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La figure du père dans "Quelques adieux " de Marie Laberge. Discours de l'implicite et stratégies narratives

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par Massiva AIT OUARAB
Université d'Alger - Licence de français 2011
  

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République Algérienne Populaire et Démocratique

Faculté des Lettres et des Langues, Université d'Alger

Département de Français

Ecole Doctorale

La Figure du Père

Dans

Quelques Adieux de Marie Laberge

Discours de l'implicite et stratégies narratives

Mémoire de Magister

Rédigé sous la direction de : Présenté par :

Mme HARAOUI GHEBALOU YAMILE Mlle. AIT OUARAB MASSIVA

Année Universitaire 2007/2008

République Algérienne Populaire Démocratique

Faculté des Lettres et des Langues

Département de Français

La Figure du Père

Dans

Quelques Adieux de Marie Laberge

Discours de l'implicite et stratégies narratives

Mémoire de Magister

Rédigé sous la direction de

Mme HARAOUI GHEBALOU YAMILE

Par

AIT OUARAB MASSIVA

Année Universitaire 2007/2008

Je tiens à remercier chaleureusement Madame HARAOUI GHEBALOU YAMILE pour ses remarques constructives, son soutien et sa disponibilité.

J'aimerais également remercier Madame BERARHI AFIFA pour la confiance qu'elle a su me témoigner.

Un grand merci à mes parents, à mes soeurs, à mon frère, à mes collègues et à mes amis.

A mes soeurs Djidji, Amel et Tinhinane,

mes merveilleuses et indispensables soeurs.

Sommaire

Introduction.............................................................................................6

I- Le choix de la littérature Québécoise, de l'auteur et de l'oeuvre................................7

II- La biographie de M. Laberge.......................................................................9

III- La problématique...................................................................................11

Chapitre I : Temps et Significations

1. Études des indices paratextuels......................................................... 16

Le titre...........................................................................................18

Dédicace et épigraphes.......................................................................21

Les intertitres...................................................................................37

2- Une temporalité interne .....................................................................40

2.1 Le temps de l'histoire racontée .............................................................41

2.2.1 L'ordre et la durée du récit ................................................................44

2.2.2 L'histoire comme signifiant : temps des verbes (le présent et l'imparfait)..........51

Chapitre II : Etude Spatiale

I. Des espaces signifiants..................................................................60

1. Itinéraire des protagonistes : Dans la première partie de l'oeuvre.........................61

2. Le trajet inverse d'une veuve : Dans la deuxième partie..................................67

II. Lectures de l'espace.....................................................................69

1. Les déplacements et la distribution des espaces............................................70

2. Vers des espaces symboliques................................................................77

Chapitre 3 :

Discours de l'implicite : Portrait en esquisses du Père

I. L'imaginaire familial et le fonctionnement social du père dans la société

Québécoise.....................................................................................98

II. Les traits physiques et moraux des pères cités dans l'oeuvre.........................101

.

III. Les rapports Père/Enfant.....................................................................111

A. Le mécanisme du déracinement..............................................................113

B. Le père comme élément central de l'épanouissement ou du non

épanouissement...........................................................................................................118

IV. Le père dans son couple et au sein de sa famille..........................................122

1. Un père entier..................................................................................123

2. Un père manquant..............................................................................124

3. Un père manqué................................................................................125

Conclusion...............................................................................................129

Annexe.....................................................................................................141

Bibliographie............................................................................................154

INTRODUCTION

La culture algérienne accorde une large place aux littératures Francophones, quelles soient maghrébine, sub-saharienne, libanaise ou encore québécoise. Elles ont toutes des préoccupations, souvent, communes à savoir : le déracinement culturel et matériel, l'exil, la crise identitaire et la famille patriarcale. Le dernier point cité sera notre préoccupation dans ce modeste exposé.

La famille patriarcale et plus précisément le  Père a été l'objet de nombreuse représentations dans la littérature maghrébine, les oeuvres de M.Bey, à titre d'exemple, s'intéressent à une figure redondante celle du Père, qui est à la fois le père adoré, le père savoir, le père absent, le père tradition et le père présent1(*), les oeuvres concernées sont : Au commencement était la mer, Cette fille là, Entendez-vous dans les montagnes.

Dans la littérature sub-saharienne, le père a une place capitale, il représente la culture africaine. Il est souvent décrit comme un homme autoritaire et conservateur. Son souci premier est de préserver ses racines. Nous pouvons citer le roman de FOFANA LIBAR, Le fils de l'arbre2(*), qui relate l'histoire de BAKARI revenu d'un voyage où il était resté dix ans. Il apprend que son père l'a marié à une femme BINTOU qu'il ne connaît pas, et qui a déjà un fils YOUSSOUFOU. Les propos que le père avance lorsqu'il voit son fils éberlué, expriment l'inquiétude qu'il porte à ses traditions et à sa terre:

« Mais tu es un arbre, mon fils...Et un arbre...Un arbre....a besoin de ses racines »

« -Occupe-toi de ton frère et travaille la terre »3(*)

Egalement dans la littérature libanaise, le père représente le noyau central de l'épanouissement des enfants, nous pouvons prendre à titre d'exemple le roman d'Alexandre NAJJAR, Le silence du ténor4(*).Ce dernier est un récit autobiographique où l'auteur, après avoir perdu son père, raconte ses souvenirs d'enfance et l'admiration qu'il portait à ce dernier. Il le décrit comme un père :

«  A la fois autoritaire et facétieux, un père sévère, mais aussi plein d'affection et de

tendresse. Un professeur d'espérance et un personnage de roman »5(*)

Dans la littérature québécoise, le père est souvent objet de conflit parce qu'il est peu présent dans la vie de ses enfants et pas chaleureux. Cette image nous la retrouvons dans le roman de Gil COURTEMANCHE, Une belle mort6(*), où le fils n'aime pas son père car c'est un homme impitoyable. Ce dernier, atteint de la maladie de Parkinson sera finalement pris en charge par un fils torturé par le manque d'amour paternel.

Nous constatons que le personnage du père a une place prépondérante dans les littératures Francophones, et pour saisir le fonctionnement de cette figure, nous avons décidé de choisir une oeuvre appartenant à la littérature québécoise.

Le choix de cette littérature, de l'auteur et du texte, sera explicité dans la partie suivante.

I- Le choix de la littérature Québécoise, de l'auteur et de l'oeuvre

La littérature Québécoise connue en Europe, peu diffusée et peu lue au Maghreb, fait l'objet d'une intéressante recherche, menée par la critique maghrébine. Celle-ci nous a permis de découvrir certains écrivains à travers certaines revues littéraires telles que :

-La revue de littérature canadienne, impression de lecture7(*)

-La revue contemporaine des deux rives, Algérie-Canada8(*)

Après cette lecture, certains auteurs sont devenus des classiques : Anne Hébert, Michel Tremblay, Marco Micone, Antonine Maillet, Nancy Houston Robert Lafonde, Jaques Poulin, Marie Laberge. La liste pourrait s'allonger, pour cela nous avons préféré retenir ces quelques noms qui appartiennent à une génération issue de la Révolution Tranquille.

Il convient avant de passer à l'étape suivante d'expliquer ce qu'est la Révolution Tranquille : Celle-ci débute aux élections de 1960 avec la défaite de l'Union nationale et la victoire du Parti Libéral de Jean Lesage. Dès lors le Québec s'oriente vers la voie de la modernité et vers une véritable révolution dans les domaines sociaux, économiques et politiques. L'adjectif Tranquilleattribué à cette réforme montre que ce changement s'est fait sans violence.

Cet intérêt pour la littérature québécoise est le résultat des lectures effectuées durant notre cursus universitaire. Afin d'approfondir nos connaissances, nous avons décidé de retenir Marie Laberge, une grande dame de la littérature québécoise.

Après avoir lu plusieurs articles sur Internet et plusieurs ouvrages de Marie Laberge, notamment la trilogie Gabrielle, Adélaïde, Florent et Quelques Adieux9(*) , nous pensions faire une étude comparative entre Quelques Adieux et Les nuits de Strasbourg d'Assia Djebbar afin de faire ressortir la dimension du corps féminin et voir les points communs et divergents des deux littératures maghrébine et québécoise. Mais nous avons remarqué que cette approche est liée à la figure du Père. Nous nous trouvions donc devant un choix difficile, le premier étant de faire une étude comparative et mettre en relief le corps féminin dans les deux littératures. Le second, devant se centrer sur un seul personnage. Nous avons opté pour la deuxième proposition et ceux pour trois raisons :

1. Nous avions constaté que cette littérature est nouvelle dans notre société et suscite un intérêt que nous avions envie d'explorer.

2. Notre documentation portait essentiellement sur Marie Laberge et cela par le biais d'Internet et du Département de Français de l'université de Bouzareah.

3. Nous avions remarqué que la thématique du Père était peu travaillée dans la littérature québécoise, c'est ce qui nous a incité à l'exploiter.

II- La biographie de M. Laberge

Née en novembre 1950 à Québec, Marie Laberge a étudié chez les jésuites, ensuite à l'université Laval en journalisme et en information, pour enfin finir au conservatoire d'Art dramatique. Elle est l'auteure d'une vingtaine de pièce de théâtres et de plusieurs romans. Elle a reçu le prix du gouverneur général du Canada pour sa pièce C'était avant la guerre à l'Anse à Gilles10(*), et le prix court métrage de la communauté radiophonique des programmes

De la langue française pour Eva et Evelyne. En 1989, elle a publié son premier roman Juillet11(*) suivi, en 1992, de Quelques adieux12(*) qui lui a valu le Prix des lectrices de Elle Québec.

Pour son roman Annabelle13(*), elle a obtenu le Prix des Libraires du Québec en 1996 et le Prix Ludger-Duvernay en 1997. Son roman La Cérémonie des anges14(*) a également remporté

Le Prix des Libraires du Québec 1999 et le Prix du public du Salon du livre de Trois-Rivières. La trilogie Le goût du bonheur15(*) est récompensée par le Prix du public du Salon du livre de Montréal en 2001. Marie Laberge est membre de l'Union des écrivaines et des écrivains québécois.

Marie Laberge est romancière mais aussi une comédienne de théâtre. C'est une femme qui s'est investie sur la scène littéraire, elle en fait sa passion, sa raison d'être et sa vie :

« Je me dis que j'avais besoin d'inventer des mondes pour que ces mondes-là s'animent, existent, et que l'imagination existe aussi. Pourquoi je continue ? C'est une question de nécessité personnelle. Je crois que je pourrai me priver d'à peu près tout dans la vie, mais certainement pas de l'écriture, ça je n'y arriverais pas. Je n'arriverais pas à être une femme normale, si je n'arrivais pas à écrire. »16(*)

Nous avons retenu dans la production de cette auteure l'ouvrage romanesque suivant, Quelques Adieux17(*)pour deux raisons :

1. La présence constante dans la mémoire des personnages de la figure du Père.

2. La capacité, de l'auteure, à transformer une histoire banale en une histoire exceptionnelle.

Quelques Adieux, relate l'histoire de François, enseignant à l'Université Laval marié à Elisabeth. Ce personnage tente de retrouver dans sa mémoire des souvenirs d'enfance liés à son père, mais il s'aperçoit qu'il n'en a pas. Dès qu'il apprend que son père est mort, il ressent le besoin d'avoir une relation extraconjugale, un sentiment nouveau qu'il n'explique pas et qu'il ne contrôle pas.

« (...)-Mon père est mort la semaine passée.

(...)- Depuis que mon père est mort, j'oublie tout, je mélange tout, je suis

presque devenu idiot. On dirait qu'il a emporté avec lui mon sens des

responsabilités »18(*)

Après la mort de son père, François vit une passion dévorante avec son étudiante Anne Morissette. La relation des deux protagonistes finit par la mort de François dans la première partie de l'oeuvre et par la quête d'Elisabeth, femme de François, dans la deuxième partie. L'objectif de ce personnage féminin est de retrouver un passé qu'elle croyait connaître.

Après avoir justifié le choix de la littérature Québécoise, de l'auteure Marie Laberge, de son ouvrage Quelques Adieux et de la thématique du père. Il est nécessaire d'annoncer la problématique.

III- La problématique

Nous avons remarqué que le père est lié au personnage central du roman, il est présenté sous différentes formes, le père irresponsable, le père oublié et le père aux souvenirs perdus dans la mémoire de François Bélanger. Par contre Anne Morissette retient l'image d'un père aimant, d'un père aimé et d'un père aux souvenirs retrouvés.

Les deux valeurs différentes du père constituent notre centre de préoccupation, car elles peuvent expliquer les perturbations et l'envie de retrouver des souvenirs d'enfance, dont sont victimes les personnages.

Notre objectif consistera à analyser la présence et l'influence de cette figure fugace dans l'écriture de Marie Laberge. Notre travail sera d'identifier tous les éléments qui se rapportent à un personnage omniprésent mais masqué et cela en optant pour une approche pluridisciplinaire.

L'expression de l'intitulé de ce mémoire, à savoir «Discours de l'implicite et Stratégies narratives » est un élément important dans l'analyse du personnage fugace.

La stratégie narrative fait ressortir une écriture qui s'articule autour de l'étude de l'espace, du temps et des personnages à partir desquels nous localiserons et mettrons à jour une organisation explicite et implicite du sens.

Notre étude va répondre aux questions suivantes :

1. Quels procédés d'écriture, parmi lesquels le traitement au temps, à l'espace et aux personnages, M. Laberge convoque pour représenter le Père ?

2. En quoi ce personnage représenté très brièvement dans la narration, a-t-il une influence sur la relation entretenue par Anne et François ?

3. En quoi ce rapport est-il dénonciateur dans les histoires respectives des trois principaux protagonistes?

Il convient à présent de s'interroger sur les outils méthodologiques qui vont nous permettre de répondre à ces questions.

Notre approche de l'oeuvre de Marie Laberge s'appuie, essentiellement, sur les travaux de théoriciens qui ont pour objet de recherche : la narratologie et l'anthropologie. Nous ferons appel, de manière brève, à quelques notions de psychanalyse dans le troisième chapitre de notre travail afin de mettre en avant la notion de déracinement.

Il s'agira pour nous, par le biais de ces outils, d'analyser notre corpus pour faire ressortir la figure du père, peu présente dans le récit.

L'identification de ce personnage va se faire en trois étapes matérialisées en trois chapitres : Le premier aura pour objet d'étude le temps  interne et externe de l'oeuvre. Et pour cela, nous allons solliciter, principalement, les travaux de G. Genette et plus précisément son ouvrage Seuils pour l'étude du paratexte. Cependant, ce critique ne sera pas notre unique référence, d`autres critiques s'imposeront à notre recherche. Quant à notre deuxième étape de l'analyse temporelle, c'est-à-dire le temps interne, le recours à un ensemble d'ouvrages théoriques est indispensable, nous allons travailler sur :

G. Genette, Figure III19(*), P. Hébert « La technique du retour en arrière dans le nouveau roman au Québec et en France »20(*) pour les anachronies, Y. Reuter, L'analyse du récit21(*) pour l'ellipse, H. Weinrich, Le temps22(*), P. Goldenstein, Pour lire le roman23(*) , J. M. Adam, Le récit24(*) pour le temps de la narration.

Ce recours aux temps interne et externe du récit, va nous permettre de montrer qu'un élément constant revient à chaque étape de notre travail, un élément qui n'évolue pas directement dans le récit, mais plutôt à travers les évocations qu'en font les personnages ou le narrateur. Néanmoins, les événements gravitent plus ou moins rapidement autour de lui.

A travers l'étude du paratexte, nous verrons les influences littéraires de l'écrivaine, M. Laberge, et nous essayerons d'expliquer la structure romanesque adoptée. Par le biais des anachronies et surtout l'utilisation des analepses, nous tenterons de mettre en avant les événements en rapport avec le passé des protagonistes et voir en quoi ces événements peuvent être liés à la figure du père. L'ellipse temporelle nous permettra de déduire, puis de retracer le parcours inverse des protagonistes, de cette manière nous pourrons suggérer les raisons qui ont poussé ces derniers à s'engager sur le chemin d'une passion dévorante.

Notre objectif de l'étude de l'éllipse, est de montrer que les transformations subies par les personnages sont, souvent, liées au personnage du père.

Le temps de la narration et plus précisément l'utilisation de l'imparfait, permet de repérer des lieux de jonction entre le temps de la narration et les analepses. De ces lieux de jonction, nous verrons émerger un élément redondant, en rapport avec le personnage du père : à savoir la mémoire de l'enfance des protagonistes.

Le deuxième chapitre de notre travail, consistera à prendre en considération la dimension spatiale de l'oeuvre. Celle-ci sera divisée en deux parties : Les déplacements et distribution des espaces, où certains indices vont nous permettre de reconstituer la figure du père. Et l'espace symbolique qui est repéré  d'une part, à travers l'utilisation d'objets représentatifs et la mise en abyme de la gravure, d'autre part, dans la prise en considération de certains thèmes qui entretiennent des liens avec les secteurs anthropologiques de la société, et à travers lesquels s'expriment des besoins fondamentaux. Ces derniers vont donner une impulsion particulière aux comportements, aux choix et aux déplacements des personnages. Ce sont principalement l'amour, la mort et la sexualité.

Comme notre démarche sera pluridisciplinaire, l'analyse spatiale va convoquer  la narratologie pour l'étude de l'espace, avec pour principales références critiques : J-P. Goldenstein, Pour lire le roman25(*) , un article d'Henri MITTERAND26(*)  et J. WEISGERBER L'espace romanesque27(*).

Cette étude de l'espace symbolique s'appuiera, également, sur G. Bachelard avec son ouvrage critique de l'imaginaire poétique.

L'analyse de la spatialité est nécessaire dans la mesure où elle va nous permettre de retracer les parcours des personnages, à partir desquels nous pourrons dégager une structure signifiante qui rendra compte des comportements et des métamorphoses éventuels des protagonistes. Cette démarche nous permettra également de saisir en quoi et comment la figure du père est liée à ces changements.

Quant à l'étude symbolique de l'espace, il s'agira pour nous de cerner comment les déplacements spatiaux effectifs des personnages sont liés à l'imaginaire, à l'intériorisation d'un vécu, qui prend alors une densité anthropologique particulière, liée aux grands thèmes mythiques attachés à l'humanité, à savoir l'amour, la mort et la sexualité. Cet intérêt que nous portons aux espaces symboliques, va faire ressortir le lien entre l'imaginaire et l'importance du père.

Le troisième chapitre de notre exposé, sera consacré au personnage du père. Celui-ci sera non seulement repéré grâce aux indices implicites présents dans le texte, mais il fera l'objet d'une description physique et morale. Ces indices nous mettront sur la voie des rapports père/enfant, et sur la relation que ce père entretient avec sa famille. Pour analyser cette figure complexe, nous allons solliciter plusieurs théories appartenant à diverses disciplines, pour la narratologie, nous citons : J-P. Goldenstein, Pour lire le roman28(*) , Y. Reuter, L'analyse du récit29(*) , E. Borda, C.B. Moison, G. Bonnet, A. Déruelle, C. M. Colard, L'analyse littéraire30(*) , PH. Hamon, Le personnel du roman31(*) , P. Claudes, Y. Reuter, Le personnage32(*).

Pour la sociologie, nous convoquerons : G. Dulac, La fragilité de la paternité dans la société Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire et du père abject 33(*), Sophia Mappa, Développer par la démocratie34(*), Claude de Grève, Éléments de littérature comparée II. Thèmes et mythes35(*).

Pour la psychanalyse, nous nous référerons à la Revue de Psychanalyse Filigrane36(*).

En effet, le personnage du père sera d'abord identifié à partir de l'imaginaire familial et du fonctionnement social de la société québécoise afin d'avoir une idée sur l'image que celui-ci entretient dans cette culture. Puis, nous enchaînerons avec les caractéristiques physiques et morales des pères des personnages dans le but d'expliquer les rapports père/enfant, ainsi nous pourrons reconstituer l'enfance des protagonistes.

Cette démarche, nous permettra de différencier les personnages épanouis de ceux qui ne le sont pas. Et enfin, nous terminerons notre analyse du personnage du père en exposant ses relations affectives au sein de sa famille et au sein de son couple, et cela  pour mettre en évidence la complexité de cette figure.

Nous allons passer, maintenant, à la mise en oeuvre de notre démarche en commençant par la première étape, à savoir l'étude des indices paratextuels.

CHAPITRE UN

« Temps et Significations »

1- Etudes des indices paratextuels

Le sens implicite véhiculé par ce roman de M. Laberge se dégage à partir du discours liminaire à l'oeuvre, mis en place grâce au titre, à la dédicace et à la présence d'épigraphes au début de chaque chapitre.

Dans un premier temps, nous allons définir ces trois notions avant de les mettre en relation avec le contenu de l'oeuvre. De cette manière, nous pourrons constater que certains thèmes ressortent et sont présents dans le roman. Notre lecture du paratexte aura pour objet d'apporter non seulement des éclaircissements concernant les thèmes redondants dans les épigraphes, puis éventuellement dans l'oeuvre ; il s'agira aussi pour nous de retrouver le point commun de ces derniers, c'est-à-dire, de mettre en évidence ces pratiques d'écriture liées au paratexte.

La première notion mentionnée ci-dessus, le titre, est définit comme une  « formule signifiante et la plus raccourcie du roman (...), elle renvoie aux quatre fonctions que Genette emprunte à Grivel et à Hoeuk, il désigne et identifie l'ouvrage, il le décrit, il connote et il séduit »37(*). Cette définition retient l'idée que le titre suggère le contenu et a la même fonction qu'un message publicitaire, celui d'attirer l'attention du lecteur.

Il doit, également, l'attirer, éveiller sa curiosité et son désir de lire l'ouvrage d'où la fonction de séduction. L'analyse du titre se donnera comme tâche d'interroger la pertinence de ces quatre fonctions par rapport au contenu de l'oeuvre.

Le Robert (1995) définit la dédicace comme un hommage que « l'auteur fait de son oeuvre à quelqu'un, par une inscription imprimée en tête de l'ouvrage »38(*) , c'est-à-dire que l'auteur, à travers sa dédicace, affiche une relation entretenue ou qu'il entretient toujours avec des dédicataires. Ces derniers peuvent être des personnes connues ou méconnues du public, comme elles peuvent faire partie de l'environnement de l'auteur et donc, connues de lui seul.

On en retrouve une concernant les soeurs de l'écrivaine.

La dernière notion à laquelle nous ferons référence dans notre analyse est la présence d'épigraphes. L'épigraphe par définition est une inscription, une sentence placée au début de chaque partie ou au début d'une oeuvre, afin d'en suggérer le contenu.

Dans notre analyse, nous nous intéresserons au rapport existant entre l'épigraphe et le chapitre qu'elle préside ainsi que la fonction et le choix des épigraphiés par l'épigrapheur.

En d'autres termes, le titre, la dédicace et les épigraphes soulignent l'idée de la relation qui s'établit entre le paratexte et le contenu de l'oeuvre. De ce rapport, nous pouvons faire ressortir un aspect de la socialité de l'oeuvre ou du texte, c'est-à-dire mettre en avant des préoccupations littéraires, sociales, qui pourraient expliquer le choix des indices paratextuels par l'écrivaine.

1.1- Le titre :

Le titre est l'élément premier qui attire l'attention du lecteur, il doit remplir certaines fonctions : informative, conative et incitative. Il agit tel un message publicitaire dont l'objectif est de séduire, il est à la fois partie d'un ensemble et étiquette de cet ensemble. (...) on éditeur, auteur, typographe se préoccupe de cet aimant de lecture qui doit être stimulation et début d'assouvissement de la curiosité du lecteur 39(*)

Quelques Adieux est directement lié à des événements fictifs. L'adjectif indéfini Quelques associé au nom masculin pluriel Adieux est un syntagme nominal qui nous permet de généraliser  tous les adieux. Adieu, nom masculin, fait référence à «quelqu'un que l'on ne reverra pas de longtemps ou que ne l'on reverra plus »40(*), il dénote des situations plurielles de ruptures : la mort, le divorce et la séparation mais aussi le départ. A priori, le titre n'étant pas long et comportant un sens universel commun à tous les hommes, suppose une aisance d'interprétation pour le lecteur.

Cet énoncé facile à mémoriser, est considéré comme thématique selon G.GENETTE qui déclare que: « (...) Les titres indiquant, de quelque manière que ce soit, le « contenu » du texte seront dits, le plus simplement possible, thématiques (...) » 41(*) et trace aussi la trajectoire de l'acte de lecture et assume la fonction mnésique c'est-à-dire que le titre « (...) travaille sur du déjà familier au lecteur (...) »42(*)

Ce titre aux caractères thématique et mnésique, suggère une histoire qui deviendra claire une fois que nous aurons entrepris la lecture de l'oeuvre. Donc, le titre transmet un savoir qui permet une meilleure compréhension de l'oeuvre. Le lecteur est préparé à une histoire tragique qui annonce, soit une séparation soit la mort d'un personnage. Effectivement, dans Quelques Adieux, les deux protagonistes sont confrontés aux souvenirs douloureux d'une séparation, celle de François avec sa mère: « Elle était morte (...) et Il se sentit terriblement orphelin. Il se dit qu'elle était vraiment morte maintenant (...) Elle était morte toute seule, à l'hôpital, pendant que ses frères étaient allés manger (...) Elle était morte poliment, en secret, fidèle à elle-même (...) »43(*), ses frères qui s'éloignèrent de lui et ne donnèrent aucun signe de vie « (...)Elle (la mère) les avait tenus tous ensemble et, après sa mort, la famille s'était disloquée, comme si tout ce qui les empêchait de se disperser ne tenait qu'à elle. »44(*), et celle de son père qui dans un premier temps n'est pas présent dans son enfance et dans un deuxième temps meurt « Rangé dans une place de vieux,où celui-ci n'en finissait plus de dégringoler les années à rebours et de baver, gâteux (...) »45(*) . La séparation qu'a connue Anne, va influencer sur tout son être et son comportement à venir. Elle perd son père dans un accident, « (...) une mort au volant d'une voiture trop rapide »46(*), et garde en elle l'espoir d'un « retour (...) tant attendu et jamais survenu de son père »47(*). Cette mort aura pour conséquence une fuite redoutable face à tout ce qui peut ressembler à de l'amour. Mais plus pour longtemps, la jeune étudiante tombe dans les filets d'une passion tragique où l'amant, François, brûlant de désir et de passion, meurt d'un cancer, et donc elle vivra une autre séparation.

Cet énoncé dénotatif cède sa place à un foyer connotatif 48(*) c'est-à-dire qu'on passe du thème de la séparation au thème du désarroi : celui d'Anne qui a perdu à jamais le sentiment d'amour et cela après la mort de F. Bélanger. Et celui de François qui est conscient de son incapacité à retrouver la mémoire de son enfance, tente de vivre avec ce sentiment de déchirement et se sent comme coupé d'un arbre, un être déraciné « Personne ne pouvait plus l'aider. Déserté, délaissé, des phrases obsédantes tournaient dans sa tête : rien ne servait à rien, aucun amour n'avait jamais existé. Comment peut-on être un arbre si on n'a pas de racines ? Comment être un homme sans enfance ? » 49(*)

Le titre de l'oeuvre suggère aux lecteurs des troubles psychiques manifestés par les personnages, suite à leurs séparations. Il suffit d'analyser les extraits cités ci-dessus pour saisir que la dimension psychique a une place prépondérante, ainsi que la présence des thèmes de l'amour, de la passion et de la mort, qui entraînent des comportements pour la plupart incompréhensibles.50(*)

Nous constatons que les thèmes redondants dans ce roman sont des thèmes d'actualité et qu'on retrouve, également, dans les autres romans de M. Laberge. Parler de  la vie, de la mort, de l'amour, de la passion et de l'enfance, c'est parler de l'Homme, de son existence, de sa condition et de sa place dans la société. Ces thèmes qui ressortent à travers le titre sont universels et touchent l'humanité, ainsi le lecteur est prédisposé à les recevoir.

L'intérêt que nous portons aux thèmes de Quelques Adieux n'est pas fortuit, il s'agit de mettre en avant les préoccupations de M. Laberge, et par la même occasion celles des écrivains québécois et cela à la même période, également, d'autres écrivains appartenant à d'autres littératures.

Qu'ils soient québécois, maghrébin, africain ou autres, les écrivains exposent ces thèmes universels de différentes manières. Cette diversité est liée, à la fois, au contexte socioculturel et aux procédés d'écritures utilisés par chaque créateur. Nous allons voir comment ces thèmes apparaissent dans le contexte québécois et plus précisément dans Quelques Adieux de M. Laberge.

Après une ère de conservatisme, le Québec assiste à son renouveau dans les années soixante avec la Révolution Tranquille51(*). Celle-ci provoque d'importants bouleversements d'ordre économique, social et culturel. Ce changement va se faire ressentir dans le domaine de la littérature : on assistera à l'émergence d'une catégorie d'écrivains qui désirent s'imposer sur la scène littéraire avec des créations originales. Ils tentent, également, d'écrire sous le sceau de la modernité jusqu'à se libérer complètement de toute norme littéraire et réinventer l'écriture romanesque à partir : de  thèmes considérés, jadis, comme tabous, nous pouvons prendre à titre d'exemple : l'amour, la passion, la sexualité, la mort et l'homosexualité.

Et d'une écriture hybride qui mêle les genres littéraires pour le plus grand plaisir du lecteur, cette écriture métissée donne naissance à plusieurs courants littéraires tels que le nouveau roman ; son objectif est d'échapper à la forme traditionnelle et de s'ouvrir aux autres cultures.

Cette approche de la titrologie, nous a permis de signaler certaines constantes dans l'écriture québécoise. Ces invariants sont : d'ordre du renouveau, ou de celui de l'esthétique. A partir de cette constatation, nous pouvons considérer que le choix d'écriture de notre auteure, sur le plan formel et thématique, vient d'un désir de changement et de liberté.

Pour appuyer notre hypothèse sur les indices partextuels, nous allons étudier les dédicaces et les citations.

1.2-Dédicace et épigraphes

1.2.1- La Dédicace

La dédicace permet à l'auteur de rendre hommage soit à quelqu'un de connu ou pas connu du public, ou de s'adresser directement aux lecteurs afin de lui transmettre un message.

Son utilisation « affiche (...) une relation (...) entre l'auteur ou quelque personne, groupe ou entité »52(*). Il s'agit d'une collaboration et d'un soutien des personnes proches de l'écrivaine, et c'est aussi une forme de reconnaissance à l'égard des dédicataires. Selon Lucie Joubet, qui a fait une étude du paratexte dans l'oeuvre d'Anne Marie Alonzo, Geste53(*) : les dédicataires « témoignent à plusieurs reprises d'un besoin de rattacher le recueil présenté à ceux et celles qui ont déjà participé à l'élaboration de l'ensemble de l'oeuvre »54(*).

Elle donnera l'exemple de « Margie Gillis, La danse des marches, qui est dédié à celle qui précisément, a inspiré le texte »55(*)

Le roman de M. Laberge est dédié à ses soeurs :

« A mes soeurs Lise, Michèle, Francine, Claire et Louise, mes merveilleuses,

indispensables soeurs. »

Cette dédicace, placée au début du roman, met en avant une relation fraternelle intense, l'utilisation des deux adjectifs merveilleuses et indispensables, expriment un attachement particulier à la famille; le pronom possessif mesrenforce ce sentiment et accentue le degré de sororité. Il est vrai que le lecteur peut se poser des questions concernant les dédicataires, il peut vouloir connaître la raison qui a poussé l'auteure à dédier son roman, uniquement, à ses soeurs et non à ses parents :

Quelques Adieux contient un passage sur les soeurs Brontë, qui peut nous permettre de revenir à la dédicace. Ce retour à un élément du paratexte n'est pas accidentel, il s'agit d'une stratégie d'écriture qui a pour objectif d'éveiller les soupçons du lecteur et de le pousser à réfléchir à une éventuelle comparaison entre les soeurs Brontë et les soeurs Laberge.

Pour être plus précis, dans le premier chapitre de l'oeuvre Le désir le personnage de François Bélanger demande à son étudiante Anne Morissette de faire un exposé sur les soeurs Brontë. Ce travail est le résultat d'un débat fougueux qui a opposé nos deux protagonistes et la classe  «  avait été passionnée par le débat et avait suivi l'échange entre le prof et cette Anne Morissette si éprise d'Emily Brontë. ».56(*)

Les soeurs Brontë sont d'origine anglaise, elles se sont frayées un chemin dans le monde littéraire à une époque où la femme n'avait pas le même statut que l'homme sur le plan artistique, « étant donné l'importance du facteur social dans la création (...) »57(*). Ce qui lient ces soeurs, c'est la littérature et leur engouement à produire ainsi que leur destin tragique : celui d'une mère morte laissant trois jeunes filles avec leur père, qui finit par mourir lui aussi.

Nous supposons que la présence de ces écrivaines anglaises dans l'oeuvre, suggère aux lecteurs un déjà vu et une intimité thématique. De cette manière, M. Laberge pourra mettre l'accent sur la relation qu'elle entretient avec ses soeurs, par le biais des soeurs Brontë.

Ces dédicataires que G. Genette appelle privés, peuvent être une source d'inspiration et « responsable(s) de l'oeuvre qui leur est dédié et à laquelle ils apportent, Volens nolens, un peu de leur soutien, et donc de leur participation. ».58(*)

Ayant établit des hypothèses concernant la dédicace et les dédicataires, c'est-à-dire la mise en avant de la relation fraternelle, nous nous sommes interrogés sur le lien existant entre la fiction et le choix du paratexte, c'est pour cette raison que nous avons décidé d'étudier plus précisément les épigraphes.

1.2.2- Les épigraphes

L'épigraphe est une citation placée en tête d'une oeuvre ou d'un chapitre pour suggérer le contenu du livre. Cette pratique esthétique n'est pas gratuite et ne constitue pas une simple mesure d'embellissement du texte. En fait, elle oriente notre lecture et la rend plus productive, c'est-à-dire que la présence d'épigraphes, et cela sous la forme de quelques lignes souvent centrées ou sur la droite en caractères italiques, nous invite à imaginer plusieurs lectures possibles du chapitre ou de l'oeuvre à laquelle elle introduit.

Genette précise, dans Seuils, que l'épigraphe est une « citation placée en exergue, généralement en tête d'une oeuvre ou de partie d'oeuvre ; en exergue signifie littéralement hors d'oeuvre, ce qui est un peu trop dire : l'exergue est ici plutôt un bord d'oeuvre, généralement au plus près du texte. »59(*). Il avance donc que l'épigraphe liminaire suggère, brièvement, la partie qu'elle précède et provoque chez le lecteur une forme d'attente qui a pour objectif « d'augmenter la sensation, l'émotion (...), si émotion il peut y avoir, et non pas présenter un jugement plus ou moins philosophique sur la situation »60(*), c'est-à-dire que le lecteur, à partir de l'épigraphe, peut ressentir le besoin de lire l'oeuvre afin d'apporter une réponse à une curiosité provoquée par l'exergue.

L'épigraphe peut, également, avoir «  un effet de caution indirecte que sa présence détermine à l'orée du texte », c'est-à-dire qu'elle indique une préoccupation propre à l'épigrapheur et qu'il suggère en sollicitant plusieurs épigraphes de différents auteurs ; cela peut également indiquer la volonté chez l'auteure, de désigner un ralliement théorique et le partager avec l'auteur auquel il implique le texte de l'épigraphe.

M. Laberge se prête plusieurs fois à cet exercice, avec une épigraphe pour l'ensemble de l'oeuvre et une autre pour chaque chapitre. Nous aborderons les sept citations du roman dans l'ordre chronologique afin de déterminer leur rapport avec Quelques Adieux.

oe Rainer Maria Rilke :

Ce soir quelque chose dans l'air a pas

qui fait pencher la tête ; 

on voudrait prier pour les prisonniers

dont la vie s'arrête.

Et on pense à la vie arrêtée...

 A la vie qui ne bouge plus vers la mort

et d'où l'avenir est absent ;

où il faut être inutilement fort

et triste, inutilement. 

Où tous les jours piétinent sur place

où toutes les nuits tombent dans l'abîme

et où la conscience de l'enfance intime

à ce point s'efface, 

qu'on a le coeur trop vieux pour penser un enfant.

Ce n'est pas tant que la vie soit hostile ;

mais on lui ment,

enfermé dans le bloc d'un sort immobile

L'extrait ne comporte pas de titre d'oeuvre, nous avons uniquement le nom de l'auteur. Cette absence d'oeuvre incite le lecteur à se concentrer sur le texte de l'épigraphe. Et la présence du nom de l'auteur va lui permettre de situer sa lecture dans un contexte littéraire différent du sien.

Cette citation est un poème composé de quatre strophes, dont les deux premières évoquent des sentiments mélancoliques qui font penser à la mort, mais une mort à double sens : celle « dont la vie s'arrête » et celle dont « la vie(...) ne bouge plus vers la mort », de ces deux vers, le poète nous propose une mort physique et une autre symbolique.

Quant aux deux dernières strophes, elles évoquent la mémoire de l'enfance effacée qui entraîne un destin inéluctable. A partir des trois vers suivants :

« et où la conscience de l'enfance intime

à ce point s'efface, 

enfermé dans le bloc d'un sort immobile »

Nous constatons qu'il y a une corrélation entre le thème de la mort et celui de l'enfance. Cette citation suggère une enfance oubliée, effacée qui entraîne dans un premier temps une mort symbolique « où tous les jours piétinent sur place » « où toutes les nuits tombent dans l'abîme ». Et dans un deuxième temps une mort physique.

Ce poème semble vouloir mettre en avant un problème plus profond que le lecteur, en fournissant un effort, doit détecter. Il s'agit de s'interroger sur les événements qui peuvent justifier cette mémoire effacée et cette mort à deux versants.

Nous passons ici la simple évocation d'un individu pour passer à une dimension plus élargie qui implique l'existence d'un problème de nature sociale. Ici, l'épigraphe nous permet de dépasser la lecture simpliste pour évoquer une dimension plus élargie en collectivité.

Ainsi, ce questionnement déduit à partir de l'épigraphe qui ouvre le roman, nous pousse à explorer plusieurs pistes de lecture, d'abord en analysant les épigraphes des six chapitres, ensuite voir si il y a des thèmes redondants et enfin connaître l'origine de cette répétition.

oe Gabrielle Roy :

L'épigraphe qui se trouve en exergue du premier chapitre Le désir, appartient à Gabrielle Roy. Ecrivaine canadienne, dont le besoin est d'exprimer à travers son écriture la misère, la pauvreté et l'amour. Ce dernier, convoque plusieurs sortes d'amour filial, conjugal et passionnel, que G. Roy n'hésite pas à signaler dans ses écrits, et plus spécialement, dans les quelques lignes que M. Laberge, l'épigrapheur, a choisies :

«  Et je me demande si la foudroyante attirance que nous avons subie, de

tous les malentendus, de tous les pièges de la vie, n'est pas l'un des plus

cruels. A cause de lui, après que j'en fus sortie, j'ai gardé pour

longtemps, peut être pour toujours, de l'effroi envers ce que l'on

appelle l'amour. » 61(*)

En lisant cette citation, notre première constatation est que l'amour domine cet extrait , mais il ne s'agit pas d'un sentiment doux, docile, joyeux ou même triste, bien au contraire, il s'agit d'une émotion forte, insaisissable, incontrôlable et destructrice, nous citons : foudroyante attirance, subie, malentendus, pièges, effroi. Ces expressions mettent en avant un sentiment plus fort que l'amour. Une passion ravageuse, qui peut anéantir les individus qui la subissent, au point de vouloir y renoncer : « j'ai gardé pour Longtemps, peut être pour toujours, de l'effroi envers ce que l'on appelle l'amour.». Cette passion exacerbée peut avoir une origine, une raison d'être, liée aux amants qui la partagent. Ce qui attire notre attention, c'est l'utilisation de certaines expressions qui laissent entendre que cette passion n'est pas tolérée « (...) de tous les malentendus, de tous les pièges de la vie (...) ». L'utilisation du mot piège suggère que les amants ont traversé des épreuves pour protéger ou cacher leur passion. Et si, c'est le cas, cela signifie que la relation est interdite d'un point de vue social, elle est peut être adultère.

Pour mieux examiner les hypothèses avancées, nous allons nous intéresser au contenu du premier chapitre.

Ce chapitre relate une rentrée universitaire où un enseignant François Bélanger est saisi d'une foudroyante attirance envers une étudiante, Anne Morissette. Celle-ci partage le même sentiment que son enseignant. Ces personnages résistent, l'un comme l'autre, à l'envie de faire le premier pas. Ils tentent de mettre fin à leurs sentiments en s'éloignant. Or, leurs désirs augmentent, et François « ne semblait pas être en mesure de freiner l'impulsion sauvage »62(*)qui le domine. Quant à Anne, dès qu' « un homme l'enfermait dans un amour, elle s'enfuyait immédiatement, suffoquée. »63(*), elle garde probablement de l'effroi envers ce que l'on appelle l'amour. Nous supposons que ces deux comportements sont le résultat d'un accident de parcours lié au passé de chacun, c'est ce que nous verrons, ultérieurement.

Donc, la citation choisie entretient une relation de sens avec le contenu du chapitre, à savoir le désir vécu par nos personnages et le besoin qu'ils éprouvent à vouloir le cacher l'un à l'autre et à la société pour ne pas souffrir. Cependant, le mal est fait, les tourments et les malentendus vécus par chacun pour résister à ce nouveau sentiment, sont considérés comme des pièges de la vie.

La dernière phrase de la citation, nous fait penser au personnage d'Anne. Cette jeune étudiante préfère vivre des histoires sans lendemain, cette sentence sentimentale est sans doute en relation avec une histoire antérieure.

Après avoir constaté que l'épigraphe du premier chapitre est en corrélation avec son contenu et transmet une contrariété liée à une absence de souvenirs, nous procéderons à l'étude de l'exergue placé au début du chapitre deux Le refus et qui est un extrait de l'oeuvre de W. Shakespeare.

oe William Shakespeare :

Le deuxième chapitre Le refus, présente une épigraphe de w. Shakespeare. Écrivain anglais, auteur de plusieurs chefs d'oeuvres64(*) dont King Lear d'où est extrait la citation:

« -Ne pouvez-vous traiter un esprit malade, arracher à la mémoire un

chagrin enraciné, effacer les soucis écrits dans le cerveau, et grâce à

quelque antidote de doux oubli, soulager la poitrine oppressée du

poids périlleux qui pèse sur le coeur ?

-Il faut ici que le malade soit son propre médecin. »

Ces quelques lignes agencées sous forme de dialogue, expriment la douleur d'un coeur souffrant de la maladie d'amour. A partir de ce passage, nous pouvons signaler la présence de certaines expressions qui rejoignent et renforcent ce que nous avons proposé dans l'analyse de l'épigraphe du premier chapitre, et en même temps, expliquer les raisons qui ont poussé les amants à s'aimer et à se cacher. Esprit malade, mémoire,chagrin enraciné, soulager, poids périlleux, toutes ces expressions renvoient à la peine et à la douleur vécues par un être amoureux. Si ce sentiment est aussi douloureux c'est parce qu'il va au-delà de l'amour et consume l'être qui l'anime, au risque de le perdre.

Ainsi, François et Anne résistent pour mieux s'aimer. Après de vaines tentatives de séparation et d'éloignement, ils finissent par consommer leur désir. Mais cela ne rassasie pas leur fougue. Fatigués d'avoir aimé, ils décident d'arracher à la mémoire un chagrin enraciné, responsable de tous leurs maux.

Ce chagrin lié au passé et enfoui dans la mémoire de François, est en relation avec son père. Ce dernier, n'ayant pas assumé son rôle de père, marque l'enfance de notre personnage avec son absence. Mais une fois son père mort, François est assujetti au désir. Nous pouvons supposer, que la blessure béante laissée par le père, a entraîné le fils dans les méandres de la passion. Ce chemin sinueux nécessite une force d'esprit que le protagoniste ne possède pas, et se rend compte qu'il n'y a point de remède à son adultère.

Pareillement, la mémoire d'Anne est marquée par un accident mortel où la victime était son père. Cette mort prématurée, va emporter avec elle le coeur de la petite Morissette. C'est pour cela qu'Anne s'opposera à l'amour avec conviction. Mais, face aux sentiments de son enseignant, elle se sent vaincue. Ce second amour, différent certes, mais éprouvé inévitablement, va la rendre vulnérable et prédisposée à la reddition. Elle voudrait résister, fuir et ne plus y penser afin de retrouver un semblant de paix intérieure.

Nous constatons que cette deuxième citation, tisse un lien sémantique avec le texte auquel elle préside. Comme nous pouvons l'observer, l'absence est l'élément autour duquel gravitent la passion, l'adultère et la souffrance. Afin de continuer à mettre en avant les liens qui unissent l'épigraphe et le contenu du chapitre, nous allons examiner la citation de M. Duras, située au commencement du chapitre trois «La Reddition«.

oe Margueritte Duras :

Le troisième chapitre La Reddition, s'ouvre sur une citation de M. Duras. Connue pour ses thèmes existentiels, comme R. M. Rilke, elle s'intéresse à la guerre, à la mort, à l'amour et au désir charnel. Nous remarquons qu'elle puise son écriture à la source des relations corporelles, c'est-à-dire que les thèmes de l'amour et du corps sont des sujets médiateurs qui lui permettent d'accéder à d'autres préoccupations, nous pouvons prendre à titre d'illustration, son roman L'amant, dans lequel une adolescente, issue d'un milieu défavorisé, fréquente un jeune asiatique, riche. A partir de leur pacte du corps, certaines réalités sont mises à nu, celles de la guerre, du désir de liberté et de la pauvreté qui pousse une famille, et plus précisément, une mère à profiter de la relation qu'entretient sa fille pour obtenir de quoi se nourrir.

Après avoir donné l'exemple ci-dessus, nous allons voir en quoi l'épigraphe de cette écrivaine entretient une relation avec le contenu du troisième chapitre.

«  Les baisers sur le corps font pleurer. On dirait qu'ils consolent.

Dans la famille je ne pleure pas. Ce jour-là dans cette chambre

les larmes consolent du passé et de l'avenir aussi. »65(*)

Cet extrait est sensuel, et comporte une connotation érotique qui donne au plaisir une dimension exagérée qui dépasse la jouissance et laisse entrevoir une souffrance corporelle, consentie. Celle-ci est volontaire, et donne lieu à des larmes de plaisir : Les baisers sur le corps font pleurer . Cette première approche de la citation, nous fait penser aux personnages du roman, et surtout aux événements du chapitre La reddition . François et Anne, fatigués de leurs combats intérieurs, rendent les armes et s'abandonnent à la passion et au plaisir. Ce dernier est vécu comme une expérience sans limite et proche de la mort, où les protagonistes se sentent libres et piégés.

Pourtant ce témoignage physique n'a pas pour seul objet la jouissance, on remarque dans l'épigraphe la référence à la famille qui ne nécessite pas de larmes, par contre dans la chambre des amants, les larmes sont présentes pour apaiser le passé et l'avenir des personnages. Cette deuxième approche de la citation, conjugue passion, jouissance et passé,   ce mélange est loin d'être anodin et sans intérêt. Il rend compte des péripéties des protagonistes, jusqu'au jour de la reddition.

Pour exemplifier, nous dirons que la famille Bélanger joue un rôle déterminant dans la relation adultère de François, c'est-à-dire que l'absence d'images liées à son enfance, qui est le résultat d'une responsabilité refusée, celle de son père, ne provoque pas en lui une réaction immédiate, durant sa jeunesse, mais une réaction tardive, survenue après la mort de son père.

Pour Anne, la famille n'existe plus depuis la mort de son père. La notion de famille ne fait pas partie de son quotidien. Pour elle, la famille est liée à la présence d'un père, mais comme celui-ci est mort, donc, elle n'a aucune raison d'être.

Dans ce chapitre, Anne est victime du passé, sa mémoire défaillante va l'inciter à chercher dans ses souvenirs des images de la mort de son père, mais sans résultat. Cet oubli volontaire, est une échappatoire pour ne pas succomber à l'amour. Cependant, l'abstinence ne sera pas respectée et le pacte du corps qui la lie à François, va réveiller en elle une blessure lointaine.

Le chapitre trois s'ouvre sur une épigraphe qui survole le texte, en exposant le thème de la passion et de l'enfance. Des thèmes exploités dans le chapitre, pour les besoins de la fiction, et associés à d'autres tels que l'amour, l'adultère et la mort. Ces derniers permettent d'établir un bilan de l'enfance des personnages, habitée par l'absence paternelle. Pour aller dans la même optique que l'étude précédente, nous allons analyser l'épigraphe du chapitre quatre.

Romain Gary

Le chapitre La déchirure commence avec une citation de Romain Gary, écrivain français d'origine russe :

«  Le blanc et le noir, y en a marre.

L e gris, il n'y a que ça de vrai » 66(*)

Ces deux phrases courtes, écrites dans un registre familier, dénotent une forme de révolte, une sorte de rébellion contre une situation mensongère. Cette citation indique, notamment, que l'existence d'un être parfait, à l'abri des erreurs et du mensonge, n'existe pas. Être humain, signifie apprendre à partir de ses erreurs.

La place de cette épigraphe, dans la deuxième partie de l'oeuvre et plus exactement au chapitre quatre, laisse entrevoir la présence d'un personnage féminin qui mène une enquête, délicate, pour détenir la vérité. Il s'agit d'Elisabeth, la veuve de François. Celle-ci découvre l'adultère de son mari. Déçue et croyant le connaître, elle remet en question son mariage et l'amour que ce dernier lui portait, de son vivant. Ainsi, son comportement lui paraissait exemplaire :

« En tout cas, mon François à moi, celui que j'ai toujours connu, le seul qui existe jusqu'à nouvel ordre. Si j'apprends qu'il était seulement un homme frivole, qui n'a pas pesé le poids de ses actes, qui n'a pensé ni à moi ni à elle dans tout ça, qui s'est seulement laissé glisser là dedans par hasard, je changerai d'idée sur lui »67(*)

Convaincue que son mariage était solide, dénué de tout mensonge, Elisabeth apprend la trahison de François et tente de la comprendre. Dans un premier temps, elle soupçonne la mort du père Bélanger, elle croit que son décès a perturbé son mari et a fait de lui un homme, momentanément, frivole . Or, elle découvre que sa liaison a duré sept ans, c'est pour cette raison que la mort de son père ne constituait plus une vraie réponse mais peut être un élément déclencheur. Elisabeth  «  refuse de s'enfermer dans ses bonnes raisons, elle veut savoir, voir clair, avoir la vérité vraie »68(*) , donc, connaître le coté humain de François et cela par le biais d'une enquête qui reconstituera ses sept années de mensonge.

Nous constatons, encore une fois, que la citation choisie par l'auteure suggère des informations en rapport avec la fiction et plus précisément avec le chapitre quatre.

L'extrait de R. Gary, expose deux couleurs opposées le noir et le blanc pour expliquer les différentes facettes de la vérité. Toutefois, ce raisonnement se heurte à une couleur intermédiaire, le gris, qui ne permet pas une explication limpide et logique de la vérité.

Cette vision de la vérité, nous la retrouvons dans le chapitre «La Déchirure«où Elisabeth tente de retracer son passé conjugal afin de comprendre l'infidélité de son défunt époux. Et pour mieux saisir les raisons de l'adultère, et la relation signifiante de l'épigraphe avec le texte,il est nécessaire de procéder à l'étude de la citation de E. Morante.

Elsa Morante

Le chapitre cinq débute avec l'épigraphe d'Elsa Morante. Dans l'extrait mis en évidence, nous retrouvons certains thèmes liés à l'existence, tels que la solitude, le désespoir, la vie et la mort. Ces thèmes, déjà, décelés lors de notre première étude de l'épigraphe (nous faisons référence à la citation de R. M. Rilke) se précisent. Nous allons, d'abord, expliquer la citation , puis, voir en quoi peut elle être en rapport avec le chapitre qui s'intitule La quête . L'épigraphe se présente ainsi :

«  Parfois- surtout en de certaines solitudes extrêmes -une pulsion

désespérée se met à battre chez les vivants, qui les incite à

chercher leurs morts non seulement dans le temps, mais dans

l'espace aussi. »69(*)

Cette référence à la solitude et aux pulsions désespérées, trace la trajectoire d'un individu trahi par une situation donnée qui l'enferme dans une solitude extrême.

Cette hantise à vouloir connaître la vérité, est une forme de mort symbolique qui peut avoir une fin malheureuse ou salutaire.

Le désespoir qu'a connu Elisabeth, après sa découverte, l'a transformée en une femme hystérique, désireuse de retrouver celle qui lui a volé sept ans de vie commune avec François.

L'acharnement qu'elle éprouve à vouloir retrouver Anne Morissette, la rend « fatiguée, blessée et seule (...) sans espoir, sans aide »70(*). Cependant, la présence de Jérôme, son compagnon, va quelque peu l'aider sur le plan psychologique.

Nous enregistrons, encore une fois, que la référence au père est omniprésente et sous différentes formes. Nous l'avons vue, auparavant, dans le passé de François, ensuite dans celui d'Anne. Or, dans ce chapitre, c'est une autre catégorie de père qui fait surface, celle d'un père présent, vivant, assumant ses responsabilités. Nous faisons référence à Jérôme qui a une fille «  mal élevée et gâtée »71(*) selon les propos de la veuve.

Ce père, jeune et amoureux, va donner de l'espoir à Elisabeth, mais ce qui va accentuer sa guérison c'est sa rencontre avec la tante d'Anne, Jacynthe. Cette dernière, l'informe du parcours de son défunt époux, du temps d'Anne. C'est à ce moment là, que le désir de voir Anne Morissette s'accroît.

Néanmoins, Elisabeth se surprend à vouloir revivre et son objectif est de mettre fin à cette conjoncture, et cela en allant surveiller la maison de la tante Jacynthe afin de voir Anne, et enterrer son passé.

A présent, que la relation de la citation avec le chapitre a été mise en évidence, c'est-à-dire que nous avons souligné le fait que l'extrait de E. Morante met en évidence la vie, et la relation que l'homme entretient avec celle-ci, il est important de voir en quoi l'exergue du dernier chapitre est en rapport avec le texte.

oe Albert Camus

Le chapitre six représente la dernière partie du roman, d'où son titre La fin. La citation choisie est celle d'Albert Camus. Elle fait l'apogée de la vérité en une seule phrase :

« La vérité vaut tous les tourments » 72(*)

Dans ce chapitre, Elisabeth, la veuve de François, va tout mettre en oeuvre pour rencontrer Anne. Le fait de connaître tous les événements des sept années d'adultère, ne lui suffit plus. Elle veut rencontrer la femme qui a remis en question son mariage et ses sentiments. Consciente que cette obsession risque de la projeter dans un désarroi absolu, elle veut, malgré tout, prendre ce risque. Elle décide d'espionner Anne Morissette. La voyant sortir de chez la tante Jacynthe, Elisabeth est saisie d'une pitié extrême. Elle découvre une Anne  «  au-delà de toute menace, de toute injure. Il est évident que cette jeune femme fatiguée (...) a au moins cent ans et s'est déjà servi toutes les injures qu'Elisabeth pourrait lui dire  »73(*). Elle sait, aussi, qu'Anne est responsable de la mort de François  «  parce que, sans cela, elle en serait morte. Et elle en est quand même morte. L'oiseau blessé ne volera plus »74(*).

Maintenant, qu'Elisabeth est face à l'ultime vérité, « elle se sent tout à coup chaude, pleine de vie, capable de tout »75(*), elle accepte la mort de François et fait la paix avec son passé.

« Ils parlent durant des heures »76(*), Jérôme comprend et pardonne le comportement d'Elisabeth. Cette dernière prévoit de refaire sa vie et d'avoir un enfant avec lui.

Après tant de tourments, la vérité finit par transmettre à cette femme un sentiment de continuité basé sur l'amour et le désir d'enfanter.

L'épigraphe de A. Camus tisse un lien métaphorique avec le contenu du chapitre, et clôture, ainsi, le roman .Elle est, également, porteuse d'un message optimiste, celui de l'espoir.

Pour l'épigraphié la vérité est un chemin sinueux qui permet le repos de l'âme. Pour Elisabeth, c'est une trajectoire tortueuse qui permet de mettre fin à une vie antérieure, et ainsi commencer une nouvelle vie.

La notion d'épigraphe ne peut être envisagée seule, elle sollicite le rôle de l'épigrapheur, qui est le dépositaire d'une architecture romanesque choisie qui va au- delà de l'aspect visuel, elle intègre une architecture implicite. A travers les épigraphes, l'épigrapheur tente d'exposer comment le père agit de manière implicite et indirecte sur les paersonnages.

L'épigrapheur

Dans Quelques Adieux le rôle de l'épigrapheur est déterminant car il est responsable non seulement de la disposition des épigraphes mais aussi du choix des épigraphiés. Cette double fonction, pousse le lecteur à s'interroger sur l'intérêt du nombre des citations mises en épigraphes et sur leurs auteurs qui sont de différents horizons culturels.

M. Laberge propose dans son roman une série d'extrait, sept, d'écrivains sans mention des oeuvres ni des dates à savoir, M.R. Rilke, G. Roy, M. Duras, W. Shakespeare, R. Gary, E. Morante et A. Camus.

En effet, ces écrivains ou épigraphiés aux grands textes connus sont cités selon une architecture romanesque qui suggère plusieurs mises en abyme qu'un lecteur concentré peut découvrir : il s'agit pour l'épigrapheur d'attirer l'attention de l'épigraphaire (lecteur) sur la citation qui précède chaque chapitre lu afin de mettre en place un processus de va et vient entre l'exergue et le contenu du chapitre, lors de la lecture.

Certes, cette interaction entre la citation et le chapitre permet à l'auteur de préparer son lecteur à la compréhension de la fiction. Toutefois, il est important de signaler que les épigraphes choisies convoquent des thèmes qui dominent les chapitres qu'elles président, c'est ce que nous avons tenté d'analyser dans la partie précédente. Et de ce fait, nous pouvons dire que l'épigrapheur introduit son histoire romanesque en amplifiant l'attention du lecteur par l'inscription d'un message volontairement troublant.

Les citations choisies par l'auteure ne font pas partie de la même époque, quelque fois des siècles les séparent, cependant, les textes retenus affichent « un événement ou une image datant de plusieurs années [qui]peut se trouver très proche d'une souvenir d'Hier (...) »77(*), c'est-à-dire que même si les auteurs des exergues sont pris à des intervalles temporels différents cela n'empêche en rien leur rapport à la fiction. Nous pouvons citer le texte de W. Shakespeare, écrivain du XVI siècle; il expose dans son extrait les aléas de l'amour. Sa citation ne perd aucunement son authenticité et sa densité au XXI siècle car l'amour implique notamment la souffrance quelle que soit l'époque.

D'ailleurs, le chapitre que l'extrait de cet écrivain précède signale les affres de l'amour vécus par les protagonistes François et Anne. Cette situation est le résultat d'un refus de céder aux sentiments et à la passion.

Quant aux autres écrivains retenus par l'épigrapheur, c'est-à-dire M. R. Rilke, G. Roy, M. Duras, R. Gary, E. Morante et A. Camus, ils sont issus de la même génération, c'est pour cette raison que nous ne les avons pas explicités.

Cette première approche de la disposition des épigraphes par l'épigrapheur, laisse apparaître en filigrane une pensée humaine universelle. Notre deuxième approche va mettre l'aspect universel et la polyphonie en épigraphe.

Si l'on considère que les thèmes évoqués dans les citations sont toujours d'actualité, même si l'époque et le contexte culturel sont différents, cela désigne une préoccupation, une angoisse propre à l'être humain. Et c'est cette métaphore universelle que l'écrivaine souhaite transmettre par le biais des exergues.

De plus, cet arrière-plan nous renseigne sur la présence et l'origine culturelle des épigraphiés.

Ces multiples voix venues du Canada, de la France, de l'Autriche, de l'Angleterre et de l'Italie, s'inscrivent dans le phénomène de polyphonie, à ce propos Bakhtine dit : « Les voix restent autonomes et se combinent en tant que telles, dans une unité d'un ordre supérieur à celui de l'homophonie »78(*).

En analysant la théorie Bakhtienne, nous constatons que le roman emprunte à la polyphonie ce qui accentue l'idée d'ouverture et confère une connaissance ou du moins un code commun qui parait être propre à nous les lecteurs.

En effet, le roman à première vue, se rapproche du triangle amoureux classique. Pourtant, il s'en distingue par la présence des épigraphiés qui appartiennent à des horizons culrurels différents, et aussi par le contenu des exergues qui suggère un problème plus profond que celui du schéma classique que nous connaissons.

Il s'agit pour l'épigrapheur, de souligner des préoccupations communes et aussi d'extraire son texte du cliché de la triangulation amoureuse vers une approche plus abstraite et plus universelle.

En résumé, l'épigrapheur a opté pour une écriture stratégique qui affiche à la fois une nature polyphonique et une réflexion sur la nature humaine. Cette portée ontologique, suggère une introspection, un retour sur soi afin de découvrir l'origine de la quête humaine, et qui est souvent liée à la cellule familiale.

1.3- Les intertitres

Nous allons aborder le roman de manière plus directe en nous intéressant aux intertitres nommés, et cela à travers la disposition et le choix des sous-titres et du rythme qui s'impose à nous en les lisant.

Quelques Adieux comporte deux parties, la première a pour titre une année 1972 et la deuxième 1983. Ces deux dates, font référence à deux époques différentes :

La première est 1972 : l'année où François rencontre Anne, et vit avec elle une passion qui durera sept ans . C'est aussi la période où il subit des contraintes sur le plan familial, il perd son père et se rend compte qu'il n'a gardé de lui aucun souvenir chaleureux. Et sur le plan conjugal, il préserve sa femme, Elisabeth, de son adultère et se sent mal à l'aise des mensonges qu'il lui raconte.

La deuxième est 1983 : l'année où Elisabeth découvre l'infidélité de son défunt mari, et décide d'enquêter pour en connaître les raisons, et par la même occasion, enterrer le passé avec François.

Ces deux dates ne peuvent être comprises que si le lecteur a lu le roman. Dans le cas contraire, les intertitres qui constituent les chapitres de chaque partie, peuvent nous renseigner sur le contenu du roman de manière brève.

Cependant, il nous parait nécessaire de signaler que ces dates correspondent à une effervescence sociale et culturelle, au Québec. Les années soixante dix et quatre vingt marquent la montée fulgurante des féministes québécoises qui veulent à tous prix s'imposer dans tous les domaines afin de réhabiliter le statut de la Femme dans leur société.

A la même période, un esprit provocateur apparaît  dont le but est  de récuser une littérature qui a longtemps été manipulée et cloisonnée, par l'église. Nous citerons des oeuvres comportant des titres audacieux tels que Denis Vanier, Lesbiennes d'Acid, Josée Yvon, Filles- commandos bandés, etc. Et des thèmes qui heurtent la sensibilité des familles conservatrices, à ce propos Philippe Haeck dira:

« Ce qui fait irruption alors dans la poésie, c'est l'Amérique, le jazz, la sexualité, la vie quotidienne, les voyages, la beat generation. » 79(*)

Les événements que nous venons de citer, sont importants et particulièrement intéressants pour la compréhension de l'oeuvre et pour l'analyse des sous titres : en ayant des informations sur le contexte des protagonistes, cela facilitera notre travail qui consiste à repérer le fonctionnement des intertitres.

Dans la première partie de l'oeuvre intitulée : 1972, nous avons trois chapitres : Le désir, Le refus et La reddition. Ces trois premiers titres, suggèrent le contenu de chaque chapitre. Sans lire le roman, le lecteur fait l'effort, à travers ces titres, de deviner l'histoire de la fiction, exemple, le premier titre Le désir, peut faire allusion à une rencontre, à une attirance entre deux personnes. Le deuxième titre Le refus, permet au lecteur de supposer que l'un des deux personnages est lié à quelqu'un d'autre, c'est pour cette raison qu'il y a refus de céder à la tentation. Le troisième titre La reddition, inspire au lecteur, l'abandon où le refus n'a plus de place. Les personnages se laissent guider par le désir.

L'usage de ces titres expose, également, des étapes connues et universelles ; il s'agit d'un mythe millénaire, l'histoire d'un homme et d'une femme. Ces titres ont une portée paradoxale, c'est non seulement l'histoire d'un homme et d'une femme mais c'est aussi une fiction qui relate l'histoire de deux personnages masculin et féminin ; la portée est donc plus générale, plus universelle.

Il convient de noter que les titres de Quelques Adieux, comportent deux parties : un article et un nom. La présence d'articles définis dans les intertitres, établit un paramètre de sens réduit, c'est-à-dire que l'histoire que nous venons de supposer à partir de la référence aux intertitres, ne devient plus l'histoire de n'importe quel personnage; bien au contraire, elle devient l'histoire d'une personne précise. Il ne s'agit pas de n'importe quelle passion, il s'agit de la passion d'un personnage déterminé, une passion exemplaire de toute humanité.

Cette approche du paratexte, nous a permis de faire un détour par l'architecture implicite et explicite du roman, et d'en connaître les point pertinents pour orienter notre lecture et notre analyse.

Rappelons que l'objet de notre étude, est de repérer, à travers le paratexte, des procédés d'écriture faisant référence au personnage du Père, que nous soupçonnons d'être l'élément fondamental de la fiction et du déroulement des événements. Notre analyse, a envisagé le titre, la dédicace, les épigraphes et les intertitres, dans le but de mettre, en avant, un point de jonction qui ferait de l'étude paratextuellle un indice majeur de notre recherche.

Au terme de cette première démarche de l'étude paratextuelle, nous constatons que ce qui lie les éléments du paratexte est  la séparation : celle de François avec son père, puis avec Anne, et enfin avec la vie. Celle d'Anne avec son père, puis avec François et enfin avec la vie. Et celle d'Elisabeth avec François et enfin avec son passé.

A partir de l'étude des éléments du paratexte, nous observons que le fonctionnement implicite du texte et cela par l'intermédiaire des épigraphes et des intertitres, constitue un code de lecture pour le lecteur. Nous pouvons, à présent, prétendre à une analyse plus approfondie de l'oeuvre, à travers le temps de la narration.

2- Une temporalité interne :

«  Le récit est une séquence deux fois temporelle... : il y a le temps

de la chose -racontée et le temps du récit (temps du signifié et

temps du signifiant). »80(*)

Selon G. Genette, le texte a deux vitesses : celle de la fiction, c'est-à-dire, l'histoire qui nous est racontée, avec ses saisons, ses mois, ses jours et ses moments. Et celle de l'écriture qui est mesurée « en lignes et pages »81(*) , ce temps du signifiant peut être étudié à travers l'utilisation des verbes.

Dans le cadre de notre travail, nous allons convoquer l'aide des deux temps (signifié et signifiant) afin de retrouver des indices nous permettant de mettre en relation le déroulement des événements, le sort des protagonistes, avec le personnage du Père.

Il est important de signaler, que le but de notre recherche, est de voir en quoi le personnage du Père, peu présent dans le récit, peut- il être responsable de l'adultère des protagonistes, et par quels procédés d'écriture est-il sollicité.

Pour les procédées d'écriture, nous avons choisi d'interroger le temps de l'histoire racontée et le temps du récit à travers l'étude des anachronies et de l'ellipse, pour le temps du signifié; et le temps des verbes, pour le signifiant.

2.1- Le temps de l'histoire racontée :

Commençons notre travail par l'élaboration d'un parcours chronologique du temps, dans chaque partie :

Dans la première partie du roman, qui commence en 1972, découle trois chapitres ; le premier s'intitule Le désir et signale que l'histoire va prendre forme à partir de la rentrée universitaire, au mois de Septembre de l'année1972. Ce mois est caractérisé par la rencontre des futurs amants : François Bélanger remarque la présence d'une étudiante, nommée Anne Morissette. Au mois d'Octobre, ces deux personnages se rendent compte de leur attirance et de leur désir qui ne cessent d'augmenter. Ils tentent de résister à la tentation, en adoptant de nouveaux comportements, c'est-à-dire, que François opte pour un enseignement sévère et passionné, et Anne préfère centrer son attention sur le contenu de ses cours. Cette atmosphère d'hésitation, d'attraction et de désir, persistera jusqu'à la fin du trimestre, au mois de Décembre. Le deuxième chapitre Le refus, débute avec la reprise des cours, au mois de Janvier. On est en 1973, François et Anne continuent à se résister jusqu'au mois de Mars, et plus exactement, le vingt six Mars, la date d'anniversaire de François. Ce jour là, Jacques, le meilleur ami de Bélanger, demande aux deux étudiantes présentes dans le bureau de ce dernier, de l'embrasser pour son anniversaire. Parmi ces deux jeunes filles, Anne Morissette. Son baiser va tourmenter et hanter son enseignant. Le treize du mois d'Avril, François apprend la mort de son père. C'est à ce moment là, que tout bascule. Il s'engage dans une relation adultère avec Anne. Le troisième chapitreLa reddition, illustre, parfaitement, l'harmonie du pacte du corps des amants. Cependant, sur le plan de la communication orale, ils ont des difficultés, François ne supporte pas de mentir à sa femme, Elisabeth , il est rongé par le remord. Et Anne adopte un comportement incompréhensible avec son amant, dans le but de mettre fin à ses sentiments, car elle a peur d'être victime de l'amour. Ces conflits amoureux, les mènent à la séparation et à l'impatience durant cinq mois, de Mai au mois de Septembre. Au début de ce mois, les amants rendent les armes et s'abandonnent au plaisir de la chair82(*).

La deuxième partie du roman, commence en 1983. Entre la première partie et la deuxième, il y a un vide temporel de dix ans qui sera rempli à travers les péripéties d'une veuve, Elisabeth. Cette partie comporte trois chapitres :

D'abordLa déchirure; qui s'ouvre sur la date suivante : le dix sept Octobre 1983, deux ans après la mort de François. C'est à cette date qu'Elisabeth, la veuve de Bélanger, décide de ranger les dossiers de son défunt époux, et découvre son adultère. Elle remet en question son mariage et l'amour que lui portait son mari. Vers la fin du mois d'Octobre, Elisabeth est submergée par le chagrin et taraudée par le désir de connaître la vérité.

Puis, La quête, Elisabeth mène une enquête et retrouve la trace de la meilleure amie d'Anne, Hélène Théberge. Elle va à sa rencontre, début Novembre. Mais, n'ayant pas l'information qu'elle recherche, c'est-à-dire l'adresse d'Anne Morissette, elle réclame celle de sa tante, Jacynthe, tout en sachant, par le biais d'Hélène, qu'elle est la seule personne à être restée en contact avec Anne. Mais en vain. Le vingt trois Novembre, la veuve reçoit une lettre d'Hélène où l'adresse de la marraine figure. Début Décembre, les deux femmes se rencontrent. Elisabeth obtient des explications, des raisons qui pourraient excuser l'adultère, mais sans pour autant rencontrer Anne. La veille de Noël, le vingt trois Décembre, Elisabeth surveille la maison de la tante Jacynthe afin de voir Anne. Après l'avoir rencontrée, la veuve comprend que la jeune femme est morte depuis longtemps et elle prend conscience de la chance qu'elle a, à être en vie.

Et enfin, La fin, qui commence au mois de Janvier 1984 et décrit une femme, Elisabeth, équilibrée, qui a fini par mettre fin aux conflits qui la tenaient à l'écart de la vie. Cette réconciliation avec son passé, va lui permettre d'envisager l'avenir et la conception d'un enfant, avec Jérôme, son nouvel amant. Au mois de Février, l'enfant fut conçu83(*).

Ce parcours chronologique, est cité dans le but de nous permettre de situer les actions à travers le temps. Notre première observation est la suivante : l'histoire suit le calendrier scolaire. Car dans la première partie de l'ouvrage, l'histoire commence avec la rentrée des classes et donc, avec le début, la rencontre des deux protagonistes. Le désir de l'adultère est présent tout au long du premier chapitre et même du deuxièm. Ce trouble trouvera sa place au troisième chapitre où il y aura toute une série de changements : on verra les protagonistes passer d'un état de désir, d'intensité amoureuse et d'abandon à un état de conflits intérieurs, de solitude et de séparation.

Le choix de la structure temporelle, c'est-à-dire la présence du calendrier scolaire, a une grande influence sur l'histoire. Les moments les plus intenses se déroulent pendant l'année universitaire; quant aux vacances, ils constituent les moments de repos les plus pondérés.

Nous pouvons exemplifier à partir des chapitres relatifs à la première partie de l'oeuvre:

Le premier chapitre : Le Désir, montre l'ascension de la convoitise entre François et son étudiante. Mais lors des vacances d'hiver, qui surviennent au mois de décembre avec la fête de Noël, on assiste non seulement à un relâchement du désir mais aussi à une nouvelle résolution de la part de Bélanger. Ce dernier, décide de changer et de résister à l'assaut84(*). Mais en vain, celui-ci sera de retour dès la rentrée universitaire. Nous observons à travers la structure temporelle des faits du chapitre deux, correspondant au titre Le Refus, une période de remise en question, celle de François qui refuse l'idée d'avoir une relation adultère, son comportement sera dans les limites d'un calendrier scolaire, de ce fait l'intrigue en sera assujettie, c'est-à-dire que les moments les plus intenses de l'histoire se déroulent la plupart du temps en début de trimestre. Le début du deuxième chapitre est caractérisé par un début d'hiver (janvier- février) assez calme, suivi d'un événement qui ne laissera pas l'enseignant et son étudiante hésitants, il s'agit, bien évidemment, de la mort du père de François. Il suffit d'observer le chapitre deux, pour que le lecteur soit convaincu qu'il y a problème avec la mort du père, celle-ci déclenche toute une série de comportements qui détermineront l'avenir des personnages.

A la suite de ce chapitre, un autre qui s'y greffe, presque insolemment, pour indiquer aux lecteurs les péripéties amoureuses des protagonistes et la manière dont elles s'imposent. Le chapitre quatre, qui annonce le début de la deuxième partie, et qui a pour titre une date 1983 (10ans après), raconte les désillusions d'une femme trahie par un passé volé. Ce chapitre La Déchirure, est tel un coup de théâtre dans lequel Elisabeth est instable et perturbée, et perd confiance en l'amour et en son mariage. Déçue, elle ne s'en remettra pas, elle sera comme morte. Et voudra comprendre la faille de son mariage et les raisons de cette infidélité. C'est pour cela que le chapitre cinq s'annonce houleux, avec une première rencontre celle d'Hélène Théberge, puis celle de la marraine d'Anne et enfin celle des deux femmes de François. Cette dernière, va mettre de l'ordre dans la vie de la veuve et va lui permettre un nouveau départ qu'on observera dans le dernier chapitre La Fin.

2.1.1- L'ordre et la durée du récit :

Sachant qu'il y a une distorsion temporelle dans le récit, en général, selon G. Genette, le lecteur est confronté, dans ce cas à une dualité relevant d'un temps du signifié et celui du signifiant. Ces derniers marquent, dans le roman retenu, la chronologie du récit, l'ordre de la disposition des événements et cela par le biais des anachronies et plus distinctement les analepses. Cependant, la durée des événements est tout aussi importante que leurs agencements dans le texte, c'est pour cette raison que nous nous intéresserons de près à l'ellipse temporelle.

a) Anachronies :

Une anachronie, selon G. Genette  « peut se porter dans le passé (analepse) ou dans l'avenir (prolepse) plus ou moins loin du moment présent, c'est-à-dire du moment de l'histoire ou le récit s'est interrompu pour lui faire place (...) »85(*). Suite à la recherche adoptée, l'analepse semble être le futur centre d'intérêt de notre travail.

A présent, voyons la distribution des segments analeptiques et leurs incidences dans l'univers romanesque :

La première partie du roman comporte six analepses, que nous répartirons comme suit : le premier chapitre en contient une, qui se situe à la page 44 du roman. Cette réminiscence est liée au présent qu'Elisabeth a offert à François , il s'agit de la gravure de Florence qui désigne un arbre luttant contre le vent. Le deuxième chapitre rassemble deux analespses qui sont réparties entre la page 108 et la page 111. La première est liée au souvenir de la mère de François, qui a toujours su maintenir la famille réunie : « Elle les avait tenus ensemble et, après sa mort, la famille s'était disloquée (...) ».86(*) La deuxième, fait référence à l'absence et au manque de responsabilité du père de François, de qui, il ne garde aucun souvenir : « Il ne se rappelait que d'un homme, vu de dos (...) qui s'éloignait doucement »87(*).

Quant au troisième chapitre, il relate trois segments rétrospectifs positionnés, de la page161 à la page 163 pour le premier , la page 179 pour le deuxième et de la page 181à la page 191 pour le troisième88(*).

Le premier segment est relatif à la mort du père d'Anne. Celle-ci, tente de se rappeler son père et les événements qui ont suivi son enterrement. Elle n'a trouvé que quelques images de son enfance, notamment celle de ses souliers rouges, que son père lui avait offert, le jour de son anniversaire, et qu'elle ne retrouve plus : « (...) elle chercha follement dans son souvenir où pouvaient bien être les petits souliers rouges, brillants, qu'il son père lui avait donnés pour ses sept ans.»89(*).

Le deuxième segment est en relation avec une rencontre celle d'Anne et de François, au cinéma Cartier. Ces derniers, étaient séparés, et en se croisant la douleur les gagne. Ce souvenir est resté, gravé, dans la mémoire d'Anne : « Elle Anne ferma les yeux et revit son François regard traqué, suppliant de ce soir terrible du cinéma Cartier. »90(*)

Le dernier segment, est une lettre de la tante Jacynth à Anne, dont le souci est de lui faire retrouver la mémoire de son enfance et surtout le sort de ses souliers rouges : « Au cimetière (...) tu te rendais compte que ton père était parti pour toujours. (...) tu as arraché tes souliers et tu les as tirés dans le trou, sur la tombe, de toutes tes forces, avec une rage que je n'avais jamais vue. »91(*)

La deuxième partie du roman, comporte dix analepses, distribuées dans les deux premiers chapitres. Le chapitre quatre, à lui tout seul, regroupe sept analepses :

La première, située entre la page 245 et la page 246, relate l'échec du mariage de Mireille et de Jacques en 1975, qui s'est soldé par un divorce : « C'est après une grave dépression qu'elle Mireille s'était décidée à demander le divorce. »92(*)

La deuxième, est à la page 249, et sollicite la mémoire d'Elisabeth et de Mireille. Ces dernières se remémorent François, malade : « François s'enfonçait dans la mort avec une rapidité effroyable »93(*)

La troisième se développe de la page 253 à la page 256, c'est encore une fois, l'image de la gravure de Florence qui refait surface, mais cette fois, c'est Elisabeth qui se souvient du bonheur que son défunt mari a éprouvé lorsqu'elle lui a offert son cadeau. Elle se rappelle, également, de la contribution de son père (le père d'Elisabeth) à l'achat de la gravure :

« Son père lui avait confié un peu d'argent pour qu'elle se gâte, un supplément de voyage de noces, une somme donnée à la dernière minute pour lui dire qu'il la voulait heureuse »94(*)

La quatrième, située entre la page 268 et la page 269, est en rapport avec le souvenir de Mireille. Elle explique à Elisabeth comment elle a rencontré François lors d'un congrès à Montréal, en Novembre 1973, en compagnie d'une étudiante. Son objectif est de dissiper tout soupçon d'amour et de l'orienter vers une aventure : « J'aperçois François avec une fille. Tout de suite, j'ai pensé ce que tu penses : que François n'était pas mieux que Jacques, que les étudiantes y passaient avec lui aussi. »95(*)

La cinquième, placée à la page 277, expose les soupçons qu'Elisabeth avait à l'égard du comportement de son mari en 1973 : «  Le soupçon envahit Elisabeth, la gagne (...) »96(*)

La sixième, à la page281, est entreprise par Jacques. Il explique à Elisabeth, les raisons qui poussaient François à aller à Montréal, deux fois par semaines, en 1976. Il y allait pour rencontrer Anne.

La septième, située entre la page 295 et 296, met en avant les souvenirs de Jacques, concernant la durée de la dite aventure de François.

Au chapitre cinq, nous avons trois segments rétrospectifs : le premier sollicite la mémoire d'Hélène. Cette dernière se rappelle la visite d'Anne en 1979, et sa promesse de revenir la voir : « La dernière fois que je l'ai vue, c'était en juin 79, j'étais enceinte de quatre mois. Elle m'avait dit qu'elle viendrait pour l'accouchement. ».97(*)

Elle se remémore, également, la relation de sa meilleure amie avec François ; et en donne des détails à Elisabeth. (De la page 337 à la page 347)

Le deuxième, situé de la page 362 à la page 372, retrace le parcours d'Anne, de son enfance, à partir de la mort de son père, jusqu'à sa relation avec François. Cette réminiscence appartient à la tante Jacynthe. Elle la relate à Elisabeth pour mettre fin aux troubles qui l'habitent.

Le dernier, à la page 382, est celui de la veuve, qui avant d'enterrer son passé, se souvient d'un moment d'intimité, de bonheur, avec son défunt époux : « Elle se souvient (...) de ces après midi où il l'entraînait dans le bois, près de la rivière, et où il la déshabillait sur une vieille couverture (...) ».98(*)

Quant au chapitre six, il ne comporte aucune réminiscence. Il est consacré au futur d'Elisabeth et à sa résolution de ne plus laisser la mémoire du passé perturber son bonheur actuel.

Nous constatons que le nombre des analepses dans la première partie, c'est-à-dire les chapitres 1,2 et 3, s'élève à 6 analepses. La première distribution suscite notre curiosité parce qu'elle est en rapport avec une gravure que le protagoniste a reçue, comme cadeau de la part sa femme, et que Anne Morissette remarque, en premier, dans son bureau. Cette image « représente un arbre qui lutte. Il a l'air solide, fort, indestructible, mais il penche, se brise, se casse en un lieu secret, invisible pour l'oeil. Le vent fait le reste. »99(*). On peut supposer que cette description de la gravure est symbolique, car l'arbre qui lutte et qui finit par être emporté, est une image qui peut faire référence au destin du personnage. Dans Quelques Adieux, la vie de François ressemble à l'image de la gravure, c'est-à-dire :

Tout comme l'arbre, François vacille entre deux vies, une vie conjugale et une vie adultère. La raison qui pousse l'arbre à bouger dans tous les sens, est l'absence de racines.

En effet, François se sent perdu et sans enfance depuis la mort de son père. Cet élément, crucial, va faire de lui un homme sans racine, qui se brise et se casse, tout comme l'arbre. Les deux analepses du chapitres deux, sont présentes comme processus de récupération des antécédents100(*), c'est-à-dire que c'est un retour en arrière qui permet aux lecteurs de prendre connaissance du passé de François. On apprend que ce dernier a perdu sa mère en étant jeune et il en garde des souvenirs de tendresse. Quant à son père, il éprouve des difficultés à se rappeler de lui, il garde le souvenir d'un chauffeur d'autobus.

Quant au chapitre de la reddition, trois analepses s'imposent et informent le lecteur de l'enfance d'Anne, la perte de son père lors d'un accident de voiture, le remariage de sa mère et la lettre de sa tante Jacynth qui lui permet de retrouver la mémoire.

A travers ces segments analeptiques, la figure du père apparaît comme un élément problématique à l'épanouissement des personnages. Il est lié directement aux souvenirs et au non souvenir de ces derniers. Ce que nous entendons par souvenirs, ce sont les images qu'on garde de l'enfance et qui sont rattachées au Père. François a le souvenir d'un père absent, alors qu'Anne garde en elle l'image d'un père tendre, aimant, mais qui est mort trop tôt. L'expression non souvenir, est le mélange d'une irresponsabilité paternelle, pour François, et d'une mort prématurée, pour Anne.

On remarque que cette partie va crescendo dans son utilisation des rétrospections, notamment les dix segments rétrospectifs de la deuxième partie.

La deuxième partie, nous permet de repérer 10 analepses, sept pour le chapitre quatre, trois pour le chapitre cinq et zéro pour le dernier. La déchirure représente l'unique chapitre où le nombre d'analepses est considérable. Cette structure croissante de la première partie jusqu'au début de la deuxième, et décroissante à partir du chapitre quatre, est marquée par un bond temporel, une ellipse de dix ans. Ce vide temporel nécessite un retour en arrière afin d'informer le lecteur de la trajectoire narrative des événements d'où les sept analepses du chapitre quatre, selon G. Genette ces analepses « viennent combler (...) une lacune antérieure du récit, lequel s'organise ainsi par omissions provisoires et réparations plus ou moins tardive, selon une logique narrative (...) »101(*).

Dans ce qui suit, nous allons retracer le parcours analeptique des protagonistes avec l'aide d'Elisabeth. Au début de la deuxième partie, les retours en arrière se font sentir et cela pour appuyer l'intérêt et l'inquiétude que porte Elisabeth à vouloir reconstruire son passé et plus exactement sa relation avec son défunt mari et son refus d'avoir un enfant et donc d'être père. Vers la fin de la deuxième partie, le nombre des anachronies diminu jusqu'à disparaître, complètement, dans le dernier chapitre. Cet ordre appauvri des segments rétrospectifs, affiche un caractère plus serein d'Elisabeth  qui finit par accepter l'adultère de François et pardonner à Anne tout en se réconciliant avec elle-même « Le lendemain, gommée, brouillée avec son estomac, avec la terre entière, Elisabeth décide d'en finir avec la colère, la rage, la haine, l'amour (...) »102(*). A présent, elle peut envisager un nouvel avenir avec Jérôme et concevoir un enfant : « Elle (Elisabeth) un enfant parce que, contrairement à ce qu'elle pensait, François n'est pas le seul père possible et sa mort n'est celle des désirs d'Elisabeth. Elle veut un enfant pour elle, égoïstement, (...) »103(*). Avoir un enfant a toujours été le désir d'Elisabeth mais François ne partageait pas son point de vue, ayant eu un père absent, démissionnaire, il refusait de reproduire le même parcours affectif. Cette nouvelle perspective, c'est-à-dire, penser à un enfant et revivre, va mettre fin à l'utilisation des analepses qui n'ont plus lieu d'être104(*).

Sachant que les indices temporels, sur lesquels nous venons de prendre appui, ne sont pas suffisants pour renforcer le postulat de l'impact du Père sur le déroulement des événements, nous allons passer à une autre étape de l'analyse, qui nous semble importante pour affirmer notre hypothèse : il s'agit d'interroger le fonctionnement de l'ellipse. Nous constatons que cette dernière divise le roman en deux parties et en deux points de vue différents, celui de François dans la première partie et celui d'Elisabeth dans la deuxième partie. L'un vit pleinement son adultère et l'autre tente d'accepter l'infidélité de son époux.

b) Ellipse :

Selon G. Genette :

« Du point de vue temporel, l'analyse des ellipses se ramène à la considération du temps d'histoire élidé, et la première question est ici de savoir si cette durée est indiquée ou non. »105(*)

A priori, le décalage temporel entre la première partie et la deuxième partie du récit est de dix ans c'est ce qui provoque un vide sur le plan des informations et un besoin de reconstruction à travers les segments analeptiques. Ce bond est un « degré ultime de l'accélération, consiste à sauter de la durée temporelle et des actions de la fiction, dans la narration »106(*) , et donc, il se traduit comme un phénomène qui introduit une vitesse qui développe l'axe du raconté.

En d'autres termes, la brèche temporelle qui sépare les deux parties du roman perturbe la linéarité du texte sans oublier que l'auteure n'a pas relaté les événements des sept dernières années où François rencontrait Anne. Bien au contraire, l'écrivaine fait avancer le récit en semant des anachronies de manière croissante pour combler le vide thématique, et une fois que les informations ont été restaurées, l'ordre devient décroissant.

Cette ellipse, placée au milieu des deux parties, est comme un fossé qui sépare deux histoires. La première, est celle d'un homme qui, après la mort de son père, se lance dans une passion adultère avec une jeune étudiante, et qui finit par en mourir. Et la deuxième, est celle d'une femme qui reconstitue son passé, à partir des indices qu'elle rassemble. L'ellipse sépare un destin tragique, celui de François, programmé dès l'enfance et qui s'enfonce, inévitablement, vers la mort, d'un destin optimiste, qui va vers un avenir meilleur, celui d'Elisabeth.

2.2.2- L'histoire comme signifiant : temps des verbes (le présent et l'imparfait)

Entrer dans une oeuvre, c'est suivre son mouvement à travers le rythme narratif. Un rythme souvent perturbé par les tensions que connaît le récit. Nous nous proposons, pour cela, de faire un travail sur les changements de temps qui seront suivis par des perturbations de la fiction Pour mieux illustrer ce que nous venons d'énoncer, nous pouvons dire que l'emploi des verbes à un temps précis, n'est pas sans importance, il désigne soit une transformation capitale dans le récit, soit un complément d'information et cela par le biais de segments analeptiques et des moments de pauses présentés sous forme de description.

Dans notre cas, on distingue une alternance entre les verbes conjugués au présent et ceux conjugués au passé, c'est-à-dire qu'il y a utilisation d'un temps précis dans le domaine du discours et un autre dans la narration. Weinrich Hérald parlera du monde commenté pour l'utilisation du présent, du passé composé et du futur, et du monde raconté pour l'imparfait, le plus-que-parfait, le conditionnel, le passé antérieur et le passé simple. Son prédécesseur E. Benveniste, nommera le monde du raconté histoire et celui du commenté discours". H. Weinrich soutient que les verbes commentatifs sont déterminants pour le récit et nécessitent une grande attention de la part du lecteur car ils annoncent des transformations contrairement aux verbes du monde raconté.

« En employant les verbes commentatifs, je fais savoir à mon interlocuteur que le texte mérite de sa part une attention vigilante. Par les temps du récit, au contraire, qu'une autre écoute, plus détachée, est possible. »107(*)

A partir de cette citation, l'attention est portée sur l'évolution des verbes au sein de l'écriture. Les verbes commentatifs, suggèrent la présence d'événements ou d'actions, déterminants pour la compréhension de la fiction, et dans ce cas le lecteur doit se concentrer et être vigilant, par contre avec le monde du raconté,l'histoire, son attention peut être moindre.

Passons, maintenant, à l'analyse de notre corpus. Dans un premier temps, nous allons voir les temps se rapportant au personnage du Père dans la première et la deuxième partie, ainsi que l'évolution thématique qui les accompagne. Dans un deuxième temps, le recours à une synthèse nous sera indispensable pour faire le bilan de notre analyse.

Dans la première partie du roman, nous comptons de nombreuse utilisations de l'imparfait comme temps de description et de remémoration, surtout concernant la figure du père. Celle-ci n'apparaît pas au début du récit mais plus loin dans la narration et plus exactement dans le deuxième chapitre. Ce temps intervient comme un outil descriptif de ce que fut l'enfance de François. Cependant, nous tenons à préciser que notre attention sera portée uniquement sur les temps qui font ressortir le personnage du père. Il est vrai que ce personnage surgit au milieu de la première partie, c'est-à-dire, au chapitre Le refus (p.110) ; et est décrit sur deux pages de manière nébuleuse comme si le protagoniste n'avait gardé aucun souvenir de lui :

« Et il n'arrivait plus à se rappeler son père avant ; avant la vieillesse, avant la dégradation, avant la mort de sa mère. Rien. Il ne se rappelait que d'un homme, vu de dos, sa boite à lunch dans une main, sa casquette de chauffeur d'autobus sur la tête, qui s'éloignait doucement. »108(*)

La focalisation du protagoniste à vouloir se rappeler son père, vient d'un tout autre malaise : Anne. Cette dernière, le pousse à chercher refuge dans sa mémoire, dans son enfance, pour échapper à l'adultère. Ce phénomène qui taraude l'esprit de François, du début jusqu'à la fin de la première partie, s'exprime à travers le présent. Ce temps permet au lecteur d'accéder directement au coeur du problème, c'est-à-dire le désir extra conjugal du héros, et cela à partir de la première page du roman. Il est également important de signaler que les temps au présent nous permettent de percevoir, de sentir, les battements de la narration. Leurs présences sont remarquables dans l'oeuvre, ils font avancer le récit à une vitesse instable, changeante de chapitre en chapitre. Dans Le désir, ils amorcent un rythme de parcours ascendant pour se voir accélérer dans Le refus et atteindre leur cime dans La reddition. Quant à l'imparfait, sa présence se limite à celle des analepses, et donc pas aussi importante d'un point de vue chiffre, que le présent. Néanmoins, on suppose que l'imparfait exprime les raisons pour lesquelles le héros se sent envahi par un désir qu'il ne se connaissait pas. En d'autres termes, «  Les propositions comprenant un verbe à l'imparfait (...) ne font pas, véritablement, avancer l'histoire. On trouve essentiellement dans cet arrière plan des circonstances secondaires, des descriptions (...) »109(*). L'absence de l'amour paternel, chez François, l'a poussée, inconsciemment, à chercher un abri affectif dans l'adultère. Nous pouvons présumer que cette explication est valable pour Anne Morissette. Celle-ci, aura recours à sa mémoire pour se rappeler un accident, celui de son père, lorsqu'elle se sent perdue, déchirée à l'égard d'un sentiment amoureux. Ce souvenir est présent pour qu'elle n'oublie pas que « l'être humain reste seul, toujours. Anne savait, du fond de son enfance, que l'amour ne sert à rien d'autre que lacérer, déchirer, repousser. Elle ne désirait pas s'en souvenir. Elle ne demandait que l'oublie.»110(*) . Or, elle se souvient de tout, grâce à la lettre de sa tante Jacynthe111(*) qui lui a permis de recouvrir la mémoire de son enfance. Le père d'Anne est décrit et raconté à travers un couple de temps le plus-que-parfait et le présent. Le premier décrit ce qui reste de l'enfance de l'étudiante : «  Le sourire de son père, son rire, et les gestes doux qu'il avait eus pour mettre les souliers à sa petite fille éblouie. Il avait soigneusement tiré les bas blancs, les avait pliés, avait attaché la courroie mince et brillante (...) »112(*). Le deuxième raconte avec exactitude l'accident du père ainsi que le comportement de la petite fille chérie après le décès de ce dernier, et cela par le biais de la lettre envoyée par la tante.

En utilisant le présent, dans la lettre, la tante permet à l'enfant amnésique de retrouver une part d'elle-même et de la vivre au même moment où se déroule sa lecture.

Dans la deuxième partie, qui comprend une cassure de dix ans, on apprend que François Bélanger est mort, et que sa veuve découvre l'origine de ses maux. Ce que vit et surmonte Elisabeth sont exprimés au présent, alors que le personnage de Jérôme, père d'une adolescente et nouveau compagnon d'Elisabeth, est décrit à l'imparfait. Sa fonction de père fait de lui une cible parfaite pour Elisabeth car elle aurait bien aimé avoir un enfant avec son défunt mari mais comme celui-ci n'en voulait pas, elle se résigna et se contenta de remettre en question l'éducation de Lucie, la fille de son nouveau partenaire. Ce dernier a eu, d'un premier mariage, une fille et plus exactement une adolescente, gâtée qui a « décidé d'abandonner ses études (...) [et] s'est arrangée pour faire chanter le prof de mathématiques »113(*). Lucie, la fille de Jérôme, ne s'arrête pas là, elle décide d'aller en vacances aux frais de son père. Ce comportement de petite fille révolte Elisabeth qui n'hésite pas à témoigner son mécontentement.

Nous remarquons que l'écrivaine recourt à l'imparfait pour désigner le personnage du père, que ce soit celui de François, d'Anne ou encore JérômeCette démarche indique au lecteur qu'« il faudrait (...) insister sur le fait qu'une description est toujours transmission et acquisition d'un savoir. Selon les types de fiction, ce savoir acquis par un personnage peut jouer un rôle ou n'en jouer aucun dans la suite de l'histoire racontée (...) »114(*)

Il convient de finir cette sous partie en mettant en évidence  le nombre des verbes à l'imparfait dans chaque partie et signaler les passages qui font référence à la matière première de l'action, à savoir la figure du Père. En conjuguant le nombre des verbes à l'imparfait avec les passages analeptiques, nous pouvons mettre en relief la relation étroite qui existe entre les analepses et la présence du Père. Il nous parait intéressant de chercher si ce personnage fugace, qui n'est pas présent dans le roman mais auquel on fait allusion, fait partie des réminiscences des protagonistes. Si c'est le cas, il est évident que le comportement, de ces derniers, résulte d'une responsabilité non assumée (le père de François), ou d'une absence involontaire (le père d'Anne).

Notre hypothèse de départ, à savoir que le nombre d'imparfait augmente dans les passages où figure le père, se confirme à travers notre analyse. On constate que ce temps va en ordre croissant jusqu'au chapitre trois pour ensuite faire une chute vertigineuse au chapitre six. Il est vrai que l'imparfait suggère le père mais il fait, également, référence au passé et aux récits personnels de chaque protagoniste, c'est le temps de la filiation.

Dans le premier chapitre, le nombre de verbes à l'imparfait est de 375, le narrateur décrit l'état d'âme de François et sa disposition à l'adultère. Pour le moment l'imparfait n'a qu'un seul rôle, celui de fournir des détails nécessaires à la bonne compréhension du récit et éveiller l'intérêt du lecteur.

Dans le deuxième chapitre la situation est différente, nous assistons à une augmentation de verbes conjugués à l'imparfait, 538 verbes dont la plupart font référence à l'enfance du protagoniste, plus précisément à l'absence de son père, mais aussi à sa mort récente qui le laisse perplexe. Vide de souvenirs, amnésique, François souffre de l'absence d'un rôle, celui du père. Cet équilibre qui lui est inconnu, va l'influencer dans sa vie quotidienne. Sachant que François était prédisposé à l'adultère dans le premier chapitre, un élément viendra se greffer à sa vie et le faire passer à l'acte, il s'agit de la mort de son père. Le désir de retrouver la mémoire de son enfance et la mort de son père vont faire naître en lui un sentiment nouveau, celui de la liberté, « plus rien ne le retenait plus à rien, maintenant. Aucun lien, aucun passé, aucun souvenir. Cette liberté l'oppressait, le terrorisait. »115(*).

Mais nous nous apercevons, que dans le troisième chapitre les verbes à l'imparfait sont à leur apogée, nous relevons 912 verbes distribués de deux manières : la première faisant référence aux ébats amoureux des protagonistes et la deuxième renvoie, essentiellement, au père d'Anne et cela par le biais d'une lettre, celle de la tante Jacynthe qui veut permettre à sa nièce de retrouver son enfance et de mieux comprendre ses agissements et désirs.

Dans le reste des chapitres, le nombre de verbes à l'imparfait116(*) diminue, nous sommes en contact avec une femme affligée, désireuse de retracer le parcours de son défunt mari, en ayant recours au passé de sa maîtresse. Son objectif est de comprendre cette trahison, elle découvre que le point commun des amants est la mort de leurs pères. Après de nombreuse déceptions, Elisabeth finit par déduire qu'Anne recherchait l'image et l'amour de son père dans sa relation avec François « (...) fille de vingt ans qui va chercher un homme qui va la servir comme son père, la comprendre comme son père l'aimer même quand elle est plate comme avec son père. » 117(*). Cette allusion à l'inceste n'est pas moins révélatrice du comportement de François. Ce dernier, ne voulait pas avoir d'enfant avec sa femme de peur de reproduire le même schéma affectif qu'avec son père, mais il finit par céder et désirer un enfant avec son étudiante préférée, cela laisse supposer que le héros a réussi à travers son adultère à rattraper le sentiment affectif qu'il n'a jamais eu.

En restant toujours dans nos hypothèses, nous supposons que la mort de François était prévisible parce qu'il avait commis l'inceste, l'irréparable, sur le plan symbolique.

L'utilisation dominante de l'imparfait coïncide avec celle des analepses, donc « nous avons un arrière-plan sur lequel se détacheront les actions des personnages »118(*), c'est-à-dire que, dans Quelques Adieux l'imparfait, et donc la description des pères , a une place importante selon sa distribution dans l'oeuvre. Sa répartition à des moments différents de la narration concorde avec les segments rétrospectifs. Notre étude renforce le postulat de départ, c'est-à-dire, la présence de retours en arrière à travers l'imparfait exorcise la figure du père et témoigne de son influence sur les événements futurs119(*).

Nous venons donc de présenter la structure temporelle de Quelques Adieux, d'un point de vue externe et interne, dans le but de retrouver toutes traces du personnage du père. Les éléments paratextuels ont dévoilé des indices se référant au père et cela par le biais d'une architecture saisissante, à savoir la présence des sept épigraphes, des titres et des sous titres, pour chaque partie et pour chaque chapitre. Ces derniers, introduisent des éléments de l'enfance, de l'amour, de la passion, de la vie et de la mort. Même si, cette première approche est insuffisante pour montrer l'impact du père sur les protagonistes, néanmoins, elle n'en est pas moins intéressante, car le paratexte est révélateur d'une diversité et d'une richesse littéraire, ainsi que d'une connaissance scripturale qui fait de l'auteure de Quelques Adieux, une cible parfaite de la recherche littéraire.

L'analyse des temps internes, c'est-à-dire, les analepses, l'ellipse et le temps des verbes, nous ont permis d'interroger la figure fugace du père et de la repérer à travers une écriture implicite. Avec les analepses, le passé des personnages et plus exactement celui de François et d' Anne, remonte des profondeurs de l'enfance et expose un manque affectif, important, lié au père. Ce dernier ne cesse de hanter les protagonistes et de les déstabiliser, au point de les projeter dans une passion éphémère.

Quant à l'ellipse temporelle, elle s'inscrit dans le cadre d'un parcours romanesque latent, qui sépare les deux parties du roman, sans prévenir le lecteur de la présence d'une rupture de dix ans. Cependant, la deuxième partie de l'oeuvre, nous renseigne sur les événements qui se sont produits durant cette période. En les relatant, nous observons que le personnage du père y est souvent présent  à travers la lettre de la tante Jacynthe, qui ranime la mémoire d'enfance d'Anne concernant la mort de son père, et par l'intermédiaire d'une rencontre, celle de la veuve, Elisabeth, avec la marraine d'Anne. Egalement, par le biais des propos d'Elisabeth qui, en voulant justifier l'infidélité de son défunt époux, use de l'excuse de la mort de son père.

Et enfin, l'analyse des temps verbaux, et plus précisément l'imparfait, indique une forte présence de ce temps, dans le récit, lorsqu'il y a réminiscence de la part des personnages. Cette constatation, nous a permis d'établir une correspondance entre les analepses et l'imparfait, le résultat obtenu, expose une constante du début de l'oeuvre jusqu'à sa fin, sous la forme d'un personnage masculin qui endosse le rôle du père.

Ces résultats mettent en avant la redondance de la figure paternelle, de manière implicite dans le récit, et de ce fait sa localisation devient problématique. C'est dans cette optique, que nous nous proposons de poursuivre notre travail en attribuant une place importante à l'analyse spatiale.

CHAPITRE DEUX

« Etude Spatiale »

L'étude de l'espace est une étape incontournable de notre recherche car elle constitue un réseau de sens et de représentations :

«  L'utilisation de l'espace romanesque dépasse (...) la simple indication de

lieu. Elle fait système à l'intérieur du texte alors même qu'elle se donne

avant tout, fréquemment, pour le reflet fidèle d'un hors- texte qu'elle prétend

représenter. C'est dire que l'étude de l'espace romanesque se trouve

inextricablement liée aux effets de représentativité. »120(*)

L'espace littéraire n'est plus considéré comme énumération des lieux empruntés par les personnages, il est transposition d'un imaginaire, celui des protagonistes où certaines images sont révélatrices d'une angoisse ou d'une préoccupation.

L'espace romanesque est une donnée importante dans l'analyse de la figure paternelle, il s'agira pour nous d'étudier cette donnée spatiale afin de mettre en avant les lieux qui provoquent, chez les protagonistes, des réminiscences liées au personnage du père. A cet effet, nous envisageons deux axes d'analyse : le premier se construit autour des espaces signifiants et le deuxième propose une lecture de l'espace.

Nous pouvons, dans un premier temps, définir ces deux approches de l'espace afin de mentionner l'intérêt de ce plan dans l'analyse de la figure paternelle.

Les espaces signifiants désignent tous les lieux se rapportant aux déplacements des personnages, car « dans un récit, un lieu devient souvent l'objet d'une description : il est alors conseillé de l'étudier en tant que décor. Maints narratologues modernes ont insisté sur la nécessité d'envisager la description selon ses aspects externes et selon ses aspects internes »121(*), c'est-à-dire que la première démarche de l'analyse spatiale consiste à faire un relevé des espaces, et étudier la place de la description par rapport aux événements de la fiction. Cette première démarche facilite l'accès aux diverses interprétations possibles des lieux. C'est dire que les aspects internes ont une fonction de représentativité et c'est ce qui va alimenter notre deuxième démarche, à savoir une lecture de l'espace.

Après l'inventaire des lieux, notre étude s'attardera sur la répartition des espaces en fonction des déplacements et des événements liés aux personnages. Cette deuxième démarche nécessite une attention particulière non seulement sur le choix et la fonction des espaces distribués, mais aussi sur certains thèmes et objets qui tissent des réseaux symboliques.

De cette lecture de l'espace découle deux sous parties, une première liée au choix et à la distribution des lieux, et une deuxième faisant intervenir la dimension symbolique de certains thèmes, l'amour et ses différents aspects, la mort et les relations amoureuses et sexuelles ; et un objet, la gravure de Florence.

Nous pouvons, maintenant, à partir du plan énoncé passer à la première démarche de notre étude, à savoir Les espaces signifiants.

I. Des espaces signifiants

Il s'agit de montrer les déplacements des personnages en divers lieux, car le romancier « est en effet attentif aux rapports qui existent entre les personnages qu'il crée et l'univers romanesque qui les entoure. Pour mieux nous faire voir ses héros, il plante le décor à l'intérieur duquel ils se meuvent. »122(*). Une étude de la répartition des lieux, a pour objectif de montrer la place qu'un lieu occupe dans une histoire et son rapport à la fiction, c'est-à-dire, que chaque décor est choisi en fonction du comportement et des actions des personnages. Il est important de signaler que notre analyse se fera en deux étapes se rapportant aux deux parties de l'oeuvre : Premièrement, nous allons repérer les déplacements des protagonistes, dans la première partie du roman. Deuxièmement, nous allons suivre la trajectoire d'un personnage féminin, Elisabeth, qui menant une enquête, se déplace régulièrement et domine la deuxième partie du roman.

1-Itinéraire des protagonistes : Dans la première partie de l'oeuvre

Selon Jean WEISGERBER, le propre de l'espace romanesque est d'être verbal123(*). Étudier la construction de l'espace dans un texte est tout aussi importante que le sens qui en découle. L'espace dans lequel évoluent les protagonistes n'est pas le résultat du hasard, cette mise en place de lieux a un effet d'opposition, de symétrie ou de répétition. Nous nous proposons de voir les points de conjonctions et de disjonctions dans le parcours de François Bélanger et d'Anne Morissette.

a) Le parcours de François

Le chemin qu'emprunte ce héros, depuis qu'il s'est découvert une « nouveauté qu'était le désir extra- conjugal »124(*), est redondant. On le voit circuler dans des espaces différents liés, tantôt, à sa vie professionnelle, l'université, à sa vie conjugale : c'est la maison rue Gomin , et tantôt, à sa vie extraconjugale : l'appartement de son étudiante, rue Fraser.

Cette transformation ne se fait pas rapidement, il y a un processus émotionnel qui guide le personnage et donne lieu à une géométrisation de l'itinéraire.

De l'Université à son bureau, de son bureau à sa classe, et de sa classe à sa maison, rue Gomin . François a le parcours d'un homme socialement complet dans son quotidien. Or, avec la naissance du désir, son parcours ne change pas dans le premier chapitre , mais il subit des modifications sur le plan émotionnel, c'est-à-dire qu'il prend des allures de fête, d'hésitation et de torture, il vit, intensément, les moments passés dans le milieu professionnel, et la raison en est : la présence d'une étudiante Anne Morissette.

Dans le deuxième chapitre, des transformations surviennent, François Bélanger suit le même cheminement, cependant il rajoute à ses déplacements un lieu : Rue Fraser, l'appartement de son étudiante A. Morissette.

En d'autres termes, le trio Université, Classe et Bureau s'intensifie avec le désir du protagoniste et de son étudiante. Ces lieux, souvent fréquentés et où la passion se développe, poussent les personnages à chercher une excuse à leurs émotions, et par la même occasion envisager une relation asociale. L'excuse retenue, sera la mort du père de François. Cette cassure va propulser les amants dans un autre décor, celui de l'appartement Rue Fraser.

Ce lieu, asocial, non -autorisé pour un homme marié, est un lieu de rencontre et de transit que choisit le protagoniste pour défier les moeurs sociales, et va devenir le pôle central de sa relation adultère.

Le circuit de notre personnage se verra, encore une fois troublé par l'avènement des vacances scolaires, nous le verrons dans d'autres lieux que le trio Université, Classe et Bureau et Rue Fraser, même si ces endroits sont toujours présents, d'autres s'imposent tels que le cinéma  Cartier lieu où sa rencontre avec Anne, après une séparation, provoque « une souffrance intacte qui  déchirait ses  entrailles »125(*). Puis, la campagne, lieu de vacances et de détente, se voit troublé et transformé, par les pensées de François. Ce dernier, dans sa solitude, s'autorise à penser à Anne « l'imaginer, la sourire, la regretter là, tout seul. »126(*) , et en même temps, l'intimité partagée avec sa femme , Elisabeth, lui permet de se sentir plus proche d'elle et de « la considérer d'un oeil neuf. Il la trouve belle, solide et (...) passionnément vivante. »127(*). Et enfin Montréal, qui permettait au personnage principal de voir Anne, deux fois par semaine. C'est un lieu où les amants pouvaient vivre leur histoire. Pour eux, cet endroit «  n'aime pas les limites grossières que les villes de province s'imposent avec tant de plaisir et de fierté »128(*)

La trajectoire de François129(*) indique des périodes d'actions et de repos liées à son histoire avec Anne. Cette alternance événementielle autorise le lecteur à entrevoir des endroits redondants en rapport avec : la vie conjugale de F. Bélanger, et sa nouvelle condition d'homme infidèle. Afin de mieux distinguer l'importance de la spatialité liée à ce personnage, il est nécessaire d'établir celle de sa maîtresse.

b) Le parcours d'Anne Morissette

Les déplacements d'Anne sont ressemblant à ceux de François, néanmoins le trio Université, classe et bureaucède la place à un autre trio Université, classe et Restaurent de la Jonction. Comme François, Anne partage presque les mêmes espaces, sauf, pour le restaurant de Jonction. Ce dernier, est un lieu de réflexion, de sérénité et de solitude, où « Anne était bien. Elle retrouvait son calme (...). Par bonheur, elle arrivait à ne penser à rien. » 130(*)

Célibataire, Anne n'a pas le même quotidien que le personnage principal, nous ne faisons pas référence à sa vie universitaire mais à sa vie nocturne. Contrairement à son amant, il lui arrive de passer la nuit avec des hommes qu'elle ne connaît pas, chez elle ou ailleurs. Par ailleurs sa nouvelle préoccupation, c'est-à-dire les sentiments et le désir qu'elle porte à son enseignant, vont la métamorphoser en une jeune fille sédentaire, appréciant et dépréciant son appartement et sa chambre, devenus les lieux essentiels de la relation fiévreuse des personnages, mais aussi les lieux de toutes les douleurs du passé: la mort de son père alors qu'elle n'avait que sept ans et le remariage de sa mère.

Nous signalons, également, que les déplacements de notre étudiante sont ambigus, on la voit prendre le chemin de Montréal avec François, à son retour, elle est changée, et adopte un autre comportement celui de la fuite. Sa fuite s'exprime par des disparitions régulières en des lieux inconnus des personnages et du lecteur. L'écrivaine ne donne aucun indice, on apprend par le biais de l'inquiétude de François et d'Hélène, qu'Anne est partie sans laisser d'adresse. Le silence qui règne sur ces endroits sans nom, est une stratégie d'écriture permettant à M. Laberge de transmettre au lecteur la même angoisse que les personnages, et l'envie de comprendre les réactions d'Anne. « Elle pouvait partir pour une ou deux semaines, sans donner de nouvelles, sans avertir (...). Elle partait. Elle se sauvait »131(*)de l'amour qui l'envahissait et l'étouffait. Ces lieux « secrets et interdits »132(*)lui permettaient de purger sa peine, d'avoir aimé ; « elle en revenait blanche, maigre, épuisée (...) »133(*). Après ces moments d'absences, le récit suit son cours, et le personnage reprend sa trajectoire initiale.

Pour le moment, notre représentation de l'espace est dépourvue d'interprétations car notre but est de retrouver, uniquement, le parcours des protagonistes. Nous pouvons, également, renforcer notre exposé, à partir d'une description regroupant tous les lieux fréquentés par Anne et François, dans les trois premiers chapitres. Notre objectif est d'avoir une structure topologique précise du parcours des protagonistes. Or, une fois dépassé l'inventaire des unités spatiales, nous pourrons aisément en dégager le sens.

Dans le chapitre un, qui a pour titre Le désir, nous évoquerons le trajet de chaque protagoniste, puis nous soulignerons les lieux de jonction.

Le personnage principal, François Bélanger, emprunte le même parcours durant un trimestre, qui correspond dans l'oeuvre au premier chapitre. Nous le voyons donner ses cours à l'Université, en classe, on le voit perturbé par une présence féminine, celle de son étudiante Anne Morissette. Cette dernière, suscite en lui des réactions et des comportements inattendus, c'est-à-dire, qu'en essayant de fuir son désir de la voir, il la provoque en classe à partir de certains cours comme celui des soeurs Brontë, et tente de l'humilier. Comme si l'humiliation allait atténuer ses pulsions. Pour fuir son désir, sa classe et son étudiante, il se réfugie dans son bureau.  Le seul endroit où elle, Anne, ne l'atteindra pas, mais elle peut, néanmoins, occuper ses pensées. Pour une meilleure protection, François rentre chez lui, chemin Gomin , dès qu'il retrouve sa femme, Elisabeth, son intimité, il est comme rassuré et retrouve sa sérénité.

Anne Morissette prend, chaque jour, le chemin de l'Université, en classe, c'est une jeune fille absorbée par le savoir qui lui est transmis, sauf, pour le module de littérature, enseigné par François Bélanger. Dans sa classe, elle se sent agressée par l'intérêt que son professeur lui porte, elle voudrait ne pas partager son désir. Lors d'un débat sur les soeurs Brontë, et qui a duré trente minutes, Anne sait qu'elle est, irrémédiablement, liée à François. Le seul endroit qui lui permet de se calmer et de ne pas penser à son désir, est le restaurant de la Jonction. Mais cette sensation d'apaisement ne dure pas longtemps, Anne est rattrapée par Hélène Théberge, sa meilleure amie. Celle-ci est loquace et pleine de questions, tout le contraire d'Anne. Après le restaurant de la Jonction, Anne rentre chez elle, Rue Fraser. Elle vit dans un appartement avec sa meilleure amie, mais elle passe, souvent, ses nuits dans les bras de jeunes hommes différents. Celui qui apparaît dans le premier chapitre, est Gaetand Durand, Anne le fréquente mais sans qu'il y ait, de sa part, un quelconque attachement, pour elle il s'agit d'une relation qui lui procure du plaisir. Elle refuse tout témoignage d'amour et si elle se voit confrontée à ce genre de situation, elle fuit, comme fut le cas de ce jeune homme.

A partir de cette répartition des lieux, nous remarquons que certains sont communs, partagés par les personnages. En premier lieu, l'Université, l'endroit où les protagonistes se croisent. En deuxième lieu, la classe, l'espace des débats intellectuels comme pour les soeurs Brontë,  et le lieu du désir car les personnages partagent la même attirance. En dernier lieu, le bureau de François, son lieu de méditation qui va être perturbé par la présence de son étudiante préférée. Pour la première fois Anne se présente au bureau de son professeur. Et l'objectif de ce dernier, est de présenter ses excuses suite au débat qu'il a animé avec son étudiante en classe, sur les soeurs Brontë. Cette première intimité, va leur permettre de découvrir leurs goûts littéraires.

Dans le chapitre deux, intitulé Le refus, François garde, toujours, le même parcours, cependant, d'autres informations nous parviennent : Son nouveau désir le pousse à changer de comportement en classe. Il décide d'être ferme. Il change de comportement même chez lui, il se surprend à ressasser le passé, il revoit sa mère morte, son père absent et ses frères s'éloigner de lui. Toutes ces perturbations sont liées au sentiment nouveau qui l'assaille.

D'un autre coté, Anne, tourmentée par le même désir que François, décide de « s'en éloigner comme d'un être vénéneux »134(*). A l'université et en classe, elle se fait discrète, elle combat son envie, sa tentation, en ayant une aventure avec Louis Tremblay, son nouvel amant, pour un jour.

Nous constatons que le désir pousse les protagonistes à adopter des comportements qui ne leur ressemblent pas. Ce désir s'affirmera et prendra forme lorsqu' Anne et son amie Hélène se présenteront au bureau de François, le jour de ses 39ans. Sous l'influence de Jacques Langlois et de Théberge, Anne embrasse François sur le joue. Cette deuxième rencontre dans le bureau de François en présence d'autres personnes, ne laisse pas les amants sans émoi. Lorsque arrive leur troisième rencontre et sous prétexte d'avoir perdu son père, François ainsi que son étudiante ne résistent plus et se laissent prisonnier d'un long baiser. Séparés, ils se donnent rendez-vous au restaurant de la Jonction, lieu où leur future intimité se décidera. Ayant retenu l'appartement, Rue Fraser, les amants consomment leur désir.

Le chapitre trois, intitulé La reddition, s'ouvre sur un lieu commun aux amants, celui de la chambre Rue Fraser, qui abrite les corps des personnages. Nous observons, que les lieux de jonction dominent dans ce chapitre, contrairement aux chapitres précédents. La chambre d'Anne devient un espace très fréquenté de la part des protagonistes. Avec l'arrivée des vacances d'été, les amants se séparent et chacun suit une trajectoire différentes : Pour François, c'est la campagne qui l'attend, avec sa femme, puis il revient au chemin Gomin vers la fin de l'été. Pour Anne, les vacances sont une source de réminiscences, surtout dans sa chambre où elle se rappelle la mort de son père. Mais une fois sortie de son appartement, elle se trouve un travail d'été au gouvernement et tente d'oublier Françoise en ayant une nouvelle conquête Jean Yves.

Après avoir cité les espaces individuels utilisés par les personnages, nous remarquons que le chapitre revient aux lieux de jonction : cela commence par une première rencontre au cinéma Cartier, où les amants ont souffert de leur collision. Puis une deuxième à l'Université, avec la rentrée universitaire, où ils ne résistent pas à la tentation d'aller Rue Fraser pour s'abandonner à la passion dévorante qui les unit. Et enfin, une troisième à Montréal pour vivre, temporairement, leur pacte du corps dans un espace loin de Québec.

Cette répartition spatiale du chapitre trois, expose une structure particulière : Nous distinguons, dans un premier temps, des espaces communs, dans un deuxième temps, des espaces et des trajectoires séparés, et dans un troisième temps, nous revenons, encore une fois aux espaces collectifs.

La localisation spatiale d'Anne comporte des éléments de jonction avec certains espaces empruntés par son amant. Comme lui, son parcours est doté de deux vitesses, l'une rapide qui s'effectue durant l'année scolaire et l'autre lente qui se réalise pendant les vacances.

La description des deux parcours, révèle un sentiment de complicité et une tonalité mensongère, c'est-à-dire que chaque protagoniste se trouve dans une situation inconfortable par rapport à la société, et de ce fait les amants sont dans l'obligation de mentir à leur proche : François ment à Elisabeth, sa femme, et Anne à son entourage. Cette première démarche spatiale décrit le parcours des amants dans la première partie de l'oeuvre, alors que la deuxième partie du roman expose l'itinéraire d'Elisabeth que nous nous proposons d'examiner.

2- Le trajet inverse d'une veuve : Dans la deuxième partie

Selon A. Camus « La vérité vaut tous les tourments » Elisabeth, épouse de François Bélanger, en a fait l'expérience et désire plus que tout comprendre la trahison de son défunt époux ; pour cela elle mènera une enquête. A travers celle-ci, nous tenterons de reconstituer ses déplacements.

Le récit nous conduit dans plusieurs lieux différents, dont le premier est le bureau de François. Ce dernier, gardait, précieusement, les devoirs d'Anne Morissette  qu'Elisabeth finit par découvrir. Elle se pose des questions auxquelles elle ne trouve pas de réponse. Désireuse de connaître la vérité, elle raconte sa découverte à ses amis, Mireille et Jacques. Ces derniers, confirment ses soupçons. Cette réalité provoquée par les devoirs conservés, saisit Elisabeth d'angoisse. Elle se voit chercher des indices dans toutes les directions possibles, afin de retrouver la dite Anne Morissette. Et c'est à partir de cet instant qu'on la verra s'aventurer sur un terrain miné qui peut soit provoquer sa mort ou lui procurer la paix de l'esprit et de l'âme.

Sous le choc, Elisabeth s'isole à la campagne. Ne parvenant pas à comprendre ce qui lui arrive, elle se perd volontairement dans un bois pour pleurer sa détresse, son désarroi. Après avoir accepté l'idée que son mari, mort d'un cancer, ne lui ait rien dit sur son aventure, elle entreprend des démarches pour en connaître les raisons. Elle rend visite à la meilleure amie de sa rivale, Hélène Théberge, mais à son grand regret, elle n'apprend rien sur l'endroit où se trouve Anne. Sa deuxième réaction sera d'aller à l'Université pour obtenir des informations, mais en vain. Troisième réaction, voir la tante Jacynthe au 1080 Laurier, qui fut une mère pour Anne, son adresse lui a été communiquée par H. Théberge. La tante explique les raisons qui ont poussées sa nièce à désirer un homme marié mais sans pour autant lui donner son adresse :

« Anne aimait François mais ne pouvait pas supporter l'angoisse qu'un tel amour

Provoquait. Anne allait à sa perte en aimant François. Elle le savait, mais

N'arrivait pas à faire autrement. Et puis, François est mort peu de temps après

(...). Anne est venue près de moi (la tante Jacynthe), on a parlé encore longtemps

De François, d'elle, de son père, de son passé (...) »135(*)

Fatiguée, Elisabeth rentre chez elle, mais elle garde l'espoir de retrouver Anne au 1080 Laurier, lors de la fête de noël. Pour la veuve, la maison de la tante représente son passeport vers la vérité.

Nous pouvons enrichir cette topographie à travers une récapitulation de tous les espaces empruntés dans la deuxième partie de l'oeuvre, et cela dans le but de mieux en saisir le sens.136(*)

La deuxième partie de l'oeuvre comporte trois chapitres, le premier a pour titre La déchirure, le second La quête et le dernier La fin. Ces derniers, vont nous permettre de retracer le parcours d'Elisabeth.

D'abord La déchirure, ce chapitre nous renseigne sur la mort de François et sur les nouvelles préoccupations d'Elisabeth. Cette dernière, travaille dans le domaine social, une fois dans son bureau, elle pense à sa peine qui ne s'apaise pas après le décès de François, « sa douleur, elle ne l'analyse pas, elle la juge interminable »137(*). De retour chez elle, chemin Gomin, la veuve décide de faire le trie dans les affaires de son défunt époux. C'est à ce moment là qu'elle découvre son adultère. Elle se réfugie dans son lieu de travail et plus exactement dans son bureau. Tourmentée, ne sachant pas quel comportement adopter, elle se dirige vers la maison de campagne pour avoir les idées claires. Affolée, étouffée, la veuve éprouve le besoin de marcher à pieds, dans la neige, c'est alors qu'elle se perd dans un bois. Sauvée par Jérôme, son nouvel amant, elle regagne sa maison. Elisabeth décide de mener une enquête, sa première démarche sera d'aller se renseigner à l'Université. N'ayant aucune information, elle sollicite l'aide de Jacques et de Mireille.

Puis La quête, dans ce chapitre Elisabeth obtient des informations sur la relation adultère de son mari, par l'intermédiaire de Jacques. Mais son envie de connaître la vérité n'est pas assouvie, elle veut rencontrer Anne. Avec l'aide de Mireille, la veuve obtient l'adresse d'Hélène Théberge, la meilleure amie de A. Morissette. Elisabeth va la voir, toujours insatisfaite parce qu'elle n'a pas pu retrouver la jeune étudiante, elle demande une adresse qui pourrait la mener vers elle. C'est alors, que le domicile de la tante Jacynthe, la marraine d'Anne, lui a été indiqué. Elisabeth se présente au 1080rue Laurier, elle rencontre la tante et découvre toute l'histoire, dans les moindres détails. Or, son désir de voir Anne ne s'apaise pas. Une fois chez elle, Elisabeth garde en tête l'idée de retourner chez la tante la nuit du 24 décembre afin de voir A. Morissette.

Enfin La fin, où Elisabeth surveille la maison de la tante Jacynthe, la veille de Noël, et aperçoit Anne en sortir. Elle va à sa rencontre dans une épicerie. En la voyant, anéantie, vieillie et enceinte, elle décide d'enterrer son passé. Sa dernière destination après la Rue Laurier, est la maison de Jérôme, avec qui elle envisage un avenir.

Cette première approche de l'espace est une étape informative en rapport avec les déplacements des personnages. Elle permet, également, de saisir une structure signifiante liée aux adresses énoncées, c'est-à-dire que chaque espace cité est prédisposé à être révélateur d'une information importante. Pour que la dimension signifiante soit mise en valeur, nous nous proposons d'examiner les capacités signifiantes de la localisation. 

II. Lectures de l'espace

L'espace de la fiction, doit être abordé de manière précise, car chaque lieu cité, dans le roman, constitue un système signifiant, qui «  n'est pas toujours (...) lisible. Une lecture véritablement construite s'efforcera de dégager, au-delà de l'anecdote rapportée, les possibles capacités symboliques de la localisation »138(*) . Il s'agit, donc, d'analyser les espaces romanesques en se référant aux possibilités de sens qui pourraient emmagasiner.

Il est important de signaler que notre objectif, est de voir comment l'écriture de l'espace marque la présence du père. Selon Goldenstein :

« L'utilisation de l'espace romanesque dépasse (...) de beaucoup la simple

indication de lieu. Elle fait système à l'intérieur du texte alors même qu'elle

se donne avant tout, fréquemment, pour le reflet fidèle d'un hors-texte qu'elle

prétend représenter. C'est dire que l'étude de l'espace romanesque se trouve

inextricablement liée aux effets de représentativité. »139(*).

Cette citation, met en avant le rôle de l'espace romanesque qui ne se limite pas à une indication de lieu, il s'agit d'aller au delà de la localisation spatiale, de prétendre à une représentation liée au texte.

Dans Quelques Adieux, M. Laberge utilise des espaces conformes, non pas à la chronologie de perception des faits, mais à leur ordre réel de succession, c'est-à-dire, que les espaces qui se précisent dans le roman, sont basés sur des éléments signifiants. En d'autres termes, l'espace romanesque est lié aux effets de sens qui se dégagent du texte. Pour notre part, nous allons voir si ces effets de sens indiquent la présence d'un personnage fugace, le père, qui est peu présent directement dans le roman. Dans notre premier axe de travail portera sur l'usage des déplacements et de la distribution des espaces. Et le deuxième axe, mettra l'accent sur les espaces symboliques.

Dans notre analyse de l'espace, il est important de recourir à des notions et à des théoriciens qui pourraient nous aider à retrouver le système signifiant relatif au personnage du père. Nous pensons que l'étude nos deux axes nécessitent de faire appel aux travaux mis en place par Gaston Bachelard. Ces derniers vont nous permettre d'expliquer, dans La poétique de l'espace140(*), les espaces symboliques. Cela n'exclut, aucunement, la référence à d'autres théoriciens.

1- Les déplacements et la distribution des espaces

La distribution des espaces est en rapport avec les effets de sens qui dépendent de la division spatiale, dans laquelle les personnages s'insèrent et se meuvent. Il ne s'agit pas, dans l'espace fictif, de juxtaposer les endroits et voir leur mode de transformation. Bien au contraire, il s'agit d'aller au delà de la disposition spatiale  de mettre en relation les lieux fictionnels et qualitatifs qui s'établissent entre les personnages et les lieux dans lesquels ils se meuvent, selon Caroline Andriot- Saillant «  (...) l'espace littéraire, la dispersion, la fissure, le vertige de l'espacement, la solitude, éclairent à la fois l'expérience du personnage (...) »141(*) .

Pour illustrer notre théorie de l'espace producteur de sens, nous avons opté pour le relevé, l'analyse des lieux cités et la trajectoire des personnages, dans le roman, afin de faire ressortir le lien qui existe entre l'espace et le personnage. Cette relation peut nous permettre d'obtenir des explications sur l'adultère des protagonistes, et voir en quoi la figure du père en est responsable.

a) L'Université

L'université comme son nom l'indique est un lieu de savoir, d'apprentissage et d'éducation, or cette institution devient un lieu de désir a- social, exprimé à travers nos protagonistes, Anne et François, qui éclate après la mort du père Bélanger.

Cet endroit comporte des lieux où les personnages ont vu leur désir accroître, nous pouvons citer la classe, où ils se sont vus résister à la tentation par l'intermédiaire d'un conflit sur la littérature anglaise et plus exactement sur le personnage de Emily Brontë

« Pendant trente minutes, il s'en souvient, la classe avait été passionnée par le débat et avait suivi l'échange entre le prof et cette Anne Morissette si éprise d'Emily Brontë. Ils avaient argumenté, ratiociné, s'étaient affrontés dans une joute passionnante et il ne savait plus qui avait gagné. »142(*)

Le refus de céder au désir, a entraîné un comportement changeant : pour François, allant de la sévérité à la passion professionnelle, il « se présenta à l'université raidi dans sa décision de ramener ses rapports avec ses étudiants à des proportions plus acceptables. Ce qui signifiait de cesser de rêver à une étudiante. Le résultat fut que tous les étudiants le trouvèrent distant et plutôt sec. »143(*). Pour Anne, il s'agit de discrétion, elle «  écoute, enveloppée dans un chandail rose en laine mousseuse qui lui donne un teint transparent. Les yeux brillants, les bras croisés sur son désir, son attention est si intense que François la perçoit presque penchée en avant. »144(*).

Ce changement de comportement «  nous rend à la primitivité du refuge. Physiquement l'être qui reçoit le sentiment du refuge se resserre sur soi-même, se retire, se blottit, se cache,(...). En cherchant dans les richesses du vocabulaire tous les verbes qui diraient toutes les dynamiques de la retraite (...) »145(*).

En d'autres termes, pour ne pas commettre l'irréparable, François Bélanger s'abrite dans sa classe en donnant ses cours avec une hardiesse exemplaire. Passionnée, son « assaut » 146(*)en fait autant, pour ne pas succomber, elle oriente tout son désir vers l'absorption d'un savoir, désormais, ses seuls centres d'intérêt, sont ses cours de littérature.

Hormis la classe, le personnage principal trouve un autre lieu favori, un endroit sans quelqu'un pour perturber sa conscience, il s'agit de son bureau. Ce lieu est un coin de méditation 147(*)et de travail ; mais plus pour longtemps. Après avoir perdu son père, François se sent perdu. Cette mort va remettre en question son enfance, il a l'impression, constante, de chercher quelque chose sans y parvenir. Il «  ne parvenait pas à ramener le calme et la quiétude dans sa vie. Quelque chose s'était effectivement brisée avec la mort de son père. Il avait l'impression dangereuse de marcher sur un quai inconnu un soir de tempête et d'avancer dans la plus pure inconscience vers le bout du quai, qui peut-être descendait en pente douce vers la mer ou peut-être finissait brutalement. »148(*).

Ce passage montre l'angoisse que vit François, car la présence d'un père est indispensable pour l'équilibre d'un homme. Même si son père était peu présent dans sa vie, néanmoins, sa seule existence suffisait à le rassurer. A présent que le père Bélanger est décédé, François est tourmenté et vit un conflit intérieur. Cet orage va l'éloigner de son sens des responsabilités, ayant besoin de se confier, il convoque dans son bureau son étudiante préférée.

Cette première rencontre, dans un endroit clos à l'abri des regards indiscrets, va libérer les consciences et laisser la place aux corps.

Dès que Anne, apprend l'inquiétude et la détresse de son enseignant, il y a comme un flottement dans l'air qui traduit une complicité liée à la perte d'un père

«  -Mon père est mort la semaine passée.

(...)-Vous avez beaucoup de peine ?

-Pas vraiment, non. Ou plutôt, de la peine pour moi, pas pour lui. Je le connaissais très peu.

-Je pensais qu'on connaissait toujours très peu son père.

-Ah oui ? Vous croyez ?

-Je ne connais personne qui connaît son père.

-Pourquoi alors les gens disent que c'est une relation importante, essentielle ?

-Parce qu'ils ne connaissent pas leur père et qu'ils le regrettent. »149(*)

Cet extrait comporte de nombreux points d'interrogation en relation avec l'angoisse et la peur du personnage principal. Ce dernier prétend ne pas avoir de la peine et donne comme justificatif, l'absence de son père. A travers ce comportement, François cherche des explications et une logique à ses sentiments, c'est pourquoi Anne Morissette le rassure et le réconforte en déclarant que les gens partagent son angoisse. Les propos d'Anne et sa logique, expriment une faille dans sa relation avec son père, que François détecte, c'est pour cette raison qu'il se sent lié à elle.

Cette mort est aussi vécue comme une libération sur le plan social.

« (...)

-Depuis que mon père est mort, j'oublie tout, je mélange tout, je suis devenu idiot.

On dirait qu'il a emporté avec lui mon sens des responsabilités.

-ça doit faire du bien.

Cette fois, il est franchement surpris. Il n'avait jamais considéré la question sous l'angle

relaxant que cela pouvait avoir. »150(*)

La société Québécoise est une société patriarcale où le père représente l'ordre et le pilier de la famille. En sa présence, l'enfant se sent en sécurité mais en même temps il est dépourvu de liberté. L'autorité d'un père est nécessaire pour l'épanouissement d'un individu, elle lui permet de connaître ses limites et de respecter la société. Notamment, sa mort est une perte de repère qui entraîne un déséquilibre psychique.

Ce premier lieu exploité, détient des informations sur la progression émotionnelle des protagonistes : ils passent du statut de regards échangés et de conflit, à celui de conversation dans le bureau de François. Nous pouvons, également, observer une variation du désir à travers d'autres lieux tel que la maison.

b) La maison

La notion de maison, chez nos deux personnages, est différente. Pour l'un, c'est un lieu de repos, de bien être, de refuge et de vie de couple. Pour Anne Morissette, c'est l'endroit où elle exerce sa liberté.

Le Chemin Gomin abrite une relation de couple qui donne l'air d'être indéfectible mais celle-ci se voit altérer par la mort d'un proche (le père).Dès lors, François n'est plus le même, Elisabeth, sa femme, essaie tant bien que mal de comprendre ses déboires, et en femme modèle, elle patiente.

La maison qui était autrefois un abri, un refuge, va devenir le lieu où « le passé, le présent et l'avenir donnent à la maison des dynamismes différents, des dynamismes qui souvent interfèrent, parfois s'opposent, parfois s'excitant l'un l'autre. »151(*)

Pour Anne la maison n'existe pas, cette dernière a disparu avec la mort de son père. Mais sa mémoire garde l'image, intacte, d'une maison chaleureuse et pleine d'amour, selon Bachelard « c'est par l'espace, c'est dans l'espace que nous trouvons les beaux fossiles de durée concrétisés par de longs séjours. L'inconscient séjourne. Les souvenirs sont immobiles d'autant plus solides qu'ils sont mieux spatialisé »152(*). Cet avantage du souvenir, François ne le possède pas. Contrairement à Anne, il ne dispose pas d'un socle solide qui lui permette de tenir de cap de l'avenir.

L'appartement Rue Fraser, partagée avec Hélène Théberge, ne laisse pas beaucoup de place à Anne, c'est pour cette raison qu'elle se cache, souvent, dans sa chambre.

Ce deuxième lieu analysé, marque les changements affectifs des amants, de l'état de refus de céder à l'adultère à celui d'angoisses et de réminiscences. Ces perturbations vont les propulser vers la consommation du désir, dans la chambre de l'étudiante. Cette pièce tant convoitée et fréquentée par les protagonistes, sera témoin des souffrances amoureuses liées à la fois au passé et au présent de chacun, d'où l'importance de son étude.

c) La chambre

L'usage de la chambre implique une série complexe de comportements qui pourraient traduire une manière d'être, une véritable expérience existentielle.

Dans le roman, la chambre de l'étudiante devient le lieu central où s'épanouit la relation des protagonistes. Elle abrite, à la fois les corps des ces derniers mais aussi les angoisses du personnage féminin. Vécue dans l'acception la plus large, cette sorte d'espace nous permet d'assister à un spectacle où l'espace s'attache étroitement au corps humain, et où «  la conscience d'être en paix en son coin propage, si l'on ose dire, une immobilité. L'immobilité rayonne. Une chambre imaginaire se construit autour de notre corps qui se croit bien caché quand nous nous réfugions en un coin »153(*)

En d'autre terme, la relation interdite des personnages les pousse à choisir un endroit, une chambre discrète, à l'abri des regards accusateurs. Cette chambre est non seulement un refuge, mais aussi un lieu de transcendance à la fois corporelle, c'est-à-dire libérer son corps de toutes règles instaurées par la société ; et morale pour exprimer une certaine grandeur et profondeur cachées qui se déclarent et apparaissent effectivement après avoir perdu un être dominant (le Père) dans la vie des protagonistes. La chambre n'est pas uniquement le lieu de transcendance, elle est aussi la proie de toutes les angoisses.

Une fois seul dans sa chambre, Chemin Gomin, François se rappelle son enfance : la mort de sa mère et l'absence de son père, son regard distingue les murmures, les goût et les couleurs de son passé, et il n'enregistre aucun souvenir de son père. Ce qui le perturbe, également, c'est l'amour qu'il porte à deux femmes différentes, l'une étant sa femme et l'autre son étudiante. Nous supposons que cette conjoncture est le résultat d'un manque que seule l'une des deux femmes peut comprendre, et bien entendu Anne Morissette est celle qui conçoit le mieux la crainte profonde de François. Cette crainte est liée à une partie de son enfance privée d'amour paternel, une fois adulte, il refuse l'idée même d'avoir un enfant et cela de peur de reproduire ce qu'il a vécu. Quant à Anne, ayant elle aussi connu l'absence d'un père aimant, elle se réfugie dans ses souvenirs pour retrouver sa trace. Ces souvenirs peuvent aider la jeune fille à reconstituer son passé, et à ce moment là, la chambre devient un élément déterminant, un espace de solitude recoupant toutes les analepses nécessaire pour ce processus.

Néanmoins, cette mémoire perdue ne sera restituée qu'avec l'aide de sa tante Jacynthe, et grâce à sa lettre, Anne recouvre la mémoire.

Nous constatons que toutes ces images perdues et restituées pour certains, rapprochent et lient les deux personnages. Il est clair que l'absence d'un père influence le comportement des personnages et pour user d'une image chère à G. Bachelard :

« (...) Tous les espaces de nos solitudes passée, les espaces où nous avons souffert de la solitude, jouir de la solitude, désiré la solitude, compromis la solitude sont en nous ineffaçables. Et très précisément, l'être ne veut pas les effacer. Il sait d'instinct que ces espaces de sa solitude sont constitutifs. »154(*)

Par conséquent, nos deux protagonistes se sentent investis d'une mission, reconstituer un passé pour mieux envisager l'avenir, et cela ne peut se réaliser que si chacun d'eux fait un travail sur soi.

Nous constatons que cet espace, mis en scène, permet à l'auteure de s'adresser directement à l'imaginaire du lecteur. Ce dernier, à travers les tentatives des personnages, revoit par la même occasion ce qui le perturbe, c'est-à-dire que « les valeurs d'intimité sont si absorbante que le lecteur ne lit plus votre chambre : il voit la sienne. Il est déjà parti écouter les souvenirs d'un père, (...), bref de l'être dominant le coin de ses souvenirs les plus valorisés. »155(*)

Ce dernier lieu examiné, expose l'intimité sexuelle et les tourments antérieurs des personnages. Ces derniers hantés par leurs passés, révèlent une déficience paternelle qui peut être responsable de l'angoisse vécue par chacun et de la relation qui les lie. Cette hypothèse, nous incite à revoir notre approche de l'espace romanesque, c'est-à-dire que notre travail nécessite l'étude de certains thèmes et objets, tout en leur attribuant le statut « d'espace romanesque ». Cette association de thèmes et d'objet avec l'espace, ne peut être effectuée que si la dimension symbolique de l'espace romanesque est mise en valeur.

2-Vers des espaces symboliques

Nous ne voulons pas considérer que les lieux ; nous voulons aller au-delà, vers ce que nous avons appelé des espaces symboliques c'est-à-dire vers des états affectifs qui agissent sur les personnages, modifient leur comportement et leur déplacement. Ces états affectifs (comme l'amour) sont tellement complexes, variés qu'ils représentent une unité de spatialité qui transforme de l'intérieur la quête des personnages.

Dans cette partie, nous allons mettre en évidence la dimension spatiale à partir d'une organisation de sens à savoir l'amour, la mort, les relations amoureuses et sexuelles et la gravure de Florence. Ces derniers apparaissent dans le récit comme des éléments signifiants, ils vont au-delà de leur acception première afin de mettre en avant l'aspect affectifs des personnages. Il s'agira pour nous, d'analyser ces espaces que nous supposons symboliques : « un espace symbolique est un signe global qui détermine les conditions de la circulation des signes, et d'autre part que ce signe global ne saurait se définir que par l'intermédiaire des signes qui le composent »156(*), c'est-à-dire qu'il y a un effet de représentations, et de mettre en avant un processus de sens « chargé de fixer et de rassembler les diverses représentations catégorisées (...) et associées à des objets et des techniques (...) créant ainsi des «habitudes« d'interprétation »157(*). Cette association de l'amour, de la mort, des relations amoureuses et sexuelles et de la gravure de Florence avec la mémoire antérieure des protagonistes, va faire ressortir l'image du père, car celle-ci est liée au passé des personnages.

Il convient avant de passer à l'analyse des espaces symboliques de définir les éléments cités ci-dessus.

Le dictionnaire définit l'amour comme une « inclination envers une personne, le plus souvent à caractère passionnel, (...) mais entraînant des comportements variés »158(*), tel que le chagrin. Il s'agit d'observer le comportement, tantôt passionné et tantôt affligeant, des personnages amoureux afin de déterminer en quoi ce thème peut être considéré comme un espace, mais aussi comme un indice qui nous permettrait de retrouver la figure fugace du père.

Le premier aspect de l'amour, la passion, domine la première partie de l'oeuvre et concerne le personnage principal, François, et son étudiante, Anne.

Le deuxième aspect de l'amour, la trahison, et l'affliction d'Elisabeth, épouse de François, dominent la deuxième partie du roman. Teintée, au départ, de pessimisme et de désespoir, la fiction s'achève sur une note d'optimisme.

Nous constatons que cette structure sémantique (l'amour) est intense, car elle fait ressortir l'intériorité des personnages, qui est chargée d'émotions et de souvenirs, et influence leurs déplacements et leurs comportements.

Le thème de la mort est présent dans toute l'oeuvre. Sa définition demeure complexe dans la fiction, le dictionnaire nous informe que la mort est « cessation de la vie »159(*) ; or, dans Quelques Adieux, ce réseau de sens est complexe et représentatif de la quête que mènent les protagonistes. Il s'explique par son rapport à l'amour et plus exactement à la passion, c'est-à-dire qu'à travers le désir, les amants côtoient des limites qui les rapprochent de la mort. Nous constatons que François échappe au tourment qui l'habite par le biais de la mort, il meurt d'un cancer. Et pour Anne, il s'agira d'une vie dénuée de désir et d'avenir, elle est condamnée à vivre dans un univers vidé de toute substance affective.

La sexualité dans Quelques Adieux est complexe, elle dépasse la pulsion parfois sauvage, partagée entre un homme et une femme et dont le but est de satisfaire leurs instincts. Elle va au delà du désir, et donne des allures d'exploration et de quête. Elle expose des amants en quête de soi, et à la rechercher de quelque chose qu'ils ont perdu ou qu'ils ne connaissent pas mais qui reste liée, au passé.

Tous ces réseaux de sens sont considérés comme des espaces symboliques parce qu'ils rendent compte de la progression des personnages au sein de la fiction. Cependant, d'autres espaces symboliques s'ajoutent à notre liste, il ne s'agit pas d'un thème mais d'un objet : une gravure, la gravure de Florence que François exposait dans son bureau et qui représente un arbre déraciné et emporté par le vent. Cette dernière résume la vie du protagoniste, c'est ce que nous appelons une mise en abyme, «  un procédé consistant à placer à l'intérieur du récit principal un récit qui reprend de façon plus ou moins fidèle des actions ou des thèmes du récit principal »160(*), c'est-à-dire que l'objet cité comporte une image et constitue une métaphore de la vie du personnage principal.

Nous allons voir à travers cet itinéraire symbolique tous les éléments de l'enfance chassée de la mémoire, revenir sous forme d'images qui hantent les personnages et qui exposent, souvent, des pères mis dans l'ombre. Passons à présent à la première étape de notre analyse à savoir l'amour et la mort.

A. Les différents aspects de l'amour

Si la notion d'amour est évoquée dans l'étude des formes romanesques, la réflexion sur le concept général de l'espace romanesque ne peut être que lié à ce thème.

En effet, si l'amour est un espace symbolique cela suggère des sentiments entraînant des comportements par les personnages qui pourraient expliquer certaines images liées à la figure du père. Il s'agira pour nous de repérer à travers les visages de l'amour, la passion et la trahison, les constantes récurrentes afin de saisir le poids et la profondeur du personnage du père. Avant de passer à l'analyse, il convient de mettre l'accent sur le sentiment complexe qu'est l'amour :

« L'amour est comme un cancer, un chancre, une masse

sournoise qui se nourrit d'elle-même, grossit, grandit et

finit par nous dévorer. On meurt et on se demande si

finalement, on n'aurait pas mieux fait de haïr seulement

ou de rester indifférent. »161(*)

Ce sentiment se nourrit de deux sensations insaisissables dans l'oeuvre, il est béatitude et peine, trahison et mort. Ces deux couples d'adjectifs résument les états d'âme des protagonistes : l'histoire de François et d'Anne est variable, ils se sentent, à des moments, en sécurité et remplis de bonheur dans la chambre rue Fraser, et à d'autres moments, ils se déchirent et se fuient tant leur relation est complexe et interdite.

«  Anne qui lui a révélé l'autre versant de la vie, le brûlant, le périlleux

versant qui s'accole au définitif, qui vit chevillé à la seule vérité irrémédiable

de l'homme : sa mort »162(*)

Cette situation intense et instable sur le plan émotionnel, prend la forme d'une passion brûlante. Celle-ci expose un désir de dépassement de soi par le biais du corps aux frontières de la mort.

A ce sentiment de passion s'ajoute le sentiment de trahison, ressenti par Elisabeth, la femme de François, lorsqu'elle découvre l'adultère de son défunt époux:

« Pétrifiée, elle laisse la littérature faire son chemin, elle laisse les mots

d'Anne Morissette révéler l'inavouable. Elisabeth tend une main aveugle

et, au contact chaud de Solo (la chienne), laisse sortir un gémissement »163(*)

Cette vérité brute va remettre en question la vie et le mariage de cette femme, anéantie et incapable de d'avoir des réponses directes, elle décide de mener son enquête afin de revivre. Le principe de la trahison est soit la reddition ou l'espoir.

Il convient à présent de passer à l'analyse de ces deux sous thèmes de l'amour à savoir la passion et la trahison.

Ø La passion:

M. Laberge utilise un langage qui suggère des sentiments intenses que nous pouvons qualifier de passion. Celle-ci est considérée comme un gouffre dans lequel s'enfoncent les amants François et Anne.

En effet, le décès du père de François est une donnée importante dans le processus de la reddition des protagonistes, et est responsable de la nouvelle sensation de liberté du personnage central. Ce dernier, se sent libéré de toutes conventions sociales : ces sentiments de liberté et d'avoir un poids en moins (la présence du père) entraînent François dans les méandres du désir extraconjugal qui le tenaillait et auquel il résistait.

Par ailleurs, Anne jouit de cette liberté du corps et de l'âme depuis longtemps. Ayant perdu son père jeune, elle s'est sentie investie d'une mission, celle de laisser libre cours à ses désirs afin d'évacuer, d'elle, la capacité d'aimer qui pourrait la rendre dépendante.

Cette crainte, ce besoin de ne pas aimer, de ne pas s'attacher, sont les conséquences d'un accident de voiture dans lequel Anne a perdu l'être qu'elle chérissait, son père. Depuis cet événement, elle est sur ses gardes, refusant de témoigner tout sentiment d'amour.

Cependant, cette autoprotection sera déstabilisée par la présence d'un personnage masculin, François. Cette présence suspecte va propulser la jeune étudiante hors des frontières qu'elle s'était fixée. Elle aimait François « mais ne pouvait pas supporter l'angoisse qu'un tel amour provoquait. Anne allait à sa perte en aimant François. Elle le savait, mais n'arrivait pas à faire autrement. »164(*)

Cette passion est un lieu de solitude pour les amants, car elle les éloigne de la réalité et les isole dans des endroits carcéraux (la chambre, le bureau, la chambre d'hôtel) où leur sens du devoir n'a plus de place. Incapables de lutter, les protagonistes se laissent envahir par ce gouffre qui finit par tuer François et achever l'âme d'Anne. Il est vrai que la passion  « n'est nullement cette vie plus riche dont rêvent les adolescents, elle est bien au contraire, une sorte d'intensité nue et dénuante, (...), un amer dénuement, un appauvrissement de la conscience vidée de toute diversité, une obsession de l'imagination concentrée sur une seule image- et dès lors le monde s'évanouit (...) »165(*).

Nous constatons que la mort d'un Père et le manque affectif, peuvent transformer un individu d'apparence saine jouant le jeu de la société, en un mari refusant la paternité (François). Et peuvent, également, le pousser à craindre l'amour et à redouter la perte d'un être cher.

Souvent dans l'écriture de M. Laberge, le personnage féminin est une femme indépendante qui tient tête aux moeurs et tente de faire évoluer la société. C'est le cas des personnages féminins, de ses deux premiers romans de la trilogie : Gabrielle, Adélaïde et Florent. Il s'agit de deux femmes, Gabrielle et Adélaïde, qui refusent de sacrifier leurs opinions et leurs carrières pour le mariage. Des épouses non soumises, qui remettent en question les valeurs traditionnelles du Québéc.

Cet exemple de femmes indépendantes correspond aux deux personnages féminins de Quelques Adieux, Anne affiche sa liberté par son refus d'être comme les autres c'est-à-dire ne pas dépendre d'un point de vue affectif. Et Elisabeth, exprime son indépendance en faisant face à la mort de son époux et à sa découverte de l'adultère.

Certes, après avoir consommé son désir, François finit par se consumer et mourir laissant derrière lui une femme, sa femme, Elisabeth subir les tourments et l'affliction de la trahison.

L'espace de la passion se confirme dans cette volonté d'échapper à la réalité et de vivre intensément une passion qui sous son apparence d'adultère, affiche la quête des amants.

Cet espace de recherche du passé n'est pas le seul, nous pouvons rajouter la trahison, qui tend, elle aussi, à produire une spatialité.

Ø La trahison :

La trahison que vit Elisabeth, est un espace de souffrance et d'interrogations sur les raisons qui ont poussé le personnage principal à l`adultère. Contrairement à Anne, la veuve ne comprend pas les besoins, les faiblesses et le manque affectif qui ont incité François à dévier du droit chemin.

Néanmoins, « elle préfère vivre à cent pour cent dans la vérité même brutale, qu'à cinquante pour cent dans l'inconfort moelleux, douceâtre du mensonge. »166(*). Cette souffrance, cette envie d'avoir des réponses poussent parfois Elisabeth à se réfugier dans un univers de réminiscences afin de garder, intacte, l'image de sa vie conjugale, toutefois cette image est altérée par la dure réalité des événements à savoir sa découverte de l'adultère.

En effet, la notion d'amour dans Quelques Adieux est précaire, elle passe d'une exaltation amoureuse et du refuge des incompris de la société (François et Anne), à la souffrance provoquée par une infidélité (le cas d'Elisabeth).

Face à la douleur, à la déception, la personne trompée doit faire un choix, soit renoncer à l'amour, mourir d'angoisse et creuser sa propre tombe, soit réapprendre à vivre, même si la douleur est toujours présente, et croire en un avenir meilleur.

Elisabeth, après avoir rencontré la détentrice de la vérité, la tante Jacynthe, décide de vivre et se sent «  capable d'aimer, capable de pardonner par amour, (...) capable de vivre même avec ce poids-là »167(*)

L'amour n'a pas de définition figée. C'est un sentiment complexe, à l'abri de toute interprétation scientifique. Il est à la fois plaisir et souffrance. Qu'il soit félicité ou peine intense, il apporte à l'être humain un espace de solitude, mais aussi un abri, une coquille qui le protège.

C'est dans cette optique que nous avons orienté notre travail, c'est-à-dire que le comportement lié aux sentiments des personnages est justifié par l'absence de la paternité. Ce constat n'est que temporaire, pour l'affirmer ou l'infirmer, nous devons passer au point suivant à savoir la mort.

B. La mort

Depuis le début de ce travail, nous nous sommes rendus compte que le thème de la mort est présent à chaque tournant de notre analyse, dans les perspectives symbolique et physique. Sa progression, nous amène à l'envisager comme une structure ternaire où les personnages se réfugient et l'adoptent comme mobile, qui excuserait leur relation.

La mort est perçue par les personnages comme échappatoire, comme excuse de l'adultère: François, conscient du danger que peut engendrer son infidélité, sur sa femme et sur la société, se laisse emporter par la maladie afin de ne plus souffrir des sentiments qu'il éprouve à la fois pour Elisabeth et pour Anne.

La mort est pour ce personnage un refuge ; mais elle a aussi un effet de caution sur la passion des amants. A partir de l'analyse effectuée sur le texte évoquant le passé des personnages, nous avons constaté que la raison qui a poussé les protagonistes à s'engager dans une relation adultère, est la mort de leurs pères respectifs ainsi que l'absence de l'enfance :

« L'enfance (...) est la seule source, le seul commencement, la seule déchirure

vraiment essentielle et ineffaçable, l'ultime parce que première blessure. Les

autres, celles qui suivront, n'en seront que le terrible écho »168(*)

A travers cet extrait, la réflexion sur l'enfance, ne doit pas faillir à sa mission prioritaire : présence des parents. Or, François et Anne ont connu l'absence, celle d'un père, et le manque d'amour paternel, provoqués par une mort accidentelle (père d'Anne) et par une irresponsabilité et une mort tardive (le père de François). Cette déchirure ineffaçable, cette première blessure, n'est que le commencement de toutes les autres. Donc, la mort du père devient le point commun et le prétexte des protagonistes de leur infidélité.

Cette structure de la mort comporte trois dérivations : le décès du père de François, le décès de François et la mort symbolique d'Anne.

La mort du Père Bélanger :

En faisant le bilan de son enfance, après la mort de son père, François remet en question son passé et constate que la fonction affective attribuée au père n'a pas été respectée. Il a l'impression d'être un orphelin qui n'a plus « aucun lien, aucun passé, aucun souvenir. »169(*) . Il se livre à une expérience de remémoration d'où, il espère trouver une étincelle qui donnerait sens à son existence, mais il découvre, avec regret, que sa mémoire n'a enregistré que l'image d'un  « vieil homme, un déserteur de carrière, un père ignorant de tout y compris de ses enfants, était mort et cela suffisait à le tuer (...) »170(*).

A présent libre de tout lien, il se sent abandonné, perdu et seul face à ce destin inéluctable. Cette nouvelle solitude, cette « enfance morte à travers un père mort (...) »171(*) va le livrer à la passion adultère où une mort certaine le guette.

François est conscient que son père est mort depuis longtemps, avant même son accident. Mais il refusait d'admettre sa solitude et son « enfance ignorée, trahie, oubliée (...) »172(*)tant que son père avait une présence physique sur terre. Une fois le père mort, le protagoniste expulse de lui tous les sentiments qui ont été refoulés. Cette pulsion longtemps détournée, trouve, enfin, une excuse pour se libérer à travers une passion dévorante.

Cette mort du père amène notre réflexion sur le constat suivant :

Le décès du père est à la fois un prétexte et un espace de découverte de soi. A travers ce trépas, François devine en lui un coté sombre qu'il ne connaissait pas, dépassant toutes les limites de la raison et du raisonnable. Ce voyage « fertile en péripéties accède au centre de soi (...) »173(*) et se termine par une mort lente et douloureuse.

oe La mort de François :

François, lui aussi, trouve sa fin dans la maladie : Le cancer. Sa mort devient pour le lecteur une forme de punition à son adultère. Il est vrai qu'elle le guettait depuis son enfance, mais elle s'affirme lorsque ce dernier est complètement ravagé par la maladie.

Pour François, la maladie est une récompense car elle lui permet de mettre fin au tumulte dans lequel il se débattait vainement. Il savait que la mort avait différentes facettes et qu'elle n'attendait qu'un prétexte pour l'emporter.

En effet, pour lui, s'abstenir d'Anne, ne pas la voir, mettre fin au pacte du corps qui les scellait, annonce la fin. Il avoue ne pas pouvoir vivre sans Elisabeth, sa femme, mais en même temps, il prétend ne pas pouvoir se séparer et vivre loin d'Anne. Sa vie se résume à l'amour qu'il porte à ses deux femmes. Cette ambivalence ne peut pas durer, et loin d'être crédule, François sait que sa jeune étudiante le quitterait, et décide de vivre chaque instant auprès d'elle comme si il s'agissait du dernier. Pour François, sa présence signifie que « le monde est sauvé. Et que la mort est remise à plus tard. »174(*).

Dans cette courte analyse, la mort et la maladie deviennent une excuse qui permet à François d'échapper à la passion et au déséquilibre affectif qu'il subissait, cependant, cette mort physique entraîne une autre mort, celle d'Anne.

oe La mort symbolique d'Anne :

Anne est anéantie par la passion qu'elle a vécu avec François. Pour elle aimer c'est mettre fin à son existence, et la mort de son amant n'arrange pas son état psychique. Pour mieux comprendre le ressentiment de ce personnage à l'égard de l'amour, nous nous proposons de récapituler son parcours affectif. Ayant était abandonnée par son père, mort lors d'un accident de voiture, Anne refuse d'aimer un homme au risque de l'enterrer ou à « en faire son deuil (...) »175(*). Cette mort a mis un terme à sa vie et à la capacité d'aimer, elle est morte en même temps que son père. C'est cette assertion qui lie ce personnage féminin à François. Ils partagent, sans se l'avouer, la même angoisse, celle qu'un père laisse après sa mort, et qui leur donne une sensation de liberté déroutante. Le manque affectif, leur permet de se retrouver et de l'exprimer à travers le pacte du corps. Ce handicap affectif, ressenti dès l'enfance, les prépare à une mort certaine, qu'elle soit physique ou symbolique.

Sachant, dans son cas, que la passion est une maladie qui rouvrira la plaie de son passé, Anne se laisse emporter au risque de tuer François « parce que, sans cela, elle en serait morte. Et elle en est quand même morte.» 176(*)

La mort de François est, ici, une solution à la tornade des amants, mais c'est également une sentence insupportable pour Anne, car elle est condamnée à perpétuité.

La progression de la mort, est tout aussi présente que sa progression spatiale. Elle est un espace de l'extrême, elle ne laisse pas le choix aux protagonistes, ils l'acceptent, l'adoptent comme une évidence, comme une trajectoire déjà planifiée dès enfance.

Toutefois, la mort n'est pas la seule référence de l'extrême, les relations amoureuses et sexuelles ont la même densité, c'est pour cette raison que nous avons choisi d'analyser ce réseau de sens.

C. Les relations amoureuses et sexuelles

Depuis toujours la sexualité est considérée comme un sujet tabou dans toutes les cultures, y compris la culture québécoise. Parler de libido, dire ses envies, est un acte déplacé, toutefois, notre écrivaine ne se limite pas aux jugements de valeur. A travers son écriture, elle va au delà de l'acte physique et pousse le lecteur à en faire autant, c'est-à-dire comprendre en quoi le pacte du corps peut être révélateur d'un manque, d'une absence et d'un besoin.

Il s'agit de voir comment le corps peut être un enjeu d'importance, et cela en saisissant les liens qui unissent les personnages entre eux afin de repérer les constantes et les différences à travers l'expression corporelle. Ainsi, analyser le langage du corps identifie la présence récurrente d'un renvoi au passé et plus exactement à la figure paternelle.

Nous avons noté deux sortes de relation, la première est partagée entre François et Anne  et la deuxième entre François et Elisabeth. Il s'agit d'analyser à travers ces deux relations, le comportement corporel des protagonistes, afin d'en extraire la dimension spatiale.

D. Un pacte interdit :

Après la consommation du désir, les amants excellent dans la communication corporelle. Le désir sexuel n'est plus ce qu'il l'était, c'est-à-dire la principale source du plaisir et la production de sensation agréable. Il se transforme, il se métamorphose en une urgence : l'amour physique devient une angoisse, une peur, la peur de perdre l'être qu'on aime au point de vivre chaque parcelle du corps intensément comme si il s'agissait d'un adieu :

«  (...) quelques fois, pour le damner, elle Anne restait debout,

nue, loin, dans un rayon de soleil qui la tenait chaude comme

sa peau à lui François et elle le regardait et elle aiguisait son

désir en attente à bout de bras, du bout de ses yeux et quand il

murmurait, le souffle court, le sexe presque douloureux de la

tant vouloir, elle s'approchait lentement et le prenait d'un coup,

follement, (...). Elle ne le reconduisait jamais ; roulée au fond

du lit, fermée sur son corps palpitant, elle refusait de le voir partir. »177(*)

Dans cette aventure du corps, les personnages sont considérés comme des victimes : les rapports qui se nouent entre le professeur et la jeune étudiante, sont les résultats de l'inconscient. Ils sont victimes de leur inconscient, c'est-à-dire que l'environnement charnel des protagonistes, est un lieu où le passé de chacun ressurgit pour s'incruster et déstabiliser leur entente physique. Cette dernière est caractérisée par la jouissance sexuelle et par une forme de dépassement physique, qui laisse entrevoir un comportement et un instinct animal.

Nous constatons que les protagonistes se font longtemps languir, souffrir, pour ensuite jouir. Nous supposons que ce comportement a une origine liée au passé des personnages, et plus exactement, en rapport avec l'absence du père. Nous avons, déjà, évoqué ci-dessus que cette absence peut donner l'illusion d'une liberté sans limite, ainsi, « au fur et à mesure que l'homme se détache de ses parents ; l'anima arrache l'homme à son univers rationnel (...) »178(*). Les protagonistes sont, comme, piégés par ce sentiment de liberté, car il provoque en eux une angoisse permanente, liée aux limites qu'ils doivent s'imposer. Celles-ci n'étant pas respectées, transforment la relation physique des personnages en un accouplement sauvage :

« Son corps était plus sauvage que son esprit, moins dompté, il n'avait pas

vraiment appris à se protéger, se fermer. Il pouvait accéder à Anne à travers

son corps, à travers sa vibration première et cela troublait profondément le

sien et il apprenait, lui, le docile, le sage corps bien apprivoisé, à se laisser

emparer, envahir par cette loi fulgurante qu'est celle du désir. » 179(*)

Le registre utilisé par l'auteure met en place un processus de réflexion et de comportement dignes d'un animal et non d'un être humain. Les adjectifs «sauvage«,« dompté«, «docile «, «apprivoisé«, mettent en avant le coté bestial des personnages. Cette allusion à la bestialité n'est pas gratuite, hormis le fait de raconter la jouissance sexuelle des amants, elle expose un état d'esprit et une quête commune.

Le facteur sexuel, n'est qu'un prétexte. François et Anne mènent une quête existentielle, chacun se cherche à travers l'autre. L'un mène un voyage au coeur de l'enfance dans le but de retrouver des images, de la tendresse et un père. Et l'autre, tente d'exorciser un père qui est mort depuis longtemps. Cette quête finit par les tuer.

E. L'espace de la relation conjugale :

Elisabeth est l'exemple type de la femme stable et épanouie. Ayant grandi dans un environnement sain, elle n'éprouve aucun besoin extraconjugal. Cet équilibre familial, lui procure un bien être intérieur et lui permet d'être une femme fidèle, respectant les moeurs et la société.

Dans les bras de sa femme, François se sent en paix avec lui-même, il ne connaît ni l'urgence de l'acte sexuel, ni les tourments de l'amour. Elle est pour lui un stabilisateur auquel il recourt lorsqu'il se sent envahi par la passion.

A chaque moment difficile, de sa relation avec Anne, il se réfugie dans les bras de son épouse. Lui faire l'amour devient un moment d'euphorie :

« Il l'étreint, en reconnaissant qu'il est un homme favorisé. (...) Troublé, heureux, il caresse Elisabeth comme s'il la découvrait. Fouetté par un désir de possession qui ne l'a pourtant jamais habité, il la contemple un instant, puis l'embrasse farouchement. Ils font l'amour sur le divan devenu soudain moins confortable, avec une ardeur qui ressemble presque à de la violence. »180(*).

Cette plénitude, cette intégrité, lui permettent d'affronter sa passion brûlante. Sa relation physique avec Elisabeth, est comme une décharge électrique qui le relance à chaque fois dans les méandres de la passion. Son épouse lui permet de revivre dans ses bras.

D'une part, nous constatons que la pulsion centripète qui anime le couple, est placée sous le signe de l'amour, de la tendresse et de la stabilité. Et d'autre part, elle se fait rare avec la sinuosité de la passion adultère. Vivant sous la pression du mensonge, du désir et de l'absence, François passe de l'état d'un homme énergique à un individu faible qui se détourne de la réalité et se réfugie dans la maladie.

F. La gravure

Si nous considérons la gravure comme un espace symbolique c'est parce qu'elle donne à lire de manière concentrée la totalité de l'intrigue. D'ailleurs, c'est ce qu'on appelle une mise en abyme, parce qu'elle « reflète plus ou moins fidèlement la composition de l'ensemble de l'histoire (...) »181(*)

La gravure de Florence offerte par Elisabeth à son mari, « représente un arbre qui lutte. Il a l'air solide, fort, indestructible, mais il penche, se brise, se casse en un lieu secret, invisible pour l'oeil. Le vent fait le reste. »182(*)Cette image placée dans le bureau de François, résume son parcours, selon G. Bachelard : « Les grandes images ont à la fois une histoire et une préhistoire. Elles sont toujours à la fois souvenir et légende. On ne vit jamais l'image en première instance. Toute grande image a un fond onirique insondable et c'est sur ce fond onirique que le passé personnel met des couleurs particulières. (...) dans le règne de l'imagination absolue, on est jeune très tard. »183(*).

En effet, la gravure représente un arbre qui se bat contre un vent qui finit par avoir raison de lui. Cet arbre, n'ayant pas de racines, n'arrive pas à faire face au danger qui le déstabilise, et ne peut protéger ceux qui s'abritent en lui, c'est-à-dire les nids et les oiseaux.

Tout comme François, la mémoire est pour lui ce que les racines sont pour l'arbre. On se surprend à établir un parallèle entre l'image de la gravure et la trajectoire du protagoniste.

Il est certain que «  l'arbre entier est, pour l'oiseau le vestibule du nid. Est (...) pour l'oiseau un refuge »184(*). Si bien que la mémoire de l'enfance représente un nid et un refuge pour François et c'est à partir de « ce fond lointain que l'enfant revient. Dans son coin de méditation, le rêveur (...) fait son examen de conscience. Le passé remonte pour affleurer dans le présent.»185(*). Il s'agit de décrire l'objet mis en abyme afin de dégager le message qu'il comporte et tenter d'expliquer en quoi cet objet peut être considéré comme un espace symbolique :

L'absence de racines, de mémoire et d'images liées à l'enfance, déstabilisent le personnage, tout comme l'arbre de la gravure. La conscience de François n'est pas en paix face à une enfance égarée et absente, et de ce fait il ne peut prétendre à un avenir.

Au fond, nous pouvons nous demander si la gravure n'est pas un espace de l'imaginaire ? Il ne s'agit pas d'opter pour une méthodologie de l'imaginaire mais de « scruter les représentations que les hommes se sont forgés d'eux-mêmes en réponse à leur désir de paraître. »186(*). Ici, le désir de paraître ne peut être réalisé que si le sujet jouit d'une vie sociale convenable, or François n'a pas eu une enfance heureuse et une vie de famille, et c'est ce qui va constituer un handicap pour son épanouissement social.

La gravure résume cette situation et selon, G. Bertin « c'est la petite étincelle qui donne son sens aux divers contenants (...) »187(*), c'est-à-dire, que l'objet évoqué dans le récit fait office d'étincelle qui met en place une structure d'interprétation diverse, et nous ne pouvons qualifier cette gravure d'espace symbolique qu'en l'interprétant.

Pour clôturer ce chapitre, nous pouvons signaler que les espaces cités sont, en général, des refuges qui réveillent la mémoire des amants afin qu'ils appréhendent leurs futurs. Cependant, le futur des amants est la mort. Celle-ci les guette dès l'enfance, et elle est le résultat d'un manque affectif qui est la base de tout équilibre psychique, nous faisons référence à l'amour paternel. L'absence d'un père peut engendrer des handicaps :

« Anne ne se voulait pas froide. Cela ne procédait pas d'une volonté

personnelle : elle l'était. Depuis toujours, cette froideur et ce détachement

l'abritaient des pires dangers comme une couche de cellophane protectrice.

Anne n'avait jamais décidé de se protéger ainsi. C'était comme ça. » 188(*)

La figure du père, présente dans les deux espaces  géographique et symbolique, implique l'expression d'un besoin d'ordre affectif et social.

D'un point de vue topologique, le père est présent dans la mémoire des protagonistes, lorsqu'ils se retrouvent dans des endroits fermés et vides, tels que la chambre et la maison. Ces dernières, relèvent de l'angoisse et de la solitude que chaque protagoniste tente de surmonter, et de cette manière, elles deviennent des lieux de réminiscences.

Ces lieux ravivent les blessures du passé, qui sont, pour la plupart, liées à l'absence paternelle, et donc, à une carence affective qui sera considérée plus ou moins consciemment comme prétexte par les amants pour s'abandonner à la passion.

Et d'un point de vue symbolique, la figure paternelle découle de l'évocation de certains thèmes : l'amour, la mort, l'acte sexuel, et d'un objet, la gravure de Florence. En vivant une passion fatale, François et Anne exposent les différentes facettes de l'amour, de la mort et de la sexualité :

L'amour est perçu comme un phénomène donnant naissance à deux sentiments, la passion et la trahison, qui sont dans ce cas de figure complémentaire.

L'un domine la première partie du roman, marquant ainsi les aléas de la relation adultère, entretenue par François et Anne. Et l'autre, annonce la quête d'une femme, Elisabeth, ayant pour objectif de trouver les raisons de l'infidélité conjugale. Cette trahison sera présente et exprimée, tout au long, de la deuxième partie de l'oeuvre.

Quant au thème de la mort, il domine toute l'oeuvre, et est constant dans le passé et le présent des personnages. Lorsque la mort est évoquée dans le texte, elle fait, souvent, référence à celle  d'un père, également, à celle de François, et en dernier, à celle d'Anne (une mort symbolique). Nous avons observé, que la mort des pères, est responsable de l'état instable des amants et de leur adultère, cependant, ce déséquilibre et cette infidélité, ne vont pas disparaître, ils ne trouveront de remède que dans la mort physique de François, et l'anéantissement psychique d'Anne.

Ces deux thèmes sont considérés comme des lieux symboliques, car ils deviennent pour les personnages des refuges : l'amour est un lieu de compensation pour les amants, c'est l'élément qui leur permet de transcender leur passé et donc, leur manque paternel. Et la mort permet à François de ne pas faire face à ses sentiments, tiraillé entre ce qu'il éprouve envers sa femme et la passion qu'il ressent pour son étudiante. L'absence de François, est pour Anne un deuxième abandon, après celui de son père. Elle ne surmontera pas cette deuxième épreuve, elle sera comme morte, sans vie et sans avenir.

Comme l'amour et la mort, l'acte sexuel est aussi un thème pertinent et nécessaire pour notre analyse, car la relation corporelle que le personnage principal entretient avec sa femme et son étudiante est différente.

Avec Anne, nous avons remarqué que les rapports physiques révèlent un besoin de dépassement sur le plan psychique, c'est-à-dire, aller au delà de l'acte lui-même et jouir,  pleinement, du moment présent. Cette hâte et cet engouement sexuel, viennent du fait que les amants se sentent menacés par la mort.

Avec Elisabeth, la communication physique procure au protagoniste une stabilité, un retour au calme et un refuge émotionnel.

Ces deux facettes de l'acte sexuel, sont complémentaires pour François. La première est le lieu de la transcendance et de l'interdit, et la deuxième est un refuge dans lequel il se sent en sécurité, et est une illusion de stabilité.

L'objet faisant office d'espace symbolique, est la gravure de Florence offerte par Elisabeth à François. Cette dernière résume le parcours du protagoniste. Nous observons un arbre sans racines luttant contre le vent, mais ne parvenant pas à se défendre, il finit par être emporté.

En mettant en place un parallèle, nous constatons que nous sommes faces à l'histoire de François, qui n'ayant pas d'enfance, de père et donc de racines, n'arrive pas à affronter les sinuosités de la vie et se laisse emporter par la mort.

Comme nous le constatons, nous revenons, continuellement, au passé des protagonistes et plus précisément à leur enfance et à l'absence paternelle. Celle-ci est présente dans le premier et le deuxième chapitre de notre travail, c'est pour cette raison que nous avons trouvé plus judicieux d'affiner notre recherche, et de l'orienter vers l'étude du personnage du père. Cette démarche va préciser l'impact du père sur la relation adultère des protagonistes.

CHAPITRE TROIS

«  Discours de l'implicite : Portrait en esquisses du Père »

Après l'analyse du temps et de l'espace, nous nous intéresserons à l'élément central de notre recherche, le personnage du père.

Les temps interne et externe nous ont permis de repérer des éléments se rapportant à la présence du père, tels que l'utilisation des analepses, des verbes à l'imparfait, le choix des épigraphes et des épigraphiés.

L'espace romanesque a renforcé notre postulat de départ, qui est de montrer à travers l'écriture de M. Laberge, l'impact du père sur la relation entretenue par François et Anne. Le système signifiant recueilli de l'analyse spatiale, tel que la distribution des lieux et les lieux symboliques, va dans le même sens que l'étude temporelle, c'est-à-dire, que la structure spatiale met en avant une constante repérée, déjà, dans le chapitre un de notre exposé, et qui est le personnage du père ; « c'est dons au carrefour de plusieurs disciplines, qu'il faut situer l'étude du personnage »189(*).

A présent, nous pouvons prétendre à une analyse des personnages et plus exactement des personnages qui ont le rôle de Père. Le personnage du père, apparaît très peu dans le roman, mais son influence est, telle, que tous les autres personnages dépendent de lui, de sa présence ou de son absence. Notre approche de cette figure sera pluridisciplinaire.

L'image du père est ambiguë, c'est pour cette raison que nous allons procéder à l'analyse de cette figure à travers quatre étapes : Nous nous intéresserons à l'imaginaire familial et au fonctionnement social du père dans la société Québécoise. Puis, nous tenterons de repérer les traits physiques et moraux des pères cités dans le roman. Ensuite, nous mettrons l'accent sur les rapports père/enfant pour mieux comprendre le comportement des personnages. Et enfin, nous analyserons le comportement du père dans son couple et au sein de sa famille. Ces quatre sous parties, vont nous permettre de montrer que « le père est (...) un prétexte à quelque chose de plus diffus, d'inavouable (...) »190(*)

I. L'imaginaire et le fonctionnement social du père dans la société Québécoise

Dans la société québécoise, le père a une place prépondérante, il est le représentant de l'ordre et de la morale établie par la religion. Il a pour rôle, de préserver le discours du devoir tenu par ses aînés, et de transmettre une éducation stricte basée sur la soumission aux règles de la morale191(*). La description que nous venons de mettre en place n'est pas propre au Québec, la plupart des sociétés conservatrices accordent au père le statut de dominateur. Cette image a évolué avec l'évolution des sociétés, notamment la société québécoise. Sa place et son statut deviennent complexes, voire problématiques, ce qui nous permet de supposer cela, c'est la place que les écrivains lui octroient dans leurs oeuvres littéraires. Et ce qui nous amène à citer les écrivains, c'est le fait que ces derniers mettent en avant des fictions qui comportent pour la majorité une constante, celle du père. Les « écrivains (...) ne cessent de repenser et de mettre en scène le personnage paternel dans la trajectoire désirante de fils et de fille orphelins de père. S'il y a abondance de production à ce sujet, c'est peut être qu'il y a malaise dans la paternité. » 192(*).

La figure du père, que nous retrouvons dans les romans québécois, possède plusieurs facettes : Celle d'un homme aimant, aimé, haï, absent et mort. L'intérêt porté à ce personnage, apparaît au Québec après la révolution Tranquille, cela s'explique comme suit : le Québec ayant vécu dans une sphère dépendante de la religion et de l'autorité du père, se voit transformé à partir des années soixante avec un renouveau du fonctionnement social du père. Ce dernier, n'a plus autant de pouvoir sur la famille qu'avant, néanmoins, sa présence est indispensable pour l'épanouissement des membres de la cellule familiale.

Ce renouveau, se fait sentir dans la littérature à travers des personnages qui assument mal le désistement du père à l'égard de ses fonctions sociale et morale, c'est-à-dire, que le relâchement de la fonction paternelle peut provoquer, chez les enfants et les adultes non habitués, une angoisse insurmontable. C'est pour cette raison, que les écrivains créent des héros ayant pour objectif une quête identitaire, qui sera partagée par le lecteur :

« Chercher ou comprendre ses origines est inquiétant pour

tout (...) héros et donc pour tout (...) lecteur. La figure du

père est donc ambivalente » 193(*)

Nous supposons que le personnage du père peut être à l'origine du processus de création littéraire, chez l'écrivain. Et peut être aussi considéré comme une opportunité pour les personnages fictifs, dont l'objectif est de le « déchiffrer (...), l'égaler ou même le dépasser. Car cela permet (...) au fils de sonder la vérité de son être »194(*).

Comme les personnages fictifs sont une création de l'écrivain, ce dernier met en amont, l'image et les sentiments que tout individu a vis-à-vis de son père. Et il met en aval, les conséquences que cette figure peut avoir sur l'être humain.

Cependant, l'imaginaire social de l'homme à l'égard du père est changeant, car cette figure évolue simultanément avec la société dans laquelle elle baigne. L'image du père passe d'une conception traditionnelle à une dimension moderne. En effet, l'évolution d'une société contribue soit à sa destruction, soit à sa restructuration, et cette progression comporte, également, une influence inéluctable sur l'imaginaire des individus, même si, ces derniers gardent en eux des germes traditionnels.

La crise que rencontrent les personnages d'une fiction et qui est liée au père, vient de ce germe traditionnel, enfoui dans l'imaginaire de chacun des personnages, et qui les empêchent d'être épanouis. En d'autres termes, dans Quelques Adieux, nous sommes confrontés à des personnages appartenant à une époque moderne, et où le statut de la famille et celui du père ont changé. Nous observons des personnages, des prétendants de la modernisation, qui subissent une crise profonde, dans laquelle « il faudra chercher son noeud originel, et cela dans le caché, l'occulte. Au coeur du dispositif de régulation sociale, la société accouche alors d'un nouvel imaginaire social. »195(*), dans lequel certains protagonistes ne s'adaptent pas, c'est-à-dire, que nous sommes face à des personnages qui appartiennent à une structure sociale qui se veut moderne, mais en même temps, leurs besoins résident dans l'ancienne structure traditionnelle.

Au plus près de nous, les personnages de François et d'Anne ont choisi leur mode de vie : François décide de ne pas avoir d'enfant et d'être à la pointe du savoir, et Anne jouit d'une liberté sexuelle et croit pouvoir contrôler ses sentiments.

Ces deux conduites sont les comportements types d'individus voulant faire croire qu'ils rejettent « une conception traditionnelle de la société,...et pour eux c'est affirmer que la société peut se définir par sa capacité à produire un ordre nouveau, à engendrer le changement et l'innovation, (...) »196(*). Mais en vérité, ils ne la rejettent pas, ils la refoulent pour ensuite la libérer à travers des besoins, des angoisses et des comportements.

Dans le cadre de notre travail, nous allons analyser certaines facettes (absence et présence) du personnage du père. Puis, nous poursuivrons notre étude, en dressant une esquisse de traits physiques et moraux des pères afin de saisir en quoi l'absence ou la présence de ces derniers, peut être déterminante dans la vie et l'épanouissement des protagonistes.

II. Les traits physiques et moraux des pères

Dans Quelques Adieux, la figure du père est omniprésente, nous la repérons à travers le comportement des personnages suivants : François, Anne et Elisabeth, mais aussi par le biais de certains personnages, tels que Jacques Langlois, ami et collègue de François, et Jérôme, l'amant d'Elisabeth, dans la deuxième partie du roman. Ces derniers ont des enfants et assument leur rôle de père, cependant, dans notre travail, nous allons nous attarder sur les pères des amants (François et Anne) et sur celui de la veuve trompée (Elisabeth).

Notre analyse comportera trois sous parties : La première sera consacrée aux caractéristiques du père de François, la deuxième au père d'Anne et la troisième au père d'Elisabeth.

1. Le père de François

Le personnage du père apparaît dans la première partie du roman et plus exactement dans le chapitre deux intitulé Le Refus. Nous y trouvons une description physique peu précise, même si elle nous est donnée à deux périodes différentes  le passé et le présent.

L'écrivaine commence par décrire le physique du père de François en convoquant sa mémoire, celle de l'enfance. Mais celle-ci, ne garde que le souvenir « d'un homme vu de dos, sa boite à lunch dans une main, sa casquette de chauffeur d'autobus sur la tête, qui s'éloignait doucement. »197(*). Sur le plan de la description physique, c'est tout ce que François enregistre comme image du passé. Nous constatons que l'éloignement et l'absence, sont des sentiments latents, chez François, le fait de garder l'image d'un père, mais de dos explique sa non disponibilité et son manque de présence auprès du protagoniste.

Nous remarquons, également, qu'il y a un désir chez François, de dépasser son père. Ce besoin «  (...) vient du fait qu'il ne perçoit aucun écho dans le regard de son père, et il ne peut pas se sentir exister réellement et obtenir sa légitimité »198(*). Si, François ne prend pas l'initiative de transcender socialement et psychiquement son père, c'est-à-dire, tenter d'avoir un meilleur statut, d'un point de vue social, et ne pas reproduire le même schéma affectif, d'un point de vue familial, il risque de se sentir manipulé par l'autorité d'un père absent :

« Le petit dernier (François) s'était finalement distingué et était

devenu professeur de littérature. Ce qui ne signifiait pas rien

pour le fils d'un chauffeur d'autobus. »199(*)

Ce qui confère tant de pouvoir à un père, même absent, c'est la place qu'il a au sein de la société, selon Gwénaëlle Gautier de l'Université de Lille :

« Les pères continuent de représenter l'autorité, le pilier qui ne

doit pas s'effondrer et qui doit coûte que coûte préserver

l'équilibre et l'harmonie du foyer, (...). Mais ce que les

enfants recherchent avant tout c'est la reconnaissance de leur

être, ils doivent se sentir exister dans le regard de leur

père.» 200(*)

Pour François, la reconnaissancen'est pas au rendez-vous, ayant connu l'absence physique et donc morale de son père, il ne peut prétendre à un épanouissement affectif et voire même social, c'est-à-dire que le manque affectif a engendré chez le protagoniste, un refus catégorique de la paternité :

« François ne voulait pas d'enfant, François ne voulait pas

discuter, il s'était même fâché sérieusement à ce sujet là. (...). Il

ne voulait pas avoir un enfant qui compliquerait tout (...) »201(*)

Ce refus, ce choix est le résultat d'une enfance effacée. François « n'arrivait plus à se rappeler son père »202(*) et ce handicap le pousse à se demander « si on pouvait vraiment ne glaner que ce souvenir et se sentir un enfant normal. La pauvreté affective de son enfance l'effrayait toujours, non parce qu'il la ressentait avec angoisse, mais parce qu'il la mesurait aux multiples souvenirs d'Elisabeth »203(*). Le comportement qu'il a adopté, et qui est de remplir le vide affectif qu'il a connu, et de le mesurer aux souvenirs d'enfance dont dispose Elisabeth, va lui permettre de vivre sa vie de couple avec un semblant d'harmonie, jusqu'au jour où Anne Morissette fera surface et le déstabilisera, et également lorsqu'il apprendra la mort de son père. Ces événements vont transformer le protagoniste, et faire ressurgir de lui une enfance vidée de toute substance affective.

La deuxième étape de l'écriture de M. Laberge, est de solliciter la mémoire adulte de François : il s'agit de recourir aux images de la figure du père dans la vie, non pas passée mais présente, du personnage principal. Une fois adulte, François tente de rattraper le temps perdu avec son père, mais celui-ci « rangé dans une place de vieux, (...) n'en finissait plus de dégringoler (...) et de baver, gâteux et de s'accrocher à lui (François) en l'appelant par d'autres noms (...) »204(*). Cette déchéance physique provoque la colère de François, car il se sent incapable de rattraper son enfance et ne peut pas recevoir un quelconque témoignage affectif. Les visites de François à son père se faisaient rares, mais elles avaient un objectif : racheter le passé. Voyant que ce n'était pas possible, à cause de l'état physique et mental du père, le protagoniste « souhaitait furieusement sa mort et se sentait égoïste et vil de ce désir »205(*). Nous constatons qu'à travers ce processus de renouement, la narratrice « pourrait nous donner des renseignements sur les sentiments profonds de la figure paternelle. Or ce n'est pratiquement jamais le cas et le père conserve ainsi sa part de mystère. Le lecteur comme le personnage principal doivent se faire leur propre opinion. »206(*).

Nous avons repéré un passage dans Quelques Adieux, où les rôles des personnages sont inversés :

« Le vieux, en effet, s'amusait plutôt bien dans son inconscience

béate : il triturait continuellement des bouts de plastiques coloré

avec des ficelles et des fils de fer. Il pouvait faire cela durant des

heures, concentrant toute son attention sur ses précieuses

constructions. Le seul éclair d'intérêt que traversait son regard

délavé était celui qui brillait à la vue du cadeau apporté par

François : toujours des formes de plastique coloré pour enfant,

toujours applaudies comme une nouveauté. Sitôt le cadeau ouvert,

François pouvait disparaître ou souffrir en silence à regarder son père

raboudiner avec ferveur ses jouets, lui ne s'en souciait plus. Plus rien

n'existait pour le vieux (...) »207(*)

Cette description expose une relation père/enfant. Cependant, dans ce passage c'est François qui joue le rôle du père, et son père celui de l'enfant. Ce changement de rôle est l'expression d'une attention inconsciente, portée sur l'image de la relation Père/Enfant.

En d'autres termes, François se comporte comme un père avec son père, et celui-ci à cause de sa vieillesse, se comporte comme un enfant. A travers ce système affectif inversé, le fils tente de donner, inconsciemment, l'exemple de ce qu'un père doit faire, en espérant qu'il y ait une prise de conscience et peut être même réconciliation, avec son père. Or, ce dernier ne possède plus la capacité de réfléchir, et François en est conscient et « démoli, pétri de honte et de remords »208(*).

Ainsi, nous pouvons dire que la figure du père, chez François, garde une part de mystère qui la rend inaccessible, non seulement au personnage principal qui après de vaines tentatives pour retrouver son père échoue, mais aussi au lecteur qui ne perçoit, sur le plan narratif, aucun sentiment ou explication, quant au comportement du père.

Après les caractéristiques physiques et morales du père de François, nous passons à celles du père d'Anne, afin de mieux saisir la dimension signifiante de la figure paternelle.

2. Le père d'Anne

Le père d'Anne apparait au troisième chapitre de l'oeuvre La Reddition. Ce personnage est perçu qu'à travers les réminiscences d'Anne et de Jacynthe, la tante et marraine de l'étudiante.

Nous allons, dans un premier temps nous intéresser aux souvenirs d'Anne pour faire ressortir le personnage du père, puis aux souvenirs de la tante Jacynthe.

Lors d'une séparation avec François, Anne, seule, dans son appartement Rue Fraser, se souvient de ses souliers rouges. Ces derniers, lui ont été offerts par son père le jour de son septième anniversaire. La petite qu'elle était, montrait l'attachement et l'amour qu'elle portait à son père, en gardant précieusement près d'elle ses souliers rouges, elle refusait de les enlever. La seule personne qui avait la possibilité de lui faire entendre raison, était son père. Elle se souvient « le sourire de son père, son rire, et les gestes doux qu'il avait eus pour mettre les souliers à sa petite fille, éblouie. Il avait soigneusement tiré les bas blancs, les avait pliés, avait attaché la courroie mince et brillante, l'avait soulevée, embrassée et mise debout devant lui, tout fier de sa trouvaille. Elle avait dormi avec ses souliers une semaine entière, les serrant dans ses bras (...) »209(*).

Le père d'Anne est un personnage aimant, tendre et dont le comportement laisse voir un père présent, assumant ses responsabilités et son rôle, contrairement au père de François. Ce qui va mettre fin à cette présence et à cet amour, c'est la mort. Dans d'un accident de voiture, le père de la protagoniste meurt, et laisse une petite fille perturbée par son absence, et angoissée à l'idée d'aimer et de perdre l'être qu'elle aimerait.

Nous constatons qu'à l'âge adulte, Anne est prise de panique parce que certains événements de son passé, et plus précisément la mort de son père, ont été effacés de sa mémoire. Elle désire les retrouver et connaître le sort de ses souliers rouges, qu'elle ne retrouve plus.

Nous remarquons que l'écriture de M. Laberge, associe au personnage du père, dans le cas d'Anne, un objet : les souliers rouges. Au lieu de donner des détails ou des informations qui pourraient aider le lecteur à saisir cette figure ambiguë, elle adopte une autre stratégie d'écriture qui est celle de la caractérisation indirecte, selon Goldenstein :

« Il y a caractérisation indirecte lorsque nous devons

saisir par nous même une information nouvelle sur un

personnage, donnée cette fois ci implicitement à partir

d'un détail matériel, d'une parole, d'une action »210(*)

Cette stratégie d'écriture ne donne pas d'informations directes sur le personnage du père, elle associe un objet à valeur sentimentale, comme le cas des souliers rouges, avec la figure paternelle. Cet objet simulacre permet d'observer une participation du lecteur. Ce dernier, doit se concentrer et faire un effort personnel pour retrouver et comprendre, à travers l'écriture de M. Laberge, le chaînon manquant, et qui est le personnage du père. La participation du lecteur rend ce personnage fugace, intéressant dans la mesure où « le lecteur, (...) ressent l'impression délicieuse de vivre d'autres vies. »211(*), c'est-à-dire, qu'il retrouve à travers le récit des images liées à sa vie réelle.

Il est vrai que le personnage du père, n'est pas présent dans le récit, mais il est « souvent lié au degré de (...) participation à l'histoire racontée (...). Cette participation peut être plus importante que la présence du personnage dans le tissu narratif. »212(*). Il s'agit de convoquer l'influence du père dans le déroulement des événements et dans le comportement instable des personnages. C'est pour cette raison que le personnage d'Anne, ayant subi la mort de son père, refuse de vivre la même expérience avec l'être qu'elle aime, François, d'où sa fuite.

L'absence de son père, a entraîné une série de comportements, chez la protagoniste à savoir, son refus d'aimer et sa reddition à la passion « avec des crises, des ruptures, des fuites, des déchirements et une passion sans nom »213(*).

Le personnage du père survient, également, dans la lettre de la tante Jacynthe, qui avait pour objectif de restaurer la mémoire de sa nièce, et plus exactement, connaître le sort des souliers rouges. A travers le récit de la tante, nous pouvons retracer le parcours de la petite Anne, lorsqu'elle a perdu son père. En lisant la lettre, Anne retrouve la mémoire de son enfance et se rappelle l'enterrement de son père. Elle lui en voulait de l'avoir laissée et abandonnée, et pour mieux exprimer sa colère, elle a jeté ses souliers rouges sur la tombe de son père.

Le récit de la tante, nous permet de constater qu'Anne a eu un début d'enfance heureux et a connu, momentanément, la chaleur d'une famille. Contrairement à François, elle garde de son père des souvenirs agréables et des témoignages d'amour paternel. La description du père d'Anne est plus élaborée que celle du père de François. Nous apprenons, par le biais de la lettre, que le père d'Anne s'appelle Henri et que c'est un mari et un père tendre :

« Tu (Anne) t'es endormie sur ses genoux, un bras passé autour de son cou et

c'est lui qui, doucement, avec mille précautions, t'a retiré tes souliers.

Je crois que j'ai rarement vu Henri faire si attention, et, il faut bien le dire,

il y avait beaucoup d'amour dans ses gestes. (...) Ta mère a dit que ces

souliers n'étaient pas une très bonne idée (...). Ton père a bien ri et il l'a

prise dans ses bras (...).Je (la tante Jacynthe) me souviens de

son regard, de cette jeune femme amoureuse qu'était ta mère. »214(*)

Ce passage dresse le portrait d'un homme, d'un père et d'un mari, responsable et dont la présence est importante au sein de la famille.

Plus loin dans le récit, et plus exactement dans la deuxième partie de l'oeuvre, au chapitre La Quête, le personnage de Jacynthe explique à Elisabeth, la femme de François, la relation adultère de son défunt époux. Une fois encore, la mort d'Henri, le père d'Anne, est réitérée mais sans pour autant donner des précisions. La tante fait l'impasse sur le comportement et l'amour d'Henri, mais dans une même phrase, elle lie François, Anne et Henri :

« Anne est venue près de moi, on a parlé (...) de François,

d'Elle, de son père, de son passé et même d'une certaine

paire de souliers rouges. »215(*)

Dans cet extrait, nous relevons une seule référence à François et trois références au père d'Anne, son père, son passé et souliers rouges. Nous supposons que cette phrase a été utilisée par la tante dans le but de faire comprendre à Elisabeth, que l'absence d'Henri a perturbé l'enfance et l'épanouissement de sa nièce, d'où la référence au passé et aux souliers rouges, et de cette manière, elle justifie la relation qu'a eu Anne avec François.

Nous soupçonnons également dans les propos de la tante une allusion à l'inceste c'est-à-dire qu'Anne retrouve à travers sa relation avec François le père qu'elle a perdu, en étant enfant. Et ce qui nous permet d'émettre cette hypothèse, ce sont les propos d'Elisabeth lorsqu'elle se dispute avec son nouvel amant, Jérôme, à cause de sa fille. Elisabeth s'emporte et donne pour prétexte la conduite de Lucie, la fille de Jérôme, mais en réalité les propos qu'elle tenait, étaient pour Anne :

« Tout ce que ça va donner, c'est une fille de vingt ans (allusion à Anne)

qui va chercher un homme ( allusion à François) qui va la servir comme

son père (allusion à l'inceste), la comprendre comme son père,

l'aimer même quand elle est plate comme avec son père »216(*)

Cette hypothèse de l'inceste, est présente dans la première partie de l'oeuvre, au chapitre La Reddition , lorsque François use de son intelligence pour s'expliquer et départager les sentiments qu'il éprouve envers Anne, et envers sa femme, Elisabeth. Il se rend compte que le lien qu'il l'unit à Anne, est fort au point que :

« La seule analogie acceptable qui lui venait lorsqu'il argumentait avec

lui-même pendant des heures sur le sujet était l'amour que l'on porte

à ses enfants qui peut varier totalement d'un enfant à l'autre sans perdre

de sa qualité. On pouvait aimer ses enfants différemment, selon le type

d'attachement que chacun d'eux suscitait. Et le sentiment pouvait être

aussi fort et sincère même s'il différait selon l'enfant. »217(*).

A partir de ce passage, nous constatons que notre hypothèse d'une équivalence avec l'inceste, n'est pas sans fondement. Elle expose, clairement, l'importance du père dans l'évolution affective des protagonistes, c'est-à-dire, qu'étant privé d'amour paternel, les personnages se lancent dans une passion où chacun tente de récupérer un peu de cet amour, même si ce sentiment est implicite, néanmoins, il demeure présent.

Ainsi, la figure du père, chez Anne, est constituée d'informations qui permettent au lecteur de dresser un portrait moral, non physique, du père. Ce personnage fugace, peu présent dans le récit, est la matrice de toutes les actions et comportements du personnage féminin, Anne.

Après avoir mis en place le portrait du père d'Anne, et montré l'influence qu'il a eue sur la vie de sa fille, nous passons au père d'Elisabeth. Cette dernière, semble être le personnage le plus équilibré du roman.

3. Le père d'Elisabeth

Le père d'Elisabeth, est cité dans la deuxième partie de l'oeuvre, et plus exactement au chapitre de La Déchirure . Dans ce chapitre, Elisabeth découvre l'adultère de François et en même temps, elle se rappelle les moments partagés avec lui. Parmi ces moments, leur voyage à Venise et l'achat de la gravure de Florence, ainsi que la contribution de son père, au voyage de noces. Voulant faire plaisir à François, Elisabeth lui achète un cadeau, une gravure. Celle-ci étant chère, n'a pu être offerte qu'avec l'aide du père d'Elisabeth :

« Son père lui avait confié un peu d'argent pour qu'elle se gâte,

un supplément de voyage de noces, une somme donnée à la dernière

minute pour lui dire qu'il la voulait heureuse »218(*)

Ce seul extrait, qui met en scène le père d'Elisabeth, ne comporte aucune description physique, mais il met en avant l'image d'un père présent et responsable, désireux de voir sa fille heureuse.

A travers ce passage, peu riche en information, le lecteur constate une certaine satisfaction quant au rôle du père, et comprend, parfaitement, l'équilibre dont jouie ce personnage féminin, et la capacité qu'elle a de revivre après l'infidélité de son défunt époux.

A cet extrait se greffe un autre passage, qui ne fait pas référence explicitement à la figure du père, mais il fait allusion à l'enfance de la protagoniste :

« La pauvreté affective de son enfance (François) l'effrayait toujours,

non parce qu'il la ressentait avec angoisse, mais parce qu'il la mesurait

aux multiples souvenirs d'Elisabeth »219(*)

Nous remarquons, dans ce passage, que François n'ayant pas eu d'enfance, se sent menacé par les multiples souvenirs de sa femme. Cela signifie qu'Elisabeth n'a pas connu l'absence et le manque affectif dont ont souffert François et Anne. Cette situation, fait d'elle un personnage stable qui ne connaît pas et ne comprend pas le besoin qu'ont eu les amants, c'est-à-dire, l'adultère.

Le personnage d'Elisabeth atteste, encore une fois, notre postulat de départ à savoir, l'influence et l'impact du personnage du père, peu présent dans la fiction, sur la relation adultère des protagonistes. Toutefois, il est nécessaire d'établir un rapport père/enfant, pour chaque personnage, afin de renforcer notre hypothèse. Cette démarche, nous permettra de mettre l'accent sur le sentiment de déracinement éprouvés par François et Anne, et montrer en quoi le père peut être l'élément central de l'épanouissement et du non épanouissement, des personnages.

III. Les rapports Père/Enfant 

La relation père/enfant, est très importante dans la mesure où elle permet un développement normal de l'enfant. Sa suppression peut engendrer des perturbations, parfois irréversibles, du comportement. Dans Quelques Adieux, nous relevons une relation père/enfant, plus ou moins complexe : nous avons des rapports quasi inexistant chez certains personnages tels que François, très forts et momentanés pour le personnage d'Anne, solides et durables concernant le personnage d'Elisabeth. Ces différents rapports, rendent compte des facettes multiples du père, qui sont souvent liées au contexte socioculturel.

Dans ce présent travail, les personnages baignent dans une société québécoise où le statut du père a changé, et cède la place à un père démissionnaire, à ce sujet Germain Dulac, sociologue et chercheur dans un centre d'étude appliqués sur la famille, dira :

« Plusieurs personnes hésitent désormais avant de définir ce qu'est un père.

Si nous divergeons d'opinion sur ces points, cela n'est pas sans lien avec

le fait que, comme société, nous vivons sous l'emprise d'un paradoxe du

père nécessaire et du père abject. D'un côté, on nous dit que le père

est nécessaire; de l'autre, il serait un être immoral, indigne de notre

confiance. »220(*)

Ce paradoxe du père dans la société québécoise, est similaire aux études faites par d'autres sociologues appartenant à d'autres pays, et donc, d'autres cultures. L'aspect responsable et irresponsable du père, n'est pas un phénomène qui date d'aujourd'hui, toutefois, il est intéressant de constater que certaines productions littéraires s'y intéressent. Nous avons remarqué que la figure du père, est un sujet d'actualité.

Notamment, dans Quelques Adieux, le personnage du père est présent sous différentes formes, c'est-à-dire, qu'il est à la fois, un père responsable, indigne, absent, mais nécessaire :

  « Il (le personnage du père) apparaît si intimement lié à l'action -

qu'il (...) assume ou provoque- qu'il constitue le vecteur privilégié

de l'intrigue et le coeur des programmes narratifs »221(*)

Ce passage, montre l'importance du personnage du père dans le récit, car il représente le facteur essentiel du déroulement des événements, même si, ce personnage est peu présent dans la narration, selon Philippe Hamon, ce personnage fugace  « on doit l'abstraire, car on ne peut l'extraire : localisable partout et nulle part, ce n'est pas une partie autonome, ... prélevable et homogène du texte, mais unlieu ou un effet sémantique diffus.»222(*).

Cette figure insaisissable, et qui constitue à elle toute seule un élément signifiant, a une grande incidence sur la vie des protagonistes, et plus précisément sur celle des enfants. De ce constat découle le besoin d'établir des rapports père/enfant pour chaque personnage.

Ces relations père/enfant, peuvent être étudiées à partir de deux axes : l'un s'intéressant au mécanisme du déracinement chez les amants (François et Anne). Et l'autre, considérant le père comme le point d'ancrage de l'épanouissement et du non épanouissement, des personnages.

A. Le mécanisme du déracinement

Avant de procéder à l'analyse, il est important de définir le concept du déracinement, tel que nous l'entendons dans notre étude. Il ne s'agit pas de s'intéresser au sort et aux méandres des exilés qui quittent leur terre d'origine pour des raisons matérielle ou politique, et qui rencontrent des problèmes d'ordre culturel et valorisent la quête identitaire.

Certes, dans notre récit les personnages mènent une quête identitaire, mais celle-ci a été provoquée par l'absence du père. Et le sens du déracinement, dans notre travail, va avoir une portée psychique. Il s'agit d'exposer l'état d'esprit des protagonistes qui ont subi une absence, un arrachement, de l'être qu'ils aimaient ou qu'ils auraient voulu aimer.

Nous allons voir le cas de François, privé d'amour paternel et qui tente de retrouver son enfance, mais sans résultats. Ainsi que le cas d'Anne qui a connu la perte d'un père attentionné, et désire rejeter l'amour, mais en vain.

Le personnage de François, est présenté, au début de l'oeuvre, comme un être stable et comblé, mais nous nous apercevons à la page 33, qu'il y a une redondance de la phrase suivante :

« Quelque chose est fini qui ne reviendra plus ».223(*)

Cette phrase est répétée cinq fois dans un espace très réduit, c'est-à-dire, dans un paragraphe de quinze lignes. Cette répétition, nous intrigue et incite le lecteur à se poser des questions quant à l'élément qui est fini et qui ne reviendra plus.

A partir de ce moment, le lecteur se sent investi d'une mission, celle de trouver une réponse à son étonnement. Ce qui va amplifier notre besoin de connaître le « quelque chose qui est fini et qui ne reviendra plus », c'est la question suivante :

« D'où venait la cassure ? »224(*)

A travers cette question, nous pouvons, dores et déjà, nous mettre sur la piste du passé, car le paragraphe fait allusion au passé et à la nostalgie, avec une pointe de tristesse :

« Quelqu'un dans le voisinage a mis le feu aux feuilles. (...)L'odeur

le (François) remplit d'une tristesse indicible, (...) le parfum est puissant

et l'enveloppe d'une nostalgie qui ne cherche pas à se nommer.

(...) Un souvenir, un souvenir brumeux dans l'air piquant de l'automne,

comme l'écho d'un cri venu d'une vie antérieure. »225(*)

Cet extrait en rapport avec le passé de François, n'est pas clair et ne donne aucune indication quant à l'événement qui est responsable de ce qui est fini. La question que nous avons relevée, nous pousse à chercher des détails, des informations, qui ont provoqué la cassure dans laquelle vit François. Ces sentiments de cassure, de nostalgie et de tristesse, sont en relation avec une enfance marquée par l'absence, et ce qui nous autorise à avancer ces propos, c'est le travail qui a été effectué, non seulement dans le premier chapitre de notre exposé mais aussi dans le deuxième. Et également, les résultats obtenus, lors de notre recherche, c'est-à-dire, la redondance et la référence constante à un seul personnage peu présent dans le récit, il s'agit de la figure du Père.

Même adulte, François continue à ressentir le malaise de l'absence, parce qu'il l'a privé de souvenirs, de mémoire et d'enfance. Dans la fiction, le protagoniste donne l'impression de ne pas tenir son père pour responsable de son instabilité, mais son comportement exprime tout autre chose : le fait de ne pas vouloir d'enfant et de se comporter comme un père à l'égard de son père, vieilli et inconscient, révèlent un homme en quête de son enfance et de son identité.

L'enfance est une étape importante, chez l'homme, sans elle, il n'a pas de repère et se sent perdu, tel est le cas du personnage principal. François voudrait comprendre l'absence qu'il a connue, et connaître les raisons qui ont poussé son père à être irresponsable; or, le personnage du père, devenu malade, est inaccessible.

Cette incapacité à découvrir la vérité, réduit le héros à l'état de victime du passé, et les conséquences en sont la solitude, la perturbation psychique, l'adultère, la maladie et la mort.

Le parcours fictif de François est ressemblant à celui de la gravure décrite dans le récit. Celle-ci résume, parfaitement, son déracinement intérieur dû à une vie antérieure. La gravure de Florence représente un arbre qui n'a pas de racines, et qui devient la victime du vent. Pareillement, le protagoniste n'a pas de racines et d'enfance, sa situation est sujette aux comportements asociaux tel que l'adultère.

Le personnage d'Anne, au début de l'oeuvre, semble être mystérieux et dépourvu de tout indice concernant sa vie de famille, et ce n'est qu'au chapitre trois de la première partie du roman, que le passé d'Anne surgit, et nous donne des précisions sur les raisons de son comportement.

Ce personnage féminin est complexe, et son attitude laisse paraître une étudiante sûre d'elle et libre de tout attache affectif. D'ailleurs, le portrait moral qui a été établi dans le récit rejoint cette attitude de liberté affective, et le besoin de solitude :

« L'université permettait à Anne d'habiter presque seule avec

subsides parentaux eu égard aux études, (...) partir en nowhere

aurait nettement mieux convenu à Anne, (...).Elle (Hélène Théberge)

considère (...) que Anne est tout fait le type de fille avec qui elle

peut apprendre (...). Surtout en ce qui concerne l'autonomie, vertu

très développée chez Anne (...). (...)Assise toute seule au restaurant

de la Jonction, Anne savourait le plaisir d'être l'unique cliente.

(...) c'était le genre de calme qu'appréciait Anne Morissette (...)  » 226(*)

Ce désir de solitude, que nous apercevons dans le premier chapitre, n'est pas justifié, il nous a fallu attendre le troisième chapitre de la première partie, pour connaître l'origine de cette nécessité et recueillir des informations d'ordre familial. Cette solitude provoquée par un événement passé, a donné naissance à une Anne refusant tout lien affectif, d'un point de vue familial ou amoureux.

Elle exprime sa liberté en disposant des hommes comme elle le désire :

« Anne avait dû séduire un gars du cours et passer la nuit avec lui.

Ça lui arrivait souvent. Hélène enviait beaucoup sa liberté et son

audace. (...) Anne, (...) avait presque une baguette magique ; elle

regardait le gars et, dix minutes plus tard, il était à ses pieds. Il

semblait à Hélène qu'Anne n'avait jamais connu d'échec. Ni

amoureux, ni scolaire, ni d'aucune sorte. » 227(*)

La liberté sexuelle dont jouit Anne, son manque d'attachement aux hommes et la fuite qu'elle entreprend à chaque témoignage d'amour, montrent qu'il y a une faille dans son vécu personnel. Nous pouvons considérer cette solitude et liberté, comme un moyen de compenser un sentiment ou une absence, liés au passé de la protagoniste.

Grâce au chapitre de La Reddition, la conduite de ce personnage est justifiée, elle est en rapport avec son enfance, et plus distinctement, avec la mort de son père. Nous signalons que le manque d'amour paternel, a des incidences sur le comportement social et privé du sujet, c'est-à-dire, que le personnage d'Anne conçoit la figure du père comme un tout, un équilibre indispensable, et contrairement à François, Anne garde de son père des souvenirs tendres et affectueux :

«  Le sourire de son père (...), et les gestes doux qu'il avait eus pour

mettre les souliers à sa petite fille éblouie. »228(*)

Cet amour, cette tendresse et cet homme, qui est son père, l'ont aliénés et ramenés, rapidement à une vie instable où la peur d'enterrer un être cher et « à en faire son deuil »229(*) l'obsède et l'angoisse. Cette faille psychique a déraciné Anne, l'éloignant d'abord de sa famille puis de l'amour.

Ainsi, le déracinement d'Anne et son manque de sociabilité proviennent d'une carence affective, celle du père, qui a une portée significative dans la vie du personnage. Il est responsable de la souffrance et de l'instabilité psychique, vécus par Anne.

La figure du père est, non seulement à l'origine des perturbations psychiques du personnage, mais elle est, aussi, un prétexte à l'adultère. La quête de soi, les questions sans réponses, les états d'âmes changeants, poussent la protagoniste à chercher une compensation. Celle-ci se fera sous la forme d'une passion ravageuse, qui ne deviendra pas substitut affectif, mais la fera retrouver face à la mort.

L'aspect dérisoire de l'absence d'un père, a engendré des êtres incompris, qui se cherchent, sans succès. Nous allons voir, si cette quête de soi, une fois menée à terme, permet l'épanouissement ou le non épanouissement des personnages.

B. Le père comme élément central de l'épanouissement ou du non épanouissement

Il s'agit de voir si la figure du père, personnage peu présent dans le récit, influence l'évolution psychique de l'enfant. Nous supposons que cette influence comporte deux versants, le premier concerne les personnages qui ne connaissent pas la carence affective du père, et donc il y a épanouissement et c'est le cas d'Elisabeth. Le deuxième concerne les personnages qui ont vécu l'absence de l'amour paternel, et dans ce cas, nous ne pouvons pas prétendre à leur épanouissement.

a) Elisabeth

Elisabeth est un personnage équilibré, de par son enfance et sa famille. Le récit n'accorde pas une grande place à son passé, néanmoins, le peu de passages faisant référence à sa vie antérieure et à son père, montrent que la protagoniste n'a pas souffert d'absence ou de manque affectif.

Dans sa famille, son père la gâte et son désir est de la voir heureuse :

«  Son père lui avait confié un peu d'argent pour qu'elle se

gâte (...) une somme donnée (...) pour lui dire qu'il la voulait

heureuse »230(*)

Même dans son couple, c'est une femme aimée par son mari, et le lien qui l'unit à François est particulier car elle a vécu tant d'année auprès de lui en acceptant sa résolution, celle de ne pas avoir d'enfant. Ce sacrifice, ce renoncement, est un témoignage d'amour. Et lui, aussi l'avait rendue heureuse :

« Elle avait eu ses vingt ans heureux, et ses vingt et un ans de

mariage proche d'un homme qu'elle aimait et qui l'aimait. Elle

était tout de même dépositaire de ce trésor inouï qu'est le bonheur.

Même passé. »231(*)

Ce bonheur ne peut s'effacer avec l'infidélité de François, même si Elisabeth a subi les méandres de la vérité, toutefois, elle reprend confiance et décide de bâtir un autre avenir auprès d'un autre homme, Jérôme.

Cette attitude, qui est d'enterrer le passé et d'entreprendre l'avenir, met l'accent sur un personnage féminin épanoui, contrairement à François, qui se laisse anéantir par la maladie pour échapper à son passé, à son adultère, à ses mensonges, à sa passion et à son instabilité psychique.

b) François

François, après avoir subi l'absence de son père en étant enfant et après l'avoir perdu une fois adulte, n'a qu'un seul langage, celui du corps avec Anne, et celui du mensonge avec Elisabeth. Les deux facettes du protagoniste, méconnues par Elisabeth, vont l'anéantir  car il n'a pas la capacité de faire un choix. La double vie qu'a menée ce personnage, lui a été fatale mais en même temps nécessaire :

Avec Elisabeth, il retrouve un semblant de stabilité sociale, celle-ci le rassure et lui permet de faire face à sa deuxième vie qui le préoccupe. Même si François remarque que la reconnaissance sociale est une illusion du bonheur et de l'épanouissement, cela ne l'empêche pas de vouloir la maintenir, pour permettre à sa femme une vie décente et sans agitations.

Simultanément, avec Anne, on assiste à l'émergence d'un François différent, libéré de toute volonté et de tout désir à vouloir respecter les règles de la bienséance, ce qui le rassure, c'est que sa femme, Elisabeth, soit protégée du regard de la société. Cela ne l'empêche pas d'être tourmenté par la passion qu'il vit auprès de son étudiante, et surtout par le lien qui les unit.

A travers notre analyse de ce personnage, et par le biais de l'écriture de M. Laberge et de son utilisation des analepses, nous constatons que l'ambivalence de François relève d'un passé et d'une absence non acceptée, tout comme Anne. D'ailleurs, c'est ce qui fait la particularité de leur relation. Ce qui revient à dire, que la présence de la figure paternelle est indispensable à l'évolution sociale et familiale du personnage, et son absence « qu'elle soit physique ou psychique constitue (...) une modification importante (...) »232(*) sur le plan mental.

Sa disparition signifie la perte de repères, et c'est justement là qu'on voit le personnage tiraillé entre deux vies et hanté par un passé inexistant, puis tourné vers la maladie, pour ensuite se laisser mourir.

L e personnage de François, n'évolue pas parce qu'il ne détient pas la clef de son passé.

Dans l'écriture de M. Laberge, nous observons un dispositif mis en place par l'écrivaine dans un but précis, et qui est «  la réalisation d'un souhait (...) qui rencontre (...) de nombreux obstacles remettant en cause les capacités d'action (...) du personnage (...) »233(*), c'est-à-dire, que le protagoniste, François Bélanger, a un objectif : se rapprocher de son père afin de réaliser son souhait qui est de rattraper les souvenirs de son enfance.

Cependant un obstacle s'impose, celui de la vieillesse et de la maladie de son père. Ces dernières, ont provoqué chez le père de François un handicape mental, ainsi, le fils est dans l'incapacité de reconstruire son passé et son enfance. Et donc, il est condamné au non épanouissement et à la mort.

c) Anne

Tout comme François, Anne souffre de l'absence de son père, toutefois, elle détient la clef de son passé parce qu'elle a en mémoire les souvenirs d'un père présent et aimant qui, malencontreusement, a connu une mort précoce.

Néanmoins, la présence de son père, même si elle a été de courte durée, a apportée à la protagoniste la force nécessaire pour survivre. Cette survie se résume à un comportement libertaire dénué de tout attachement, et de fuite, en cas de tentation à l'égard de l'amour.

Ce dernier point, tant respecté et voulu par le personnage féminin, a cessé d'exister le jour où François est allé avec elle, Rue Fraser. L'amour de François est envahissant, et étouffe Anne. Elle tente d'y mettre fin mais elle n'y arrive pas. Le sentiment de dépendance qu'elle éprouve, va la pousser à fuir cet amour, même si il a duré sept ans. Ce sentiment, va la mettre face à une solitude, insurmontable, qui finira par la tuer non pas physiquement mais symboliquement.

La relation intense qu'a connue Anne avec François, est une forme de substitut affectif. Privée de son père très jeune, elle renonce à l'amour pour ne plus être blessée, mais sa rencontre avec F. Bélanger, va raviver les sentiments qu'elle avait, jadis, enfouis en elle pour ne plus être hantée par le passé et la mort. Ces sentiments refoulés et qui font surface, vont réveiller une blessure profonde non cicatrisée, celle de la mort de son père. Cette mort a entraîné, chez Anne, deux conduites paradoxales : l'une évitant l'amour et l'autre l'épuisant jusqu'à provoquer sa mort et celle de son amant.

Nous pouvons dire, également, qu'avec la mort de son père, Anne sent une partie de son être mourir, et avec la disparition de François, c'est tout son être qui meurt. Et cette mort symbolique est la preuve du non épanouissement de ce personnage.

Nous soulignons que la figure du père, est incontournable et nécessaire pour l'épanouissement de l'enfant et de l'adulte. Nous l'avons vu avec Elisabeth, le personnage le plus équilibré comparé aux deux autres. Et nous reconnaissons que l'absence du père peut engendrer des transformations d'ordre psychique et perturber, ainsi, le bon développement social et familial de l'enfant, une fois devenu adulte. C'est ce que nous avons essayé de montrer à travers le comportement des amants : François et Anne. Et afin de saisir l'impact de la présence ou de l'absence du père, il est indispensable de délimiter son rôle au sein de sa famille et de son couple.

Notre travail, à présent, consistera à mettre l'accent sur le rôle de la figure paternelle au sein de sa famille et de son couple, afin de souligner sa densité et son influence.

IV. Le père dans son couple et au sein de sa famille

Le comportement d'un père au sein de sa famille et de son couple, dépend de la culture à laquelle il appartient, dans certaines cultures traditionnelles, le père est perçu comme celui qui doit subvenir aux besoins de sa famille, d'être présent, d'éduquer ses enfants et de leur témoigner de l'affection. Cependant, la description que nous venons de faire n'est pas toujours vraie. Souvent, dans les familles conservatrices, le père est perçu comme un homme à caractère autoritaire, sévère avec qui la communication est impossible, et où le témoignage affectif est quasi absent. Le père adopte, donc, avec sa famille, une relation de pouvoir, de protection et de soumission, et son éducation réside de son autorité uniquement.

De nos jours, le comportement du père a changé, mais pas dans toutes les sociétés : il est le résultat d'une mutation sociale et d'un dépassement des moeurs. On assiste à « l'émergence d'un nouveau type de père : un père aimant et représentant la loi à laquelle on adhère par amour et par raison (...) »234(*). Ces facettes du père que nous venons de citer, soit à travers le temps ou l'époque, soit par le biais des sociétés traditionnelles, nous les retrouvons dans Quelques Adieux, par l'intermédiaire d'indices textuels.

Dans notre étude du personnage du père, nous remarquons qu'il « n'est qu'un signe, particulièrement valorisé par toute une tradition et une conception de la littérature, à l'intérieur d'un code donné, (...), assurant le fonctionnement d'un système (...) »235(*), c'est-à-dire, que la figure du père dans le roman de M. Laberge, n'est qu'un élément, cité et utilisé pour mettre en place toute une architecture romanesque, dont l'objectif est de transmette une réflexion et d'interagir avec le lecteur.

Dans ce système, nous distinguons trois facettes du père, et donc, trois attitudes différentes, au sein de sa famille et au sein de son couple. Nous entreprendrons notre analyse, pour mettre en avant la première facette de la paternité, celle qu'a connue Elisabeth, auprès d'un père présent et responsable. Puis, nous enchaînerons sur la deuxième facette de la paternité, celle qu'a connue Anne et qui s'avère interrompue par la mort. Et enfin, nous terminerons avec la troisième facette de la paternité, relative à l'expérience de François et qui est placée sous le joug de l'irresponsabilité et de l'absence.

1. Un père entier

Il s'agit de repérer tous les éléments, qui pourraient nous permettre de déterminer le comportement de la figure du père d'Elisabeth à travers le texte. Le roman ne donne aucune précision quant au comportement de ce dernier, le seul passage faisant allusion à lui, désigne un père responsable, présent, qui ne cherche que le bonheur de sa fille :

« Son père lui avait confié (...) un supplément de voyage de noces (...)

à la dernière minute pour lui dire qu'il la voulait heureuse. »236(*)

En effet, cet extrait ne prétend pas affirmer notre hypothèse, néanmoins, il la sous entend. Ce personnage du père n'a d'autre désir que de voir sa fille heureuse, et cela signifie que ce souhait ne date pas, uniquement, du voyage de noces, mais il a toujours été présent dans son esprit.

Et si Elisabeth est une femme équilibrée et optimiste, c'est parce que son père lui a permis d'avoir un foyer, une famille stable et normale.

La mention de l'adjectif normale, a pour sens une famille qui serait constituée d'un père aimant et présent, et d'une mère aimante et présente. Cette normalité sera à l'origine de l'épanouissement de l'enfant et de l'adulte ; dans le cas contraire, c'est la famille qui disparaît.

L'épanouissement d'Elisabeth, suggère un père ayant accomplit son devoir de mari, au sein de son couple, ce qui nous permet de déduire cela, c'est le fait, qu'une famille ne peut être normale que si, il y a entente entre les deux partenaires.

Donc, le rôle du père a été assumé, en entier, chez le personnage d'Elisabeth, cependant, tous les personnages ne jouissent pas de la même situation, parmi eux, Anne.

2. Un père manquant

La famille d'Anne Morissette, a été marquée par un événement, un accident de voiture qui a provoqué la mort de Henri, le père d'Anne. Ce dernier, avant sa mort, assumait son rôle de père et son rôle de mari. Il était tendre avec sa fille :

« (...) Henri était très fier de sa fille, (...) et il faut bien le dire, il y

avait beaucoup d'amour dans ses gestes. » 237(*)

Sans oublier, la complicité qui unissait le couple Morissette :

« Ton (Anne) père l' mère d'Anne a prise dans ses bras (...). Je

(Jacynthe) me souviens de son (Henri) regard, de cette jeune

femme amoureuse qu'était ta mère. Elle aimait Henri (...)

follement. »238(*)

Cette union, cette entente, a donné naissance à un foyer et une famille normale, mais cette normalité se verra perturbée, puis disparaître, avec la mort de Henri, le père d'Anne. L'absence de ce père a disloqué sa famille, et éloigné Anne de toute personne susceptible de lui procurer de l'amour. La paternité, chez Anne, a été interrompue, sans cela, elle aurait eu une vie et une famille normale, avec un avenir optimiste.

Encore une fois, nous revenons sur l'indispensable présence du personnage du père au sein de sa famille. D'ailleurs, son absence, sa mort prématurée, a entraîné sa fille, Anne, dans les méandres d'une passion mortelle.

3. Un père manqué

Le père de François est décrit, dans le chapitre deux, comme un homme absent et irresponsable, à l'égard de ses enfants, mais aussi, à l'égard de sa femme :

« Il (François) errait dans la maison (...) et pensa (...) que sa mère

n'y était jamais venue. (...) Elle était morte toute seule, à l'hôpital,

pendant que lui et ses frères étaient allés manger. Même son père,

(...) l'avait ratée. Elle les avait tenus tous ensemble, et après sa mort,

la famille s'était disloquée, comme si tout ce qui les empêchait de se

disperser ne tenait qu'à elle. »239(*)

Cet extrait, fait ressortir le comportement du père, dans sa famille et dans son couple. Nous remarquons, que la mère endosse toute la responsabilité de la famille, et qu'elle est l'élément central de l'unification des enfants et du foyer. Cette responsabilité totale de la mère, en laisse peu au père, voire rien. Celui-ci est, étranger, dans sa maison, il n'est présent pour personne, ni pour sa femme ni pour ses enfants, la preuve en est la séparation de la famille, après la mort de la mère.

Le père de François, ne possède pas la capacité parentale et ne peut prétendre au paternage240(*), même si nous savons que « les pères sont aussi sensibles et peuvent établir des relations avec les enfants aussi naturellement que les mères (...) »241(*). Ce potentiel parental, est présent chez le père d'Elisabeth et chez le père d'Anne, même si, sa présence était temporaire. Cependant, le père de François ne s'est pas intéressé à sa fonction de père, et ne semble pas, une fois vieilli, vouloir réparer et rattraper ses erreurs passées.

Ce qui fait défaut à ce père, c'est la vieillesse, « rangé dans une place de vieux celui-ci n'en finissait plus de dégringoler (..). Le vieux, (...) s'amusait plutôt bien dans une inconscience béate (...) »242(*).

En effet, le père de François n'a pas assumé son rôle, et son absence a marqué l'esprit de son fils, d'une empreinte indélébile, qui le poussera, d'abord, vers l'adultère, et ensuite, vers une mort certaine.

A ce stade de notre analyse, nous constatons que le personnage du père, a de multiples facettes, qui entraînent à chaque fois des comportements et des modifications dans l'esprit des personnages. Il est l'élément central de la fiction, même si, sa présence n'est pas souvent citée, néanmoins, il est à l'origine de toute attitude approuvée ou non approuvée, des protagonistes.

La passion d'Anne et de François, est le résultat d'une absence et d'une irresponsabilité. C'est cette carence en amour paternel, qui fait la particularité de ces personnages, et c'est aussi l'écriture de M. Laberge, qui a le pouvoir de transformer une histoire tout à fait ordinaire, en une fiction particulière, hors du commun.

Le pouvoir de cette écriture, réside dans les procédés d'écriture adoptée par l'écrivaine, tels que les analepses et l'ellipse pour relater le passé des personnages, ou encore, l'utilisation excessive des épigraphes pour interpeller le lecteur et le faire participer à l'histoire, quelque soit son origine.

L'écriture de M. Laberge, donne l'impression au lecteur qu'il élabore la fiction au même titre que l'écrivaine.

Ce dernier chapitre, nous a permis d'affiner notre hypothèse de départ. Après avoir dressé un plan basé sur quatre points essentiels, le premier étant, l'imaginaire familial et le fonctionnement social du père dans la société québécoise, le deuxième décrit les caractéristiques physique et morale des pères cités dans le roman, le troisième met l'accent sur les rapports père/enfant et le dernier s'intéresse à la place du père au sein de sa famille et de son couple. De ces quatre étapes, nous avons fait ressortir le statut et le rôle attribués au père dans la communauté québécoise, rôle caractérisé par l'autorité et la responsabilité. Ensuite nous les avons comparés aux rôles des pères cités dans la fiction, et à partir de nos résultats, nous avons établi des paramètres en fonction des facettes paternelles existantes dans le roman.

Nous avons constaté la redondance de trois sortes de pères, un père accompli, un père responsable mais mort trop tôt et un père démissionnaire. En distribuant ces pères aux personnages de Quelques Adieux, il en ressort deux catégories de personnages : la première concerne les sujets équilibrés et épanouis, et dans ce cas nous n'en avons relevé qu'un, il s'agit d'Elisabeth. Cette dernière possède une maturité sociale et affective que les autres personnages n'ont pas.

Quant à la deuxième catégories, elle renferme tous les personnages marqués par une crise sociale et familiale, et dans Quelques Adieux François et Anne, souffrent du non épanouissement social et affectif et cela parce qu'ils ont été confrontés à une absence paternelle, dès l'enfance.

La figure du père est désignée à travers les propos des personnages, et elle se construit au fur et à mesure, que nous avançons dans notre lecture. Ce personnage fugace, peu présent dans le récit, a une influence latente sur les protagonistes .De cet impact découle l'adultère de François et d'Anne, car ce sont les deux victimes de l'absence paternelle contrairement à Elisabeth, qui après avoir vécu la trahison de son défunt époux, décide de penser à l'avenir. Cette résolution, nécessite une force morale et physique qu'elle puise dans son être et dans son équilibre familial.

C'est ainsi que nous observons la présence d'une écriture du père, même si le personnage en question est peu présent ou implicitement désigné dans le récit, toutefois il se construit à travers les stratégies d'écriture adoptées par M. Laberge.

CONCLUSION

Le personnage du père dans le roman, est une figure complexe et problématique. Il a une grande une influence sur les personnages et sur leurs progressions au sein de la fiction, selon Philippe Hamon :

« Définir la compétence du personnage et notamment

contribuer à des sous-classes d'actants bien différenciés, selon

que ces actants sont puissants ou impuissants, qu'ils ont les

moyens ou non d'agir conformément à leur vouloir qu'ils

disposent ou non d'adjuvants, que leur pouvoir est inné ou

acquis. »243(*)

Effectivement, la figure du père, dans Quelques Adieux, est un personnage dont la portée confirme le caractère de puissance, mais aussi celui du «pouvoir inné«, c'est-à-dire, que sa présence ou son absence comporte une faculté de modification sur le plan narratif. Ce «pouvoir inné« que nous venons de citer est en rapport avec le domaine anthropologique : la place qu'occupe la figure paternelle dans la société, est déterminante et en relation directe avec l'usage qu'en font les écrivains. Pour plus de précision, nos pouvons dire que la simple suggestion de la présence de ce personnage dans la fiction, pousse les personnages, inconsciemment, à adopter des comportements parfois incompréhensibles.

A partir de l'écriture de M. Laberge, nous constatons que ce personnage est le noyau central de toutes les transformations que les protagonistes mettent en place, même si sa présence sur le plan narratif, est réduite. Toutefois, à travers les indices formels tels que : le para texte, le temps, l'espace et les personnages, il s'impose. Sa présence ainsi que son statut, dans le récit, sont liés à une écriture influencée par le contexte social. Pourtant, l'écrivaine relate une histoire à caractère universel en recourant à des thèmes qui touchent l'humanité ; mais le travail effectué sur le plan de l'écriture permet aux lecteurs de saisir l'histoire romanesque comme une fiction exceptionnelle, c'est-à-dire qu'il y a transformation d'une histoire ordinaire en une fiction complexe.

Le personnage du père, dans le roman, dispose d'un savoir faire et d'une influence suggérés par l'écriture, à ce propos Y. Reuter insiste sur le fait que :

« Les personnages ont un rôle essentiel dans l'organisation

des histoires. Ils permettent les actions, les assument, les

subissent, les relient entre elles et leur donnent sens. D'une

certaine façon, toute histoire est histoire des personnages. » 244(*)

En prenant en considération la place qu'occupe le père dans la fiction, et en faisant de lui l'élément central de notre problématique, nous nous sommes interrogés sur l'utilisation de ces informations dans le processus de recherche. Il est vrai que notre approche de la fiction a été déterminée par un profond souci de rendre compte de l'influence prépondérante du rôle paternel sur le développement à la fois psychique et social des personnages. Nous avons fait recours à l'examen des stratégies utilisées par M. Laberge afin de faire ressortir la figure paternelle.

Initialement, nous étions orientés vers une étude comparative de l'oeuvre de M. Laberge, Quelques Adieux , et celle d'Assia Djebar, Les Nuits de Strasbourg. Nous voulions analyser l'écriture du corps chez les deux écrivaines afin de dégager des éléments de jonction et de disjonction, dans leurs écrits respectifs, et de cette façon exposer une préoccupation commune aux deux cultures algérienne et québécoise, exprimée à travers une écriture différente, sollicitant un intérêt particulier, basé sur une étude approfondie de l'écriture du corps.

Ce premier désir, était né d'une observation faite à partir des transformations subies par le corps dans la fiction romanesque, et nous avons remarqué que le « corps en souffrance, mutilé, ou bien entièrement tourné vers la reconstruction, le corps francophone se cherche en tout aspect, en toute cause. Il n'est plus simplement un corps imprégné d'âcres odeurs sexuelles, (...) »245(*)il est la représentation d'un besoin, d'une défaillance identitaire.

Cette première approche a intrigué et incité à comprendre ce besoin de faire l'amour non pas pour « un simple acte de connaissance de soi, mais de «naître avec l'autre« (...), c'est-à-dire que le détour par l'autre est nécessaire et fondamental pour accéder au moi246(*). Et nous avons constaté que pour accéder au «moi«, il faut avoir connaissance de son passé et plus exactement de son enfance. Ce savoir constitue le socle du développement humain et donc de l'identité, dont souffrent les personnages, des deux romans.

A ce stade de notre réflexion, nous avons décidé de nous consacrer, essentiellement, aux problèmes liés à l'enfance et provoqués par un élément, qui jusque là nous semblait anodin.

Pour étudier cette nouvelle perspective, nous avons décidé de ne pas entreprendre l'approche comparatiste et de ce fait, choisir un seul ouvrage. Notre mémoire est consacré à Quelques Adieux de M. Laberge, car ce roman rend compte d'un comportement complexe des personnages, lié à un passé et une enfance perturbés, causés par l'absence paternelle. Celle-ci, va constituer et déterminer l'avenir des protagonistes, c'est pour cette raison que nous avons opté pour une problématique qui s'interroge sur l'impact du personnage du père, peu présent dans le récit, sur la relation entretenue par les protagonistes. Et pour élaborer ce travail, nous avons analysé les procédés d'écriture adoptés par l'auteure.

Notre approche se décline comme suit : Nous avons, d'abord, opté pour l'analyse paratextuelle du roman, pour voir si le paratexte peut nous donner des indices sur le personnage du père, avant la lecture de l'oeuvre. Puis, le besoin d'une étude temporelle s'est avérée nécessaire, pour mettre en amont l'utilisation de certaines techniques de narration tels que les analepses, l'ellipse ou encore les temps des verbes, surtout l'imparfait, et mettre en aval, une constante qui découlerait de ces procédés, et qui serait en relation avec la figure du père. Le caractère implicite du père, nous a conduit vers une étude spatiale de l'oeuvre, celle-ci aurait la capacité de nous éclairer sur le parcours des protagonistes, un parcours présent ou passé, dans le but de retrouver la trace de la figure paternelle.

Et en dernier, nous avons choisi l'étude des personnages et plus précisément le personnage du père. Notre désir était d'exposer les différentes facettes de celui-ci, et donc, les différentes fonctions choisies dans la fiction. Ce choix nous est apparu intéressant dans la mesure où il montrerait l'influence du père sur les personnages.

L'analyse paratextuelle, nous semblait essentielle pour indiquer le choix de la structure romanesque de l'écrivaine, c'est-à-dire l'utilisation récurrente des épigraphes, des épigraphiés ainsi que des sous titres. Cette architecture interne du roman, revêt un univers littéraire et culturel, multiple, qui laisse transparaître une écrivaine ouverte sur le monde, mais, également, intéressée par ce qui le préoccupe.

Nous avons commencé ce premier chapitre, avec l'idée de retrouver une trace, un indice de la figure du père, à partir des thèmes qui dominent les exergues, et de la relation sous-titre/contenu , selon J.Y. Tadié :

« Lire la structure d'un texte c'est y relever des

parallélismes dans la fiction comme dans la narration. Le

relevé peut être infini. Pour qu'il reste significatif, il faut

noter les parallélismes qui concernent la totalité du texte.»247(*)

Certes, la composition du roman, « où un élément de paratexte (...) si il consiste en un message matérialisé, a nécessairement un emplacement que l'on peut situer par rapport à celui du texte lui-même : autour du texte, dans l'espace du même volume, comme le titre ou la préface, et parfois inséré, dans les interstices du texte, comme les titres de chapitres ou certaines notes, »248(*) que G. Genette nomme péritexte. Ces indices vont nous permettre de suivre la progression de la fiction, c'est-à-dire, que le relevé des éléments situés en «bord d'oeuvre«249(*)permettent une approche de la fiction de manière réfléchie.

Notre première étape qui se voulait informative sur le plan des éléments redondants, nécessite un approfondissement en rapport avec les informations extraites de l'étude paratextuelle. Cette dernière, expose des thèmes universels qui préoccupent tous les pays du monde, à savoir l'amour, la solitude, la vie, la mort, la passion. Toutefois, nous avons remarqué qu'une donnée se distingue, il s'agit de la référence au passé et à l'enfance.

C'est cette première constatation, qui nous a encouragé à poursuivre notre analyse et à mettre l'accent sur cette donnée.

Afin d'affiner notre recherche, nous avons intégré au premier chapitre l'étude du temps interne, qui regroupe les analepses, l'ellipse et le temps des verbes. Cette deuxième démarche met en avant la présence paternelle à partir des souvenirs des personnages. Ce personnage fugace, n'est pas toujours présent dans la mémoire des protagonistes et est mis en place à partir des analepses.

La mémoire des protagonistes, « est une mémoire brisée, une mémoire complètement en morceaux (...) qui revient donc (...) par hésitations, par débit »250(*). Cette mémoire du passé qu'on nomme analepse, est un procédé d'écriture qui nous renseigne sur le passé des personnages surtout celui de François et d'Anne, et souligne l'importance de certaines images redondantes, souvent liées au Père. Cette utilisation des segments analeptiques est, également, apparente à travers les verbes conjugués à l'imparfait. Ce temps «  domine (...), [et] n'implique pas un temps accompli, fermé, mais une durée qui se construit et ne cesse pas de construire, dans le cheminement des consciences ou, plus justement, dans le cours du texte »251(*), c'est-à-dire que par le biais de cette structure verbale, nous avons tenté de montrer que les analepses sont mises en valeur et que leur aspect rétrospectif, évoque une présence imposante dominant le passé des protagonistes, et qu'il s'agit du personnages du père.

D'ailleurs, ce qui va renforcer ce chapitre consacré aux temps externe et interne, c'est la présence d'une ellipse, divisant le roman, non seulement en deux parties, mais aussi en deux histoires : la première, est celle de la passion vécue par François et Anne, et la deuxième est celle d'Elisabeth qui découvre l'adultère de son défunt époux, François.

Dans notre analyse de l'ellipse, nous soulignons l'importance de la progression de la fiction à partir d'un bond temporel qui n'apparaît pas, selon G. Genette, il s'agit d'une ellipse implicite « c'est-à-dire celle dont la présence même n'est pas déclarée dans le texte, et que le lecteur peut seulement inférer (...) quelque lacune chronologique ou solutions de continuité narrative »252(*)

Ainsi, ce «segment nul de récit«253(*), nous a permis, dans la deuxième moitié de Quelques Adieux, de retrouver le passé d'Anne de façon précise, et surtout le rapport qu'elle avait avec son père. Cette rétrospection, n'a pu être effectuée qu'à partir d'une enquête, entreprise par la veuve de François, Elisabeth, qui voulait coûte que coûte , comprendre l'infidélité de son mari, et cela après sa mort.

Dans le roman de M. Laberge, les sept années de relation adultère entretenue par François et Anne, ne figurent pas ainsi que la maladie du protagoniste et sa mort. Ces informations seront transmises dans la deuxième partie du roman à travers l'enquête de la veuve, et auront pour causes et explications, un passé dépourvu de présence paternelle.

Cette conclusion de carence paternelle, est non seulement le résultat de notre analyse mais c'est aussi la déduction d'Elisabeth. Celle-ci, évalue le comportement de son mari, comme une conséquence directe de la mort de son père. Même celui d'Anne, a été expliqué de la même manière. Nous constatons que le résultat obtenu, affirme notre hypothèse de départ, et c'est ce qui nous a autorisé à entreprendre le deuxième chapitre consacré à l'espace romanesque.

La structure spatiale de l'oeuvre, nous a amené à interroger tous les lieux se rapportant aux déplacements des personnages. Mais le plus intéressant, c'est notre perception de certains thème et objet qui passent du statut intrinsèque au statut d'espaces symboliques. Cette richesse de l'espace rend son accessibilité complexe, et c'est dans cette ambiguïté spatiale que nous avons extrait la figure du père. Pour y parvenir, nous avons présumé que l'analyse de la distribution des lieux empruntés par les personnages, est nécessaire car « dans un texte, l'espace se définit (...) comme l'ensemble des signes qui produisent un effet de représentation »254(*)et c'est justement cette représentation qui nous a permis de dégager une structure signifiante de l'espace.

Tous les espaces utilisés par François et Anne, mettent en avant des images liées à la passion, à la solitude et à l'angoisse. Ces dernières, ont un point commun : le passé de chaque personnage, c'est-à-dire, que ces images « distribuent (...) les signes, où se lient les relations achroniques : la pensée a besoin des métaphores spatiales »255(*)

En d'autres termes, ces signes qui sont pour nous : la passion, la solitude et l'angoisse, sont reliés par une force centripète présente chez chaque protagoniste, et faisant d'eux des victimes de leur passé. Cette force qui « enferme le désir des personnages (...) [et] apporte une contrainte »256(*) sur le plan de l'épanouissement, porte le nom de Père. Celui-ci est présent dans les moments de solitude et d'angoisse exprimées par les protagonistes, dans des lieux fermés, tels que la chambre et l'appartement. Ces endroits sont des lieux « où l'absence d'un personnage (le père) produit une aspiration, un charme (...) insupportable »257(*), dans l'esprit des protagonistes. Ils se retrouvent confrontés à un spectre de leurs enfances : le Père.

Après avoir analysé tous les lieux empruntés par les personnages, nous avons évoqué le besoin d'élaborer une autre étude spatiale basée sur l'aspect symbolique des espaces.

Cette démarche a pour objectif de faire ressortir tous les pères (celui d'Anne, de François et d'Elisabeth) à partir de certains thème et objet, tels que l'amour et ses versants, la mort, et la gravure de Florence. Ces éléments vont nous servir d'intermédiaire entre les personnages et leur passé. Nous avons remarqué que l'amour est un thème paradoxal exprimant, à la fois, la passion et la tristesse. Ces deux sous-thèmes, représentent une base de données informant le lecteur de la progression psychique et émotive des personnages, et de plus, le renseigner sur la raison originelle de toutes modifications conjoncturelles sur le plan romanesque.

A la suite de l'analyse des deux versants de l'amour, c'est-à-dire, la passion et la tristesse, nous avons déduit que les émotions ressenties par les protagonistes désignent : la nostalgie de l'enfance et la puissance d'un souvenir marquant, qui portent l'image de l'absence, celle du père.

Quant au thème de la mort, nous avons été confrontés aux séquelles de la carence paternelle. Nous assistons, non seulement, à une mort physique mais aussi à une mort symbolique du personnage : François, personnage déraciné, ne possédant aucun moyen pour rattraper son enfance, s'abandonne à une passion dévorante et adultère où il masque un sentiment d'inceste, pour ensuite se réfugier dans une maladie incurable, échappatoire. Cette mort, est pour lui une forme de délivrance car son coeur ressemblait à une scène de théâtre où chaque sentiment se mêle à un autre, créant ainsi une confusion dans l'esprit du protagoniste.

Anne vit sa mort différemment, c'est-à-dire, que ce personnage féminin est mort au même moment que son père. A partir de cet instant, son coeur n'a toléré aucun sentiment d'amour. Toutefois, sa relation avec François ainsi que sa disparition, n'ont fait qu'affirmer notre perception de la mort symbolique, chez Anne.

Cette première partie de la symbolique de l'espace, expose « un espace fictionnel très vaste, pour ne pas dire infini, ouvert à toute sorte d'imagination »258(*). C'est en ces termes, que nous constatons que l'espace, n'a plus la même conception ; il passe de l'état de lieu à l'état de thème et d'objet, c'est-à-dire, qu'il prend plusieurs formes pas forcément palpables, comme les thèmes de la mort et de l'amour.

Lorsque nous avons entamé l'analyse de l'espace symbolique, l'image de la gravure s'est, aussitôt, imposée. Cet objet, exposant un arbre sans racines luttant contre le vent vainement, a été, immédiatement, révélateur. L'image qui s'est, rapidement, superposée à celle de la gravure, est le destin de François : N'ayant pas de racines ou plus exactement d'images liées à son l'enfance, il se retrouve à l'âge adulte avec une fragilité psychique qui entraînera sa perte.

Si nous avons décidé de considérer la gravure comme espace symbolique, c'est parce qu'elle « révèle des repères psychiques et dessine une cartographie symbolique »259(*)

Tous les espaces cités, ont pour matière première l'imagination. Celle-ci « est l'expression en images des instincts fondamentaux, l'imagination de la vie traduit symboliquement le vouloir- vivre dans ses variations multiples : peur et dégoût de vivre, (...) »260(*). En d'autres termes, les images extraites de chaque espace géographique et symbolique, témoignent des instincts et des envies ancrés dans les profondeurs de l'individu  mais présents sous différents aspects : peur, angoisse et passion. Et dans ce deuxième chapitre, l'image cachée dans l'esprit de chaque personnage est celle du père.

Pour plus de précision, nous avons rajouté un troisième chapitre consacré au personnage du père. Ce volet touche, directement, la cible de notre recherche et est en mesure d'affirmer ou d'infirmer notre postulat de départ, car « le personnage le plus intéressant est celui qui fait le récit. »261(*). Même si pour le détecter, il a fallu analyser la mémoire de l'enfance de chaque protagoniste et mettre en avant des hypothèses afin de repérer une esquisse du portrait du père.

Nous nous sommes proposés, dans ce dernier chapitre, de rappeler la place qu'occupait et qu'occupe le père dans la société québécoise, avant et après la révolution tranquille. Notre objectif étant d'informer le lecteur sur l'évolution du statut et du rôle paternel, c'est ce qui nous a permis de mieux saisir la figure du père dans Quelques Adieux.

Cette étape informative sur le fonctionnement social du père au sein de la société québécoise, va développer chez le lecteur une image du père qui est en rapport avec celle que nous voudrions transmettre, c'est-à-dire qu'il va projeter sa propre image. Celle-ci sera liée à son vécu et sera en rapport avec la société à laquelle il appartient. Le lecteur va examiner les liens du personnage du père avec la réalité qu'il vit.

De cette première démarche de l'étude du personnage du père, découle le besoin de dresser les portraits physique et moral, des pères présents dans la fiction. Il est vrai que sa présence, dans le récit, est quasi inexistante. Cependant, il est « une image verbale, et n'est que cela. C'est un fantasme qui sert à l'assouvissement du désir ; (...) [et] est porteur du mouvement du désir (...) »262(*). Nous sommes partis de l'idée que le père n'est présent dans le récit, que par le biais des images exprimées par les protagonistes, souvent, provoquées par des périodes d'angoisse, de solitude et de passion intense. Ces images extraites des réminiscences des personnages, nous ont permis de décrire les différents signes du père. Cette description n'est pas gratuite, elle interroge les différentes facettes du père afin de mettre l'accent sur les rapports père/enfant.

Ce dernier point a été exploré en troisième position dans notre analyse du personnage du père. Et c'est dans cette sous partie que nous avons constaté que notre recherche s'avère être sur la bonne trajectoire, c'est-à-dire, que la mise en valeur de la relation père/enfant, a enregistré l'influence du père sur l'épanouissement et le non épanouissement de l'enfant, qui une fois adulte, sans se rendre compte, se comporte en conséquence.

Pour plus de précision, nous avons divisé cette sous partie en deux points : le premier désigne les amants, François et Anne, qui souffrent de déracinement et cela pare qu'ils ont vécu l'absence paternelle. Celle-ci justifie leur adultère, car n'ayant pas eu une enfance normale, ils deviennent « des objets qui convoquent le mouvement d'Eros »263(*) comme compensation à l'amour paternel, c'est ce que nous avons tenté d'exposer et de prouver, non seulement à travers ce premier point mais aussi en se référant au deuxième point. Ce dernier, interroge l'enfance des protagonistes dans le but de cerner les personnages épanouis de ceux qui ne le sont pas. Et c'est à cette étape de notre travail que notre hypothèse se confirme :

Nous avons remarqué que les deux personnages ayant entretenus une relation adultère, François et Anne, souffraient d'une carence paternelle et représentaient des signes de non épanouissements social et familial. Alors que le personnage féminin d'Elisabeth, la femme de François, constitue l'élément le plus équilibré et épanoui de la fiction, car ses liens avec les membres de sa famille et avec son père sont présents et solides. Elisabeth ne connaît pas l'absence et surtout celle du père, c'est ce qui lui a permis d'évoluer sainement.

Ainsi, notre recherche se termine avec un dernier sous titre qui insiste sur le rôle du père au sein de sa famille et au sein de son couple. Cette dernière approche va renforcer les résultats obtenus jusque là, c'est pour cette raison que nous avons opté pour l'énumération des différents pères cités dans le récit, en mettant en évidence leurs comportements avec leurs familles et leurs enfants. Même si, nous ne détenons pas d'informations suffisantes, toutefois « le vide sémantique du personnage fait le plein du texte »264(*) et à partir de la structure verbale, nous avons pu repérer les différentes facettes du père, et donc, les différents comportements adoptés avec la famille ou avec les enfants.

Cette classification a donné naissance à trois catégories du personnage du père : Un père entier, celui d'Elisabeth, responsable de son épanouissement et de sa stabilité sociale et affective. Un père manquant, celui d'Anne, un homme responsable et aimant, mort trop tôt. Cette absence prématurée, a transformé la vie d'Anne, et l'a faite basculer vers une relation adultère, avec un homme ayant les mêmes préoccupations qu'elle. Mais la mort de son amant, François, va entraîner, chez Anne, une mort symbolique qui l'anéantira. Donc, pour compenser la première absence Anne se lance dans une passion, qui engendrera une deuxième absence qui lui sera fatale. Un père manqué, celui de François: un homme démissionnaire, refusant d'assumer ses responsabilités. Ce rejet de la paternité provoquera, chez François, des comportements instables qui donneront lieux à une relation adultère et à une maladie incurable. Perturbé psychiquement, par l'absence paternelle, François se refuse le rôle de père, même si son comportement avec Anne, laisse voir un transfert affectif qui pourrait relever de l'inceste. A ce propos, dans la deuxième partie de l'oeuvre, Elisabeth y fait référence.

Comme nous venons de le voir, le personnage du père est une donnée indispensable pour le bon épanouissement de l'enfant et pour son équilibre familial et donc social.

Ainsi, nous achevons ce travail en soulignant l'intérêt et la rigueur que nous avons portés à l'écriture de M. Laberge. Son écriture met en avant la quête d'identité qu'entreprennent les protagonistes et se termine sur un constat de carence paternelle.

Toutefois, notre orientation de lecture et la perspective choisie, ne remettent aucunement la possibilité d'extraire de l'oeuvre de cette écrivaine d'autres objectifs de recherche, qui peuvent être orientés vers : Une analyse intertextuelle, ou encore une étude comparative avec un autre ouvrage appartenant à une autre littérature. C'est sans doute là matière à une autre étude.

ANNEXE

Le calendrier des événements265(*)

Première Partie

1972

Chapitre : Le Désir

La rentrée

François remarque Augmentation Fin du

Anne du désir trimestre Noël

......................................................... .............................23.........1972

Septembre octobre novembre décembre

Chapitre : Le refus

Résolution de Amplification Anniversaire de La mort du père de

François du désir. Le François François

Résister refus de céder Baiser d'Anne Ils cèdent au désir

............................................................26............13......... 1973

Janvier février mars avril

Chapitre : La reddition

Désir et conflits Le pacte

Amoureux Impatience du

Séparation des amants corps Conflits amoureux

.......................................................................................1973

Mai août septembre octobre novembre décembre

Deuxième Partie

1983

Chapitre : La déchirure

Découverte de l'infidélité

De François par Elisabeth

(après10ans)........................17.............................................1983

Octobre Fin octobre

Chapitre : La quête

Quête

D'Elisabeth Lettre d'Hélène Rencontre avec Jacynthe

....................................23......................................................31..1983

Novembre décembre

Chapitre : La fin

Conflit et réconciliation

avec Jérôme Conception d'un enfant

..................................................................................... 1984

Janvier février

Distribution des segments analeptiques266(*)

Tableau 1 : Première partie 1972

Chapitre un : Le désir

Nombre d'analepses : 1

Numéro de pages : 45

Chapitre deux : Le refus

Nombre d'analepses : 2

Numéro de pages : 108 à 111

Chapitre trois : La reddition

Nombre d'analepses : 3

Numéro de pages : 161à 163

179

181 à 191


Tableau 2 : Deuxième partie 1983

Chapitre quatre : La déchirure

Nombre d'analepses : 11

Numéro de pages : 245 à 246

249

253 à 256

264 à 265

268 à 269

275 à 278

280 à 281

291

295 à 296

298

310

Chapitre cinq : La quête

Nombre d'analepses : 4

Numéro de pages : 337 à 339

340 à 349

362 à 372

382

Chapitre six : La fin

Nombre d'analepses : 0

Numéro de pages:/


Graphe N°1

Ce graphe a pour objectif, dans le premier chapitre de notre mémoire, d'exposer la progression analeptique à travers toute l'oeuvres de M. Laberge, afin qu'on puisse établir des parallèle avec la fiction, et ainsi de faire ressortir l'élément perturbateur de la narration.

Graphe N°2

Cette courbe temporelle, découle de l'utilisation des segments analeptiques, qui indiquent un retour en arrière, et nécessitent un temps adapté pour la narration, c'est pour cette raison que nous avons tenu à signaler la progression de l'imparfait, temps de la narration et de la description.

Graphe N°3

Ce dernier graphe, du chapitre un de notre exposé, indique des lieux de concupiscences entre l'utilisation de l'imparfait et des analepses. Ces données vont nous permettre de déterminer l'élément redondant, se rapportant à la fiction, dans les lieux de jonction.

Topologie Fictive267(*)

Première partie

1972

Chapitre un : Le désir

Le trajet de François Lieux de jonction Le trajet d'Anne

Université

Restaurent de la

Jonction

Classe

Appartement, Rue

Fraser

Université

Bureau

Classe

Maison conjugale

Université

Classe

Chapitre deux : Le refus

Le trajet de François Lieux de jonction Le trajet d'Anne

Université

Classe

Appartement Rue

Fraser

Université

Classe

Bureau

Maison conjugale, Chemin

Gomin

Appartement, Rue Fraser

Université

Classe

Appartement, Rue Fraser

Chapitre trois : La reddition

Le trajet de François Lieux de jonction Le trajet d'Anne

Université

Classe

Appartement Rue

Fraser

Montréal

Université

Classe

Bureau

Maison conjugale, Chemin

Gomin

Appartement, Rue Fraser

Campagne

Montréal

Université

Classe

Appartement, Rue Fraser

Montréal

Deuxième partie

1983

La quête d'Elisabeth

Chapitre quatre : La déchirure

Maison, Rue Gomin

Découverte de l'adultère

La Campagne

L'impacte de la découverte

L'Université

Recherches d'indices

Rue Gomin

L'enquête

Chapitre cinq : La Quête

Maison, Rue Gomin

Maison d'Hélène Théberge

Objectif : retrouver Anne

Retour au Chemin Gomin

Chapitre six : La Fin

Maison, Chemin Gomin

Maison de la marraine, Jacynthe

1080 Laurier

Retrouver Anne

Maison, Chemin Gomin

Obstinée à retrouver Anne

Maison de la marraine, Jacynthe

1080 Laurier

La vue d'Anne

Maison de jérome

Réconciliation et conception d'un enfant

Bibliographie

I. OEuvres de M. Laberge

Romans

1- Florent, Le Goût du Bonheur III, Boréal, 2001

2- Adélaïde, Le Goût du Bonheur II, Boréal, 2001

3- Gabrielle, Le Goût du Bonheur I, Boréal, 2000

4- Quelques Adieux, Boréal, 1992

II. Romans cités dans l'introduction

1- Alonzo. A. M, Geste, Paris, Des femmes, 1979

2- Bey Maissa, Au commencement était la mer, Marsa, 1996

3- Bey Maissa, Cette fille là, L'Aube, 2001

4- Bey Maissa, Entendez- vous dans les montagnes, L'Aube, 2002

5- COURTEMANCHE Gil, Une belle mort, Boréal, 2005

6- NAJJAR Alexandre, Le silence du ténor, Plon, 2006

7- LIBAR FOFANA, Le fils de l'arbre, Gallimard, 2004

III. Ouvrages Théoriques

1- Adam. J. M, Le récit, Que sais-je, 1984

2- Bachelard. G, La poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957

3- Bordas Éric, L'analyse littéraire, Nathan, 2002

4- Burney Pierre, L'amour, QSJ, PUF, 1973

5- Boutinet Jean-Pierre, Anthropologie du projet, Paris, PUF, coll. Psychologie d'aujourd'hui, Paris, 1992

6- Claude de Grève, Éléments de littérature comparée. II. Thèmes et mythes, Paris, Hachette, 1995

7- Didier.B, L'écriture femme, PUF, 1981

8- Genette.G, Figure III, Seuil, 1972

9- Genette. G, Seuils, seuil, février 1987

10- Goldenstein. P, Pour lire le roman, Deboeck - Duculot, 1986

11- Hébert.P, « La technique du retour en arrière dans le nouveau roman au Québec et en France », Neohelicon, XII, 2, 1985

12- Hamon. PH, Le personnel du roman, Le système des personnages dans Les Rougon - Macquart d'Émile Zola, Geneve, Droz, 1983

13- Haeck. P, Poétique et modernité, Montréal, VLB, 1984

14- Lipovetsky Gilles, Métamorphoses de la culture libérale, Liber, 2002

15- Mappa Sophia, Développer par la démocratie, Karthala, 1995

16- Marcotte. G, Le roman à l'imparfait, essai sur le roman québécois d'aujourd'hui, Montréal, Edition La Presse, 1978

17- Reuter.Y, L'analyse du récit, Nathan, 2003

18- Rougemont. D, L'amour et l'occident, Paris, Plon, 1939

19- Tadié. J. Y, Le récit poétique, PUF écriture, 1978

20- Weinrich. H, Le temps, coll.  « Poétique », Paris, Seuil, 1964

A_- Ouvrages collectifs

1- E. Borda, C.B. Moison, G. Bonnet, A. Déruelle, C. M. Colard, L'analyse littéraire, Nathan, 2002

2- P. Claudes, Y. Reuter, Le personnage, PUF, 1998

3- Christiane ACHOUR, Amina BEKKAT, Clefs pour la lecture des récits Convergences critiques II, Tell, 2002

4- René DUROCHER, Paul-André LINTEAU, François RICARD et Jean-Claude ROBERT, Le Québec depuis 1930, Montréal, Boréal, 1986

IV. Revues

1- Revue de littérature canadienne, impression de lecture, Tell, Mars2005

2- Revue contemporaine des deux rives, Algérie-Canada, Revue annuelle de poèsie-N°3-Novembre2005

V. Dictionnaires

1- Petit Larousse illustré1991, librairie Larousse, 1990

2- OEuvres intimes, pléiade, II, p.129. Sur la pratique stendhalienne de l'épigraphe, cf. M. Abrioux, « Intertitres et épigraphes chez Stendhal », poétique 69, fevr.1987

3- Lagarde et Michard, XX ème siècle, Bordas, 1997

4- H. Mitterrand, Dictionnaire des genres et des notions littéraires, écrit à la rubrique «Réalisme«

5- L'Aveuglette, «Les gardiens« : OEuvres, Cercle du livre précieux, T.I

VI. Mémoire

1- Mémoire de magister de Latifa MEZALI, dirigé par Madame Ouarda HIMEUR, Père et Repères dans trois oeuvres de Maïssa BEY , Juillet 2007

VII. Sitographie

1- Alexandre NAJJAR, Le silence du ténor,

In : www.libanvision.com/livre- actu.htm (le 23/01/2007 à 21h)

2- Anthony Cadet, La figure du père, La figure du père dans la littérature jeunesse, mai 2000, Université de Lille III, p.3.

In http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=858 (site consulté le 16 juin 2007 à 20h)

3- Bourbonnais. N, La symbolique de l'espace dans les récits de Gabrielle Roy, in http//www.erudit.org/revue/vi/1982/v7/12/20036ar.pdf (site consulté le 1/12/2007 à 23h)

4- Bachelard Gaston, dans l'encyclopédie Wikipedia,

In http//www.wikipedia.org/wiki/imaginaire (site consulté le 10/11/2007 à 12h)

5- Dulac. G, La fragilité de la paternité dans la société Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire et du père abject, dans la revue professionnelle « défi jeunesse ». In

http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/défi/defi_jeuness_0006/paternite.htm (site consulté le 5/11/2007 à 20h)

6-Encyclopédie Wikipédia :

http://www.fr.wikipedia.org/wiki/william_shakespeare (15/01/2007à 22h)

7-Encyclopédie Wikipédia :

http://www.fr.wikipedia.org/wiki/romain_gary (15/01/2007à 22h)

8-Georges Bertin, Nouveau millénaire, défis libertairespour l'imaginaire, principes et méthodes, RevueEspritcritiqueVol.04No.02-Fèvrier2002,

In : http//www.espritcritique.org/0402/article2.ht-l (14/07/2007 à 20h)

9- Georges Bertin, Imaginaire social et politique: Quand le système entre en dérive, Revue Esprit critique Printemps 2003 - Vol.05, No.02,

in http://1libertaire.free.fr/Castoriadis16.html (site consulté 15/11/2007 à 20h )

10- Gwénaëlle Gautier, La figure du père dans la collection Médium, mai 2000, Université de Lille III, p.3.

In http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=859 (site consulté le samedi 16 juin 2007 à 22h).

11- Hamon PH., Introduction à l'analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, in Thèse de doctorat de littérature Française sous la direction de Jacques Neefs, Qan Sun, Poétique et génétique de l'espace Hérodias de Flaubert, Avril 1994. In http://membres.lycos.fr/sunqian/sommaire.html (site consulté le 26/11/2007)

12- Joubet. L, le paratexte chez Anne- Marie- Alonzo : invitation à une lecture de la complicité, Université Queen's, p. 303.

In : http://www.erudit.org/revue/vi/1994/v19/n2/201093ar.pdf (03/09/2007 à10h)

13- MITTERAND Henri, in

http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html (le 22/08/2007 à 15h)

14- Monénembo. T, utilisés dans l'article de Pius Ngandu Nkashama, «Esthétique de la transgression dans les écritures romanesques«, Mondes Francophones, in http://www.mondesfrancophones.com/espaces/afriques/articles/esthétique-de-la-transgression/view (site consulté le 30/11/2007)

15- Robert Viau (entrevue), Marie Laberge, Dramaturge, Ecrire pour vivre, SCL/ELC, Volume22.1 :1997, p.117-134.

http://www.lib.unb.ca/Texts/SCL/bin/get.cgi?directory=Vol22_1/&filename=viau.html

16- Revue de Psychanalyse Filigrane, Automne 2005, le volume 14, article de Louise Grenier et André Jacques, « Tout sur mon père », p2.

In http://rsmq.cam.org/filigrane/themes.htm (site consulté le 10/09/ 2007 à 23)

17- Roy Gabrielle, La détresse et l'enchantement, Montréal, Boréal, Express, 1984, p. 93. In http://www.collectioncanada.ca/roy/h7-210-f.html (15/01/2007 à 22h)

18- Saillant C. A., Espace et topique de Don Quichotte in

http://www.vox-poetica.org/sflgc/concours/tx/ETQuichotte.html (10/07/2007 à 21h)

19- Sandrine Merslet,« Sexualité : projection de l'instance sensorielle en terre littéraire«, Lundi 1janvier2007, in http://www.la-plume-francophone,ov

20- Ségun. M, «Récits d'îles. Espace insulaire et poétique du récit dans l'Estoire del Saint Graal«, Médiévale, n°47, automne 2004, p. 79-96. In http://www.medievales.revues.org/sommaire1310.html

21- Virginie Brinker, «Le Tangage des corps et des âmes dans Les Nuits de Strasbourg d'Assia Djebar«, Lundi 1janvier 2007, in http://www.la-plume-francophone,over-blog.com/categorie-1039157.html

22- WEISGERBER, L'espace romanesque, éd, L'age d'homme, « bibliotheque de littérature comparée », 1978

In http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html (le 22/08/2007 à 15h)

23- http://www.crdp.ac-creteil.fr/telemaque/comite/amour.htm#rupture (10/09/2007 à 23h)

Résumé

Discours de l'implicite et Stratégie narratives est une étude de Quelques Adieux, oeuvre de M. Laberge, son objectif est de faire ressortir la figure du Père, à travers une approche pluridisciplinaire. Suite à une lecture analytique, nous avons inscrit notre travail dans le champ de la narratologie, de l'anthropologie et de la psychanalyse. Notre travail pose la question de l'écriture du Père et cela à travers trois parties, ou plus exactement trois chapitres.

Dans le premier chapitre intitulé «  Temps et Significations », nous avons opté pour l'analyse des indices paratextuels afin de retrouver des pistes menant au personnage du père. Il s'avère que cette première démarche n'est pas suffisante, elle rend compte d'une certaine préoccupation universelle de l'écrivaine et d'une ouverture sur le monde littéraire. Le manque de données, nous a incité à étudier la structure temporelle, à savoir les analepses, l'ellipse et le temps des verbes. Cette démarche, souligne la présence d'un père à travers les souvenirs des protagonistes.

Dans le deuxième chapitre intitulé «  Etude Spatiale », nous n'avons pas seulement repéré les lieux empruntés par les personnages, nous avons également considéré certains thèmes et objet comme espace romanesque. Cette richesse et cette ambiguïté spatiale qui nous font passer du statut intrinsèque des thèmes et objets à leur statut symbolique, sont des intermédiaires entre le passé et les protagonistes. Et c'est justement dans ce passé, que la figure du père, personnage fugace, apparaît. Et de ces éléments symboliques, l'image de l'absence, celle du père, s'impose par le biais de la nostalgie de l'enfance.

Dans le dernier chapitre intitulé « Discours de l'implicite : Portrait en esquisses du Père », nous avons tenté de reconstituer ce personnage fugace à travers les informations recueillies par les personnages. Mais avant, un détour par le statut social du père dans la société québécoise, nous a semblé intéressant pour comprendre son fonctionnement au sein de l'oeuvre romanesque. De là, notre dernière partie a mis en évidence les rapports Père/Enfant et l'intégrité du père au sein de sa famille et de son couple. Cette dernière démarche explique l'adultère des protagonistes, par l'absence et le manque de responsabilité, du père.

Ainsi, notre mémoire met en avant le personnage du père, peu présent dans le roman, mais vivant dans la mémoire des protagonistes. Ici, les nombreuses corrélations établies, nous permettent de dire que ce personnage, fugace est une donnée indispensable pour le bon épanouissement et pour l'équilibre familial, et donc social, des protagonistes.

La question du Père est une préoccupation d'actualité qui ne cesse d'être évoquée dans les écrits littéraires. Elle est également une invitation à d'autres réflexions, dans le cadre de la recherche.

ãáÎÕ

ÎØÇÈ Öãäí æ ÇÓÊÑÇÊÌíå ÑæÇíÇÊ åí ÏÑÇÓÉ - - Quelques Adieux ßÊÇÈÉ ÇáÑæÇíÉ ãä ÇáÓíÏÉ Marie Laberge æ åÐÇ ÇáÚãá íÈíä æ íÄßÏ ÔÎÕíÉ áÈ ãä ÎáÇá ÏÑÇÓÉ í ãÎÊá ÇáãíÇÏíä æ åí ÇáÏÑÇÓÉ ÇÕæÕíæÍíÉ æ äÑÇÊáæÌíÉ æ í åÐå ÇáãÐßÑÉ ÊØÑÞäÇ Åáì ËáÇËÉ Õæá ãÎÊáÉ.

ÇáÕá áæá : Temps et Significations » «  ÇÍÊÑäÇ ÏÑÇÓÉ ÇáãÓÇÑÇÊ Paratextuels ãä ÇÌá ÅíÌÇÏ ØÇÈÚ áÈ æ ãä ÎáÇá åÐÇ ÇáÕá áÍÖäÇ ä åÐå ÇáÎØæÉ áíÓÊ ßÇíÉ æ ÊØÑÞäÇ Åáì Õá ÂÎÑ.

ÇáÕá ÇáËÇäí : « Etude Spatiale » ÊØÑÞäÇ í åÐÇ ÇáÕá Åáì ãÎÊá áÇãÇßä æ ÇáãÓÇÑÇÊ ÇáÂÊí íäÊÞá íåÇ ÇáÔÎÕ æ ÇáÊÚÑ Úáì ÔÎÕíÉ ÇáÔÎÕ ãä ÎáÇá åÐå áÇãÇßä æ ãÍÇæáÉ ÊÍáíáåÇ æ ÏÑÇÓÊåÇ

ÇáÕá ÇáËÇáË æ áÎíÑ :  « Discours de l'implicite : Portrait en esquisses du Père » æ ÊØÑÞäÇ í åÐÇ ÇáÕá Åáì ÈÍË æ ÅÚÇÏÉ ÈäÇÁ ÔÎÕíÉ áÈ ãä ÎáÇá ÇáãÚáæãÇÊ ÇáãæÌæÏÉ í ÊÍáíá ÇáÑæÇíÉ.

æ ãä åäÇ Çä ãÐßÑÊäÇ ÊÞÊÑÍ ØÇÈÚ áÈ áÊí Ñæí ÚáíåÇ í ÇáÚÏíÏ ãä ÇáÑæÇíÇÊ æåí ÑæÇíÉ æÇÞÚíÉ æ ãä åäÇ íãßä ÇáÞæá ä åÐå áÇÖØÑÇÈÇÊ ÊÙåÑ ãä ÎáÇá ÇáÊæÇÒä ÇáÚÇÆáí.

ßãÇ íãßä ÇáÞæá ä ãÓÇáÉ áÈ åæ ÇáÞáÞ ãä ãæÇÖíÚ ÇáÓÇÚÉ áÊí ÊÊã ÞÑÇÁÊåÇ í ÇáãæÇÖíÚ áÏÈíÉ æ åí íÖÇ ÊãáÇÊ ÎÑì í íØÇÑ ÇáÈÍË.

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ãÓíÉ ÂíÊ æ ÚÑÇÈ ÍÑæí ÛÈÇ áæ íãíáí

ÇáÓÜÜÜäÉ ÇáÏÑÇÓíÜÜÜÉ

2007/2008

* 1 - Appellations inspirées du magister de Latifa MEZALI, dirigée par Madame Ouarda HIMEUR, intitulé : Père et Repères dans trois oeuvres de Maïssa BEY .

* 2 - FOFANA LIBAR, Le fils de l'arbre, Gallimard, 2004

* 3 -F.LIBAR, Le fils de l'arbre, Gallimard, 2004.

* 4 - Alexandre NAJJAR, Le silence du ténor, Plon, 2006

* 5 -www.libanvision.com/livre-actu.htm (le 23/01/2007 à 21h)

* 6- Gil COURTEMANCHE, Une belle mort Boréal, 2005.

* 7 -Revue de Littérature Canadienne « Impression de lecture »,Tell, Mars2005.

* 8 -Revue annuelle de poèsie-N°3-Novembre2005

* 9 -Marie Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1997.

* 10 -Marie Laberge, VLB éditeur, 1981 ; Les éditions du Boréal, 1995

* 11 -Marie Laberge, 1989(collection  « Boréal compact », 1993)

* 12 -Marie Laberge, 1992(collection « Boréal compact », 1997)

* 13 -Marie Laberge, 1996(collection « Boréal compact », 2001)

* 14 -Marie Laberge, 1998(collection « Boréal compact », 2004)

* 15 -Marie Laberge, Gabrielle. Le Goût du bonheur I, 2000 ; Paris Anne Carrière, 2003

-Marie Laberge, Adélaïde. Le Goût du bonheur II, 2001 ; Paris, Anne Carrière, 2003

-Marie Laberge, Florent. Le Goût du bonheur III, 2001 ; Paris, Anne Carrière, 2003

* 16 -Robert Viau (entrevue), Marie Laberge, Dramaturge, Ecrire pour vivre, SCL/ELC, Volume22.1 :1997, p.117-134.

* 17 -Marie Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1997.

* 18 -Marie Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1997, p.146-147.

* 19 - G. Genette, Figure III, Seuil, 1972

* 20 - P. Hébert, « La technique du retour en arrière dans le nouveau roman au Québec et en France », Neohelicon, XII, 2, 1985

* 21 - Y. Reuter, L'analyse du récit, Nathan, 2003

* 22 - H. Weinrich, Le temps, coll.  « Poétique », Paris, Seuil, 1964

* 23 - P. Goldenstein, Pour lire le roman, Deboeck - Duculot, 1986

* 24 - J. M. Adam, Le récit, Que sais-je, 1984

* 25 - J-P. Goldenstein, Pour lire le roman, De Boeck - Duculot, 1986

* 26 - H. MITTERAND, in http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html (le 22/08/2007 à 15h).

* 27 - WEISGERBER L'espace romanesque, éd, L'age d'homme, « bibliotheque de littérature comparée », 1978 in http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html (le 22/08/2007 à 15h).

* 28 - J-P. Goldenstein, Pour lire le roman, De Boeck - Duculot, 1986

* 29 - Y. Reuter, L'analyse du récit, Nathan, 2003

* 30 - E. Borda, C.B. Moison, G. Bonnet, A. Déruelle, C. M. Colard, L'analyse littéraire, Nathan, 2002

* 31 - PH. Hamon, Le personnel du roman, Le système des personnages dans Les Rougon - Macquart d'Émile Zola, Geneve, Droz, 1983

* 32 - P. Claudes, Y. Reuter, Le personnage, PUF, 1998

* 33 - G. Dulac, La fragilité de la paternité dans la société Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire et du père abject, dans la revue professionnelle « défi jeunesse ». In http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/défi/defi_jeuness_0006/paternite.htm (site consulté le 5/11/2007 à 20h)

* 34 - Sophia Mappa, Développer par la démocratie, Karthala, 1995

* 35 - Claude de Grève, Éléments de littérature comparée. II. Thèmes et mythes, Paris, Hachette, 1995

* 36 - Revue de Psychanalyse Filigrane, Automne 2005, le volume 14, article de Louise Grenier et André Jacques, « Tout sur mon père », p2. In http://rsmq.cam.org/filigrane/themes.htm (site consulté le 10 septembre 2007 à 23)

* 37 -J. Reymond, « Paratexte et échec des formules dans Brazzaville Beach de William Boyd », Etudes Britaniques contemporaines n°1. Montpellier : Presses Universitaires de Montpellier, 1992, p.50.

* 38 -Dictionnaire Le Robert, 1995, p. 327.

* 39 -Christiane ACHOUR, Amina BEKKAT, Clefs pour la lecture des récits Convergences critiques II, Tell, 2002, p71.

* 40 -Petit Larousse illustré1991, librairie Larousse, 1990, p.37.

* 41 -G.GENETTE, Seuils, seuil, février 1987, p.75.

* 42 - C. ACHOUR, A .BEKKAT, Clefs pour la lecture des récits Convergences critiques II, Tell, 2002 p73.

* 43 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.108.

* 44 - Ibid, p.109.

* 45 -Idem, p.109.

* 46 -Idem, p.162.

* 47 -Ibidem, p. 162.

* 48 - C. ACHOUR, A .BEKKAT, Clefs pour la lecture des récits Convergences critiques II, Tell, 2002 p147.

* 49 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.140.

* 50 -Nous allons étudier cette dimension psychique dans notre prochain chapitre.

* 51 -« (...) Au sens strict, la Révolution tranquille désigne habituellement la période de réformes politiques, institutionnelles et sociales réalisées entre 1960 et 1966 par le gouvernement libéral de Jean Lesage.(...) Au sens large, l'expression est aussi utilisée pour caractériser l'ensemble des décennies 1960-1970, marquées par le triomphe du néo-libéralisme et du néo-nationalisme et par une remarquable continuité dans les orientations des divers gouvernements qui se succèdent à Québéc. » René DUROCHER, Paul-André LINTEAU, François RICARD et Jean-Claude ROBERT, Le Québec depuis 1930, Montréal, Boréal, 1986, p.393.

* 52 -G. Genette, Seuils, Seuil, Paris, 1987, p.126.

* 53 - A. M. Alonzo, Geste, Paris, Des femmes, 1979.

* 54 -L. Joubet, le paratexte chez Anne- Marie- Alonzo : invitation à une lecture de la complicité, Université Queen's, p. 303. In : http://www.erudit.org/revue/vi/1994/v19/n2/201093ar.pdf (03/09/2007 à10h)

* 55 -Idem,

* 56 - M. Laberge, Quelques Adieux, Désir, Boréal, 1992, p22.

* 57 -B. Didier, L'écriture femme, PUF, 1981, p5.

* 58 - G. Genette, Seuils, Seuil, Paris, 1987, p.123.

* 59 - Idem, p.134.

* 60 - OEuvres intimes, pléiade, II, p.129. Sur la pratique stendhalienne de l'épigraphe, cf. M. Abrioux, « Intertitres et épigraphes chez Stendhal », poétique 69, fevr.1987.

* 61 -Extrait de Gabrielle Roy dans Quelques Adieux de M.Laberge, Boréal, ch.1 Le Désir, 1992, p.13.

* 62 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.13.

* 63 -Ibid, p. 67.

* 64-tels que : Hamlet, Roméo et Juliette, etc.

* 65 - Extrait de M.Duras, dans Quelques Adieux de M.Laberge, Boréal, ch.3 La Reddition, 1992, p.155.

* 66 - Extrait de Romain Gary, dans Quelques Adieux de M. Laberge, Boréal, ch.4 La Déchirure, 1992, p.237.

* 67 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 316.

* 68 -Idem, p. 277.

* 69 - Extrait de Elsa Morante, dans Quelques Adieux de M.Laberge, Boréal, ch.5 La Quête, 1992, p.321.

* 70 -M. Laberge, Quelques Adieux , Boréal, 1992, p.347.

* 71Idem, p. 377.

* 72 - Extrait d'Albert Camus, dans Quelques Adieux de M.Laberge, Boréal, ch.6 La Fin, 1992, p.387.

* 73 - M.Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.389.

* 74 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 390.

* 75- Idem, p.390.

* 76 -Ibid, p.393.

* 77 -J. Duranteau, « Claude Simon : le roman se fait, je le fais et il me fait », Les lettres françaises, 1178, 13-19 avril, 1967, p.3

* 78 -M. Bakhtine, La poétique de Dostoïevski, Paris, Seuil, coll. « Points, Essais », 1970, p. 52.

* 79- P. Haeck, Poétique et modernité, Montréal, VLB, 1984, p.80.

* 80 -G. Genette, Figure III, Seuil, 1972, p.77.

* 81 -Éric Bordas, L'analyse littéraire, Chapitre9, Nathan, 2002, p. 105.

* 82- Voir le calendrier scolaire, annexe, p.132.

* 83 Voir le calendrier scolaire, annexe, p.133.

* 84- C'est une expression utilisée pour désigner Anne dans l'ouvrage de M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.14.

* 85 - G. Genette, Figure III, Seuil, 1972, p.89.

* 86 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 109.

* 87 -Idem, p.110.

* 88 -Voir tableau 1, annexe. p. 134.

* 89-Ibid, p.161.

* 90 -Ibidem, p. 179

* 91-Ibidem, p. 188.

* 92- Idem, p. 245.

* 93 -Ibid, p. 249.

* 94 -Ibidem, p. 255.

* 95 -Ibidem, p. 268.

* 96 -Ibidem, p.277.

* 97 -Ibidem, p. 337.

* 98 -Ibidem, p. 382.

* 99 -M. Laberge, Quelques Adieux, chap. un La désir, Boréal, 1992, p.45.

* 100 P. Hébert, « La technique du retour en arrière dans le nouveau roman au Québec et en France » Neohelicon, XII, 2, 1985, p.265-286.

* 101 -G. Genette, Figure III, Seuil, 1972, p.92.

* 102 -Idem, p.385.

* 103 -Ibid, p.395.

* 104 - Voir le graphe n°1 dans l'annexe, P. 136.

* 105-G. Genette, Figure III, Seuil, p.139.

* 106 -Y. Reuter, L'analyse du récit, Nathan, 2003, p37. p.39.

* 107- H. Weinrich, Le temps, coll.  « Poétique », Paris, Seuil, 1964, p.30.

* 108 -M. Laberge, Quelques Adieux, chap. Le refus, Boréal, 1992, p.110.

* 109 -Y. Reuter, L'analyse du récit, Nathan, 2003, p.66.

* 110 -M. Laberge, Quelques Adieux, chap. La reddition, Boréal, 1992, p.161.

* 111 -Idem, p.181. p. 191.

* 112 -Ibid, p.161. p.163.

* 113 -Ibidem, p. 376.

* 114 -J. M. Adam, Le récit, Que sais-je, 1984, Chapitre III, p.50.

* 115 -M. Laberge, Quelques Adieux, chap.Le refus, Boréal, 1992, p.140.

* 116 -Voir le graphe n°2 dans l'annexe, P. 137.

* 117 -Idem, p.378.

* 118 -J-P. Goldenstein, Pour lire le roman, Deboeck - Duculot, 1986, p.124.

* 119 -Voir le graphe n°3 dans l'annexe, P. 138.

* 120 - J-P. Goldenstein, Pour lire le roman, De Boeck- Duculot, 1986, p. 88.

* 121 - Luc Benoit, Thème,« mythe et structure des oeuvres«,Symboles et mythes,PUF, p. 105.

* 122 -J-P. Goldenstein, Pour lire le roman, De Boeck - Duculot, 1986,p. 88.

* 123 - Expression empruntée à J. WEISGERBER L'espace romanesque, éd, L'age d'homme, « bibliotheque de littérature comparée », 1978 in in http://membres.lycos.fr/sunqian/part1.chap1.html ( le 22/08/2007 à 15h).

* 124 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.13.

* 125 -Idem, p 169.

* 126 -Ibid, p. 194.

* 127 -Ibidem, p.195.

* 128Ibidem, p.219.

* 129 - Voir le schéma de l'annexe, p. 139, 140, 141.

* 130 -Idem,p 26.

* 131-Ibid, p.338.

* 132 -Ibidem, p.338.

* 133 -ibidem,p.338.

* 134 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, p.84.

* 135 -Ibid, p.369.

* 136 - Voir le schéma de l'annexe, p. 143 , 144.

* 137 -Ibidem, p.237.

* 138 - J-P. Goldenstein, Pour lire le roman, De Boeck - Duculot, 1986, p.97.

* 139 -Idem, p.88.

* 140 - G. Bachelard, La poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957.

* 141 -C. A. Saillant, Espace et topique de Don Quichotte in http://www.vox-poetica.org/sflgc/concours/tx/ETQuichotte.html (10/07/2007 à 21h)

* 142 Idem,p.22.

* 143 -Idem, p. 83.

* 144 -Ibidem, p.92.

* 145G. Bachelard, La poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957, p.93.

* 146 -Nom utilisé dans le texte et faisant référence à Anne Morissette, p. 14.

* 147-Inspiré de G.Bachelard dans La poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957.

* 148 - M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.144.

* 149 -Idem, p. 147.

* 150 -Ibid, p. 147.

* 151 - G. Bachelard, La poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957, p.26.

* 152 - Idem, p. 28.

* 153 -Ibid, p. 131.

* 154 -Ibidem, p. 28.

* 155-Ibidem, p. 34.

* 156 - François Vanoosthuyse, « Ce que raconter représente «, groupe de recherche «littératures et histoires«, Université Paris 8 .

* 157 - D. Ducard, «L'efficacité symbolique« : L'affect du signe, Université de Paris 12, p. 3.

* 158 - Le Robert, DICOROBERT INC, Montréal, Canada, 1994, p.42.

* 159 -Idem, p. 823.

* 160 -Encyclopédie Wikipedia, in www.wikipedia.org/wiki/mise_en_abyme#Proc.C3.A9d.C3.A9_artistique

* 161 -Ibid, p. 264.

* 162 -Ibidem, p. 234.

* 163 -Idem, p. 262-263.

* 164 -Ibidem, p.369.

* 165 -D. Rougemont, L'amour et l'occident, Paris, Plon, 1939, p.126.

* 166 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 361.

* 167 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 373.

* 168 -Idem, p.263.

* 169 -Idem, p. 140.

* 170 -Ibid, p. 142.

* 171 -Ibidem, p. 143.

* 172 -Ibidem, p. 143.

* 173- Georges Bertin, Nouveau millénaire, défis libertairespour l'imaginaire, principes et méthodes, RevueEspritcritiqueVol.04No.02-Fèvrier2002, in : http//www.espritcritique.org/0402/article2.ht-l, Date14/07/2007, p.4.

* 174 - M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 197.

* 175 -Idem, p. 163.

* 176 -Ibid, p. 390.

* 177 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.157-158.

* 178 - Georges Bertin, Nouveau millénaire, défis libertairespour l'imaginaire, principes et méthodes, RevueEspritcritiqueVol.04No.02-Fèvrier2002, in : http//www.espritcritique.org/0402/article2.ht-l, Date14/07/2007, p.4.

* 179 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 157.

* 180 -Idem, p. 55.

* 181 -Yves Reuter, L'analyse du récit, Nathan, 2003, p. 59.

* 182 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 44.

* 183 -G. Bachelard, La poétique de l'espace, Presses Universitaires de France, 1957, p. 47.

* 184 -Idem, p. 97.

* 185 -Ibid, p. 134.

* 186 - Georges Bertin, Nouveau millénaire, défis libertairespour l'imaginaire, principes et méthodes, RevueEspritcritiqueVol.04No.02-Fèvrier2002, in : http//www.espritcritique.org/0402/article2.ht-l, Date14/07/2007, p. 10.

* 187 -Idem, p. 2.

* 188 -Ibid, p.84.

* 189-P. Claudes, Y. Reuter, Le personnage, PUF, 1998, p.4.

* 190 -Anthony Cadet, La figure du père, La figure du père dans la littérature jeunesse, mai 2000, Université de Lille III, p.3. In http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=858 (site consulté le 16 juin 2007 à 20h).

* 191 -Propos inspirés de G. Lipovetsky, Métamorphoses de la culture libérale, Liber, 2002, p.32.

* 192 -Revue de Psychanalyse Filigrane, Automne 2005, le volume 14, article de Louise Grenier et André Jacques, « Tout sur mon père », p2. In http://rsmq.cam.org/filigrane/themes.htm (site consulté le 10 septembre 2007 à 23)

* 193 -Anthony Cadet, La figure du père, La figure du père dans la littérature jeunesse, mai 2000, Université de Lille III, p.3. In http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=858 (site consulté le 16 juin 2007 à 20h).

* 194 - Idem, p. 3.

* 195 -Georges Bertin, Imaginaire social et politique: Quand le système entre en dérive, Revue Esprit critique Printemps 2003 - Vol.05, No.02, in http://1libertaire.free.fr/Castoriadis16.html (site consulté 15/11/2007 à 20h )

* 196 -Jean-Pierre Boutinet, Anthropologie du projet, Paris, PUF, coll. Psychologie d'aujourd'hui, Paris, 1992 ,p.116.

* 197 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 110.

* 198 -Gwénaëlle Gautier, La figure du père dans la collection Médium, mai 2000, Université de Lille III, p.3. In http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=859 (site consulté le samedi 16 juin 2007 à 22h).

* 199 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 111- 112.

* 200- Gwénaëlle Gautier, La figure du père dans la collection Médium, mai 2000, Université de Lille III, p.5. In http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=859 (site consulté le samedi 16 juin 2007 à 22h).

* 201 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 363-364.

* 202Idem, p.110.

* 203 -Ibid, p. 110.

* 204 -Ibidem, p. 109.

* 205- Ibidem, p.109.

* 206 - Gwénaëlle Gautier, La figure du père dans la collection Médium, mai 2000, Université de Lille III, p.5. In http://jeunet.univ-lille3.fr/article.php3?id_article=859 (site consulté le samedi 16 juin 2007 à 22h).

* 207 - M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 109-110.

* 208M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 109.

* 209 -Ibid, p.161-162.

* 210 -Goldenstein, Pour lire le roman, De Boeck- Du culot, 1986, p.52-53.

* 211 -Ibide, p. 54.

* 212 -Claude de Grève, Éléments de littérature comparée. II. Thèmes et mythes, Paris, Hachette, 1995, p.109.

* 213 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 369.

* 214-Idem, p. 183-184.

* 215 -Ibid, p.369.

* 216-Ibidem, p. 378.

* 217-Ibidem, p.172.

* 218 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 255.

* 219 -Ibid, p.110.

* 220 -G. Dulac, La fragilité de la paternité dans la société Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire et du père abject, dans la revue professionnelle « défi jeunesse ». In http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/défi/defi_jeuness_0006/paternite.htm (site consulté le 5/11/2007 à 20h)

* 221 -E. Borda, C.B. Moison, G. Bonnet, A. Déruelle, C. M. Colard, L'analyse littéraire, Nathan, 2002, p. 147.

* 222 -PH. Hamon, Le personnel du roman, Le système des personnages dans Les Rougon - Macquart d'Émile Zola, Geneve, Droz, 1983, p19.

* 223 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 19992, p.33.

* 224 -Idem, p.33.

* 225 -Ibid, p.33.

* 226 -Ibidem, p. 19-25.

* 227 -Ibidem, p.64.

* 228-Ibidem, p.161-162.

* 229 -Ibidem, p.163.

* 230 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 255.

* 231-Ibid, p. 275.

* 232 -C. Olivier, L'ogre intérieur, De la violence personnelle et familiale, Paris, Fayard, 1998, p.67. Dans la Revue professionnelle Défi jeunesse, La fragilité de la paternité dans la société québécoise : Les paradoxes du père nécessaire et du père abject, article de , G. Dulac, in http://wwww.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/defi_jeunesse_0006/paternite.htm (site consulté le 5/11/2007 à 20h)

* 233 -E. Bordas, C. B. Moison ,G. Bonnet, A. Déruelle, C. M. Colard, L'analyse littéraire, Nathan, 2002, p.151.

* 234 - Sophia Mappa, Développer par la démocratie, Karthala, 1995, p.159.

* 235 - Goldenstein, Pour lire le roman, De Boeck- Du culot, 1986, p43.

* 236 -M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p.255.

* 237 -Idem, p.183.

* 238 -Ibid, p.184.

* 239 -Ibidem, p.109.

* 240 -Terme inspiré de l'article de G. Dulac, dans la Revue professionnelle « Défi jeunesse »

* 241 - G. Dulac, La fragilité de la paternité dans la société Québécoise : Les paradoxes du père nécessaire et du père abject, dans la revue professionnelle « défi jeunesse ». In http://www.centrejeunessedemontreal.qc.ca/cmulti/défi/defi_jeuness_0006/paternite.htm (site consulté le 5/11/2007 à 20h)

* 242 - M. Laberge, Quelques Adieux, Boréal, 1992, p. 109.

* 243 -PH. Hamon, Introduction à l'analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981, in Thèse de doctorat de littérature Française sous la direction de Jacques Neefs, Qan Sun, Poétique et génétique de l'espace Hérodias de Flaubert, Avril 1994. In http://membres.lycos.fr/sunqian/sommaire.html (site consulté le 26/11/2007)

* 244 - Y. Reuter, L'analyse du récit, Nathan, 2003, p.27.

* 245 -Sandrine Merslet,« Sexualité : projection de l'instance sensorielle en terre littéraire«, Lundi 1janvier2007, in http://www.la-plume-francophone,ov

* 246 -Virginie Brinker, «Le Tangage des corps et des âmes dans Les Nuits de Strasbourg d'Assia Djebar«, Lundi 1janvier 2007, in http://www.la-plume-francophone,over-blog.com/categorie-1039157.html

* 247 -J .Y. Tadié, Le récit poétique, PUF écriture, 1978, p. 144

* 248 -G. Genette, Seuils, Seuil, 1987, p. 8-9

* 249 -Expression utilisée par G. Genette, Seuils, Seuil, 1987, p. 123.

* 250 -Propos de T. Monénembo, utilisés dans l'article de Pius Ngandu Nkashama, «Esthétique de la transgression dans les écritures romanesques«, Mondes Francophones, in http://www.mondesfrancophones.com/espaces/afriques/articles/esthétique-de-la-transgression/view (site consulté le 30/11/2007)

* 251 -G. Marcotte, Le roman à l'imparfait, essai sur le roman québécois d'aujourd'hui, Montréal, Edition La Presse, 1978, p. 13.

* 252 -G. Genette, « Discours du récit », Figure III, Seuil, 1972, p. 140.

* 253 - Expression inspirée de G. Genette, dans Figure III, 1972, p140.

* 254 - J. Y. Tadié, Le récit Poétique, PUF Ecriture, 1978, p.48.

* 255 - Idem, p.47.

* 256 -Ibid, p.74.

* 257 -Ibidem, p.60.

* 258 - H. Mitterrand, Dictionnaire des genres et des notions littéraires, écrit à la rubrique «Réalisme«, p.2

* 259 - M. Ségun «Récits d'îles. Espace insulaire et poétique du récit dans l'Estoire del Saint Graal«, Médiévale, n°47, automne 2004, p. 79-96. In http://www.medievales.revues.org/sommaire1310.html

* 260 - N. Bourbonnais, La symbolique de l'espace dans les récits de Gabrielle Roy, in http ://www.erudit.org/revue/vi/1982/v7/12/20036ar.pdf (site consulté le 1/12/2007 à 23h)

* 261 - L'Aveuglette, «Les gardiens« : OEuvres, Cercle du livre précieux, T.I, p.272.

* 262 - J. Y. Tadié, Le récit poétique, PUF Ecriture, 1978, p.29.

* 263 - Idem, p.40.

* 264 - Ibid, p.45.

* 265 -Ce calendrier permet la compréhension de l'analyse temporelle du chapitre un de notre travail. Il est, également, inspiré d'un mémoire de maîtrise qui a pour titre : Formes et Significations duelles dans Quelques Adieux de Marie Laberge, de Guylaine Lemieux, Université de Sherbrooke, Décembre 1997.

* 266 -Cette distribution expose l'importance et la potée du passé dans la vie des personnages. Ce travail est nécessaire pour l'analyse des anachronies, dans le chapitre un de notre mémoire.

* 267 -Les schémas de la première partie et de la deuxième partie, concernant les espaces de la fiction empruntés par les personnages, font l'objet de l'analyse du deuxième chapitre de notre recherche






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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard