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Sexe, contestation, drogue et rock'n'roll

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par Damien VAQUIE
Université Paul Valéry - Montpellier III - Maà®trise de musique 2003
  

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D. Analyse à connotation psychédélique56

Analysons à présent l'une des premières chansons psychédélique, à savoir Strawberry Fields Forever des Beatles écrite en 1966 par John Lennon alors qu'il jouait dans un film sur la guerre d'Espagne intitulé How I Won The War. Leur première chanson psychédélique, à savoir Tomorrow Never Knows parue la même année, est d'obédience psychédélique à travers l'utilisation peu habituelle des effets sur la voix mais aussi par le texte en lui-même : «Turn off your mind, relax and float downstream [...] / Surrender to the void [...] / Listen to the colour of your dreams [...]» (NdT : « Eteint ton esprit, relaxe-toi et flotte en aval [...] / Livre-toi au vide [...] / Ecoute les couleurs de tes rêves [...] »). Il n'y a pas besoin de donner une explication sur l'aspect psychédélique du texte, les paroles elles-même sont assez explicites.

Strawberry Fields Forever contient une multitude de connotations à la substance hallucinogène à la fois apparentes et cachées. Au niveau de l'armature harmonique, la tonalité n'est pas clairement définie tout au long de l'écoute. Le seul point d'appui que l'auditeur possède reste la cadence plagale réalisée aussi bien par les instrumentistes que par le chanteur à chaque fin de couplet sur le mot «forever» et confirme de ce fait la tonalité de si bémol majeur. Le message est très fort ici. Remplaçons le cheminement harmonique par l'état de la conscience. Ce premier est tout à fait désordonné ce qui a pour interprétation une absence de conscience, donc un état inconscient avec quelques flashs de présence d'esprit représenté par la cadence plagale. Cela signifie que les Beatles connaissent les effets hallucinogènes du LSD et en ont par conséquent pris. Ils en consomment occasionnellement depuis un an et commencent à s'en inspirer dans leur musique. Je ne dis pas qu'ils enregistrent dans un état second mais s'inspirent des effets ressentis lors des trips afin de concevoir une nouvelle approche musicale comme le souligne Ringo Starr : « Quand on avait pris trop

56 Cette analyse doit sa paternité à l'auteur de l'ouvrage suivant : WHITELEY Sheila, op. cit., pp. 65-72.

de substances la musique était merdique, absolument merdique. Sur le coup on trouvait ça super, mais quand il s'agissait de l'enregistrer le lendemain on se regardait tous et on disait : «Il va falloir recommencer.» Ça ne fonctionnait pas pour les Beatles de faire de la musique en étant trop défoncés. [...] Ça allait bien d'en prendre la veille - quand on a la mémoire créative - mais on ne pouvait pas fonctionner sous emprise. »57. L'entrée de la voix «Let me take you down cause I'm going to Strawberry Fields» au début de chaque couplet atterrit sur une septième diminuée. Nous arrivons sur un accord de labM tandis que John Lennon prononce le mot «Fields» sur un fa naturel. Puis nous avons une variante en triolet du thème d'arrivée («Strawberry Fields») sur le vers suivant mais dont l'accompagnement harmonique est éloigné de l'accord de labM puisqu'il s'agit d'un accord de solM. Ceci a pour effet de créer de l'imprévu qui correspond au changement de la conscience, une sensation de vague et de rêve. Nous rencontrons par la suite une rapide progression harmonique IV-V-VI sur le vers «And nothing to get hung about»qui débouche sur la cadence plagale équivalente aux vers présents au début, à savoir «Strawberry Fields Forever». Cette fin de couplet donne une sensation d'arrivée, de retombée et de repère. Les effets du LSD sont très présents par ce cheminement harmonique qui symbolise l'imprévisibilité du changement de la conscience.

La pause effectuée lors de la fin du premier vers «Let me take you down cause I'm going to» signifie que la conscience marque un temps d'arrêt pour changer de direction. Cette chanson est la résultante de deux enregistrements dont on peut entendre la différence de l'instrumentation et du timbre de la voix vers la fin de la première minute. John Lennon hésitait à prendre partie entre deux versions et les garda. Les ingénieurs ont calé sur le même tempo les deux versions (la première équivalant à la prise numéro 7 tandis que la deuxième équivaut à la prise numéro 26) en respectant l'orchestration de chacune d'elle. Cela traduit là aussi un virage dans le voyage intérieur. Les quatre premières

57 THE BEATLES, op. cit.,p. 194.

mesures de l'introduction sont marquées par une descente mélodique qui signifie que la musique peut devenir une pente pouvant permettre l'accès à l'état d'inconscience. Il est à noter que chaque couplet-refrain garde sa propre identité musicale que ce soit au niveau de sa texture ou au niveau de sa couleur sonore.

La coda de cette chanson est tout aussi bien assez particulière. Les références psychédéliques sont plus que jamais très fortes. Elle est composée d'un solo fragmentaire de guitare électrique, d'un motif répétitif au piano qui diverge tonalement des violoncelles, le tout accompagné de percussions. Puis les flûtes entrent dans un tempo différent. La harpe effectue ensuite un motif tandis qu'une voix prononce «crawberry sauce». Puis les percussions ainsi que la voix disparaissent en decrescendo ce qui indique ici aussi un détour dans la conscience. Nous avons par la suite une mixture de couleur et de texture comprenant des sons conventionnels dont le timbre est trafiqué.

Cette chanson évoque la beauté et les couleurs d'un trip, la face positive d'une expansion de la conscience. Ceci est dû à l'allure gentille mais aussi par la manipulation des timbres, la présence de la distorsion électrique, une structure harmonique changeante. Cela montre que l'expérience psychédélique est kaléidoscopique et facile à réaliser selon le vers suivant : «easy with eyes closed, misunderstanding all you see» (NdT : « facile avec les yeux fermés, en ne comprenant pas tout ce que tu vois »). Selon John Lennon, le trip reste personnel. Ceci est compréhensible dans le vers suivant : «No one, I think, is in my tree» (NdT : « personne, je pense, est dans mon arbre »). Cette chanson à caractère nostalgique montre bien la tendance des rockers des années 1960 à pouvoir détourner même les choses les plus conventionnelles de leur sens propre.

Effectuons dès à présent deux brèves analyses. Sunshine Superman de Donovan, datant de 1966, est une alternance lente de deux accords, ré7 et solM. Cela a pour conséquence de créer un effet de circularité dans lequel la sensation

de tonique est absente. Nous sommes de ce fait dans un espace tonal différent. Ces deux accords ont une attirance vers la ligne mélodique qui donne à l'auditeur un effet d'anti-gravité. Cette chanson est marquée par la répétitivité de tous les éléments qui la composent (aussi bien sa structure formelle, qu'harmonique ou mélodique) ce qui donne une sensation d'intemporalité. En effet l'auditeur sait à quel moment il se trouve s'il part seulement du début. Au niveau du timbre, il est à noter que la guitare électrique possède un son très vibrant qui rappelle celui du sitar. Les allusions psychédéliques de cette chanson sont claires. La structure en forme de spirale est tout à fait nouvelle et sert à perdre l'auditeur et remettre en question sa notion d'écoute et de perception.

L'extrait de l'abum Are You Experienced ? de Jimi Hendrix intitulé The Wind Cries Mary publié en 1967est marqué par un riff très résonnant coïncidant avec l'évocatif «and the wind whispers / cries / screams / Mary» (NdT : « et le vent murmure / clame / hurle / Mary ») afin de créer une compréhension innée. En effet la résonance représente par figuralisme le vent. Tandis que Purple Haze issu du même album évoque une expérience acide plus puissante, cette chanson se réfère à une drogue plus douce grâce à son allure tendre ce qui confère une complicité entre Jimi Hendrix et le public, rendu par l'interprétation. Le texte n'est pas à proprement chanté mais est plutôt parlé ce qui donne une plus grande interactivité. Les inflexions des paroles associées à une mélodie mouvante coïncident peu avec le battement, ce qui crée une atmosphère sereine de bienêtre qui renvoie à la fumée de la marijuana. Les effets de cette dernière sont dépouillés de leur côté nocif pour ne garder qu'une relation calme et apaisée entre les individus.

Le rock psychédélique est criard, réverbérant, contrapuntique, lent, instable harmoniquement et juxtapositionel dans la forme. Il affecte la notion de timbre, l'articulation et la position spatiale. Cette musique dépersonnalise et désynchronise l'auditeur à travers des longueurs excessives, des motifs répétitifs

et des références plus ou moins nettes au passé. Elle emprunte des détails sonores au surf rock, au free-jazz, à la musique concrète afin de décrire un monde, selon Albert Hoffmann, « in constant motion, animated, as if driven by an inner restlessness. »58 (NdT : « en mouvement constant, animé, comme s'il était conduit par une agitation intérieure. »).

58 HICKS Michael, op. cit., p. 73.

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