WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les déterminants des intentions de retour des personnes déplacées internes à  l'est du Tchad

( Télécharger le fichier original )
par Chiackre BREYE
Institut de Formation et de Recherche Démographiques (IFORD), Université de Yaoundé II (SOA) - DESS en Démographie 2007
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

INTRODUCTION GENERALE

«... Jamais encore dans l'histoire récente, des foules aussi nombreuses, dans autant d'endroits du globe, n'avaient été obligées de quitter leur pays ou leur communauté pour chercher refuge ailleurs. Jamais encore le problème du déplacement massif de populations n'avait tant préoccupé les Nations Unies et ses Etats membres. Et jamais encore le sort des personnes déracinées n'avait été communiqué à un public aussi étendu, ni illustré de manière si frappante«.

Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, 1995, p.11.

1. Déplacement forcé dans le Monde et en Afrique

Aujourd'hui, aucun continent n'est à l'abri du problème de déplacement forcé comme le dit clairement le Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés1. Certaines circonstances obligent les populations à faire des déplacements inopinés, collectifs, regroupant toutes les classes d'âge, toutes les catégories sociales. Il peut s'agir d'exode, de fuites face à des situations de danger (catastrophe naturelle, famine, violence) ou de déplacements imposés par des gouvernements ou des factions armées. Certains de ces déplacements sont temporaires: le danger passé, les groupes se réinstallent, avec plus ou moins de difficultés, dans leur espace de départ. Ces retours peuvent être rapides: les agriculteurs reviennent dans leurs villages quelques semaines ou quelques mois après une inondation, une éruption volcanique, etc. Dans d'autres cas, la situation se prolonge ou se pérennise, les familles s'établissant dans de nouveaux lieux de façon durable. Ils rentrent, consciemment ou non, dans la logique de la migration.

On réserve le terme de personnes déplacées aux victimes des migrations sous contraintes qui restent dans les frontières de leur pays, contrairement aux réfugiés qui ont traversé ces frontières et qui cherchent la protection d'un autre Etat. Ce sont ces réfugiés uniquement qui bénéficiaient de la protection et de l'assistance de l'UNHCR. Mais face à la multiplication des conflits armés faisant des milliers de déplacés internes et surtout aux

1 UNHCR, Les réfugiés dans le monde: en quête de solutions, La découverte, Paris (France), 1995, p.11.

réticences croissantes des pays à recevoir de nouveaux réfugiés, l'UNHCR a décidé d'intervenir dans certaines zones pour protéger et assister les personnes déplacées à l'intérieur de leurs pays.

Le rapport de l'UNHCR de 1997 note qu'au-delà des problèmes de définition, un vaste consensus international s'accorde à reconnaître que la population mondiale des personnes déplacées à l'intérieur de leurs propres pays est de l'ordre de 25 à 30 millions de personnes. Les études de l'Organisation des Nations Unies et de ses agences, ainsi que du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) au début des années 1990 montrent que l'Afrique est de loin le continent le plus touché par ce problème avec environ 16 millions de déplacés internes. L'Asie en recense entre 6 et 7 millions, l'Europe 5 millions et les Amériques centrale et du Sud, 3 millions. Des situations nouvelles apparaissent au Kosovo, au Timor oriental et en Tchétchénie. Autant de crises qui semblent attester de l'aggravation du problème du déplacement interne de populations. Dans le même temps, des situations plus anciennes comme celles de l'Afghanistan, de l'Angola, du Burundi, de la Colombie, du Sri Lanka et du Soudan continuent de se dégrader. D'autres, comme celles de l'Azerbaïdjan et de la Géorgie, restent stationnaires sans que des solutions durables ne soient en vue. Dans nombre de ces conflits, le déplacement de la population civile est au coeur même des objectifs de la guerre. Les conflits rwandais et yougoslaves en sont les illustrations les plus médiatisées.

Ce même rapport décrit certaines situations des IDPs à la mi-1997: en Azerbaïdjan par exemple, écoles, hôpitaux, usines désaffectées et wagons continuent à être utilisés pour abriter le demi million de IDPs par le long conflit qui oppose, depuis 1988, ce pays à l'Arménie (au sujet du Ngorny-Karabakh). Au Sri Lanka, le conflit ancien qui oppose les forces armées sri lankaises aux séparatistes tamouls a provoqué une des situations de déplacement interne les plus importantes et les plus durables du monde: elle concerne plus d'un million de personnes. En Turquie, le conflit entre les forces armées et les indépendantistes kurdes a obligé nombre de villageois à quitter leurs montagnes pour s'installer dans les villes. L'estimation du nombre de ces IDPs varie entre 500 000 et 2 000 000. En ce qui concerne l'Iraq et la Birmanie, on compte respectivement 1,1 millions en Iraq et environ 1 million de personnes réfugiées dans une autre partie de leur pays d'origine en raison de la guerre et des violences (il s'agit des IDPs) selon le Global IDP Project en 2003. Le Soudan, déchiré par la guerre civile depuis plus d'une décennie, est considéré comme le pays comptant actuellement le plus grand nombre de

déplacés, soit quelques quatre (4) millions de personnes2. La moitié d'entre eux a quitté le sud pour les régions du nord du pays, notamment Khartoum où beaucoup ont été placés dans des camps spéciaux. En 2003, trois (3) millions de personnes ont fui les violences en République Démocratique du Congo, dont 700 000 personnes dans la province de l'Est (Global IDP Project, 2003). En Colombie enfin, le nombre de IDPs s'est fortement accru depuis 1995 pour atteindre 900 000 en 1997 et trois (3) millions en 2004 soit 7,0% de la population (UNHCR, 2004).

La Banque Mondiale, principale investisseur des grands travaux réalisés dans le Tiers Monde, s'est préoccupée d'une autre catégorie de migrants forcés ou contraints: les victimes du développement. Elle estime à 90 ou 100 millions le nombre de personnes déplacées de force dans le monde au cours de ces dix dernières années à cause de chantiers de grande ampleur (construction de barrages, infrastructures de transport, développement urbain, etc).

Une autre catégorie de déplacés est régulièrement évoquée depuis une dizaine d'années, notamment dans la littérature anglo-saxonne: les «éco-réfugiés», victimes de la rupture durable de l'équilibre entre population et ressource (Lassaily-Jacob, 1999 cité par Michelle GUILLON et Nicole SZTOKMAN, 2004, p.150). L'exemple le plus fréquemment proposé est le déplacement des éleveurs du sahel, chassés par la multiplication des épisodes de sécheresse. On y rattache aussi les déplacements entraînés par les perturbations climatiques liées au courant El Niño3 en 1997-1998: inondations au Bangladesh ou gigantesque incendie en Indonésie. Mais il n'existe que peu de travaux et aucune donnée fiable n'est disponible sur cette catégorie de migrants. Les personnes déplacées et plus particulièrement les plus vulnérables (femmes et les enfants) sont sous le coup de toute sorte de menaces: pertes de leurs possessions, privation de biens et de services, violences et insécurité, etc.

2 GUILLON (M.) et SZTOKMAN (N.), Géographie mondiale de la population, 2e éd., Paris (France), 2004, p150.

3

El Nino est un courant chaud qui tient sa renommée des catastrophes climatiques qu'il engendre et qui ont déjà causé des milliers de morts

2. Zone d'étude et importance du déplacement forcé interne

L'impact de la crise du Darfour sur le Tchad s'est traduit non seulement par l'afflux de Soudanais, mais également par le retour de Tchadiens (installés au Soudan suite à la famine qui a sévit au Tchad en 1983-84) et par des déplacements internes. Ceux-ci sont provoqués par des tensions internes au Tchad dues à la présence de groupes armés opposés à l'actuel régime politique et qui opèrent depuis le Darfour. La crise de déplacement interne dans cette région n'a commencé qu'à la fin de 2005.

Ainsi, l'UNHCR (2007) annonce un chiffre global de plus de 172 600 personnes déplacées à l'Est du Tchad toutes causes confondues. Il indique que, près de 53 000 civils tchadiens ont été contraints de fuir la frontière sud-est avec le Darfour (Soudan) à cause de la guerre entre fin 2005 et mi-2006. Les attaques des «janjaweeds»4 ont fait fuir plus de 1.000 personnes qui se sont rendues dans le camp de déplacés internes situé à Habile, qui accueillait déjà 3.500 Tchadiens. Entre décembre 2006 et janvier 2007, la situation s'est encore détériorée et une autre vague d'attaques dans la région de Koukou-Angarana (au sud-est de Goz Beida dans le Dar Sila) a fait environ 20 000 déplacés Tchadiens. Plus de 10 000 ont été déplacés en raison des attaques transfrontières dans la région de Borota (dans le département d'Assongha).

L'UNHCR (2007) annonce qu'environ 63.000 Tchadiens ont été déplacés suite à des violences interethniques dans l'Est du Tchad. Ces violences se sont perpétuées durant l'année 2006, particulièrement au cours du second semestre, et en 2007. Suite à une vague de violences interethniques qui a débuté fin 2006, environ 25 000 Tchadiens se sont déplacés et rassemblés aux alentours de Goz Beida (situé à l'ouest du Dar Sila) près de Koukou-Angarana et dans la zone de Koloy/Ade5(située à la frontière du Dar Sila avec le Soudan). Le UNHCR annonce que plus de 10 000 personnes provenant de plus de 20 villages ont fui les hostilités intercommunautaires et se sont rassemblés dans le village de Gassire, à 8 km au nord de la localité de Goz Beida (dans le Dar Sila), tandis que d'autres se sont déplacés vers le camp des réfugiés de Goz Amir6(près de Koukou Angarana). Dans la vague de conflit intercommunautaire qui a débuté en mars 2007, plus de 9 000 personnes provenant de 31

4 Littéralement «diables à cheval» sont issus des tribus pastorales soudanais qui n'hésitent pas à pénétrer le territoire tchadien pour y mener des razzias à la fois contre les populations soudanaises réfugiées mais de plus en plus souvent contre les populations tchadiennes.

5 MSF, rapport d'activité, N'Djaména, 2006, p.12.

6 Ibidem, P.5.

villages ont été contraints à fuir. Ces attaques auraient causé la mort d'au moins 220 personnes. Toutes ces IDPs se trouvent groupées dans plusieurs sites, plus de 100.000 d'entre elles se trouvent dans le seul département de Dar Sila.

La présente étude concerne l'ensemble des départements de Dar Sila, de Ouara et d'Assoungha (situés à la frontière du Darfour) où des sites pour les personnes déplacées internes (IDPs) sont installés.

Carte 0.1: Principaux sites et évolution des effectifs des IDPs

3. Problématique

Les conflits armés, interethniques et intercommunautaires provoquent souvent des déplacements massifs de personnes, tant à l'intérieur des frontières d'un pays qu'à travers des frontières internationales. Dans la plupart des cas, ces personnes ont dû partir en laissant derrière elles presque tout ce qu'elles possédaient. Elles sont obligées de parcourir de longues distances, souvent à pied, pour trouver un sanctuaire à l'écart des combats. Des familles sont dispersées, des enfants sont séparés de leurs parents dans le chaos de la fuite, des personnes âgées, trop faibles pour entreprendre un voyage aussi pénible, sont abandonnées à leur sort. C'est pourquoi le déplacement de personnes dans leur propre pays à cause d'une guerre ou d'une catastrophe naturelle est une source de préoccupation de plus en plus importante à travers le monde. Inquiétude tout à fait justifiée: très souvent, les déplacés internes souffrent de conditions d'existence extrêmement dures qui mettent en péril leur survie même. De même, contrairement aux réfugiés, les IDPs ne sont pas protégées par une convention spécifique, elles sont protégées par diverses branches du droit, en particulier le droit national, le droit des droits de l'homme et, si elles se trouvent sur le territoire d'un État en proie à un conflit armé, le droit international humanitaire.

Ainsi, le déplacement forcé massif des personnes à l'Est du Tchad a provoqué une très forte concentration dans les zones d'accueil et dans les camps des réfugiés occasionnant des violations du droit humanitaire et des droits des civils. Cela fait naître des conflits entre populations déplacées et autochtones ou entre groupes ethniques différents. Par exemple, à Dogdoré (au sud-est du Dar Sila à la frontière du Soudan), village de 3.000 habitants, environ 27.000 déplacés y ont trouvé refuge. Certaines populations civiles ont souvent vu leurs maisons, leur bétail et autres biens détruits ou volés dans leurs milieux de départ7. Les IDPs sont extrêmement vulnérables et elles n'ont qu'un accès très limité aux ressources fondamentales telles que l'eau, la nourriture et les soins de santé8.

Dans ce contexte, le retour des IDPs dans leurs villages d'origine s'avère nécessaire et même urgent pour libérer les zones d'accueil des pressions exercées sur les ressources et rééquilibrer les rapports sociaux entre les milieux d'accueil et de départ. Mais d'après les

7 MPAKO F., Déplacés internes au Tchad: coincés entre la guerre civile et la crise soudanaise du Darfour - Rapport de mission, Genève (Suisse), 2007, P.18.

8 UNHCR, Les personnes déplacées interne, questions et réponses, Genève (Suisse), 2006, P.10.

résultats de l'enquête réalisée par l'UNHCR auprès de ces IDPs en avril 2007, plus de la moitié (environ 52,0%) des IDPs n'ont aucune intention de retourner dans leurs villages d'origine. Ainsi, il devient urgent d'analyser les facteurs qui conduisent ces IDPs à refuser de retourner dans leurs villages d'origine, ce qui nous amène à nous poser la question suivante: Comment comprendre le refus des IDPs de retourner dans leurs villages d'origine? Quels sont les déterminants de leurs intentions de retour? Voilà les quelques interrogations qui résument l'essentiel de notre problématique.

4. Objectif visé

L'objectif principal de cette étude est de contribuer à la connaissance des intentions de retour des IDPs en mettant à la disposition des décideurs politiques tchadiens et leurs partenaires (qui interviennent auprès des IDPs à l'Est du Tchad), des indicateurs leur permettant de mieux préparer le retour des IDPs dans leurs villages d'origine. Cette étude vise plus spécifiquement à:

1. Déterminer les profils démographiques et socioéconomiques des IDPs selon leurs intentions de retour;

2. Identifier les déterminants des intentions de retour des IDPs dans leurs villages d'origine.

5. Plan du travail

Pour atteindre les objectifs visés, nous avons choisi de subdiviser ce travail en quatre chapitres. Dans le premier chapitre, nous présentons quelques éléments du contexte général de notre étude et examinons dans le second chapitre quelques approches qui ont tenté d'expliquer la migration forcée. Le troisième chapitre aborde la question de la méthodologie et la source de données utilisées pour les analyses. Enfin, le quatrième chapitre porte sur l'essai d'identification des déterminants des intentions de retour des IDPs. Ce travail se termine par une conclusion qui fait la synthèse des quelques résultats et présente les recommandations formulées à l'issus de ces résultats.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite