis de distinguer les énonciations performatives. Enfin, le caractère « explicite » de certaines énonciations qui se montrent

performatives ne suffit pas pour les classer à coup sûr dans les performatifs. Qui plus est, il les fait finalement tomber sous le coup d'une

épreuve que l'on croyait définitivement éloignée : celle tranchant entre vrai et faux.

14Benveniste, E. (1976), problèmes de linguistique générale, paris, Gallimard

15 Searle, J.R. (1972), les actes de langage. Op. Cit.

16 Bourdieu, P. (1982), Ce que parler veut dire. L'économie des échanges linguistiques, Paris, Fayard. Pour une présentation de la théorie

de l' « espace social », voir La distinction. Critique sociale du jugement, Minuit, 1979.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984