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Sexe, contestation, drogue et rock'n'roll

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par Damien VAQUIE
Université Paul Valéry - Montpellier III - Maà®trise de musique 2003
  

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D. Idéologie du rock34

Mais les sociologues ne sont pas les seules personnes à analyser la société. Les artistes rock sont les premiers à critiquer de manière corrosive et vigoureuse la société entre 1967 et 1971.

L'urbanité de cette musique apparaît jusque dans les textes comme dans Citadel des Rolling Stones en 1967 : « Les drapeaux qui claquent sont des billets d'un dollar [...], des gens vociférant volent si vite dans leurs voitures de métal brillant, à travers des forêts d'acier et de verre ». Cette description froide de la vie urbaine déshumanisée condamne le citoyen en proie au stress à un usage purement fonctionnel (métro-boulot-dodo). Les Kinks de leur côté dénoncent la laideur de l'architecture répétitive des quartiers populaires dans des chansons comme Dead End Street et Second Hand Car Spiv.

Les nouvelles technologies sont pointées du doigt avec une certaine méfiance. Ces dernières sont synonymes d'aliénation de l'homme et de dépersonnalisation de l'individu. Ceci est apparent dans certaines chansons plus ou moins prémonitoires comme 2000 Man des Rolling Stones datant de 1967 (« Mon nom est un nombre, un morceau de pellicule plastique. J'ai une

32 Ibid, p. 53.

33 Idem.

34 Les propos suivants sont issus de l'ouvrage suivant : MIGNON Patrick HENNION Antoine, op. cit., pp. 42-53.

amourette avec un ordinateur de rencontre ») ou encore 20th Century Man des Kinks (« C'est l'aire de la machine, un cauchemar mécanique, le merveilleux monde de la technologie : napalm, bombes à hydrogène, guerre biologique »).

La contestation du cadre de vie paraît inférieure à la description caustique et désabusée des relations sociales. Ces dernières révèlent une artificialité ainsi qu'une agressivité grandissante. La violence est l'un des premiers leitmotivs du rock. Cette dernière s'appuie sur des faits concrets, liés à l'actualité des années 1960 comme la guerre au Vietnam ou encore la question irlandaise. La guerre est dénoncée par les artistes comme une boucherie absurde et monstrueuse menée par une bande de mégalomanes. Ainsi, Give Peace A Chance ainsi que All You Need Is Love des Beatles ou encore Imagine de John Lennon appellent à la paix et à la réconciliation entre les peuples. Mais la violence peu à peu s'installe dans le cadre de vie quotidien. De ce fait, Peace Frog (1970) des Doors dénonce les abus des forces de l'ordre : « Il y a du sang dans les rues. J'en ai jusqu'aux chevilles, j'en ai jusqu'aux genoux. Du sang dans les rues de la ville de Chicago, du sang qui monte, il me suit ». L'insécurité générée par le cadre urbain est elle aussi dénoncée. Une sorte d'agressivité non conforme à la normalité semble déteindre sur toutes les relations sociales. Ainsi, Jimi Hendrix dans If Six Was Nine (1967) expose cette dernière : « De petits cols durs conservateurs s'agitent dans la rue et pointent leur index de plastique vers moi. Ils voudraient voir ma race disparaître. Je vais hisser mes couleurs dingues en vagues. Au diable, homme d'affaires, tu peux t'habiller comme moi ». Les Who tiennent un même discours dans leur chanson intitulée My Generation (1965) : « Les gens veulent nous descendre juste parce que nous sommes là. Ce qu'ils font paraît horriblement froid ».

Les rockers dénoncent l'artificialité ainsi que l'hypocrisie qui s'installent dans la société. L'adjectif plastic apparaît dans certaines chansons afin de définir l'artificialité du monde ainsi que son état influençable. Ce phénomène est dû à une frénésie consumériste liée à l'augmentation du pouvoir d'achat. Ainsi

Satisfaction des Rolling Stones est une satire de la publicité tandis que Maid Of Bond de David Bowie dénonce la course aux biens de consommation ainsi que les symboles qui représentent le statut social. Dans un même ordre d'esprit, la futilité médiatique est critiquée par les Beatles dans A Day In The Life (1967). Crazy Miranda (1969) de Jefferson Airplane dénonce la crédulité du public face aux médias : « Elle croit tout ce qu'elle lit, que cela vienne d'un bord ou de l'autre, presse underground ou une de Time Life ». L'artificialité de la société est quant à elle dénoncée dans The Substitute (1970) des Who : « Tu crois que nous allons bien ensemble. Mais je suis un ersatz d'un autre gars. J'ai l'air grand mais j'ai des tallons hauts [...] j'ai l'air jeune, mais en fait je suis antidaté. J'ai l'air tout blanc mais mon père était noir. Mon superbe habit est fait de toile de sac ». Le rock remet tout en question en adoptant une humeur iconoclaste et anti-institutionnelle face aux symboles et aux incarnations de l'ordre établi comme le patriotisme, la religion et la politique. De ce contexte apparaît des chansons invitant à la révolte comme Revolution (1968) des Beatles ou encore Street Fighting Man des Rolling Stones (1968). Certains groupes affirment leur engagement politique, bien souvent à gauche d'ailleurs, comme les MC5 aux Etats-Unis ou encore Komintern et Barricade en France. Mais le rock, dont les idéologies politiques représentent des pièges et des perversions, veut se dégager de toute contrainte. Selon Simon Frith, il ne s'agit pas dans le rock « de commenter la vie des gens mais leurs échappatoires »35. Ceci représente une revanche de l'imaginaire face à une organisation matérialiste du réel. Afin de clarifier cette notion, il faut donc prendre ses rêves pour des réalités souvent sous l'influence de produits illicites. L'ailleurs intérieur renvoie au mysticisme, à la spiritualité qui est souvent inspirée de la culture orientale. Une quantité d'artistes revendiquent cette influence au travers de la musique comme par exemple les Beatles dans Within Without You (1967).

35 Ibid, p. 47.

L'évocation d'autres temps ou d'autres lieux laisse parfois entrevoir ce que pourrait être une vie plus riche. L'enfance est l'un des premiers territoires de l'imaginaire car elle renvoie à un bonheur possible ainsi qu'à une innocence qui représente une indétermination gratifiante entre le réel et l'imaginaire et dont la spontanéité n'est pas dégradée par l'éducation. De ce fait, Jimi Hendrix évoque un univers de fées et de magiciens digne de Tolkien dans Dolly Dager (1970). Des groupes comme Genesis ou Ange évoque des épopées héroïques. Nous pouvons ainsi parler de machicoulis rock. Par exemple Time Tables (1971) de Genesis est assez explicite dans ce domaine : « Une solide table de hêtre raconte l'histoire d'une époque où les rois et reines buvaient du vin dans des gobelets d'or. Et les braves menaient leurs dames hors des salles vers la fraîcheur des ombrages. Un temps de valeur où naissaient des légendes. Une époque où l'honneur valait plus pour un homme que sa vie ». Il en résulte donc une forme de nostalgie ainsi qu'une négation de la modernité. Sont ainsi mis en avant la beauté, l'harmonie, le courage moral et physique, ainsi qu'une forte personnalisation des rapports sociaux. Les références aux mythologies vikings retracent des époques pré-industrielles et pré-capitalistes selon lesquelles la destinée sociale ne doit qu'aux mérites personnels. La nature devient alors une incarnation absolue du vrai surtout quand celle-ci apparaît vierge, loin de toute présence humaine. Cette nature est évoquée dans Cirrus Mirror (1969) et Echoes (1971) du groupe Pink Floyd.

La vraie vie peut trouver sa signification au travers du voyage. Les hoboes, sorte de routards se rapprochant du modèle beatnik, font partie du patrimoine américain si bien que Jimi Hendrix leur rend hommage de par son Highway Chile : « Il porte sa guitare ficelée dans le dos [...]. Il est parti de chez lui à 17 ans, le reste du monde il va le découvrir [...]. C'est une pierre qui roule pour amasser sa mousse ». Dans cet exemple, la route représente le moyen de fuir ainsi que la découverte de diverses formes de vies sociales et d'expériences affectives. La communauté des voyageurs est perçue par les rockers comme une

micro-société heureuse et ludique, comme le souligne la chanson des Beatles intitulée Yellow Submarine.

Le monde peut être vu à la manière d'un spectacle dont l'objet est la connaissance ou la quête spirituelle sans pour autant imposer les coûts de l'intégration. Le rock voit dans l'installation rurale une matérialisation d'une vie alternative ainsi qu'un échappatoire à la vie urbaine comme le souligne Gonna Run de Ten Years After. La campagne représente alors le contact avec la nature ainsi que de nouvelles formes d'organisation du travail et de la vie domestique dans une utopie communautaire.

L'apparition du rock coïncide avec une nouvelle conception du domaine amoureux face à l'ordre social. A la fin des années 1960, les artistes font barrage à la pression du mode de vie dominant en développant un climat d'affection communautaire marqué par l'épanouissement d'une sexualité libérée éloignée de la conception éternelle de l'amour et du bonheur individuel. Ainsi des chansons comme All You Need Is Love ou encore With A Little Help From My Friend des Beatles, datant de 1967, témoignent de la spontanéité et de la chaleur d'une affectivité non réprimée face à la froideur des rapports sociaux nés de la logique mercantile. Selon Grace Slick du Jefferson Airplane : « peu importe les paroles ou qui les chante, ce sont toujours les mêmes. Elles disent soyez libres, libres en amour, libres en sexe »36. Cette sexualité libérée apparaît aussi bien dans les textes que sur scène, sans entrave ni péché. Les rockers adoptent un vocabulaire direct et évocateur. Le jeu de scène de Jimi Hendrix, de Mick Jagger et de Jim Morrison est marqué à la fois de séduction et d'émotion sexuelle, si bien que ce dernier s'autoproclame de « politicien érotique ». La libération des potentialités du corps ainsi que l'énergie du désir est vécue comme une pratique de subversion.

La fête est la dernière traduction de cette « politique existentielle ». Elle évoque à la fois le voyage (comme dans The Magical Mystery Tour des Beatles),

36 Ibid, p. 51. Ces propos proviennent du magazine Time du 23 juin 1967.

le sentiment communautaire et l'expression de la sexualité. Le concert, ou le festival, crée un espace d'extériorité sociale, comme une sorte de bulle protégée de l'ordre établi, et produit la fusion des émotions collectives engendrant la communauté tout en sollicitant les sens et en faisant communier les mythes et les symboles de par la mise en scène.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus