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Influence du profil parental sur la santé mentale des adolescents en milieu urbain

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par Erick Irien MUKALA MAYOYO
Institut Supérieur des Techniques Médicales de Kinshasa - Licence en Santé Communautaire, Option Epidémiologie 2008
  

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CHAPITRE V: DISCUSSION

Ce chapitre s'intéresse à l'interprétation des résultats de la recherche ; il vise à comparer les résultats de la phase empirique de cette étude à ceux des autres chercheurs. Il est subdivisé en 4 sections : la section 1 résume les résultats des analyses statistiques effectuées puis établit les liens entre ceux-ci et le cadre de référence ; la section 2 s'intéresse aux associations étudiées et à l'inférence statistique ; la section 3 s'attèle aux hypothèses de cette étude et à la formulation des hypothèses nouvelles et enfin, la section 4 présente les limites de cette étude.

5.1 Résultats des analyses statistiques et cadre de référence

La présente étude a eu pour objectif général d'examiner dans quelle mesure le profil des parents, notamment leur SSE influe sur la santé mentale des adolescents. L'hypothèse alternative qui sous-tendait une association entre SSE bas et résilience/estime de soi y a trouvé une confirmation empirique.

Après les analyses descriptives, s'agissant des caractéristiques sociodémographiques des sujets de l'étude, il s'est dégagé ce qui suit : les répondants âgés de 12 à 13 ans étaient relativement majoritaires (30,3%), l'âge moyen de l'échantillon était de 15,5 ans, les sujets du sexe féminin étaient majoritaires (57,9%), 44,1% des sujets sont en cours d'études du niveau secondaire, les religions oecuméniques : catholique (31,6%), protestante (18,4%) et kimbanguiste (14,5%) étaient majoritaires. Ces données semblent rencontrer les estimations de l'enquête d'Afriquespoir (2009) ; 34,2% des ménages comptent 4 à 5 personnes et la taille moyenne du ménage était de 7#177;3,3 individus, les ressortissants de la province du Bas-Congo ont constitué 18,4% des participants. Ces résultats sont presque conformes à ceux de la recherche réalisée par Lapika (2002) à Kinshasa.

Pour identifier le SSE de la famille des sujets, trois indicateurs du profil parental ont été retenus : le titre scolaire du parent-tuteur, l'emploi des parents et le revenu familial mensuel. Ce, contrairement à l'approche de Leblanc (2007) qui n'a utilisé qu'un seul indicateur : l'emploi du père. Ces trois indicateurs ont été retenus après l'application de la technique de Delphi auprès des économistes de la santé et épidémiologistes qui ont évoqué la raison des dimensions du SSE. Cette variable a été rendu binaire en 0-bas et 1-élevé contrairement à l'approche de Leblanc (2007) qui en a considéré trois. Ceci est dû au fait que dans le contexte de la RDC, soit on est riche (SSE élevé) soit on est pauvre (SSE bas) il y aurait donc absence d'une classe moyenne.

Concernant ce SSE, pour cet échantillon (N = 152), les scores minimum et maximum ont été respectivement de 3 et 9 (moyenne de 6). Le taux de prévalence de l'exposition au SSEp bas a été estimé à 38,2% pour les deux milieux confondus ; le taux de cette exposition étant 2,2 fois plus élevé pour les adolescents de Ngiri-Ngiri (52,6%) par rapport à ceux de Gombe (23,7%). Les résultats de la recherche de Leblanc (2007) ont montré que le SSE était bas à 46,2% en milieux défavorisés soulignant que les enfants des milieux défavorisés sont plus exposés à la maltraitance et autres événements traumatisants que leurs pairs des milieux favorisés et sont enclins à développer des problèmes scolaires et comportementaux que les autres. L'écart de 6,4% du taux de prévalence de l'exposition serait lié au fait que notre étude est menée en milieu urbain d'un pays en développement.

S'agissant du SSE des parents, l'analyse descriptive des données indique que la plupart des parents n'ont pas suffisamment avancé avec leurs études ; 33,6% des parents des sujets de l'étude sont des gradués ; 47,4% des pères de familles travaillent seuls pour subvenir aux besoins de ménages ; à 45,4% les parents sont travailleurs de l'administration publique ; pour ce qui est du revenu familial, la plupart des ménages ne gagnent pas une somme suffisante pour couvrir les besoins des enfants ; ce qui fait que beaucoup des ménages dépensent moins de 5 000 CDF (soit moins de 5 $ US) pour la ration alimentaire journalière et que 59,2% des parents n'arrivent pas à s'acheter ne fût-ce qu'une parcelle. Ces données corroborent avec les estimations d'Afriquespoir (2008) qui indiquent que la plupart des parents des pays en développement croupissent encore dans la misère, une somme colossale d'argent étant versée dans des problèmes de guerres/conflits armés. Laroche (1998) a indiqué que ces adolescents sont susceptibles de se livrer à la délinquance, de manquer la supervision parentale et de participer avec réticence aux activités familiales.

La chose surprenante est que même si les actions parentales envers les enfants ne sont pas celles qui devraient être faites, la majorité des enfants déclarent être satisfaits quant aux aliments qu'on leur prépare (81,6%), aux besoins primaires se rapportant au divertissement, à l'accoutrement (82,9%), aux conditions d'habitation (79,6%). Seulement, la majorité des sujets qui ont soutenu cette satisfaction sont les répondants de Gombe. Mampunza et coll. (1999) ont constaté une inégalité sociale entre les communes du milieu urbain kinois. Certains écrits recensés ont indiqué que l'analphabétisme qui caractérise les milieux urbains défavorisés est peut-être un facteur associé à une mauvaise appréhension des questions posées. Laroche (1998) souligne alors que, lorsque l'adolescent bénéficie d'un soutien social familial, il sera plus susceptible de percevoir ses parents comme faisant partie de son monde social et psychologique, et il se sentirait de ce fait en sécurité et conserverait son estime de soi.

Concernant la résilience et l'estime de soi, l'idée du départ était que les adolescents de Gombe, tel qu'ils sont plébiscités favorisés de par le SSE de leurs parents, présenteront de bons scores quant aux maladies étudiées. Robins (1966, 1978 ; dans Laroche, 1998) pense que ce n'est pas le fait d'avoir des parents d'un niveau de vie élevé qui réduit le risque de développer une personnalité psychopathique ni d'autres déviations psychologiques. Est-ce à dire aussi que le profil des parents de Ngiri-Ngiri est aussi un facteur déterminant de la désadaptation/mésestime des adolescents de Ngiri-Ngiri ? Cette interrogation a vraiment appelé à la prudence lors de l'interprétation des résultats et convie d'ailleurs les chercheurs à la réflexion.

Toutefois, l'analyse descriptive des données a indiqué que, pour surmonter l'adversité familiale, 37,5% des adolescents interrogés empruntent souvent la voie de libération de l'émotion, 42,8% demandent des conseils auprès des autres, 33,6% cherchent très souvent un soutien spirituel/divin dans leur religion, 33,6% recourent à la distraction, 34,2% cherchent très souvent du soutien moral de la part des amis/voisins, 35,5% préfèrent souvent abandonner les objectifs en cours pour se pencher à la situation adverse, 32,2% refoulent dans l'inconscient l'adversité, 34,9% préfèrent souvent se distraire en allant au cinéma ou en regardant la télévision, 36,2% préfèrent souvent vivre avec l'adversité afin d'en tirer une expérience. En somme, le taux de la désadaptation psychologique a été de 40,8% à Ngiri-Ngiri, 30,3% à Gombe, soit une moyenne de 35,5%.

Ces résultats rencontrent le postulat émis par Sameroff (2006) qui souligne que les enfants exposés à l'adversité et aux troubles du parentage ont un moins bon développement que leurs pairs non-exposés. L'enquête réalisée par l'ORS PACA (2008) a indiqué que les jeunes qui ont subi des événements stressants et de dysfonctionnements familiaux présentent plus de risque de développer des problèmes psychologiques. Luthar (2006), Masten et Gewirtz (2007), Sameroff (2006) et Yates (2006) ont souligné que la résilience est fortement associée aux facteurs sociaux/environnementaux tels que les facteurs socioéconomiques du milieu familial. Mais aussi, ils pensent qu'il existe des données probantes indiquant que les facteurs génétiques contribuent énormément à la capacité de résilience des enfants. C'est ainsi qu'ils martèlent que la résilience n'est pas une capacité commune ; elle est dorénavant individuelle. Malgré cet argument scientifiquement prouvé, l'évaluation globale de la résilience permet d'émettre une présomption quant au devenir psychosocial d'une cohorte de la population (Anaut, 2005 ; Lecomte, 2004).

En ce qui concerne l'estime de soi, les adolescents présentent des scores aussi bas que ceux attendus. L'analyse des données montre que face à une situation de vie jugée adverse, 38,2% des adolescents sont ceux qui maintiennent toujours leur estime devant leurs pairs ; 36,8% sentent toujours le plaisir de rencontrer des nouvelles situations ; 40,8% sont ceux qui souhaitent souvent discuter avec les amis pour savoir quoi faire ; 32,9% sont ceux qui affirment souvent mériter du respect des autres malgré la situation qu'ils traversent ; 34,2% sont ceux qui se sentent souvent préoccupés par ce que l'on pense d'eux quand ils affrontent l'adversité ; 32,2% considèrent souvent l'adversité comme un défi ; 35% sont ceux qui demandent souvent de l'aide sans se sentir complexés ; 30,3% sont ceux qui prennent souvent le courage de regarder leurs interlocuteurs quand ils parlent et 33,6% sont ceux qui ne se sentent pas souvent nerveux/timides quand ils rencontrent les inconnus. Ces données indiquent qu'il y a problème d'estime de soi chez les adolescents kinois. La prévalence de la mésestime a été estimée à 39,5% à Ngiri-Ngiri, à 34,2% chez les sujets de Gombe, soit une moyenne de 36,8%.

Les parents des familles défavorisées, surtout ceux du sexe masculin accordent peu d'intérêt à l'encadrement des enfants ; cette situation s'associe à une faible estime de soi des adolescents (SCP, 2000). André (2004, 2005) a souligné que la pauvreté des parents et l'estime de soi des enfants sont inextricablement associés. Plusieurs écrits recensés ont indiqué que les parents appartenant à une classe sociale supérieure favorisent le maintien de l'estime de soi chez leurs enfants-adolescents. Cependant, cet argumentaire ne semble pas aller dans le même sens que les résultats de notre étude. Dans cette recherche, un pourcentage considérable des sujets non-exposés a présenté une mésestime. Existe-il des facteurs susceptibles de favoriser un trouble d'estime de soi chez les adolescents non-exposés à la défavorisation ? Cette question reste encore ouverte à la recherche.

Il a été indiqué que les comportements parentaux résultant du SSEp bas affecteraient l'adaptation psychologique et l'estime de soi de l'adolescent et de ce fait, seraient les précurseurs de l'attachement du type désorienté/désorganisé - clé de la déviation mentale (Leblanc, 2007). Des adaptations comportementales de l'adolescent auraient pour but de permettre de trouver les stratégies de coping visant à entretenir et conserver le lien avec le parent, ce lien étant vital pour sa survie. A travers ses interactions avec le parent, dans lequel l'adolescent se sent sécurisé/insécurisé, il développe son modèle interne opérant, qui est sa perception de lui ; en d'autres termes, son estime de soi au regard de ses pairs (Main et coll., 1985 ; dans Leblanc, 2007).

Sur base du cadre de référence développé dans cette étude (les théories d'attachement, de stress et coping ainsi que le modèle hypothétique de la relation binaire parent-adolescent), il est possible de présumer que les parents qui ont un SSEp bas et qui n'encadrent pas correctement leurs enfants-adolescents les prédisposent à l'altération de leur santé mentale  et d'ailleurs, selon Harmer et coll. (1999 ; dans Leblanc, 2007), ces parents ont peut-être eux-mêmes subis des effets de la pauvreté durant leur enfance. Tous ces arguments justifient l'importance du cadre de référence utilisé pour examiner l'influence du profil des parents sur la santé mentale des adolescents.

5.2 Associations étudiées et inférence statistique

Cette étude est analytique ; elle a cherché à examiner les associations entre SSEp et résilience puis l'estime de soi des adolescents. Les analyses des liens ont montré que les enfants exposés au SSEp bas considéré comme l'adversité ont présenté les maladies étudiées. Le test de comparaison des taux de prévalence entre E+ et E- (Khi2) a été appliqué. L'analyse brute de l'association entre E et Rs, faite sur base d'un tableau 2x2 a donné un Khi2 de 21,839, un test statistiquement très significatif par rapport à valeur critique de 3,84 (p = 0,05), le RR = 2,6 (IC à 95% : 1,1551 ; 3,689) et l'OR = 5,242 (IC à 95% : 3,046 ; 8,288) ; p < 0,001 pour un ddl (IC à 95% ; p = 0,05) et celle entre E et SE faite sur base du même tableau a donné un Khi2 de 19,117, le RR = 2,4 (IC à 95% : 1,325 ; 3,475) ; p < 0,001 pour un ddl et l'OR = 2,636 (IC à 95% : 2,559 ; 6,718) p < 0,001 pour un ddl (IC à 95% ; p = 0,05). Ces résultats qui ont donné les valeurs du Khi2 supérieures aux valeurs critiques ont permis d'accepter l'H1 de la relation positive et significative entre E et Rs puis E et SE et de rejeter l'H0 de l'absence de l'association.

Les analyses ajustées par le test de MH sur une table de contingence (2x2) ont donné, pour l'association E et Rs, un Khi2MH de 20,105, un test statistiquement très significatif par rapport à valeur critique de 3,84 (p = 0,05), un ORMH de 1,657, (IC à 95% : 0,938 ; 2,376) p < 0,001 à 1 ddl (IC à 95% ; p = 0,05) et pour celle de E et SE, un Khi2MH de 17,518, un test très significatif sur le plan statistique ; l'ORMH = 1,534 (IC à 95% : 0,829 ; 2,242) p < 0,001 pour 1 ddl (IC à 95% ; p = 0,05). Ces résultats ajustés qui donné des valeurs du Khi2 toujours supérieures aux valeurs critiques ont permis d'accepter l'H1 de la relation positive et significative entre E et Rs puis E et SE et de rejeter l'H0 de l'absence de l'association. Les analyses stratifiées opérées sur les facteurs supposés confondants ont révélé que ces facteurs sont soit protecteurs, soit modificateurs d'effet dans l'association entre SSEp et Rs/SE. Les résultats de régressions logistiques pour les sous-variables de l'exposition et les maladies étudiées ont montré à partir des rapports des cotes ajustés qu'il y a associations entre ces sous-variables et les maladies étudiées bien que la plupart d'entre elles sont de faible magnitude.

Toutefois, on ne peut exclure l'hypothèse des biais attribuables aux faiblesses méthodologiques. Ceci étant vrai aussi bien pour les résultats des analyses descriptives, comparatives que pour ceux de la régression logistique.

Sur le plan international, certaines études ont souligné qu'en clinique, la fréquence des troubles de santé mentale est souvent plus élevée chez les adolescentes que chez les sujets du genre masculin ; ceci parce que les jeunes filles expriment volontiers leurs problèmes et ont recours à l'information que les garçons ; les jeunes adolescents qui sont exposés à la défavorisation parentale (HCSP, 2000 ; ORS PACA, 2008). Sur le plan biologique, il a été démontré que les adolescents sécrètent des hormones qui augmentent les pulsions sexuelles mais les rendant fragiles face aux adversités ; mais grâce aux génotypes d'origine parentale, certains peuvent surmonter les adversités avec un peu plus de facilité pour garder une bonne estime (Enyouma et coll., 1999 ; Luthar, 2006 ; Sameroff, 2006).

Dans notre étude, l'effet enquêteur a été minimisé par la réalisation d'une enquête pilote, les facteurs confondants ont été pris en compte, le SSEp est une exposition permanente, il a été suggéré que l'amélioration du SSE des parents a l'avantage de contribuer à la réduction des problèmes scolaires, comportementaux et de santé mentale (Leblanc, 2007). L'analyse des données a montré que l'E+ et la M+ ont été présentes à Ngiri-Ngiri et à Gombe. Ces associations ont été découvertes ailleurs bien que dans d'autres contextes ; Cependant, aucune étude d'intervention n'a encore été réalisée dans ce sens. Le 2/3 des instruments utilisés ont déjà fait l'objet d'une validation externe ; loin de satisfaire à toutes les conditions, ces critères semblent ouvrir la voie à l'inférence de ces résultats.

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery