
UNIVERSITE PROTESTANTE PROTESTANT UNIVERSITY
D'AFRIQUE CENTRALE OF CENTRAL AFRICA
UPAC PUCA
Faculté des Sciences Sociales
et
Faculty of Social Sciences and
des Relations Internationales International
Relations
B.P. 4011 Yaoundé-Cameroun Tél. : +
(237) 22.21.26.90 Fax : + (237) 22.20.53.24
Site: http//
www.upac-edu.org
E-mail :
rectorat@upac-edu.org
Department of Peace and Development
Studies
LE CALCUL DE L'HORREUR COMME
INSTRUMENT PSYCHOLOGIQUE DE PREVENTION DE LA VIOLENCE DIRECTE : CAS DU
NORD KIVU EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
MEMOIRE DE MASTER Présenté et
défendu en vue de l?obtention du
MASTER OF ARTS IN PEACE AND
DEVELOPMENT (MAPD)
Par PETEGOU Falk Litane
Sous la supervision académique de
Jr. Prof. Célestin TAGOU
EXAMINATEUR : Prof. Alain Didier
OLINGA
Année académique 2010-2011
Yaoundé-Cameroun
i

UNIVERSITE PROTESTANTE PROTESTANT UNIVERSITY
D'AFRIQUE CENTRALE OF CENTRAL AFRICA
UPAC PUCA
Faculté des Sciences Sociales
et
Faculty of Social Sciences and
des Relations Internationales International
Relations
B.P. 4011 Yaoundé-Cameroun Tél. : +
(237) 22.21.26.90 Fax : + (237) 22.20.53.24
Site: http//
www.upac-edu.org
E-mail :
rectorat@upac-edu.org
Department of Peace and Development
Studies
LE CALCUL DE L'HORREUR COMME
INSTRUMENT PSYCHOLOGIQUE DE PREVENTION DE LA VIOLENCE DIRECTE : CAS DU
NORD KIVU EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
MEMOIRE DE MASTER Présenté et
défendu en vue de l?obtention du
MASTER OF ARTS IN PEACE AND
DEVELOPMENT (MAPD)
Par PETEGOU Falk Litane
Sous la supervision académique de
Jr. Prof. Célestin Tagou
EXAMINATEUR : Prof. Alain Didier
OLINGA
Année académique 2010-2011
Yaoundé-Cameroun
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : DEFINITION DES CONCEPTS CLES ET CADRE
THEORIQUE 16
CHAPITRE I : DEFINITION DES CONCEPTS CLES 17
CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE 39
DEUXIEME PARTIE : DIMENSIONS DE LA VIOLENCE DIRECTE AU
NORD KIVU 54
CHAPITRE I : LA VIOLENCE DIRECTE AU NORD KIVU 58
CHAPITRE II : LES APPROCHES DE RECHERCHE DE PAIX AU NORD KIVU :
ANALYSE CRITIQUE DE L?ACTION DES ACTEURS LOCAUX ET
INTERNATIONAUX 78
TROISIEME PARTIE : CONSIDERATIONS SUR LE CALCUL DE
L'HORREUR 90
CHAPITRE I : INSTRUMENTS ET APPROCHES DU CALCUL SYSTEMATIQUE
DE
L?HORREUR AU NORD KIVU .... 91
CHAPITRE II : IMPLEMENTATION ET EVALUATION DU CALCUL DE
L?HORREUR
AU NORD KIVU 98
CONCLUSION GENERALE 106
BIBLIOGRAPHIE 112
ANNEXES 120
TABLE DES MATIERES 123
DEDICACE
A

Ma maman, Mme SIMO née MEGNI FANKEP
Valentine.
REMERCIEMENTS ET AVERTISSEMENT
Qu?il me soit permis de remercier les efforts conjugués de
plusieurs personnes sans qui la réalisation de ce travail n?aurait pas
été possible. Il s?agit particulièrement :
du Jr. Prof. Célestin TAGOU, mon encadreur, pour sa
disponibilité, sa rigueur scientifique, et pour avoir accepté de
diriger cette recherche ;
du Rev. Prof. ANYAMBOD Emmanuel ANYA, recteur de l?UPAC pour
avoir créée le Département de Paix et Développement
;
du Rev.Dr. KÄ MANA, de Madame WANY PALUKU, de Monsieur
MALIYAWATU Gilles, de Monsieur MUGANGU Pierre, de Monsieur TSONGO Alex, de
Monsieur CISHAMBO CISHAMBO, de Monsieur BASEMBE Jean, de Madame KANYAMUHANDA
Elisabeth pour avoir accepté nous accorder des entretiens de par leurs
origines congolaises ;
du Dr. Didier.T. DJOUMESSI, pour son appui documentaire ;
du Prof. Cage BANSEKA et à tous les enseignants de la
FSSRI pendant tout notre cursus académique en premier et second cycle
à l?UPAC, pour leur disponibilité et ces connaissances acquises
;
de Monsieur Claude Olivier BAGNEKEN, Secrétaire
Général EMIDA-Cameroon, qui a accepté nous accueillir dans
le cadre de notre stage académique ;
du Dr Emile KENMOGNE, enseignant à l?Université de
Yaoundé 1, pour son appui documentaire ;
de Monsieur, Innocent Meutcheye, sous-directeur du protocole
(Ministère des Relations Extérieures), pour son soutien moral
;
de Monsieur EFFA EFFA Parfait, pour ses observations critiques et
conseils sur le plan méthodologique ;
de Madame BAGNEKEN Nadège, pour son appui technique ;
de mes grands parents : Maman NGUEHOU Pauline, Prof. Isaac
TCHOUAMO, SIMEU Georgette, KOUAMO Justin, SIMEU Dagobert, KOUAMO Jacqueline,
pour leurs prières et leur soutien ;
De mes oncles et tantes, mes amis et collègues, pour leurs
encouragements ;
de tous ceux et celles dont le nom ne figure pas ici mais qui ont
d?une manière ou d?une autre participé de près ou de loin
à la réalisation de ce travail ;
du Seigneur Dieu Tout Puissant, pour sa miséricorde.
Malgré toutes les aides, conseils et critiques
multiformes, je suis le seul responsable de la forme et du fond de ce travail
et la Faculté des Sciences Sociales et des Relations Internationales de
l?Université Protestante d?Afrique Centrale n?entend approuver ni
désapprouver les opinions émises dans ce mémoire. Elles
doivent être considérées comme propres à leur auteur
que je suis.
RESUME
La présente étude analyse la violence directe au
Nord Kivu depuis 1990 et cherche à comprendre si le calcul de l?horreur,
à savoir l?évaluation des conséquences négatives
des atrocités et pertes en vies humaines pouvant résulter des
potentielles escalades de la violence, peut créer des conditions
favorables pour une Paix Positive dans cette région de la
République Démocratique du Congo. A partir des données
documentaires et d?entretiens semi directifs qualitatifs, renforcés par
une grille d?analyse constructiviste, cette contribution a permis d?aboutir
à deux principaux constats. Primo, les groupes en conflit au Nord Kivu
sont « fatigués » de vivre dans la violence et regrettent
énormément les pertes qu?ils ont encourues depuis l?embrasement
de toute la région dans la violence. Pour ceci, l?évaluation
systématique des conséquences de la violence directe peut
dissuader des futurs affrontements. Secundo, les groupes en conflit
s?investissent pour faire la paix et veulent réduire leurs objectifs
pour cette effectivité. En ceci, la perception de l?horreur permet
d?établir un compromis en réconciliant les intérêts
et enjeux liés aux conflits. Il en ressort que, le calcul de l?horreur
peut être un facteur limitant des nouvelles violences au Nord Kivu. Pour
cela, un principal élément est à considérer : il
s?agit de la création des instances intragroupes et intergroupes
d?alertes de la violence qui, s?attèleront essentiellement à
étudier et à faire prendre conscience des atrocités et des
souffrances humaines causées par les précédentes
violences. Cette stratégie de prévention de la violence à
partir de la psychologie des groupes en conflit, va atténuer, voire
transformer les conflits qui constituent des enjeux d?une paix positive et d?un
développement durable au Nord Kivu. Elle constitue aussi un plus dans
l?approche non-violente de gestion des conflits.
ABSTRACT
This study analyzes the direct violence in North Kivu since
1990 and seeks to understand if the calculation of the horror, that is the
assessment of negative consequences of atrocities and casualties that may
result from the potential escalation of violence, can create conditions for
positive peace in this region of the Democratic Republic of Congo. From the
background data and qualitative semi-structured interviews, reinforced by a
constructivist analytical framework, this contribution has resulted in two
major findings. First, groups in conflict in North Kivu are "tired" of living
in violence and greatly regret the losses they incurred from the conflagration
of the whole region into violence. For this, the systematic evaluation of the
consequences of direct violence may deter future confrontations. Second, groups
in conflict are involved to peace and want to reduce their goals for this
effectiveness. In this, the perception of the horror allows for a compromise
reconciling the interests and issues related to conflict. It shows that the
calculation of the horror can be a limiting factor of further violence in North
Kivu. For this, a key element to consider is: to create instances of intragroup
and intergroup warnings of violence, mainly to study and strive to raise
awareness of the atrocities and human suffering caused by previous violence.
This strategy of violence prevention from the psychology of groups in conflict
will mitigate or transform conflicts that are issues of positive peace and
sustainable development in North Kivu. It is also more in the non-violent
approach to conflict management.
LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES
ACP : Afrique -- Caraïbe- Pacifique
ADF: Allied Democratic Front
AGR : Activités
Génératrices de Revenus BM : Banque Mondiale
CIJ : Cour Internationale de Justice
CNDP: Congrès National pour la
Défense du Peuple
CMM : Commission Militaire Mixte CPI
: Cour Pénal International
FAR: Forces Armées Rwandaises
FARDC : Force Armées de la
République Démocratique du Congo
FDLR : Forces Démocratiques de
Libération du Rwanda
FMI : Fonds Monétaire International
FPR: Front Patriotique Rwandais G10 : Groupe
des Dix
LRA: Lord Resistance Army
MLC : Mouvement de Libération du Congo
MPLA : Mouvement Populaire de Libération
de l?Angola
MONUC : Mission des Nations Unies au Congo
OCHA: Office for the Coordination of
Humanitarian Affairs
OIG : Organisation Intergouvernementale
ONG : Organisation non Gouvernementale ONU :
Organisation des Nations Unies
OTAN : Organisation du Traité de
l?Atlantique Nord
PARECO : Patriotes Résistants
Congolais PAS : Programme d?Ajustement Structurel PDI
: Personnes Déplacées Internes
PIB: Produit Intérieur Brut
PIOMM : Programme Interdisciplinaire de
Recherche sur les Causes de Violations des Droits Humains
PNUD : Programme des Nations Unies pour le
Développement
RCD-G: Rassemblement Congolais pour la
Démocratie- Goma
RCD-ML: Rassemblement Congolais pour la
Démocratie- Mouvement de Libération
RDC : République Démocratique du
Congo SIDA : Syndrome d?Immunodéficience acquise
TPIR : Tribunal Pénal International pour
le Rwanda
TPIY : Tribunal Pénal International pour
l?ex-Yougoslavie
UA: Union Africaine
UCAC : Université Catholique d?Afrique
Centrale
UE : Union Européenne
UNITA : Union Nationale Pour
l?Indépendance Totale de l?Angola
UPAC : Université Protestante d?Afrique
Centrale
URSS : Union des Républiques Socialistes
Soviétiques
USA: United States of America
VIH: Virus de l?Immunodéficience
Humaine
WNBF: West Mile Bank Front
INTRODUCTION GENERALE
i: IMPORTANCE DU SUJET
Le présent mémoire sur le Nord Kivu se justifie
par trois arguments : le changement de paradigme dans les approches de
construction de la paix en Afrique autour des années 90, l?exacerbation
des atrocités imputables aux scènes de violence et la
nécessité d?intégrer la non-violence dans la construction
contemporaine de la paix en Afrique.
Premièrement, dans les années qui ont suivi les
indépendances des Etats africains, le développement
socio-économique était leur première préoccupation.
A ce titre, des voies et moyens leur ont été proposés pour
réaliser leurs objectifs de développement. L?on est ainsi
passé de l?approche de la modernisation au modèle
néolibéral actuel par le truchement du développement
planifié, des politiques institutionnalistes et des dynamismes
endogènes1. Au vu de ces expériences, un constat
persiste : celui des échecs répétés de ces
modèles de développement entraînant avec eux l?excroissance
de la pauvreté ; car, la plupart des Etats ayant appliqué ces
modèles de développement restent encore
sous-développés. Plusieurs explications jaillissent sur ces
échecs. Celles-ci tournent autour des thèses de
l?infériorité et de la dépendance des Etats
africains2. Les partisans de la première thèse
expliquent par exemple que la primitivité du noir ne lui laisse aucune
possibilité de s?auto déployer, d?autant plus que son
architecture mentale est foncièrement attardée et par essence
liée à la nature et n?a pas encore côtoyé la
raison3. De là, les causes du sous-développement sont
d?origines culturelles. Les seconds parlent de la prédominance des
structures du Nord qui ne vivent que parce qu?elles aliènent celles du
sud. En contrôlant les ressources du sud, elles perpétuent les
chaînes du sous-développement par la dépendance. Pour cette
seconde catégorie, le sousdéveloppement est d?ordre
structurel4 et systémique.
En fonction des explications du sous-développement, des
voies palliatives ont été proposées. A titre illustratif
nous pouvons évoquer la déconnexion des Etats
sous-développés du système international, l?institution
des modèles de développement endogène et le renforcement
de l?intégration entre Etats du sud par le transfert des technologies.
Toutefois, les Etats du tiers-monde trouveront un consensus autour de
l?institution d?un nouvel ordre économique mondial dont les accords
UE-ACP en sont une matérialisation. La pensée dominante comme
autre tendance proposant des issues de sortie du sous-développement
vient
1 Schwerkens, Ulrike : Le développement
social en Afrique contemporaine : une perspective de recherche inter et
intrasociétale. L?Harmattan, Paris, 1995, p.36
2 Nga Ndongo, Valentin : Développement,
émancipation et originalité in : David, Simo : La
politique de développement à la croisée des chemins, le
facteur culturel. CLE, Yaoundé, 1998, p.45
3 Id.
4 Samir, Amin :
Impérialisme et sous-développement en
Afrique. Anthropos, Paris, 1988
de l?occident. Celle-ci propose l?imposition des cultures et
valeurs occidentales aux africains5. Ainsi, à travers les
droits de l?homme par exemple, l?on peut sortir l?Afrique du
sous-développement. Ce courant trouve son apogée au début
des années 90 avec la conditionnalité de l?aide publique au
développement par la démocratisation. Désormais, pour
avoir accès à l?aide bilatérale et multilatérale,
le respect des libertés sociopolitique, civile et économique des
individus6 se posait comme une condition sine qua none. A
cela s?ajoute aujourd?hui la bonne gouvernance. Le problème qui se
posait était celui de démocratiser les régimes politiques
africains car, l?autoritarisme et la dictature étaient du jour au
lendemain considérés dans l?imaginaire occidental comme un frein
au développement. L?absence de la liberté d?expression et du
respect des droits de l?homme étaient autant de facteurs qui
maintenaient les Etats africains au stade de sous développés et
accentuaient les tensions sociales. Les tensions sociales débouchaient
sur des conflits ouverts, qui se posent comme une négation aux processus
de développement entamés au lendemain des indépendances.
Pour donc déconstruire ces conflits, voir les « prévenir
», c?est-à-dire instituer un état durable de paix, la
conditionnalité démocratique de l?aide au développement
était un moyen efficace. L?on comprend donc que l?objectif
stratégique était pour les donateurs occidentaux d?arrimer les
Etats africains à la nouvelle donne géopolitique internationale
qu?était l?émergence de la démocratie et surtout de la
mondialisation.
La déduction en est que pour la pensée
dominante, le développement se pose aujourd?hui en termes de paix en
Afrique. De nombreux analystes politiques pensent alors que la paix est l?angle
sur lequel il faut attaquer et booster le développement en Afrique. A ce
titre, des théoriciens ont proposé plusieurs stratégies
devant amener les africains vers cette paix7. Il s?agit par exemple
de la théorie de la paix démocratique8. Partant de
l?idée que les régimes démocratiques ne se font pas la
guerre, cette théorie postule que l?instauration des Etats
démocratiques partout dans le monde entraînera la
communauté internationale vers une paix durable. Dans un contexte
africain, cette théorie est d?avis que, instituer des régimes
politiques démocratiques est l?alternative aux conflits qui embrasent
tout le continent. En
5 Ela, Jean-marc : ,Innovation sociales et
renaissance de l'Afrique noire, les défis du monde d'en bas.
L?Harmattan, Paris, 1998.
6 Ceci est une perception du discours sur la
démocratisation prononcé à La Baule par le
président français François Mitterrand lors du sommet
Afrique France en 1990.
7 Bien que la pensée dominante soit d?avis que
la paix peut conduire au développement, d?autres penseurs justifient que
la paix ne peut conduire au développement, mais, que c?est plutôt
l?inverse qui est possible ; c?està-dire que seul le
développement peut conduire à la paix. A ce titre Cf Banseka,
Cage: Development for peace: In search for solution to conflict in
Sub-sahara Africa. Boca Raton, Florida, 2005
8 L?essentiel de cette théorie a
été fomentée par Emmanuel Kant .Cf. Kant, Emmanuel :
Vers La Paix Perpétuelle, Que signifie s'orienter dans la
pensée ? Qu'est-ce que les lumières ? Flammarion, Paris, une
présentation de Françoise Proust, 1991
second lieu, l?on peut évoquer la théorie de la
paix libérale9 qui postule que l?interdépendance
économique et la liberté du marché peuvent transcender
toutes les sociétés ainsi que celles africaines. Au niveau de
l?implémentation, ces deux principales théories s?unissent pour
former l?approche libérale de la consolidation de la paix bien connue
sous le vocable anglosaxon de liberal peace constitué de trois
grands embranchements : l?approche maximaliste, l?approche minimaliste et une
approche intermédiaire qui fait la synthèse entre les deux
précédentes. Notons par exemple que, les minimalistes pensent
qu?on peut juste calmer un conflit par le désarmement10. Les
maximalistes quant à eux pensent qu?on peut résoudre un conflit
en attaquant les causes structurelles ayant entraîné le
conflit11. Mais le constat qui se dégage est que les
stratégies utilisées par ces diverses approches pour
résoudre les conflits restent les mêmes et le débat
persiste plutôt sur le timing des opérations, le but et les
stratégies à mettre en oeuvre ainsi que sur le contexte dans
lequel la consolidation de la paix doit être effective12.
Le paradoxe est que depuis les années 90, la
démocratisation comme le libre échange en Afrique n?a fait
qu?accroître les conflits et favoriser les ethnocentrismes13.
Toujours depuis ces années, les conflits en Afrique ont un ancrage
ethnique profondément constitué14 et se transmettent
comme par effet domino15.
Au Cameroun par exemple, les élections
présidentielles de 1992 ont débouché sur des affrontements
sanglants dont les opérations villes mortes, pays
morts ou carton rouge exprimaient bien la
quintessence16. A Sangmélima comme à Ebolowa, le
clivage entre Bamiléké17 et Bulu18,
historiquement constitué, trouvait alors un stade d?expression favorable
avec le soutien des hommes politiques. Quelques deux années plus tard,
c?était au tour du
9 Cette théorie est l?oeuvre des
interdépendantistes qui atteignent leur apogée autour des
années 1980 comme courant de pensée radicalement opposé au
réalisme dans les relations internationales
10
www.peacebuildinginitiative.org
11 Id.
12 F.Diehl, Paul: Paths to peacebuilding, the
transformation of peace operations in: T.David Mason and James D.Meernik:
conflict prevention and peacebuilding in post-war societies, sustaining the
peace. Routledge, London, 2006
13 Banseka, Cage: Democratic peace, in the
spectrum of conflicts in sub-Saharan Africa. Boca Raton, Florida, 2005.
14 Bercovitch, Jacob and Fretter, Judith:
Regional guide to international conflict and management from
1945 to 2003. C Q Press, Washington D C, 2004
15 Id
16 Mbock, Charly Gabriel : Les conflits ethniques
au Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? Saagraph,
Yaoundé, 2000, p.111. Il est à relever ici que les
opérations villes mortes et pays morts constituent des blocus
général des institutions et activités nés dans les
villes africaines dans les années 1990 avec la démocratisation.
Au Cameroun, c?est un appel à la grève générale
caractérisée par la fermeture des commerces, des services et des
entreprises ayant débuté en avril 1991. Cf aussi pour une lecture
approfondie sur la transition démocratique au Cameroun. Bitee,
Françine : Transition démocratique au Cameroun de 1990
à 2004.L?Harmattan, Paris, 2008
17 Groupe ethnique de l?Ouest du Cameroun
18 Groupe ethnique majoritaire du Sud Cameroun
Rwanda de montrer à la face du monde à quel
point l?ethnocentrisme conséquence d?une politisation de
l?ethnicité pouvait dégénérer en génocide
entre Hutu et Tutsi19.
Le second argument justifiant la rédaction d?un
mémoire sur le Nord Kivu découle du précédent. En
effet, en RDC, objet de cette étude, la démocratie a aussi
favorisé la fragmentation des structures politiques, économiques
et sociales si bien que le pays tout entier ne vit que dans le cycle de la
violence depuis le début des années 90. L?entame du processus de
démocratisation a été ici une quête
révolutionnaire lorsqu?en 1996 une coalition de rebelles soutenus par le
Rwanda, le Burundi et l?Ouganda avec pour leader Laurent Désiré
Kabila remonta à Kinshasa, s?empara du pouvoir et contraint Mobutu
à s?enfuir. Cette union fut moins fructueuse lorsqu?en 1998, les ex
alliés de Laurent Désiré Kabila 20(Rwanda,
Burundi, Ouganda) décident de se défaire de celui-ci. Comme
conséquence, L.D Kabila est assassiné en 2001 et remplacé
par Joseph Kabila. Depuis lors, la RDC connaît une succession de crises
et son quotidien ne s?exprime plus qu?en termes de violence. Le Nord Kivu,
foyer des tensions dans ce pays, est traversé par une spirale de
violence interethnique, intraethnique, interétatique et régionale
au point de laisser penser à Rusamira21 que la guerre du Nord
Kivu est de nature complexe. Pour juguler le désastre humanitaire et
bâtir un avenir de paix au nord Kivu, des stratégies de
sortie de crise ont été proposées, allant des accords
entre parties belligérantes à l?engagement des institutions
internationales et régionales telles l?ONU, l?UA22 et l?Union
Européenne.
A priori, nous pensons que ces mesures ne semblent pas trouver
d?effet car la guerre persiste au Nord Kivu. Ces stratégies de gestion
des conflits ne semblent pas mettre un terme à la crise humanitaire, aux
viols massifs, à l?extorsion des ressources naturelles, aux meurtres et
mutilations, aux déplacements forcés des populations et à
la famine qui sévissent au Nord Kivu. Cette région telle que le
précise Stephen Jackson est la « poudrière »
et le « far west »23 de l?Afrique Centrale où l?on
recense depuis 1996 plus d?un million de réfugiés et de
déplacés. Les affrontements entre belligérants y ont
causé des dégâts environnementaux
19 Pour plus de détails Cf Eboussi Boulaga,
Fabien et Olinga, Alain Didier : Le Génocide Rwandais. Les
interrogations des intellectuels africains. CLE, Yaoundé, 2006
20 Dans la suite de notre travail, nous utiliserons
L.D.KABILA pour signifier Laurent Désiré Kabila.
21 Rusamira, Etienne :
La dynamique des conflits ethniques au nord Kivu, une
réflexion
prospective.in : Afrique
contemporaine 3/2003 no 207, pp 147-163
22 Les accords principaux signés à ce
titre sont les suivants : l?accord de Lusaka (10 juillet 1999), l?accord de Sun
city (1er avril 2003 l?acte d?engagement (janvier 2008). Toujours
pour mettre un terme à ce conflit, l?ONU à crée la Mission
des Nations Unies au Congo (MONUC), chargée d?oeuvrer pour les
opérations de démobilisation, de démilitarisation et de
réinsertion des ex-miliciens et même des civils. L?Union Africaine
à aussi oeuvrer à travers l?envoie de plusieurs missions de
médiations, l?institution d?une action commune avec l?Union
européenne dans l?optique de ramener la paix en RDC en
général et au nord Kivu particulièrement.
23 Jackson, Stephen : «
Nos richesses sont pillées ! »Economies de guerre
et rumeurs de crime au Kivu in : Politique Africaine no 84 décembre
2001, p.117
énormes et ont donné naissance à une
génération d?enfants qui ne connaissent que la violence. Dans
l?ensemble, ces stratégies concernaient des options de gestion et de
consolidation de la paix post conflit. Aussi, ces stratégies de
consolidation de la paix ont été formulées en ne prenant
en compte que l?approche néolibérale de gestion des conflits,
à savoir la démocratie et l?institution des mesures
économiques autorégulatrices. Ce qui ne constitue qu?un pas vers
la nécessaire Paix Négative24. Ces stratégies
ont dès lors ignoré la capitalisation des effets psychologiques
des précédentes violences dans la construction d?une Paix
Positive25.
Troisièmement, il n?est jamais de trop de mener une
étude sur les conflits. Les considérations sécuritaires
sont d?une importance capitale car, la violence ne permet pas de bâtir un
avenir humain radieux, mais plutôt amenuise les chances d?exaltation et
d?expression des fortes potentialités que l?être humain peut faire
transparaître. Dans le combat pour la réappropriation de la nature
humaine qui est d?essence pacifique, plusieurs personnages emblématiques
tels que : Nelson Mandela, Mohandas Gandhi et Martin Luther King ont
opté pour l?éducation à la paix via la
non-violence26. La non-violence pour ces personnages historiques
était un moyen pour réduire les risques d?implosion de la
violence et par ricochet la réduction des énormes pertes en vies
humaines enregistrées lors des combats violents. Ce challenge qu?est la
non-violence était aussi pour eux, un moyen d?asseoir le progrès
et l?émancipation des hommes par des voies pacifiques ceci pour un
développement équitable, durable devant bénéficier
à tous. Quoi que les approches développées par ces
personnages soient très pertinentes, elles ont faillis à une
limite fondamentale, qui est celle de ne pas considérer les
conséquences négatives27 de l?application de la
non-violence. En effet, la nonviolence telle que classiquement pensée
par ces personnages pourrait avoir des répercussions humaines,
politiques et matérielles néfastes. De plus, la violence à
des effets aussi bien sur le violenté que sur le violent. Celui qui
commet la violence peut aussi subir soit directement ou par effet boomerang les
impacts négatifs de l?acte posé. Dans ce sens, la non-violence
peut
24 La paix négative renvoie à l?absence
de guerre, de violence perceptible, de conflits armés ou de toute autre
forme d?affrontements entre des entités constituées.
25 « Paix qui va au-delà d?une simple absence de
guerre et de violence et présuppose une condition qui réunit
harmonieusement les dimensions de justice sociale, d?égalité, de
libertés politiques et individuelles, de plein épanouissement des
potentialités de l?humain tout court et une existence harmonieuse avec
l?écologie ». C?est donc l?absence des violences structurelle,
culturelle et directe dans une société établit. Cf Tagou,
Célestin (dir) : La dynamique des conflits, de la Paix et du
Développement dans les Sociétés Africaines, du local au
global. PUPA, Yaoundé, 2010, p. 31
26 Id,pp 51-55
27 A titre illustratif, la désobéissance
civile entamée par Gandhi en 1920 à produit comme effet le
départ des colons anglais et plus tard l?acquisition de
l?indépendance en 1947. Or l?ancien empire britannique des indes
à l?indépendance est partitionné en deux à savoir
l?Inde et le Pakistan. A partir de cette partition, l?Inde et le Pakistan
vivront des séries de violences interétatiques dès
l?année 1947 qui ont entrainé près de 12 millions de
déplacés la même année.
être bénéfique et appliquée par
l?ensemble des parties en conflit. Ceux-ci peuvent être
éduqués par la prise de conscience de la bêtise humaine de
leurs actes violents et par la psychose des dégâts qui en
résultent. Ainsi, le Calcul de l?Horreur, c?est-à-dire
l?évaluation systématique des pertes et surtout des pertes en
vies humaines encourues dans les violences antérieures, peut être
un élément supplémentaire aux approches traditionnelles de
nonviolence.
Il est donc utile pour nous dans l?entreprise de paix au Nord
Kivu, d?attaquer les causes des violences directes dans l?espoir d?y trouver un
mécanisme de leur prévention, lequel mécanisme prend en
compte de façon globale les conséquences des affrontements, les
enjeux et intéréts relatifs aux conflits. Ainsi, le calcul de
l?horreur pourrait-il être la thérapie au mal qui secoue le Nord
Kivu depuis des décennies.
ii : LIMITATION DU SUJET
Dans un travail scientifique, limiter le sujet de recherche
est essentiel pour l?appréhension du contexte dans lequel se produit
notre analyse. A cet égard, notre sujet présente une triple
délimitation : temporelle, géographique et théorique.
Au plan temporel, cette étude porte sur le calcul de
l'horreur comme instrument
.
1990 marque le début de la démocratisation dans
les Grands Lacs en général et en RDC en particulier ;
démocratisation qui a entraîné les tensions sociales dans
cette région. Cette date marque aussi le début des recherches des
modèles de paix devant être appliqués en RDC et au Nord
Kivu après le triomphe de l?idéologie du free market.
Tandis que, 2011 marque la date de la tenue de la seconde élection
présidentielle en RDC après les catastrophes humaines du
début des années 2000. Cette élection est d?un enjeu
déterminant pour le climat sécuritaire et se pose comme potentiel
facteur d?escalade de la violence d?autant plus que les plaies issues des
déchirements et des scènes de violences passées n?ont pas
encore étépansées.
Au plan géographique, le choix du Nord Kivu vient du
fait que, cette région connaît des cycles de violence permanents
et abrite un des foyers de tensions les plus importants en Afrique
subsaharienne. Le Nord Kivu est écartelé entre plusieurs pays
dont le Rwanda,
l?Ouganda et le Burundi et, en plus, possède
d?énormes réserves en coltan, or, cassérite et en
wolframite très prisée dans le développement des
industries de télécommunications28.
Au plan théorique, nous nous situons dans la
perspective de la transformation des conflits qui asserte qu?on peut
résoudre voire prévenir la violence en changeant le violent en
humaniste29. Selon cette perception, les conflits doivent être
transformés de façon pacifique pour la réalisation de la
paix. Cette transformation nécessite toute une action non seulement sur
les structures, les comportements, les attitudes et les interrelations, mais
surtout sur la psychologie des parties en conflit qui favorisent la violence.
La transformation intègre la résolution et la prévention.
C?est elle qui est susceptible de créer les conditions d?une paix
positive. Notre option est donc orientée vers la prévention de la
re-escalade de la violence dans l?optique de la transformation à long
terme des conflits au Nord Kivu.
iii : REVUE DE LA LITTERATURE
Réaliser un travail scientifique nécessite la
consultation d?ouvrages centraux dans lesquels le problème a
déjà été traité. Raymond Quivy et Luc Van
Campenhoudt précisent que « les lectures aident à faire
le point sur les connaissances concernant le problème de
départ...il s'agit en quelque sorte d'un premier tour de piste avant
d'engager des moyens plus importants »30. Ainsi, pour
mener à bien notre recherche nous nous sommes situés dans le
sillage de plusieurs publications afin de mieux comprendre l?objet de notre
étude et de proposer des pistes nouvelles de réflexion pour la
prévention de la violence directe au Nord Kivu.
Jean Emmanuel Pondi31 présente les causes
historiques, militaires, politiques et les dimensions stratégiques qui
ont débouché sur la crise congolaise de 1996-1997. L?auteur
soutient l?idée selon laquelle l?absence d?une élite
intellectuelle dès l?indépendance est la cause du chao que vit la
RDC. Par ailleurs, il propose la transition démocratique et une bonne
gestion de la chose publique pour résoudre le conflit à ce stade.
Dans notre travail, nous allons souligner que la transition démocratique
telle que proposée par l?auteur n?a fait qu?accroître
28 Braeckman, Colette : Les Nouveaux
prédateurs, politiques des puissances en Afrique Centrale. Fayard,
Paris, 2003
29 L?approche de la transformation des conflits se
situe dans une longue tradition dans la pensée et les plans de paix.
Elle prend véritablement corps de façon pratique avec Ghandi dans
l?application de sa stratégie de nonviolence à travers l? «
ahimsa », qui est l?amour du violent en vue de le transformer. Des auteurs
tels Galtung Johan et John Paul Lederach viendront en fournir une
conceptualisation épistémologique.
30 Quivy, Raymond et Van Campenhoudt, Luc : Manuel
de Recherche en Sciences Sociales. DUNOD, 2è Edition
entièrement revue et augmentée, Paris, 1995, p.63
31 Pondi, Jean Emmanuel : Du Zaïre au Congo
Démocratique : les fondements de la crise. Les éditions du
CRAC, Yaoundé, 1997
les conflits de façon générale en RDC et
plus particulièrement au Nord Kivu. Nous insisterons sur le fait que
rechercher une voie de paix positive au Nord Kivu exige le dépassement
de la démocratie libérale et impose aux acteurs une transcendance
en vue de transformer le conflit en une nouvelle situation.
Colette Braeckman32 analyse la guerre qui
éclate en RDC en 1998. Elle relève que l?escalade de la violence
dans ce pays à cette période précise peut être
comprise comme le désir de prédation des richesses naturelles de
la RDC par ses Etats voisins avec la bénédiction des Etats
occidentaux. Ces nouveaux prédateurs tels que Braeckman le
précise utilisent des arguments sécuritaires sous régional
pour foisonner la RDC afin de s?accaparer des ses richesses naturelles pour
construire leur développement. Mais, l?analyse de l?auteur se limite
à l?année 2002. Il n?en ressort pas non plus une proposition de
sortie de crise ou de prévention de nouvelles violences. Nous allons
montrer dans notre travail que les ressources naturelles expliquent en partie
la violence et que, la prise de conscience de leurs effets négatifs par
les parties en conflits peut établir les préalables d?une paix
durable.
Stephen Jackson33 présente les facteurs
psychologiques qui nourrissent la guerre aux Kivu. La « Rumeur » est
considérée comme le principal instigateur de la violence. Cette
rumeur à travers les tracts et affiches dont on ne connaît les
auteurs dénonce l?annexion des ressources de la RDC par le Rwanda et
appellent les autochtones à éliminer tous les Tutsis. Il est
vrai, la rumeur peut accentuer la violence, mais dépasse-t-elle les
facteurs historiques socio-économiques et/ou politiques pour ne citer
que ces cas, pour que l?auteur l?érige comme facteur principal ? Nous
relèverons dans notre travail que tous les facteurs alimentant une crise
se valent et s?enchevêtrent et, qu?aucun n?explique mieux le conflit sans
les autres. L?auteur a fait recours à la psychologie des violences comme
cause. Mais nous allons en faire recours comme instrument de gestion et de
prévention.
Joseph Gahama34 analyse les violences
répétitives dans les Grands Lacs comme étant dü aux
facteurs historiques (lié à la manipulation coloniale et à
l?action de l?élite) aux problèmes structurels (liés au
sous-développement), aux facteurs psychologiques (entretenant le cycle
de la violence) ainsi qu?à la dégradation des valeurs
socioculturelles (liée à la perte des notions relatives à
la paix). L?auteur soutient l?idée que le mythe hamitique35
est le
32 Braeckman, Colette, op.cit
33 Jackson, Stephen : « Nos richesses sont
pillées ! Economies de guerre et Rumeurs de crime au Kivu » in
: politique Africaine no 84, décembre 2001
34 Gahama, Joseph : Les causes des violences
ethniques contemporaines dans l'Afrique des grands lacs : une analyse
historique et sociologique. CODESRIA, Paris, 2006
35 Les hamites selon la table des peuples figurant
dans l?ancien testament en Genèse 10 sont les descendants de Cham fils
de Noé. La théorie hamitique émerge à partir du
XIXe siècle comme thèse raciale de différenciation
fondement des violences actuelles que vivent la région
des Grands Lacs et l?Est de la RDC particulièrement. Or, avec la
dynamique de l?évolution du conflit dans le Nord Kivu, l?on constate la
présence de nouveaux facteurs qui alimentent la guerre à l?instar
du développement technologique nécessitant une plus grande
alimentation en colombo tantalite (coltan), ressource dont la RDC regorge d?une
immensité. De ce fait, le cycle de violence est aussi bien une question
d?intérêts économiques qu?identitaires. L?on ne pourrait
donc penser que le mythe hamitique explique seul toute la violence que
connaît actuellement le Nord Kivu ; ce que nous allons relever dans notre
travail en y ajoutant l?élément de l?oubli des horreurs
antécédents.
Georges Berghezan et Félix Nkundabagenzi36
présentent les causes du raidissement des relations entre le
régime de L.D.Kabila, le Rwanda et l?Ouganda. En effet les auteurs
soutiennent l?idée selon laquelle les questions relatives aux droits de
l?homme constituent les facteurs de l?agression rwando-ougandaise contre la RDC
de L.D.Kabila qui pourtant quelques années plus tôt étaient
des alliés dans la guerre de libération du Congo de 1996 qui
marqua la fin du règne Mobutu. Nous allons relever dans notre travail
que les questions identitaires et les ressources naturelles sont aussi des
enjeux de cette agression dont les atrocités sur le plan humains sont
incommensurables.
Jean François Ploquin37 explique les raisons
de la pénibilité à ramener la paix en RDC. En effet, pour
lui, la société civile censée jouer un rôle
pacificateur au lendemain de la première guerre internationale africaine
présente « l?image confuse d?un corps divisé
»38 car beaucoup de ses leaders sont instrumentalisés
par les partis politiques. Ceci va battre en brèche le dialogue
intercongolais. Or, que comprendre par société civile ? À
quoi se ramène ce concept ? Dès lors que l?auteur ne peut nous
dire concrètement ce qui rentre dans la catégorie «
société civile », l?analyse reste biaisée sur les
acteurs qu?il nomme comme primordiaux devant jouer un rôle essentiel dans
le processus de construction de la paix en RDC. Dans notre étude, nous
allons déterminer les éléments entrant dans la
société civile pour juger des potentialités de
construction de la paix endogène au Nord Kivu et surtout le rôle
de la société civile dans la conscientisation des populations sur
les atrocités du passé.
entre les peuples. La théorie hamitique suggérait
que la race hamite est supérieure à celle noire d?Afrique au Sud
du Sahara et que, toutes les avancées technologiques, les innovations
voir la civilisation que l?on retrouve en Afrique est l?oeuvre des Hamites. Par
conséquent, le Hamite est un seigneur dotée d?une
supériorité absolue.
36 Berghezan, Georges et Nkundabagenzi, Félix :
La guerre du Congo-Kinshasa, analyse d'un conflit et transfert
d'armes vers l'Afrique Centrale, GRIP, 99/2, 1999
37 Ploquin, Jean François : « Dialogue
intercongolais : la société civile au pied du mur »in :
Politique Africaine no 84, décembre 2001
38 Id p.11
Ludo Martens39 présente les limites de
l?accord de Lusaka. L?auteur ressort que les USA sont en grande partie
responsables d?une négociation perdue pour la RDC au profit du Rwanda,
du Burundi et de l?Ouganda. Il tente donc de persuader que la
perpétuation de la guerre en RDC et au Nord Kivu est l?oeuvre
américaine. De facto, les USA sont pointés comme responsables du
mal que vit la RDC. Il s?agit là d?une approche explicative basée
sur la théorie du complot40 car l?auteur
néglige la part de responsabilité de la RDC dans le conflit et la
présente uniquement que comme victime. De là nous
relèverons dans notre travail que c?est la confluence des actions des
acteurs en même temps internes qu?externes qui produit la guerre en RDC
et donc au Nord Kivu, tous n?étant pas conscients au même
degré des conséquences de la violence directe.
Philipe Biyoyo Makutu41 propose un nouvel ordre
politique et institutionnel comme voie de sortie de crise et de retour à
la paix en RDC. Pour lui, cet ordre est susceptible de redonner espoir,
fierté et prospérité à un peuple dont l?histoire a
toujours été dramatique. Mais notre auteur présente juste
cet idéal qu?est le nouvel ordre politique et institutionnel, ses
atouts, vante ses mérites sans toutefois en présenter les
mécanismes et les modalités de mise en oeuvre. Est-ce un nouvel
ordre basé sur la démocratie, l?autoritarisme ou une monarchie
pour ne citer que ceux-ci ? L?auteur n?en dit pas mot. Dans notre travail, nous
allons proposer une contribution de prévention non-violente de la
violence pouvant conduire à cet avenir de paix, cet idéal que
décrit Makutu.
Célestin Kengoum42 analyse la dynamique du
conflit en République Démocratique du Congo sous les
régimes Mobutu et Kabila Laurent Désiré. L?auteur
présente la mauvaise gestion des affaires politiques et
économiques comme facteurs ayant accentué et
débouché sur ce qu?il appelle la première guerre
internationale africaine43. Il pense toutefois que le conflit dans
les Grands Lacs n?est pas la conséquence de la fin de la guerre froide
car dans cette région, des tentatives de prise de pouvoir se dessinaient
depuis les années 1960. De plus, pour
39 Martens, Ludo : $cents76il RIi
7rffRERIIRIIRIXiIAMERIe iei SIalli, les plans américains pour
la division et la mise sous tutelle du congo. 2000
40 L?approche basée sur le complot
désigne la croyance en l?existence d?une conspiration secrète,
criminelle ou politique en vue de détenir un pouvoir politique,
économique ou culturel. Celles-ci interprètent les
événements selon un plan concerté et orchestré par
des groupes malveillants. Ainsi, une approche du complot discrédite les
informations officielles et présume l?avènement d?un fait par la
conspiration en vue d?une domination. Dans ce cas précis, le complot que
Martens relève voudrait montrer que les USA veulent s?accaparer des
richesses
minières de la RDC. C?est pourquoi en soutenant le Rwanda
et l?Ouganda, ils fragilisent la paix, donc n?ont aucun intérêt
à ce que ce pays retrouve la stabilité et le
développement.
41 Biyoyo Makutu, Philipe :
Pour un autre Avenir congolais de paix. CEDI, Kinshasa,
2002
42 Kengoum, Célestin : La dynamique du
conflit congolais(RDC) : crise et sortie de crise. Mémoire
présenté en vue de l?obtention du DEA sécurité
internationale et défense, Université Pierre Mendes France,
Grenoble II, 2002-2003
43 Id,p.13
notre auteur, le conflit dans les Grands Lacs donc au Nord
Kivu est essentiellement la cause des européens qui viennent y
reproduire leurs antagonismes. Kengoum conclut que les congolais ne sont pas
responsables de la guerre qu?ils vivent. Nous allons montrer dans notre travail
que les Congolais ont bel et bien une part de responsabilité dans les
cycles de violence qui les embrasent. Ils en sont les principaux auteurs.
Richard Borigas et Bouguil Jewsiewicki44
présentent la part des jeunes (cadets sociaux) dans la guerre en RDC.
Ils expliquent que pour les jeunes, la guerre est une forme de
résistance ainsi qu?un moyen de survie car d?elle découle les
moyens financiers pour assurer le quotidien. Ce sont eux qui constituent pour
le plus grand nombre les milices. Mais nos auteurs ne déterminent pas ce
qui encourage ces jeunes à entrer dans l?activité
guerrière. Ainsi, dans la présente étude, nous allons
relever les facteurs déterminants l?implication des jeunes dans les
scènes de violences et surtout leur ignorance des horreurs du
passé.
Ayafor Emmaculate Mefor45 examine les facteurs
liés à l?implication des jeunes dans les conflits en tant que
combattants et comment le programme de démobilisation et de
réintégration essaie d?apporter une contribution pour
réintégrer les ex-enfants soldats dans la société.
L?auteur est d?avis que la réintégration des ex-enfants soldats
mettra fin à l?insécurité et promouvra le
développement économique de la RDC. Elle détermine ainsi
seuls les enfants soldats comme facteurs d?insécurité, ignorants
d?autres acteurs internes et externes qui motivent ces enfants à entrer
en guerre. De là, la recherche d?une solution pour la crise en RDC doit
se trouver dans une perspective globale, éclectique, prenant en compte
de manière transversale tout ce qui constitue un obstacle à la
paix.
Ces différents ouvrages, articles et mémoires
consultés sont focalisés sur trois aspects : les causes des
conflits, les stratégies de résolution et les enjeux et
intérêts y relatifs en RDC en général et au Nord
Kivu en particulier. Ils n?expliquent cependant pas deux choses :
· Qu?une option pour la non-violence est
déterminante pour le retour à la paix au Nord Kivu ;
· Que si les parties prenantes aux conflits au Nord Kivu
avaient été amenées à calculer
systématiquement le poids des pertes et les atrocités de
potentiels affrontements, ils s?abstiendraient de s?enrôler dans
l?activité belligérante.
44 Borigas, Richard et Jewsiewicki, Bouguil :
Vivre dans la guerre : Imaginaires et pratiques populaires de la violence
en RDC in : Politique Africaine no 84, décembre 2001
45 Ayafor, Emmaculate Mefor: The social
reintegration of demobilised child-soldiers as a means of peace and development
in central Africa: the case study of DR-Congo. master thesis presented and
defended for the obtention of the academic diploma of master of arts in peace
and Development, Yaoundé, October 2009,protestant University of Central
Africa
En plus d?avoir créée le concept du Calcul de
l?Horreur comme instrument psychologique de prévention non-violente de
la violence directe, c?est en ces deux éléments que notre
étude est novatrice de celle des auteurs que nous avons lu et dont les
idées nous ont fortement orientées.
Bien plus, dans toute la littérature par nous
parcourue, nous n?avons pu trouver d?auteur proposant l?évaluation des
conséquences négatives de potentiels escalades des conflits comme
moyen de prévention de la violence directe. D?où, la
nécessité pour nous d?explorer cette nouvelle piste de
reflexion.
iv : QUESTIONS DE RECHERCHE
Les conflits comme l?exacerbation de la violence sont des
constructions. Ceci dit, s?ils sont construis, par le mécanisme inverse,
ils peuvent également être déconstruis, l?homme
étant doté par nature de la notion du bien et de la
rationalité. Aussi bien que l?atteinte de ses objectifs qu?il calcule
systématiquement peut s?effectuer par le truchement de la violence,
aussi bien il peut réduire ces objectifs qu?il atteindra via des moyens
pacifiques par un calcul systématique des conséquences qu?il
encoure en utilisant la violence directe. C?est pourquoi nous nous posons les
questions suivantes :
> Question centrale
Le calcul de l?horreur est-il pertinent pour la
prévention de la violence directe au Nord Kivu ?
> Questions secondaires
? L?évaluation systématique des
conséquences de la violence directe constitue-telle un facteur dissuasif
de futurs affrontements ?
? La perception de l?horreur permet-elle d?établir un
compromis en réduisant les intérêts et enjeux liés
aux conflits pour les transformer en une nouvelle situation vivable pour tous
?
v : HYPOTHESES DE RECHERCHE
Dans un contexte de rupture de l?état de droit, de
faillite de l?Etat et d?escalade des violences intergroupes sous l?autel des
griefs, les parties en conflit développent une psychose de la violence.
En évaluant les pertes enregistrées dans les moments de violences
ouvertes,
elles deviennent conscientes du tort qu?elles ont
causé aux autres et à elles méme par voie de
conséquences. Cette conscientisation les prédispose dès
lors à renoncer au recours à la violence comme moyen d?atteinte
de leurs objectifs. Dans ce sens :
> Hypothèse centrale
Le calcul de l?horreur est pertinent pour la prévention
de la violence directe au Nord
Kivu.
> Hypothèses secondaires
· L?évaluation systématique des
conséquences de la violence directe peut dissuader les potentiels
acteurs d?affrontements;
· La perception de l?horreur permet d?établir un
compromis en réduisant les intérêts et enjeux liés
aux conflits qui peuvent être atténués par les moyens
non-violents.
Notre objectif est d?élaborer une stratégie de
prévention de la violence directe basée sur la non-violence et
l?idéal de paix.
Il est question de montrer que l?appropriation par les
groupes communautaires des instances de prévention de futures violences
et des conséquences négatives y relatives, est une «
garantie » de paix positive et d?un développement durable au Nord
Kivu. Aussi, il est question de montrer que l?escalade de la violence directe
au Nord Kivu a des impacts négatifs très considérables et
que, les approches de paix appliquées au Nord Kivu donnent lieu à
de nouvelles violences.
vi : METHODOLOGIE DE LA RECHECHE
Comme position théorique, nous nous situons dans la
perspective de l?école de Franckfort, laquelle indique que toute
réalité sociale doit être abordée de façon
critique. De là, le constructivisme est l?approche utilisée pour
analyser les faits décris. La collecte des données s?est
effectuée grace aux données documentaires et d?entretiens semi
directifs et qualitatifs. Huit entretiens semi directifs et qualitatifs ont
été réalisés avec des spécialistes des
questions de paix au Nord Kivu et originaires de la RDC en
général et du Nord Kivu pour la plupart. Les données
documentaires ont été tirées d?ouvrages publiés,
d?articles scientifiques, de revues, de mémoires et thèses,
d?encyclopédies et de sources iconographiques se trouvant dans les
bibliothèques de l?UPAC, de l?UCAC, de l?Université
de Yaoundé I, de l?Université de Yaoundé
II Soa, de la Fondation Paul Ango Ella, des ambassades des USA et de la RDC au
Cameroun, et d?internet. Enfin, l?analyse des données
récoltées a été effectuée grace à la
technique de l?herméneutique. Cette technique nous permet de
déceler les non dits, les systèmes de valeurs, les
idéologies et les croyances relatives à la violence et aux
possibilités de construction de la paix à partir des groupes
locaux, à condition qu?ils prennent conscience des horreurs des
précédentes violences et se disent : plus jamais !
PREMIERE PARTIE :
DEFINITION DES CONCEPTS CLES ET
CADRE THEORIQUE
|
|
Tout travail scientifique nécessite une clarification
des concepts, théories et approches qui lui permettent de bâtir
les connaissances élaborées. Ceci est considéré
comme une exigence devant obéir à la rigueur scientifique. Les
fondements épistémologiques sont la clé du
démarrage de tout travail de recherche. Dès lors, la
nécessité s?impose de fournir une profonde explication des
perspectives et orientations théoriques et conceptuelles qui seront
employée tout au long de cette étude. Ainsi, nous
présenterons tour à tour une définition des concepts
clés et le cadre théorique de notre étude.
CHAPITRE I : DEFINITION DES CONCEPTS CLES
Ce chapitre fournit une précision sur les concepts
clés utilisés pour forger notre sujet et définir les
priorités de notre recherche. Ces concepts sont entre autre : calcul,
horreur, violence et conflit.
I- Le Calcul et l'Horreur
Nous essayons de cerner ici d?une part ce qu?est le calcul (A)
et d?autre part ce qu?est l?horreur (B).
A- Le Calcul
D?après le dictionnaire Le nouveau Petit
Robert46, le « calcul » désigne une mise
en oeuvre des règles élémentaires d?opérations sur
les nombres ; la transformation d?une quantité mathématique en
appliquant les règles des techniques opératoires correspondant
aux opérations qui interviennent. C?est aussi l?action d?évaluer
la probabilité de quelque chose ; l?ensemble des techniques d?aides
à la prise de décision qui permettent de comparer les avantages
et les inconvénients d?un choix économique. Le calcul
désigne aussi l?ensemble de mesures habilement combinées pour
obtenir un résultat. C?est une intention, une
préméditation, un acte intéressé.
Dans le cadre de cette étude, nous considèrerons
le « calcul » comme l?action d?évaluer la probabilité
de quelque chose, éventuellement l?escalade des conflits.
46 Rey-Debove, Josette et Rey, Alain (dir) : Le
nouveau Petit Robert de la langue française. Le Robert, 2009
Le calcul pris comme action d?évaluation de l?escalade
des conflits se ramène à deux principales notions : celle
d?évaluation proprement dite et celle de gestion des crises.
1- Le calcul comme évaluation
Se ramenant à l?évaluation, le calcul se
réfère à l?activité de collecter
systématiquement, d?analyser et de rapporter les informations pouvant
être utilisées pour changer les attitudes ou améliorer une
condition. Il répond à un nombre de critères et de
standards. C?est aussi un processus qui vise à fournir des informations
valides et utiles sur des opérations précises. Dans cette
logique, le calcul intègre plusieurs éléments : c?est une
collecte systématique des informations qui doivent être
utilisées de façon spécifique par des groupes ou des
personnes identifiables dans le but de prendre des décisions sur des
questions les concernant. Bien que ses considérations soient vastes, le
calcul a cette nature de comparer ce qui doit être d?avec les
évidences, c?est-à-dire ce qui est.
2- Le calcul comme gestion des crises
Thomas Delavallade47 souligne que la formalisation
de la notion de gestion des crises remonte à la moitié du XXe
siècle avec notamment les travaux en Sciences économiques de Von
Neumann et Morgenstern qui posent les bases de la théorie des jeux
autour des années 40. Plus tard, c?est-à-dire dans les
années 60-70, l?industrie initie le développement d?outils
méthodologiques afin de limiter les coûts liés aux
défaillances techniques et fonctionnelles. Les recherches sur les
risques se font alors dans plusieurs domaines au gré des crises qui
secouent les Etats. Par exemple, les catastrophes de Tchernobyl, les risques de
catastrophes naturelles avec le Tsunami qui frappa l?Asie du sud-est en 2004
font émerger la conscience en matière d?évaluation des
risques potentiels des crises. Aussi, le système bancaire s?en inspire
pour déterminer les risques de marché et de crédit
matérialisés par les accords de Bâle et de Bâle II
entre les banques centrales du G10, lesquels ont spécifié des
standards de bonne gestion afin de systématiser et rationaliser
l?approche du risque. Dans le méme sillage, des institutions telles la
BM, FAST international et l?ONU pour ne citer que ceux-ci, constituent des
plateformes de recherche et de mise en oeuvre des mesures d?alerte des conflits
à travers l?évaluation des potentialités d?escalade de
ceux-ci. Le calcul renvoie alors à la mise en
47 Delavallade, Thomas : Evaluation des risques
de crise, appliquée à la détection des conflits
armés intraétatiques. Thèse de Doctorat de
l?Université de Paris 6 présentée pour obtenir le grade de
Docteur de
l?Université Paris 6(spécialité
Informatique), Université Pierre et Marie Curie, Paris, 06
décembre 2007
balance des différentes politiques possibles visant
à faire face aux risques identifiés ; risques d?escalade des
conflits bien entendu. Dès lors, le calcul qui vise à
prévenir la violence intègre deux principales dimensions,
à savoir : l?incertitude quand à l?occurrence des scènes
de violence, et la magnitude desdits phénomènes.
B- L'Horreur
Le Nouveau Petit Robert48 définit l?
« horreur » comme une sensation d?effroi, de
répulsion causée par l?idée ou la vue d?une chose
horrible, affreuse, repoussante. L?horreur provoque la répugnance,
l?effroi, le dégoüt.
1- Perceptions et rôles de l'horreur
L?horreur telle que perçue et considérée
aujourd?hui est un concept doté d?une appréhension lointaine.
Considérant que l?horreur est liée aux
sentiments, à l?état psychologique individuel, nous pouvons
asserter qu?elle peut se reproduire en tous les hommes compte non tenu des
traditions, appartenances et autres croyances. Chaque être humain peut
ressentir la peur, la crainte face à une situation débordante ;
quoi que le degré de cette peur ou de cette crainte dérive du
conditionnement mental, donc peut varier selon les individus. L?horreur est
donc un sentiment propre à l?humanité. Elle est
civilisationnelle, culturelle et dépend du degré
d?intégration des individus.
Dans l?antiquité, les considérations sur
l?horreur tournaient autour des questions sur l?héliocentrisme et le
théocentrisme. Il était question de déterminer la place de
la divinité dans le développement de l?individu. Naquirent alors
des écrits, des mythologies sur la représentation de la vie et de
la mort en ce qu?elles sont intimement liées à la notion de
divinité. Les argumentaires tournaient autour d?une force externe,
supreme, dynamique qui possède le total contrôle sur l?homme.
Accéder dès lors à cette force nécessitait une
hygiène de vie, des représentations particulières et des
comportements précis. La violation de ces règles était
susceptible de punition en même temps par la société que
par cette force suprême. La crainte était l?élément
qui limitait les abus et autres déviances.
Dans l?époque contemporaine, les considérations
sur l?horreur sont beaucoup plus développées dans les
écrits théologiques et romanciers; méme si l?idée
de guerre reste le fond
48 Id.
de la pensée occidentale. Sont alors abordés
à cette époque et ce qui se reproduit jusqu?à
l?époque actuelle, les notions du bien et du mal. Celles-ci expriment la
vision manichéiste du monde dû par les religions. Les
écrits apocalyptiques par exemple de Saint Jean, présentent
l?image du diable, monstre répugnant cause des désastres des
humains, mais qui finira par être vaincu par Dieu49.
L?orientation biblique est essentiellement focalisée sur la peur, la
crainte, l?horreur des événements à venir (la fin du
monde). Les questions du bien et du mal seront au centre de toute une tradition
exprimée en termes de civilisation qui se retrouvera plus tard dans les
domaines politiques, économiques et socioculturel d?autres peuples. Il
s?agit de la civilisation occidentale qui, sous l?influence de ces notions ira
vers d?autres nations pour transformer et développer. Et c?est aussi
dans cette logique que les guerres s?intensifieront et que les situations
d?horreur se multiplieront.
Par ailleurs, à côté de cette
littérature manichéiste, naîtra un champ critique de
l?activité belligérante et des guerres. Se basant sur les
atrocités de la guerre avec par exemple les pertes en vies humaines, les
mutilations d?individus ainsi que des destructions matérielles,
plusieurs auteurs et activistes de paix dénoncent la guerre et proposent
des stratégies pour son éviction. Kant par exemple dans son
projet de paix perpétuel50 quoi que défendant
l?idée de ce qui sera plus tard la démocratie, propose la
démilitarisation des Etats et la remise du droit d?aller à la
guerre au peuple. Dans cette même logique plusieurs mouvements de paix
créeront des assemblées, formeront des coalitions pour militer en
faveur de l?arrêt immédiat de la guerre et l?application des
principes non violents.
Ceci suggère que l?horreur à une valeur
éducative, voire humanisant. Des leçons peuvent être
déduites de l?horreur, des enseignements peuvent y être ressortis
en termes de construction de l?idéal qu?est la paix.
2- L'Horreur dans la guerre
La guerre est ce qu?il y?a de plus ignoble. Elle participe
à la destruction de l?humanité et au renchérissement. La
guerre condamne les capacités de déploiement et amenuise les
chances de réussite et de naissance d?un dialogue favorable à la
paix. De par ses conséquences, de par les atrocités qu?elle met
en lumière, elle est la représentation de la barbarie et de
l?animalité humaine.
49 Lire à ce titre APOCALYPSE DE JEAN in La
Sainte Bible. Traduite d?après les textes originaux Hébreu et
Grec par Louis Secong, Alliance Biblique Universelle, 2008, pp.1250-1268
50 Kant op.cit, p.85-86
La condamnation de la guerre est sujette aux pratiques
malsaines et déshumanisantes qui s?y réfèrent. Elle a un
impact négatif sur l?ensemble des domaines d?expression des hommes. A
savoir les domaines politiques, économiques, socioculturels et
environnementaux. Tous ces impacts témoignent de l?horreur vécue
pendant la guerre.
Tout d?abord, au plan politique, la guerre est source
d?instabilité. Cette dernière se caractérise par la
multiplication de milices et groupes armés, l?impossibilité pour
l?Etat d?assurer sa légitimité et ses droits régaliens, la
paralysie des institutions. L?instabilité politique légitime les
réclamations des acteurs impliqués dans le conflit. Elle donne
lieu aux tentatives de coup d?Etat et d?institution des régimes
dictatoriaux. Sur ce méme volet politique, la guerre participe à
la naissance et/ou à la perpétuation des systèmes tels
la
corruption et la mauvaise gouvernance. Ceci est dû au
fait de la quasi absence de légitimitéétatique
et de la constitution des institutions étatiques en jungle,
c?est-à-dire des lieux référant
l?état de nature tel que pensé par Thomas
Hobbes.
Ensuite, au plan économique, l?horreur exprimée
dans la guerre se manifeste aussi par la paralysie des institutions
créant une stagnation voire un profond ralentissement de
l?activité économique. Le rythme des exportations
régulières est réduit et les importations s?intensifient.
Ce qui crée l?Etat de dépendance de l?Etat vis-à-vis de
l?extérieur. Très souvent en situation de guerre, seuls les
trafics d?armes et l?illicite exploitation des ressources naturelles
constituent l?activité économique principale. Les armes
contribuent à accentuer et alimenter la guerre, les ressources
naturelles également. Dans cet état de choses, l?Etat est le
principal perdant en ce qu?il perd d?énormes potentialités
naturelles à travers l?illégale exploitation des ressources
naturelles ; et perd des ressources humaines drainées sous l?autel du
trafic des armes.
Bien plus, les plans social et culturel n?en subissent pas
moins les atrocités ou horreurs de la guerre. Pertes en vie humaines,
énormes mutilations, déplacés et autres apatrides
caractérisent l?activité belligérante. Celle-ci
établit des rapports sociaux défavorables à la paix, voir
au développement dans un sens. Dans un autre sens, elle fragmente le
processus de réalisation culturel, fait perdre des repères
historiques nécessaires à la conscience collective et
aliène de façon générale la culture
exprimée. La destruction des canons culturels va avec
l?aliénation du peuple.
Enfin, au plan environnemental, la guerre renforce les maux
d?essence naturelle et en crée d?autres. L?usage des armes chimiques, le
déferlement des corps dans les eaux intensifient la pollution. La
destruction de la faune et de la flore renforce cet état de fait. La
symbiose entre environnement et être humain se brise
alors progressivement sous le poids de la guerre.
Par ailleurs, bien qu?il existe un Droit international
humanitaire c?est-à-dire un droit de la guerre, les horreurs et
atrocités s?observent toujours et parfois croissent davantage. La
nécessité se porte méme sur l?existence d?un droit de la
guerre. Car, faut-il permettre qu?il y?ait une guerre bien qu?on puisse la
réguler. Aussi, l?émergence d?un droit international des Droits
de l?Homme n?empêche pas que des horreurs soient commises lors des
guerres. Le droit se pointe donc comme important mais non fondamental pour
taire les antagonismes qui peuvent pousser à l?extrême les
attitudes et comportements malsains des acteurs en conflit.
A ce titre, nous pouvons observer par exemple qu?en
période de guerre froide, seul l?équilibre de la terreur
marqué par la possession de l?arme atomique par les deux blocs en
conflits, avait pu du moins en ce qui constituait l?affrontement direct entre
blocs, calmer les antagonismes. La reconnaissance par les deux blocs des effets
et impacts de l?arme atomique leur a permit d?avoir une relative paix.
Ce qui est important c?est le fait pour ces parties d?avoir
réalisé qu?une atteinte à l?intégrité
humaine pouvait avoir des conséquences infinitésimales, et de
s?être abstenus de recourir à la violence. Ainsi, l?horreur quoi
que néfaste en ce qui concerne le militantisme et la quête pour la
paix, peut servir de jalon pour construire une Paix Positive.
Le Calcul de l?Horreur est alors l?évaluation
systématique des conséquences négatives de la violence
directe; lesquelles conséquences peuvent advenir en cas de l?escalade de
ladite violence. Il s?agit de faire une estimation sur les atrocités de
la violence afin d?empêcher que les situations conflictuelles ne
dérivent en affrontement direct ou indirect. L?estimation est faite
à partir de données récoltées sur l?état des
besoins sociaux et de la paix sociale. Lorsque des scénarios
établissant les possibilités d?escalade de la violence sont fait,
une alerte rapide est adressée entre groupes conflictogènes qui,
ont le mérite de mener des recherches sur les facteurs conflictuels les
engageant. Le Calcul de l?Horreur pense de cette façon résoudre
les antagonismes à l?instant et, prévenir l?escalade de nouvelles
violences au Nord Kivu51. C?est une stratégie de
transformation des conflits et d?établissement d?une paix durable et
mutuellement acceptable par les parties en conflit. Aussi, en tant
qu?instrument psychologique, le calcul de l?horreur agit comme un stimulus
externe sur la conscience des parties en conflits et influence leur perception
des relations humaines.
51 Dans la troisième partie de ce travail,
nous présentons intégralement la stratégie du Calcul de
l?Horreur ainsi que les voies d?opérationnalisation y relatifs.
II- violence et conflit
A- La violence
1- Conceptions sur la violence
« Toute analyse globale de la violence devrait
commencer par définir les diverses formes de violence de manière
à en faciliter l'évaluation scientifique
»52.
Le concept de « violence » vient du latin
violare. Il signifie porter atteinte, attaquer, transgresser,
déshonorer. Les mots qui désignent la violence expriment en
général un abus, une exacerbation de la force. Ce mot signifie
qu?une atteinte illégitime ait été portée à
quelqu?un, qu?une ligne ait été franchie.
La violence caractérise ce qui se manifeste avec une
force extrême, brutale, intense et traduit un abus de force. Ce terme est
volontiers plus utilisé que le terme « agression ». Ce qui le
renvoie à une attaque contre les personnes et les biens visant à
les détruire. La violence suppose dès lors une rencontre, une
relation. Dans cette relation ressort l?idée de l?autre
déshumanisé. La relation concerne aussi une réalité
abstraite qui n?interpelle pas l?individu dans ses capacités
d?émotion, de réflexion et d?identification. Ceci montre que la
violence est une déviance que l?on doit corriger par rapport à la
société. Katheline Toumpsin soutient que la violence ce n?est pas
le conflit, elle est plutôt ce qui envenime le conflit, « ce qui
empêche de donner une issue positive au conflit
»53.
Un acte de violence ne peut être
considéré comme tel qu?en référence à une
norme, à une situation et à un contexte. C?est pourquoi un acte
de violence est un acte de transgression.
L?Organisation mondiale de la Santé54
définit la violence comme la menace ou l?utilisation intentionnelle de
la force physique ou du pouvoir contre soi méme, contre autrui ou contre
un groupe ou une communauté qui entraine ou risque fortement d?entrainer
un traumatisme, un décès, un mal développement ou des
privations. Cette définition met l?accent sur l?intentionnalité
de l?acte violent, sur l?usage du pouvoir. Elle couvre aussi plusieurs
conséquences, y compris les dommages psychologiques, les privations et
le mal développement. Cela traduit la nécessité, de plus
en plus acceptée chez les chercheurs, d?inclure la violence qui
n?entraine pas obligatoirement des traumatismes ou la mort, mais qui n?en
représentent pas moins un fardeau pour les êtres humains.
52 Krug, G. Etienne et al (dir): Rapport mondial
sur la violence et la santé. OMS, Genève, 2002
53 Toumpsin, Katheline : Qu'est-ce que la
violence ? Pax Christi, Wallonie-Bruxelles, 2006, p.1
54 Krug , Etienne, Id, p.5
Galtung55 pour définir la violence statue
d?abord sur les causes de l?agression et des conflits. Il conceptualise alors
dans un premier temps la notion de violence et la catégorise. C?est
ainsi qu?il détermine trois types de violences : la violence
structurelle, la violence culturelle et la violence directe. La violence
structurelle est celle infligée par les structures politiques et
économiques. Elle est invisible mais se manifeste dans le tissu social
car, consiste en une négation des éléments fondamentaux
tels que : la vie, le confort physique, l?identité, la liberté .
La violence culturelle est par contre l?ensemble des valeurs, des croyances et
des attitudes apprises dès l?enfance et qui prédisposent à
la violence. Celles-ci intègrent par exemple les histoires glorieuses et
victorieuses de guerres, des victoires militaires bref des enseignements
projetant au subconscient l?image de la violence quoi qu?en ce moment
acceptable comme telle.
Violence structurelle et violence culturelle donnent
naissance à la violence directe. La violence directe c?est alors une
violence réelle, perceptible, dont les acteurs sont visibles. Elle
consiste en l?atteinte physique à une personne tierce directement avec
usage de la force. Les actes de guerres, les tortures, les combats, les
meurtres, les mutilations, les viols personnels ou de masse sont des exemples
de violence directe.
Dans un sens global, la violence intègre la violence
interpersonnelle ou intergroupe, la violence collective (violence commise par
des groupes de personnes ou par des Etats) et est de nature physique, sexuel et
même psychologique. Elle peut être résolue voire être
prévenue.
2- Types de prévention de la violence
La prévention de la violence renvoie aux
mécanismes mis en oeuvre pour empêcher l?escalade du conflit.
C?est un ensemble de moyens, de disposition sociopolitique, économique
et intellectuelle dont l?objectif fondamental est de régler les
antagonismes et d?empêcher que le conflit ne
dégénère en affrontement direct, avec utilisation des
armes et/ou tout autre moyen inhumain dont le but est de porter atteinte
à l?intégrité physique d?une personne tierce, entre
parties. Dans la littérature actuelle, bon nombre d?auteurs parlent
plutôt de la prévention des conflits. Mais, nous pensons qu?on ne
peut pas prévenir les conflits, mais plutôt prévenir
l?escalade de la violence. Car, le conflit est inhérent à la
nature humaine, c?est un fait de l?homme. Par contre, la violence est la
résultante de l?action de l?homme, c?est pourquoi nous pensons qu?on
peut la prévenir.
55 Cité par Grewal Singh, Baljit :Johan
Galtung : Positive and Negative Peace, School of Social Sciences, Auckland
University of Technology,2003
Toutefois, plusieurs perspectives s?offrent lorsqu?il faut
prévenir la violence. L?OMS distingue entre autre trois types de
prévention. Entre autre, nous avons la prévention primaire, la
prévention secondaire et la prévention tertiaire56.
La prévention primaire vise à prévenir
la violence avant qu?elle ne se produise. Tandis que, la prévention
secondaire réagit immédiatement à la violence via des
services d?urgences. Par contre, la prévention tertiaire se situe dans
le long terme et intègre des mesures de rééducation et
réinsertion pour atténuer les traumatismes ou réduire les
handicaps liés à la violence.
Ces trois paliers de prévention sont temporaires, que
la prévention intervienne avant, immédiatement ou après
qu?a eu lieu la violence. Les paliers secondaires et tertiaires visent
habituellement les victimes et sont pertinents pour poursuivre les auteurs de
la violence en justice.
Par ailleurs, il faut noter que les chercheurs optent de plus
en plus pour des stratégies axées sur les groupes cibles en
termes de prévention de la violence directe. Trois principales formes
d?interventions en vue de juguler la violence directe se pointent ici : Il
s?agit des interventions universelles, des interventions choisies et des
interventions indiquées.
Les interventions universelles visent des groupes bien
ciblés ou l?ensemble de la population. Sont à ce titre mis en
oeuvre par exemple des programmes sur la prévention de la violence
enseignés à tous les enfants d?une école, d?un méme
age ou d?une méme localité. Dans une optique non moins
différente, les interventions choisies visent les catégories de
personnes les plus exposées à la violence. Ici, sont mis en
oeuvre par exemple l?éducation parentale (formation au rôle de
parent) offerte aux parents à faible revenus. En fin, les interventions
indiquées visent quant à elles les personnes ayant
déjà manifesté un comportement violent. Le traitement des
auteurs de violence familiale est un exemple à relever ici.
Plusieurs efforts sont menés dans le domaine de la
prévention secondaire et de la prévention tertiaire. Des
réponses sont apportées aux conséquences immédiates
des violences, l?aide aux victimes et les châtiments des auteurs des
violences. Ces réponses sont importantes comme le souligne l?OMS mais ne
s?accompagnent pas d?un investissement dans le domaine de la prévention
primaire. « Non seulement une réponse globale
à la violence protège et aide les victimes de
violence, mais, elle encourage également la non-violence, fait reculer
les actes de violence, et change la situation propice à la violence au
départ »57. C?est dans ce cadre que
56 Id, p15
57 Id, p.17
le calcul de l?horreur voudrait intervenir au stade primaire
pour renforcer ces efforts nationaux et internationaux déjà
présents de lutte et de réduction des effets de la violence.
Ainsi, le calcul de l?horreur compte empécher l?escalade de la violence
directe à travers le calcul systématique des impacts
négatifs humains de futures violences directes et une conscientisation,
voire une éducation à la paix des groupes concernés.
B- Le conflit
Le « conflit » est généralement
défini comme un antagonisme, une opposition de sentiments, d?opinion
entre deux individus, deux choses ou deux entités qui interagissent. Il
est « une situation sociale caractérisée par une
contradiction d'intér~ts »58. D?après Alex
P. Schmid59, il y a conflit chaque fois que deux ou plusieurs
parties s?aperçoivent que leurs intérêts sont
incompatibles. C?est aussi ce qu?en disent Bercovitch et Fretter pour qui le
conflit est un « process of interaction
between two or more parties that seek to thwart, injure, or destroy their
opponent because they perceive they have incompatible interests or goals
»60. Des expressions comme « fights, violence,
hostility »61 sont couramment utilisées pour
décrire le conflit. Toutefois, il faut préciser que les conflits
diffèrent les uns des autres suivant leur intensité, et qu?une
opposition de points de vue ou de sentiments n?implique pas forcément un
conflit. Le conflit peut être latent ou manifeste et suppose être
perçu par au moins une partie engagée dans
l?incompatibilité. Tout comme l?ordre social, il évolue et est
dynamique. Il possède donc un cycle. Ce cycle montre que le conflit peut
aller d?une contradiction ou d?une incompatibilité pour déboucher
sur la violence. Lorsque cette violence devient manifeste et qu?aucune
perspective ne lui est adressée, elle débouche sur l?escalade,
généralement considérée comme phase maximale du
conflit. Cerner le conflit nécessite dépasser le cadre
définitionnel pour en déterminer des typologies qui renseignent
sur les causes, les acteurs, les manifestations et la « résolution
» des conflits.
1-Typologies des conflits
Une esquisse typologique des conflits se présente sous
une double détente à savoir : la perception du conflit selon le
type d?acteurs y impliqués (1) et l?appréhension du conflit selon
son stade d?expression, soit le niveau où il se situe (2). Cette
typologie ramène de manière
58 Mbock, Charly Gabriel, op.cit, P.12.
59 Schmid p. ,Alex(dir); Thesaurus and glossary of
early warning and conflict prevention terms, abridged version, Erasmus
University, May, 1998.
60 Bercovitch, Jacob et Fretter, Judith, Op Cit,
P.3.
61 Ibid.
précise et quasi complète les perceptions de
divers auteurs et de diverses écoles dont les érudits les plus
représentatifs sont entre autre Jacob Bercovitch et Johan Galtung. Il
est donc question ici de donner un schème intelligible des typologies
des conflits, lequel regroupe divers aspects mis en exergue dans l?explication
des conflits et de situations de violence en Sciences Sociales comme dans les
Relations Internationales.
a- L'analyse du type d'acteurs en conflit
Bercovitch et Fretter62 catégorisent les
conflits internationaux en quatre types majeurs : les conflits
interétatiques, les conflits civils internationalisés, les
conflits militarisés et les incidents politiques.
i- Conflits interétatiques et conflits civils
internationalisés
· Les conflits interétatiques :
Ce sont ceux causés par des disputes territoriales,
des oppositions idéologiques, des rivalités ou menaces
sécuritaires entre Etats. Ce type de conflit implique deux ou plusieurs
Etats qui s?affrontent.
· Les conflits civils internationalisés
:
Il s?agit des conflits où un Etat tiers s?implique
dans un conflit violent (ou une guerre civile violente) intra étatique
soit directement par invasion ou indirectement en apportant un soutien actif
(sous forme d?approvisionnement en armes, entrainement des troupes, envoi des
conseillers) à une faction dans un autre pays. L?implication du Rwanda
et de l?Ouganda dans les violences répétitives au Nord Kivu est
un exemple de conflits civils internationalisés. Ces types de conflits
sont souvent motivés par des faits tels : la tentative d?un groupe
ethnique de faire sécession au sein d?un Etat, l?exacerbation de
l?ethnicité ou alors des alliances ethniques ou identitaires
transfrontalières.
ii-Conflits militarisés et incidents
politiques
· les conflits militarisés :
Ce sont des conflits où deux ou plusieurs Etats
s?affrontent directement militairement ou indirectement. En cas d?affrontement
militaire indirect, cela peut résulter en l?éclatement des
incidents ou des crises mais, sans toutefois résulter en un conflit
militaire direct voire en une escalade. C?est le cas de la crise des missiles
de Cuba de 1962.
62 Bercovitch op.cit, p.7
Bercovitch et Fretter63 précisent que ce
genre de conflit apparaît dans un contexte de relations hostiles intense
où les rapports entre les Etats sont généralement
précédés par une histoire de violence. Dans ce cas, le
risque de l?éclatement et de l?escalade d?une guerre ouverte et
générale est réel.
. Les incidents politiques :
Il s?agit des conflits interétatiques qui peuvent
s?annoncer au-delà des conflits normaux quotidiens tels que les disputes
économiques ou commerciales, les disputes sur les visas, les disputes
diplomatiques-existant entre les Etats. C?est le cas du conflit de pêche
anglo- islandais qui survint entre 1972-1973.
o Ces conflits se manifestent ou se caractérisent par
des démonstrations verbales et politique telles des
dénonciations, des propagandes, des ? Name- calling'' (rappel
des noms), des insultes diplomatiques, des menaces et des ultimatums.
o La particularité des incidents politiques est qu?ils
ne peuvent survenir qu?entre des Etats politiquement amis, c'est-à-dire,
qui entretiennent des relations. Qui plus est, il y en a qui estiment que des
incidents politiques sont uniquement probables entre les grandes
démocraties et que, par conséquent, les chances
d?éclatement d?un conflit violent ne sont pas probant car ces
démocraties ne se font pas la guerre64.
b-L'analyse de l'échelle du conflit
La typologie des conflits selon Galtung se ramène
à quatre composantes : les micros conflits, les méso conflits,
les macros conflits et les méga conflits. Nous allons tour à tour
fournir la quintessence de cette typologie.
i-Micro et Méso conflits
Micro et méso conflits constituent des contradictions,
des divergences d?opinion et d?objectifs entre des individus ou des
entités à l?intérieur d?un groupe ou d?une
communauté, d?un Etat ou d?une nation. Ces deux types de conflits se
rapprochent en ce que l?échelle d?analyse de la conflictualité se
situe à l?intérieur d?un Etat.
. les micros conflits
Deux sortes de conflits caractérisent les micros conflits
: les conflits intra personnels et les conflits interpersonnels
63 Idem, p.8
64 L?ensemble de cette hypothèse est
partagée par les partisans de la théorie de la paix
démocratique.
Le conflit intra personnel dérive des contradictions
à l?intérieur d?un individu sur des choix, la non satisfaction
d?un désir ou l?incapacité d?atteindre des ambitions
souhaitées. C?est un conflit lié à la psychologie interne
de l?individu. Galtung affirme qu?il peut survenir lorsque nos objectifs
sont irréalistes, dépassant nos capacités physiques
et intellectuelles et nous condamnant ainsi à vivre dans la
frustration65, déçu par nos propres limites.
Il peut aussi survenir lorsque nos objectifs sont incompatibles, du
fait d?un dilemme, ou d?un objectif obstacle à un autre
objectif. Le dilemme est une situation qui emmène à
choisir entre plusieurs objectifs entraînant des conséquences de
mêmes natures, généralement douloureuses.
Plusieurs réactions s?observent dans des cas de
conflit intra personnels. Tout d?abord, l?acceptation ou l?accueil, qui peut
permettre à une personne d?accéder à un changement qui la
satisfera au point qu?elle n?aura aucun regret quant à la situation
antérieure. Ainsi, lorsque nous sommes face à la frustration, le
conflit intra personnel se présente à nous comme un «
art de vivre ». Il s?agit de ce que Galtung décrit comme
le fait de :
« Tenir l'arc aussi haut pour que la flèche
vole sur une longue distance et atteigne sa cible. »66
Par exemple, si notre grand père ne peut plus courir
sur 100m, il peut au moins marcher sur cette distance c?est-à-dire
changer d?objectif, ou décider de courir sur 10 m, c?està-dire
réduire son objectif. Et lorsque nous sommes face à un dilemme ou
un objectif obstacle à un autre objectif, le conflit intra personnel
nous permet de faire des choix qui deviennent des principes qui, mis ensemble,
constituent notre philosophie de vie. Ensuite, le refoulement ou le
déni qui rejette les pulsions constitue la seconde réaction face
à un conflit intrapersonnel. C?est même la pire des
réactions possibles, lorsqu?on est face à un conflit qui nous
oppose à nous même. En effet, la frustration conduit souvent
à l'agressivité, d?abord vis-à-vis de soi
même, la personne en viendra à l?auto mutilation, voire au suicide
si elle considère qu?elle n?a pas d?alternatives. Or l?homme doit
toujours faire face à ces frustrations, gérer les dilemmes et
autres situations ambivalentes et contradictoires, en essayant de les modifier,
modérer, interposer et combler le vide existant entre elles. Ne pas y
faire face pourrait le conduire à se faire violence. Le refoulement peut
aussi conduire à l?agressivité vis-à-vis des autres, et
dans ce cas, le conflit intra personnel va se transformer en un conflit inter
personnel.
65 Galtung, op.cit, 2010, p. 21.
66 Id
Un conflit entre personnes apparaît lorsque les parties
s?affrontent. Ceci suppose la présence de deux personnes au moins. Il
peut s?agir d?un couple, de voisins, d?amis, de collègues. Dans ces cas,
appartenir à un groupe d?individus n?est pas déterminant. Mais il
peut arriver que dans un conflit inter personnel, l?une des personnes s?attaque
à une autre, en tant que appartenant à un groupe, une
entité. Par exemple, les personnes attaquées en tant
qu?appartenant à un groupe, une race, un sexe. Dans ce cas, méme
si le conflit est inter personnel, il est l?expression d?un conflit
intergroupe. Dans les conflits inter personnels, le conflit peut trouver son
origine chez une seule des parties en présence, l?autre partie subit
alors une agression qui peut l?obliger à réagir. Le conflit peut
également commencer par une divergence d?opinions, un constat de
comportements différents, une jalousie. Il peut également
être justifié par des questions de valeurs ou de croyances. Les
conflits inter personnels mobilisent chez l?homme la passion, la violence
verbale ou physique. En tous cas, il entraîne une surenchère
critique qui crée un blocage de l?empathie naturelle qui est la
capacité naturelle de se mettre à la place de l?autre.
? Les méso conflits
Les méso conflits sont ceux qui opposent les
communautés, les groupes constitués. Entre des groupes peuvent
survenir des antagonismes liés aux ressources naturelles, à des
questions idéologiques ou identitaires et même à la non
acceptation. Les groupes ont ceci de particulier qu?ils sont très
souvent constitués de fondamentalisme et de profondes revendications.
Dès lors, brandir l?image du groupe ou ses perceptions est un moyen
efficace pour s?assurer le contrôle total de la société et
des avantages y relatifs. Ces types de conflits s?observent dans toute les
sociétés mais leurs impacts diffèrent en fonction des
objectifs poursuivis par les acteurs y impliqués. C?est ainsi qu?ils
peuvent trouver une issue favorable ou alors dégénérer en
violence. Les conflits intergroupes ou intercommunautaires opposent très
souvent les races, les colonies de peuplement, les ethnies, les groupes de
consommateurs pour ne citer que ces cas. Le conflit au Nord Kivu obéit
à ces types de conflit où, des groupes de milices sous fond de
revendication ethnique (Hutu ou Tutsi principalement) alimentent et nourrissent
le cycle de la violence.
ii-Macro et Méga conflits
Macro et méga conflits se situent à une
échelle plus grande, s?observant au niveau des Etats ou dépassant
même le cadre de ces Etats.
. Les macros conflits
Aussi bien que des contradictions naissent entre les
individus ou les groupes, aussi bien elles peuvent s?observer au niveau des
Etats et/ou des nations. Les macros conflits sont donc ceux qui opposent les
Etat et/ou les nations. Ils sont qualifiés dans le jargon
académique de conflits interEtats. Ces types de conflits mettent en
relation au moins deux Etats dont les objectifs sont divergents sur des
questions économiques, politiques, sociales, idéologiques ou
identitaires. Par exemple, le conflit entre le Cameroun et le Nigeria sur la
presqu?île de Bakassi, le conflit Israélo Palestinien sont des cas
vivants de macro conflits. Le conflit du Nord Kivu, avec l?agression ou le
soutien à certaines milices par le Rwanda et l?Ouganda rentre aussi
pleinement dans la catégorie des macros conflits.
. Les méga conflits
Les méga conflits sont ceux qui opposent les nations
et les civilisations. Les causes peuvent être les mémes que dans
des cas de conflits inter personnels. Mais ici, l?idéologie est le
facteur permanent des contradictions. Même si des considérations
politiques sont souvent évoquées pour ce type de conflit, la
culture véhiculant une idéologie explique en profondeur la nature
des antagonismes. Les méga conflits se situent au niveau de la nation ou
la traversent pour interagir avec d?autres cultures. Par exemple, la
colonisation européenne en Afrique qui n?était autre que le
véhicule de la culture judéo-chrétienne comprise comme une
culture de la modernisation et de la conquête, est un cas palpable de
méga conflits. Les conflits interreligieux bien que pouvant se retrouver
au niveau des conflits inter groupes rentrent dans cette même
catégorie de méga conflits. A titre illustratif, nous pouvons
évoquer le conflit entre l?Islam et le Christianisme répandus
dans plusieurs Etats notamment au Nigeria. Les méga conflits ont une
durée très longue, infiltrent toutes les couches sociales d?un
Etat et
finissent par se constituer en habitus. Au nord Kivu, l?impact
de la colonisation Belge quis?observe à travers le marasme
économique et la culture des cadets sociaux explique en
partie
les violences répétitives entre peuples.
Micro, méso, macro et méga conflits ont trois
principales variantes67, ils peuvent être
simples68, complexes69 ou structurels70.
Aussi, le conflit au Nord Kivu obéit à cet ensemble
67 Les variantes des conflits chez Galtung se
déterminent à partir du nombre d?objectif et du nombre d?acteurs
en présence.
d?échelle de conflits. Il va ainsi du niveau
intrapersonnel au plan interethnique et interétatique. Ce conflit est
donc doté d?une certaine complexité.
Toutefois, des approches explicatives du conflit basées
sur les acteurs en présence et sur l?échelle du conflit, quelle
lecture comparative pouvons nous déduire ?
2-Etude comparative entre approches basées sur
les acteurs et la nature du conflit
Faire l?étude comparative entre Galtung et Bercovitch
revient pour nous à montrer les similitudes et les divergences qui
existent entre ces deux auteurs en nous appuyant sur des chefs de comparaison
précis à savoir essentiellement la perception du conflit et les
perspectives théoriques. Tout d?abord, intéressons nous aux
similitudes entre ces auteurs.
a-Similitudes
Pour ressortir les similitudes entre les auteurs, nous allons
nous servir des chefs de comparaison suivant : la perception du conflit,
l?introduction d?une tierce partie dans la gestion des conflits, la contenance
de l?approche de Bercovitch par celle de Galtung.
i-Perception du conflit
Galtung et Bercovitch conçoivent le conflit comme
inhérent à la nature humaine. Bercovitch s?exprime d?ailleurs en
ces termes: « Of all the social processes, conflict is perhaps the most
universal and potentially the most dangerous. A feature of every society and
every form of relationship, conflict can be found at all levels of human
interaction, from sibling rivalry to genocidal warfare. We all face conflicting
emotions and impulses as we respond daily to situations of conflict in our
personal relationship»71.
Galtung quant à lui, pense que la contradiction existe
dans toute chose y compris chez l?être humain. Il s?exprime d?ailleurs en
ces termes : la vie va de pair avec la contradiction. Pour l?auteur, la racine
du conflit est la contradiction, d?où la liaison du conflit à la
vie. C?est pour cela qu?il affirme que prévenir ou éviter qu?un
conflit n?éclate n?a pas de sens.72
Ces deux auteurs pensent qu?une relation conflictuelle se
caractérise par un ensemble spécifique des attitudes et des
comportements incompatibles. Ils ont presque la même perception des trois
composantes d?un conflit. Galtung parle de l?attitude, du comportement
68 Conflits où l?on a 01 acteur avec 02
objectifs ou, situation conflictuelle où l?on a 02 acteurs avec 01
objectif. Rappelons qu?ici, les objectifs renvoient aux problèmes
à résoudre.
69 Situation où l?on a plus d?1 acteur avec
plus d?1 objectif.
70 Ici, il n?ya ni acteur, ni objectif. C?est un
conflit dans la structure qui se manifeste sans que soit
directement Perceptible la cause, non plus celui qui le commet. Seuls les
intérêts sont présents dans les conflits structurels.
71 Bercovitch op .cit, p3
72 Galtung op.cit, 2010. pp 13 -14
et de la contradiction73. Bercovitch quant
à lui parle de conflict situation, conflict attitude
et de conflict behaviour74. Tous deux voient dans le
conflit une certaine dynamique montrant que le conflit n?est pas statique et
passif.
ii- Introduction d'une tierce partie dans la gestion
des conflits
La médiation intervient lorsque les parties
impliquées dans une dispute internationale se retrouvent dans
l?incapacité de résoudre le problème par le moyen de la
négociation. On fait ainsi appel à un Etat tierce ou une
troisième personne qui servira de pont entre les Etats en conflit pour
résoudre le problème ou sortir de l?impasse et trouver des
compromis. Cette tierce personne ou Etat peut être choisie par les
parties en conflit en raison de sa renommée, de son importance ou de sa
position stratégique. Mais elle peut aussi être
déléguée par les organisations internationales notamment
l?ONU. Aussi cette troisième personne doit être neutre et
impartiale pour qu?aucun Etat ne se sente léser et que chacun y trouve
son compte. Elle a ainsi pour rôle d?encourager la reprise des
négociations, de proposer une voie additionnelle de communication avec
les parties en conflit ensemble ou séparément.
Galtung et Bercovitch reconnaissent que l?introduction d?une
tierce partie pour trouver une solution à un différend est
adéquate. Les deux reconnaissent que le médiateur doit être
flexible dans le comportement, avoir des solutions créatives et
faciliter le dialogue entre les parties en conflit. Bercovitch s?exprime en ces
termes: « It is often said that mediation is more like to
be successful in international politics because it retains the flexibility and
control over the conflict management process, while adding extra resources and
creativity. That is, mediation can break negotiation deadlocks, re-open
channels of communication, provide face-saving for concessions, propose
creatives solutions »75 .
Selon Galtung, la sphère intellectuelle,
compétitive, belliqueuse et fragmentée est composée
d'acteurs aspirant à une domination sur leurs comparses, tels des
gladiateurs au sein d'une arène. Dans un tel contexte, le dialogue
permet la stimulation de l'esprit tolérant et tend à flexibiliser
les paradigmes alors plus perméables. Cette malléabilité
s'accompagne d'une posture d'ouverture et non de rejet de paradigmes
perçus comme antagonistes.
73 Ibid ,p163
74 Bercovitch, op.cit.3
75 Id
iii- La typologie de Galtung contient celle de
Bercovitch
Certains types de conflit catégorisés par
Bercovitch à savoir les conflits civils internationalisés, les
conflits interétatiques peuvent être inclus dans la typologie de
Galtung. Les conflits interétatiques évoqués par
Bercovitch se retrouvent chez Galtung au niveau des macros conflits. L?une des
causes des conflits interétatiques évoqués par Bercovitch
est la dispute territoriale76.Galtung fait ressortir cette cause
dans le conflit entre l?Equateur et le Pérou, le conflit entre la
Norvège et le Danemark à propos de l?Est du
Groenland.77
Les conflits civils internationalisés se retrouvent
chez Galtung au niveau des méso conflits. L?une des causes de ces
conflits évoqués par Bercovitch est la lutte pour
l?indépendance, la décolonisation. Galtung illustre ce type de
conflit à travers le cas d?Hawaï78.
b-Les divergences
Nous traiterons ici de l?opposition des approches
typologiques des conflits entre Galtung et Bercovitch. Nous allons tour
à tour nous appesantir sur les écoles théoriques de ces
deux auteurs, sur les fondements des classifications qu?ils font des conflits
ainsi que sur leurs propositions dans l?optique de réaliser
l?idéal de paix.
i-Réaliste et pluraliste
En observant analytiquement la pensée de Bercovitch, nous
pouvons déduire qu?il est réaliste. En effet, Bercovitch
perçoit les Relations Internationales comme des rapports
essentiellement régulés par les Etats et/ou les
nations. Ces derniers ont cette principale prioritéqu?ils ne
se battent que pour préserver leurs intéréts par tous les
moyens possibles. La politique internationale est donc un jeu à somme
gagnant où l?intimidation, la propagande et bien d?autres moyens de
dissuasion sont utilisés en vue de se positionner afin de faire peser
la balance de son côté. La déduction en est que les
conflits sont alors conçus comme une opposition entre les Etats qui
veulent imposer leurs règles. A ce titre, l? auteur
souligne « International conflict like peace is a process ... It's
behaviour consist of nation organise an collective effort to influence
control or destroy the persons and property of another nations
»79. Les Etats existent dans un contexte anarchique
où l?on note une absence de normes devant réguler leurs
rapports. Il est vrai Bercovitch ne nie pas l?existence des conflits
76 Id p.7
77 Ibid pp 96-97
78 Ibid pp99-101
79 Bercovitch op .cit, p 4
dont les acteurs sont intra étatiques mais ils
minimisent leurs capacités à pouvoir produire des effets violents
d?autant plus que les autorités les régulent aussi savamment.
Ainsi la lutte des transporteurs publics par exemple « rarely produce
extensive violence or numerous causualities. More over, the parties themselves
or legal authorities can resolve such conflict. In oder word they are regulated
»80.
Notons alors que, cette position théorique influence
l?approche de la typologie des conflits de Bercovitch ne considérant un
conflit international que s?il y a au moins deux Etats en jeu. Le
cas du terrorisme peut être évoqué, mais quand bien
méme Bercovitch l?évoque il ne rentre aucunement dans sa
typologie ; à la seule condition qu?un Etat second ou tiers intervienne
pour soutenir la faction qualifiée de terroriste ou le gouvernement
investit contre lequel cette faction se bat.
Par contre, la perception ou l?approche de Galtung est
beaucoup plus pluraliste, constructiviste.
Dans son schème d?intelligibilité, Galtung
élargit son champ d?acception des relations internationales aux acteurs
non étatiques tels que : les individus, les groupes constitués,
les réseaux internationaux, les firmes nationales et multinationales
pour ne citer que ces cas. Ainsi, pour cet auteur les relations internationales
ne sont plus que l?apanage des Etats car quelques fois ceux-ci subissent
l?influence des acteurs non étatiques. De là, l?infrastructure ne
détermine plus la superstructure comme le croiraient les marxistes
fondamentalistes ou des néo réalistes. Galtung en fait n?est pas
pour l?opportunisme en politique, mais plutôt pour la recherche des
solutions durables et mutuellement acceptable par les parties en conflits.
L?objectif est donc pour lui d?agir par des moyens pacifiques pour arriver
à la paix comme le dévoile son ouvrage Peace by peaceful
means81 qui l?illustre bien. Notre auteur dans sa perspective
théorique, propose alors de transcender c?est-à dire aller au
delà du conflit pour en trouver non pas seulement un compromis, mais une
solution positive censée restaurer les valeurs humaines aux parties en
conflit. Ce qui s?oppose à la logique de Bercovitch qui, méme
s?il propose des moyens pacifiques de résolution des conflits,
évoque la force ou la violence comme moyens de restaurer la paix. Il
faut le dire les propositions de Galtung en termes de suivi des
sociétés relève de l?idéal. C?est le cas lorsqu?il
parle de la paix positive comprise comme la réalisation totale de
l?harmonie et de l?équité sociale, l?absence de tout
affrontement, la restauration de la justice sociale et
générationnelle.
80 Idem p 4
81 Galtung, Johan: Peace by peaceful means. Peace
and Conflict Development and Civilisation. Prio/Sage, Oslo/London, 1996
Bien plus, percevons la méthode de Galtung. Aussi bien
qu?il analyse les conflits, il recherche le sens, la signification de ces
conflits pour les parties en présence. En traitant par exemple de
l?infidélité dans son ouvrage transcendance et transformation
des conflits82, Galtung présente trois manières
de concevoir le mariage, conception inspirée des confessions
effectuées par les trois belligérants au médiateur. La
première partie pense que le mariage ne réussit que si
basé sur la fidélité. La seconde partie pense à une
réconciliation même après une situation
d?infidélité. Tandis que la troisième partie se morfond
d?avoir été l?objet d?un trouble dans le mariage de sa meilleure
amie83Le sens ici décrit permet alors au médiateur de
comprendre les positions des parties pour établir une bonne
classification des objectifs dans l?optique de les transcender. Par là,
notre auteur construit sa stratégie de paix.
De ce qui précède, il ressort que nos deux
auteurs Bercovitch et Galtung sont respectivement réaliste et pluraliste
; ce qui les oppose et les différenciera au niveau des typologies de
conflit qu?ils proposent, l?un ayant pour fondement l?Etat et l?autre ayant
pour unité d?analyse tout autre acteur des relations internationales
aussi bien que l?Etat.
ii-Causes et acteurs en présence
Dans sa classification des conflits Bercovitch insiste ou
alors prend pour critère la nature, la cause de ce qui
génère le conflit. Cette classification met en exergue l?objet du
différend entre les parties. Il peut s?agir des questions territoriales
(conflit Ethiopie Erythrée sur la région l?Ogaden), des luttes
idéologiques et positionnement (l?Inde et le Pakistan en 1948), des
ressources naturelles (la guerre du Biafra) ; des querelles diplomatiques pour
ne citer que ces cas. A bien des égards, le choix est porté sur
l?origine de la discorde entre les parties ; ce qui nous fait considérer
que cette catégorisation présente plus la situation séant
à l?émergence du conflit ou y dérivant. A ce titre
Bercovicth affirme « we divided them into four mains
types, which help to explain their causes and the form they take
» 84
En plus de la cause, Bercovitch classifie les conflits selon
la forme qu?ils prennent. Ainsi par exemple, une mésentente sur une
question de visa peut déboucher sur des injures diplomatique bref un
incident politique voir même un conflit militarisé et bien plus.
Aussi, un irrédentisme ou une crise politique peut déboucher sur
des considérations sécessionnistes avec pour parallèles
des affrontements indirects entre superpuissances. A titre illustratif, nous
82 Galtung : transcendance..., op cit
83 Galtung op.cit, 2010, p.43
84 Bercovitch op.cit, p 7
pouvons évoquer le soutien des américains
à l?UNITA de Jonas Savimbi et celle de l?exURSS au MPLA lors de la lutte
d?indépendance en Angola.
Par contre, la classification de Galtung est en quelque sorte
différente de celle de Bercovitch. En effet, il pose pour critère
de classification les acteurs en présence dans le conflit, la dimension,
l?ampleur et la taille du conflit. Des micros conflits jusqu?aux méga
conflits, on assiste à un ordonnancement en fonction des
échelles, du niveau auquel se situe le conflit. Ainsi, le conflit peut
soit se situer au niveau intra personnel, interpersonnel, au niveau des
groupes, des communautés, des Etats ou des réseaux
transnationaux. De là, l?intensité du conflit sera fonction des
acteurs qui y sont impliqués. Il est vrai, Galtung évoque les
causes des conflits mais, il n?en insiste pas pour effectuer sa typologie. Le
type d?acteur est donc ici l?unité de perception des
incompatibilités et contradictions. Cette dernière approche est
plus large en se sens qu?elle intègre tous les sujets de droit
international. Elle est globalisante et va plus loin que l?approche
classificatrice de Bercovitch en ce sens qu?elle l?intègre et la
dépasse. Par exemple, Bercovitch ne reconnaît pas ou alors ne
recense pas dans sa classification les conflits structurels. Pourtant, Galtung
les classe parmi les méga conflits et en explique bien les
mécanismes. Sans doute, les représentations théoriques et
réalistes de Bercovitch susmentionné l?en empêchent,
d?où la limite par rapport à la perspective de Galtung.
Ainsi, Bercovitch présente une typologie des conflits
se référant aux causes tandis que Galtung présente une
typologie se référant aux types d?acteurs impliqués dans
le conflit.
iii-Gestion et transformation/transcendance des
conflits
Ayant présenté les oppositions entre nos deux
auteurs au plan épistémologique, conceptuel et typologique,
essayons de déterminer leurs propositions en terme de construction de la
paix.
Primo, Bercovitch est d?avis que les conflits ne peuvent
être prévenus mais plutôt gérés
(managés) ou résolus. A ce titre il distingue trois principales
approches de gestion des conflits internationaux à savoir l?approche
diplomatique, légale et politique85L?approche diplomatique
est poursuivie par les Etats à travers la négociation
bilatérale. Ici, le processus de négociation est entretenu
uniquement par les Etats. Ceux-ci s?efforcent à résoudre leurs
différends tout d?abord par les canaux diplomatiques normatifs. S?il y a
échec ils vont à la négociation directe dans un
environnement neutre. Si une fois de plus l?échec se présente
alors les Etats font appel à une troisième partie pour assurer la
médiation, engager une
85 Id pp 14-15
conciliation ou effectuer une enquête. Les Etats sont
par là tenus d?utiliser une de ces méthodes ou toutes
complètement.
L?approche légale est basée sur l?establishment
du droit international pour régler les conflits internationaux. Ici, les
Etats décident par leur gré de soumettre leurs différends
à une instance judiciaire telle que la CIJ ou la CPI. Ils ont la
possibilité de le faire soit à travers l?arbitrage ou le
règlement judiciaire.
Quant à l?approche politique encore nommé
fonctionnaliste, elle est celle basée sur l?establishment des
organisations internationales. Ainsi, pour celles-ci, les conflits
internationaux doivent se résoudre par le truchement des institutions
telles l?ONU, l?UA pour ne citer que ces exemples.
Cette perception de la résolution des « conflits
» selon Bercovitch est fondée sur la justice, la force ou le
compromis, ce qui ne se situe pas dans le sillage de ce que propose Galtung.
Secundo, Galtung quand bien méme accepte l?idée
d?un médiateur pour gérer le conflit, met beaucoup plus l?accent
sur la façon donc il faut le faire. En proposant l?effort personnel dans
la recherche des solutions durables, la créativité, la compassion
et la passion. Cet auteur se situe beaucoup plus dans une perspective
transformatrice. Sa méthode
Transcend86 le souligne bien, il faut
transformer le conflit, le transcender pour permettre aux parties de vivre
ensemble malgré les contradictions. L?effort est donc celui
d?empêcher l?escalade des conflits via la prévention de la
violence.
Nous dirons alors que, Bercovitch et Galtung en quelque sorte
font renaître le débat académique entre minimalistes et
maximalistes de la consolidation de la paix.
Toutefois, dans le cadre de cette étude, nous avons
opté pour la typologie des conflits selon Galtung, c?est-à-dire
celle qui met en exergue le type d?acteur impliqué dans le conflit. Deux
raisons expliquent ce choix. Primo, la violence au Nord Kivu intègre
toutes les catégories de conflit proposées par l?auteur et,
secundo, la transformation des conflits intergroupes existant dans cette
région de RDC constitue notre objectif principal, ce qui sied avec
l?approche de construction de la paix selon Galtung.
86 Cette méthode suppose la construction d?un
monde pacifique par des moyens tels l?éducation et la recherche pour
transformer les conflits de façon non-violente. Ajouté à
cela, l?empathie et la créativité pour de résultats
meilleurs et durables. Pour une lecture approfondie sur la méthode
transcend Cf
www.transcend.org
CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE
Le cadre théorique de cette étude
présente les théories qui nous permettent d?avoir une position
épistémologique. Dans un premier temps, nous présentons
quelques théories des conflits majeures (I) et dans un second temps,
nous déterminons quelques approches de nonviolence(II).
I-Quelques théories des conflits
Nous présentons ici quelques théories majeures
utilisées dans l?analyse des conflits et des cas de violences dans le
schème des Relations Internationales. Il sera question d?une part
d?aborder les théories restrictives (A). D?autre part, nous allons
fournir une explication des théories extensives (B). L?objectif est
à la fin de cette analyse d?en déduire notre position
théorique.
A- Les théories restrictives
Les théories restrictives concernent essentiellement
les théories réalistes (1) et les théories
libérales (2). Il est à considérer qu?elles sont dites
restrictives parce qu?elles polarisent les Relations Internationales et les
situations conflictuelles et de violence au sein de l?Etat.
1- Les théories réalistes
Le réalisme se subdivise en 2 théories : le
réalisme classique et le néo-réalisme.
Le réalisme peut être remonté à
Hobbes. Cette théorie sera reprise après la deuxième
guerre mondiale par Hans Morgenthau qui publie en 1950 un livre intitulé
Politics Among Nations : The struggle for power and
peace87. Dans son livre, il définit la théorie
réaliste ainsi qu?il suit : le réalisme croit que le monde tout
imparfait qu?il est d?un point de vue rationnel, est le résultat de
forces inhérentes à la nature humaine. Pour rendre le monde
meilleur, on doit agir avec ses forces et non contre elles. Ce monde
étant par inhérence un monde d?intérêts
opposés, et de conflits entre ceux-ci, les principes moraux ne peuvent
jamais entièrement être réalisés mais doivent au
mieux-être rapprochés à travers l?équilibrage
toujours provisoire des
87 Morgenthau, Hans: Politics among nations, the
struggle for power and peace. Alfred .A.Knoff, New York, Fourth
Edition,1948
intérêts et le règlement toujours
précaire des conflits88. Selon Morgenthau donc, il faut
considérer l?humain et les rapports sociaux notamment les rapports
politiques tels qu?ils sont et non tels que l?on voudrait qu?ils soient au nom
de quelques idéaux. Les réalistes s?opposent donc à une
projection idéalisée de l?homme et veulent le voir tel qu?il est
réellement et l?homme est selon Hobbes auquel il se réfère
: un loup pour l'homme. L?homme est donc de nature essentiellement
égoïste ; dès lors les relations entre les hommes ne peuvent
être qu?antagonistes et les relations entre les Etats dirigés par
les hommes ne peuvent être qu?antagonistes. Chacun voulant toujours la
part du lion. Les Etats sont donc selon les réalistes toujours en
quête de puissance et cette quête effrénée de la
puissance, est l?expression méme de la volonté de la sauvegarde
de l?intérêt national. Au niveau individuel ou inter personnel,
chacun cherche à prendre avantage sur l?autre. Dans
l?intérêt national, les Etats se voient contraints de faire usage
de la force ceci pour assurer leur sécurité. Dans la perspective
réaliste, les relations internationales fonctionnent sur la base de 4
principes :
o Les Etats sont les seuls ou les principaux acteurs
internationaux
o L?Etat est par nature unitaire
o L?Etat est rationnel et vise constamment à maximiser
son intérét national. Ce qui implique le recours
périodique à la force
o La sécurité et les questions politiques
constituent l?unique ou la principale finalité de la politique
étrangère.
Pour eux donc, les relations internationales sont
dominées par l?anarchie et la prédominance des
intéréts sur les considérations morales. L?instauration
d?une paix définitive est donc une illusion en raison de la
souveraineté, des ambitions, des inégalités et de la
méfiance mutuelle.
Au Nord Kivu l?application de la théorie
réaliste s?observe par la prégnance des Etats voisins qui sont le
Rwanda et l?Ouganda sur les ressources naturelles de cette région. Mais,
cette théorie reste limitée dans l?explication des facteurs
psychologiques qui nourrissent la violence tels que la peur ou l?influence de
la pauvreté.
88 Id , p.3
2- Les théories libérales
Le libéralisme est la théorie qui critique la
théorie réaliste. On distinguera le libéralisme classique
et le néo libéralisme.
C?est une théorie du consensus qui est née en
opposition au réalisme. Désireux d?une société
libérale c?est-à-dire dans laquelle les individus sont libres, et
en même temps conscients de l?anarchie ou des conflits que peut engendrer
une liberté de faire ce que l?on veut sans se soucier du
préjudice qu?on fait à l?autre, les libéraux pensent que
le gouvernement doit établir des lois qui respectent les libertés
individuelles et prennent en compte les interactions entre les individus.
L?Etat est donc l?instance qui peut garantir à chaque individu ses
intérêts et ses besoins. Au niveau international, il faut des
institutions qui fixent les normes et lois internationales auxquelles tous les
acteurs doivent se conformer afin de promouvoir la paix. Les libéraux
reconnaissent le postulat de l?anarchie à l?intérieur des
sociétés et au niveau international, mais croit à la
possibilité de neutraliser cette anarchie. Soit en recourant à
l?Etat, soit en recourant à une instance comme l?ONU. Ils croient donc
à la possibilité de constituer ou d?organiser des relations
basées sur l?égalité, la liberté et la
rationalité. Les libéraux rationalistes tels que Kant et Hegel
estiment que seuls les Etats autoritaires donc non légitimes, ont
constamment besoin de recourir à la force pour imposer leur
volonté. Kant est donc persuadé que le triomphe de la raison et
de la démocratie à l?échelle mondiale signifiera la fin de
l?histoire des guerres et l?instauration d?une paix universelle
durable89. Montesquieu pensait que les rivalités entre les
Etats sont moindres dans la mesure où ceux-ci entretiennent des
échanges commerciaux. Il reste persuadé que le commerce est un
très bon instrument de paix.
Malgré des décennies de guerre dans les Grands
Lacs, des échanges commerciaux s?établissent entre Nord Kivu et
les Etats voisins de la RDC. Mais, la paix n?y est pas toujours effective. Les
théories libérales sont donc insuffisantes pour proposer des
voies adéquates de retour à la paix dans cette région.
B- Les théories extensives
Les théories extensives concernent essentiellement la
théorie de la dépendance (1) et le constructivisme (2). Elles
sont dites extensives parce qu?elles étendent le champ de
compréhension de la violence à d?autres acteurs des Relations
Internationales tels que les individus .
89 Roche, Jean Jacques: Théories des
Relations Internationales. Montchrestien, Paris, 6è édition,
2006, p.88
1-La théorie de la dépendance
Au niveau des Relations Internationales, l?une des variantes
les plus dominantes du marxisme est la théorie de la dépendance.
Cette théorie s?est développée dans les années 60
en Amérique latine à la suite de la stagnation voire de la
régression économique et de l?incapacité des
modèles de développement issus de l?Amérique du nord
à impulser la croissance. Pour expliquer les raisons du non
développement et de l?inégalité persistante et
grandissante entre les pays riches capitalistes et les pays pauvres du
tiers-monde certains économistes notamment argentins et
brésiliens développèrent la théorie de la
dépendance. D?après cette théorie, le monde est
constitué d?un centre ou d?un certains nombres de centre et d?une
périphérie avec quelques Etats considérés comme
pays intermédiaires. Cette théorie explique donc le
déséquilibre entre le centre et la périphérie comme
étant d?ordre structurel. Cela signifie qu?il y a un centre parce qu?il
y a une périphérie et qu?il y a une périphérie
parce qu?il y a un centre. Ce qui veut dire que dans le fonctionnement du
centre, il y a certaines lois qui l?amènent automatiquement à
exploiter la périphérie pour exister comme centre. Ainsi donc, la
périphérie est maintenue dans un état de dépendance
structurel par rapport au centre. Les relations au niveau international
fonctionnent donc pour maintenir cet état des choses. Les relations
politiques étant d?après la philosophie marxiste,
dépendante des rapports économiques, la politique internationale
est donc dictée par le centre puissant pour sauvegarder ses
privilèges et perpétuer sa domination sur la
périphérie90. Les Relations Internationales
apparaissent donc comme marquées par un conflit structurel fondamental.
La théorie de la dépendance fournit non seulement les causes du
sous-développement, mais aussi donc les voies de sorties possibles. Les
dépendantistes pensent que tous les modèles de
développement euro-américains imposés par ces derniers et
appliqués par les pays du tiers-monde par le centre, participent de la
sauvegarde des intérêts des pays industrialisés et
contribuent ainsi au développement du sous-développement dans les
pays du tiers-monde. Cette structure des Relations Internationales ne sert que
l?élite des pays sous-développés et favorise ainsi dans
ces pays l?émergence d?une bourgeoisie comprador qui, à
son tour exploitent la population et reproduit ainsi au niveau local, ce qui se
passe au niveau global. Pour sortir de cette situation, Certains
dépendantistes prônent un remplacement des modèles de
développement imposés par le nord par des modèles
endogènes91. D?autres prônent une révolution
socialiste. Quelques-uns encore prônent un détachement du
marché international et
90 Id pp.124-127
91 Celso Furtado par exemple est de cette approche
le développement d?un marché
régional92. Certains prôneront même une
véritable autarcie. La thèse qui sera la plus répandue et
fondera une politique concertée des pays du tiers-monde sera celle d?un
Nouvel Ordre Economique Mondial. Jusqu?à la fin des années 80,
l?avènement de cet ordre économique mondial qui romprait avec les
mécanismes de dépendance et permettrai enfin un
développement dans les pays sous-développés sera le
programme central des Institutions comme : l?Association des Pays
non-alignés, l?Organisation de l?Unité Africaine (QUA).
Les accords UE-ACP constituaient des tentatives de
réponses à une telle demande et étaient censés
contribuer à la résolution du conflit entre le centre et la
périphérie du moins pour ce qui est des pays européens et
de leurs anciennes colonies. Ces démarches conciliantes même si
elles ont été loin d?être efficaces, se sont
imposées du fait de la bipolarisation du monde, donc de la guerre froide
et de la nécessité pour les pays occidentaux de ménager
les pays du Sud, pour éviter qu?ils ne basculent dans le camp ennemies
socialistes. Avec la chute du mur de Berlin et la fin de la guerre froide,
l?attitude du centre va changer radicalement. L?attitude conciliante visant
à désamorcer la tension avec le tiers-monde va céder la
place à un dur cisaillement et la formulation de conditionnalités
comme pré requis dépendantistes pour cacher leur propre incurie,
leur malversation et la mauvaise gouvernance dont ils sont responsables. Les
recherches des causes exogènes au conflit dans les pays
sous-développés se voient taxés de subterfuge pour se
dédouaner de leur responsabilité historique de la situation de
marasme dans lequel ils ont plongé leur pays, dans la corruption
généralisée qui inhibe tout effort de développement
et dans le tribalisme outrancier auquel ils recourt pour s?octroyer des
avantages exorbitants et empêcher toute démocratie. Qn assiste
alors à un véritable changement de paradigme. Les causes et les
auteurs du sous-développement, de la pauvreté et du
désordre social et politique sont désormais avant tout
recherchés au niveau interne.
En ce qui concerne la RDC, le déséquilibre
structurel avec la Belgique s?observe. Mais, les structures politiques et
économiques ne suffisent pas pour cerner la dynamique de la violence
dans ce pays en général et au Nord Kivu en particulier. Des
éléments tels la socialisation de la haine à travers des
générations d?hommes, de femmes et d?enfants permettent de mieux
appréhender l?escalade de la violence.
92 Samir Amin par exemple est de cette approche
2- Le constructivisme
Le constructivisme s?est développé dans les
disciplines telles que l?Anthropologie et la Philosophie. En tant que
théorie des conflits, le constructivisme repose sur certaines
théories fondamentales :
· Toutes les pratiques sociales sont en relation avec le
contexte particulier dans lequel elles sont produites ou reproduites. Ces
contextes peuvent être d?ordre historique, politique, économique
ou géographique ;
· le constructivisme pense que toute situation est la
résultante d?une vision des choses. Il n?y a donc pas de
réalité en soi mais de réalité telle que
vécue et telle que perçue. On peut vivre une situation comme
oppressante à un moment donné, alors qu?à un autre moment
on n?a pu la vivre d?une autre manière.
Dans la théorie des Relations Internationales,
Nicholas Onuf est vraisemblablement le premier à appliquer le
constructivisme à la fin des années 80 notamment dans son livre
World of Our Making93. Dans ce livre, il
s?oppose aux théories néo-réalistes et
néo-libérales. Il reproche aux unes et aux autres d?être
anhistoriques et d?être incapable d?expliquer le changement dans
l?histoire. Ainsi donc, à ceux qui pensent que le comportement des
acteurs est essentiellement guider par des contraintes de divers ordres, ou par
une nature humaine immuable, les constructivistes répondent que les
règles et les normes infléchissent certes profondément le
comportement des acteurs, déstructure la vie internationale, mais que
les acteurs sont capables à tout moment de faire des arrangements
intersubjectifs pour ainsi créer de nouvelles situations en modifiant
celles qui existent. C?est ainsi que de nouvelles institutions peuvent voir le
jour tant au niveau national, qu?international. Le comportement des acteurs ne
s?inscrit pas toujours dans un cadre préétabli et n?obéit
pas à des règles figées mais crée de nouvelles
possibilités et introduisent de nouvelles règles. Les
constructivistes pensent que les institutions et les structures sont
fondamentalement des constructions sociales, c?est-à-dire le
résultat de l?imagination et de l?interaction entre les forces en
présence, même si elles sont institutionnalisées et
formalisées. De la même manière ils pensent que les buts et
les comportements des agents sont conditionnés par les cadres
institutionnels, mais également par les autres acteurs. Il en ressort
clairement que le constructivisme s?inscrit en faux contre l?idée
réaliste selon laquelle les institutions ne seraient que le reflet des
intérêts des grandes puissances. Les constructivistes font valoir
le fait que la mise en place des institutions au
93 Onuf, Nicholas: World of our making, rules and
rule in social theory and international relations. University of South
Carolina Press, Michigan, 1989
niveau international n?est pas le seul fait des Etats mais
également celui des acteurs non étatiques qui sont
perpétuellement en concurrence, proposent des normes et finalement
aboutissent à des accords sociaux. Ils réfutent l?idée que
tout soit prévisible et obéissent à une logique clairement
identifiable pour introduire l?idée de la surprise, de l?inattendu et
des voltes face. D?autre part, le constructivisme réfute les approches
néolibérales et néoréalistes en ce sens qu?il ne
perçoit pas les règles comme des moyens de régulation,
comme une contrainte ou alors comme participant aux calculs, coûts,
bénéfices des acteurs. En effet, la définition même
ou mieux la perception des intérêts peut varier. Les règles
du jeu et les aménagements sont l?aboutissement des comportements des
acteurs. Il en ressort que le changement dans la politique internationale, mais
également le changement dans un groupe se produit lorsque les acteurs
par leur pratique changent les règles et les normes constitutives de
l?interaction. La plupart des règles ne font que formaliser le
développement d?une activité. Les règles créent
donc la possibilité de l?activité, mais l?activité
crée également les règles. Les constructivistes
redéfinissent également les concepts d?intérêt et
d?identité94. Ils pensent que les intérêts sont
des constructions sociales et sont de ce fait dynamique et doivent être
appréciés par rapport à des contextes historico-culturels
et socio politique. L?identité est également une construction. La
définition de ce que l?on est ou de ce que l?on n?est pas est tributaire
du contexte et des enjeux. Dès lors, aussi bien la violence a des causes
multiples, complexes et construites, la solutionner peut être l?issue
d?une construction entre acteurs y impliqués.
Dans l?optique de la transformation des conflits au Nord
Kivu, cette étude a utilisé la théorie constructiviste. En
effet, les séries de violence observées depuis les années
1990 ressortent les antagonismes historiquement ancrés dans les
relations sociales dues par la construction au sein des groupes du mythe de la
supériorité ou de l?infériorité. Dès lors,
les griefs tels la mauvaise redistribution des ressources naturelles,
l?ouverture au dialogue politique, ne constituent que des manifestations de
cette profonde fracture historique entre groupe qui vit dans l?imaginaire
sociale et entretien le quotidien. Aussi, la dynamique des alliances entre
groupes, milices ou ethnies au Nord Kivu, montre que les relations intergroupes
peuvent prendre de nouvelles formes du jour au lendemain. Les alliances se
nouent et se délient en fonction des objectifs visés par les
acteurs en conflit. Il est donc considéré qu?elles font et
défont la paix, c?est-à-dire la construisent ou la
déconstruisent. A travers les alliances des acteurs en conflit au Nord
Kivu, l?analyse décèle que la paix y est
94 Roche op.cit, p.142
construite. Le constructivisme est donc l?outil
théorique qui explique le mieux l?escalade de la violence directe au
Nord Kivu.
II-La non #177;violence
La non-violence définit l?ensemble des moyens
utilisés en situation de conflit pour se faire respecter tout en
respectant les adversaires. C?est non seulement un moyen de gérer et
régler les conflits sans violence, mais aussi un moyen d?action qui
restitue aux individus et aux peuples le pouvoir dont ils remettent
habituellement une large part aux Etats. C?est donc une chance pour la paix
positive. Rosenberg Marshall la définit comme «
une attitude intérieure d'écoute par laquelle
on s'exprime sans empiéter sur le territoire de l'autre, sans lui
attribuer des sentiments ou des étiquettes, sans le juger
»95.
Le terme non-violence apparait en 1920 dans la bouche et sous
la plume de Gandhi qui traduit le mot Sanskrit « ahimsa » qui veut
dire « non-nuire ». Mais, il faut relever que Gandhi n?a pas
inventé le terme, il n?a fait que le traduire. En effet, plusieurs
moyens non-violents (grèves, refus d?obéissance) sont très
anciens. La différence en est que ces moyens étaient rarement
associés au refus de la violence. Gandhi par contre a initié le
refus de la violence. La non-violence est dès lors une forme de lutte
qui cherche parfois à convaincre l?adversaire ou à
l?empêcher de nuire tout en respectant sa personne, et s?opère
à travers des moyens tels : la parole, la discussion, la
négociation, le respect des personnes, l?information et l?opinion.
Martin Luther King, retraçant les origines de la
ségrégation des noirs et de l?application des principes
non-violents dans son combat, considère que la non-violence suppose la
non atteinte à l?intégrité physique d?un individu quoi que
soit ignoble le mal commis. Pour lui, la violence crée plutôt de
nouveaux problèmes et favorise une surenchère critique. Ainsi, le
recourt à la violence dans la lutte pour la justice créera des
générations de vivants dans « la nuit
désolée de l'amertume, et leur principal héritage sera le
règne infini du chao »96. Dans ce cas, le recourt
à une alternative à la violence est susceptible de créer
de nouvelles relations viables. Cette alternative c?est la non-violence qui
signifie aussi nonagression, paix du coeur et amour dans une situation
conflictuelle. King assimile la non -- violence à la paix positive. A ce
titre, il asserte que la présence de certaines forces positives
95 Rosenberg, Marshall : Les mots sont des
fenêtres/ ou bien ce sont des murs. Initiation à la communication
non violente, Syros, 1999, p.29 cité par Maurel, Olivier : La
non-violence active. 100 questions-réponses pour résister et
agir. La Plage, Montpellier, 2001
96 King, op.cit
tels la justice, la bonne volonte et la
fraternite97 sont des vertus de la non-violence. Ce concept est
alors legitime par cinq arguments : le rejet de la peur, la résistance
non violente, l?acte non violent, l?amour et la justice.
La non --violence n?est pas la peur, mais une
résistance authentique. Ceci est dff par le fait que le résistant
non violent s?oppose aussi aux maux contre lesquels il proteste que le partisan
de la violence. Sa méthode est dite passive ou non agressive parce
qu?elle n?attaque pas physiquement son opposant. Mais, « son esprit et
son coeur sont sans cesse en éveil, il cherche constamment à
convaincre l'autre de ses erreurs »98. Si elle est passive
par rapport au physique, elle suppose une action spirituelle intense, une
agression spirituelle dynamique.
Par la suite, la resistance non violente ne vise pas à
humilier son opposant, mais à gagner son amitié et sa
compréhension. C?est un acte de réconciliation.
Les forces du mal et non les personnes saisies par le mal sont
celles contre lesquelles la non-violence est dirigee. Dans ce cas, la
destruction vise les forces mauvaises et non des personnes dont elles se sont
emparees.
En meme temps qu?elle écarte toute violence
extérieure, la non agression écarte aussi toute violence
intérieure de l?esprit.99 L?amour est ainsi au coeur de la
non-violence. Precisons qu?il ne s?agit pas ici d?un amour au sens
philosophique platonicien ou d?une affection entre ami. L?amour
caractère fondamental de la non-violence est un amour Agapé
qui evoque une compréhension, un flot d?amour qui ne demande rien
en retour, une bonne volonté comprehensive. De par cette perception, le
resistant non violent est persuade que la justice est une valeur
universelle.
La non-violence designe dès lors resistance,
endurance, acceptation et volonte de construire une paix positive. King
rencherit que « si nous utilisons cette méthode avec sagesse et
avec courage nous sortirons de la nuit désolée et lugubre
où l'homme manifeste son humanité envers l'homme et nous
émergerons dans l'aube brillante de la liberté et de la justice
»100.
Cerner la non-violence en tant que fondement du calcul de
l?horreur exige d?aller plus loin en y presentant une typologie(A) et des
atouts(B) pour la contribution au retablissement de la paix de façon
durable et mutuellement acceptable.
97 King, Martin Luther : Je fais un
rêve. Nouveaux Horizons, Paris, Traduction de Marc Sparta, 1987,
p.23
98 Id, p.25-26
99 Ibid, p.27
100 Id,p29
A-Quelques approches de non-violence
Gene Sharp identifiant sa typologie de non-violence à
la non-violence générique c?està-dire prise de
façon globale, présente neuf types de non-violence classique et
contemporaine. Entre autres, il identifie : la non résistance, la
réconciliation active, la résistance morale, la non-violence
sélective, la résistance passive, la résistance pacifique,
l?action directe non violente, la satyagraha et la révolution non
violente. Toutes ces catégories de non-violence se repartissent en deux
sous groupes : les premières rejoignent le pacifisme et les seconds la
transformation de l?ordre social.
1. Le pacifisme
Selon la critériologie de Gene Sharp, le pacifisme
non-violent regroupe essentiellement : la non résistance, la
résistance morale, l?action directe non violente.
La non résistance c?est le rejet pour des principes,
de toute violence physique, qu?elle soit au plan individuel, étatique ou
international. Cette méthode refuse la participation à la guerre
et à l?Etat en arrêtant les bureaux du gouvernement, en votant ou
en faisant recours à la cour. Les résistants non violents paient
leurs taxes et font ce que demande le gouvernement si ce n?est inconsistant
à ce qu?ils considèrent comme des devoirs recommandés par
Dieu. Ce sont des mouvements essentiellement religieux et chrétien en
particulier. Les mouvements de résistance non violent pensent qu?il
n?est pas possible d?être libéré du pêché,
à ce titre, le chrétien doit s?éloigner du mal.
La résistance morale est fondée sur la croyance
selon laquelle le mal doit être résisté, rien que par des
moyens moraux ou pacifiques. La référence à la
responsabilité morale de l?individu est une part importante de cette
approche. Elle refuse la participation des individus à des situations de
mal telles les guerres, l?esclavage sous toutes ses formes.
De son côté, l?action directe non violente vise
la réalisation de la paix par une intervention directe non violente
visant à mettre en place un nouvel ordre. L?intervention directe se
situe à plusieurs niveaux. Les intervenants mènent des
investigations, discutent avec les responsables d?une injustice et/ou cause du
mal et, font des appels publics et des publicités sur les griefs.
2. Des impacts sur l'ordre social
La seconde catégorie d?approches non-violente vise la
transformation de l?ordre social. Elle est entre autre constituée de :
la réconciliation active, la non violence sélective, la
résistance passive, la résistance pacifique, le
satyagraha et la révolution non violente.
La réconciliation active fait référence
à la réconciliation personnelle et à l?amélioration
de sa propre vie après avoir changée celle des autres. Ceux qui
utilisent cette approche cherchent à convaincre l?adversaire et non la
coercition. Ils se basent sur les actions positives du bien à utiliser
plutôt que sur un catalogue d?actions violentes qu?ils n?utilisent pas.
Ici, une forte référence est faite à la valeur d?un
individu et en la croyance qu?il peut changer. Les quakers en sont un
exemple.
La non-violence sélective à pour principale
caractéristique le refus de la participation à tout conflit
violent notamment les conflits internationaux. Dans certaines situations, cette
approche recours à la violence pour atteindre ses objectifs. C?est le
cas des objecteurs qui pensent que l?utilisation des manufactures et de l?arme
nucléaire ne peut jamais être justifiée. La méthode
couramment utilisée ici c?est la non coopération.
La résistance passive quant à elle est une
méthode de gestion de conflit qui vise à transformer l?ordre
social, économique et politique. Cette méthode est
utilisée à l?endroit de la résistance violente en ce sens
que les résistants n?ont pas les moyens de la violence ou ne peuvent
gagner par ces moyens. L?objectif est de harceler l?adversaire sans utiliser la
violence physique dans l?optique d?obtenir de lui des concessions qu?il le
veuille ou non. C?est un substitut à la violence physique. C?est aussi
un ensemble d?actions non initiées, motivées ou dirigées
dès le début, mais, une réaction à l?initiative de
l?adversaire. Le caractère, la force morale, les conditions spirituelles
ne sont pas observées ici, ce qui est important c?est le combat
mené contre le mal. Il est pratiqué à tous les niveaux :
les boycotts, la non coopération y sont relatifs.
Par ailleurs, la résistance pacifique est une
méthode de gestion des conflits et de transformation d?un ordre social,
politique ou économique. Ici, il y a existence d?une discipline
non-violente à laquelle chaque résistant est soumis. La croyance
est fondée sur la non-violence comme supérieure à la
violence. Le degré de conscience, la stratégie et la tactique
utilisés ici sont très considérables. Les
préjugés faits sur la violence permettent de maintenir la
résistance non violente. Ceux-ci ont également un avantage
psychologique qui encourage l?utilisation de la résistance pacifique.
C?est de cette façon que cette approche réussit à changer
les attitudes.
Bien plus, le satyagraha c?est l?approche de non-violence
développée par Gandhi. Elle désigne l?adhésion
à la vérité, signifiant ici réalité. Le
satyagraha vise l?atteinte de la vérité à travers l?amour
et une action directe ; c?est donc un ensemble de principes. Elle a
été développée par Gandhi qui l?a
expérimenté dans sa vie et ses efforts à combattre les
fléaux sociaux et construire un meilleur ordre social. L?essentiel est
ici d?améliorer le côté intrapersonnel afin de ne pas
heurter l?opposé. Cette approche aborde des problèmes pratiques
et en recherche des solutions à travers des principes moraux que sont :
la vérité, l?équité et l?égalité. Ce
côté pratique s?observe par la construction d?un programme de
société abordant le social, l?économie et
l?éducation pour ne citer que ces éléments.
Enfin, la révolution non violente relève que
les problèmes sociaux majeurs trouvent leurs origines dans la vie
individuelle et sociale et peuvent seulement être résolus par une
révolution, un changement individuel ou social.
Les aspects principaux concernent : l?amélioration des
conditions de vie, l?obtention des valeurs telles la non-violence,
l?égalité, la justice, la coopération, la justice et la
société comme fondement de la société, la
construction d?un ordre social solide, le combat contre le mal. L?idée
est de trouver une issue favorable à l?exploitation, à
l?oppression et à la guerre.
B-Atouts de la non-violence
Deux faits principaux se constituent comme atouts de la
non-violence. Elle transcende et transforme le conflit. Dans ce cas, elle
favorise la réalisation d?une paix positive.
1- La transcendance des conflits
Transcender le conflit c?est le dépasser, en trouver
un issue favorable qui satisfait à l?ensemble des parties. La
transcendance en matière de conflits dérive d?une dialectique
contradictoire où, des réflexions sont posées sur le
conflit et des potentielles solutions imaginées dont l?objectif vise au
maximum une issue gagnant-gagnant entre parties. Les scénarios
imaginatifs de la transcendance des conflits dépassent le cadre des
contradictions entre parties tout en évitant des réponses
précipitées, à court terme. Elle propose des options de
gestion des conflits et de prévention de la violence durable et à
long terme. Galtung précise que dans sa conception, la transcendance se
fonde sur les valeurs. C?est pourquoi, tout effort de transcendance doit avoir
pour fond de toile les valeurs.
La non-violence développe et entretient l?aptitude au
pardon. L?amour est sous-tendu par le pardon, la nécessité de
pardonner à l?injustice et le mal présage l?amour.
Pardonner ce n?est pas ignorer le mauvais acte commis, mais
agir de tel sorte que cet acte cesse d?être un obstacle aux relations. Le
pardon est un acte catalyseur qui crée l?ambiance nécessaire
à un nouveau départ et à un recommencement. Ce pardon non
plus ne divise, mais se focalise sur la réconciliation et
l?établissement d?une relation nouvelle. Ainsi, la non-violence,
prônant ce principe est favorable à la paix via une transcendance
positive.
En effet, l?acte mauvais n?exprime pas la nature de
l?être qui le commet car la personnalité est fluctuante
truchée de bon et de mauvais. De mauvais actes peuvent parfois
dériver de l?incompréhension ; ceci doit entrainer une
réduction de la haine.
King affirme que « si nous regardons sous la surface,
sous l'impulsion mauvaise, nous trouvons en notre prochain ennemi ce qu'il y a
de bon et nous constatons que la méchanceté et la malice de ses
actes n'étaient pas une représentation adéquate de tout ce
qu'il est »101. Des sentiments et attitudes tels la peur,
l?orgueil, le préjugé, l?ignorance sont la cause de la haine. Ce
constat amène à aimer l?ennemi et pardonner ses actes à
travers un comportement non violent.
La non violence refuse d?abattre l?ennemi ou de l?humilier,
mais cherche plutôt à le comprendre, à gagner son
amitié. Pour cela, chaque mot et chaque acte contribuent à la
compréhension de l?adversaire et ouvre des voies au dialogue
bloqué par les murailles de la haine. En effet, la haine accroit la
haine et développe une chaine inépuisable. « Rendre
haine pour haine multiplie le haine, ajoutant une obscurité plus
profonde encore à une nuit déjà privée
d'étoiles. L'obscurité ne peut chasser l'obscurité ; seule
le peut la lumière. La haine ne peut chasser la haine, seul le peut
l'amour »102. Aussi, la non violence considère que
la haine produit des effets boomerang. En depis de causer des dommages sur
l?adversaire, la haine a des impacts négatifs sur celui qui le commet.
Les psychiatres expliquent par exemple que les conflits intra personnels sont
enracinés dans la haine. A ce titre, ils pensent que si l?on n?aime pas,
on périt. L?amour est donc la force pouvant transcender des situations
critiques de violence en de véritables havres de paix.
2. La transformation des conflits
La transformation des conflits c?est un terme
exprimé par John Paul Lederach qui vise la mise en place de nouvelles
relations sociales et des structures équitables dans des conflits. Elle
englobe l?escalade, le plaidoyer, la réconciliation et le
développement durable.
101 King, Martin Luther : La force d'aimer. Casterman,
Paris, 3 e édition, traduit de l?américain par Jean Brus,
1965, p. 65
102 Id, p.67
Transformer c?est changer et mettre en évidence un
processus et non des solutions rapides. Cette notion désigne l?ensemble
« des processus dans lesquels la misère est
atténuée et de nouvelles relations sont crées, la
vérité éclate au grand jour et est pardonnée, des
institutions sont mises en place, le dialogue sur des normes et des valeurs
peut avoir lieu, des compétences sont créées et l'espoir
voit le jour »103.
C?est donc la désescalade pour prévenir ou
arrêter la violence, mais aussi entrer en confrontation et intensifier
les recherches des causes du conflit afin de lancer un signal pour l?avenir. La
non-violence prône la tolérance qui est une coexistence pacifique.
Elle tolère l?existence de l?autre qui à son tour, facilite la
transition de la violence à la paix positive.
La non-violence prône de joindre parole et acte, l?agir
et le dire, la théorie à la pratique. Très souvent, les
acteurs en conflit professent les principes nobles de paix mais pratiquent
l?antithèse qu?est la violence. Des discours sur la paix sont tenus, des
plaidoyers pour la justice sont faits mais la démarche relève de
l?injustice. Cette dichotomie entre ce qui est et ce qui doit être
représente le côté tragique d?une quete pour la paix
truchée de pratiques contradictoires. Pour cela, la non-violence
prône l?unité entre la parole et l?action.
Aussi, la non-violence prône la conscience. Bon nombre
d?analyses estiment encore que la guerre et la violence répondent aux
problèmes. Une forte croyance est due en la force des armes, la course
aux armements. Or, l?expérience de la guerre montre sa surannée.
Une alternative y est trouvée par l?adoption de principes non violents.
En effet, aucune nation, aucun groupe ne peut prétendre à la
victoire de la guerre. « Une guerre dite limitée ne laisserait
qu'un héritage catastrophique de souffrance humaine, de désordre
politique...une guerre mondiale... ne laisserait que du feu couvant
sous la cendre, en témoignage muet d'une espèce humaine
que sa folie aurait conduite à une mort prématurée
»104.
La paix est menacée par une forte croyance en
l?anéantissement, parce que trop nombreux sont ceux qui sont
inconscients. La non-violence transforme donc cette mauvaise acceptation de la
paix en de situations positives viables, en clamant sincérité et
conscience de par les effets dévastateurs de la violence.
D?après John Paul Lederach, « Negociation is
only possible when the needs and interests of all those involved and affected
by the conflict are legitimated and articulated »105. Ceci
dit, la non-violence est un complément nécessaire à cette
négociation, en aidant les
103 Galtung, Johan : Repenser le
conflit : l'approche culturelle, préparé pour le projet
dialogue interculturel et prévention des conflits, conseil de l?Europe,
Strasbourg, 2002, p.21
104 King op cit , p55
105 Lederach, John Paul: Preparing for Peace:
Conflict Transformation across cultures. Syracuse University Press,
New York, 1995,p.14 cité par Dudouet Véronique; Nonviolent
Resistance and conflict transformation in power
asymmetries, Berlin, Berghof Research Center for
constructive conflict Management,2008,p.13
groupes marginalisés d?acheminer un processus de
négociation effectif. La non-violence renforce les capacités des
individus en matière de paix, elle accorde à ses partisans un
changement, développe le sens du respect, de l?organisation et l?esprit
de groupe.
Comme première phase du renforcement des
capacités, la non-violence éduque, alerte sur les relations
inéquitables et cherche à restaurer cette équité.
La seconde phase concerne la mobilisation et la formation des groupes pour une
action commune directe. Par exemples, ces groupes qui sont très souvent
des activistes, mettent en oeuvre des stratégies pour être rallier
même par ceux qui au début ne soutenaient par leur cause. Les
actions symboliques, les démonstrations permettent de renforcer la
cohésion entre résistants et influencent les attitudes des
adversaires les appelant au dialogue. La non-violence mobilise aussi la
conscience générale sur une situation conflictuelle. Elle appelle
des organisations et autres groupes quoi que ne faisant pas partie des victimes
à s?opposer par des moyens non violents à une oppression.
Bien que la non-violence perçoive le conflit comme
négatif, elle pense tout de même que c?est une opportunité
de rencontrer l?adversaire afin de bâtir un avenir meilleur. En plus, ses
techniques et règles présentent une forte littérature
visant à déconstruire les relations conflictuelles et rassurer
les adversaires sur leurs intérêts et préoccupations.
DEUXIEME PARTIE :
DIMENSIONS DE LA VIOLENCE DIRECTE AU
NORD KIVU
Traiter des dimensions de la violence directe au Nord Kivu
c?est en analyser les composantes, déterminer l?ampleur de ces
situations de violence qui font que cette région des Grands Lacs soit
l?une des plus instables en Afrique et par là motive l?espoir de
construction d?une paix durable. Pour cela, nous rentrons dans l?histoire, la
socioéconomie et le politique pour identifier dans un premier temps les
structures de la violence directe (chapitre I) et les approches de recherche de
paix (chapitre II) dans un second temps.
Mais, avant d?aborder ces questions, il est nécessaire de
donner une esquisse de présentation du Nord Kivu.

Le Nord Kivu est une province de la RDC, située
à l?est. Il est limité au Nord Est par l?Ouganda, au Sud Est par
le Rwanda, au Nord par la province de l?Orientale et au Sud par la province du
Sud Kivu. Il occupe 2.5% de la superficie du pays soit 59.483 km2. Sa
population en 2005 est estimée à 4.5 millions d?habitants et
comporte cinq grandes aires culturelles traditionnelles : Nande, Hunde, Nyanga,
Tembo et Banyarwanda.
Le Nord Kivu est dirigé par un gouvernement provincial
avec à sa tête un gouverneur assisté d?un vice gouverneur,
tous deux élus par l?assemblée provinciale. Subdivisé en
trois villes106, six territoires ruraux qui regroupent dix
chefferies et sept secteurs pour environ 5.000 villages, le Nord Kivu est un
scandale géologique doté de massifs montagneux, de
terres fertiles et d?un sous sol très riche en ressources naturelles.
L?économie de la province est essentiellement tournée vers
l?agriculture dont les principaux produits vivriers sont : le manioc, le
maïs, la pomme de terre, le haricot, la banane et l?arachide. Cette
agriculture est pratiquée de façon traditionnelle avec
utilisation d?outils rudimentaires. L?élevage du bétail constitue
aussi une part importante des activités. L?activité
minière y est intense, avec l?exploitation de l?or, du diamant, de la
casserite et du coltan de façon artisanale. L?industrie y est
très peu développée. Plusieurs industries de production du
bois, du thé et des boissons sucrées jadis prospères ont
fermé ou produisent en deçà de leurs capacités.
Dans son rapport sur la pauvreté au Nord Kivu, le PNUD relève que
( l'activité économique tourne au
ralenti, le chômage y a augmenté et les revenus des populations
ont fortement baissé »107.
Quelques indices renforcent ce constat : le taux de pauvreté est de
72.9%, le taux de sous emploi global de 78.3% avec 89.7% des actifs travaillant
dans le secteur de l?informel. Dans le méme cadre, le Nord Kivu compte
27.8% de non instruis, 32.6% de la population a atteint le primaire, 37.1% le
niveau secondaire et 2.1% le niveau supérieur. Ce qui explique qu?il
compte 3.3 millions de pauvres en 2005108.
Entre 1990 et 2011, cette province a connu deux principales
guerres et plusieurs autres scènes de violence. Les facteurs qui ont
marqué sa situation sociopolitique sont essentiellement : la guerre de
libération entamée en 1996 par l?AFDL sous l?égide de
L.D.Kabila qui renversa par un coup d?Etat le régime de Mobutu Sesse
Seko en 1997 ; la guerre d?agression de la RDC entamée en 1998 mettant
aux prises deux principales alliances109 lorsque L.D.Kabila
décide de mettre un terme à ses relations avec l?Ouganda et le
106 Les principales villes du Nord Kivu sont : Beni, Butembo et
Goma
107 PNUD RDC : Nord Kivu Pauvreté et conditions de
vie des ménages, Kinshasa, Mars 2009, p.4
108 Id, pp.4-11
109 La première alliance est constituée par le
Rwanda, l?Ouganda et le Burundi. Elle est qualifiée de l?alliance des
pays agresseurs. En réaction aux exactions de cette alliance qui menace
la paix, la stabilité et la souveraineté de
Rwanda qui pourtant, l?avait aidé à
conquérir le pouvoir. Cette province est dès lors en proie aux
guerres et conflits armés où sont intervenus des pays voisins,
des rebelles et des milices à dominance ethnique. Gaspard
Muheme110 démontre que la compétition au Nord-Kivu se
présente sous quatre éléments :
- Le conflit foncier (la terre) ;
- La domination politique (l?influence) ;
- Le pouvoir économique (l?argent) ;
- Le savoir intellectuel (le management).
De là, on se rendra compte que les guerres au Nord-Kivu
découlent en grande partie
des mouvements de population entre ses voisins.
Les conflits au Nord Kivu sont multidimensionnels. Ils
touchent à la fois un ensemble d?acteurs diversifiés et se
situent à plusieurs échelles de l?analyse du conflit. De par la
méfiance entre voisins, ils rentrent dans la catégorie des micros
conflit. De par les affrontements entre les groupes ethniques ou entre des
groupes de milices organisés, ils rentrent dans la catégorie des
méso conflits. Du fait des affrontements entre neuf Etats sur le sol du
Nord Kivu, les conflits qui alimentent cette région sont
considérés comme des macros conflits. Aussi, du fait de la
prégnance de la nationalité dans les manifestations
conflictuelles et de l?opposition entre les nations qui sont en majorité
celles Hutu et Tutsi, les conflits qui embrasent le Nord Kivu sont
considérés comme des méga conflits. Ces conflits sont
liés aux structures politique, économique et culturel donc, sont
structurels. Par ailleurs, les mobiles des affrontements ou de la haine sont
divers et tournent autour des questions de nationalités, de gestion du
pouvoir, de la terre et du contrôle des ressources naturelles. Dans ce
cas, les conflits au Nord Kivu sont de nature complexe. Les
considérations sur les conflits au Nord Kivu montrent alors qu?ils
obéissent à l?ensemble des typologies des conflits basé
sur l?analyse de la dimension, la taille et l?échelle du conflit. Ces
conflits sont donc micro, macro, méso, méga, complexes et
structurels.
la RDC une alliance est constituée pour contre attaquer
la première qui s?était savamment infiltrée dans le
territoire congolais. Il s?agit de : la RDC, le Zimbabwe, l?Angola et la
Namibie.
110 .Muheme Bagalwa, Gaspard : Ces
guerres imposées au Kivu, A. Bruylant, Bruxelles, p. 77.
CHAPITRE I : LA VIOLENCE DIRECTE AU NORD KIVU
La violence directe à des structures. Etant
donné qu?elle obéit à un schème de faits et de
représentations, elle peut titre décomposée afin de mieux
titre cernée. Les structures ici concernent donc le
développement, mieux la genèse de la violence directe (I) ainsi
que les impacts et/ou effets de cette violence au plan interne et externe
(II).
I- La genèse de la violence directe
La violence directe qui se pose comme obstacle à la paix
au Nord Kivu trouve essor dans les domaines politique (A) et économique
(B) internes et externes.
A- Le domaine politique
La colonisation Belge a favorisé les conflits
internes, les instabilités politiques dans les Grands Lacs les ont
accélérés et leur ont donné une dimension
internationale ; ajouté à cela, l?action de l?élite dans
la gestion de la chose publique n?a fait que phagocyter des tensions internes
existant déjà surtout sous la forme du foncier et de
l?identité nationale Congolaise.
1- Facteurs politiques exogènes
Les facteurs politiques exogènes concernent
essentiellement la politique coloniale Belge et les problèmes
accentués et nés au Nord Kivu avec l?assaut des
réfugiés et rebelles rwandais, Burundais et Ougandais autour des
années 1994.
a. / 41nteIMItiYQ cYLYWLeINLIe
Lorsque nous nous inspirons des faits historiques dans le
processus de construction de la violence directe au Nord Kivu, l?administration
sous la colonisation Belge reste un fait saillant. En effet, si la violence a
escaladé au Nord Kivu, c?est en partie lié à
l?intervention de la Belgique dans la gestion des ethnicités et de
l?éducation.
i)- La manipulation des identités
ethniques
Dans sa politique coloniale, la Belgique, selon que le jeu
lui était favorable, a créée des tensions entre les
groupes ethniques. Ces tensions seront le socle des barbaries liées aux
multiples scènes de violence s?observant au Nord Kivu.
En effet, selon une théorie des invasions successives
préconisée par l?explorateur John Speke en 1863 dans le cadre du
mythe hamitique, les administrateurs coloniaux Belges classèrent la
population en Hamite, Bantou et Pygmée.
Selon des distinctions caricaturales, les Hamites dont les
représentants seraient les Tutsis furent considérés comme
une race de géants aux allures aristocratiques. Tandis que, les Bantous
représentés par les Hutus étaient décris comme des
gens trapus aux cheveux crépus et au nez épaté. De leur
côté, les Pygmées représentés par les Twa
sont qualifiés de « grotesques
petites créatures »111
vouées à la disparition tel que le souligne Gahama. Cette
critériologie de classification conduisit aux jugements moraux sur les
ethnies. Par exemple, les Tutsis étaient considérés comme
des gens intelligents, ayant des aptitudes de commandement, tandis que les
Hutus étaient considérés comme des gens moins
intelligents.
Autour des années 1930, des premiers signes de clivages
s?observent entre Hutus et Tutsis, lorsque dans son administration, la Belgique
décide de s?appuyer sur les Tutsis en destituant toutes les
autorités traditionnelles Hutus. Aussi, dans cette même
période, les écoles construites pour former les auxiliaires
d?administration accueillent en majorité les Tutsi. De là, cette
élite grandit en se nourrissant du mythe hamitique. Mais, autour de
1950, le discours opère un retournement. Les Tutsi n?étaient plus
dans le plan d?action Belge. Ils étaient dès lors
qualifiés de mauvais, d?envahisseurs venus coloniser les Hutus. A ce
moment, les Hutus furent la priorité de la Belgique notamment dans la
mise en ouvre de sa politique coloniale. Pour renforcer l?idée de haine,
la Belgique construis dans l?imaginaire Hutu l?idée de victimes des
exactions des Tutsi féodaux112. Dès lors, les tensions
inter Hutu-Tutsi qui s?enchaînent au Nord Kivu dans les années
1960, 1990 et 2000, ainsi que les génocides Hutu-Tutsi dans toute la
région des grands Lacs sont comprises sous ce prisme.
La gestion des ethnicités par l?administrateur
colonial favorisait la haine interethnique selon le principe classique de
diviser pour mieux régner. Cette gestion a aussi eu d?autres
paramètres notamment dans la politique de l?éducation.
111 Gahama, op.cit p104
112 Id p.105
ii)- la politique de l'éducation
Dans toute la RDC en générale et au Nord Kivu
particulièrement, la Belgique a défavorisé
l?éclosion d?une élite intellectuelle. Comme l?asserte Pondi,
« l'enseignement dispensé au Congo
excluait systématiquement toute formation d'une élite
»113. Les administrateurs coloniaux avaient
à cette période créée un système
d?éducation pyramidale. Ils y avaient édifié un
enseignement primaire très largement diffusé, un enseignement
secondaire très réduit et, «
orienté vers des domaines de formation
professionnelles tel que relieurs pour bibliothèque...
»114. Tandis que, le sommet de la pyramide
était presque inexistant. La manifestation en est que, sous la
colonisation Belge, la RDC n?a connue qu?un seul universitaire, Thomas
Kanza115. La raison en était que le colon Belge croyait
former des agitateurs si les noirs accédaient à
l?éducation. C?est pourquoi il institua le paternalisme, bien plus que
les systèmes français et anglais où, quelqu?en soit la
situation, les noirs devaient respect, docilité, reconnaissance et
collaboration loyale au colon.
La résultante de cette absence d?élite
intellectuelle s?observe en premier au lendemain de l?indépendance,
où la RDC vit un chao suite à la fragmentation du pouvoir qui
fait passer le nombre de province de 6 à 21. Pourtant, la classe
politique congolaise était médiocre à cause du manque de
formation dans le domaine de l?administration publique. Aussi, suite aux
meurtres de Léopold ville le 06 juillet 1960 qui ont mis sur le Caro
quelques Belges, l?appareil administratif essentiellement dirigé par
ceux-ci se vide. « Sur les 8200
fonctionnaires Belges présents au Congo avant le 30 juin 1960, on
n'en dénombrait que 1600 au mois d'aoit de la meme année
». L?appareil administratif étant vidé, il
fallait le reconstituer le plus vite possible avec le personnel disponible,
lequel ne jouissait pas toujours d?une formation adéquate.
Dans une perspective chronologique et historique, la violence
directe au Nord Kivu remonte donc à cette gouvernabilité
désastreuse des ethnies et de l?éducation. La sous scolarisation
et les irrédentismes identitaires voire ethniques qui se posent comme
frein inconditionnel au développement pluridimensionnel de cette
région de la RDC, s?observent et s?analysent sous cet angle. Toutefois,
d?autres facteurs tels que les violences politiques dans les Etats voisins
fournissent des informations supplémentaires sur la question.
113 Pondi, op.cit p.11
114 Ibid
115 Ibid
b. Les instabilités politiques dans les Grands
Lacs
Les Grands Lacs africains sont empreints à des
séries de violence depuis les années 1960 c?est-à-dire
après l?acquisition des indépendances des Etats de cette
région. De par la proximité géographique, les alliances
ethniques transfrontalières, le Nord Kivu subit le contre coup de ces
violences. Essentiellement, Les instabilités politiques au Burundi, en
Ouganda et au Rwanda autour des années 1994 accélèrent la
violence directe au Nord Kivu. C?est dans cette perspective que Pamphile
Sebahara pense que la paix et la stabilité restent fragiles à
cause entre autre de la présence de groupes armés étranger
et de milices ainsi que de soupçon des troupes étrangères
sur le territoire de la RDC116.
En juin 1993, des élections présidentielles et
législatives se déroulent au Burundi «
dans des conditions exemplaires et elles aboutissent à
une alternance politique délicate mais impeccable
»117. A l?issu de ces élections,
Melchior Ndadaye est élu avec 2/3 de voix, ravivant ainsi la victoire
à l?ancien président Buyoya.
Dans la nuit du 20-21 octobre 1993, un coup d?Etat mené
par le 11è bataillon blindé éclate et, le président
Melchior Ndadaye (Hutu) est assassiné. Débute alors une vaste
opération de massacres, un génocide interethnique entre Hutu et
Tutsi. Ce génocide crée un vide juridique, administratif et
politique au Burundi entraînant les populations à se
réfugier en majorité vers le Rwanda et le Nord Kivu. Les
problèmes qui naîtront avec les réfugiés Burundais
au Nord Kivu seront liés à la gestion des ressources naturelles,
à l?accès aux biens et services ainsi qu?à la constitution
des jeux d?alliance interethnique.
L?Ouganda quant à elle fait face à des tensions
internes dès le début des années 1980, qui s?accentuent
autour des années 1995. En effet, plusieurs groupes rebelles sont en
combats en Ouganda. Tout d?abord, le LRA depuis 1986 lorsque Museveni prend le
pouvoir. Le LRA voudrait replacer l?ancien gouvernement sous la base des 10
commandements divins118. A partir de 1995, le WNBF basé au
Nord Kivu commence les combats pour faire revenir le régime de Idi Amin
au pouvoir. Il s?associe à l?ADF basé sur le même
territoire pour intensifier ses attaques contre le gouvernement Ougandais. Ces
groupes de rebelles, repliés vers le territoire du Nord Kivu lance des
raids permanents contre leur gouvernement central. Dans ce cas, ce gouvernement
qui ne prétend pas abandonner son contrôle politique réagit
par
116 Sebahara, Pamphile : la conférence internationale
sur les Grands Lacs, enjeux et impacts sur la paix et le développement
en RDC. GRIP, 2006/2
117 Chrétien, Jean Pierre et Mukuri, Melchior :
Burundi, la fracture identitaire, logiques de violence et certitudes «
ethniques ». Karthala, Paris, 2002, p.17
118 Bercovitch, op.cit. p.106
des contre attaques armées, et vas jusqu?à la
base de ces groupes de rebellions pour les traquer. Ces offensives participent
alors à l?instabilité au Nord Kivu.
Bien plus, dans la perspective des instabilités dans
les Grands Lacs, le génocide Rwandais est un événement
profond qui tourbillonnera la paix au Kivu. Cette influence du génocide
Rwandais sur la paix au Nord Kivu se résume en 3 principaux
éléments : l?assaut des réfugiés, l?intensification
des conflits internes et l?interventionnisme du gouvernement Rwandais.
Le génocide Rwandais a entraîné plus d?un
million de réfugiés Hutu et Tutsi dans les Kivus et
principalement au Nord Kivu. Ces réfugiés étaient
essentiellement constitués de civils, d?ex FAR et
d?Interahamwe119 taxés d?avoir commis le génocide. En
plus de la pression démographique, ces Rwandophones ont accru les
tensions internes existantes au Nord Kivu. Avant le génocide de 1994 au
Rwanda, un conflit opposait déjà, comme les
Banyarwanda120, d?un côté, et, de l?autre, les Nande,
les Hunde et Nyanga au Nord-Kivu. Mais, «
avec l'arrivée massive dans cette province des
réfugiés rwandais encadrés par les milices hutu
extrémistes Interahamwe et des éléments des FAR, les
alliances locales changèrent de nature : dans le Masisi, par exemple,
Tutsi et Hunde combattirent en commun contre les Hutu congolais et rwandais
(ex-FAR et Interahamwe) »121. Vers mai
1996, presque tous les Tutsi de Masisi avaient pu trouver refuge au Rwanda
où dominait maintenant le FPR, à l?exception de 2 000
déplacés122 cantonnés dans deux
localités du Nord-Kivu, Kichanga et Mokoto. Le 12 mai, la
dernière fut attaquée par les milices rwandaises et les ex-FAR
qui y tuèrent une centaine de Tutsi. Un fait aussi important à
noter est que les réfugiés rwandais (sous le contrôle des
ex-FAR et des Interahamwe) avaient formé une alliance avec les Hutu
congolais pour combattre contre les autres ethnies du Masisi. C?est ainsi que
les Hunde et Nyanga étaient aussi victimes des attaques hutu et certains
ont dû se réfugier au Rwanda. Bien plus, la formation des
alliances locales entre Hutu et Nande, Tutsi et Nyanga ou entre Hutu et
119
Les Interahamwe constituent la plus importante des milices
rwandaises créées dès 1992 par le président
Rwandais Juvénal Habyarimana. Interahamwe signifie « ceux qui
combattent ensemble » en Kinyarwanda. Ces milices sont responsables de la
plupart des massacres pendant le génocide de 1994. Lorsque l?APR prend
le pouvoir au Rwanda, les interahamwe se refugient pour la plupart au Nord Kivu
où ils continuent leurs exactions. Ceux-ci recrutent civiles rwandais et
congolais. Ils forment l?armée de libération du Rwanda et se
retrouvent plus tard dans les FDLR.
120 Ce mot de la langue Swahili désigne les
populations d?origine rwandaise à savoir les Hutu et les Tutsi.
121 Rusamira, op.cit p.7
122 Reyntjens, Filip (dir.) : L'Afrique des
Grands Lacs : annuaire 1999-2000. L?Harmattan, Paris, 2000, p.7
cité par Rusamira op.cit
Hunde a fait naître des milices revendiquant des droits
congolais officiellement123. C?est dans cette perspective que, le
gouvernement central Rwandais dans une innovation de guerre
préventive, mènera des opérations militaires contre
la RDC sous prétexte de traquer les réfugiés Hutu et
Interahamwe qui constituent une menace contre son régime. Aussi, le
Rwanda soutient que, la zone du Nord Kivu fait partie intégrante de son
territoire. Sa mission en RDC et au Nord Kivu est donc double : traquer les
génocidaires Hutu et récupérer son territoire à la
RDC. Ceci débouchera sur le soutien aux factions de rébellion
à travers la fourniture d?armes et d?autres logistiques et moyens de
guerre pour combattre le gouvernement congolais. Et, le fait le plus marquant
reste, l?appui voire la construction de l?AFDL qui défiera les 32 ans de
règne de Mobutu Sesse Seko en 1997.
Les instabilités politiques dans les Grands Lacs ont
favorisé les violences par le processus de «
diffusion »124 au Nord
Kivu des tensions propres aux Etats de cette région. Les rebellions des
pays voisins utilisent ce territoire comme base de leur insurrection.
Ajouté à cela, les liens d?ethnicité entre peuples des
pays de cette région africaine par le processus des alliances accentuent
la violence directe au Nord Kivu. De là, présent sur ce
territoire des revendications et autres protestations vont naître ;
protestations visant l?acquisition de droits et autres avantages, ce qui
entretient le cycle de la violence.
2- Facteurs politiques endogènes
Dans le processus d?appréhension de la violence
directe au Nord Kivu, les facteurs politiques endogènes viennent
renforcer ceux exogènes pour fournir une explication du « dedans
»125 et du « dehors »126 telle que le
préconise l?approche dynamiste balandierienne dans la
compréhension des dynamiques sociales. Ainsi, le dedans de cette
violence concerne principalement l?action de l?élite et la
problématique du foncier et de la nationalité.
a. L'action de l'élite
La violence directe au Nord Kivu est également imputable
aux élites politiques qui se sont succédé à la
tête du gouvernement congolais. Chronologiquement, on peut identifier
trois
123 Il est à préciser que plusieurs groupes
mayi-mayi sont crées sous cette dynamique. Ceux-ci, à la base des
groupes d?autodéfense, se constituent pour sécuriser leurs
familles et leurs territoires contre l?invasion externes des étrangers
à savoir Rwanda et Ouganda.
124 Tranca, Oana : la diffusion
des conflits ethniques, une approche dyadique in, Etudes Internationales,
vol.37, no 4, 2006, pp. 501-524
125 Balandier, Georges : Sens et Puissance, les dynamiques
sociales. PUF, Paris, 1971
126 Id
periodes. La première periode qui va de 1960 à
1962 est marquee par une decolonisation manquee. En effet, celle-ci fut
arrachee dans de très mauvaise conditions : assassinats et pertes des
principaux leaders notamment Patrice Emery Lumumba, tentatives de secession au
Katanga et aux Kivus. Cette periode fût marquee par de violents troubles
consequences des divisions ethniques introduites par le colon Belge. La
deuxième periode qui va de 1962 à 1990 vit
l?institutionnalisation d?un régime autoritaire à partie unique
durant lequel Mobutu fit appel à l?armée et aux
solidarités ethniques et régionales pour asseoir son pouvoir.
Sous Mobutu, le système politique ne favorise pas l?expression des
libertés ; la concentration du pouvoir entre les mains d?une bourgeoisie
comprador, le favoritisme et le tribalisme créent des frustrations et
l?impunité entraînant la loi de la jungle. Dès lors, la
débacle s?installe dans les institutions, « le
décloisonnement de l'armée où s'affrontent les
généraux à travers des recrutements massifs sur base
ethnique pour préserver leur leadership vis-à-vis des autres
généraux »127 devient une
realite. Durant cette periode, la violence structurelle prit une très
grande ampleur et l?administration politique n?était autre que la
perpétuation du système colonial à travers le
paternalisme, le mythe de la superiorite et une gestion calamiteuse des
ressources publiques. La troisième periode qui va de 1990 à nos
jours voit egalement les crises traversees tout le pays et, le Nord Kivu vie
encore dans cette spirale. Ces violences sont dues par deux choses. D?une part,
il y?a la mauvaise gouvernance et des politiques divisionnistes basées
sur l?idéologie du génocide, de la haine et de l?exclusion.
À ce titre Rusamira affirme « Le
régime Kabila a déçu les Hutu congolais depuis le
début de cette deuxième guerre. Les diplomates appartenant
à cette communauté furent chassés au même titre que
les Tutsi : c'est le cas par exemple du professeur Oswald Ndesho, qui
était ambassadeur en Ethiopie, mais qui fut remercié au mois
d'ao~t 1998, juste quelques semaines après le début de la guerre.
Ceux qui sont restés à Kinshasa n'ont pas été non
plus bien traités : ils ont obtenu certes un portefeuille
ministériel, celui de la Santé publique, en faveur d'un des
leurs, le Dr Mashako, mais on leur a refusé un siège au sein du
parlement de transition mis en place par Laurent Désiré Kabila.
Ce refus peut facilement s'expliquer par l'opposition farouche de certains
extrémistes de l'est du Congo envers les Banyarwanda
»128. Les grands
services, la direction du pays, sont repartis selon des considerations
ethniques. D?autre part, il y?a la dictature et le mauvais leadership. Les
grandes decisions sont toujours prises par une poignée de personnes qui
s?approprient tous les pouvoirs, les conservent jalousement et qui excluent les
citoyens dans la gestion du pays. Et, lorsque le pouvoir
127 Ngbanda, Honore : Ainsi sonne le glas ! Les
derniers jours du maréchal Mobutu. GIDEPPE, Paris, 1998, p.51
128 Rusamira, op.cit. p. 9
politique devient une source de revenus il se présente
comme une question de vie ou de mort129. L?élite est donc en
partie responsable de la calamité sévissant au Nord Kivu. Son
action se matérialise également dans la gestion des terres et de
la nationalité.
b-Le foncier et la question de
nationalité
L?accès, l?utilisation et la gestion des terres sont
inextricablement liés aux conflits au Nord Kivu. Pression
démographique, retour des réfugiés et des
déplacés, conflits liés à l?utilisation des terres,
réclamation des terres spoliées, luttes locales de pouvoir sont
autant de problèmes liés à la question foncière et
de nationalité. Cette question est complexe de par ses dimensions :
économique, politique, juridique, sociale et spirituelle. En effet, deux
principaux liens peuvent être établis entre foncier,
nationalité et violence directe au Nord Kivu. Primo, foncier et
nationalité génèrent la violence directe, secundo, foncier
et nationalité servent à alimenter cette violence.
Tout d?abord, le chevauchement entre pouvoirs
décisionnels coutumier, légal et informel sur le contrôle
de la terre produit la violence directe. Ces trois pouvoirs disputent leur
autorité sur le contrôle de la terre au Nord Kivu. Le
système coutumier est administré par des chefs traditionnels qui
fondent leur autorité sur la terre par leur rôle de chef ethnique
et des prétentions dues à l?histoire de la communauté de
vivre et exploiter la terre dans une zone géographique précise.
Le système informel est celui né de l?absence de l?Etat et auquel
le système coutumier ne s?applique pas. Tandis que, le système
légal repose sur les lois et les réglementations nationales, mais
n?est pas appliqué partout dans le Nord Kivu. Seuls les grands domaines
d?exploitation ou possédant des richesses sont du ressort légal
(public), les petits sont du ressort du système coutumier. Ces
systèmes se chevauchent géographiquement si bien que des groupes
ou des personnes peuvent simultanément les réclamer. Dans le
système coutumier l?appartenance ethnique détermine l?octroi de
la terre par le chef. Ce système ne peut être
dépossédé de la terre. Avant la période coloniale,
l?accès à la terre par les étrangers était
subordonné au paiement de la redevance au chef, mais, ceux-ci ne
pouvaient jouir du même statut social que les autochtones. Le
régime Belge changea le système d?acquisition des terres en
introduisant le titre foncier. Désormais, on pouvait acheter des terres,
mais il ne le fit pas partout. Ainsi, système légal et coutumier
continuèrent à se chevaucher méme après
l?indépendance quoique la majorité des terres reste sous le
régime coutumier. La loi de propriété de 1973 annula en
théorie ce double système, ramenant dans le
129 Gahama, op.cit, p. 106
ressort de l?Etat toutes les terres. Mais, aucune ordonnance
de l?Etat ne clarifia le statut des terres, ce qui rendit superflu la
décision. Dans cette perspective, les chefs locaux furent
attribués le rôle d?administrateurs dans la vente des terres aux
particuliers. Ils en profitèrent pour tirer profit par la corruption et
la surenchère. De là, les terres commencèrent à se
raréfier. Ajoutée à cela, la croissance
démographique accentua le processus. C?est à ce moment que le
concept de communautés autochtones trouva un stade d?expression
favorable, entraînant avec elle la question de nationalité
liée au pouvoir politique et au contrôle de la terre. Ceci est une
résultante de l?action coloniale qui força certaines
communautés à se déplacer pour servir comme main d?oeuvre
pour des projets spécifiques. Il s?agit notamment de la « mission
d?immigration des Banyarwanda » ayant drainé au Nord Kivu de
milliers de Rwandais pour aller travailler dans les plantations agricoles au
Nord Kivu. Il est vrai, certaines populations immigraient toutes seules ;
cependant, très peu de ces communautés disposait d?un droit
d?accès à la terre par le biais de leur chef. Le régime
Belge en était le centre et l?octroyait à des groupes en fonction
de ses alliances et intéréts. A ce titre, les Banyarwanda
n?eurent qu?un statut controversé, ajouté à cela des
tensions interethniques liées aux multiples vagues de migration. La
conséquence en est que, les disputent entre Hutu et Hunde sur
l?autorité des chefs locaux provoquèrent la guerre
Kanyarwanda130. A ce moment, le concept d?autochtones sert de base
pour toute sorte de revendications, conduisant à des conflits. Il est
dès lors lié à l?appartenance à une lignée
congolaise, politisé et ambiguë.
Ni les accords de paix de 2003, non plus la loi de 2004
même si elle définit deux catégories de citoyenneté
: par origine et acquise, ne résout le problème des
nationalités des Banyarwanda. En raison des crimes économiques et
du service rendu à un Etat étranger, éléments de
refus de la nationalité acquise, des communautés rwandophomes
doivent se voir refuser la citoyenneté congolaise. La loi sur la
citoyenneté se sert des groupes ethniques et de leur identification
historique à un territoire comme critère premier d?acquisition de
la nationalité. Ainsi, l?appartenance ethnique est le fondement de
l?appartenance nationale.
Par ailleurs, la terre alimente la violence directe.
Profitant du vide institutionnel pendant la guerre, des groupes occupent des
terres prolifiques et n?ont aucun intérét à ce que la paix
revienne. Les mouvements rebelles RCD-ML, RCD-G, CNDP ont
bénéficié sur les plans politiques et économiques
du contrôle des terres arables et des pâturages ainsi que des
tracés de nouvelles limites administratives. Ils ont bafoués les
autorités traditionnelles,
130 Conflit interethnique qui éclate au Nord Kivu en
juillet 1963 et met au prise pendant plus de deux ans les différents
groupes ethniques de la région. D?un côté, Hutu et Tutsi
s?affrontent, de l?autre côté Hunde et Nande, Hunde et Nyanga ou
Nande et Tembo. Cette série d?opposition fait suite aux tentatives
d?autonomie des provinces de la RDC après l?accession à
l?indépendance le 30 juin 1960.
utilisant l?argent des revenus miniers pour exproprier des
populations et, gagner aussi de l?argent en échange de
sécurité pour le compte de gros propriétaires terriens
impliqués dans les conflits fonciers. Par exemple, le parc national de
Virunga a été empiété par des milices où
elles effectuent des trafics de bois, de charbon et crée des camps de
pêcheurs afin de s?alimenter pendant la guerre. Le gouvernement a
procédé à l?intégration du CNDP dans les forces
armées congolaises, mais, le CNDP, divisé, garde un pied en
dehors des structures de l?Etat. Bien plus, l?afflux des réfugiés
rwandais depuis 2002 vers le Nord Kivu augmente la proportion de personnes
réclamant la citoyenneté congolaise, donc la terre. Avec ces
multiples déplacements, certaines personnes ayant fuis les guerres au
Nord Kivu peuvent eux aussi revenir et réclamer leurs terres sans doute
occupées par d?autres. Ce qui constitue un potentiel facteur aggravant
la violence directe de par sa prégnance sur la revendication des terres
donnant lieu à l?obtention de la nationalité qui, à son
tour détermine l?accès au pouvoir pour le contrôle des
ressources.
B- Le domaine économique
Aussi bien que les facteurs politiques, les facteurs
économiques permettent d?appréhender la violence directe au Nord
Kivu. En effet, pauvreté, gestion des ressources naturelles et questions
liées au leadership aident à comprendre l?escalade permanente des
méso conflits dans cette région. La pauvreté initie
l?implosion de la violence et, les ressources naturelles l?entretiennent et
apporte une autre dimension aux conflits. Le conflit passe ainsi du stade
méso au macro conflit avec une prégnance des méga
conflits, ici, essentiellement due par les luttes entre ethnies.
1- Facteurs économiques endogènes
a. La pauvreté
Le chômage, le sous emploi, les conditions de vie
désastreuses sont dues par la pauvreté. Dès lors, cette
pauvreté entraine le manque d?opportunité, de là à
renforcer le cycle de perpétuation de la violence.
Dans son administration politique, Mobutu promut la
Zaïrianisation ou
authenticitéafricaine. Ce système,
méthode de retour aux valeurs africaines traditionnelles, consistait
à ne
consommer que des produits africains faits par les africains.
Il intégrait aussi le système culturel et même la
pensée. Les effets de cette zaïrianisation ont été
dévastateurs notamment sur l?économie. D? après
Ndikumana et Kisangani, la zaïrianisation a endommagé le secteur
privé, décrédibilisée l?Etat au
plan international dérivant sur la faillite de
l?économie131. Pour pallier à cette situation
économique désinvolte, Mobutu se retourne vers les institutions
financières internationales pour obtenir de l?aide. Les dettes sont
concoctées, mais, une fraction infime est utilisée à bon
escient, c?est-à-dire pour financer l?économie. Cette situation
conduit à un endettement massif qui amène la RDC à
appliquer les PAS dans la seconde moitié des années 1970. Mais,
les effets des réformes proposées par la BM et le FMI sont
insignifiants ; car l?économie continue à se
détériorer. Par exemple, entre 1978 et 1988 le PIB annuel
décroit de 1.2% et le taux d?inflation s?élève à
56% par an132. Le social en subit profondément le choc
d?autant plus que, la pauvreté installe son nid dans les provinces de la
RDC et au Nord Kivu. La pauvreté à son tour crée le manque
d?opportunité qui encourage une part importante de la population et
surtout les jeunes à entrer dans les milices. Ceci est une
opportunité de mobilité sociale. Séverine
Autessere133, reprenant les propos d?un enquêté lors de
sa recherche sur les causes des violences en RDC asserte que les Mayi-Mayi ont
très faim pour respecter certaines valeurs. L?appartenance à une
milice donne à ses membres un sentiment de reconnaissance, de respect et
la considération d?être distincts de la masse. L?appartenance
à une milice permet aux groupes jadis marginalisés tels que les
jeunes d?avoir une ascension sociale, de se positionner à des endroits
qui leur étaient refusés. Dès lors, ils n?ont aucun
intérêt à ce que la paix revienne ; la guerre étant
un moyen d?atteinte d?une position sociale respectable et lucrative. Autessere
affirme à Ce titre «many Mayi-Mayi chiefs knew that, should
peace return to the Congo, they would lose their status as all-, kinglike
leaders and become once again mere soldiers-often ill-trained and illiterate.
This was one of their main motivations for refusing to be integrated into
army»134.
Il y?a donc lieu de constater que la guerre et
l?enrôlement dans l?activité belligérante constitue un
moyen efficace d?émergence sociale et de lutte contre la pauvreté
pour la plupart des populations intégrés dans les milices. Avec
le poids des guerres, les infrastructures économiques et de
développement sont détruites. Les terres s?amenuisent et l?emploi
se raréfie. Il est vrai, l?on note quelques projets de
développement au Nord Kivu, mais, ils sont beaucoup plus
focalisés sur l?aspect humanitaire de la reconstruction post conflit.
Dans ce contexte, l?enrôlement au sein des milices devient une
activité génératrice de revenus.
L?insécurité et la violence dans cette perspective sont donc
retracées à partir de la pauvreté
131 Ndikumana, Leonce and Kisangani Emizet: The Economics of
Civil War: the case of Democratic Republic of Congo in Political Economy
Research Institute, number 63, 2003, p.18
132 Id, p.19
133 Autessere, Séverine :
Local violence,National Peace ?Postwar « settlement
» in the eastern D.RCongo(2003- 2006) in African Studies Review,
volume 49,number 3?December 2006),p.13
134 Id, p.13
b. Les ressources naturelles
Nous le soulignions plus haut, le Nord Kivu est une zone
riche en Cassérite, Coltan et Or. L?étude du positionnement des
groupes armés décèle une forte activité de ceux-ci
et des conflits majeurs dans les zones dotées des potentialités
en ressources naturelles.
Les ressources naturelles constituent des facteurs de violence
directe en trois principaux éléments. Premièrement, les
acteurs nationaux se battent entre eux aussi bien que contre les groupes
étrangers pour le contrôle des sites miniers. C?est le cas des
FDLR et des Mayi-Mayi. Dans les sites miniers du Nord Kivu, les combats sont
permanents135. Deuxièmement, l?exploitation illicite des
ressources naturelles permet à tous les groupes armés de financer
leurs efforts de guerre, qui entraine les conflits. Troisièmement, le
contrôle des sites miniers par les groupes armés cause des
violences massives sur les populations locales. Dans l?un de ses rapports,
Global Witness relève des violations des Droits de l?Homme et du Droit
International dans les mines du Nord Kivu. Il écrit à ce titre
que tous les groupes armés sont impliqués dans les violences
contre les civiles et que ces abus sont « integrally linked to natural
ressources...as they were employed as methods by which to gain control either
over resource-rich areas or over the ability to exploit them
»136.
Plusieurs canaux permettent aux groupes armés de
financer leurs activités. Le premier mode de financement de la guerre
c?est la taxation directe par laquelle l?armée nationale et/ou les
rebelles extraient les ressources naturelles en utilisant les soldats et la
force du travail civile. La taxation aussi en l?obtention d?une taxe soit
financière ou en ressource naturelle sur la production des creuseurs. A
ce titre, entre janvier et octobre 2000, le coltan exporté à
travers les comptoirs contrôlés par le RCD-G avoisine 6.7 millions
de dollars US137. Ces groupes belligérants financent
également la guerre par l?expropriation, la confiscation des ressources
naturelles et toute autre forme de richesse. L?expropriation est
effectuée soit directement dans les mines ou à travers la
construction des barrages le long des routes d?acheminement des ressources
naturelles extraites. Plusieurs barrages peuvent etre constitués entre
des puits de mines et les comptoirs commerciaux. Par moment, lorsque la
production s?avère insatisfaisante, les rebelles vont dans les villages
pour s?approvisionner en main d?oeuvre ceci par la force, les sévisses
corporelles ou les arrestations massives.
135 Global Witness: La paix sous tensions,
dangereux et illicite commerce de la casserite dans l'est de la RDC, juin
2005, p.4, 8,16
136 Id, p.10
137 International Peace Information Service:
Supporting the war Economy in the DRC :Europeans Companies and the Coltan
Trade» , an IPIS Report, January 2002, 2002, p.12
Toutefois, la prédation des ressources naturelles
alimente au plan interne la violence directe au Nord Kivu. Stephen Jackson
relève qu?environ 72.000 kg de tantalite sont expédié une
fois tous les 10 jours vers le marché international dont Londres,
Amsterdam et Bruxelles constituent les destinations principales. Le rythme et
la fréquence de l?exploitation des ressources naturelles ainsi que la
géostratégie du positionnement des groupes armés prouvent
tous que, les richesses naturelles ont une part importante dans la
criminalisation de la guerre au Nord Kivu.
Aussi bien cette question des ressources naturelles se pose
comme facteur interne, elle peut également être
évoquée comme facteur externe de la violence directe. Mais, la
différence en est qu?au plan externe, les questions idéologiques
constituent de façon officieuse le mobile d?appropriation des ressources
naturelles.
2- Facteurs économiques exogènes
a. Le leadership
La question du leadership est inextricablement liée
à l?exploitation des ressources naturelles du Nord Kivu par des groupes
et Etats voisins des Grands Lacs impliqués dans les violences. En effet,
les ressources naturelles servent à construire une
hégémonie sous régionale et réaliser par voie de
conséquence le projet d'instauration de l'empire Hima-Tutsi.
L?ONU dénonce la criminalisation de la guerre via l?exploitation
intensive et illégale des ressources naturelles en RDC et au Nord Kivu
par tous les groupes impliqués dans les conflits138. Les
forces venues soutenir le régime L.D Kabila (Zimbabwe, Angola, Namibie)
au même titre que les agresseurs (Rwanda, Ouganda, Burundi) sont
impliquées dans les pillages massifs des ressources naturelles du Nord
Kivu. Ces nouveaux prédateurs139 comme le souligne
Colette Braeckman, sont en quête d?hégémonie, de pouvoir et
surtout d?une intégration profonde à l?économie
capitaliste.
Mais, les activités du Rwanda et de l?Ouganda sont encore
plus intenses de par la proximité géographique et les alliances
ethniques transfrontalières.
Les motivations économiques expliquent
l?intérêt porté par ces deux pays sur le Nord Kivu.
Plusieurs ONG et l?ONU notent la disparité entre les ressources
limitées du Rwanda et de l?Ouganda, et leur exportation massive de la
cassérite, du coltan et de l?or. Traitant du cas
138 United Nations Security Council: Report of
the Panel of Experts on the illegal Exploitation of Natural Ressources and
other Forms of wealth of the Democratic Republic of the Congo. United
Nations, 2003
139 Braeckman, Colette, op.cit
de la cassérite, Global Witness140 explique
comment le Rwanda est impliqué dans cet illégal trafique :
premièrement comme premier bénéficiaire,
deuxièmement comme acteur capable de sécuriser les sites miniers
si possible. Le Rwanda a développé un vaste réseau
d?échange avec des groupes de rebellions notamment le RCD-G qui lui
fournissent les ressources naturelles à temps opportuns. Pour
renchérir ce constat, le conseil de sécurité des Nations
Unies141 affirme que les troupes du Rwanda et de l?Ouganda ont
établis un monopole sur l?exploitation et la commercialisation des
ressources minières en forçant les entrepreneurs locaux de se
retirer par ce fait qu?ils desservent tout le Nord Kivu de produits
importé du Rwanda, de l?Ouganda et du Burundi. Le commerce des
ressources naturelles est très bénéfique au Rwanda et
à l?Ouganda. Entre 1997-1999, la part du commerce international du
Rwanda s?élève à 15.1 milliard de francs Rwandais, soit
une croissance de 31% par rapport à l?année 1996. Dans cette
méme perspective, l?exportation du coltan croit de 11.4 milliard de
dollar US en 2000 à 44.5 milliards de dollar US en 2001142.
L?appropriation de ces ressources naturelles et des revenus y relatifs permet
alors de poser les jalons d?un empire Tutsi dans tous les Grands Lacs ; lequel
dominera toutes les structures politiques et socioéconomiques de cette
région
b. Le nord Kivu : un nouvel espace vital
Les questions identitaires, les ambitions politiques,
l?exploitation des ressources naturelles n?explicitent que partiellement un
conflit qui renvoie en dernière instance à des causes beaucoup
plus profondes.
Les guerres de la région des Grands Lacs peuvent en
effet s?analyser comme des violences du trop-plein. Les petits espaces du
Rwanda et du Burundi, corsetés depuis la colonisation par des
frontières rigides, sont pris au piège d?une nasse
démographique. La forte baisse de la mortalité amorcée
pendant la colonisation n?a pas été suivie par une baisse
significative de la fécondité : celle-ci est encore proche de 6
enfants par femme au Rwanda, 6,8 au Burundi. Le taux de croissance approche les
3% par an conduisant à un doublement de la population en 25 ans. Or,
avec près de 10 millions d?habitants au Rwanda en 2008 la densité
atteint déjà 380 hab./km2, ce qui est beaucoup pour un
pays rural à près de 90 %. Chaque famille paysanne ne dispose
plus en moyenne que de 40 ares de terre à cultiver. Qu?en sera-t-il
demain ? La
140 Global Witness, op.cit, p. 15
141 United Nations Security Council: Report of the Panel of
Experts on the illegal Exploitation of Natural Ressources and other Forms of
wealth of the Democratic Republic of the Congo. United Nations,2001
142 Economic Intelligence Unit: Rwanda Country Report.
London, February 2002, 2002
question n?est plus seulement de savoir comment vivront une
génération de 20 millions de Rwandais, mais où.
Comme les vents, les mouvements migratoires vont des hautes
pressions vers les basses pressions, ici démographiques : la migration
vers l?ouest, vers les terres moins peuplées du Kivu s?inscrit dans
l?ordre des choses et dans le temps long. Elle n?a pas posé de
problème tant qu?il y eut d?abondantes disponibilités
foncières. Ce n?est plus le cas, méme si l?acuité des
problèmes est inégale du fait d?une répartition
différenciée des densités143: en quelques
décennies, la saturation foncière a complètement
changé la donne, multipliant les conflits pour la terre, dressant les
autochtones contre les étrangers dans un contexte juridique confus
où droits coutumiers et droit moderne incarné par l?Etat se
chevauchent. Circonstance aggravante, les migrants tutsis sont principalement
des éleveurs qui ont besoin de vastes étendues pour leurs
troupeaux. Ils ont trouvé des conditions idéales pour leur
activité dans les pâturages d?altitude, mais la constitution de
grands domaines d?élevage réduit d?autant les terres de culture.
La création du vaste parc national des Virunga sous l?administration
belge a en outre soustrait 780 000 hectares à l?activité
agro-pastorale, au coeur de la zone la plus peuplée du Nord Kivu.
En 1998, une tentative d?expansion territoriale manquée
a laissé tout de méme le Rwanda pénétrer le Nord
Kivu. La logique de l?expansion territoriale s?appuie sur l?idée que le
Kivu constitue un espace vital pour le Rwanda. En raison des perturbations
politiques dans ce pays, de la limitation de ses ressources naturelles ainsi
que de la forte croissance démographique, le Nord Kivu est le lieu de
refuge d?un très grand nombre de Rwandais. Trois démarches
expliquent la tentative d?expansion territoriale :
· Les revendications du Président Bizimungu en 1996,
portant sur certaines parties du Nord Kivu qui selon lui auraient fait partie
du Grand Rwanda ;
· La campagne médiatique des diplomates Rwandais
autour de l?espace territoriale du Grand Rwanda, en Belgique, avec carte
à l?appui. Selon eux, le colonisateur aurait amputé au Rwanda
certains territoires qui se trouvent actuellement au Kivu ;
143 Nicolaï, Henri : La répartition et la
densité de la population au Kivu. Académie Royale des
Sciences
d?Outre-mer, Classe des Sciences naturelles et médicales,
Mémoire Nouvelle série Tome 24, fasc. 2, Bruxelles, 1998.
· L?idée d?une conférence de Berlin II
pour obtenir une redéfinition des frontières étatiques
conformément à ses revendications.
Les déclarations des instances internationales et
régionales sur les principes de la souveraineté du Congo et de
rejet de toute idée de révision des frontières des
Etat-Nations en Afrique, n?ont pas permis au Rwanda de persister dans la
logique de l?expansion territoriale. Mais, les faits établissent que les
Kivu et précisément le Nord Kivu sont la seconde nation des
Rwandais. Dès lors, la pression externe exercée par le Rwanda
constitue un obstacle à la paix et par ricochet facteur de
perpétuation de la violence directe au Nord Kivu.
Prégnants sur les plans politique, économique,
social et humain, les facteurs de la violence directe y ont causé de
dégâts incommensurables.
II. Les effets de la violence directe
La violence directe au Nord Kivu ne va pas sans effets. Les
principaux impacts que nous relevons se situent aux plans économiques et
sociaux (A) ainsi qu?aux plans humains et politiques (B).
A- Les impacts économiques et sociaux
1- Les impacts économiques
Le Nord Kivu était reconnu pour la fertilité de
ses sols et, qualifié de grainier de la région des Grands Lacs.
Mais, depuis 1990, il entre dans un cycle d?insécurité qui
commence dans les territoires de Masisi et Rutshuru et, culmine avec les
guerres successives de 1996 et 1998. L?agriculture en prend un coup avec les
pillages et les déplacements des populations qui sont obligées de
vivre dans des camps comme assistés. L?intensification des scènes
de violence empêche aux fermiers et marchands de voyager à travers
la région pour écouler leurs marchandises. La forte main d?oeuvre
jadis attirée par les activités agricoles se trouve en voie
d?abandonner pour fuir les combats entre belligérants. Dès lors,
ce secteur économique connaît un déclin. Par ailleurs, la
recherche des conditions de vie favorables quoique vivant dans une
insécurité accrue entraîne une forte frange de la
population à se diriger vers le secteur minier, susceptible de fournir
des revenus à l?instant. C?est ainsi que ce secteur absorbe la ressource
humaine exerçant dans le domaine de l?agriculture. Dès lors,
l?extraction des ressources minières redéfini l?économie
locale et détermine les avoirs des ménages. Pole institute
relève que l?économie minière a fini par s?imposer comme
complément à défaut d?être substitut à
l?économie agricole. Ainsi, « les 2/3 des revenus du Nord Kivu
dépendent
des minerais »144. L?absorption du
secteur agricole dü par les minerais conduit le Nord Kivu au syndrome
hollandais dans lequel tous les autres secteurs économiques sont
abandonnés pour profiter de la rente minière. Aussi, le
système d?offre est perturbé au Nord Kivu. Ce qui crée des
tensions inflationnistes, la dépréciation de la monnaie nationale
au profit du dollar. A ce titre, l?on peut relever la hausse du prix du
carburant et des produits de premières nécessités. Ce
cercle vicieux constitue un piège pour l?économie locale. Les
impacts sociaux viennent renforcer cet état de fait.
2. Les impacts sociaux
Les impacts sociaux de la violence directe au Nord Kivu
s?articulent en deux principaux schèmes : l?exacerbation des
antagonismes sociaux que KÄ MANA145 appelle les
identités meurtrières et les conditions de vie
désastreuses des ménages.
La violence a fini par simposer aux moeurs et sa
socialisation prégnante. Des années de luttes acharnées et
de souffrances idiomes ont amené les diverses factions ethniques
à vivre dans le cycle de la violence. L?ethnicité conditionne le
vécu quotidien et explique en partie la haine qui se construit entre
individus. Dès lors, porter l?étiquette Hutu, Tutsi, Nande, Hunde
ou Nyanga peut être favorable ou non selon le lieu. L?étiquette
ethnique explique que des groupes armés débarquent dans un
village et assassinent tous ceux qu?ils rencontrent sous prétexte que
ces derniers ne vivent que pour les détruire. Elle explique aussi que
dans les marchés et les services de santé, les services rendus
sont sujets au déclinement identitaire. L?identité
examinée, le service est rendu de faveur ou non en fonction d?un
potentiel lien ethnique. Des affrontements permanents sont observés
entre populations, civiles ou non. La haine qui se construit se transforme
aussitôt en violence vindicative et/ ou préventive tel que le
souligne Gahama146. L?idée du génocide et de la
victimisation est la plus présente et la plus partagée ; chaque
groupe ayant pour projet primordial de se venger des exactions commises par
l?autre. Les rapports sociaux sont donc essentiellement marqués par des
rapports de belligérance. Ce qui entretient les conflits interpersonnels
voir intergroupes et durcis tout effort de recherche de paix au Nord Kivu.
Bien plus, ces situations de crises perpétuelles et de
tensions récurrentes ne vont pas sans impacts sur la nutrition, l?eau,
l?assainissement voir la santé des ménages.
144 Pole Institute : les minerais de « sang » : un
secteur économique criminalisé à l'est de la RD
Congo, novembre 2010, p.5
145 Propos obtenus lors de l?entretien réalisé
avec le Dr KÄ MANA le 18 novembre 2011 à l?Université
Evangélique de Mbouo(Bandjoun).
146 Gahama, op.cit, p.109
OCHA147 relève qu?au 25 juin 2011, la
province du Nord Kivu compte 571.685 déplacés internes depuis
2005. Comparé au mois de mai de la méme année où
l?on notait 556.26 PDI, l?accroissement est de 2.81%. Ceci montre et explique
la prédominance des violences et de leurs effets néfastes sur les
populations. Ces PDI, sont confrontées à d?énormes
obstacles lors de leurs multiples fuites des scènes de violences. Elles
sont exposées à la famine, aux attaques par des bétes
sauvages ainsi qu?à une hygiène dégradante et méme
des maladies de tout bord. Quand bien même, les populations ne se
retrouvent pas dans cette catégories, elles sont tout aussi
confrontées aux aléas dans les domaines de l?éducation, de
la santé et de la nutrition. Dans son rapport de mars 2009, le PNUD
souligne qu?au Nord Kivu, très peu de ménages sont
raccordés à l?électricité (4.3%) et à l?eau
potable (16.6%). Il poursuit en soulignant l?insuffisance des services de
santé dont 47 hôpitaux pour toute la province, 12 lits pour
100.000 habitants et 1 148médecin pour 24.030 malades. Aussi,
l?assainissement n?est pas favorable. En effet, 99.8% de ménages ne
disposent pas de voiries d?évacuation des ordures.
Les violences au Nord Kivu ont donc dégradé le
tissu social et exacerbé la pauvreté. Car, dans cette province de
la RDC, près de 3.3 millions de personnes sont pauvres. Ajouté
à cela, la perte des emplois suite à la fermeture de plusieurs
entreprises et des privatisations massives liées aux PAS renforce
l?état de pauvreté et prédispose les populations à
la guerre. Ainsi, aussi bien au plan des rapports intergroupes que sur le plan
des aptitudes individuelles et/ou collectives à s?assurer une existence
descente, la violence directe a foisonné la paix sociale au Nord
Kivu.
B-Les impacts humains et politiques
1. Les impacts humains
Dans de nombreux rapports et publications, des ONG comme les
U.N dénoncent des atrocités humaines commises lors des guerres et
autres séries de violences au Nord Kivu. De graves violations des Droits
de l?Homme et du Droit de la guerre sont relevées chez les
belligérants. Viols, assassinats, traitements inhumains et
dégradants, crime de génocide sont des principaux impacts au plan
humain des violences répétitives. En plus d?utiliser les
populations comme bouclier humain, les groupes de rébellion
procèdent à de sévisses corporel
147 Nations Unies-Bureau de la coordination des affaires
humanitaires : Nord Kivu-RD Congo, Rapport mensuel, juin 2011
148 Programme des Nations Unies pour le développement
(unité de lutte contre la pauvreté) : Résumé et
Conditions de vie des ménages au Nord Kivu, PNUD-RDC, mars 2009,
p.5
ignobles. Certaines personnes sont brülées vives,
d?autres décapitées à l?aide d?une machette, d?un couteau
ou d?une lame de rasoir. L?on assiste à des scènes ou des
nouveaux nés sont transpercés à l?aide d?un bois puis
passés à la braise pour être rôti comme de la viande.
Dans ses recherches, Global Witness rapporte l?histoire d?un homme dont les
rebelles du RCD ont d?abord coupé les oreilles, puis les
paupières avant de lui cisailler les lèvres, ceci à l?aide
d?une lame de rasoir. Comme Braeckman149 le souligne, cette
région a atteint le seuil de l?indignation. Le lait est injecté
quelquefois à certaines personnes ; d?autres se voient traîner par
terres à des dizaines de kilomètres avant de trouver la mort. Des
torses atrocement carbonisés, des bras tordus et brûlés
témoignent aussi de cette indignation dont parle Braeckman. Ces crimes
et atrocités sont le plus souvent dirigés vers les femmes et les
enfants principalement. L?essentiel des viols et autres mutilations sont
commises contre les femmes. Individuellement ou en groupes, des soldats
à tour de rôle viols femmes, jeunes filles et parfois des enfants
de moins de 7 ans. En plus d?être violées, leurs organes
génitaux sont mutilés à l?aide des lames de rasoir.
Certaines femmes se voient enfoncées des revolvers dans le vagin avant
d?en recevoir les balles, tandis que d?autres sont déportés vers
des camps de rebelles pour servir comme ménagères et instruments
sexuels des leaders de ces dits groupes avant d?être coupées en
morceaux. Quelques fois, l?on a relevé des scénarios ou des
femmes enceintes sont d?abord violées, puis éventrées. Les
enfants quand à eux sont plus enrôlés et
déportés pour être des soldats. Dans la plupart des cas,
les atrocités les plus idiomes sont perpétrés par ces
derniers. Tout ceci explique qu?environ 4 millions de personnes ont perdu leur
vie suite aux violences au Nord Kivu depuis 1990, quoiqu?il y?ait une certaine
opacité sur les drames en Afrique. L?influence de ces exactions tourne
aussi bien autour de l?aspect psychologique, culturel que physique. A titre
illustratif, suite aux viols, plusieurs femmes développent des phobies
et des traumatismes150. Elles sont dès lors sujettes au rejet
de leur familles voir de leurs époux. Dans ces conditions, elles n?ont
plus autre choix que de vendre leur corps pour survivre. C?est ce qui explique
par exemple qu?à Goma, l?essentiel des prostitués soient des
femmes victimes des viols lors des guerres. Le risque encouru par ces
149 Braeckman, op.cit, pp 149-178
150 Dans les cultures congolaises, les femmes victimes de viols
sont rejetées de facto par leur mari et leur famille. La raison en est
que le viol est un acte de souillure, qui apporte la malédiction. C?est
dans cette optique que très souvent, ces femmes préfèrent
se pendre ou se refugier vers la ville pour chercher de quoi de vivre en
pratiquant la prostitution. Les phobies concernent l?acte sexuel ; car, en
contact avec leur mari ou partenaire, les femmes victimes de viol revivent ces
scènes de viols, ce qui ne les en encourage pas. La conséquence
se situe alors sur le système de procréation et par ricochet sur
la démographie. Pour plus de detail Cf NDI, Mercy :The role of women in
post-conflict peace building in the democratic republic of Congo :case study of
South KivuBukavu.Master thesis presented and defended for the obtention of
academic diploma of Master of Arts in peace and Development, Protestant
University of Central Africa, Yaounde, October 2009
femmes en définitive est la contraction du VIH/SIDA dont
la rumeur de son introduction au sein de la population par les soldats
Ougandais, cours le long des villes du Nord Kivu.
Bien plus, les enfants soldats développent l?esprit de
guerre et ne vivent que par et pour la violence. L?avenir est donc
scellé car, si l?essentiel de la population du Nord Kivu a moins de 15
ans et constitué en grande partie d?enfants soldats, ceux-ci le
retransmettront aux générations qu?ils formeront ; au risque de
la perpétuation de la violence.
2. Les impacts politiques
L?ensemble des effets au plan économique, social,
humain ont fini par s?imposer à l?Etat dont la souveraineté est
bafouée. Etat mou, Etat faible ou Etat en faillite, tel est le point
culminant de la violence directe au Nord Kivu. Le sabotage des institutions
publiques par les groupes armés ; l?occupation arbitraires des terres
sans une riposte efficace du gouvernement régional, ajoutée
à cela, la forte prégnance des scènes de violences ont
débouché sur la faillite de ce dit gouvernement. Quoique des
efforts de réinsertion des rebelles aient été faits, ils
n?ont contribué qu?à partitionner cette région entre
milices et FARDC. Chaque groupe est maître d?un territoire et y
détermine les règles du jeu. Dans la partie
contrôlée, ces groupes édictent des lois, des codes de
conduites voir même un Etat parallèle avec toutes les fonctions
représentatives que possible. Les violences ont donc conduis à la
faillite du gouvernement régional du Nord Kivu.
CHAPITRE II : LES APPROCHES DE RECHERCHE DE PAIX
AU NORD KIVU : ANALYSE CRITIQUE DE L'ACTION DES ACTEURS LOCAUX ET
INTERNATIONAUX
La paix est une quête perpétuelle, un projet
construit sur des perspectives intergénérationnelles,
c?est-à-dire à long terme. Dans l?entreprise de paix au Nord Kivu
et, voulant juguler des décennies de violences
répétées pour construire une société
harmonieuse, plusieurs acteurs locaux et internationaux se sont
mobilisés. Il s?agit en grande partie de la société
civile, du gouvernement, et des institutions intergouvernementales à
l?instar de l?ONU et de l?UA. Nous présentons ici les efforts
menés pour rétablir la paix au Nord Kivu par ces acteurs locaux
et internationaux (I), puis les limites liées à
l?implémentation de ces dits efforts de paix (II).
I- Les approches de recherche de paix locales et
internationales
Au Nord Kivu, la société civile, l?Etat et
méme la communauté internationale se sont investis à
travers des séries de négociation et médiation pour
ramener la paix. Aussi, dans des cas où ces instruments politiques et
diplomatiques de consolidation de la paix n?ont pas réussis, le recours
à la force a été appliqué.
A-Les approches de recherche de paix par les acteurs
locaux
Les efforts locaux de paix concernent essentiellement la
contribution de la société civile et celle de l?Etat.
1. Le rôle de la société
civile
La société civile est actrice de la paix au Nord
Kivu. In limine litis, essayons d?apporter une clarification sur la
notion de société civile dans cette province de la RDC.
Le concept de société civile au Nord Kivu
renvoie à toutes formes organisées en dehors des structures du
gouvernement, incluant les syndicats, les ONG, les organisations caritatives,
les centres de recherche et les organisations religieuses.
Les acteurs de la société civile structurent
leurs interventions en faveur de la paix autour de trois axes : les
mécanismes non judiciaires de gestion des conflits, la recherche-action
et le plaidoyer. Evoluant de façon indépendante ou en
réseau, 81151 organisations travaillent pour la restauration
de la paix au Nord Kivu. Les initiatives de paix qu?elles mettent en oeuvre
sont de trois ordres : les expériences de gestion des conflits au plan
local incluant les conflits fonciers et familiaux, la gestion des conflits aux
enjeux multiples au niveau d?un territoire et impliquant plusieurs
communautés, la gestion des conflits au niveau national et provincial
impliquant des actions en direction des autorités publiques nationales
et provinciales.
Tout d?abord, la gestion des conflits par la
négociation se base sur des mécanismes non juridictionnels ou
modes alternatifs de gestion des conflits et sont profondément
inspirés des coutumes locales. En effet, face à l?aggravation des
crises qui ont affecté les structures traditionnelles de gestion des
conflits, les acteurs de la société civile ont
développé de nouveaux espaces de gestion des conflits. Ces
espaces concernent la recherche de solutions négociées et la
restauration de la cohésion sociale. Ceci constitue une
réinvention des pratiques des communautés pour lesquelles la
conciliation prévaut sur la justice. A titre illustratif, une personne
qui va au tribunal sans passer par la conciliation est considérée
comme malhonnête. La référence à ces modes
traditionnels de gestion des conflits est dû au fait qu?ils conviennent
le mieux aux pratiques des communautés d?une part. D?autre part, les
tribunaux connaissent un certain désaveu car exigent des coûts
énormes et ne garantissent pas toujours l?impartialité.
Ensuite, les acteurs de la société civile
passent par la compréhension des problèmes vécus par la
population pour établir des propositions. Morvan et Kambala Nzweve
affirment qu?en plaçant les communautés en conflits et leurs
expériences au centre du savoir, ces acteurs locaux «
visent à améliorer la connaissance des
dynamiques de conflit par les acteurs eux-mrmes et, en conséquence,
à favoriser l'appropriation et la responsabilisation de ces acteurs dans
l'élaboration de solution idoines
»152. C?est donc de la recherche-action se
faisant à travers l?information des populations sur les conflits qu?ils
vivent. Elle est par ailleurs poursuivie par le suivi et l?accompagnement des
populations dans l?exécution des recommandations liées aux
actions relevées sur les conflits et autres situations de violence.
151 Morvan, Hélène et Kambala
Nzweve, Jean-Louis : La paix à petits pas, inventaire et analyse des
pratiques locales de paix à l'est de la République
Démocratique du Congo, cas du Nord et du Sud Kivu in International
Alert, novembre 2010, p.14
152 Id, p.33
Enfin, le plaidoyer se fait au niveau national et
régional. L?action de plaidoyer concerne la sensibilisation du grand
public et des autorités sur la gestion des ressources naturelles et
autres facteurs de violence. À travers une approche participative, les
leaders de la société civile recensent les réclamations
des populations et les adressent au gouvernement.
De façon globale, les acteurs de la
société civile au Nord Kivu dans leurs efforts de construction de
la paix utilisent des moyens d?interventions que sont la sensibilisation et le
renforcement des capacités. La négociation, la médiation
et la conciliation constituent aussi des stratégies prisées par
ceux-ci en vue de résoudre les antagonismes dans cette province.
2. Le rôle de l'Etat
Dans l?ensemble, le gouvernement central de la RDC s?investit
beaucoup plus dans le processus de paix au Nord Kivu après la seconde
guerre du Congo c?est-à-dire à partir de1999. Mais, en ce qui
concerne des initiatives prises singulièrement, son action se
déroule de façon significative après la transition,
c?est-à-dire autour de 2008.
La contribution majeure de l?Etat se retrouve en son
déploiement pour la négociation avec les forces
belligérantes ; la protection des civiles et l?application en vue de
garantir une insertion sociale aux multiples déplacés,
réfugiés et déshérités de guerre. Dans cette
perspective, la conférence de paix de Goma constitue
l?élément central d?analyse du rôle de l?Etat dans le
retour de la paix au Nord Kivu.
Organisée par les pouvoirs publics en janvier 2008, la
conférence de Goma, conférence sur la paix, la
sécurité et le développement dans les provinces du Nord et
du Sud Kivu, aboutit à la signature d?un acte d?engagement par 09
groupes armés et le gouvernement congolais ; soit 10 parties
belligérantes. Aussi, cette conférence débouche sur
l?établissement d?un programme national de développement
dénommé « programme Amani ». Celui-ci a pour objectif
de créer les conditions de sécurisation, de pacification et de
reconstruction des provinces du Nord et du Sud Kivu153.
En matière de paix, l?acte d?engament constitue la
résolution pertinente de la conférence de Goma. Il est relatif
à la paix et à la fin de la guerre. Cet acte contient 4 articles
qui disposent : du cessez-le-feu ; du désengagement des groupes
armés rebelles, de leur brassage et de la création des zones
démilitarisées ; des principes humanitaires et du respect des
Droits de l?Homme ; et, enfin, des mesures de garanties politiques et
juridiques154.
153 Cellule Provinciale d?appui à la Pacification(CPAP) :
Revue bibliographique des travaux principaux sur les causes des conflits
dans le Nord Kivu, PNUD, 2008
154 Cf. Texte intégral de l?acte d?engagement in
http://unionducongo.blogspot.com
En ce qui concerne le cessez-le-feu, les parties signataires
s?engagent à arréter totalement et immédiatement les
hostilités sur toute l?étendue du territoire du Nord Kivu.
Celles-ci affirment arrêter tout acte de violence ainsi que tout
recrutement dans leurs forces armées. Bien plus, l?abstention de poser
des actes nuisibles à la paix et à la sécurité
intègrent les mesures prisent par les factions. De là,
l?approvisionnement en arme et en munitions, toute attaque ou provocation,
toute déclaration de nature à favoriser les hostilités
ainsi que toute tentative d?occuper des positions sur le terrain sont
prohibées.
Pour renforcer cet état de fait, des dispositions
communes sont prises pour le désengagement des groupes rebelles et de
leur réinsertion sociale. Pour ce faire, les exactions sur les civiles
principalement les femmes et les enfants doivent être
arrêtées. Dès lors, ceux-ci doivent être
rétrocédés de leurs biens enlevés par les groupes
armés et, leur liberté notamment de circulation rétablie.
Pour que l?ensemble de ces décisions soit effectif l?Etat a un
très grand rôle à jouer. C?est pourquoi il s?engage tout
d?abord à respecter les termes de l?acte d?engagement ; puis accorder
une amnistie pour fait de guerre. L?Etat s?engage donc à
décréter le cessez-le-feu et s?abstenir de tout appui militaire
national ou étranger.
Tout le travail du gouvernement congolais a consisté
de faire appliquer et respecter les principes de cet acte d?engagement. Mais,
au prise des « agendas idéologiques et des stratégies de
lutte des groupes locaux »155 , il fera recourt quelquefois
à la force pour asseoir la paix. Tel est par exemple l?objectif des
« opération Kimia I » et « opération Kimia II
» lancées en vue de pourchasser les FDLR considérés
comme menace principale à la paix au Nord Kivu.
B-Les approches de recherche de paix par les acteurs
internationaux
Les acteurs internationaux se sont investis principalement
à travers des négociations politiques. A ce titre, deux
principaux accords de paix sont à relever. Il s?agit de l?accord de
Lusaka et de l?accord de Sun City.
1. L'a}}ord de Lusaka
La guerre internationale africaine éclate le 2
août 1998 en RDC. Les combats entre forces gouvernementales et rebellions
éclatent en méme temps dans la capitale Kinshasa qu?à
l?est. Deux jours plus tard, L.D Kabila est sauvé par l?intervention des
troupes angolaises, envoyées en renfort suite à une
décision prise le 19 août à Harare quand Zimbabwe,
Namibie
155 CPAP, op.cit, p.18
et Angola répondirent favorablement à une
demande d?assistance du président Kabila156. Après de
nombreux sommets impliquant la SADC, l?OUA et l?ONU, un accord est signé
à Lusaka le 10 juillet 1999.
L?accord de paix signé à Lusaka157
est un accord de cessez-le-feu. Il comporte 03 articles concernant entre autre
: le cessez-le-feu, les préoccupations en matière de
sécurité et les principes dudit accord. Toutes les parties
conviennent du cessez-le-feu, c?est-à-dire la cessation de toute
hostilité, tout renfort militaire ainsi que la propagande hostile, selon
les termes de l?accord. Le cessez-le-feu doit être effectif, et implique
des éléments tels : les attaques aériennes terrestre ou
maritime, toute tentative d?occupation de nouvelles positions sur le terrain,
l?arrêt de toute violence contre les civiles telles que les
exécutions sommaires, la torture, le harcèlement, les crimes
ethniques. De façon générale, l?accord de Lusaka, esquisse
des mesures politiques et militaires susceptibles de ramener la
paix158. Dans son chapitre III (11a), l?accord institue la MONUC
dont le rôle est d?assurer sa mise en oeuvre. Il est prévu une
commission militaire mixte chargée d?exécuter
immédiatement après l?entrée en vigueur de l?accord en
collaboration avec le groupe d?observateur de l?ONU et de l?OUA les
opérations de maintien de la paix jusqu?au moment du déploiement
de la mission de maintien de la paix de l?ONU. La CMM est composée de 02
représentants de chaque partie à l?accord et d?un
président neutre désigné par l?OUA en consultation avec
les parties et, d?un comité politique composé de ministres des
affaires étrangères et de la défense ou de tout
représentant dûment mandaté par les parties. Il est aussi
prévu le retrait de toutes les forces armées
étrangères de la RDC. Cette commission donc a entre autre pour
mandat de vérifier le retrait des forces étrangères et le
respect du cessez-le-feu159. Au plan politique, l?accord de Lusaka
dans un premier temps dispose d?agir sur les causes ethniques du conflit via la
nationalité. A ce titre il affirme que la nationalité doit
être attribuée à toutes les personnes ou tout groupe dont
le territoire était situé dans le Congo(RDC) à
l?indépendance. Dans un second temps, il institue le dialogue
intercongolais, pourparler devant regrouper toutes les forces vives de la
nation congolaise dans l?optique de mettre un terme au conflit qui embrasait le
pays depuis des décennies.
156 Parqué, Véronique : Le rôle de la
communauté Internationale dans la gestion du conflit en RDC in :
L?Afrique des Grands Lacs, annuaire 1999-2000, avril 2000
157 Les parties signataires de l?accord de Lusaka sont entre
autre : la RDC, l?Ouganda, l?Angola, la Namibie, le Rwanda, la Zambie, le
Zimbabwe, le RCD et le MLC (31 et 01 août). Comme témoins nous
avons : les représentants de l?ONU, de l?OUA, de la SADC et de la
Zambie.
158 International Crisis Group : Le partage du Congo,
anatomie d'une sale guerre, ICG rapport no 26, 20 décembre 2000,
p.1
159 Willame, Jean Claude : Le
processus de paix en RDC après Lusaka in : l?Afrique des Grands
Lacs, annuaire 2002-2003, avril 2003
L?essentiel de ce dialogue entre également dans les
efforts internationaux de gestion/résolution du conflit et violences en
RDC et au Nord Kivu et mérite qu?on lui accorde une forte attention.
2. I 'accoLd de16Xn &1ty
Après Lusaka, plusieurs autres accords politiques de
résolution des conflits160 en RDC ont
été signés. Mais, l?un des plus importants reste l?accord
de Pretoria signé le 17 décembre 2002 et ratifié le 01
avril 2003 à Sun City par le gouvernement congolais, l?opposition
armée et l?opposition politique. Il débouche sur un accord Global
et inclusif formulé sous forme de constitution de transition.
Prévu depuis Lusaka, le dialogue intercongolais entériné
à Sun City vise 3 choses : former une nouvelle armée nationale,
organiser des élections libres et démocratiques et
rétablir l?administration de l?Etat sur l?ensemble du territoire
congolais.
Tout d?abord, l?accord global et inclusif porte sur la
cessation des hostilités. A ce titre, toutes les parties acceptent la
formation d?une armée nationale restructurée et
intégrée. Toutes les parties réitèrent leur
engagement à respecter la résolution de l?ONU sur le retrait des
troupes étrangères, du désarmement des milices et de
sauvegarder l?intégrité territoriale de la RDC. Les groupes
armés rebelles et autres milices doivent être
intégrés à l?armée nationale. De ce fait, ils
bénéficieront de postes aux hautes instances de gestion des
affaires publiques.
Ensuite, les bases d?une gestion consensuelle du pouvoir sont
posées. Il s?agit du 1+4 au sommet de l?Etat et le partage des postes au
niveau inférieur. L?article 80 de la constitution de transition pose la
règle du 1+4. Au terme de cette disposition, « la
présidence est composée du président et des quatre
vice-présidents »161. Pour
acheminer la réconciliation nationale, les parties décident de
mettre en place un gouvernement d?union nationale qui permettra d?organiser des
élections libres et démocratiques. En effet, la transition doit
réunifier, pacifier et reconstruire le pays et, rétablir
l?autorité de l?Etat, organiser des élections libres et
démocratiques.
Enfin, pour assurer la souveraineté de l?Etat, les
parties décident de cesser les hostilités et aussi de respecter
l?organe de transition mis sur pied en vue d?organiser des élections
transparentes. Le mécanisme de sécurisation que l?accord apporte
à cette gestion consensuelle du pouvoir c?est l?octroi de la Commission
politique, la Commission économique et
160 Entre autres, nous pouvons citer : l?accord entre
Kinshasa et Kigali prévoyant le retrait des soldats rwandais
signé le 30 juillet 2002 et l?accord entre RDC et Ouganda
prévoyant le retrait de tous les soldats ougandais sur le sol de la RDC
signé le 06 septembre 2002. Voir à ce titre Kengoum,
Célestin op.cit
161 Cf. texte intégral de l?accord global et inclusif
signé à Pretoria in
www.congoonline.com
financière respectivement aux factions rebelles RCD et
MLC. Tandis que, la Commission pour la reconstruction et le
développement est attribuée au Gouvernement et, la commission
sociale et culturelle reste sous la charge de la composante politique. Chacune
de ces Commissions est répartit selon les postes de
vice-présidents prévus par l?accord.
L?accord de Sun City redéfinit les fonctions des
institutions et réoriente la politique nationale congolaise. De
façon globale il pose les principes de la gestion de l?Etat et devient
dès lors la constitution du pays.
II-Limites des approches de paix
implémentées au Nord Kivu
Bien que des mécanismes de paix aient
été appliqués au Nord Kivu, ils ne comportent pas moins
des limites. Ce sont ces limites qui expliquent en définitives la
perpétuation de la violence directe dans toute cette région de la
RDC. Ainsi, les limites sont à la fois liées aux méthodes
appliquées par la société civile et l?Etat(A) d?une part,
et, d?autre part, elles sont liées aux accords politiques signés
sous la pression de la communauté internationale(B).
A- Limites des approches de recherche de paix locale
1- Limites de la contribution de la
société civile
Nous le précisions plus haut, les dynamiques locales
de résolution des conflits sont prises en compte par les
acteurs locaux notamment par la société civile au Nord Kivu.
Ceux-ci interviennent en majorité en matière foncière et
familiale à savoir : vente et occupation illégales des terres,
conflits liés au retour des déplacés et
réfugiés, conflits de succession séparation conjugale et
infidélité. Les acteurs locaux se concentrent beaucoup plus sur
ces types de conflits par manque de compétence ou de ressources pour
s?attaquer aux conflits plus complexes mais aussi par l?importance de ces
conflits fonciers et familiaux. « La contribution que
peuvent apporter les mécanismes locaux de gestion des conflits dans la
prise en charge des aspects plus structuraux de la violence s'avère
limitée »162.
La médiation en offrant une solution « acceptable
» peut contribuer à légitimer des rapports
inégalitaires qui ne le sont pas. Les rapports de forces qui traversent
la société influencent le processus de médiation par les
acteurs de la société civile. Les intérêts
corporatifs, tribaux et politiques influencent très souvent la
médiation.
162 International Alert, op.cit, p.34
Aussi, Les acteurs de la société civile disent
effectuer la médiation, mais il ne s?agit aucunement de la
médiation. Ceci se justifie par plusieurs facteurs.
Le premier facteur concerne le choix des médiateurs.
Au sein de la société civile, le choix des médiateurs se
fait de 02 manières : les élections et la
représentativité. Les élections des médiateurs sont
sous-tendus par des critères tels : l?engagement,
l?intégrité, la sagesse, la connaissance du droit et la
crédibilité de la personne. Quant á la
représentativité, des représentants des principales
composantes de la communauté et des représentants des
autorités sont intégrés.
Le second facteur concerne les qualités du
médiateur. En théorie, le médiateur aide les parties en
conflit á comprendre le différend qui les divise en garantissant
un espace équitable de dialogue et en accompagnant celles-ci dans la
recherche d?une solution. Au Nord Kivu, plusieurs cadres sont initiés
par des organisations de défense des Doits de l?Homme et, placés
sous l?autorité de juriste n?appliquant que le droit. Or, la
prédominance de la référence à la loi est
préjudiciable dans la recherche d?une solution équitable.
De ce qui précède, les médiateurs ne
sont pas neutres. Bien plus, le principe de représentativité
influence la proximité des médiateurs. En fait, dans certains cas
observés, la médiation est toujours menée de
manière collégiale par 02 médiateurs ou plus. Quelquefois,
ils sont plus nombreux que les parties en conflit. Aussi, des pratiques
clientélistes s?observent chez ces acteurs de paix. En effet, les plus
nantis peuvent avoir de l?argent pour payer une décision politique et,
sont souvent manipulés par les politiques.
2- Limites de l'intervention de l'Etat
Deux principaux facteurs expliquent les limites de
l?intervention de l?Etat dans le processus de construction de la paix au Nord
Kivu : la non applicabilité du Programme Amani et de l?acte
d?engagement, et le recours à la force.
L?acte d?engagement constitue un panneau indicateur qui
montre la direction á suivre. Il laisse le soin aux acteurs
engagés dans le processus de négociation de prendre
résolument la route et mener à bout la course entreprise. Ces
acteurs l?ont massivement violé. Aussi, considérés comme
la principale menace à la paix, la question des FDLR n?est pas
adressée.
« Selon la MONUC, depuis la signature des actes
d'engagement, il y'a eu 304 violations du cessez-le ~feu, dont 50 entre CNDP et
milices diverses, 49 entre PARECO et CNDP, 46
concernant les FDLR, 32 entre FARDC et CNDP
»163. Le CNDP explique les violations du cessez-le-feu par deux
choses : l?échec du Programme Amani et la volonté de
négocier de façon directe avec le gouvernement en dehors de ce
cadre.
Le plan de désengagement proposé dans le cadre
du Programme Amani n?a pas été respecté. En effet, ce plan
demandait aux parties belligérantes de respecter trois lignes de
désengagement au Nord Kivu : au sud et au nord de la zone CNDP dans le
territoire de Masisi et à l?ouest de l?autre zone CNDP tamponnée
aux frontières de l?Ouganda et du Rwanda dans le territoire du Rutshuru.
Aussi, il définissait quatre zones de répartition où,
d?après un calendrier précis, les forces en place devaient se
désengager. « Le paradoxe maintenant est que le gouvernement a
accepté le plan de désengagement mais refuse de l'appliquer sur
le terrain, tandis que le CNDP l'a refusé mais de fait le respecte
»164.
En plus, depuis son acceptation du plan de
désengagement le 17 septembre 2008, les FARDC multiplient les attaques
contre les rebelles et précisément les FDLR. Dans ce cadre, la
MONUC relève que les FARDC constituent les premiers violeurs du
cessez-le-feu. Aussi, des témoignages rapportent la contestation des
casques bleus de la MONUC par ces soldats FARDC qui, manipulent la population
pour saboter l?action de la MONUC et se maintenir dans les localités
contrôlées.
Dans toutes ses actions entreprises, le gouvernement favorise
l?option militaire, ce qui raidit la rébellion et ajourne l?espoir d?une
paix positive au Nord Kivu.
B-Limites des approches de recherche de paix
internationales
1- Limites de l'accord de Lusaka
Willame165 relève que l?accord de Lusaka a
été contradictoire en ce sens qu?il conditionne une obligation
non négociable en Droit International, à savoir, le respect de
l?intégrité territoriale et de la souveraineté
internationale d?un pays agressé par un autre, à l?obligation
pour le pays agressé de mener avec succès un dialogue national.
Nonobstant, les acteurs internationaux impliqués dans le processus de
gestion des conflits ont axé toute leur diplomatie au processus de
réconciliation nationale sans que soit réellement mis en exergue
la réalité d?une agression extérieure condamnable en Droit
International. L?accord légitime la
163 Johnson, Dominic :
Construire la paix au milieu de la guerre ? Le
désarroi de la communauté internationale, Goma, 26/9/2008,
p.8 in Pole Institute : RDC, Nord Kivu, les guerres derrière la guerre,
dossier Pole Institute, Goma, le 26 septembre 2008
164 Id , p8
165 Willame, op.cit
présence des forces étrangères en RDC en
leur attribuant le qualificatif de « belligérants ». De ce
fait, l?accord nie en quelques sortes l?agression dont la RDC est victime de la
part du Rwanda, du Burundi et de l?Ouganda.
Dans son explication des causes des violences, l?accord de
Lusaka ne mentionne que la dimension interne. Il parle plutôt d?un
conflit ou des groupes rebelles se seraient insurgés, un conflit
où l?exclusion politique a favorisé le conflit armé. Or,
ignorer la dimension externe du conflit en RDC ne constitue qu?à rendre
parcellaire toute tentative de recherche de paix.
L?accord prévoie aussi de poursuivre et désarmer
les criminels de guerre ainsi que les milices. Mais, la contradiction en est
que, l?accord assigne aux belligérants eux-mêmes
« la tâche de contrôler le
désengagement des forces pendant la période transitoire
précédent le déploiement des forces onusiennes
»166. Ce qui élargit le champ
d?intervention des forces externes en RDC piétinant sa
souveraineté.
Grosso modo, en ce qui concerne les modalités de
cessation des hostilités, l?accord de Lusaka a plutôt
renforcé au lieu de réduire les capacités d?intervention
des forces externes agressives de la RDC. De deux, l?accord s?est
focalisé fondamentalement sur la résolution politique des
violences battant en brèche l?influence externe et les problèmes
ethniques et du foncier qui alimentent à leur façon ces
situations de violences. Un conflit complexe obéit à une
méthode de résolution complexe. Pour ce qui est de la RDC, seules
les approches militaires et Politiques ont été
privilégiées par l?accord de Lusaka. Ce qui n?a fait
qu?accroître les violences et potentialités d?actes
génocidaires dans ce pays et précisément au Nord Kivu
où les antagonismes connaissent progressivement des surenchères
critiques.
2. Limites de l'accord de Sun City
L?accord de Sun City a permis de concrétiser le
contrôle du système politique et économique de la RDC par
les pays membres du comité International de la transition. Il s?agit des
5 membres permanents du conseil de sécurité et l?Afrique du Sud,
l?Angola, la Belgique, le Canada, le Gabon, la Zambie, l?UA, l?UE et la MONUC.
Ces pays et instances ont refusé de s?adresser aux causes liées
à l?exploitation des ressources naturelles de la RDC, se résumant
au fait que les congolais devraient s?entendre entre eux-mêmes. Ainsi,
ils n?ont pas abordé la question des contrats léonins, la
poursuite de l?exploitation des ressources naturelles et la persistance du
ravitaillement en armes des groupes armés. Cette situation contribue
dès
166 Id, p.1
lors à frustrer ceux qui n?ont pas profité des
dividendes de l?exploitation des ressources naturelles.
Par ailleurs, il faut noter que les belligérants n?ont
jamais respecté les conditions dudit accords. En effet, quelques jours
après la signature des accords, des actes de violences continuent et,
les gouvernements impliqués dans le conflit assurent l?approvisionnement
des milices via des canaux illégaux.
En ce qui concerne la transition politique, dans un sens, le
dialogue intercongolais a renforcé la légitimité politique
des mouvements rebelles en tant qu?interlocuteurs prioritaires du gouvernement
de la RDC. Le partage de la RDC est effectif, et se fait entre forces
gouvernementales et groupes rebelles. En effet le système 1+4, ne donne
pas de pouvoir déterminant au président de la République.
Ce dernier voit sa souveraineté disloquée en de multiples parts
attribuées aux rebelles. Le partage du pouvoir n?est qu?un facteur
aggravant les tensions entre parties. L?accord n?a pas adressé les
causes sociales des violences se focalisant sur l?aspect politique et
institutionnel, oubliant les groupes qui ont subi des frustrations et qui
vivent au quotidien de l?aide humanitaire. Dans toute sa perspective, l?accord
de Sun City espoir d?un avenir de paix en RDC, à consister à
renforcer les intérêts des belligérants sans y
intégrer des milliers d?hommes , de femmes et d?enfants qui fuient les
guerres, vivent dans une indécence tragique et une pauvreté
accentué et dont les prières ne tournent qu?autour d?un retour
à la paix en RDC167.
Il est à relever que, les voies
politico-institutionnelles quand bien même sont utiles dans la
résolution des conflits en RDC et au Nord Kivu, elles ne sont pas
efficaces dans l?intégration de toutes les dimensions sociales
touchées par le conflit dans le processus de résolution desdits
conflits. Ainsi, les interactions ethniques ont été
ignorées, le poids des guerres sur les plans sociopolitique,
économique, culturels et environnementaux aussi, l?objectif étant
de partager les dividendes dü par les ressources naturelles en totale
oubli de l?humanité et des principes cardinaux de la paix que sont : le
dialogue, l?équité, la justice et la non-violence.
Dès lors que ces différents aspects ne sont pas
abordé dans une stratégie visant la paix, l?idée
naît de les réorienter sous ces perspectives. Dans ce cas, tout
effort de paix au Nord Kivu devrait prendre en compte les poids et
atrocité des affrontements, tout en prévoyant l?introduction au
sein des groupes conflictogènes des organes chargés d?alerter les
belligérants
167 Le poids de la guerre pèse sur les populations. Les
pertes qu?elles ont encourues ne leur permettent plus de continuer
l?activité belligérante. Elles sont comme le précise le
Dr. KÄ MANA, « fatiguées » de la guerre. Voir annexe 3
potentielles sur les risques encourus en cas d?escalade de la
violence ; ce que notre approche tente de démontrer dans la partie
suivante.
En définitive, toutes ces limites des voies de
recherche de paix observables tentent de convaincre sur la
nécessité d?étudier les possibilités
d?établissement d?une stratégie de paix impliquant
essentiellement les groupes locaux victimes et faiseurs de la violence. La paix
au Nord Kivu doit être construite par la psychologie des
groupes168. Les contrats de paix entre hauts belligérants et
le recours à la force certes peuvent aider, mais ne sont pas pertinents
en matière de réalisation d?une paix durable devant garantir
stabilité et développement durable. Dans la partie suivante, nous
nous attelons à présenter ce que peut être une option de
paix obéissant à ce critère sus-évoqué et,
garantissant les conditions d?une paix positive au Nord Kivu.
168 Les groupes ethniques, les alliances de défense des
civiles sont des points focaux pour le début de
l?établissement de la paix. Ils s?investissent et
commence à développer des discours favorable à la paix.
Comme le précise Mr CISHAMBO CISHAMBO (interviewé le 08-12-2011,
voir annexe 8), ils sont désormais conscients que la guerre ne leur
servira à rien. La paix est ainsi d?abord pour les kivutiens du Nord
avant d?être celle des voisins et de l?Etat congolais.
TROISIEME PARTIE :
CONSIDERATIONS SUR LE CALCUL DE
L'HORREUR
CHAPITRE I : INSTRUMENTS ET APPROCHES DU
CALCUL SYSTEMATIQUE DE L'HORREUR AU NORD KIVU
Nous présentons ici les éléments
sous-tendant le calcul de l?horreur au fin d?une appréhension
épistémologique d?une part, et, d?autre part, nous essayons
d?examiner cette stratégie de prévention de la violence pour en
maîtriser les contours ; enfin, nous examinons dans quelle mesure il est
applicable.
I-Les Instruments du calcul de l'horreur
A-L'alerte précoce
La notion d?alerte précoce fait récemment son
apparition dans le domaine de la décision politique et de la
prévention des « conflits ". Elle a beaucoup plus été
utilisée dans les domaines relatifs à la prévention des
catastrophes naturelles et ceux militaires. Depuis la fin de la guerre froide,
des plaidoyers dans les milieux académiques et politiques se font pour
introduire cette notion dans le champ de l?étude des conflits.
La notion d?alerte précoce est difficilement
définissable. Elle peut être reliée au concept de
diplomatie préventive dont l?objectif est de contenir le conflit avant
qu?il n?atteigne un niveau difficilement gérable. Dans cette approche de
diplomatie préventive, le critère c?est l?intensité du
conflit et la préconisation d?une action dans une phase de conflit de
faible intensité. Ici, l?alerte précoce ne vise pas la
prévention de la violence en tant que telle, mais vise à
empécher le déclenchement d?hostilités sans retour. C?est
donc une option de gestion des conflits.
D?autres auteurs assimilent l?alerte précoce à
la notion de prévention des « conflits " qui concerne des
situations où les objectifs différents (incompatibles) des
adversaires sont contrôlés afin d?éviter le
déclenchement des hostilités. D?après cette approche, le
but de l?alerte précoce est la prévention de toute forme de
conflit violent.
Le FEWER quant à lui et dans la même perspective
que cette précédente définit l?alerte précoce ainsi
qu?il suit : « la collecte systématique et l'analyse de
l'information sur des régions en crise et donc la vocation est a)
d'anticiper le processus d'escalade dans
l'intensité du conflit, b) de développer des
réponses stratégiques à ces crises, c) de
présenter des options d'action aux acteurs concernés afin de
faciliter la prise de décision »169.
De cette définition, découle 3 conditions de
l?alerte précoce à savoir : le temps, ses destinataires et son
organisation.
D?après le PIOMM (Programme interdisciplinaire de
recherche sur les causes de violation des droits humains), l?alerte
précoce doit se situer dans un délai en amont de 6 à 12
mois. Un délai de 6 semaines á 6 mois correspond á une
alerte donnée á temps et, en dessous de 6 semaines, le temps
d?alerte est dépassé et correspond à une situation
d?action dans l?extreme urgence170.
Les destinataires de l?alerte précoce sont les
victimes et les auteurs de la menace ainsi que la communauté
internationale et les médias. Quant à l?organisation, elle se
fait à travers une structure permanente d?analyse de données,
coordonnée et standardisée.
Deux étapes sont à considérer dans le
processus d?alerte précoce, c?est-á-die dans l?utilisation des
données relatives aux potentiels conflits.
Primo, la recherche et l?analyse des données pouvant
etre interprétées comme signaux d?un conflit à venir.
« S?il est prouvé que le passage à l?acte violent est
imminent et qu?une réponse rapide peut encore faire la
différence, la procédure d?une alerte précoce entre dans
une seconde phase : un signal est transmis aux décideurs politiques qui
doivent prendre la décision requise pour s?assurer de la
prévention de la violence »171.
Plusieurs modèles permettent de prédire
l?irruption d?un conflit violent. Ces modèles se distinguent par : les
objectifs, la structure, la méthode de récolte de l?information,
le mandat des autorités qui assurent la gestion.
L?institut Clingendael172 définit trois
modèles de prévention des conflits : le modèle
corrélatif, le modèle séquentiel, le modèle
conjoncturel.
Le modèle corrélatif se concentre sur les
indicateurs et les causes structurelles du conflit et cherche á
expliquer comment ceux-ci contribuent à l?émergence des conflits
(analyse quantitative, veille permanente). Cette approche utilise l?histoire et
tend à mettre en
169 Cf Schmid, Alex (dir): Thesaurus and glossary
of early warning and conflict prevention terms, abridged version,
Erasmus University, FEWER, May 1998. Traduction faite par l?OIF in OIF :
Mécanismes des systèmes d'alerte :
contribution à une comparaison internationale ; étude
réalisée pour
l?organisation internationale de la francophonie, réunion
du 5-7 avril 2004. Paris, Centre de Recherche sur la paix, Institut catholique
de Paris, avril 2004, p.7
170 OIF, op.cit, p.7
171 Id, p.9
172
www.clingendael.nl
évidence les rapports de causes à effets. Elle
est dite post-prédictive car utilise des informations et des
événements du passé.
Le modèle séquentiel quant à lui
privilégie l?alerte de court-terme en étudiant la séquence
au sein de laquelle les événements déclencheurs des
conflits sont apparus dans le passé (analyse quantitative,
données relatives aux événements).
Enfin, le modèle conjoncturel identifie les moments
dans le cycle du conflit où une intervention stratégique a les
meilleures chances de déboucher sur un résultat. Cette approche
recherche des conjonctures permettant l?intervention d?une tierce personne.
L?alerte précoce est orientée vers les conflits
intraétatiques et repose sur des données fiables menées
par des recherches standardisées et sur un usage rigoureux des
indicateurs des conflits. Elle est aussi variable selon les institutions qui la
prône, et touche en ensemble de domaines variés tels que : les
droits de l?homme, l?économie et la politique.
B-/ IIDIIDION1- NMIDtégITX1-
L?analyse stratégique s?articule autour de la
compréhension des relations entre acteurs interdépendants et/ ou
l?action collective. A ce titre, elle analyse les systèmes d?action
concrèt. Un système d?action concret est un ensemble de jeux
structuré entre des acteurs interdépendants, dont les
intérêts peuvent etre divergents voire contradictoires. l?analyse
stratégique adopte une démarche
hypothético-déductive pour construire et cerner son objet
d?étude par étapes successives à travers l?observation ,
la compréhension et l?interprétation des multiples processus
d?interaction et d?échange qui composent la toile de fond de la vie
à l?intérieure du système d?action qu?elle cherche
à analyser173 . Cette analyse est utilisée dès
lors qu?un système d?action est mis en évidence dans le domaine
de l?éducation, et comme modèle théorique d?analyse du
changement.
Le changement concerne ici la construction des règles
à partir du jeu des acteurs empiriques, calculateurs et
intéressés. Ceux-ci sont rationnels et autonomes et rentrent en
interaction dans un système qui contribue à structurer les jeux.
Cependant, entre eux, il nexiste pas d?arrangement naturel c?est-à-dire
automatique et incontrôlé, mais, uniquement des construis, ce qui
suppose la présence d?une intentionnalité.
173 Crozier M., Friedberg E. : L'acteur et le
système, les contraintes de l'action collective,
Éditions du Seuil, coll. Points Essais, 1992
Dans le domaine de l?analyse de la violence, l?analyse
stratégique permet de déceler cette intentionnalité pour
en déduire des moyens de prévision afin qu?elle ne
débouche sur l?escalade.
L?analyse stratégique désigne aussi le
processus par lequel une situation donnée est décomposée
en ses divers éléments et au cours duquel on étudie le
rôle joué par ces éléments pour la
détermination d?une stratégie.
Selon Alain Spoiden174, elle aborde l?étude
d?une situation donnée par les composantes suivantes : les forces
armées, les acteurs importants, l?économie, l?environnement
stratégique, la politique, la science et la technologie, la population
et la culture, les transports et les télécommunications pour ne
citer que ces éléments.
Aussi, elle identifie les forces et les faiblesses des
parties en présence afin d?en déterminer les centres de
gravité. Entre les composantes, il existe des influences mutuelles
transcendées par la science et la technologie. L?analyse
stratégique se fonde sur l?histoire puisque les
antécédents d?une situation sont critiques pour la
compréhension du présent et l?analyse du futur. C?est donc une
approche efficace qui aboutit à des conclusions utiles.
Bien plus, cette analyse est pratiquée par une
participation à l?élaboration de la meilleure prévision,
du meilleur pronostic et cela suffisamment tôt par rapport à la
sphère du conflit ouvert pour que le champ des actions offert aux
décideurs soit le plus large possible. Elle est aussi efficiente. Cette
efficience est mesurée à l?aune des résultats qu?elle
produit.
La prise en compte de toutes les composantes de l?analyse
stratégique tend à maximiser le rendement du processus. Il est
donc nécessaire d?approcher la violence potentielle sous cet angle.
II-Approches GffpINGEIGEIOKLLENL
A-/ 11:pproche comparative
En terme comparatif, le calcul de l?horreur se
réfère aux faits passés et ceux actuels influençant
la politique interne d?un Etat.
Pour etre implémenté, le calcul de l?horreur
doit établir un rapprochement comparatif entre des
événements passés et des faits actuels. Il s?agit
d?analyser la donne socio politique et économique du pays et/ou de la
communauté où des potentialités de violences ouvertes
s?observent. Une analyse des événements passés doit par
exemple considérer : la présence des conflits et leurs
typologies, les facteurs causant les conflits, les mécanismes de
gouvernance,
174 Spoiden, Alain : Un centre d'analyse et de
prévision, Institut Royal Supérieur de défense, mai
2001, p.6
les conditions de vie des populations, le degré de
cohésion sociale. Débouchant sur les conséquences
négatives, l?analyse doit présenter de façon
détaillée les pertes dues par les scènes de violence
passées. Ces indicateurs dans une analyse historique permettent de
définir la conflictualité et de déterminer les
potentialités d?escalade de la violence. Coller et
Hoeffler175 soulignent par exemple que la guerre civile accroit dans
les années suivantes des risques d?implosion de la violence et de retour
dans la guerre civile. Ainsi, un pays qui a par exemple connu des guerres
récurrentes dans les dix dernières années serait
exposé aux risques d?implosion sociale. S?il s?agit d?un conflit
à béquille ethnique par exemple, les potentialités de
résurgence de la violence s?avèrent croissant, ceci par le fait
que l?ethnicité est une construction donc, difficilement
malléable.
Les événements passés orientent sur les
fondements de la violence, les pistes de résolution explorées et
les modalités de mise en oeuvre des mécanismes de paix
adéquats. Il s?agit donc de scruter le passé propre au pays ou
à l?entité en situation potentielle de violence. Toutefois, ce
passé doit être quasi idem que celui présent. En d?autres
termes, les facteurs de la violence déterminés dans ce
passé doivent être les mêmes que ceux observés dans
le contexte contemporain.
Ayant produit des éléments d?informations sur
les crises anciennes qui se rapprochent de celle contemporaine au sein d?une
entité, une comparaison doit être effectuée d?avec les
faits contemporains. Il est question d?avoir une lecture de ces
événements passés en vue de mieux aborder des questions
similaires qui peuvent soit renforcer ces faits passés ou
dégénérer complètement la situation. Dans une
optique d?intervention rapide voir de prévention liminaire de la
violence, les conclusions obtenues de cet exercice comparatif permettent
d?alerter les belligérants et autres acteurs en conflits des risques
qu?ils encourent à aller en guerre.
B-L'approche scénario
L?approche scénario est estimative et se fait à
deux niveaux : l?évolution de la donne sociopolitique, économique
et culturelle interne et internationale qui tiennent lieu de composante.
Au plan interne, l?estimation mesure les indicateurs des
conflits contemporains et fait des prévisions sur l?avenir en fonction
de l?évolution et du dynamisme des composantes suscitées. Aussi,
l?estimation analyse les informations recueillies sur les forces en
présence,
175 Coller, Paul and Hoeffler, Anke : Greed and Grievance in
Civil War in Oxford Economic Paper, no 56, 2004

leurs attitudes et comportement, l?évolution et la
variation des alliances, les antagonismes pour définir les
potentialités d?escalade des conflits.
A partir de l?analyse stratégique, des scénarios
sont mis en relief pour déduire les risques ou impacts négatifs
pouvant résulter d?une escalade de la violence.
L?accent est ici mis sur les groupes qui influencent la paix.
En effet, intégrer les groupes conflictogènes dans le processus
de résolution/prévention des violences c?est recomposer les
constituants de la paix et considérer les intérêts et
enjeux « cachés » qui alimentent la violence. Les groupes
belligérants constituent les faiseurs de paix et de guerre.
Dès lors, tout espoir de paix doit tenir en compte leur influence, leurs
forces et leurs revendications. Prenons par exemple le cas de deux forces qui
s?affrontent : les FDLR et le RCD-G. L?estimation dans l?optique de
prévenir de nouvelles violences doit étudier de fond en comble
les indices suivants : leurs approvisionnement en arme, les alliances qu?elles
nouent, l?occupation de l?espace, les discours tenus, les griefs, les attitudes
et les comportements conflictuels.
Inscrits sur une courbe de la dynamique des conflits, ces
indices sont susceptibles de renseigner si les parties sont prétes pour
le dialogue ou alors veulent aller dans l?affrontement direct. Dans un
repère orthonormée, l?on place en abscisse les indicateurs et, en
ordonnée le temps. S?il s?avère que la moyenne de ces indicateurs
soit croissante dans le temps, l?on peut considérer que l?escalade
pourrait advenir. Au cas contraire, elle ne pourrait se produire.
Graphique d'étude sur les potentielles violences
ouvertes : réal'ser par nous
Toutefois, l?observation n?est pas qu?effectuée sur
les groupes belligérants, elle l?est aussi sur les groupes civils
classés en fonction de l?appartenance intergroupe. Ici, des indices tels
la pauvreté, la satisfaction des besoins de base, la rumeur peuvent
être relevés en plus d?autres indices sus-évoqués.
L?analyse produit alors la perception sociale de la violence et de ses
potentiels impacts sur les interactions sociales entre individus ainsi qu?entre
individus et l?Etat. Le principe d?identification de potentielle violence est
le même que celui précédemment abordé. Les indices
sont en abscisse et le temps en ordonnées. La persistance de la
pauvreté ou de mesures ségrégationnistes pourrait par
exemple escalader en violence.
Pour une bonne effectivité, des projections sont
effectuées sur les informations obtenues allant des périodes
d?exacerbation de la violence aux potentiels impacts négatifs dans
l?ensemble des parties et ou victimes.
Au plan international, c?est-à-dire au sein d?une
méme sous région, l?estimation analyse la donne politique des
Etats. Elle étudie par le méme mécanisme les liens
d?ethnicité et les alliances transfrontalières pour en
déduire les impacts négatifs sur les groupes internes à un
Etat. Essentiellement, l?analyse se focalise sur les Etats partageant quasi
similairement le méme contexte socio politique et économique.
L?évaluation des crises et scènes de violence dans l?histoire est
aussi intégrée à cette analyse. Bien plus, les rapports de
dépendance, le poids des échanges commerciaux, la
sensibilité et la vulnérabilité des groupes par rapport
aux autres permettent de déterminer des risques d?implosion de la
violence.
L?estimation tient donc lieu d?une bonne maîtrise des
contextes de violence interne et sous régional. Elle est cependant
sous-tendue par une alerte précoce non pas seulement aux
autorités politiques mais aussi à tous les belligérants et
victimes de la violence.
CHAPITRE II : IMPLEMENTATION ET EVALUATION DU
CALCUL DE L'HORREUR AU NORD KIVU
Comme tout mécanisme visant l?institution de la paix,
le calcul de l?horreur présente des limites et des points forts. Aussi,
une telle stratégie de construction de la paix ne saurait être
viable sans une protection et encore plus sans un fonctionnement
adéquat. A ce titre, nous présentons tour à tour les
mécanismes de perpétuation(B) du calcul de l?horreur et une
évaluation (A) y relative.
I-Les mécanismes de perpétuation du
calcul de l'horreur au Nord Kivu
A-Le fonctionnement interne du calcul de l'horreur
Le calcul de l?horreur doit fonctionner à travers la
constitution d?organes délibérants entre les groupes internes
conflictuels. Il s?agit de créer dans chacun des cinq groupes ethniques
du Nord Kivu un organe chargé d?évaluer les pertes encourues dans
les violences passées et les potentielles pertes en cas d?une escalade
de la violence. Constitués de personnes formées aux techniques du
calcul de l?horreur à savoir l?analyse comparative et l?analyse de
scénario sur l?escalade de la violence, ces groupes étudient les
pertes qu?ils ont à s?investir dans l?activité
belligérante et informent leur membre et le gouvernement dans une
optique de dissuasion ou de non recours à la violence. Les organes du
calcul de l?horreur sont constitués par des leaders de ces groupes
directement impliqués dans les actes d?agression et les personnes non
directement impliquées qui subissent la violence. Ceux-ci agissent
chaque fois en alerte pour présenter aux protagonistes
l?inutilité de recourir à la violence. Ces organes sont
constitués de membres responsables et de plusieurs autres personnes
pouvant s?investir dans les opérations de collecte de données via
la revue documentaire et les enquêtes sur les conflits de leurs
localités respectives.
Pour assurer une coordination des organes du calcul de
l?horreur, les organes délibérants doivent se retrouver au sein
d?une plateforme intergroupe, un réseau intergroupe afin
d?échanger sur les informations obtenues. Le réseau est
constitué de leaders choisis localement et appartenant aux organes
délibérants. Deux principaux attributs concerneront ledit
réseau : il sera chargé d?enregistrer l?état
d?évolution sur la violence et les besoins des groupes afin de
déterminer un cadre d?action général tout en mettant en
oeuvre des projets économiquement rentables communs.
L?alerte doit se faire de manière transversale entre
les différentes parties qui s?attèlent au calcul de l?horreur.
Les groupes doivent informer les autres et les décideurs politiques et,
ces derniers doivent en faire autant. Ceci est utile pour une collaboration
dans la consolidation de la paix et, est susceptible à travers des
dialogues permanents de calmer les ambitions destructeurs des parties.
L?estimation dès lors intensifie le dialogue intergroupe et a deux
impacts positifs sur la violence : il freine l?escalade et ouvre des voies
à la négociation pacifique.
Le calcul de l?horreur a aussi une perception
économique. En effet, le dialogue institué par les organes
d?alerte doit être sous-tendu par la création des espaces de
concertation et d?activités génératrices de revenus(AGR)
intergroupes.
L?idée est ici de constituer un réseau de
groupe qui se réunira au sein de l?office intergroupe d?échange
sur l?alerte des conflits et l?évaluation des conséquences
négatives de potentiels affrontements. Chaque groupe va apporter
l?état des besoins sociaux de ses groupes cibles et élaborer un
projet de financement des AGR censées améliorées leurs
conditions de vie. La plus value des échanges sur l?alerte des conflits
constitue ces AGR qui, ne s?opèrent pas indépendamment du
réseau. Par exemple, des champs intergroupes pourront être
crées, ou des micros entreprises qui vont employer des ressortissants de
groupe différents. A travers la mise ensemble des forces pour la
production de biens et services, des échanges relatifs à la paix
s?effectueront entre les individus et, progressivement la paix et la
non-violence seront une réalité.
Le mécanisme de financement des AGR se fera non par
une aide internationale, mais par les bénéficiaires au sein d?un
même groupe. Il est vrai, un appui international pourrait être
utile, mais les ressources principales viendront des groupes internes. A ce
titre, des cotisations de 01 dollar US par membre d?un groupe seront
versées chaque mois auprès de l?instance d?alerte du groupe. Ces
fonds serviront à financer les projets identifiés.
De manière concertée, les groupes
adhérents au réseau doivent planifier des projets touchant des
domaines divers et dénués de tout enchevêtrement. Chaque
groupe produira ce qu?il sait le mieux faire, pour éviter toute
concurrence susceptible de rehausser les antagonismes.
Le réseau intergroupe a donc une double fonction :
rendre compte de la situation de paix via l?alerte précoce et,
coordonner les AGR susceptibles d?occuper une forte frange des populations,
diminuer les antagonismes et favoriser une insertion sociale aux individus.
Bien plus, les organes d?alerte de futures violences
constitués vont s?atteler à informer via l?éducation les
groupes cibles de leurs communautés sur les nuisances qui peuvent
résulter
de l?escalade de la violence. Il s?agit de présenter
les traumatismes qui peuvent résulter des affrontements, de
préciser par des données chiffrées si obtenues de la
barbarie qu?est la violence directe et de projeter des images à partir
de scènes passées négativant l?usage de la violence.
À ce titre, plusieurs canons se dessinent. Cet ensemble d?action peut se
faire à travers les écoles, les Universités, les Eglises
ainsi qu?à travers tout autre lieu de socialisation. Par exemple, des
ossements humains, des photos de personnes mutilées et des images
d?habitats décimés peuvent être exposés dans des
musées. Ceci va renforcer l?état de peur du recours à la
violence dans les prochains conflits par les belligérants. A ce stade,
et, progressivement, la Paix Positive sera une réalité.
B-La protection internationale
Le calcul de l?horreur nécessite une
intégration locale, nationale et internationale des acteurs à la
prévention de la violence. La responsabilité de la
communauté internationale est de s?assurer du bon fonctionnement des
organes chargés du calcul et d?intervenir en cas de violation des codes
desdits organes. L?UA et l?ONU pourraient par exemple créer un
département chargé de s?occuper uniquement des questions
relatives au calcul des conséquences négatives et potentielles
pertes encourues par les parties belligérantes en cas d?affrontement
dénommé « département des opérations du calcul
de l?horreur ».
La nécessité d?une telle approche réside
dans la redéfinition des intéréts des protagonistes
externes de la guerre et autres situations de violence. Elle leur laisse la
possibilité de prendre des mesures promptes pour éliminer la
violence. Entre ces départements du calcul de l?horreur et les organes
et réseau intergroupe, un mécanisme d?information rapide doit
être mis en oeuvre pour la communication des données et
l?étude des moyens à mettre en place pour prévenir la
violence, ceci, chaque semestre.
Il ne s?agit pas là d?une tentative d?application du
calcul de l?horreur à la responsabilité de protéger, mais,
de s?assurer que les questions sécuritaires obéissent à
une approche intégrée et globale. Pour éviter la
prégnance de la communauté internationale sur des situations de
violence, le calcul de l?horreur dispense du recours à la force au nom
de la responsabilité de protéger tel que classiquement
observée dans d?autres régions ou Etats en Afrique176.
Il leur octroie plutôt la possibilité d?une concertation mutuelle
avec les groupes locaux et non obligatoires. Aussi, il favorise le pouvoir de
négociation et de recours à la non-
176 l?interventionnisme internationale dans les conflits
africains au nom de la Responsabilité de protéger(R2P)
s?est observé en en Somalie en 1992 avec
l?opération Restore Hope ; en Côte d?Ivoire pour mettre
un terme à la congélation des institutions publiques par Laurent
Gbagbo en 2011 ainsi qu?en Lybie pour instaurer la démocratie et faire
chuter le régime de Mouammar Kadhafi en 2011 pour ne citer que ces
cas.
violence dans l?optique de fédérer les parties
pour éviter l?escalade de la violence. Ainsi, la communauté
internationale informe via l?alerte précoce sur les conséquences
de potentielles violences et observe l?évolution des crises. Elle n?y
intervient pas directement ou militairement, mais à travers une
diplomatie visant à regrouper les parties en conflit par la
médiation, les bonnes offices ou la conciliation. Cette dernière
perception repose sur l?idée selon laquelle des problèmes
contextuels se règlent facilement et durablement par les acteurs
directement concernés.
La communauté internationale peut donc s?investir
beaucoup plus à travers le soutien technique aux groupes sur
l?identification et la formulation de projets visant leur développement
socioéconomique et par ricochet leur autonomisation.
Toutefois, au lieu d?une responsabilité de
protéger, le calcul de l?horreur propose une nécessité
d?alerter (N2A). C?est pourquoi, il propose comme pendant aux mécanismes
de gouvernance dont le power sharing, l?adoption de textes internationaux par
les OIG conditionnant l?assistance ou le soutien technique aux groupes locaux
par un respect scrupuleux des décisions des organes chargé du
calcul de l?horreur prises localement. Gellesci concernent par exemple : des
données trimestrielles sur l?état des crises sociales et des
impacts négatifs pouvant advenir, la participation aux décisions
des organes du calcul de l?horreur, l?arrêt de toute attitude ou
comportement belligérants, l?investissement dans les projets communs
locaux. Ainsi, un cadre de prévention de la violence peut dès
lors se dessiner au plan international, régional, sous régional,
national et local adoptant l?approche du calcul de l?horreur.
II-Evaluation du Calcul de l'Horreur
A-La pertinence du Calcul de l'Horreur
L?intérêt porté par la communauté
internationale pour la prévention, la prise de conscience de
l?importance des facteurs lourds ou structurels dans la violence, et
l?implication des acteurs du développement vont de paire avec une
approche à long terme à la prévention de la violence. La
phase concernée est celle de l?escalade de la violence. Ici, le calcul
de l?horreur résout la difficulté liée à la
capacité de prévoir la possibilité et la
probabilité de l?escalade de la violence et à comprendre quelque
chose qui n?existe encore qu?en germe. Les outils sont ceux de la
coopération pour le développement, spécialement
conçus dans l?optique d?une potentielle escalade de la violence. Aussi,
le calcul de l?horreur complète l?approche do no harm qui
s?assure que les actions de développement ne créent ni ne
favorisent les conflits.
En termes de coopération au développement,
cette approche est dite sur les conflits, puisqu? elle correspond
à des actions ou programmes travaillant directement sur les conflits,
méme s?ils ne correspondent qu?à des situations de violence
potentielles. Le calcul de l?horreur renforce l?alerte précoce
traditionnelle concernée par l?explosion de la violence et classiquement
pensée relativement à court terme.
Dans les méthodes classiques de prévention de
la violence, l?approche dite du travail autour des conflits (around
conflict) concernait dans son aspect développementaliste à
arrêter des programmes spécifiquement créées ou
dessiné pour cette phase, devant contribuer au retour de la paix.
En phase post-conflit, correspondent les actions complexes et
longues de construction de la paix, de réhabilitation et reconstruction
post-conflit, de transformation du conflit, où toutes les actions
diplomatiques ont un rôle à jouer. Le but est d?adresser les
causes de la violence, de soigner les plaies et déchirures pour faire
durer la consolidation de la paix. « Le post-conflit est très
similaire au pré-conflit. Il est plus compliqué parce qu'il faut
également guérir les blessures liées au conflit lui
même. Il est plus simple parce que le conflit a eu lieu et donc les
problèmes et acteurs connus... »177. L?objectif est
ici de réduire l?escalade. Puisque les risques accrus de
résurgence de la violence se prolongent pendant une dizaine
d?année, les méthodologies du calcul de l?horreur sont
opérationnelles pendant toute cette période afin de palier au
risque de mettre en oeuvre des mesures de prévention à court
terme n?ayant aucun impact sur le futur.
La période post-conflit fait suite à une
cessation des hostilités. C?est une période marquée par
une paix relative. Dans ce contexte, les groupes et belligérants sont
souvent difficilement identifiables et leurs besoins peu connus. Le calcul de
l?horreur agit sur les facteurs socioéconomiques pour tenir en compte
l?ensemble des réclamations des parties en conflit ou subissant le
conflit. Aussi, il agit sur la réconciliation et la reconstruction.
Cette reconstruction cherche à garantir la stabilité et la
durabilité de la paix, mais aussi celle du pouvoir politique et de sa
légitimité, celle de la société civile et
finalement celle du secteur économique, afin d?assurer la
prospérité et d?ainsi limiter les possibilités d?une
reprise des hostilités. Comme le précisent Schnabel et
Ehrhart178, cette reconstruction est aussi devenue un enjeu de
sécurité au même titre que la fin des hostilités en
elle-même.
177 Lavoix, Hélène :
Indicateurs et méthodologie de prévision des
crises et conflits, évaluation, AFD, 2005, p.11
178 Schnabel, Albrecht, Ehrart, Has-Georg : Security sector
reform and post-conflict peace building, United Nations University Press,
New York, 2005, p.2
Par ailleurs, le calcul de l?horreur vise la conception d?un
système d?information pour éviter l?escalade de la violence ou
des conflits ainsi que les crises humanitaires qui obstruent le
développement de la personne humaine et des groupes sociaux. Le
développement humain renvoie ici à l?amélioration des
conditions de vie humaine, adaptée au changement et la satisfaction des
besoins fondamentaux tels que la sécurité, l?identité et
la participation aux décisions communes. Aussi, le calcul de l?horreur
prend du temps pour élaborer des stratégies, bâtir des
supports pour implémenter des actions à long terme devant
impulser le développement et réduire les catastrophes que sont la
violence. il identifie et analyse les
conflits latents et manifestes pour en déduire des pistes de
dé-escalade.
Bien plus, le calcul de l?horreur génère des
analyses qui identifient les facteurs majeurs conduisant à
l?instabilité, proposant des bases d?évaluation de futurs
scénarios, et recommande des options de préventions
appropriées pour les décideurs locaux et internationaux.
Ces éléments renforcent le lien entre le calcul
de l?horreur et violence et peuvent titre utilisés pour établir
des programmes politiques et des coalitions entre potentiel
bénéficiaires des initiatives de prévention de la
violence. En plus, ces coalitions peuvent déterminer les acteurs locaux
ou internationaux, du ressort public ou privé à s?investir pour
établir la paix à long terme.
Le calcul de l?horreur agit ainsi sur les violations des
droits humains, sur les atrocités de la guerre, restaure la
légitimité de l?Etat, résout le problème des
réfugiés et déplacés et autres dégâts
posés par la violence directe.
B-/ Es EIFIEsAEsASXIMIXl SERIF BrrEXr
Evaluer l?efficience du calcul de l?horreur est assez
complexe. Le calcul de l?horreur devrait aider à prévenir la
violence, mais, il est difficile d?affirmer les liens de causalités
entre cette action et l?absence d?un conflit. Les effets du calcul de l?horreur
ne peuvent etre étudiés en l?absence d?un questionnement sur les
causes de la guerre, qui ajoute une complexité aux ambitions visant
à mener son efficience. Les solutions liables et générales
doivent dès lors titre trouvées aux conflits. Ceci est difficile
de par un manque de consensus entre chercheurs sur la définition de
l?alerte précoce, et la conception du succès n?est
conséquemment pas accordée entre eux. Le désaccord tourne
autour des mesures préventives à aborder en premier et du
contexte spécifique de l?action.
Woodhouse et Miall désignent le succès comme
«the conjunction of a de-escalation of political tensions and steps
towards addressing and transforming the issue in the
conflict»179. Le risque est alors de considérer
juste la gestion des conflits au lieu de la prévention de la violence.
Une approche à long terme par contre insiste sur la visibilité
des effets de la prévention dans une période longue.
La sélection des effets et les facteurs externes
constituent des axes focaux qui doivent être considérés
pour l?efficience du Calcul de l?horreur.
Wallensteen et Moller180 décrivent trois
processus méthodologique : localiser les disputes sérieuses,
lister les disputes où l?escalade n?a pas eu lieu, analyser les cas avec
des expériences sérieuses de disputes répétitives.
Quoique leur étude adresse d?importants aspects méthodologiques,
elle ne montre pas comment le progrès peut être atteint dans
l?étude du champ complexe de la prévention des violences et, le
calcul de l?horreur tombe sous le poids de cette défaillance.
179 Cité par Wallensteen, Peter and Moller, Frida :
Conflict prevention in ethnic conflict 1990-1998, Uppsala University,
2005
180 Id
RECOMMANDATIONS
Dans l?optique que cette étude serve à ses
ambitions de construction de la paix, des recommandations sont assortis au
gouvernement de la RDC, aux groupes en conflits au Nord Kivu, à la
communauté internationale et à l?UPAC.
Le gouvernement de la RDC doit :
· Créer un organe du Calcul de l?Horreur qui
échangera des informations sur la violence potentielle avec les groupes
locaux ;
· Arréter d?user de la force pour traquer les
milices, l?essentiel doit être la recherche permanente du dialogue.
Les groupes locaux doivent :
· Proposer des personnes compétentes qui seront
formées aux techniques d?analyse de la violence ;
· Accepter fournir des terres pour la réalisation
d?actions communautaires ;
· Se réunir tous les trois mois pour rendre des
données collectées sur les violences potentielles ;
· Alerter rapidement les dissidents, le gouvernement et la
communauté internationale des situations observées.
La communauté internationale doit :
? Créer un département des opérations du
calcul de l?horreur ; ? Renforcer les capacités techniques des groupes
locaux ;
· Ne pas recourir à la force en cas de violation par
une communauté des initiatives prises localement.
A l?UPAC nous recommandons de :
· Créer un cours sur la prévention de la
violence directe via l?analyse des conséquences négatives de
potentiels escalade de la violence.
CONCLUSION GENERALE
Ce travail de recherche a étudié Le Calcul
de l'Horreur comme instrument psychologique de prévention de la violence
directe : cas du Nord Kivu en RDC. Il s?est proposé de
répondre à la question centrale suivante : le Calcul de l?Horreur
est-il pertinent pour la prévention de la violence directe au Nord Kivu
? Les questions secondaires suivantes ont permis de conforter la question
centrale posée : l?évaluation systématique des
conséquences de la violence directe constitue-t-elle un facteur
dissuasif de futurs affrontements ? La perception de l?horreur permet-elle
d?établir un compromis et de redéfinir les intérêts
et enjeux liés aux conflits pour les transformer en une nouvelle
situation vivable pour tous ? Pour ce faire, nous avons émis
l?hypothèse suivante : le Calcul de l?Horreur est pertinent pour la
prévention de la violence directe au Nord Kivu. L?objectif a
été alors de proposer une stratégie de prévention
de la violence dans cette région de la RDC laquelle redéfinit les
relations pacifiques entre groupes. A travers deux principales méthodes
de collecte des données à savoir : la revue documentaire et huit
entretiens semi directifs qualitatifs réalisés, appuyée
par une grille d?analyse constructiviste, nous avons constaté que le
Calcul de l?Horreur peut créer des conditions psychologiques et des
moyens favorables à la Paix Positive. Ceci étant, il peut
permettre aux groupes de taire leurs querelles et se relancer pour la
construction de rapports harmonieux susceptibles de conforter l?état de
paix. Ce constat valide aussi nos hypothèses secondaires. En effet,
l?évaluation systématique des conséquences de la violence
directe peut dissuader de potentiels affrontements et la perception de
l?horreur permet d?établir un compromis en redéfinissant les
intérêts et enjeux liés aux conflits.
Le premier point présente les dimensions de la violence
directe au Nord Kivu, à savoir les structures qui ont produites les
violences observables dans cette région et les options de recherche de
paix relative à cette violence. En effet, deux composantes expliquent
l?escalade de la violence au Nord Kivu. Il s?agit entre autres des facteurs
politiques et économiques internes et externes à la
région.
Au plan externe, la politique de diviser pour mieux
régner et de limitation de l?éducation, les
instabilités politiques dans les Grands Lacs notamment au Rwanda, au
Burundi et en Ouganda autour des années 1994 ont favorisé le
réveil des différenciations ethniques et des replis identitaires
de par la proximité géographique et les alliances
transfrontalières. Elles ont aussi favorisé la constitution de
milices et groupes de rebellions qui désormais définissent la
paix au Nord Kivu sur les frontières ethniques.
Ces facteurs exogènes viennent renforcer un climat
interne déjà fragilisé par la mal gouvernance, et
l?instrumentalisation politique de l?ethnicité, le marasme
économique due par
l?élite dirigeante qui en plus use des questions de
nationalité pour définir l?appartenance à l?Etat congolais
dans l?optique de définir la répartition des ressources.
Les facteurs politiques et économiques endogènes
et exogènes plantent le décor pour des séries de violence
qui ont débouché essentiellement sur deux guerres en l?espace de
deux ans en RDC avec le Nord Kivu comme principal champ de guerre. Quoi que ces
guerres se soient achevées, elles continuent sous d?autres formes et
prennent des ampleurs considérables. La nouvelle attitude de guerre
s?observe à travers le contrôle des portions de territoires par
les groupes armées, les viols massifs, les actes d?agression, le pillage
et l?illégale exploitation des ressources naturelles. Ceci ne va pas
sans des conséquences sur les populations. A ce titre, l?on
relève de millions de morts181, des femmes violées,
éventrées et mutilées ; des lèvres cisailler
à la lame de rasoir, des nourrissons rôtis sur des braises, des
villages décimées, des apatrides, des réfugiés et
déplacés et l?excroissance de la pauvreté. L?Etat n?existe
pas au Nord Kivu, seule la force des armes définit les rapports sociaux.
Le danger à long terme pourrait s?observer sur de multiples
traumatismes, le syndrome de dépendance à l?aide humanitaire,
ainsi que sur la résurgence de l?idéologie de la haine
entretenant le cycle de la violence. La peur dessine le quotidien au Nord Kivu
et les familles sont toujours prétes à s?en fuir. Dans cette
optique toutes les structures économiques restent paralysées.
Cette paralysie s?explique par l?absence de ressource humaine dument
formées ainsi que par l?absence des forces aptes au travail. Car, quand
bien même elles existent, ces forces sont souvent sommées par les
milices d?aller travailler comme esclaves dans les mines d?extraction d?or, de
coltan et de cassérite. Progressivement, le Nord Kivu qui fut le grenier
des Grands Lacs perd ses capacités productives au profit de
l?activité minière sous forme d?une économie de guerre.
Dans ce cas, cette région risque de connaître le syndrome
hollandais.
Divers processus de sortie de crise et de retour à la
paix ont été élaborés pour la RDC et pour le Nord
Kivu. Au plan interne et international, plusieurs acteurs s?investissent pour
que cette région vive dans la quiétude et l?espoir de retrouver
un jour la stabilité, la sécurité et la paix comme
clamée dans les discours politiques.
Les instruments de paix majeurs et significatifs au plan
interne concernent essentiellement dans un premier temps ceux proposés
par les acteurs de la société civile qui, à travers le
plaidoyer, la recherche-action et la résolution extrajuridictionnellle
des conflits qui
181 Dans notre recherche, nous n?avons pas obtenu des chiffres
exacts sur les morts enregistrés au Nord Kivu entre 1990 et 2011. Mais,
plusieurs auteurs affirment par exemple qu?entre 1998 et 2002 la RDC dans
l?ensemble a enregistré trois millions de morts suite
à l?escalade de la violence. Cf Braeckman, op.cit, p.7. L?auteur affirme
à ce titre que l?opacité sur les drames en Afrique justifie le
fait de l?absence de données certaines sur les pertes en vies humaines
liées à la violence directe en RDC.
intègre la médiation apportent un soutien
à la paix, bien que leurs stratégies soient
désorganisées et les procédés contradictoires
à cette médiation relevée. Dans un second temps, ces
instruments de paix concernent l?apport du gouvernement congolais qui, à
travers la pression par la force sur les milices et, la volonté de
dialoguer avec les groupes armées ainsi que leur insertion dans les
FARDC, contribue à faire revenir la paix au Nord Kivu. Mais, la force et
le non respect des engagements pris par le gouvernement rendent tout effort de
paix caduc.
Au plan externe, la communauté internationale notamment
l?ONU et l?UA se sont investies pour l?effectivité de la paix au Nord
Kivu. En amenant les parties belligérantes à la signature des
accords de Lusaka et de Sun City, ils ont pu mettre un terme de façon
officielle à la guerre de 1998. Aussi, ils ont pu obtenir un retrait des
troupes étrangères de la RDC, un cessez-le-feu et l?organisation
d?un dialogue intercongolais ayant débouché sur des
élections démocratiques en 2006. Mais, ces accords ont
favorisé la continuation du contrôle des Etats étranger sur
la paix de la RDC. Il s?agit du Rwanda et de l?Ouganda qui d?après les
textes de Lusaka sont chargés de contrôler le cessez-le feu et le
retrait des groupes armées, pourtant, ils sont les principaux agresseurs
de la RDC. Ces accords ont fragilisé la RDC, légitimant
l?accaparement des ressources naturelles du pays par les forces
étrangères qui, de façon officieuse soutiennent et arment
les milices contre le gouvernement de Kinshasa. Bien plus, inspirés des
mécanismes juridictionnels de résolution des conflits, les
accords de Lusaka n?ont pas considéré la dimension locale de la
violence. Les possibilités d?implémentation en rapport avec les
cultures locales et les populations qu?elles ont totalement ignorées.
« C?était en fait des accords de partage des richesses de la RDC
», une « conférence de Berlin 2 » comme le dit Pierre
MUGANGU182 dans l?entretien qu?il nous a accordé. La
conséquence en est que, aussi bien le gouvernement, les milices que les
populations, aucun acteur en conflit en RDC n?a pu observer les effets positifs
de ces accords. C?est pourquoi le cycle de la violence est entretenu.
Il est vrai, en plus de s?investir par la médiation, la
négociation entre parties, la communauté internationale a
installé des organes d?alerte des conflits. Elle est beaucoup plus
l?oeuvre des ONG internationales. Mais, à chaque fois la violence
escalade. Ceci montre que cette alerte n?est pas en phase avec les
communautés locales plus précisément les groupes locaux
qui doivent bénéficier de la paix. En plus, ces mécanismes
d?alerte présentent juste les
182 Interviewé le 07/12/11. Voir annexe 6
possibilités d?une guerre et non la
nécessité de ne pas faire la guerre ou de ne pas entrer dans un
cycle de violence directe au vue des atrocités et des horreurs.
A partir de ces observations, nous proposons un nouveau
contenu du système d?alerte et d?information rapide de la violence
dénommé « calcul de l?horreur » qui s?appesantit sur
l?étude des conséquences négatives de potentiels
affrontements, les mesures à partir d?approches comparative ou par
l?établissement de scénarios. Ce calcul de l?horreur qui se fonde
sur la non-violence correspond à l?idée profonde de construction
de la paix par les groupes ethniques du Nord Kivu. Dans ce sens, des organes de
calcul de l?horreur doivent être établis au sein des groupes. Ceci
va satisfaire l?idée de faire participer les populations locales au
processus de construction de la paix.
Par ailleurs, le calcul de l?horreur satisfait au besoin de
communautarisme africain et des peuples du Nord Kivu en particulier. C?est
pourquoi il prévoit la constitution d?un réseau intergroupe
d?échange d?informations sur les potentialités de conflits. Ce
réseau intergroupe produit des informations sur les conséquences
négatives de potentiels affrontements, les traduits en feedback aux
groupes et au gouvernement. En plus de cela, le réseau regroupe les
besoins d?AGR des groupes et crée des projets de développement
communautaire183. Dans cette optique, la production de l?information
sur les crises potentielles et sur leurs dégâts, puis
l?ordonnancement des projets de développement communautaires par le
réseau, va permettre l?interconnexion, le développement des
activités communes et des échanges sur la paix ; ce qui à
long terme impacte positivement la paix et le développement du Nord
Kivu.
Le calcul de l?horreur constitue alors l?arme de tout acteur
faisant la paix ou la guerre, l?espoir de renaissance de la paix, l?option de
la non-violence et du développement qui agissent simultanément
pour produire la Paix Positive au Nord Kivu. Dotée d?une double
dimension, (prévention de la violence et développement), le
calcul de l?horreur obéit à la maxime kantienne de ne faire que
ce qui est bon. Le bien découle de la véritable raison ; raison
qui produit conscientisation et décourage toute tentative d?usage de la
violence. Dès lors, si l?évaluation systématique des
conséquences négatives relatives à des scènes de
violences potentielles devient palpable, la paix positive est possible.
Le présent travail à deux principaux
intérêts : théorique et pragmatique. Au plan
théorique, il constitue une plus-value dans le domaine de la recherche
sur la prévention nonviolente de la violence en particulier et des
Peace Studies en général. Cette plus-value
183 Notons ici que tous nos interviewés pensent que la
pauvreté étant un facteur aggravant des violences au Nord Kivu.
La création d?espace d?AGR peut être un facteur limitant de
nouvelles violences. Il suffit juste de laisser le soin aux parties en conflits
de « dire elles mêmes ce qu?elles veulent pour leur bien-être
» comme le dit Mr BASEMBE Jean.
s?explique par le fait qu?il propose un mécanisme de
prévention de la violence via une étude analytique des
conséquences négatives de la violence directe par les groupes qui
expérimentent les conflits d?une part. D?autre part, il propose un
graphique devant contribuer à cerner de façon palpable les
possibilités d?escalade de la violence ou, déterminer si les
parties en conflit sont prêt au dialogue ou à aller dans
l?affrontement direct. En effet, en ce qui concerne le Nord Kivu, la culture
endogène collective revient de par la prégnance de
l?ethnicité qui a des implications sur la nationalité, le
foncier, la distribution des ressources et la paix.
Au plan pragmatique, cette étude contribue à
améliorer les conditions de vie des femmes, enfants et hommes du Nord
Kivu. Dans un premier sens, elle promeut l?appropriation de la paix par ces
catégories de personnes à travers la constitution d?un
réseau intergroupe d?échange des informations sur
l?évaluation systématique des conséquences
négatives de la violence. Pour renforcer cet état de paix,
l?étude présente propose l?établissement des AGR
intergroupes coordonnées par ce réseau dont l?objectif est de
lutter contre la pauvreté, élément qui influence de fond
en comble la paix au Nord Kivu. Cette recherche fournit alors un quid de
gestion des conflits que peuvent appliquer les instances de médiations
ainsi que les bâtisseurs de la paix dans des conflits
intraétatique où, les groupes dûment identifiés
constituent les principaux obstacles à la paix.
Toutefois, cette étude ne peut prétendre
à l?exhaustivité, car comme tout travail de recherche, elle
comporte des limites. Ce sont ces limites qui nous ont empêchés
d?approfondir les facteurs culturels de production de la violence directe, le
degré d?influence psychologique que peut avoir le Calcul de l?Horreur
sur les parties en conflit et les conséquences économiques et
environnementales des violences au Nord Kivu qui pourraient sans doute
éclairer sur le cadre général de la violence. En
même temps que l?approfondissement de ces aspects et du graphique de
détermination de l?escalade de la violence intergroupe,
l?élargissement de cette étude aux pays de l?Afrique
subsaharienne parmi lesquels le Cameroun et la Côte d?Ivoire pourra faire
l?objet de recherches supplémentaires.
Quoi qu?il en soit, l?affaiblissement et l?éclatement
de la belligérance par la conscientisation via l?éducation des
acteurs sont des atouts de transformation des conflits. L?investissement pour
la paix donnerait des résultats plus heureux, moins onéreux que
l?investissement pour la guerre. Qui veut la Paix doit préparer la Paix
et non la Guerre. Le calcul de l?horreur pourrait donc rendre à
l?humanité ses valeurs, réduire les dépenses
destinées à la violence pour l?investir dans le bien-être
des individus. Il est pour cela nécessaire de l?appliquer pour juger de
sa faisabilité.
BIBLIOGRAPHIE
Bible et Dictionnaire
1---Kurtz, Lester (dir): Encyclopedia of Violence, Peace and
Conflict. Second Edition, volume 3- Pr-Z and index, Elserver, Oxford,
2008
2-La Sainte Bible, traduite d?après les
textes originaux Hébreu et Grec par Loius Second, édition revue
avec références, Alliance Biblique Universelle
3---Rey-Debove, Josette et Rey, Alain (dir) :
Le nouveau Petit Robert de la langue
française. Le Robert, 2009
4--Schmid, Alex (dir): Thesaurus
and glossary of early warning and conflict prevention terms, New York,
abridged version, Erasmus University, May 1998.
Ouvrages
· Ouvrages spécialisés
1- Bercovitch, Jacob and Fretter, Judith:
Regional guide to international conflict and management from
1945 to 2003. C Q Press, Washington 2004
2- Biyoyo Makutu, Philipe : Pour
un autre Avenir congolais de paix. CEDI, Kinshasa, 2002
3- Braeckman, Colette : Les Nouveaux Prédateurs,
Politique des puissances en Afrique centrale. Fayard, Paris, 2003
4- Gahama, Joseph : Les causes des violences ethniques
contemporaines dans l'Afrique des grands lacs : une analyse historique et
sociopolitique. CODESRIA, Paris, 2006
5- Galtung, Johan : Transcendance et Transformation des
conflits, une Introduction au métier de Médiateur. PUPA,
Yaoundé, traduit par Célestin Tagou, 2010
- Peace by peaceful means. Peace and Conflict Development
and Civilisation. Prio/Sage, Oslo/London, 1996
6- King, Martin Luther : La force d'aimer. Casterman,
Paris, 3 e édition, traduit de l?américain par Jean Brus, 1965
- Je fais un rêve. Nouveaux Horizons, Paris,
Traduction de Marc Sparta, 1987
7- Muheme Bagalwa, Gaspard : Ces
guerres imposées au Kivu. Academia Bruylant, Bruxelles, 2000
8- Nicolaï, Henri : La répartition et la
densité de la population au Kivu. Académie Royale des
Sciences d?Outre-mer, Classe des Sciences naturelles et médicales,
Mémoire Nouvelle série Tome 24, fasc. 2, Bruxelles, 1998
9- Pondi, Jean Emmanuel : Du Zaïre au Congo
Démocratique : les fondements de la crise. Les éditions du
CRAC, Yaoundé, 1997
10- Winter, D.Deborah and Leighton, Dana C: Structural
Violence in Christie, D.J et al: Peace,
Conflict, and Violence: Peace Psychology in the 21st Century.
New York, Prentice-Hall, 2001
· Ouvrages généraux
1- Balandier, Georges : Sens et Puissance. Les
dynamiques sociales.PUF, paris, 1971
2- Banseka, Cage: Democratic peace, in the spectrum of
conflicts in sub-Saharan Africa. Boca Raton, Florida, 2005
3- Berghezan, Georges : La guerre du Congo-Kinshasa,
GRIP, 99/2
4- Crozier M., Friedberg E. : L'acteur et le système,
les contraintes de l'action collective, Éditions du Seuil, coll.
Points Essais, 1992
5- Durand, Jean-Pierre et Weil, Robert : Sociologie
contemporaine (dir). Vigot, Paris, collection « Essentiel »
6- Eboussi Boulaga, Fabien et Olinga, Alain Didier : Le
Génocide Rwandais. Les interrogations des intellectuels africains.
CLE, Yaoundé, 2006
7- Ela, Jean-Marc : Innovation sociales et renaissance de
l'Afrique noire, les défis du monde d'en bas. L?Harmattan, Paris,
1998
8- F.Diehl, Paul: Paths to peacebuilding, the
transformation of peace operations In: T.David Mason and James D.Meernik:
conflict prevention and peacebuilding in postwar societies, sustaining the
peace. Routledge, London, 2006
9- Hobbes, Thomas: Leviathan. Gallimard, Paris, 2000
10- Martens, Ludo : Analyse de l'accord de Lusaka et de ses
pièges, Les plans américains pour la division et la mise
sous tutelle du congo. 2000
11- Marx, Karl : La lutte des classes en France. Le
petit vermillon, Paris, traduction de Léon Rémy et Jules Molitor,
2001
12- Maurel, Olivier : La non-violence active. 100
questions-réponses pour résister et agir. La Plage,
Montpellier, 2001
13- Mbock, Charly Gabriel : Les conflits ethniques au
Cameroun : Quelles sources, quelles solutions ? Saagraph, Yaoundé,
2000
14- Morgenthau, Hans: Politics among nations, the struggle
for power and peace. Alfred .A.Knoff, New York, Fourth Edition, 1948
15- Morin, Edgard : Science avec conscience. Fayard,
Paris, nouvelle édition remaniée, coll. points, 1990
16- Nga Ndongo, Valentin : développement,
émancipation et originalité in : David, Simo : La
politique de développement à la croisée des chemins, le
facteur culturel. CLE, Yaoundé, 1998
17- Neveu, Erik : Sociologie des mouvements sociaux. La
découverte, Paris, 1996.
18- Onuf, Nicholas: World of our making, rules and rule in
social theory and international relations. University of South Carolina
Press, Michigan, 1989
19- Pastor, Pierre et Bréad, Richard : Gestion des
conflits : la communication à l'épreuve, Entreprise et
Carrières. Ed 3, ED Liaisons sociales, 2007
20- Quivy, Raymond et Van Campenhoudt, Luc : Manuel de
Recherche en Sciences Sociales. DUNOD, Paris, 2è Edition
entièrement revue et augmentée, 1995
21- Rist, Gilbert : Le développement : histoire d'une
croyance occidentale. Presses de Sciences Po, Paris, 1996
22- Roche, Jean Jacques: Théories des Relations
Internationales. Montchrestien, Paris, 6èédition,
2006
23- Samir, Amin :
Impérialisme et sous-développement en
Afrique. Anthropos, Paris, 1988
24- Schwerkens, Ulrike : Le développement social en
Afrique contemporaine . une perspective de recherche inter et
intrasociétale. L?Harmattan, Paris, 1995
25- Tagou, Célestin (dir) : La dynamique des
conflits, de la Paix et du Développement dans les Sociétés
Africaines, du local au global. PUPA, Yaoundé, 2010
Articles
· Articles spécialisés
1- Borigas, Richard et Jewsiewicki, Bouguil : Vivre dans
la guerre . Imaginaires et pratiques populaires de la violence en RDC in :
Politique Africaine no 84, décembre 2001
2- Global Witness: La paix sous tensions, dangereux et
illicite commerce de la casserite dans l'est de la RDC, juin 2005
3- Institut Pole/CREDAP, "Le coltan et les populations du
Nord-Kivu", Goma (RDC), 2001
4- Jackson, Stephen : « Nos richesses sont
pillées ! Economies de guerre et Rumeurs de crime au Kivu » in
: politique Africaine no 84, décembre 2001
5- Johnson, Dominic :
Construire la paix au milieu de la guerre ? Le
désarroi de la communauté internationale, Goma, 26/9/2008,
p.8 in Pole Institute : RDC, Nord Kivu, les guerres derrière la guerre,
dossier Pole Institute, Goma, le 26 septembre 2008
6- Mathieu, Paul et al. "Enjeux fonciers et violences en
Afrique . la prévention des conflits en se servant du cas du Nord-Kivu
(1940-1994)"in : Réforme agraire n° 2, p. 33-42,1998
7- Poutier, Roland : "La guerre au Kivu . un conflit
multidimensionnel"in : Afrique contemporaine, numéro spécial
"L?Afrique face aux conflits", n° 180, octobredécembre 2000
8- Rusamira, Etienne : La dynamique des conflits ethniques
au nord Kivu, une réflexion prospective in : Afrique contemporaine
3/2003, no 207
- "Mouvements de
réfugiés en Afrique centrale et dans la région des Grands
Lacs . causes profondes et impacts dans les principaux pays
d'origine" in : Migrations Société, vol.
14, n° 83, septembre-octobre, 2003
9- Sheldon, Yett: «Masisi Down33
Road from 3 Goma:33 3 Ethnic Cleansing 3 3and
Displacement in Eastern Zaire», US Committee for
Refugees, Washington DC, 1996
10- Wallensteen, Peter and Moller, Frida: Conflict preention
in ethnic 33conflict "1990"
"1998, Uppsala University, 2005
11- Willame, Jean Claude : Le333 processs33
3333 de333 paix en RDC après 33Lsaka in
: l?Afrique des Grands Lacs, annuaire 2002-2003, avril 2003
Articles généraux
1- Berghezan, Georges et Nkundabagenzi, Félix : La
gerre d CongoKinshasa, 3analyse33 d'un
conflit et transfert d'armes vers l'Afrique Centrale, GRIP, 99/2, 1999
2- Cellule Provinciale d?appui à la Pacification(CPAP) :
Ree3 bibliographique des33 traa '3 "33
principa 3 sr les cases des conflits dans3 3 le Nord
Kiv, PNUD, 2008
3- Coller, Paul and Hoeffler, Anke: Greed 3and
Grieance in Ciil War3 in: Oxford Economic Paper, no 56, 2004
4- Dudouet Véronique; Noniolent Resistance
3 3 3 and 33 3conflict transformation 3 in power3 3 3
33 3asymmetries Berghof Research Center for constructive
conflict Management, Berlin, 2008
5- Economic Intelligence Unit: Rwanda Contry Report.
London, February 2002, 2002
6- Galtung, Johan : Repenser le conflit : l'approche
culturelle, préparé pour le projet dialogue interculturel et
prévention des conflits, conseil de l?Europe, Strasbourg, 2002
7- Grewal, Baljit: Positie and Negatie Peace. School of
Social Science, Auckland University of Technology, 30 August 2003
8- International Crisis Group : Le partage du Congo,
anatomie d'une sale guerre, ICG rapport no 26, 20 décembre 2000
9- International Peace Information Service:
Supporting3 the war Economy in the DRC: Eropeans Companies and
the Coltan Trade», an IPIS Report, January 2002,
2002
10- Jenson, Jane : « les contors de la
33cohésion 3 33 sociale », Canadian
Policy Research, Ottawa ,1998
11- Lavoix, Hélène Indicaters et 3
méthodologie de 3 3préision 3
des crises et 33 3conflits éalation, AFD, 2005
12- Morvan, Hélène et Kambala Nzweve,
Jean-Louis : La paix à petits pas, inventaire et analyse des
pratiques locales de paix à l'est de la République
Démocratique du Congo, cas du Nord et du Sud Kivu
, International Alert, novembre 2010
13- Nations Unies-Bureau de la coordination des affaires
humanitaires : Nord Kivu-RD Congo, Rapport mensuel, juin 2011
14- OIF : Mécanismes des systèmes d'alerte
: contribution à une comparaison internationale ; étude
réalisée pour l?organisation internationale de la francophonie,
réunion du 5-7 avril 2004. Centre de Recherche sur la paix, Paris,
Institut catholique de Paris, avril 2004
15- Parqué, Veronique : Le rôle de la
communauté Internationale dans la gestion du conflit en RDC in :
L?Afrique des Grands Lacs, annuaire 1999-2000, avril 2000
16- Ploquin, Jean François : « Dialogue
intercongolais : la société civile au pied du mur »in :
Politique Africaine no 84, décembre 2001
17- PNUD --RDC : Nord Kivu, Pauvreté
et conditions de vie des ménages, Kinshasa, Mars 2009
18- Pole Institute : les minerais de « sang » : un
secteur économique criminalisé à l'est de la RD
Congo, novembre 2010
19- Programme des Nations Unies pour le développement
(unité de lutte contre la pauvreté) : Résumé et
Conditions de vie des ménages au Nord Kivu, PNUD-RDC, mars 2009
20- Reyntjens, Filip (dir.) : L'Afrique des Grands Lacs
: annuaire 1999-2000, Paris, L?Harmattan, 2000
21- Schnabel, Albrecht, Ehrart, Has-Georg: Security sector
reform and post-conflict peace building, United Nations University Press,
New York, 2005
22- Sémelin, Jacques: La violence, Observatoire
régional de la santé Nord, Pas-de-Calais, France, 2011
23- Spoiden, Alain : Un centre d'analyse et de
prévision, Institut Royal Supérieur de défense, mai
2001
24- Toumpsin, Katheline : Qu'est-ce que la violence
? Pax Christi, Wallonie-Bruxelles, 2006
25- United Nations Security Council: Report of the Panel of
Experts on the illegal Exploitation of Natural Ressources and other Forms of
wealth of the Democratic Republic of the Congo. United Nations, 2001
-Report of the Panel of Experts on the illegal Exploitation
of Natural Ressources and other Forms of wealth of the Democratic Republic of
the Congo. United Nations, 2003
Mémoires et Thèses
1- Ayafor, Emmaculate Mefor: The social reintegration of
demobilised child-soldiers as a means of peace and development in central
Africa: the case study of DR-Congo. Master thesis presented and defended
for the obtention of the academic diploma of Master of Arts in peace and
Development, Yaoundé, Protestant University of Central Africa, October
2009
2- Delavallade, Thomas : Evaluation des risques de crise,
appliquée à la détection des conflits armés
intra-étatiques. Thèse de Doctorat de l?Université de
Paris 6 présentée pour obtenir le grade de Docteur de
l?Université Paris 6(spécialité Informatique),
Université Pierre et Marie Curie, Paris, 06 décembre 2007
3- Kengoum, Célestin : La dynamique du conflit
congolais(RDC) : crise et sortie de crise. Mémoire
présenté en vue de l?obtention du DEA sécurité
internationale et défense, Université Pierre Mendes France,
Grenoble II, 2002-2003
4- Kiluba Mundeke, Jowett : Le processus
d'établissement de la paix en République Démocratique du
Congo de 1999 à 2008, une étude contextuelle des conflits
armés cycliques. Mémoire soutenu en vue de l?obtention du
grade de Master of Arts in Peace and Development, Yaoundé, UPAC, 2009
5- NDI, Mercy: The role of women in post-conflict peace
building in the democratic republic of Congo: case study of South
Kivu-Bukavu. Master thesis presented and defended for the obtention of
academic diploma of Master of Arts in peace and Development, Protestant
University of Central Africa, Yaounde, October 2009
Webographie
1-
www.clingendael.nl
2-
www.peacebuildinginitiative.org
3- URL :
Jeanpoitras.blogspot.com/~/les-approches-de-gestion-de-conflits.html
4-
www.transcend.org
ANNEXES 1 PROTOCOLE D'ENTRETIEN
Ce guide d?entretien vise à savoir si
l?évaluation systématique des conséquences
négatives de la violence directe peut amener les parties en conflits au
Nord Kivu de s?abstenir du recours à la violence dans la
résolution de leurs différends, de là à construire
une paix durable. Get entretien est réalisé pour une recherche de
Master en Paix et Développement au sein de l?Université
Protestante d?Afrique Centrale de Yaoundé. Vos réponses seront
strictement confidentielles.
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en cas
d?agression par un autre groupe ?
2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes des
conflits au Nord Kivu en cas d?hostilités.
3. Qu?est-ce qui a souvent amené les parties prenantes
aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu sont
favorables à la paix ?
5. Malgré les violences répétitives, les
groupes qui se sont longtemps affronté au Nord Kivu veulent-ils se
mettre ensemble pour construire la paix et le développement ?
6. Est-ce que les parties en conflit réfléchissent
souvent sur les incidences de leurs actes avant de recourir à la
violence ?
7. Parler nous des recommandations dans les traditions locales
du Nord Kivu qui disposent de réfléchir avant d?agir.
8. D?après vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ?
ANNEXE 2 LISTE DES INTERVIEWES
· Dr. KÄ MANA, Vice recteur Université
Evangélique de Bandjoun, Chercheur à Pole Institute.
· Mme WANY PALUKU, membre de l?ONG Plateforme des femmes du
Nord Kivu pour un Développement Endogène(PEFND).
· Mr MALIYAWATU Gilles, Ministre du Culte (Eglise la voix
du Christ)
· Mr MUGANGU Pierre, Expert au réseau Recherche et
Action pour la Paix.
· Mr TSONGO Alex, Expert auprès de l?Association
d?Appui aux initiatives de Base.
· Mr CISHAMBO CISHAMBO, membre du réseau Recherche
et Action pour la Paix.
· Mr BASEMBE Jean, diplomate.
· Mme KANYAMUHANDA Elisabeth, membre de l?ONG Campagne pour
la Paix.
ANNEXE 3
ENTRETIEN AVEC LE Dr. KÄ MANA
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en
cas d'agression par un autre groupe ?
Face à la violence, la réaction c?est coup pour
coup. C?est la culture de la vengeance .Lorsque les gens se sentent
menacés, ils usent de la force et de l?agression pour se
protéger. La guerre n?obéit pas à la logique non plus
à la raison. Si raison il doit en avoir, c?est d?utiliser les
mémes moyens que l?agresseur pour assurer sa sécurité. En
situation de guerre ou de violence, les parties en conflit ne
réfléchissent pas, elles agissent tout simplement en recourant
à la force. Ceci s?explique par le développement des
identités meurtrières depuis l?époque coloniale.
2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes
des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités
C?est en principe la méme chose que ce que je viens de
dire. Dans la violence il n y a pas d?amis. La seule chose à faire c?est
de se protéger. Et, les groupes en conflit font recours à la
violence à ce titre. Donc, ils réagissent spontanément et
avec les mêmes moyens que l?adversaire.
3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties
prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
La fatigue de la guerre. Les populations ont constaté
que la guerre n?a rien donnée. Elles sont donc épuisées
par ces décennies de guerre. Aussi, l?action des Eglises et des
associations de la société civile a contribué à
calmer les tensions. De plus en plus, les partis politiques tiennent un
discours de paix.
4. est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu
sont favorables à la paix ?
C?est une évidence, les groupes qui ont jadis combattus
militent aujourd?hui pour la paix. Ils pensent qu?il est nécessaire
d?abandonner tout ces égoïsmes qui ont conduis aux guerres pour
revivre dans l?harmonie. La paix pour eux est désormais un atout.
5. Malgré les violences
répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au
Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le
développement ? Oui, il n y a qu?à voir l?action des
Eglises et les messages véhiculés par les partis politiques.
Pratiquement tous veulent le développement et la paix dans toute la
région.
6. Est-ce que les parties en conflit
réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de
recourir à la violence ?
Les parties en conflit ne réfléchissent pas. Ce
sont les passions qui justifient la guerre. Il n y a pas de temps pour
réfléchir. La réflexion est plutôt au niveau
institutionnel.
7. Parler nous des recommandations dans les traditions
locales du Nord Kivu qui disposent de réfléchir avant
d'agir.
Je peux évoquer principalement la sagesse
traditionnelle. Ici, les chefs sont des maillons pour la culture de la paix. Je
peux également évoquer l?ubuntu c?est-à-dire l?humanisme
africain, le retour à des valeurs africaines.
8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ?
Mobutu avait construis dans l?imaginaire le mythe de
l?authenticité congolaise ; aussi, aujourd?hui on peut construire un
autre mythe, celui de la paix, rêver un avenir ensemble. La paix doit
être créée dans l?imaginaire à partir d?une
conscience collective. La paix doit être locale, nationale et
régionale et doit s?opérer à travers une éducation.
Il faut créer des mythes porteurs d?avenir, des projets communs à
partir des groupes locaux. L?effort est d?abord de les amener à
appliquer leurs désirs de faire la paix en les formant sur des questions
relatives à l?analyse des conflits et des conséquences qui
peuvent en dériver. Ensuite, il faut l?action de plaidoyer auprès
du gouvernement et enfin, l?établissement des lois sur le foncier. Les
bases visibles pour la construction de la paix sont entre autre : les Ecoles,
les Universités, les Eglises et la Société Civile.
ANNEXE 4 ENTRETIEN AVEC MADAME WANY
PALUKU
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en
cas d'agression par un autre groupe ?
Très souvent lorsqu?il y a des actes d?agression, les
parties en conflits qui sont pour la plupart des cas les groupes ethniques
réagissent par la violence. Rares sont les fois où elles restent
calme. Ceux qui ne réagissent pas violemment sont quelques civiles qui
ne se sont pas organisés en autodéfense où alors qui
jugent la force de l?adversaire très grande. Dans ce cas, ils sont
obligés de fuir, aller de village en village pour se protéger
contre les attaques des gens armés.
2. Parlez-nous des réactions des parties prenantes
des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités
C?est en quelque sorte oeil pour oeil, dent pour dent comme le
dit la loi du talion. Mais, il y en a qui cherchent parfois à dialoguer
avec l?ennemi pour comprendre ses motivations. Si le dialogue joue en leur
défaveur, ils sont parfois épargnés de la mort et sont
plutôt détenus comme captif pour travailler dans les mines
d?extraction de coltan.
3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties
prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
La société civile milite beaucoup pour la paix.
Les ONG sensibilisent chaque fois les populations pour éviter le recours
de la violence.
4. est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu
sont favorables à la paix ? Bien sûr ! Beaucoup de leader
d?ONG sont des autochtones. Il y a des actions concertées au niveau
local. Lors des conférences que nous tenons par exemple, plusieurs
parents issus d?ethnies différentes témoignent de leurs
volontés à se mettre ensemble. Aussi, les alliances
entre Hutu modérés et Tutsi par exemple, sont des
alliances qui visent la non-agression entre ces deux groupes quand bien
même ils agressent les autres.
5. Malgré les violences
répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au
Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le
développement ? La paix et le développement rentrent
dans le discours quotidien que ce soit des civils ou des milices. Tout le monde
en parle. Au niveau de la volonté c?est aussi une évidence.
Beaucoup qui ont perdu leurs terres par exemple se mettent ensemble pour
influencer les autorités. Des alliances naissent ainsi que des projets
de développement ruraux comme à Béni entre Hunde et
Nyanga. Donc c?est clair que les populations veulent réellement
construire ensemble.
6. Est-ce que les parties en conflit
réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de
recourir à la violence ?
La réflexion n?est pas au rendez-vous ! C?est
après l?acte posé que le constat des dégâts se
dégage.
7. Parler nous des recommandations dans les traditions
locales du Nord Kivu qui disposent de réfléchir avant
d'agir
Dans les traditions locales il y a des adages et des
façons de penser qui prônent la réflexion sur les actes qui
doivent être posés. Ceci parce que la réflexion
évite tout regret. Le principe de l?Amani, c?est-à-dire de la
paix en swahili est de cette logique.
8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ?
Ce sont ces gens qui font et défont la guerre qui doivent
construire la paix. Il faut partir d?eux pour espérer une paix durable
au Nord Kivu. Il faut aussi sensibiliser et éduquer les populations
à la non-violence. Le gouvernement doit de son côté
renforcer les services des ONG qui travaillent beaucoup pour la restauration de
la paix et, négocier plutôt que de combattre avec les milices.
ANNEXE 5 ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MALIYAWATU
Gilles
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en
cas d'agression par un autre groupe ?
Plusieurs réactions se dessinent. Il y a la
réciprocité qui signifie l?usage de la violence, il y?a la fuite
et l?entame du dialogue. Toutefois, la première option
c?est-à-dire la réciprocité est la plus courante.
2. Parlez-nous des réactions des parties
prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités
C?est la peur généralisée. Certains se
réfugient dans les forêts, d?autres vers des régions
voisines. Les plus courageux restent sur place pour affronter l?ennemi ou alors
se réfugient dans les Eglises pour prier.
3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties
prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
L?action des Eglises, la peur d?être tuer, la crainte
de perdre les terres et les biens matériels. Les Eglises regroupent de
milliers de fidèles et les sensibilise sur la paix constamment. Aussi,
les populations ne veulent plus revivre les désastres causés par
les guerres de 1996 et 2000 avec tout ce qui s?en est suivi comme
atrocité.
4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu
sont favorables à la paix ? Quand bien même la violence
est une arme utilisée couramment, les communautés
déploient des mécanismes pour restaurer la paix. Ils le font
à travers des théâtres organisés par les chefs
locaux ou des séances de discussion sous l?arbre à palabre
pendant lesquelles les tors sont reconnus publiquement et l?harmonie
reconsidérée.
5. Malgré les violences
répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au
Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le
développement ?
La volonté est manifeste quoique les forces externes
manipulent la conscience sociale et arment les milices et même parfois
les civils. Les gens commencent à comprendre que c?était inutile
de vivre dans la violence. Dans les écoles par exemple, les enfants sont
souvent appelés à produire des dessins sur les guerres et
à déterminer comment ces guerres les ont marquées
négativement ; et, c?est avec l?aide des parents qu?ils en arrivent. Par
la suite, ils produisent des poèmes sur l?unité nationale.
6. Est-ce que les parties en conflit
réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de
recourir à la violence ?
Les populations ne réfléchissent pas face à
la violence. Ceci parce que la violence n?est pas prévu à
l?avance. Si elles savaient qu?elles devaient être attaquées,
à l?avance, elles réfléchiraient sur les décisions
à prendre. Ce qui fait que la violence est immédiatement
rendue.
7. Parler nous des recommandations dans les traditions
locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant
d'agir
Le développement de la conscience et de la raison est le
fondement des cultures locales. Conscience et raison sont des valeurs qui
tendent à disparaître avec le capitalisme.
Aujourd?hui seuls les intérêts préoccupent
les gens d?où toutes ces scènes de violence observées.
Mais, réfléchir avant d?agir, mesurer la teneur de ses actes
avant de les posés restent encrés dans les traditions locales.
8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ? Je pense que les gens doivent juste prendre conscience
de leur statut d?être humain, prendre
conscience de l?autre. Il faut un véritable humanisme
jadis prospère. Le mal ne profite à personne. Il faut donc
éduquer les populations à cela.
ANNEXE 6
ENTRETIEN AVEC MONSIEUR MUGANGU Pierre
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en
cas d'agression par un autre groupe ?
Les attitudes dépendent de la force de l?adversaire. Si
l?adversaire détient les moyens de la violence et de la
répression, la partie adverse s?incline. Mais, si cette dernière
perçoit un équilibre dans les rapports de force, elle s?engage
dans l?hostilité en recourant à la violence des armes.
2. Parlez-nous des réactions des parties
prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités
Plusieurs réactions s?observent en cas
d?hostilités. Il y?a entre autre la fuite, la mobilisation des groupes
pour arrêter la violence, le plaidoyer auprès des FARDC et du
gouvernement, et le sabotage des institutions.
3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties
prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
Tout le monde comprend que la guerre ne permet aucune
évolution. Avec le poids des guerres, les familles se sont
séparées, des hommes par milliers sont tombés sur le
carot, des biens ont été détruis, d?autres spoliés.
La perception de tous ces éléments n?encourage plus les
protagonistes des conflits à user constamment de la violence.
4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu
sont favorables à la paix ? Les groupes le sont
intégralement. Mais ils sont manipulés par les blancs qui
utilisent le Rwanda pour semer la terreur dans le Nord Kivu. Lorsqu?ils
perçoivent qu?il y a des tentatives de regroupement communautaires par
exemple, ils font circuler des tracts pour défavoriser les efforts de
paix. Mais, ce qui est bien est que ces groupes d?hommes et de femmes
commencent déjà à comprendre les jeux dans lesquels les
blancs les enrôlent.
5. Malgré les violences
répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au
Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le
développement ? C?est vrai il y a une socialisation de la
violence ; il y a l?idée de vengeance qui revient. Mais, avec l?action
des Eglises et des ONG qui prônent la réconciliation, la paix se
pense progressivement en communauté. L?acceptation se construit
progressivement.
6. Est-ce que les parties en conflit
réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de
recourir à la violence ?
Non ! Le temps de réflexion est très court. Il
n?existe méme pas du tout. Quand l?alarme des affrontements
déclenche, tout le monde se met en position de riposte. C?est
après qu?on essaie de voir ce qu?il y a eu comme dégâts.
7. Parler nous des recommandations dans les traditions
locales du Nord Kivu qui disposent de réfléchir avant
d'agir
L?ubuntu est une valeur partagée. C?est une tradition
millénaire. Si elle est réintroduite, les résultats
peuvent être favorables. L?ubuntu c?est en fait l?humanisme, la
considération première, l?harmonie avec soi méme et son
entourage, le partage qui se traduisent par la paix. Aussi, il intègre
en plus du fait de ne pas attaquer son semblable l?idée du divin, de la
solidarité et de la non-violence.
8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ?
Les ONG travaillent beaucoup plus avec les villageois, les
groupes ethniques parce qu?elles lisent en ceux-ci l?espoir de toute
véritable paix. Lusaka et Sun City nous ont énormément
déçus parce que c?était des accords de partage de pouvoir,
une conférence de Berlin 2 qui a consisté à balkaniser la
RDC. Dès lors que ces limitent se constatent, nous pensons que les
groupes ethniques du Nord Kivu sont des socles de paix. Il faut juste les
amener à comprendre cela en les formant et en les éduquant
à la paix.
ANNEXE 7 ENTRETIEN AVEC MONSIEUR TSONGO
Alex
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en
cas d'agression par un autre groupe ?
La force des armes est à la disposition de tous. Nul n?a
le monopole de la force ou de
l?agression. C?est pourquoi les attitudes à l?agression
sont réciproques et simultanées. Méme si la
réaction n?est pas immédiate, la vengeance se construit
progressivement et, lorsque les moyens de réaction sont
regroupés, alors l?attaque violente est entamée.
2. Parlez-nous des réactions des parties
prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités
Les parties en conflit en cas d?hostilités se soumettent,
du moins pour celles qui jugent ne pas pouvoir riposter. Au cas contraire,
elles entrent également dans le cycle de la violence.
3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties
prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
C?est assez complexe. Mais il faut relever que le poids des
traditions et des recommandations qui disposent de toujours rechercher
l?harmonie, quoi que critique soit la situation, est le facteur dominant qui a
souvent amené les parties prenantes aux conflits à faire la
paix.
4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu
sont favorables à la paix ? De façon officielle, ils le
sont mais, officieusement les dires contredisent les actes posés. C?est
pourquoi je dirais qu?elles ne le sont pas.
5. Malgré les violences
répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au
Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le
développement ? La violence est devenue normale au Nord Kivu.
Au sortir d?un affrontement par exemple, si le nombre de morts ne
dépasse pas 50, les gens diront que ce n?est pas grave. Les groupes
vivent
avec l?esprit de division et le manifeste. Donc, construire le
développement et la paix pour eux n?est pas un défi commun.
6. Est-ce que les parties en conflit
réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de
recourir à la violence ?
L?ampleur des atrocités souvent commises, de méme
que la barbarie qui s?observe dans les scènes de violence au Nord Kivu
montrent que les parties en conflit ne pensent pas à l?avance les actes
qu?elles posent. Sinon, comment concevoir que des nourrissons soient
passés à la braise et que des femmes enceintes soient par exemple
éventrées ? L?indignation des crimes au Nord Kivu ne permet pas
de dire que ces groupes réfléchissent réellement avant
d?agir.
7. Parler nous des recommandations dans les traditions
locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant
d'agir
La sagesse traditionnelle dans son ensemble est très
critique sur les notions de conscience et méme sur la raison humaine.
C?est dommage que les gens ne s?en approprient pas. Mais, au fond il faut
vraiment noter que cette sagesse d?essence est pour la méditation sur
les actes posés avant toute action.
8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ?
Les FDLR constituent le problème majeur au Nord Kivu.
Ce sont eux qui sèment la terreur et pousse les autres à des
réactions violentes. Ils doivent rentrer dans leurs pays d?origines au
Rwanda. Ils doivent être désarmés intégralement. Si
ces milices retournent au Rwanda, la paix sera effective au Nord Kivu.
ANNEXE 8 ENTRETIEN AVEC MONSIEUR CISHAMBO
CISHAMBO
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en
cas d'agression par un autre groupe ?
La soumission est généralement l?attitude
principale. C?est pourquoi les mines d?extraction d?or et de coltan sont
pleines. Beaucoup de ces hommes et femmes qui travaillent dans les mines ne le
font pas à leur propre intérét. C?est très souvent
pour les miliciens qu?ils travaillent et ceci, pour protéger leur
vie.
2. Parlez-nous des réactions des parties
prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités
Trois principales réactions se dessinent et ceci en
fonction des acteurs. La communauté internationale mène souvent
des efforts pour restaurer le dialogue entre les parties engagées dans
le conflit. L?Etat de son côté utilise beaucoup plus la force que
la négociation. Tandis que, les groupes locaux soit s?organise en
autodéfense ou alors cherche à restaurer le dialogue.
3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties
prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
Le recours à la force par l?Etat a souvent eu des
résultats fructueux. Mais, il faut noter que les parties prenantes des
conflits ne veulent plus combattre parce que la guerre n?a produit que
d?énormes pertes.
4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu
sont favorables à la paix ? Ils le sont entièrement pour
les raisons que je viens d?évoquer.
5. Malgré les violences
répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au
Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le
développement ?
Oui. Des projets communs naissent. Il y a des initiatives
interethniques visant à regrouper des enfants soldats issus d?ethnies
différentes dans des camps de réinsertion sociale. Les parents
encouragent bien ces initiatives, donc ça commence à marcher.
6. Est-ce que les parties en conflit
réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de
recourir à la violence ?
C?est un peu difficile de le penser au vue des violations des
droits humains qui dérive de la violence.
7. Parler nous des recommandations dans les traditions
locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant
d'agir
En termes de paix je peux évoquer l?ubuntu, ce
sacré humanisme africain. Les valeurs de cet humanisme regroupent la
sagesse, laquelle sagesse ne se définit que par la capacité de
réfléchir avant d?agir.
8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ?
Les groupes ne sont pas formés aux techniques de
gestion des conflits. Ils s?investissent pour la paix certe, mais leurs efforts
restent limités par cette absence de formation. Mais aussi, l?effort de
conscience sur le caractère idiome de la violence doit être fait
par tout le monde. C?est par les groupes locaux que peut se construire une
véritable paix d?autant plus qu?ils en sont les plus
concernés.
ANNEXE 9 ENTRETIEN AVEC MONSIEUR BASEMBE
Jean
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en
cas d'agression par un autre groupe ?
L?agression répond à l?agression. Mais il faut
noter que la force de coercition et le degré
d?alliances déterminent dans la plupart des cas
l?attitude face à l?agression. Si cette force est jugée
supérieure à celle de l?adversaire, le risque d?excroissance de
la violence est important. Si celle-ci est jugée inférieure,
alors la partie la moins âpre à résister se soumet ou
décide
d?opter pour la fuite.
2. Parlez-nous des réactions des parties
prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités
En général la recherche d?un compromis est
très partagée entre acteurs qu?ils soient étatiques,
internationaux ou locaux.
3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties
prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
L?action de l?Etat a jusqu?ici été le facteur
majeur de retour à la paix au Nord Kivu. L?Etat négocie avec les
milices, encourage les ONG, les Eglises et les groupes locaux à
créer des initiatives de paix.
4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu
sont favorables à la paix ? L?unité reste à
construire en RDC et même au Nord Kivu, mais la paix est un acquis.
Plusieurs canons se dessinent à ce titre : les Eglises et les Ecoles
ainsi que tous lieux de socialisation. Les groupes travaillent ensemble et
l?accalmie revient progressivement.
5. Malgré les violences
répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au
Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le
développement ?
Les guerres sont désormais passées au Nord Kivu.
Dans l?imaginaire sociale qui a été transformé avec
beaucoup de tact par l?Etat, la paix est un ange. Donc les groupes locaux sont
véritablement motivés et fiers de vouloir rebâtir leur
région et par voie de conséquence toute la RDC.
6. Est-ce que les parties en conflit
réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de
recourir à la violence ?
La réflexion est le fruit d?un état d?esprit
qui n?est pas troublé, qui n?est pas en doute. Quand le doute se pointe
l?émotion envahit la raison. Mais c?est juste parce que ces parties en
conflit ne sont pas préparées d?avance à une potentielle
violence ;au quel cas elles réagiraient peutêtre d?une autre
façon.
7. Parler nous des recommandations dans les traditions
locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant
d'agir La notion de la paix, de l?harmonie, de la justice et de la
tolérance se regroupe dans le terme Amani. Cette paix telle que
pensée dans les traditions locales doit produire l?intégration
entière de la sagesse dans les comportements, attitudes et actions. Et
c?est elle qui dispose de bien mener la réflexion sur les actes devant
être posés.
8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ?
Ce sont les milices qui causent d?énormes tors à
la paix au Nord Kivu. L?Etat à travers les accords de Lusaka et Sun City
a mené des efforts pour intégrer ces milices dans les FARDC. Il y
en a qui ne veulent pas négocier. Nous pensons toutefois que les
démobiliser et les réintégrer dans les FARDC donnera des
résultats probants et, c?est notre combat.
ANNEXE 10 ENTRETIEN AVEC MADAME KANYAMUHANDA
Elisabeth
1. Quelles sont les attitudes des parties en conflit en
cas d'agression par un autre groupe ?
En cas d?agression, les attitudes sont en
général la fuite et la soumission. D?ailleurs, les populations
sont toujours prétes à s?en fuir dès la moindre attaque
quoi qu?elles soient exposées aux fauves des forêts du Nord
Kivu.
2. Parlez-nous des réactions des parties
prenantes des conflits au Nord Kivu en cas d'hostilités
Quand bien même la fuite est observée, elle est
précédée par une riposte violente. Il en est de
méme pour la soummission. C?est pourquoi les captifs sont très
souvent sévèrement punis et mutilés par leurs
détenteurs.
3. Qu'est-ce qui a souvent amené les parties
prenantes aux conflits du Nord Kivu à faire la paix ?
Lorsqu?on perçoit toutes les pertes dues par ces
séries de violence ; lorsqu?on entend au quotidien et méme dans
les réves les cris et hurlement des gens à la recherche d?un
secours ;
lorsqu?on s?aperçoit que nous sommes seuls au monde, sans
famille, sans abri, sans rien, alors il y a de quoi souhaiter que la paix
reviennent. Donc c?est cet ensemble d?éléments qui justifient
l?option de paix par les parties prenantes.
4. Est-ce que les groupes communautaires du Nord Kivu
sont favorables à la paix ? La paix va bénéficier
à tous et tout le monde le sait. C?est pourquoi progressivement les gens
s?ouvrent au dialogue et combattent avec la plus grande énergie la
guerre.
5. Malgré les violences
répétitives, les groupes qui se sont longtemps affronté au
Nord Kivu veulent-ils se mettre ensemble pour construire la paix et le
développement ?
Dans les communautés religieuses, les groupes commencent
à vivre l?acceptation. Les Eglises ont une grande influence sur les
populations. C?est pour cela que les ONG s?appuient sur elles pour initier des
projets rassembleurs. Ça commence à être une
réalité palpable, les groupes expriment la volonté de se
mettre ensemble.
6. Est-ce que les parties en conflit
réfléchissent souvent sur les incidences de leurs actes avant de
recourir à la violence ?
Je ne pense pas car faudrait bien être dans leurs
états émotifs à l?instant de l?acte. Toutefois,
l?incidence dégradante, les crimes ignobles observés peuvent
permettre de dire qu?ils ne réfléchissent pas avant de recourir
à la violence.
7. Parler nous des recommandations dans les traditions
locales du Nord Kivu quidisposent de réfléchir avant
d'agir Ces recommandation se trouvent dans la sagesse locale et visent
le respect mutuel. Elles visent aussi la positivité et l?harmonie
sociale dans le présent comme dans le futur.
8. D'apr~s vous, comment la paix doit-elle se construire
au Nord Kivu ?
Avec l?expérience des ONG et des Eglises, la paix peut
réellement être effective si les groupes locaux sont mis ensemble,
éduqués et formés. L?action du gouvernement touche
rarement les populations et est toujours politisée. Or, les groupes ne
veulent qu?une chose, revenir à la paix. Ils sont plus sensibles et plus
engagés que tout autre acteur.
TABLE DES MATIERES
SOMMAIRE iDEDICACE iiREMERCIEMENTS ET
AVERTISSEMENT iiiRESUME iv
ABSTRACT v
LISTE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES
vi
INTRODUCTION GENERALE 1
i: Importance du sujet 2
ii : Limitation du sujet 7
iii : Revue de la littérature 8
iv : Questions de recherche 13
v : Hypothèses de recherche 13
vi : Méthodologie de la recherche 14
PREMIERE PARTIE : DEFINITION DES CONCEPTS CLES ET CADRE
THEORIQUE 16
CHAPITRE I : DEFINITION DES CONCEPTS CLES 17
I- Le Calcul et l?Horreur 17
A- Le Calcul 17
1- Le calcul comme évaluation 18
2- Le calcul comme gestion des crises 18
B- L?Horreur 19
1. Perceptions et rôles de l?horreur 19
2. L?Horreur dans la guerre 20
II- Violence et conflit 23
A. La Violence 23
1. Conceptions sur La violence 23
2- .Types de prévention de la violence 24
B. Le conflit 26
1. Typologies des conflits 26
a- L?analyse du type d?acteurs en conflit 27
i-Conflits interétatiques et conflits civils
internationalisés 27
ii-Conflits militarisés et incidents politiques 27
b-L?analyse de l?échelle du conflit 28
i-Micro et Méso conflits 28
ii-Macro et Méga conflits 31
2-Etude comparative entre approches basées sur
l?échelle et la nature du conflit 32
a-Similitudes 32
i-Perception du conflit 32
ii-Introduction d?une tierce partie dans la gestion des conflits
33
iii-La typologie de Galtung contient celle de Bercovitch 34
b-Les divergences 34
i-Réaliste et pluraliste 34
ii-Causes et acteurs en présence 36
iii-Gestion et transformation/transcendance des conflits 37
CHAPITRE II : CADRE THEORIQUE 39
I. Quelques théories des conflits 39
A. Les théories restrictives 39
1. Les théories réalistes 39
2.Les théories libérales 41
B.Les théories extensives 41
1. La théorie de la dépendance 42
2. Le constructivisme 44
II. La non- violence 46
A- Quelques approches de non -violence 48
1- Le pacifisme 48
2- Des impacts sur l'ordre social 49
B- Atouts de la non-violence 50
1- La transcendance des conflits 50
2. La transformation des conflits 52
DEUXIEME PARTIE : DIMENSIONS DE LA VIOLENCE DIRECTE AU
NORD
KIVU 54
CHAPITRE I : LA VIOLENCE DIRECTE AU NORD KIVU
58
I- La genèse de la violence directe 58
A- Le domaine politique 58
1- Facteurs politiques exogènes 58
a- L?intervention coloniale Belge 58
i-La manipulation des identités ethniques 59
ii-La politique de l?éducation 60
b. Les instabilités politiques dans les Grands Lacs 61
2. Facteurs politiques endogènes 63
a. L?action de l?élite 63
b. Le foncier et la question de nationalité 65
B-Le domaine économique 67
1. Facteurs économiques endogènes 67
a. La pauvreté 67
b. Les ressources naturelles 69
2. Facteurs économiques exogènes 70
a. Le leadership 70
b. Le nord Kivu : un nouvel espace vital 71
II. Les effets de la violence directe 73
A. Les impacts économiques et sociaux 73
1- Les impacts économiques 73
2- Les impacts sociaux 74
B. Les impacts humains et politiques 75
1. Les impacts humains 75
2. Les impacts politiques 77 CHAPITRE II : LES
APPROCHES DE RECHERCHE DE PAIX AU NORD KIVU : ANALYSE CRITIQUE DE L'ACTION DES
ACTEURS LOCAUX ET INTERNATIONAUX 78
I- Les approches de recherche de paix locales et internationales
78
A. Les approches de recherche de paix par les acteurs locaux
78
1. Le rôle de la société civile 78
2. Le rôle de l?Etat 80
B. Les approches de recherche de paix par les acteurs
internationaux 81
1. L?accord de Lusaka 81
2. L?accord de Sun City 83
II- Limites des approches de paix implémentées au
Nord Kivu 84
A- Limites des approches de recherche de paix locale 84
1. Limites de la contribution de la société civile
84
2. Limites de l?intervention de l?Etat 85
B. Limites des approches de recherche de paix internationales
86
1. Limites de l?accord de Lusaka 86
2. Limites de l?accord de Sun City. 87
TROSIEME PARTIE : CONSIDERATIONS SUR LE CALCUL DE
L'HORREUR 90
CHAPITRE I : INSTRUMENTS ET APPROCHES DU CALCUL
SYSTEMATIQUE
DE L'HORREUR AU NORD KIVU 91
I- Les instruments du calcul de l?horreur 91
A. L?alerte précoce 91
B- L?analyse stratégique 93
II- Les approches d?études de l?horreur 94
A-L?approche comparative 94
B-L?approche scenario 95
CHAPITRE II : IMPLEMENTATION ET EVALUATION DU CALCUL
DE
L'HORREUR AU NORD KIVU 98
I- Les mécanismes de perpétuation du calcul de
l?horreur au Nord Kivu 98
A- Le fonctionnement interne du calcul de l?horreur 98
B- La protection internationale 100
II-Evaluation du calcul de l?horreur 101
A- La pertinence du calcul de l?horreur 101
B- Les faiblesses du calcul de l?horreur 103
Recommandations 105
CONCLUSION GENERALE 106
BIBLIOGRAPHIE 112
ANNEXES 120
TABLE DES MATIERES 139
|