LE ROMAN MIS À L'ÉPREUVE
HANTISE ET ÉPUISEMENT : L'ÉCRITURE
DU RESTE DANSLA RESTA(ALIA TRABUCCO) ETLA DIMENSIÓN
DESCONOCIDA(NONA FERNÁNDEZ)
Jérémie Laniel
Master 2 REVI, parcours Recherche
UFR Langues & Communication

Études hispaniques
Carlos Leppe, Fatiga de materiales, Galería
Animal, 2001: <
http://carlosleppe.cl/2001-fatiga-de-material-instalacion/>
Sous la direction de Nathalie Galland
Université de Bourgogne
Année 2019-2020

REMERCIEMENTS
Se ha perdido tanta sangre ya en nuestra
pequeña
e intensa historia. Ninguno quiso nunca recogerla,
todos la dejaron que corriera sola.
Nadie tuvo voluntad, no, no tuvieron cabeza para
recoger
la sangre corrida en cada siglo, en cada tiempo,
en cada presidencia, en cada política.
Cada vez, cada ocasión, cada acontecimiento,
existió la mano mala para verter la sangre,
pero
nunca tuvo existencia la mano terrible para recoger,
para contar esa sangre.1(*)
Je tiens ici à adresser un immense merci aux femmes
que j'admire.
Un grand mercitout d'abord à Nathalie Galland,
à qui je dois en partie l'intérêt passionné que j'ai
développé au fil de mes études pour l'Amérique
latine, sans qui ce projet n'aurait jamais pu voir le jour, avec qui j'ai (eu)
l'immense plaisir de travailler et qui m'a transmis le goût pour la
littérature des Amériques.
Un grand merci à ma mère qui m'a
été d'un soutien indéfectible et qui m'a encouragé
à poursuivre mes études. Une pensée aussi à ma
grand-mère maternelle dont le doux accent andalous m'a finalement
poussé à en connaître plus sur les cultures
ibériques.
Un grand merci enfin à quatre femmes qui me sont
chères, Monoï, Camille,Alicia, à qui je dois
énormément à la relecture de mes travaux, et Mathilde pour
ses encouragements précieux.
En espérant que mes deux petites soeurs, Ana et
Zoé, suivent ces traces...
Une pensée également aux victimes de ce
monde injuste. Nous ne vous oublions pas. Jamais.
SOMMAIRE
REMERCIEMENTS.........................................................................................2
PROLÉGOMÈNES..........................................................................................5
I. UNIVERS INTIMES
DÉCOMPOSÉS................................................15
1) L'horizon post-dictatorial ou « la mémoire
obstinée »............................15
a. Le roman : une
recherche.........................................................15
b. L'épigraphe : annonciatrice de la
résistance politique et littéraire..........17
2) Rés(is)tance et intimité dans La
resta................................................27
a. Structures familiales
dissoutes...................................................27
b. Un héritage empoisonné :
Iquela................................................30
c. La « hantise par imprégnation »
chez Felipe...................................34
3) Le Yo disséminé de Nona
Fernández................................................39
a.
L'exofictif...........................................................................39
b. Le témoignage : surface de
projection..........................................40
c. Un musée intime de
l'horreur....................................................44
II. L'INTIMITÉ DÉCHIRÉE DE
L'OEUVRE..........................................49
1) Partage et
écart..........................................................................49
a. Vers des oeuvres du
« désoeuvrement »..........................................49
b. « Espace inventaire, espace
inventé »...........................................51
c. L'épistolaire : espace
d'affrontement...........................................59
2) La représentation du fini infini dans La
resta........................................67
a. Espaces-corps
malades............................................................67
b. La dimension
mythique............................................................72
c. L'imaginaire
post-apocalyptique.................................................74
3) « La pulsion d'archive » dans La
dimensión desconocida........................77
a. Métatextualité et
métafiction......................................................77
b. Une métafiction
historiographique...............................................80
c. L'écriture
parodique...............................................................82
III. DES EXPÉRIENCES SENSIBLES DE
L' « EXFORME ».......................86
1) Prendre soin d'autrui par
l'écriture....................................................86
a. Art et
éthique........................................................................86
b. L'éthique du
soin....................................................................87
2) Des
« écritures-vision »................................................................89
a. La voix plastique de
Felipe........................................................89
b. « Cinécrire » la
trace................................................................93
3) Le témoignage et la voix : des
« matières-émotion »..............................97
a. La parole dans La resta: un
« corps-support »..................................97
b. L'empathie lectoriale dans La dimensión
desconocida.......................102
CONSIDÉRATIONS
FINALES............................................................................................108
Bibliographie..........................................................................................110
Annexes.................................................................................................133
I) Alia Trabucco Zerán et Nona Fernández Silanes:
deux filles de la dictature......133
II) Mémoire et écriture dans la littérature
chilienne.......................................134
III) Parcours de l'Histoire
chilienne.........................................................135
IV) Le témoignage de El Papudo : «El
hombre que olía a muerte».....................136
V) Le 7 septembre 1983 ou la «Noche de los largos
cuchillos» en images............153
VI) «La pieza oscura» de Enrique
Lihn......................................................153
VII) La dimensión desconocida:
couverture.................................................155
VIII) Peindre la mémoire collective chilienne :
l'exemple de Los oberoles..............156
IX) Lettre de Ángel Parra à Víctor Jara
(1987).............................................158
PROLÉGOMÈNES
Morelliana
Si el volumen o el tono de la obra pueden llevar a creer
que
el autor intentó una suma, apresurarse a
señalarle que está ante
la tentativa contraria, la de una resta
implacable.2(*)
À partir des années 1940, surgit le roman
contemporain en Amérique latine3(*), qui atteignit son paroxysme durant les années
60-70, années du grand boom latino-américain,
période de « «grandecristallisation
syncrétique» [...] d'une narrative qui démontrera
rapidementsa capacité àfaire partie de la culture
universelleà partir d'une expérience purement
américaine. »4(*)
À la suite du succès retentissant du grand
boom latino-américain au cours des années 60-70, la
production littéraire latino-américaine de la fin du XXème
siècle - début du XXIème siècle assista à
l'émergence de nouvelles voix qui s'élevèrent contre la
littérature du boom, amorçant ainsi le processus de
desmacondización de la littérature
latino-américaine.
Le paradigme magico-réaliste tira sa
révérence avec la publication par Jorge Volpi du
Manifiestodel Crack5(*) au Mexique et la publication de l'anthologie
McOndo6(*)-jeu de mots
subversif réalisé à partir du nom du village mythique de
Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez, Macondo-
du côté du cône sud par Alberto Fuguet et Sergio
Gómez en 1996. En dépit de leur caractère local, ces deux
tendances partagèrent « una sola inquietud :
« una nueva perspectiva para ver la literatura », integrar
de nueva cuenta en el espacio literario una realidad continental fragmentada
geográficamente. »7(*) Ainsi:
El mundo mágico y maravilloso que caracterizó a
la narrativa de ?nales de la década del sesenta hasta los setenta y que
fortaleció el universo de Gabriel García Márquez [...] se
alej[ó], como las mariposas amarillas, por laberintos oscuros ahogando
sus nostalgias en un universo donde reina la disolución de los valores,
la presencia de la muerte, la racionalidad, la trivialidad y
trivialización, la agonía y la degradación.8(*)
L'espace américain auparavant propice à
l'exotisme, à la récupération de l'origine sacré,
laissa place, avec cette nouvelle « génération
continentale », à un espace américain désormais
déliquescent, profané par une modernité féroce,
débridée:
Nuestro McOndo es tan latinoamericano y mágico
(exótico) como el Macondo real (que, a todo ésto, no es real sino
virtual). Nuestro país McOndo es más grande, sobrepoblado y lleno
de contaminación con autopistas, metro, tv-cable y barriadas. En McOndo
hay McDonald's, computadores Mac y condominios, amén de hoteles cinco
estrellas construidos con dinero lavado y malls gigantescos.
En nuestro McOndo, tal como en Macondo, todo puede pasar,
claro que en el nuestro cuando la gente vuela es porque anda en avión o
están drogados. Latinoamérica, y de alguna manera
Hispanoamérica (España y todo el USA latino) nos parece tan
realista mágico (surrealista, loco, contradictorio, alucinante) como el
país imaginario donde la gente se eleva o predice el futuro y los
hombres viven eternamente. Acá, los dictadores mueren y los
desaparecidos no retornan.9(*)
McOndo et El Manifiesto del Crackouvrirent
donc les portes de l'èrede la
« post-littérature »10(*). Cette ère est marquée, comme le
précise Alexandre Gefen dans son essai Réparer le monde,
par un « déclin des fonctions collectives de la
littérature et la désacralisation contemporaine de
l'écrivain »11(*) qui « fabriqu[e] [...] des romancules qui
ne s'engagent pas et qui n'engagent à rien »12(*). Toutefois, le panorama
littéraire latino-américain offrant une grande
hétérogénéité d'oeuvres, il y a des
exceptions, tout comme c'est le cas de la génération de la
post-mémoire13(*)
en Amérique latine, qui a commencé à gagner l'espace
littéraire latino-américain au début du XXIe siècle
et qui a su, dans l'ensemble, résister aux exigences du marché
contrairement à la littérature que nous avons coutume de
qualifier de « light ».
La post-mémoire, avec les mots de Marianne Hirsh, est
une « structure intergénérationnelle et
transgénérationnelle caractérisée par le retour du
passé traumatique et de l'expérience physique du
corps »14(*),
qui « décrit la relation de la
« génération d'après » par rapport au
trauma personnel, collectif et culturel de la génération
précédente. »15(*) Les enfants de la dictature
« « se souviennent » par le biais de
récits, d'images et de comportements au milieu desquels ils ont
grandi »16(*),
opérant, en ce sens, « [une] connexion [entre]
post-mémoire [et] passé [...] qui ne transite pas uniquement par
le souvenir, mais aussi par un investissement imaginatif, créatif et de
projection. »17(*)
Parmi les membres appartenant à ces « acteurs
secondaires »18(*) de la mémoire, nous détachons deux
« détectives de la mémoire »19(*), qui sont : la finaliste
nominée au Man Booker 2019, avocate et éditrice Alia Trabucco
Zerán (Santiago, 1983-) et l'actrice Nona Fernández Silanes
(Santiago, 1971-). C'est à travers La resta (2014), opera
prima de Alia Trabucco, oeuvre primée20(*) et La dimensión
desconocida (2016), dernière oeuvre littéraire en date de
Nona Fernández, oeuvre également primée21(*), que nos deux autrices
procèdent à un «anti-entierro»22(*) de la mémoire
collective chilienne anesthésiée par l'État. La
finalité de leurs écritures qui incommodent est claire :
« démolir la mémoire officielle qu'on a tenté
d'imposer après la dictature pour en construire une autre, d'autres
mémoires, hétérogènes, dissidentes,
désarticuler la rhétorique de la
réconciliation »23(*). En effet, rappelons avec Nona Fernández que:
En esos años se le bajaron los decibeles al recuerdo de
la violencia reciente para organizar una política de consensos que
mantuviera la fiesta en paz. La democracia se mantenía cautelada por los
militares con el mismo general Pinochet como Comandante en Jefe del
Ejército y luego senador en el Congreso, entonces no era una buena idea
usar el ayer inmediato como un arma de debate24(*)
Face à la génération des parents, nous
retrouvons donc une jeune génération qui, au moment de retracer
« la épica de la generación
anterior »25(*),
fait face à « un silencio sepulcral »26(*), favorisé par la
sphère politique. Une problématique essentielle se pose
donc : Comment réarticuler l'expérience de ce violent
échec, de cette déroute, alors que l'on se trouve au milieu
d'un vide, d'une béance mémorielle de laquelle l'État se
retrouve complice ?
Les travaux critiques sur La resta de Alia Trabucco
sont peu nombreux. En effet, nous comptabilisons actuellement seulement quatre
récensions27(*)
auxquelles s'ajoutent trois thèses de doctorat28(*)dans lesquellesLa
resta fait partie du corpus étudié. Parmi
ceux-là, nous retrouvons le travail de recherche de Constanza Ternicier
qui, en prenant appui sur un pan assez ample de la littérature chilienne
contemporaine, «se propone demostrar la existencia de una nueva
subjetividad en el campo literario chileno y desprender sus elementos
comunes»29(*)
à partir de «dos sistemas de preferencia: uno próximo a una
narrativa más apegada a la realidad, aunque no siempre minimalista [...]
y otro más complejo y distorsionador de la realidad».30(*)En dépit des nombreux
aspects de l'oeuvre abordés (allégorie du voyage, le conflit
filial, la connexion entre la subjectivité de Felipe avec l'espace
diégétique, sa sexualité subversive), le travail
universitaire de Constanza Ternicier analyse La resta de
manière très superficielle.
En ce qui concerne La dimensión desconocida,
nous relevons à l'heure actuelle seulement trois travaux
critiques31(*) et deux
récensions32(*). Si
dans son travail critique Mariela Peller «explor[a] los modos en que las
obras [de Nona Fernández] tejen espacios de resistencia al olvido de la
violencia del pasado reciente [y sostiene] que esos espacios de resistencia se
perfilan a través de dos figuras: los cuerpos y la
escritura»33(*) et,
plus précisément, se centre sur cette « política
de la nominación »34(*) engendrée à travers la fiction et qui
régit l'oeuvre entière de l'écrivaine, Luis Valenzuela
Prado s'attache, en s'appuyant sur l'oeuvre littéraire entière de
Nona Fernández, à dégager une esthétique du
résidu.
Toutefois, la démarched'écriture de ces deux
oeuvres est souvent délaissée. Ainsi, dans notre travail, nous
voulons interroger l'écriture de l'épuisement, qui se
déploie tant dans La resta que dans La dimensión
desconocida afin de relire, interpréter le passé
récent traumatique35(*), mettant le roman à l'épreuve.
John Barth, le critique du post-modernisme américain,
est le premier à avoir introduit la notion
d' « épuisement » et à l'avoir mis en
corrélation avec l'état de la littérature
nord-américaine post-moderniste36(*). En France, avant de se réfugier dans le
travail de recherche de Dominique Rabaté, Vers une
littérature de l'épuisement ?, qui suit le parcourt
critique de John Barth, l'épuisement, en tant que pratique scripturale,
nichait dans l'oeuvre de l'écrivain français, Georges Perec. Ce
dernier, qui s'était déjà adonné à cette
pratique dans Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, le
définit comme une démarche consistant en
« décrire le reste : ce que l'on ne voit
généralement pas, ce qui ne se remarque pas, ce qui n'a pas
d'importance [...] »37(*). Cette affirmation syntonise avec les aspirations de
nos deux jeunes autrices de la post-mémoire chilienne dont les pratiques
d'écriture visent à « (d)écrire le
reste » du passé, balayé du devant de la scène
socio-politique puis vilement jeté aux ordures. En effet, nous le
savons :
La modernité est experte pour multiplier les sanctions
d'expulsion contre ce qui refuse d'obéir à la consigne de rupture
temporelle qui utilise ce qui est nouveau pour congédier -sans
considération- ce qui est obsolète, jetant à la poubelle,
et au même rythme que la vitesse de production de marchandises, ce qui
s'éternise. Toutefois, et malgré tout, « la
modernité verra accroître à ses alentours le voisinage
désagréable des détritus, amoncellement inattendu d'objets
désuets et d'esprits sans utilités domestiques qui
résisteront à être
« éliminés » et menaceront de faire irruption
dans le présent afin de délivrer la mémoire d'une
temporalité captive.38(*)
En d'autres termes,Alia Trabucco et Nona Fernández
textualisent, présentifient à travers l'écriture
épuisée « la mémoire comme
reste »39(*),
comme déchet qu'on ne veut plus voir et qui pourtant persiste.
C'est par l'imagination créatrice que nos deux oeuvres
s'érigent en espace de revenance où la voixfugitive,
domptée, projectionniste, s'efforce de reconstruire, par bribes, ces
espaces intimes familiaux anonymes violés, dotant les mêmes
oeuvres d'une indéniable valeur intrahistorique et tendant à la
construction d'une contre-mémoire collective critique de la dictature
chilienne. La frontière entre intimité et extimité
s'effondre. Cependant, pour exprimer le reste informe, la trace obsessionnelle
du passé qui, dans nos deux oeuvres, ne s'observera pas uniquement
à l'échelle des structures familiales, car elle sera aussi de
nature « archivée »,
« éprouvée » et apparaîtra sous forme
d' « empreinte corporelle, cérébrale,
corticale »40(*), l'écriture se fera rudologie41(*) et s'effritera,
s'abîmera, s'épuisera. En procédant au recyclage des
obsessions du passé, l'intimité de
l' « espace-corps »42(*) romanesque sera amenée à s'ouvrir en
débordant de ses propres frontières génériques. De
cette manière, l'épuisement, qui constitue paradoxalement le
moteur de création de ces deux oeuvres43(*), signera « l'usure des formes
accomplies »44(*), creusant l'abime avec le paradigme romanesque
institutionnel. Afin de restituer le passé dans toute sa dimension
sensible à travers l'écriture, ces transécritures
abjectes, au sein desquelles pratique artistique et éthique du soin font
corps, éveillent la sensibilité du lecteur. La matière
verbale, qui déborde de ses frontières sémiotiques
également, fera appel au sensoriel, au (syn)ésthésique,
permettant au lecteur d'éprouver les traces persistantes et
revivifiées dans la parole orale et poético-lyrique ou dans le
témoignage.
L'évidement, l'épuisement des capacités
expressives et créatrices, source de la mise à l'épreuve
du genre romanesque, inscrira donc nos deux poéthiques hors-cadresdans
une tendance de « re-littérature »45(*), tendance « que l'on
peut toujours traduire en deux sens : la fin, l'achèvement mais
aussi la revenue, la grande relève »46(*). Alia Trabucco et Nona
Fernández se situent dans :
ce qu'il faudrait nommer une après-fin par
laquelle un grand Après [se donne] à lire. Cette après-fin
sera celle qui [...] laiss[e] entendre, depuis les fosses communes, une voix
qui v[eut] recommencer après la fin, revenir de la mort non
pour en témoigner mais pour refonder le Dire et oeuvrer de nouveau
à la Littérature, depuis sa toute tremblante majuscule.47(*)
C'est ce que ce travail s'attachera à
démontrer.
I- UNIVERS INTIMES DÉCOMPOSÉS
Trato de recordar, buscar imágenes,
imaginar voces, colores, pero me resulta
difícil,
casi imposible.48(*)
1) L'horizon post-dictatorial ou « la
mémoire obstinée »49(*)
a) Le roman : une recherche
La génération de la post-mémoire,
« détachement qui refuse de fixer l'écart de sa
distance »50(*),
offre un horizon décomposé, morcelé où les
déchets du passé règnent en maîtres. La
mémoire collective ayant été sauvagement dynamitée
par l'État chilien « démocratique », et le
conflit n'ayant pas été directement vécu, la
génération de la post-mémoire trouve dans la relecture de
cette partie sombre de l'Histoire collective chilienne un enjeu de taille. La
mémoire qui leur parvient est ainsi donc indicible, informe,
informulé, précaire, et sa textualisation poussera le roman dans
ses derniers retranchements.
La resta de Alia Trabucco et La dimensión
desconocida de Nona Fernández illustrent toutes les deux à
merveille la condition post-dictatoriale qui est, selon Nelly Richard,
marquée par la perte d'objet et le deuil51(*). Les auteurs de la post-mémoire chilienne et,
plus précisément, Alia Trabucco et Nona Fernández,
abordent « [l]e roman comme [une] recherche »52(*) des morceaux de cet
« objet irrémédiablement brisé »53(*). De telle sorte que le roman
leur apparaît comme un espace-corps d'expérimentations, un
« laboratoire »54(*) où l'écriture met en place diverses
stratégies littéraires rebelles pour tenter de donner forme
à l'informe, dire l'indicible, resémantiser l'expérience
de l'Autre. Le roman se faufile par les interstices de la production culturelle
institutionnelle et gagne un tout autre espace : celui de la dissidence
inclusive. C'est en s'extraterritorialisant que le roman peut faire et dire la
trace.
L'appareil titulaire de l'oeuvre de Nona Fernández,
La dimensión desconocida, qui évoque d'ores et
déjà un lien intertextuel plus qu'évident avec la
série The Twilight Zone confirmé par la
couverture55(*), tout
comme celui deLa resta de Alia Trabucco, met le doigt sur quelque
chose qui a été soustrait, caché, et qui est sur le point
de nous être restitué sous nos yeux par la parole
littéraire. Comment interpréter le passé pour le
comprendre et enfin le restituer dans toute sa sensibilité surtout
lorsqu'il n'a pas été vécu ?
La théoricienne du Nouveau roman historique Marta
Cichoka relève dans son très récent ouvrage critique et
théorique Estrategias de la novela
histórica contemporánea : Pasado plural, postmemoria,
pophistoriaque :
La generación de la postmemoria accede al palimpsesto
del pasado en su dimensión afectiva, a través del lenguaje, de
los testimonios familiares, del discurso historiográfico en un
interesante proceso de lectura y relectura, intertextualidad y
traducción, y una constante interrogación sobre la naturaleza del
original y el artificio, la realidad y la ficción, la historia y el
olvido, la historia y el mito, la memoria y el olvido.56(*)
Ainsi, ces sources, ces restes
« affectifs » constituent l'héritage sur lequel la
génération de la post-mémoire s'appuie pour
réarticuler le passé présent traumatique. De plus, elles
seront soumises à un processus de lecture et de relecture,
d'épuisement donc, qui sera à la charge de la parole
littéraire et, plus précisément, à la charge de
procédés littéraires tels que l'écriture
allégorique ou encore l'écriture parodique, présentes dans
nos deux oeuvres et sur lesquelles nous nous pencherons prochainement.
b) L'épigraphe : annonciatrice de la
résistance politique et littéraire
D'entrée de jeu, Alia Trabucco et Nona Fernández
nos deux chiffonnières57(*)dévoilent,à travers leur
épigraphe, leur volonté de recollecter, de recycler ces restes du
passé présent en « fouill[ant] dans les poubelles de
l'histoire ». « La recolección es nuestra forma de
duelo »58(*),
pouvons-nous lire avant de nous jeter corps et âme dans la lecture de
La resta. Cette épigraphe, qui puise son origine dans l'oeuvre
traduite en espagnol Todo lo que tengo lo llevo conmigo de
l'écrivaine allemande Herta Müller, est très
révélatrice. Effectivement, elle dévoile au lecteur le
caractère belliqueux, violent de la prose effrénée de Alia
Trabucco. Nona Fernández, quant à elle, manifeste au lecteur,
également aux portes de son « roman », son
aspiration à récupérer les traces du passé en
exprimant, en donnant la parole aux lieux grâce à la
« llave de la imaginación »59(*) qui lui permet ainsi
de :
Imagin[ar] y ha[cer] testimoniar a los viejos
árboles,
al cemento que sostiene [sus] pies,
al aire que circula pesado y no abandona este paisaje.
Imagin[ar] y complet[ar] los relatos truncos,
rearm[ar] los cuentos a medias.
Imagin[ar] y p[oder] resucitar las huellas de la
balacera.60(*)
Le visionnage, en compagnie de sa mère du documentaire
élaboré par l'autrice même en collaboration avec la
Vicaría de la solidaridad, est le moment précis où Nona
Fernández mentionne la relation qu'elle entretient avec ces images du
passé :
Nací con ellas instaladas en el cuerpo, incorporadas
en un álbum familiar que no elegí ni organicé. Mi escasa
memoria de aquellos años está configurada por esas escenas. En la
sucesión veloz de acontecimientos en la que habito, en el torbellino de
imágenes que consumo y desecho a diario, éstas se han mantenido
intactas frente al tiempo y al olvido. Como si fueran controladas por una
fuerza de gravedad distinta, no flotan ni salen disparadas en el espacio dando
tumbos sin dirección. Siempre están ahí, resistiendo.
Vuelven a mí o yo vuelvo a ellas, en un tiempo circular y espeso como el
que respiro en esta sala de cine vacía.
He dedicado gran parte de mi vida a escudriñar en esas
imágenes. Las he olfateado, cazado y coleccionado. He preguntado por
ellas, he pedido explicaciones. He registrado sus esquinas, los ángulos
más oscuros de sus escenarios. Las he ampliado y organizado intentando
darles un espacio y un sentido. Las he transformado en citas, en proverbios, en
máximas, en chistes. He escrito libros con ellas, crónicas, obras
de teatro, guiones de series, de documentales y hasta de culebrones. Las he
visto proyectadas en innumerables pantallas, impresas en libros, en diarios, en
revistas. He investigado en ellas hasta el aburrimiento, inventando o
más bien imaginando lo que no logro entender. Las he fotocopiado, las he
robado, las he consumido, las he expuesto y sobreexpuesto abusando de ellas en
todas sus posibilidades. He saqueado cada rincón de ese álbum en
el que habitan buscando claves que puedan ayudarme a descifrar su mensaje.
Porque estoy segura de que, cual caja negra, contienen un mensaje.61(*)
Ici, Nona Fernández affirme son projet
d'épuisement des éclats -au sens de fragments- du passé
présent. Encore une fois, nous constatons que l'imagination joue un
rôle considérable dans cette tentative d'épuisement de ces
images pugnaces, tenaces. En effet, c'est en recourant au pouvoir subversif de
la fiction que l'autrice exprime ces archives du passé, leur
arrache leurs derniers éclats -au sens cette fois-ci
d'éclairement- pour « se figur[er] le contexte de vie,
l'environnement social et culturel, bref, [...] le monde qui, aujourd'hui,
manque, si l'on peut dire, autour de la relique »62(*), et ainsi illuminer
« los ángulos más oscuros » de l'Histoire
récente chilienne.
Dans les deux cas, nous constatons que l'écriture du
reste, de la trace,de nos deux autrices expulse le roman aux frontières
du dicible et de l'indicible, aux frontières de l'ordre et du
désordre. Cette expulsion, mène le roman à
découvrir ses propres limites, à explorer l'espace de
l'écart :
L'expulsion est, en effet, aussi bien une impulsion. Venue du
dehors, une énergie libère un élément et lui trace.
La force de ce mouvement initial lui assigne une direction, celle d'une vie
à faire, d'une histoire à poursuivre. Mais l'expulsé,
c'est aussi ce qui choit et se détache. Mouvement cette fois non plus de
mise en branle, mais de décharge, rejet vers le bas, objet
abandonné et coupé de soi, comme une matière impropre. Le
passage vers le dehors, qui donne naissance au récit peut ainsi
s'entendre de deux façons, [...] progressif ou régressif
[...]63(*)
L'épuisement configure donc une dialectique au sein de
nos deux oeuvres entre mouvement régressif, rétrospectif, dans la
mesure où le souffle de l'écriture recollecte en se projetant
dans le passé via des restes affectifs, qu'elle reprend, recycle, se
faisant « décharge », et mouvement progressif dans
la mesure où cette recollection et cette projection trace au roman un
« passage vers le dehors », l'écart, l'impropre,
afin de tisser une authentique « pensée de la
trace »64(*)
abjecte et « d'aller au loin des étranglements de
système »65(*).Nous employons l'adjectif
« abject » afin de nous référer à la
trace car il ne faut pas oublier que :
[l'] abject [...] est [...] une terre
d'oubliconstamment remémorée. [...] [L]a cendre de l'oubli
fait maintenant paravent et réfléchit l'aversion, la
répugnance. Le propre (au sens d'incorporé et d'incorporable)
devient sale, le recherché vire au banni, la fascination à
l'opprobre. Alors le temps oublié brusquement surgit et condense en un
éclair fulgurant une opération qui [...] serait la réunion
des deux termes opposés mais qui du fait de cette fulguration se
décharge comme un tonnerre. Le temps de l'abjection est double :
temps de l'oubli et du tonnerre, de l'infini voilé et du moment
où éclate la révélation.66(*)
L'épuisement pousse donc d'une part à passer
outre les bords de contention mémoriels imposés par :
[un] consenso [que], al pretender forzar la unanimidad de
voces y conductas en torno a la racionalización formal y tecnificada del
acuerdo, [buscó limitar los] [d]esbordes de nombres (la
peligrosa revuelta de las palabras que diseminan sus significaciones
heterodoxas para nombrar lo oculto-reprimido fuera de las redes de
designación oficial); [los] desbordes de cuerpos y de
experiencias [...]; [los] desbordes de memorias (las
tumultuosas reinterpretaciones del pasado que mantienen el recuerdo de la
historia abierta a una incesante pugna de lecturas y sentidos).67(*)
Et d'autre part à passer outre les bords de contention
créatifs, car l'épuisement suppose un émiettement, une
fragmentation, une mise en mouvement de l'oeuvre, ce qui va à l'encontre
du paradigme romanesque institutionnel statique récalcitrant à
toute irrégularité provenant des confins. L'épuisement est
par conséquent l'expression de la contre-littérature qui, selon
son théoricien Bernard Mouralis, regroupe :
[l]es textes que récuse l'institution littéraire
et qui, de ce fait, n'entrent pas dans le champ littéraire, ne sont pas
seulement des textes en marge de la « littérature »-
ou inférieures à celle-ci, mais des textes qui, par leur seule
présence, menacent déjà l'équilibre du champ
littéraire puisqu'ils en révèlent le caractère
arbitraire.68(*)
Néanmoins, l'écriture fragmentaire, que nous
associons à l'épuisement et qui dévoie la paradigme
romanesque de la norme institutionnelle, ne surgit pas avec l'avènement
de la génération de la post-mémoire. En effet, depuis
l'époque de la dictature pinochetiste, l'espace littéraire
chilien apparaît scindé principalement en deux espaces :
[...] entre la catégorie du structuré et celle
de l'informe : opposition entre oeuvre (l'unité étant dans
notre tradition culturelle du livre) et non-oeuvre (bribes, fragments, graffiti
et autres traces), entre oeuvre « bien composée » et
oeuvre « mal composée », entre
brièveté et prolixité [...], entre expression
« contrôlée » et expression
« relâchée », entre vraisemblable et
invraisemblable, entre simplicité et complication, entre
originalité et banalité, etc.69(*)
En ce sens, les pratiques artistiques
néo-avant-gardistes « relâchées » de la
CADA70(*), sont
très illustratives, notamment celles de l'écrivaine Diamela
Eltit, figure emblématique et modélique de la
contre-littérature chilienne. Si d'un point de vue politique la
fragmentation est une stratégie d'écriture grâce à
laquelle « [l]'interdit est levé sur la lacune, la perte,
l'inachevé [...] »71(*), d'un point de vue créatif :
[...] le recours à la forme fragmentaire s'inscrit dans
le sillage d'une triple crise aux manifestations déjà anciennes,
et à laquelle on peut identifier la modernité : crise de
l'oeuvre par caducité des notions d'achèvement et de
complétude, crise de la totalité, perçue comme
impossibilité et décrétée monstrueuse et enfin
crise de la généricité, qui a permis au fragment de se
présenter, en s'écrivant en marge de la littérature ou
tangentiellement par rapport à elle, comme une alternative plausible et
stimulante à la désaffection des genres traditionnels,
jusqu'à s'imposer comme la matrice même du Genre.72(*)
En faisant éclater « la belle ordonnance de
l'oeuvre »73(*),
La resta de Alia Trabucco et La dimensión desconocida
de Nona Fernández, « s'accord[ent] à ce qui du monde
s'est diffusé en archipels précisément, ces sortes de
diversité dans l'étendue »74(*) mettant ainsi en partage
l'expérience traumatique de l'Autre que l'espace institutionnel
relègue à l'oubli. L'épuisement scriptural « est
[ainsi donc] l'errance violente de la pensée qu'on
partage »75(*).
L'ossature de nos deux oeuvres achemine d'emblée le
lecteur empirique vers de premières pistes d'interprétation
grâce auxquelles il peut se préfigurer le contenu de la
diégèse, de l'oeuvre. Si nous nous intéressons à
l'architecture externe de La resta de Alia Trabucco, nous constatons
que deux voix prennent part de manière équitable à la
construction du récit : celle de Iquela d'une part et celle de
Felipe d'autre part. En effet, tant la voix de Iquela que celle de Felipe font
irruption onze fois, bien que dans le cas de Iquela, la numérotation
traditionnelle des chapitres apparaisse remplacée par des
parenthèses vides « que no abrigaban, no acogían
palabra alguna »76(*)
et qui figurent en tête des onze chapitres que nous comptabilisons, comme
nous le remarquons grâce à l'exemple ci-dessous :

Dans le cas de Felipe, la numérotation romanesque des
chapitres apparaît très clairement. Cependant, les chapitres ne
sont pas numérotés chronologiquement, mais de manière
décroissante, de la même manière qu'une bombe. Ainsi, le
lecteur commencera la lecture de La resta à partir du chapitre
11 :

Et la terminera au chapitre 0 :

Intimement convaincus que La resta fait partie de ces
nombreux Nouveaux romans historiques, nous avons interrogé le nombre de
chapitres : 11. Le premier élément qui nous est venu
à l'esprit c'est évidemment la date fatidique du 11 septembre
1973, qui marqua le début d'une longue et féroce dictature comme
l'Amérique latine en connaissait déjà. C'est en nous
appuyant sur la théorie des nombres de Steve Desrosiers que nous sommes
en mesure d'affirmer que le numéro 11 est porteur des principaux axes
thématiques qui parcourent l'oeuvre car celui-ci :
représente la transgression de la loi car il
dépasse d'un le nombre dix, qui est celui du Décalogue. Pour ce
fait, il représente l'armoirie du péché selon Saint
Augustin. Le psaume 11 -numérotation du Vulgate - demande effectivement
le châtiment des méchants. Les spéculations
théoriques sur ce nombre confirment ce symbolisme. La somme des nombres
1 à 11 est de 66, qui multiplie onze par le nombre symbole du mal, le
diabolique 6 ; par l'addition des deux chiffres qui le composent comme par
sa lecture en chiffre romain, II, il rappelle le 2, nombre de la division et de
la corruption.77(*)
Le numéro 11 est d'ores et déjà porteur
de la tension, de la dualité, qui structure l'oeuvre. Il peut aussi,
à notre sens, dévoiler la nature spéculaire
caractéristique des monologues de Felipe à laquelle nous
reviendrons sous peu.
En revanche, La dimensión desconocida de Nona
Fernández ne s'organise pas en chapitres, mais en zones. Ainsi, de la
même manière qu'un musée de la mémoire, nous
traversons, main dans la main avec l'autrice, quatre zones : Zona de
ingreso/ Zona de contacto/ Zona de fantasmas/ Zona de escape.
Dans La resta et La dimensión
desconocida, les grandes figures historiques sont évincées
et font place à l'histoire des foyers intimes, privés anonymes.
En recourant à la stratégie intrahistorique Alia Trabucco et Nona
Fernándezdonnent la voix au peuple, aux anonymes, signant toutes les
deux l'épuisement des grands récits historiques
généraux. Ainsi relisent-elles les traces du passé en
créant un univers privé anonyme fictif ou en revisitant ces
intimités briséesen se projetant, par le biais de l'imagination,
dans le témoignage du bourreau.
2) Rés(is)tance78(*) et intimité dans La resta
a) Structures familiales dissoutes
De Alejandra Costamagna à Lina Meruane en passant par
Andrea Jeftanovic ou encore Andrea Maturana, les récits intimes
subversifs sont légion dans la littérature de la post-dictature
chilienne79(*). Relire les
traces du passé violent traumatique depuis une perspective intimiste
forme une des matrices de la poétique du nouveau roman historique
contemporain et semble s'inscrire dans la constitution d'une identité
féminine de la réécriture historique à l'ère
post-dictatoriale d'une part et dans ce « giro
subjetivo »80(*)
qui caractérise les discours des sciences humaines depuis les
années 70 d'autre part. Effectivement, tout comme le relève Marta
Cichoka évoquant Biruté Ciplijauskaité:
Muchas de las autoras jóvenes insisten en el elemento
afectivo, en una visión que no deje de ser personal. En esto coinciden
con la revolución general de la historiografía; hoy se prefiere
fijarse no en los grandes acontecimientos y las figuras destacadas, contando
las victorias y las derrotas, las leyes y las infracciones, como se
solía hacer en los siglos anteriores, sino en lo que Unamuno ha
denominado la «intrahistoria». [...] Se trata de una
presentación de ambientes de gestación más bien que de
acción precipitada.81(*)
Les autrices de notre corpus, qui font usage de la
stratégie intrahistorique, s'engagentà reconstruire un
évènement global, collectif à travers les traces
laissées au sein la sphère intime. Au même titre que La
dimensión desconocida, sur laquelle nous nous pencherons
prochainement, La resta revêt une dimension intrahistorique
notoire, définie par Luz Marina Rivas:
como la narración ficcional de la historia desde la
perspectiva de los subalternos sociales, que aunque víctimas de la
misma, no son sus agentes pasivos; tienen un bagaje histórico por
vía de la tradición entendida con vínculo entre pasado y
presente dado por la costumbre y los modos culturales trasmitidos
generacionalmente. [...] La intrahistoria es, por lo tanto, una visión
de la historia desde los márgenes del poder y tiene como protagonistas a
personajes cuya tensión entre espacio de experiencia o habitus
y horizonte de espera resulta en una conciencia del subalterno de un pasado y
de un futuro muy distantes a los de la historia oficial.82(*)
Dans La resta les familles des deux personnages
protagoniques, qui se sont liées d'amitié lors d'une
«assemblée révolutionnaire émouvante»83(*)comme Iquela le rapporte en
nous décrivant «la photo en noir et blanc qui demeurait intacte sur
le mur»84(*),
s'étaient sans nul doute promis de se protéger, de lutter, de
s'épauler mutuellement. Cette promesse vola en éclats le jour au
cours duquel Consuelo, Hans, Ingrid et Rodolfo planifièrent leur fuite
du Chili, en tentant de rejoindre l'ambassade allemande :
Consuelo iba en la parte de la embajada. La parte en que
todos, salvo ella, decidieron partir. Cuando Hans, Ingrid y Rodolfo
(Víctor, quería decir Víctor) elaboraron un plan para huir
de Chile, una idea que ella consideró cobarde (ella quería
luchar, quería resistir). [...]
Habían acordado juntarse en la esquina de la embajada
de Alemania. A las doce del mediodía saltarían la pared y se
irían. Paloma, sin embargo, sabía que eso no había
sucedido; que solo habían cruzado Ingrid y Hans. [...] Llegó la
hora del cambio de guardia. Un paréntesis. Cuatro minutos. Lo
tenían estudiando y calculado. Rodolfo (Víctor, Víctor,
Víctor) tenía que llegar a tiempo. Eso era todo. [...] Lo que
ocurrió fue que Rodolfo no llegó. El cambio de guardia
terminó a las doce y no hubo tiempo que perder, dijeron, es nuestra
única oportunidad. Pero Consuelo no pudo irse. No cruzaría la
pared sin Rodolfo. Mi madre se quedaría. Consuelo resistiría. Se
subió al auto y lo echó a andar. Aceleró y se montó
sobre la cuneta. Pasó por encima de los arbustos y siguió hasta
que la pared de la embajada quedó a solo un centímetro del
parachoques.
Regresé a la cocina y desde ahí escuché
el desenlace (palabras embalsamadas a la orilla de su boca): cuando detuve el
auto frente a la muralla tus padres se subieron al capó, Paloma, luego
al techo y desde ahí treparon y saltaron. Fueron los únicos en
cruzar. Eso los salvó, dijo mi madre. [...] El cambio de guardia
terminó antes de tiempo y desde la esquina, montados en un auto sin
patente, aparecieron cuatro hombres de civil. Rodolfo, sin embargo, no
llegó. Rodolfo había caído en la madrugada, pero eso lo
averigüé tiempo después, dijo Consuelo (mi madre, Consuelo,
Claudia, la botella de pisco en la pantalla). Yo pasé a la
clandestinidad, pero él desapareció por mucho tiempo. Ocho meses
en que no se supo nada, o casi nada, en realidad. Se supo que seguía
vivo porque sus palabras dejaban huellas (huellas de personas con nombre y
apellido).85(*)
Ce fragment-ci, où Iquela rapporte la douloureuse
désagrégation de la famille politique, en raison de l'obligatoire
exil politique, est clé dans la mesure où il est également
fait mention du destin tragique du père de Iquela, Rodolfo
(Víctor), retrouvé puis fait prisonnier par la police politique.
Cette détention force la mère de Iquela, Consuelo (Claudia),
à demeurer au Chili, et à continuer de mener la résistance
intra-muros. Une fois embarqué, le lecteur devine entre les interstices
blancs du texte que Rodolfo est torturé et qu'il lui a été
nécessaire de trahir un de ses amis : Felipe Arrabal, qui est aussi
le père du jeune Felipe :
Nunca hablábamos de eso. Era un pacto de niños,
de él y yo sentados sobre la alfombra pretendiendo que jugábamos,
fingiendo que en realidad no las oíamos, que en el living no pasaba
nada, mientras mi madre y su abuela discutían a los gritos y nosotros
las escuchábamos sin querer, sin querer saber que mi madre lo
tenía que cuidar (a Felipe) como una deuda: es lo mínimo que me
debes, había dicho su abuela Elsa, esto es culpa de ustedes, Consuelo,
por andar jugando a la guerra le pasó esto a mi Felipe, algo
habrán hecho los que siguen vivos, sí, algo hicieron todos
ustedes. Y mi madre explicándole que no tenía culpa alguna, no
entiendes Elsa, fue terrible, fue un error, y el error ni siquiera fue de ella,
el error había sido de mi papá (de Rodolfo, de Víctor,
Víctor se había equivocado), porque soltó dos palabras
cuando se lo llevaron preso, dos palabras que, como una traducción
equivocada, un tropiezo de la lengua, transformaron todo lo que pasaría.
Dijo Felipe Arrabal, con nombre y apellido, dos palabras para borrar un cuerpo,
pero eso Felipe no lo sabía y se suponía que yo tampoco y tal vez
ni siquiera importaba o al menos eso queríamos creer y nos
prometíamos no hablar, nos jurábamos olvidarnos, no recordar nada
de ese pasado que no habíamos vivido pero que recordábamos con
detalles demasiado nítidos como para que fuera mentira.86(*)
Cet extrait, qui place les enfants en tant que témoins
indirects de la tragédie familiale, est très illustratif, car il
corrobore la nature intrahistorique de la fiction de Alia Trabucco. Ici,
l'Histoire collective est transposée au domaine intime, familial,
offrant ainsi une représentation microcosmique de la politique
mémorielle appliquée par le pouvoir et imposée à la
collectivité chilienne. L'allusion à l'existence
d' «un pacte conclu durant leur enfance »87(*) et qui nous rappelle
inévitablement le pacte de silence établi durant l'ère
post-dictatoriale, justifie pleinement notre analogie. La collision entre
l'espace politique et l'espace intime, l'effritement du dernier
générée par le premier, constitue un second
élément clef que nous nous devons de relever dans ce fragment. La
pénétration de l'espace politique dans l'espace intime engendra
la dissolution des liens familiaux, poussant à une restructuration de la
famille.
La violence politique qui démembra nombre de foyers
intimes familiaux chiliens, et qui trouvent leur écho dans La
resta, influe également sur la subjectivité des personnages.
Face à ces restes persistant, La resta nous présente
deux cas de figure incarnés par Felipe et par Iquela, qui constituent un
«hybride intentionnel»88(*) offrant une perception fragmentée du monde. Si
la voix de Felipe semble perméable aux échos du passé,
Iquela, son amie, soeur adoptive traductrice et à la tendance oublieuse,
rejette n'importe quel élément provenant de ce passé
qu'elle tente de fuir.
b) Un héritage empoisonné :
Iquela
Iquela, tout comme l'a déjà relevé
Constanza Ternicier, mais de manière sommaire, véhicule
l'idéologie dominante de l'ère post-dictatoriale. La voix de
Iquela, aux antipodes de celle de Felipe, apparaît imperméable aux
ondes de choc du passé traumatique voire fuyante :
Mis ojos eran el problema; no sabían sostener esa
mirada (sostener el peso de todas las cosas que ella había visto alguna
vez). Se posaban nerviosos en sus labios delgados, en las cicatrices de los
clavos perforando las paredes. Y si yo conseguía forzarlos, si respiraba
hondo y lograba por un momento sostener esa mirada, mi madre arremetía
implacable: tienes mis ojos, Iquela, cada día te pareces a mí (y
el peso de todas las cosas me devolvía la vista al suelo).89(*) [...]
Entré a la cocina a buscar agua, así que no
escuché por dónde comenzó el relato. De seguro le
hablaría de la oscuridad: que esos días (sus días) se
anunciaban más largos y oscuros [...] De niña yo le rogaba que me
contara esa historia con protagonistas conocidos [...] Oí a Paloma
pedirle que empezara por el principio, que no se saltara ninguna parte:
cómo se conocieron?, dijo y yo cerré la puerta a mis
espaldas.[...] Del otro lado de la puerta, frases entrecortadas, oraciones
tercas que conseguían alcanzarme.90(*) [...]
Llené un jarro con agua y volví al comedor. Mi
madre narraba la parte de la célula (células sin mitocondrias, ni
núcleos, ni membranas). Habían conformado una célula para
preparar la lucha, intuyendo que se aproximaban los días negros
(días aciagos en que esperaban, miraban, sabían). Hasta que
sucedió: llegaron los días de la clandestinidad y yo me
paré y salí del comedor, mi copa colmada de un vino que no era
tinto, sino indudablemente rojo.
Recorrí la casa deseando encontrar una puerta abierta,
una salida.91(*)
Face à la curiosité de Paloma, son amie
d'enfance, le lecteur assiste à l'indifférence absolue et patente
de Iquela -sentiment renforcé par l'action «llenar» et
«colmar», qui indiquent, métaphoriquement, l'agacement,
l'étouffement, et qui poursuit le lecteur tout au long du roman92(*)- envers l'histoire familiale,
« cette histoire avec des protagonistes connus»93(*).
L'étonnement qu'éprouve Iquela lorsqu'elle
entend l'adjectif « rojo », stupeur mise en relief
typographiquement par la mise en italique dudit adjectif :
« ( había dicho rojo
realmente ?) »94(*), est très significatif. Il est en effet
nécessaire de rappeler qu'à ce moment-ci de la
diégèse, la famille de Iquela et de Paloma attendent impatiemment
les résultats du référendum de 1998 au Chili, où,
rappelons-le, le « no » l'emporta. L'adjectif
« rojo » connote inéluctablement ce passé
présent douloureux et, plus précisément, la dissidence
traquée et réprimée sous la dictature. Pour revenir
à notre illustration, l'histoire familiale est narrée avec une
langue qui, aux yeux de Iquela, est corrompue.Dans Les Yeux de la
langue, Jacques Derrida nous rappelle que :
La dette, [...]la culpabilité est inscrite dans la
langue où elle laisse sa signature. Si une génération doit
payer pour une autre [...] cela ne tient pas seulement à une logique
propre de la vengeance [...]. [Elle] tient [...] au fait que la vengeance passe
par la langue.95(*)
De cette manière, dans La resta,
« [i]l n'est [...] plus possible de penser l[a] [langue] comme
système de signes -il nous faut plutôt l'envisager comme lieu
d'affrontement entre forces adverses. »96(*) Les cendres du passé
font retour dans la langue97(*), elle est corrompue. Rappelons à cet
égard et aux côtés de Jean-Jacques Lecercle, dont les
travaux se centrent sur la présence du reste dans la langue, que :
La relation entre la langue et l'évènement (la
langue nomme l'évènement ; à ce titre elle en est une
partie, elle y contribue -les mots, lorsqu'ils pénètrent les
masses, peuvent changer le monde) est réciproque. Car les
évènements, à leur tour, changent la langue. Puisqu'ils y
sont enregistrés, qu'ils y persistent, ils modifient son
équilibre. En conséquence, la langue est surchargée de
conjonctures anciennes. Parce qu'elle est stable, qu'elle conserve, elle est
vouée à une instabilité constante, tandis que de nouvelles
conjonctures viennent troubler son précaire équilibre98(*)
En ce sens, Iquela ne manque pas de faire remarquer
l'écart langagier entre sa génitrice et elle-même
(«mi madre narraba la parte de la célula (células sin
mitocondrias, ni núcleos, ni membranas)»). Cet écart est
typographiquement mis en relief par l'incise et contribue à creuser
l'abîme entre Iquela et sa mère et tend à nous montrer
qu' « [o]n n'écrit qu'avec les mots des autres, en
reconnaissant qu'ils ne nous appartiennent pas, mais n'appartiennent pas
davantage à ceux qui, avant nous ou à côté en ont
usé. »99(*)Ainsi, le lecteur relève la volonté de
la part d'Iquela, pour qui la «célula» fait appel à
l'organisme biologique, de construire sa propre identité, sa propre
histoire en refusant de parler une langue contaminée par la violence du
passé, la langue « des autres » employée par
sa propre mère pour qui la «célula» renvoie aux
conciliabules qui se tenaient pour fomenter la rébellion contre l'ordre
dictatorial établi. Iquela tente, vaille que vaille, de
« trouver une porte ouverte, une sortie »100(*) pour semer ce passé
trop présent à son goût, ainsi que des
responsabilités qu'il implique. Iquela se refuse donc d'assumer un
quelconque héritage tant physique que historique provenant de sa
mère, cette personne « d'une autre époque
»101(*), qui
possède sa propre histoire dont les débris parviennent
jusqu'à ses pieds.
Il nous faut préciser que Iquela hérite d'un
terrible fardeau : « l'erreur de [son]
père»102(*)
qui, rappelons-le brièvement une nouvelle fois, trahit le père de
Felipe, son ami. C'est l'ambiguïté qui constitue toute la richesse
du personnage diégétique de Iquela. Elle apparaît ainsi
comme la figure en tension entre la fuite qui la pousse à se
déraciner de son passé inachevé -la fermeture de la porte
est, en ce sens, très illustrative-, et la culpabilité, qui
l'enracine dans ce même passé et l'oblige à entreprendre la
recherche du corps de la mère de Paloma. Pour Iquela, cette recherche
est un acte rédempteur, car elle peut lui permettre de «
réparer quelque chose qui a été
irrémédiablement rompu »103(*) et fermer définitivement la porte du
passé.
L'arrivée des trois personnages, Iquela, Felipe et
Paloma au hangar 7, à Mendoza, mérite également une grande
attention, car c'est précisément à ce moment-ci que le
caractère ambigu de Iquela se dévoile. L'alternative que propose
Iquela, une fois positionnée « face au
verrou »104(*)
du hangar 7, métaphore spatiale de la mémoire collective,
consistant en « fai[re] autre chose, profit[er] du
voyage »105(*), est extrêmement symbolique, car elle
manifeste l'inconfort, la crainte que ressent toute une collectivité
déchirée dont les blessures restent vives. De plus, lorsque
Iquela découvre le point de chute de la tombe de Ingrid dans ce
labyrinthe mémoriel, elle hésite à le
révéler à Felipe et Paloma. De là surgit
l'alternative du mensonge, de l'effacement, puisque Iquela
« consider[ó] quitar el papel y reemplazarlo por uno
nuevo : un nombre genérico y cualquier apellido [...] Y luego
pens[ó] en mentirle a Paloma [...] borrar a Ingrid
[...] »106(*).
Il aurait suffi d'une poignée de mots pour qu'un corps se fasse
poussière... mais Iquela décidera de se rendre auprès de
Paloma afin de lui dévoiler où le corps de sa mère repose.
La relation qu'entretient Iquela avec sa mère illustre
parfaitement la tension récemment évoquée entre la
culpabilité et la fuite :
Me paré para ir al baño y caminé por un
pasillo que separaba dos ambientes. Al final del pasillo un cable enredado, un
auricular brillante de grasa y una guía comercial desmembrada, me
invitaron a acercarme como a un tesoro. Me detuve indecisa entre el
teléfono y el baño, esperando que el azar definiera si
hablaría o entraría [...]
Imaginé qué iba a decirle (otro tono), cada
una de las frases de las que podría deshacerme (otro más), pero
no pude pensar en ninguna y como no hubo respuesta, corté.107(*)
La fugue à laquelle aspire Iquela, suppose aussi une
séparation avec sa mère. Bien qu'elle promette de tirer profit de
son escapade à Mendoza, afin de prendre un souffle nouveau, oublier sa
mère et « todo, todo, todo »108(*), une pulsion inattendue la
pousse à appeler sa mère, appeler le passé. Mais celui-ci
ne lui répondra pas.
Cependant, « il n'est pas possible de
représenter le monde idéologique de l'Autre sans lui donner sa
résonance, sans découvrir ses propres
paroles »109(*). Ainsi, Felipe est la voix qui incommode car, par la
voie du délire, elle s'acharne à donner une forme à
l'informe, à tenter de dire l'indicible, creusant l'écart avec le
discours de Iquela.
c) La « hantise par
imprégnation »110(*) chez Felipe
La dissolution de la structure familiale que nous avons
évoquée précédemment affecte tout
particulièrement le personnage diégétique Felipe,
personnage hybride s'il en est. Tout au long de l'oeuvre le lecteur suit la
quête de Felipe pour retracer, se reconstruire une toute nouvelle
identité. L'hallucination lucide, « modalité
pathologique de l'incrustation du passé au coeur du
présent »111(*), pour reprendre Paul Ricoeur, transforme le corps et
la subjectivité de Felipe en espaces d'interférences entre
passé et présent.
Au même titre que l'intimité
familialeperméable, l'intimité de Felipe, par la voie/ voix de
l'hallucination, s'ouvre aux souvenirs douloureux de l'Autre, tente de leur
donner une forme en projetant dans l'univers sensible
diégétique la présence de l'absence, l'abject:
por eso yo los veo (los muertos-vivos), porque tengo otro
punto de vista, en cada poro un minúsculo ojo nacido de esa
córnea, y con todos ellos veo muertos si los hay112(*)[...] Por más que ande
acompañado o que pasen otros por el mismo lugar, siempre soy yo el que
los encuentra, una y otra vez mis cientos de ojos se dilatan y los ven, en
cambio la Iquela no ve nada: ella va pavoneando, comentando el reflejo del sol
en los ciruelos, describiendo cómo se estiran las sombras de los
edificios sobre el piso, y yo solamente asiento, ajá, le digo, mmm,
qué interesante Ique, pero nunca veo esas cosas yo, nunca veo cosas
bonitas y claras y comunes, y ella por otro lado, no ve cosas feas ni raras ni
importantes, no ve muertos113(*)
Dans ce fragment qui s'étend face à nous dans
toute sa profondeur sensorielle et qui met en scène, par un
réseau important d'adversatives et de mises en relief, le
phénomène du perspectivisme opposant le
« yo » anamnestique de Felipe et le
« ella » de Iquela, le lecteur assiste à la
transmutation de la réalité triviale, qui n'est pas sans rappeler
l'alchimie du verbe rimbaldienne. Cette « langue de
l'alchimie »114(*), « langue maternelle de la rêverie
cosmique »115(*)que parle Felipe, pousse l'écriture romanesque
à buter contre les bords de contention créatifs institutionnels
pour les fissurer, les violer et fusionner avec le champ/chant poétique.
« Échappant, fuyant, déroutant, ce
non-objet »116(*)qu'est la figure du
« mort-vivant », qui rappelle incontestablement la violence
dictatoriale cachée :
n'est [cependant] saisissable que comme signe. C'est par le
truchement d'une représentation, d'un voir donc qu'il
se maintient. Hallucination visuelle qui rassemble en dernière instance
les autres (les auditives, les tactiles...) et qui, faisant irruption dans une
symbolicité normalement calme et neutre, représente le
désir du sujet. À l'objet absent, un signe. Au désir de ce
manque, une hallucination visuelle.117(*)
L'hallucination visuelle mobilise la sensation corporelle
chez Felipe, afin de toucher l'invisible, de retrouver « l'objet
absent ».
Felipe grandit au milieu de cette violence, qui a
laissé de profondes traces dans sa psyché :
en realidad me faltaba aire, sí, escaseaba el
oxígeno, porque en esa época el Rodolfo seguía en la pieza
enfermo y a mí no me gustaba su olor agridulce, a frutas podridas, a
químicos que entraban por la nariz y bajaban a la guata, y en su
desparramo todo se iba pudriendo, se iba poniendo triste, eso pensaba yo,
porque hasta las chirimoyas estaban tristes en esa casa!, por eso me fui, ese
olor me estaba matando y yo no me quería morir, no señor,
así que agarré mis cosas y calladito recorrí el pasillo de
la casa, crucé el antejardín y ya, pero cuando aún estaba
a tres o cuatro cuadras no se me iba la sensación de tener arena en la
garganta, por más que tragaba y escupía no se me pasaba, no, y me
dio susto que el olor se me hubiera contagiado y circulara por mi sangre para
siempre hedionda, por eso me puse a sacar flores, al principio
rosas que aplastaba contra mi nariz hasta
robarles todo su olor, hasta estrujarlas
completas, sí, eran puñados de rosas las que usaba y
tiraba al suelo para después perseguir
a los acantos, con sus lenguas blancas y su olor dulce, tan rico que las
chupaba como flautas, así iba yo comiéndome el néctar
mientras dejaba a la ciudad sin flores, secuestrando
pétalos descuartizados, separados de
los sépalos y los estambres y las corolas y las antenas y los
tálamos flotando en las canaletas, ahí con los guarisapos
abandonaba las flores despedazadas, canoas blancas en el agua
turbia para que los pirigüines navegaran, pistilos flotantes con sus
bichos-capitanes, y yo paseaba por Santiago y me comía los tallos y el
polen y colgaba mis ideas de los cables del tendido
eléctrico por si se iluminaban, como esas zapatillas suspendidas como
planetas blancos en el cielos negro, eso quería yo, dejar
Santiago sin flores y adueñármelo118(*)
Ce fragment monologique et en tension entre la soustraction et
l'accumulation -opérée par les multiples conjonctions de
coordination-, qui laisse voir un Felipe ivre de colère, s'organise
autour de motifs qui suivent le lecteur tout au long de sa lecture, qui sont la
maladie, la désintégration, mais surtout, la violence. Nous ne
nous étonnerons donc pas de relever tout un réseau de verbes qui
dénote cette violence féroce, antibiotique à
l'égard de la flore. Cette violence est traduite ici par le
dépouillement par l'absorption ou l'arrachement. Ce passage nous offre
donc le portrait d'un Felipe tortionnaire dénué
d'humanité. Felipe est également la figure qui se meut
instablement sur la frontière entre l'humain et l'animal. Pour preuve
voici un fragment où le lecteur assiste à sa
déshumanisation :
y ya de vuelta a Santiago, en el corazón de las
cenizas, debo detenerme un segundo, arquearme y exhalar la calma embalsamada, y
con cada exhalación hundir mis manos en un hoyo, un agujero que voy a
hacer con mis uñas duras, porque voy a excavar hasta que la tierra negra
esconda mis lúnulas, mis cutículas, mis uñas transformadas
en pezuñas de quiltro, sí, y con mis cuatro patas peludas y mi
hocico puntudo voy a escarbar, con mis garras sucias voy a arañar las
cenizas hasta dibujar una línea que diga menos, sí, y ahí
voy a enterrarlos, en ese menos hundirlos, clavarlos, bajarlos con cuidado a
esa tierra reseca y mía, plantar esos huesos y tirarles tierra arriba,
cubrirlos de polvo y después contemplarlos con mis ojos, mis cientos de
ojos extáticos al ver ese montículo de tierra fértil, y
entonces, cuando cada uno de mis muertos esté abajo, voy a escarbar otra
vez el mismo hoyo, excavar y sacar la tierra para desenterrarlos, uno por uno
exhumarlos, lamerlos y velarlos otra vez, todos los días y todas las
noches de toda mi vida119(*) [...]
Progressivement, Felipe s'animalise et obtient une physionomie
identique à celle du « quiltro ». Cette
animalisation n'est pas sans rappeler la figure mythologique de Cerbère,
qui veille à ce qu'aucun mort ne s'échappe des Enfers et à
ce qu'aucun vivant ne récupère ses morts. Ce parangon peut
être justifié si nous rappelons la volonté d'appropriation
du cadavre exsangue de Ingrid et la dissonance qu'il génère entre
Iquela et Felipe. Ce dernier doit s'accaparer de ce corps tant
convoité et tant recherché. L'angoisse que ressent Felipe lorsque
Iquela révèle avoir trouvé le cercueil de Ingrid est en
sens significative :
[...] entonces me distraigo, la Iquela me habla, la Iquela
grita fuerte que la encontró, eso dice, la encontré, y yo me
acerco y no puede ser, porque nadie encuentra lo que no busca y la Iquela nunca
quiso hallar a esta muerta, pero igual repite que la encontró y solo
entonces la veo: hay un ataúd y un papel chiquitito con su nombre, y
cierro los ojos espantado y toco la madera con mi palma transpirada, porque
debo ser yo el que la encuentre, Iquela, yo, por la cresta , deja de meterte
donde no te incumbe, porque la muerta es mía, es mi resta120(*)[...]
Ainsi, Felipe se fonde une nouvelle identité autour de
la figure du « quiltro », une identité ambivalente
fondée par conséquent sur la déshumanisation.
La lecture, ainsi que l'analyse des monologues de Felipe nous
force à constater l'omniprésence de l'oralité populaire,
qui constitue un premier pas vers le processus de féminisation de
l'écriture. Ainsi, Felipe prend en charge la pensée
féminine latino-américaine « que adhiere a [la]
metafísica de lo primigenio [...] [y que se encuentra] en el reverso del
modelo colonial como modelo blanco, letrado y metropolitano, es decir, en la
oralidad popular. »121(*) :
[...] al menos en eso fue considerada mi mamá, ni
molestó con su funeral, de un zuácate se murió:
cáncer de pena, chao pescao, ni restarla pude porque yo
era chico122(*) [...] y
el paco [...] llamó al sargento y repitió mi nombre: afirmativo,
mi sargento, Arrabal con be larga, y yo ahí esperando mientras él
buscaba entre papeles y carpetas con cara de no entender, arrugando su piel
como un bulldog, igualito a Don Francisco, y entonces cortó el
teléfono y me dijo: imposible, y después con un tono ronco y
enojado: no estoy pa' que me aguarrís pal'
hueveo, cabro culiao, cómo te llamai?, y yo
diciéndole, Arrabal con be de burro, de bestia, de bocón, con be
de bruto, le dije, Arrrrrrrabal123(*) [...]
Ici, l'oralité populaire se manifeste à travers
les crases, les élisions matérialisées par la
présence de l'apostrophe, et à travers le voseo.
D'autres phénomènes relevant de la langue orale figure dans la
voix de Felipe, tel est le cas de la chute de la dentale
« d » en position intervocalique
(« pescao »). Parler une langue, employer les mots qui la
composent, c'est inévitablement maintenir vives les racines des langues
qui ont contribué à former un mot donné. Ainsi, dans
l'emploi de l'oralité il nous faut relever l'emploi accru de vocables
qui puisent leur origine dans la variété des langues de certains
peuples indigènes (mapundungun, quechua ou encore arawakienne
(Taïnos, plus précisément)):
yo anoto en mi cuaderno como en el conteo de votos restando,
desde el primero en adelante, ese que apareció entrada la noche, conmigo
vagando distraído por la Plaza de Armas, viendo a los
guarenes comerse los restos del maní confitado, en eso
andaba yo, tomando aire de preemergencia, oliendo las flores negras en la noche
negra, intentando ventilarme las ideas del día, cuando de repente veo
una cosa rara en medio de la plaza, ahí donde había una horca,
donde colgaban a los ladrones, a los ateos, a los infieles, en ese lugar veo
algo inusual y me acerco, sí, y por un momento creo que es un
quiltro durmiendo la siesta124(*) [...] en realidad me faltaba aire, sí,
escaseaba el oxígeno, porque en esa época el Rodolfo
seguía en la pieza enfermo y a mí no me gustaba su olor
agridulce, a frutas podridas, a químicos que entraban por la nariz y
bajaban a la guata125(*) [...] así iba yo comiéndome
el néctar mientras dejaba a la ciudad sin flores, secuestrando
pétalos descuartizados, separados de los sépalos y los estambres
y las corolas y las antenas y los tálamos flotando en las canaletas,
ahí con los guarisapos abandonaba las flores despedazadas, canoas
blancas en el agua turbia para que los pirigüines
navegaran, pistilos flotantes con sus bichos-capitanes, y yo paseaba por
Santiago y me comía los tallos y el polen y colgaba mis ideas de los
cables del tendido eléctrico por si se iluminaban, como esas zapatillas
suspendidas como planetas blancos en el cielos negro, eso quería yo,
dejar Santiago sin flores y adueñármelo: que todas las palomas
fueran mis aves y también los zancudos y los pichones y las
loicas126(*) [...] pero ella y yo no queríamos tener
hijos, por ningún motivo, hijos sí que no, cómo
íbamos a tener hijos si nosotros éramos los hijos?, ni loca
choznos, dijo la Iquela y menos mal, porque andar pariendo solo
enredaría las cosas, complicaría las matemáticas con
guaguas y más guaguas empecinadas en
nacer127(*) [...] y me
perdí, sí, porque Santiago era grande-grande y no tenía
mar para orientarme, y ahí sí que me asusté, pero un
poquito nomás porque me encontré con un quiltro
huacho128(*) [...] la Consuelo entró a la pieza de
alojados y me dijo: prohibido pasarse a la cama de la Ique, cabrito, como si yo
quisiera dormir con ella, si nosotros habíamos acordado que
seríamos choznos o que ella sería mi papá
y yo su hija, pero pololos nunca, claro que no!129(*) [...]
La voixexcentrique de Felipedéfieainsi:
el paradigma de autoridad de la
« ciudad letrada » (A. Rama) -un paradigma trazado por la
inteligencia razonante del conquistador [...] [y que] se ha impuesto sobre la
pluralidad etnocultural de cuerpos y lenguas domesticadas a la fuerza por el
canon erudito de la palabra occidental130(*)
Felipe syntonise ainsi donc avec la
« pluralité qui symbolise alors la contre-mémoire
réprimée du féminin qui s'oppose au
masculin-occidental. »131(*)En faisant usage de l'oralité populaire,
l'écriture de Alia Trabucco dégage l'Autre, l'indigène et
sa langue, des griffes de l'oubli.
De cette manière, la voix de Felipe se démarque
de celle de Iquela, car elle se montre plus inclusive, plus ouverte, hybride,
sans limite.
Dans La dimensión desconocida, l'exploration
du témoignage de El Papudo poussera le yo de Nona
Fernández à se faire rhizome.
3) Le yo disséminé de Nona
Fernández
a) L'exofictif
Nona Fernández aborde la tragédie collective
depuis une perspective novatrice. Si une grande partie des oeuvres de la
post-mémoire chilienne s'attachent à relire le conflit depuis
l'éternelle dichotomie victime-victimaire, Nona Fernández, en
revanche, interroge la responsabilité de la société civile
de l'époque et tente de comprendre, interpréter le conflit en
adoptant le lieu d'énonciation du bourreau pour déboucher,
finalement, sur le sort des victimes. Il convient de préciser ici que ce
dernier élément est totalement novateur, car la perspective pour
laquelle opte le plus souvent les écrivains s'oriente plutôt vers
une dynamique victime-victimaire et non victimaire-victime. Pour autant, le
point de vue des victimes n'est pas délaissé, tel que nous le
verrons au fil de notre travail.
Dans son discours intitulé « Escribir para
salvar vidas », Nona Fernández déclare :
Qué es escribir sino dar una especie de testimonio?
Testimonio de una época, de una experiencia, de una memoria. Me gusta
entender la escritura desde ese lugar, desde el lugar de las huellas.
Señales que quedan en el cuerpo y en la biografía como enigmas a
descifrar con el tiempo. Si nos pensamos como engranajes de una gran
máquina, o como capítulos de una historia más grande, cada
relato personal con el que aportemos otorga más carne y más
sangre a ese relato general que a veces corre el peligro de encriptarse en
museos, en historias oficiales, en versiones unívocas y clausuradas. La
ficción entrega siempre esas «otras versiones». Versiones
deformadas, bizarras, oscuras, delirantes, secretas, personales,
pequeñas, domésticas. Y aunque no creo que sea su
responsabilidad, porque la ficción es libre de responsabilidades, creo
que si es obligación de cada autor mantener la ventana abierta hacia
fuera [...] y mirar más allá de su ombligo.132(*)
En se propulsant, en s'exilant dans l'effroyable
témoignage livré par El Papudo, « trace
archivée » contre-littéraire133(*), avec La
dimensión desconocida, Nona Fernández ouvre une
fenêtre vers l'Autre. Dans La dimensión desconocida, afin
de témoigner pour les victimes, Nona Fernández est amenée
à « exploit[er] les pôles »134(*) du réel et de
l'imagination. Les mouvements qu'elle suppose entre le dedans et le dehors,
mais surtout celui du dehors car c'est chez l'Autre -bourreau et victimes-,
qu'elle se réfugie par le biais de l'imagination dans le but de
déchiffrer l'énigme collective du passé, fait d'elle une
authentique oeuvre exofictive.
Rongé par les remords, El Papudo ou
Andrés Antonio Valenzuela Morales, qui remplit les fonctions de
tortionnaire sous la dictature pinochetiste de 1976 à 1984, finit par se
rendre au siège de la revue chilienne Cauce, l'une des revues
opposées au régime dictatorial, pour y avouer les crimes
d'État commis auxquels il prit part. C'est précisément
dans le témoignage qu'il livra que Nona Fernández se projettera.
b) Le témoignage : surface de
projection
En Amérique latine, la naissance du témoignage
est fixée lors de la période des conquêtes : c'est la
naissance du témoignage colonial. L'écriture testimoniale avait
ainsi pour finalité de justifier l'entreprise de la conquête,
dotant les écrits des conquérants d'une valeur
indéniablement historique. Nous nous rangeons à l'avis de
Noemí Acedo Alonso, pour qui le témoignage serait la
dernière manifestation de :
la línea predominante de la tradición literaria
hispanoamericana, [que es aquella que cumple] con una funcionalidad
ética y política de la imaginación discursiva [cuyo] punto
de partida [se encuentra] en los cronistas de Indias, se afianza en el
romanticismo político de Sarmiento, Lastarria y Echevarría, se
continúa en la escritura naturalista, florece polémicamente en el
indigenismo y el neorrealismo de 1940 para culminar en la vertiente
testimonial135(*)
Toutefois, définir le « genre
testimonial » et retracer sa généalogie n'est pas chose
aisée. En effet, «[e]l testimonio se ha convertido, más que
en un género productivo, en un problema teórico que genera
múltiples relecturas metacríticas. Nos encontramos, por lo tanto,
con un proceso que conduce al género hacia su agotamiento creativo
[...]»136(*).
Nombreux furent les écrivains qui, sous le joug des dictatures ou
consternés par des évènements intolérables,
s'emparèrent de leur plume pour livrer un témoignage. Ainsi, le
témoignage, qui détient une valeur historique précieuse,a
très tôt coexisté avec la fiction romanesque, offrant au
lecteur un espace de tension, de mouvements perpétuels entre
« un pôle d'a-littérarité et un pôle de
littérarité »137(*), faisant de lui « un genre de
travers »138(*).Effectivement :
le texte-témoin peut se couler dans de multiples
« genres » au sens classique du terme. On le voit traverser
les genres « autobiographiques » avec lesquels il s'est
longtemps confondu (mémoires, récit de voyage, récit de
soi, journal, lettres), et autres « genres factuels relevant
d'une « poétique du savoir » (chronique,
récit historique, essai, traité philosophique...) ; mais en
traverser bien d'autres, relevant des trois grands
« modes » nés de la vieille triade
post-aristotélicienne : bien sûr le narratif, mais aussi le
dramatique et le lyrique.139(*)
Nona Fernández, « la mujer que está
dispuesta a pintarse un bigote para asumir su rol [al
verdugo] »140(*) et qui dirige le récit, se dédouble,
s'exile et, par empathie fantasmatique, se glisse dans la peau du tortionnaire
et de ses victimes. En d'autres termes, dans La dimensión
desconocida le yo intime de Nona Fernández, telle une
météorite qui entrerait au contact de l'atmosphère d'une
planète inconnue, s'érode, s'émiette, se disperse et
:
Des permutations et des superpositions s'opèrent,
signifiant que l'unité du sujet se divise et se multiplie, de sorte
qu'il peut occuper en même temps toutes les instances du discours. Ces
instances ne sont plus alors que des charnières qui permettent
d'arrêter un instant le procès signifiant mais pour le relancer
immédiatement vers d'autres instances.141(*)
De telle sorte que si :
la narration classique camoufle le fantasme par la convention
des personnages, ou par des justifications logiques multiples, que les
études des relations actancielles ont examinées [...] [e]n se
libérant de ces conventions, le texte moderne présente le
fantasme à nu, en tant que production d'un conflit dans l'instance du
sujet de l'énonciation. Le texte moderne se destine même
spécifiquement à présenter ce conflit en tant que
tel.142(*)
Les fragments que nous exposons ci-dessous sont à cet
égard très illustratifs :
De niña tuve debilidad por las
historias de fantasmas. Viví en una casa larga y vieja
que crujía por las noches y que según mi fantasía infantil
estaba completamente habitada por aparecidos. Vi sombras que
cruzaban el pasillo a medianoche y escuché el sonido de
pasos taconeando el parquet. Sentí risas o
conversaciones en la pieza del fondo de gente inexistentes. Oí
muebles que se movían, vasos que se quebraban, escobas que
barrían. Si todo era real o parte de mi delirio
infantil nunca lo sabré, pero supongo que gracias a ese
imaginario de niña sintonicé enfermizamente con las historias de
ánimas. Me sentía emparentada con ellas como si
hubieran sido escritas para mí. En cuanto aprendí a leer
me sumergí en los libros que las contenían. [...]
Imagino al hombre que
torturaba así, como uno de los personajes de aquellos libros
que leí de niña. Un hombre acosado por fantasmas, por el olor a
muerto. Huyendo del jinete que quiere descabezarlo o del cuervo que lleva
instalado en el hombro susurrándole a diario: Nevermore
Ahora va en un bus sureño rumbo a
Bariloche. Está rodeado de campesinos mapuches que
viajan igual que él. En el bolsillo de
su chaqueta trae su carnet y su pasaporte
nuevos, listos para inaugurarse en el paso de los Andes a la Argentina.
Atrás o adelante, en alguno de los asientos, no muy cercano, viaja otro
abogado de la Vicaría. No lo conoce, pero sabe quién
es porque son los dos únicos pasajeros no mapuches del bus.
[...]143(*)
Cuando leí este libro mi profesora nos
dio una tarea. Debíamos escribir en una
composición el relato de dos navidades. Una que
recordáramos y otra que
imagináramos en un futuro probable. No
recuerdo qué habré escrito. [...]144(*)
Quiero imaginar que esa tarde de diciembre de
1984, mientras huye del país y viaja nervioso,
trasladándose rumbo a Argentina, entre medio de todos esos campesinos
entusiasmados con las fiestas, con sus regalos en las maletas, en los canastos,
con la fantasía de un pino navideño y algunas guirnaldas
luminosas made in China, canturreando el Jingle Bells en ese paisaje
nevado como los que traen las bolas de vidrio decoradas con trineos y viejos
pascueros, el hombre que torturaba recibe la temible visita
del Fantasma de la Navidad Presente. [...]145(*)
En l'espace de quelques pages, une tension se dessine :
le récit, où le fantasme est mis à nu et qui
dévoile sans doute un autre dialogue intertextuel avec le poème
« Nevermore » de Paul Verlaine146(*), se retrouve tiraillé
entre le récit personnel rétrospectif et le récit
impersonnel, entre mouvement centripète et mouvement centrifuge, entre
le dehors et le dedans. Dans cet exemple, le récit autobiographique
constitue une charnière, un espace d'impulsion extérieure, par
rapport au récit biographique de El Papudo, car il permet d'une
part la récupération d'un imaginaire enfantin hanté par la
présence spectraleet d'autre part sa réutilisation pour la
relecture d'une partie de la biographie du tortionnaire. La dimension
autobiographiqueen collaboration avec le blanc typographique annonciateur de ce
changement de perspective énonciative, tient lieu de charnière
car elle « relanc[e] immédiatement [le procès
signifiant] vers d'autres instances ».
Or, ici ou là, c'est l'absence de guillemets qui met
à mal la disposition typographique des paroles rapportées, qui
engendre une superposition de voix :
El abogado dice, y yo voy
imaginando y escenificando mientras lo hace, porque conozco tan bien sus
palabras que podría repetirlas de memoria imitando incluso la
inflexión de su voz.
Mire, yo voy a grabar, pero no me
voy a quedar mucho con la grabación sino con sus palabras. Yo quiero que
usted me hable y mientras lo haga yo voy a escribir. Para mí escribir
significa fijar sus palabras. Para mí escribir significa darme cuenta y
entender lo que usted dice y lo que le debo preguntar.147(*) [...]
No quiero que mis hijos sepan lo
que fui, dice. Voy a volver a mi trabajo y voy a pagar el precio de lo que he
hecho. No me importa que me maten.
El abogado ha estado durante tres días tomándole
testimonio en el salón parroquial. Imagino
que están cansados y mareados de tanto registro.
Si yo estoy haciendo esto es para
que no haya más muertes, le responde. Usted nos está ayudando con
la verdad, pero no a cambio de su vida. No vamos a hacer nada con su testimonio
si no lo ponemos a salvo primero. 148(*)
La suppression délibérée des guillemets
dévoile le refus d'accepter les conventions littéraires
artificielles de mise en forme des paroles rapportées de la part de
l'autrice, teintant son oeuvre d'une dimension clairement méta-fictive
et laissant entrevoir le conflit dans l'instance du sujet de
l'énonciation. Le yo de Nona Fernández acquiert une
dimension miroir, favorisée par le franchissement des niveaux narratifs.
Il est en conséquence :
[r]assembleur de temps et d'espace, [...] un point de
concentration : centre de diffusion aussi bien, son rayonnement est tel que,
à l'instar d'une pierre jetée dans une eau calme, il donne
naissance, sans déperdition d'énergie, à une multitude de
cercles concentriques qui gravitent autour de lui.149(*)
Ainsi, le premier fragment cité donne-t-il à
voir le reflet du «yo» de l'avocat («Mire, yo voy a grabar, pero
no me voy a quedar mucho con la grabación sino con sus palabras. Yo
quiero que usted me hable y mientras lo haga yo voy a escribir. Para mí
escribir significa fijar sus palabras. Para mí escribir significa darme
cuenta y entender lo que usted dice y lo que le debo preguntar.») sur
le«yo»métaleptique150(*)de l'autrice («y yo voy imaginando y
escenificando mientras lo hace, porque conozco tan bien sus palabras que
podría repetirlas de memoria imitando incluso la inflexión de su
voz.»), tandis que le second fragment cité donne à voir la
réflexion entre le «yo» du tortionnaire («No quiero que
mis hijos sepan lo que fui, dice. Voy a volver a mi trabajo y voy a pagar el
precio de lo que he hecho. No me importa que me maten.»), le
«yo» de l'autrice («Imagino que están cansados y mareados
de tanto registro.») et le «yo» de l'avocat, qui fut d'une
grande aide pour le tortionnaire car c'est, rappelons-le, grâce à
lui qu'il obtint de nouveaux papiers d'identité pour fuir le Chili sans
éveiller le moindre soupçon. («Si yo estoy haciendo esto es
para que no haya más muertes, le responde. Usted nos está
ayudando con la verdad, pero no a cambio de su vida. No vamos a hacer nada con
su testimonio si no lo ponemos a salvo primero.»)
En l'absence de guillemets, ces deux niveaux narratifs se
frôlent dangereusement au point de mettre le lecteur dans une position
instable. Toutefois, cette superposition ne demeure qu'une simple impression.
En effet, la présence de verbes de parole tels que
« dice », « le responde » ou encore les
blancs typographiques, permettent d'éclairer la situation
d'énonciation qui s'offre à nous.
c) Un musée intime de l'horreur
Retisser un épisode de la vie du bourreau pousse
l'autrice à démultiplier sa propre subjectivité, à
explorer « [l]'immense mer obscurede la quatrième dimension
[...] »151(*).
Carol Flores, los hermanos Weibel Navarrete, CarlosContreras Maluje, Miguel
Ángel Rodríguez Gallardo, Alonso Gahona Chávez, Bratti
Cornejo, Lucía Orfilia Vergara Valenzuela, Sergio Peña
Díaz, Arturo Jorge Villavela Araujo, Hugo Norberto Ratier Noguera,
Alejandro Salgado..., de la même manière qu'un
« musée de la mémoire », le lecteur
découvre « un puzzle
d'enlèvements »152(*) à reconstruire.
Bien que le témoignage de El Papudo constitue
une surface de projection indéniable grâce à laquelle Nona
Fernández s'octroie la possibilité, par le biais de
l'imagination, de rejoindre ce « morceau d'espace extérieur
où elles [les victimes] sont perdus, à la dérive, tels des
astronautes ayant perdu tout contact, tousces visages qui ont été
avalés par une autre dimension »153(*), l'autobiographie constitue
également un espace de projection. En guise d'exemple, lisez
plutôt:
La alarma del reloj suena a las 06 :30 todos los
días. Desde ese momento, lo que se viene es una larga cadena de
movimientos acelerados y torpes, que intentan comenzar la mañana
espantando el sueño y guardando la compostura entre los bostezos y las
ganas de seguir durmiendo. Muebles que se abren, tazas que se llenan de
café y leche, llaves de agua que comienzan a correr, duchas, cepillos de
dientes, desodorantes, peinetas, pan tostado, mantequilla, las noticias de la
mañana, el locutor anunciando el portonazo de turno o el colapso diario
en las vías públicas. Luego calentar el almuerzo para mi hijo,
meterlo en el termo, prepararle una colación para el recreo. [...]
Cuando mi hijo era chico comenzó esta rutina. En ese
tiempo no teníamos auto, y cada mañana lo despedía en la
puerta de la casa desde donde partía caminando de la mano de su
papá al jardín infantil. Yo lo besaba y lo abrazaba con fuerza
porque secretamente sentía pánico de que esa fuera la
última vez que lo viera. Pensamientos terroríficos me acechaban
cada vez que nos separábamos. Imaginaba que una micro se le venía
encima y lo atropellaba, que algún cable eléctrico se
desprendía de los postes callejeros sobre su cabeza, que un perro loco
salía de una casa y se le tiraba al cuello, que algún degenerado
lo pasaba a buscar al jardín infantil, que el hombre del saco lo raptaba
para no devolverlo nunca más. Las posibilidades dramáticas eran
infinitas. [...]
Con el tiempo esa locura terminó.154(*) [...]
Imagino el reloj de los Weibel marcando la hora del inicio,
quizá las 06:30 también, lo mismo que nosotros aquí.
Imagino a José y a María Teresa, los padres de la familia,
levantándose con rapidez de su cama y delegándose las misiones de
la mañana. Alguien hará el desayuno, mientras el otro
despertará a los niños, mientras el otro los ayudará a
vestir, mientras el otro los acarreará al baño, mientras el otro
calentará los almuerzos, mientras el otro preparará las
colaciones, mientras el otro se dedicará a lanzar los apúrense,
ya es tarde, estamos atrasados. Una maquinaria perfecta y aceitada,
probablemente más aceitada que la nuestra, porque en la casa de los
Weibel Barahona el año 1976 había dos niños [...]
El 29 de marzo de 1976 a las 07:30 horas, la misma hora en la
que mi hijo y su padre se van a diario de nuestra casa, José y
María Teresa salieron con sus niños para llevarlos al colegio. En
un paradero cercano a la casa esperaron la micro junto a uno de sus vecinos
[...] A las 07:40 horas, como todos los días, en su propio rito, los
Weibel Barahona tomaron una micro de la línea Circunvalación
Américo Vespucio que los dejaría en su destino. [...] Imagino que
José y María Teresa viajan en silencio. Dada la tensión,
seguramente prefieren no hablar. Imagino que responden las preguntas de sus
hijos, que siguen el hilo de sus comentarios, pero que en su fuero interno van
pensando en lo que les deparará el futuro de ahora en adelante.
Seguramente observan los rostros de la gente que los rodea. Disimuladamente
intentan reconocer alguna mirada sospechosa, algún gesto amenazante. Se
mantienen alerta, pero es difícil tener el control ahí dentro.
Son muchos los que viajan a esa hora, muchos los que suben y pagan su boleto.
Muchos los que pasan hacia atrás y se sientan y se duermen. Muchos los
que viajan de pie. Muchos los que miran por la ventana. Es por eso que aunque
hacen sus mejores intentos no lo distinguen en medio del grupo. Es por eso que
incluso cruzando miradas, no lo ven.
Es él, el hombre que torturaba.
El agente de inteligencia de las Fuerzas Armadas
Andrés Antonio Valenzuela Morales, número de
identificación 66.650, soldado 1°, carnet de identidad 39,432 de la
comuna de La Ligua. Alto, delgado, de pelo negro, con un par de bigotes gruesos
y oscuros. [...]
[...]
Todos los agentes se han subido por separado,
camuflándose con la gente, y ahora observan a los Weibel Barahona sin
que ellos se den cuenta.155(*)
Ces quelques fragments, où s'instaure une
discontinuité, une superpositiontemporelle et qui nous montrent que dans
La dimensión desconocida« [n]ous ne vivons le temps
comme continuité qu'à certains moments »156(*), nous permettent de
constater la nature projectionniste de l'autobiographie et
indéniablement intrahistorique decette dernière. Ainsi,
après offrir au lecteur une vision triviale d'un début de
journée, l'autrice nous fait part de la peur qui la ronge -une peur
héritée de ce passé traumatique auquel elle prit part
très jeune157(*),
mais qui finit par s'estomper au fil du temps-, Nona Fernández
seprojette et projette le lecteur, par l'imagination, dans l'intimité
familiale des Weibel, interrompant le flux autobiographique. L'univers trivial
de Nona Fernández se fissure, et l'imagination ouvre une brèche
qui donne sur une « réalité parallèle, infinie
et obscure »158(*). L'autobiographie constitue donc la matière
à partir de laquelle l'imagination déploie tout son pouvoir
projectionniste au service de la reconstitution du moment où la
sphère intime familiale des Weibel a violemment éclaté.
José Weibel, assiégé par les militaires et injustement
accusé d'avoir volé le portefeuille d'une passagère -ce
qui lui vaudra d'être arrêté et d'être acheminé
jusqu'à sa mort- est une des premières victimes dont le destin
tragique est lié à la figure de El Papudo.
L'épiphanie joue un rôle significatif, car c'est grâce
à elle que se met en place le suspense, un temps d'attente, avant que
surgisse sur la page l'identité complète de « el hombre
que torturaba », et que son visage se matérialise dans
l'imagination réceptrice du lecteur.
La stratégie projectionnisteéthique, liée
à l'exofiction, entraîne une subjectivisation des victimes et met
à mal l'objectivité journalistique qu'on a coutume d'attribuer au
témoignage historique. Pour autant, le témoignage revisité
que nous offre Nona Fernández ne cesse d'être une source
historique précieuse.L'imagination projectionniste de l'autrice tend
à fournir les images sensibles, émouvantes, d'un passé
horrible où ces personnes, anonymes aux yeux de tous jusqu'alors,
perdirent la vie. C'est donc un yo sensible qui reconstruit,
dépeint tous les cas d'enlèvement, de torture liés
à la figure de El Papudo. En guise d'illustration,
voiciquelques fragments percutants qui retracent les tortures subies par don
Alonso Gahona :
El hombre que torturaba dice que al
compañero Yuri le hicieron eso. Lo amarraron a la parrilla, como le
decían a esos catres de fierro y ahí lo golpearon y le aplicaron
corriente. El hombre que torturaba dice que luego de una larga sesión lo
colgaron en la ducha de este baño que ahora el compañero director
me muestra. [...]
El compañero Yuri tenía mucha sed a causa de la
corriente que le habían aplicado en la pieza de las torturas. El hombre
que torturaba dice que el compañero Yuri pidió agua y que uno de
los centinelas dejó correr la llave de la ducha para que el
compañero Yuri bebiera. El hombre que torturaba dice que el centinela
cerró la llave, pero que el compañero Yuri siguió
quejándose de sed. Débil, como estaba, ocupó sus escasas
fuerzas en abrir nuevamente la llave del agua, pero no logró beber, ni
tampoco volver a cerrarla. El hombre que torturaba dice que el agua
corrió la noche entera sobre el cuerpo del compañero Yuri. El
hombre que torturaba dice que al día siguiente el compañero Yuri
amaneció muerto de una bronconeumonía fulminante. [...]
Imagino al compañero Yuri inmovilizado en ese
baño. Las pocas energías que tiene las ocupa para beber del agua
que cae por su cuerpo desnudo. No hay ventanas, pero si cierra los ojos puede
imaginar una redonda en el techo, justo por su cansada cabeza. Imagino que el
compañero Yuri observa a través de esa ventana imaginaria. Es una
noche estrellada. El agua sigue corriendo por su cuerpo, pero todo se ve tan
hermoso y azul allá afuera, que es difícil concentrarse en otra
cosa. De pronto, en medio de ese cielo que lo acompaña, cree ver una
pequeña mancha blanca en movimiento. Al
comienzo piensa que se trata de una estrella fugaz y hasta tiene ese viejo
impulso de pedir un deseo. Pero no, rápidamente se da cuenta de que lo
que ve no es una estrella, es algo aún más fascinante.159(*)
Dans ces bribes empreintes d'empathie, c'est un yo
sensible, délicat, auquel nous avons affaire. La voix narrative
autodiégétique de Nona Fernández devient par la suite
hétérodiégétique. Dans le dernier fragment
cité, le yo de l'autrice adopte une perspective omnisciente.
Ainsi, le yo de l'autrice opère à nouveau un mouvement
propulsif pour tenter de saisir les dernières pensées de don
Alonso Gahona, alias « el compañero Yuri »,
assoiffé, vulnérable, avant de rendre l'âme («[...]
pero si cierra los ojos puede imaginar una [ventana] redonda en el techo [...]
De pronto, en medio de ese cielo que lo acompaña, cree ver una
pequeña mancha blanca en movimiento. Al comienzo piensa que se trata de
una estrella fugaz y hasta tiene ese viejo impulso de pedir un deseo. Pero no,
rápidamente se da cuenta de que lo que ve no es una estrella, es algo
aún más fascinante.»). Ce sont précisément ces
propulsions imaginatives qui brisent la distance qu'impose
l'impartialité journalistique, historique.
C'est en disséminant sa propre subjectivité,
pour s'emparer de restes de souvenirs par-ci par-là, que la voix de Nona
Fernández parvient dans La dimensión desconocida
à se refigurer, à actualiser le passé violent traumatique
chilien qui fit brutalement irruption au sein de ces foyers intimes, familiers,
et en montrant au lecteur la tâche complexe que constitue la
récupération du passé. La nature exofictive
pourrions-nous diredu yoinstable de Nona Fernández
démontre que nous sommes loin de cet « épuisement
créatif » du témoignage évoqué par
Mercè Picornell, car elle permet de renouveler les approches
créatives envisagées à l'égard du
témoignage. Ainsi, Nona Fernández recycle-t-ellele
témoignage de El Papudo en le relisant, en l'exprimant, en
l'épuisant, par l'imagination pour en reconstruire un autre plus
personnel, plus sensible, mais non moins collectif.
Cette tentative pour récupérer, par un
investissement imaginatif, ces souvenirs dissipés, observable chez le
personnage diégétique Felipe et chez Nona Fernández ou
pour les fuir (Iquela), érige le roman en authentique
« bric-à-brac »160(*) formel et générique, ce qui conduit au
déchirement de l'intimité de l'espace-corps romanesque.
II) L'INTIMITÉ DÉCHIRÉE DE
L'OEUVRE
Los cazadores dispersan las últimas brasas a golpes
de
pala y de tenazas; echan cenizas y más cenizas
sobre
los múltiples ojos de fuego que se empeñan en
resurgir,
coléricos. 161(*)
María Luisa Bombal
1) Partage et écart
a) Vers des « oeuvres du
désoeuvrement »162(*)
En nous plongeant dansLa resta et de La
dimensión desconocida, force est de constater que
« [l]'oeuvre n'est pas l'unité amortie d'un repos. Elle est
l'intimité et la violence de mouvements contraires qui ne se concilient
jamais qui ne s'apaisent pas, tant du moins que l'oeuvre est
oeuvre »163(*). De là le recours à une contre-forme
fragmentaire qui, par la combinaison infinie générique et
formelle déchire l'intimité de l'oeuvre, conduit au
« désoeuvrement » romanesque. Loin de constituer des
« romans-fleuves »164(*), nos deux oeuvres, qui se construisent à base
de fragments génériques provenant d'horizons divers,
s'érigent à l'inverse en
« romans-composite ». Cette caractéristique est
typique du roman, qui est un :
genre sémiologiquement homogène mais sans
exigences structurelles strictement codifiées, [et qui] appar[ait] comme
la forme la plus amorphe, ouverte à toutes sortes de mutations,
accueillante envers les sous-genres, toute disponible au compromis entre la
totalité ordonnée et le discontinu bariolé.165(*)
Nos deux autrices tirent donc profit de
l' « élasticité »166(*) des frontières de
l'espace romanesque pour élargir son horizon, « ralli[er] des
rives et mari[er] des horizons »167(*). Le lecteur est ainsi donc inévitablement
amené à vivre l'expérience de ce que Maurice Blanchot
désigne, en évoquant René Char, comme étant l'
« « exaltante alliance des
contraires » »168(*) génériques, brisant l'image
monumentale que la culture dominante légitime a toujours donné au
roman. Cette « alliance des contraires », ce
« désoeuvrement »sont en effet favorisés par
l'écriture fragmentaire qui :
suppose, par rapport à une écriture monumentale,
[...] une problématique de la rupture, dans l'approche même du
rythme, et la mise en place d'une organisation qui débouche sur des
valeurs littéraires. En effet le choix d'une fragmentation s'accompagne
le plus souvent d'un choix générique qui tend à
l'hybridité. La fragmentation entraîne le plus souvent le
mélange des genres et la disparité des formes : le discours
littéraire, celui qui est porté par l'institution, en vient
à faiblir pour céder la place à un aménagement
chaotique du texte [...]. Le fragmentaire [...] peut ainsi traverser tous les
genres.169(*)
Puisque « [l]a règle, c'est l'abus,
l'exception, c'est la jouissance »170(*), le recours à une contre-forme fragmentaire
qui élargit, repousse les frontières génériques, et
octroie au roman une identité somme toute
« bariolée », est aussi à lier à une
certaine violence jouissive et nous permet de dégager une
identité féminine de l'écriture.
Toutefois, et en accord avec Nelly Richard :
[m]ás que de escritura femenina, convendría,
entonces hablar (cualquiera sea el género sexual del sujeto
biográfico que firma el texto) de una feminización de la
escritura que se produce a cada vez que una poética o una
erótica del signo rebalsa el marco de retención/contención
de la significación masculina con sus excedentes rebeldes (cuerpo,
libido, goce, heterogeneidad, multiplicidad) para desregular así la
tesis normativa y represiva de lo dominante cultural. Cualquier literatura que
se practique como disidencia de identidad en contra del formato
reglamentario de la cultura masculino-paterna171(*)
Pour Nelly Richard, « l'écriture met
toujours en mouvement le croisement interdialectique de plusieurs forces de
subjectivisation »172(*). Ainsi, la féminisation de l'écriture
mobilise « la force sémiotico-pulsionnelle qui outrepasse
la finitudedu mot grâce à son énergie
transverbale »173(*), tandis que l'écriture masculine fait
plutôt appel à « [une] force normalisante et
conceptuelle »174(*). Mais,« même si les deux forces
interagissent dans tout processus de subjectivation créative, c'est la
prédominance d'une force sur l'autre qui polarise l'écriture en
termes masculins (lorsque la norme stabilisante s'impose) ou féminins
(lorsque le vertige déconstructiviste [épuisant]
l'emporte) »175(*).
Dans La resta et La dimensión
desconocida, nos deux déchets culturels, c'est la pulsion
discontinue qui greffera au corps romanesque diverses formes et divers genres,
favorisantla transgression identitaire et luttant contre ces
« structures[s] de vides, d'absences et de pertes
»176(*)qu'impose
l'écriture hégémonique, monumentale masculine. La pratique
subversive de la liste constitue un pas vers une écriture
féminine émancipée et violemment sensible.
b) « Espace inventaire, espace
inventé »177(*)
La liste, «[...] mode d'expression
privilégié des obsessions, des passions et des fascinations, de
l'horreur [...] »178(*) :
décline un rapport entre dedans et dehors, entre
ce qui est soi et ce qui est l'autre, désigne ce vers quoi l'on tend et
ce qui sépare. Ce qui rassemble et ce qui exclut.
L'enrégimentement et la dispersion. L'appartenance et l'exclusion. Des
spatialités contradictoires, une douleur d'enfermement, un désir
de jonction, le baiser de mondes tangentiels, le rêve d'un partage
d'ensembles.179(*)
C'est dans le but de lutter contre cette « douleur
d'enfermement », enfermement dû aux
« étranglements du système »180(*), rappelons-le avec
Édouard Glissant, que dans nos deux oeuvres la liste
« convoque, trie, excave, fait la pelle, fait l'appel des objets de
ce monde [...] [qu'] [e]lle dit l'appétit et la mort, la faim et la
fin »181(*) du
paradigme romanesque institutionnel.
Marc Chénetier, dans sa contribution, relève
deux types de listes : « les listes de
structure »182(*) d'une part et les « listes de
texture »183(*) d'autre part. La resta regroupe en son sein
les deux types de liste. Ainsi, la pratique de la liste chaotique -descriptive
et narrative- que nous relevons dans la voix détonante de Felipe est de
nature structurante, car il « énumère des
opérations [et] des éléments à combiner en vue d'une organisation
donnée »184(*). Comme s'il était face à un puzzle,
Felipe invite le lecteur à recomposer, en recourant à la
perception imaginative, ce paysage sensible réduit en pièces
amoncelées sur la page :
Saltaditos: un domingo
sí y el otro no, así empezaron
mis muertos,sin ninguna disciplina, fin de
semana por medio y otras veces dos seguidos, sorprendiéndome
sin falta en los lugares más
extraños:tumbados en los paraderos, en
las cunetas, en los parques, colgando de los
puentes y de los semáforos, flotando
rapidito Mapocho abajo, en cada rincón de Santiago
aparecían los cuerpos dominicales, cadáveres
semanales o quincenales que yo sumaba metódico
y ordenado,y la cifra
crecía como crece la
espuma, la rabia, la
lava,subía y subía aunque justamente
sumar fuese el problema, porque
no tenía sentido subir si todos saben
que los muertos caen, culpan,tiran, como este
muerto que encontré tirado en la vereda justo hoy
día, un muerto solitario esperando muy tranquilo que yo
llegara, y de casualidad nomás yo iba paseando por
Bustamante, buscando algún sucucho donde tomarme unas
cervezas para capear tanto calor, este calor
pegajoso que derrite hasta los cálculos
másfríos, en eso estoy,
desesperado por un tugurio para refrescarme, cuando
veo en la esquina con Rancagua a uno de mis muertos revoltosos,
todavía solo y tibio,
todavía indeciso entre quedarse a un lado o lanzarse al otro,
ahí me esperaba vestido con la ropa
equivocada, abrigadito con gorro y chaleco de
lana, como si la muerte habitara el invierno
y él tuviese que visitarla preparado,
en una esquina yacía mi muerto con su cabeza
caída hacia delante, yo me acerco
rápido para mirarle bien los ojos, me agachoy sujeto su
cara para sorprenderlo, pesquisarlo, para
poseerlo, y entonces me doy cuenta de que no hay ojos
en su cara,no, solo unos gruesos párpados como
murallas, como capuchas, como
alambradas, y me pingo nervioso pero inspiro hondo
y me contengo, exhalo, me
acuclillo y lengüeteo mi dedo gordo, lo
mojo completito y lo acerco con cuidado hasta su cara,
y con calma elevo su párpado
endurecido, despacito descorro el telón para
espiarlo, para embestirlo, para
restarlo,sí [...]185(*)
La voix de Felipe, pour qui nous parlerons plutôt
d' « effet-liste », « dévore en
avançant, blesse le réel pour en faire parler les morceaux
qu'[il] arrache [à la ville]»186(*) et les donne à voir
au lecteur de manière chaotique, paratactique.L' effet-liste chez
Felipe est marqué par l' « énumération
conjonctive »187(*), qui se matérialise textuellement ici par la
présence de la conjonction de coordination espagnole
« y » et qui opère par accumulation et
l' « énumération disjonctive »188(*), matérialisée
ici par la trouée de la ponctuation. La voix de Felipe présente
au lecteur un authentique « chaos-monde »189(*) mental qui se
répercute sur la cosmogonie diégétique. La sensation de
fouillis que dégage cet incipit lors de la lecture est principalement
dûe à l'hétérogénéité
d'éléments qui configure les énumérations
frénétiques de Felipe régies par une grande tension entre
l'addition, figurée ici par le mouvement vertical, la hausse, la
présence ou les éléments qui l'induisent
(« sí » ;
« crecía » ;
« crece » ; « sumaba » ;
« subía y subía » ;
« calor » ; « gruesos » ;
« gordo » ; « elevo » ;
« más ») et la soustraction, figurée ici,
à l'inverse, par le mouvement horizontal, la baisse, l'absence ou les
éléments qui, nouvellement, l'induisent
(« no » ; « sin » ;
« tumbados » ; « Mapocho
abajo » ; « los muertos caen » ;
« tiran » et son participe passé
« tirado » ; « derrite » ;
« fríos » ;
« caída » ; « me
agacho » ; « no hay ojos en su cara » ;
« restarlo »). Toutefois, la disparité des
éléments n'empêche point le lecteur de cerner
l'unité thématique du fragment : la hantise de Felipe,
symbolisée dans l'exemple que nous avons exposé ci-dessus par la
présence de ces « cadavres hebdomadaires ou bimensuels
»190(*) qui
pullulent et encombrent.
Les listes mentales de Iquela, en revanche, sont de nature
texturante, car elles sont purement « illustratives[s],
ornementale[s] »191(*) du processus mental que mène Iquela pour
échapper au monde qui l'entoure, saturé par les
expériences passées :
Resistí el silencio construyendo un listado mental de
ese espacio evitando así que la incomodidad se reflejara en mis ojos,
siempre incapaces de disimular (y conté doce maletas arrastradas por cuerpos exhaustos, un collar de perlas
sosteniendo una papada, dos carteles de cartón con apellidos extranjeros
y tres vuelos atrasados, suspendidos, cancelados).192(*) [...] Por teléfono me
avisó que vendría personalmente a recogerme, dijo Paloma seseando
un poco, como si sus eses encontraran un obstáculo en su lengua (un tornillo, una flecha, un clavo oxidado).193(*) [...] El teléfono,
sin embargo, siguió sonando. No fui capaz de atender (y conté tres vasos sucios en el living y
ningún rayo de sol por la ventana.)194(*)
L'influence pérecquienne est observable dans la voix de
Iquela. C'est par les mots que Iquela aspire à épuiser le monde,
au sens proprement pérecquien cette fois-ci : «(y conté
doce maletas arrastradas por cuerpos exhaustos, un collar de perlas sosteniendo
una papada, dos carteles de cartón con apellidos extranjeros y tres
vuelos atrasados, suspendidos, cancelados)»; «(un tornillo, una
flecha, un clavo oxidado)»; «(inundando el pasto, las baldosas, el
mimbre descascarado de los muebles viejos)»; «(y conté tres
vasos sucios en el living y ningún rayo de sol por la ventana.)».
Les listes mentales de Iquela se démarquent par leur précision,
leur exhaustivité : «conté doce maletas [...] dos
carteles de cartón [...] un collar de perlas [...] tres vuelos
atrasados» ; «y conté tres vasos sucios». La
structure parenthétique de la liste :
insertion secondaire et digressive qui peut se situer
n'importe où dans l'énoncé, est une inscription
supplémentaire et superfétatoire que l'on peut étendre
à loisir. Elle est l'excès fou d'un texte qui montrerait, en
introduisant à loisir des segments dans la phrase, que le point final
n'est, somme toute, qu'une utopie.195(*)
De cette manière, c'est en usant de ces
« structures décentrées »196(*) que la voix narrative de
Iquela manifeste un jeu avec les limites de la phrase, repousse sans cesse sa
finitude, étend ses frontières.
Lorsqu'il ne s'agit pas de listes mentales, la voix de Iquela
dresse de simples listes, qui énumèrent une
kyrielle d'actions qui demeurent inachevées :
Mis visitas habituales eran breves, como si nos
topáramos casualmente en una esquina y yo tuviera algo trascendental que
hacer a pocas cuadras. Nueve y cuarto de la mañana: el timbre del
teléfono. Nueve y veinte: comprar el diario, el pan, comprar un poco de
tiempo. Nueve cuarenta: recorrer las ocho cuadras y media para encontrarla sin
falta en el antejardín (inundando el pasto,
las baldosas, el mimbre descascarado de los muebles viejos).197(*)
L'usage d'un style direct énumératif, ainsi que
de l'infinitif, qui vient marquer l'aspect inachevé des procès
« comprar » ; « recorrer » ;
« encontrarla », nous dévoilent bien que nous sommes
face à une autre liste texturante, illustrative d'actions qui sont
à mener à terme. L'usage de la liste fait brusquement exploser
l'unité formelle de l'oeuvre.
Dans La dimensión desconocida de Nona
Fernández, la pratique de la liste s'inscrit dans le sillage d'une
volonté illustrative. Ainsi, la liste sert-elle à retracer la
soirée turbide du « 07 de septiembre de
1983 »198(*)
que Mario, jeune adolescent vivant en pleine clandestinité avec les deux
seuls membres de sa familles qui lui restent, vécut. De 16h30
jusqu'à 20h37, le lecteur suit les occupations banales de Mario,
revécue par la voix narrative en empruntant les voies de
l'imagination représentificatrice :
A las 20.00 horas, Hugo, alias el tío José, se
muestra preocupado por la tardanza de Alejandro, alias Raúl, mientras
sirve dos vasos de leche con plátano.
A las 20.05 horas, Mario y Hugo, alias el tío
José, se sientan a ver las noticias en la televisión.
A las 20.10 horas, Mario se pone de pie porque las noticias lo
aburren y se va a escuchar música a su pieza.
A las 20.15 horas, Mario pone un casete de Los Jaivas en su
radio y comienza a escuchar al Gato Alquinta cantando uno de sus temas.
A las 20.30 horas, Mario escucha
balazos en el barrio. No baja el volumen de la radio, tampoco detiene la
música. Balazos, helicópteros o bombazos, se escuchan de vez en
cuando en todos los barrios donde ha vivido sus anteriores vidas, entonces no
hay razón para que en esta se alarme.
A las 20.35 horas, Mario escucha gritos.
A las 20.36 horas, Mario escucha una ráfaga de
metralleta y se da cuenta de que los disparos son a la casa. Instintivamente se
lanza al suelo.199(*)
D'un point de vue formel, la liste s'érige sur la page
de manière verticale. Chaque segment phrastique est
succédé par un souffle de tranquillité. La liste coule au
rythme des occupations sereines auxquelles s'attèle Mario. Mais les
minutes s'égrènent et la tension point («A las 20.30 horas,
Mario escucha balazos en el barrio. No baja el volumen de la radio, tampoco
detiene la música. Balazos, helicópteros o bombazos, se escuchan
de vez en cuando en todos los barrios donde ha vivido sus anteriores vidas,
entonces no hay razón para que en esta se alarme./ A las 20.35 horas,
Mario escucha gritos./ A las 20.36 horas, Mario escucha una ráfaga de
metralleta y se da cuenta de que los disparos son a la casa. Instintivamente se
lanza al suelo.»). Au même moment où Mario se jette au sol,
la liste s'effondre sur la page dans la minute qui suit :
A las 20.37 horas comienza a ver el humo que se filtra por las
rendijas de la puerta de su pieza. A las 20.40 sale al pasillo oscuro a buscar
a Hugo, alias el tío José. Tío, le grita a la pieza, pero
nadie responde. A las 20.41 escucha voces. A las 20.42 se da cuenta de que son
voces de agentes. A las 20.43 siente otra ráfaga sobre la casa. A las
20.44 no entiende cómo está vivo después de los disparos y
corre por el pasillo a oscuras, lleno de humo, buscando a Hugo, alias el
tío José. A las 20.45 se da cuenta de que el tío no
está ni en la pieza, ni en la cocina, no lo ve por ninguna parte.
Tío, grita, tío, pero otra vez no recibe respuesta. A las 20.46
piensa acurrucarse en el suelo y quedarse ahí, pase lo que pase, pero a
las 20.47 piensa que no, que no puede entregarse a su suerte, que debe huir,
que no importa a dónde, salir de ahí antes de que otra
ráfaga de metralleta lo mate. A las 20.48 está en el patio
trasero. A las 20.49 se encarama por el muro que colinda con la casa de al lado
y, mientras está trepando, a las 20.50, piensa en Alejandro, alias
Raúl, su padre que no es su padre, piensa en la suerte que tuvo al no
volver. Su atraso lo salvó, cree, y a las 20.51 cae al patio de la casa
vecina mientras sigue escuchando disparos y la voz de los agentes, que patean
puertas y botan muebles en el 5707, mientras él, a las 20.52, intenta
encaramarse en el otro muro para seguir huyendo de patio en patio. Pero a las 20.53 se da cuenta de que este nuevo muro es
muy alto, que está cansado, que el cuerpo le tiembla, que no es
fácil dejar la casa atrás, que esta vida le pesa, que no lo
logrará. A las 20.54 decide tocar el vidrio de la ventana del vecino,
que a las 20.55 se asoma a su patio trasero al escuchar los golpes y ve la
silueta de un joven de quince años que pide ayuda asustado.
Es mi casa, dice el joven cuando son las 20.56.
Lo que pasa es en mi casa, dice a las 20.57 y vuelve a repetir
lo mismo a las 20.58 y a las 20.59. Es mi casa, mi casa, mi casa, y cada
repetición es dicha con la convicción de quien no miente.
200(*)
La parfaite verticalité de la liste s'écroule et
gagne en célérité. Dans cette atmosphère convulse,
le lecteur suit dorénavant chaque action de Mario à une minute
d'intervalle («A las 20.37 horas [...] A las 20.40 [...] A las 20.41 [...]
A las 20.42 [...] A las 20.43 [...] A las 20.44 [...] A las 20.45 [...] A las
20.46 [...] a las 20.47 [...] A las 20.47 [...] A las 20.48 [...] A las 20.49
[...] a las 20.50 [...] a las 20.51 [...] ») au lieu de cinq voire
quinze minutes comme ce fut le cas auparavant («A las 20.00 horas [...]/ A
las 20.05 horas [...]/ A las 20.10 horas [...]/ A las 20.15 horas [...]/ A las
20.30 horas [...]/ A las 20.35 horas [...]/ A las 20.36 horas [...]»). Au
sein de cette liste, une « tension narrative » se met en
place.
Pour le sémioticien Umberto Eco, « [u]n
texte, tel qu'il apparaît dans sa surface (ou manifestation)
linguistique, représente une chaîne d'artifices expressifs qui
doivent être actualisés par le destinataire »201(*) par des
« mouvements coopératifs »202(*). Raphaël Baroni dans
son ouvrage La Tension narrative, relève trois fonctions
thymiques203(*)
caractéristiques de la narrativité :
Comme le jeu du suspense, de la curiosité et de la
surprise entre le temps représenté et le temps de la
communication (quelle que soit la combinaison envisagée entre ces deux
plans, quel que soit le médium, que ce soit sous une forme manifeste ou
latente). En suivant les mêmes lignes fonctionnelles, je définis
le récit comme un discours dans lequel un tel jeu domine : la
narrativité passe alors d'un rôle éventuellement marginal
ou secondaire [...] au statut de principe régulateur, qui devient
prioritaire dans les actes raconter/lire.204(*)
Ce jeu, qui met en éveil le suspense, la
curiosité et la surprise, et met donc en place ce que nous nommons avec
Raphaël Baroni une « Tension narrative »
définie comme le :
phénomène qui survient lorsque
l'interprète d'un récit est encouragé à attendre un
dénouement, cette attente étant caractérisée par
une anticipation teintée d'incertitude qui confère des traits
passionnels à l'acte de réception. La tension narrative sera
ainsi considérée comme un effet poétique qui structure le
récit et l'on reconnaitra en elle l'aspect dynamique ou la
« force » de ce que l'on a coutume d'appeler une
intrigue.205(*)
Plus précisément, « [l]a tension, sur
un plan textuel, est le produit d'une réticence (discontinuité,
retard, délai, dévoilement, etc.) qui induit chez
l'interprète une attente impatiente portant sur les informations qui
tardent à être livrées [...] »206(*).
Pour revenir à notre extrait, la tension narrative se
crée grâce aux nombreuses incises remplissant les fonctions de
catalyses207(*)
fonctionnelleset qui contribuent à retarder le dénouement et
à alimenter le suspense, la curiosité du
lecteur.L'asyndète, qui crée un effet-liste,joue également
un rôle notoire car elle tend à accentuer la vitesse qu'acquiert
la liste d'une part et à donner à voir au lecteur un vertige
d'actions et de pensées d'autre part, retranscrivant la confusion
mentale de Mario lors de sa fuite précipitée, son
désemparement (« Pero a las 20.53 se da cuenta de que este
nuevo muro es muy alto, que está cansado,
que el cuerpo le tiembla, que no es fácil
dejar la casa atrás, que esta vida le pesa,
que no lo logrará. »).La présence de ces
incises dans cet extrait interactif dévoile le jeu avec l'expansion
phrastique, jeu auquel Nona Fernández n'a de cesse de s'adonner.
Dans La dimensión desconocida de Nona
Fernández, le lecteur peut également se retrouver face à
une liste hypertrophique208(*) à la disposition typographique verticale,
aérée, qui « « tranche » dans le
texte en le débrayant de son grand continuum syntagmatique, syntaxique,
narratif [...] »209(*) :
Golpe Militar en Chile.
Muere el presidente Salvador Allende en La Moneda.
Detenciones masivas,
fusilamientos clandestinos,
juicios de guerra.
La Caravana de la Muerte recorre sur y norte.
Víctor Jara es torturado
y asesinado en el Estadio de Chile.
El hombre que torturaba llega al AGA.
Los Quevedo, nuestros vecinos,
esconden panfletos en mi casa.
Mi abuela reclama asustada.
Se crea la DINA, Dirección de Inteligencia Nacional.
Se crea la SIFA, Servicio de Inteligencia de la Fuerza
Aérea.
Detenciones selectivas, secuestros,
desaparecimiento de personas.
El hombre que torturaba
se une a los grupos antisubversivos.
Entro al liceo, uso por primera vez un uniforme
y una lonchera de lata.
Atentado al general Carlos Prats,
ex ministro del Interior de Salvador Allende.
Su auto explota en Buenos Aires.
En la calle Santa Fe asesinan a Miguel Enríquez,
líder del MIR.
Pinochet viaja al funeral de Franco.
Se crea la Vicaría de la Solidaridad.
Cadáveres en el Cajón del Maipo sin falanges,
sin huellas digitales.
Atentado a don Orlando Letelier en Washington.
Acto en el Cerro Chacarillas,
setenta y siete jóvenes suben con antorchas
y son condecorados por Pinochet.
El hombre que torturaba
es centinela en cuarteles clandestinos.
El Chapulín Colorado
se presenta en el Estadio Nacional,
voy a verlo y llevo mi chipote chillón plástico.
Secuestran a Contreras Maluje a cuadras de mi casa,
mi mamá ve la detención y luego
nos la cuenta a la hora del almuerzo.
El Quila Leo es asesinado.
El hombre que torturaba
llora a escondidas en su cuartel
[...]210(*)
Cette liste se démarque de l'effet-liste de Felipe,
mais tend à se rapprocher de l'inventaire réaliste de Iquela, et
même de la liste en général pourrions-nous affirmer. En
effet,dans sa pratique de la liste, Nona Fernández, joue avec
l'expansion phrastique en « enjamb[ant]
l'horizon »211(*), « [s'alliant] à [...] la
discontinuité fondamentale du vers [...] et s'affront[ant] à la
continuité de la phrase »212(*) prosodique. En d'autres termes, dans La
dimensión desconocida « l'espace [tracé]
tombe »213(*),
car la liste « s'affranchi[t] de toute justification [...]
typographique, pass[e] de l'autre côté de l'horizon -cette ligne
ambiguë qui structure le paysage selon un cadre essentiellement horizontal
mais l'ouvre aussi à la verticalité sublime ou vertigineuse du
ciel ou de l'abîmé. »214(*)
Avec la pratique subversive de la liste, c'est à la
défiguration du roman à laquelle nous assistons. La liste, ou
l'effet-liste, introduit une difformité au sein du roman, tend vers
l'abîme sublime du polymorphisme dialogique,le rendant, aux yeux de la
norme institutionnelle patriarcale, abject. Le jeu avec les limites de la
phrase, la réinvention de l'espace romanesque, octroie au roman une
forme instable, une forme qui refuse de se figer, extatique. La
protéiformisation de l'écriture romanesque ne se limite pas
à la pratique de la liste dans La dimensión desconocida,
tant s'en faut. L'épistolaire et ses déformations qui, au
même titre que la liste scinde la « coulée »
textuelle, sont eux aussi dignes d'intérêt.
c) L'épistolaire : espace
d'affrontement
L'épistolaire, sous-genre215(*) intercalaire et
contre-littéraire dans La dimensión desconocida de Nona
Fernández, est de loin un élément qui passe
inaperçu. L'épistolaire apparaît comme un authentique
espace d'affrontement au sein duquel l'autrice apostrophe El Papudo,
afin de mieux comprendre le passé traumatique collectif.
L'épistolaire dont la présence est disséminée dans
l'oeuvre, joue un rôle éminemment politique. En effet, la lettre,
cesse d'être ce « [l]ieu [...] de dialogue
amical »216(*), et « [...] peut aussi [...] fournir un
instrument de diffusion polémique, souligner les lignes de division et
exacerber les crises»217(*) :
Estimado Andrés :
No nos conocemos personalmente y espero que el arrojo de
conseguir su dirección y tomarme la libertad de escribirle no lo
ahuyente de seguir leyendo esta carta. El motivo de ella es que quisiera
contactarme con usted porque tengo la fantasía de escribir un libro con
su figura. Por qué?, se preguntará justamente, y puedo
responderle que yo misma me he hecho esa pregunta sin dar con una respuesta
satisfactoria. Las razones no son claras porque en general nunca tengo claridad
del motivo de mis obsesiones y usted, con el tiempo, se ha convertido en eso
para mí, en una obsesión. Sin saberlo he andado detrás
suyo desde que tenía trece años, cuando lo vi en esa portada de
la revista Cauce. No comprendía, ni aún comprendo, todo
lo que pasó a mi alrededor cuando era niña y supongo que
intentando entender quedé hechizada por sus palabras, por la posibilidad
de descifrar con ellas el enigma. Más adelante, por razones de
interés y trabajo conocí con detalle su historia y he logrado
leer todo el material que de ella se ha publicado, material que todavía
me parece escaso y mezquino dado el valor de los datos que entregó.
Ahora que le escribo intento nuevamente aclarar mis motivaciones para no
parecer tan vaga frente a usted, pero sólo puedo decirle con honestidad
que a modo de respuesta aparecen más preguntas [...]218(*)
Dans ce premier fragment épistolier, le
« yo » destinateur de Nona Fernández s'adresse
à un « usted » destinataire, El Papudo.
C'est dans cette missive qu'elle fait part de sa volonté d'affronter ce
« monstruo arrepentido»219(*), qui constitue son obsession et qui détient
les clefs nécessaires afin de « descifrar el enigma
[colectivo]».
La seule présence de l'épistolaire, qui vient
brouiller l'identité du roman, n'est pas le seul élément
qui retient l'attention du lecteur. En effet, l'oeuvre se clôt avec une
nouvelle correspondance, au sein de laquelle passé et présent
interfèrent, collisionnent, mais avec une particularité :
elle apparaît désormais en empruntant sa typographie au
poème :
Estimado Andrés,
en esa nueva vida que usted tiene,
esa que tanto me cuesta imaginar,
quizá ya no se esconde.
Treinta años son suficientes
como para aprender a camuflarse.
Seguro ya está camaleonizado con el paisaje.
Seguro que su francés con acento chileno
ya no llama la atención.
Seguro que esta carta
mía,
escrita en su lengua de origen,
con frases cortas y secas, como
usted estila hablar,
le debe parecer un mensaje
trazado en un idioma indescifrable.
Sé que su bigote ha encanecido.
Sé que ahora ocupa lentes.
Sé que su mujer de entonces ya no es su mujer.
Sé que tiene contacto con sus hijos y sus nietos.
Sé que ha tenido varios trabajos.
Sé que maneja un camión.
Sé que está enfermo y lo estuvo.
Sé que por las tardes lee y recoge callampas.
Sé que Chile se le borronea un poco,
pero que su playa, Papudo, no.
Estimado Andrés, Papudo sigue siendo una linda
playa.
Sobre todo ahora, que es invierno
y que somos pocos los que caminamos
por sus arenas negras.
En esta vida, que es la única que tengo,
he elegido este lugar para despedirme.
Frente a mí un perro corre
solitario
huyendo de las olas.
Ladra y espanta a un grupo de gaviotas.
El mar se revuelve con el viento.
Va y viene, como las escenas
Que ha intentado imaginar.
Escucho voces cada vez que revienta una ola.
Gritos de auxilio encerrados en botellas de vidrio.
Son cientos de botellas.
Quizá más.
A lo lejos creo verlo a usted fumando un cigarrillo.
Es joven, no lleva su bigote,
y probablemente todavía no entra al servicio
militar.
Debe tener un par de años más que mi hijo.
Se ha detenido un momento y mira el horizonte
como si supiera que allá, del otro lado del mar,
le espera un escondite que terminará siendo su casa.
Mientras fuma se topa con una mirada intrusa.
Soy yo, que desde el futuro lo observo con ojo de
espía.
Con un gesto educado
me hace una venia en señal de saludo.
Creo que sonríe y así se va caminando por la
orilla.
No sabe quién soy.
No imagina el mensaje que traigo
desde las navidades futuras.
El aire es fresco aquí en Papudo.
Comeré almejas y meteré mis pies en el helado
mar.
Pero eso será mañana, hoy ya anochece
y las estrellas han empezado a asomarse.
Estimado Andrés,
en esa nueva vida en la que recoge callampas
y lee por las tardes,
probablemente usted estará acostado,
soñando, despierto o dormido, con ratas.
Con piezas oscuras y con ratas.
Con mujeres y hombres que gritan,
y cartas que llegan desde el futuro preguntando
por esos gritos.
Cuando era niña me decían que las estrellas
eran las fogatas de los muertos.
Yo no entendía por qué los muertos
encendían fogatas.
Asumía que era para lanzar señales de humo.
Sin teléfono, sin correo,
de qué otra manera podríamos comunicarnos?
Mi fogata se ha extinguido aquí en la playa.
Soy una sombra desenfocada a la luz de las brasas.
Tomo un carbón apagado
y me pinto un par de bigotes gruesos.
Es un gesto aprendido de niña,
creo que fui entrenada para esto.
Vocación de médium y de tira.
El humo enrojece mis ojos.
Así avanzo, lagrimeando en punta y codo,
por la arena negra de Papudo.
Arrastrándome llego hasta su almohada.
Me cuelo en su sueño y escribo con un corvo
las palabras que usted me ha dictado,
para que queden resonando
como señales de humo lanzadas al infinito.
Esta es una posta de información y de humo.
De pesadillas compartidas.
De piezas oscuras.
De relojes detenidos.
De dimensiones desconocidas
De ratas y cuervos que aún chillan.
De bigotes pintados con hollín.
Y vendrá el futuro
y tendrá los ojos rojos de un demonio que
sueña.
Usted tiene razón.
Nada es bastante real para un fantasma.
PAPUDO, V REGIÓN, JUNIO 2016.220(*)
La correspondance auparavant horizontale acquiert
désormais une forme verticale. Le corps de la missive, datée et
signée cette fois-ci, s'étend sur quatre pages. C'est l'ultime
bouteille que Nona Fernández jette à l'eau. L'autrice
présente au lecteur une « lettre-miroir »221(*) déchirée par
les aposiopèses, qui appellent un souffle et jouent un rôle
notoire dans la relance de l'écriture de ladite missive. Si dans la
missive précédente Nona Fernández dévoilait sa soif
de réponses, ici c'est la connaissance du sort, du destin de El Papudo,
qui est mise en relief par la présence anaphorique de la
subordonnée « Sé que ». Dans cette lettre, le
jeu avec l'expansion phrastique est de nouveau observable. Ainsi, l'enjambement
permet-il de mettre en valeur certains groupes syntagmatiques qui renvoient
curieusement au camouflage (« Treinta años son suficientes/
como para aprender a camuflarse »), à la perte de la langue
maternelle en raison du déracinement prématuré de la terre
d'origine (« Seguro que esta carta mía,/escrita en su lengua
de origen,/con frases cortas y secas, como usted estila hablar,/ le debe
parecer un mensaje,/ trazado en un idioma indescifrable. »), la fuite
(«Frente a mí un perro corre solitario/ huyendo de las
olas. »). Ces rejets mettent ainsi donc l'accent sur la perte qui a
rythmé la vie de El Papudo.
Il convient d'ajouter qu'ici l'autrice offre au lecteur une
missive empreinte de « réalyrisme »222(*) ou d'un certain
« lyrisme de la réalité » définit par
Reverdy et pour qui :
Il ne s'agit plus, c'est aujourd'hui un fait acquis,
d'émouvoir par l'exposé plus ou moins pathétique d'un fait
divers, mais aussi largement, aussi purement que le peuvent faire, le
soir, un ciel chargé d'étoiles -ou un grand drame muet
joué par les nuages sous le soleil.223(*)
Toute la sensibilité de cette lettre réside
d'une part dans la force émotive contenue dans la forme
déchirée, en lambeaux, de la lettre et, d'autre part, dans la
force expressive de la voix de Nona Fernández dont l'émotion
intérieures'allie au paysage, suscitant chez le lecteur la mobilisation
de la perception visuelle et de la perception auditive. Ainsi, Nona
Fernández dévoile-t-elleau lecteur un paysage textuel
morcelé, ruiniforme qui donne à voir un paysage
hivernaldéchainé et hanté par ces
« voces », ces « [g]ritos de auxilio »
qui ne cessent de résonner et que l'autrice a incorporé en son
for intérieur. Mais, très rapidement, la lettre prend une autre
tournure et, telle une narration qui ferait marche arrière,
l'imagination de l'autrice vient inscrire la présence fantasmagorique de
Antonio Morales Valenzuela, avant qu'il n'ait les mains tachées de sang.
Les réponses du destinataire, El Papudo,
figureront sous une forme typographiquement disjonctive, « con frases
cortas y secas », et feront état de sa psyché
contaminée par les visions d'horreur. L'omniprésence du
substantif pluriel « ratas » retient notre
attention :
Sí, a veces sueño con
ratas.
Con piezas oscuras y con
ratas.
Con hombres y mujeres que gritan
y con cartas que vienen desde el futuro
preguntando por esos gritos.
Ya no recuerdo lo que dicen los gritos.
Tampoco lo que dicen las cartas.
Sólo me quedan las ratas.
Hice un tratamiento con un psiquiatra
para sacármelas de encima.
Me mandó a hacer un encefalograma.
Vi mi cabeza en una radiografía.
Busqué ahí las ratas para cortarlas con una
tijera,
pero no estaban, se camuflaban en las sombras del
negativo.
Me hicieron armar cubos,
me hicieron responder pruebas psicológicas.
Dijeron que las ratas estaban ahí
por mis problemas económicos.
Que estaba tenso, nervioso,
que con unas pastillas se me pasaría.
Yo nunca les dije lo que me pasaba.
Nunca les hablé de mi trabajo y lo asqueado que me
tenía.
Eran médicos del servicio de inteligencia,
No podía decirles la verdad.
Después no aguanté más.
Fui a la revista e hice lo que hice.
Usted lo ha contado mejor que yo.
Su imaginación es más clara que mi
memoria.224(*)
[...]
Vivo una vida nueva.
Me escondo del mundo en mi propia ratonera.
No uso correo electrónico, no doy mi
dirección,
nadie conoce mis señas.
No sé cómo hizo usted para
escribirme.
No sé cómo hizo usted para que su carta
terminara llegándome.
Para qué quiere hacer un libro sobre
mí?
He respondido tantas preguntas en el pasado.
Debo seguir respondiendo preguntas en el futuro?
No tengo mucho tiempo.
Sé que tarde o temprano van a llegar.
No importa dónde me esconda.
No importa el tiempo que haya pasado.
Va a ser muy rápido, quizá no me voy a dar
ni cuenta.
Tendrán los ojos rojos de un demonio que
sueña.
Me encontrarán aquí o donde sea,
y alguno estará dispuesto
a manchar sus pantalones con mi sangre.
Quizá sea usted misma.
Quizá ya lo hizo ahí en el futuro.
Nada es bastante real para un fantasma.
Qué más puedo decirle?
Recojo callampas en el bosque, leo por las tardes.
Y en las noches sueño con
ratas.225(*)
Dans ces volutes de fumée verbales, le groupe
syntagmatique «Nada es bastante real para un fantasma» retient lui
aussi notre attention car, hormis sa typographie disjonctive frappante, il
s'agit d'un clin d'oeil intertextuel au poème « La pieza
oscura » de Enrique Lihn :
[...]
En el contrasentido de las manecillas del reloj se
desatascó la rueda
antes de girar y ni siquiera nosotros pudimos encontrarnos
a la vuelta del vértigo, cuando entramos en el
tiempo
como en agua mansas, serenamente veloces;
en ellas nos dispersamos para siempre, al igual que los restos
de un
mismo naufragio.
Pero una parte de mí no ha girado al compás de
la rueda, a favor de
la corriente.
Nada es bastante real para un fantasma. Soy
en parte ese niño que
cae de rodillas
dulcemente abrumado de imposibles presagios
y no he cumplido aún toda mi edad
ni llegaré a cumplirla como él
de una sola vez y para siempre.226(*)
Lorsque Bieke Willem se penche sur l'analyse du roman Av.
10 de julio Huamachuco (2007) de Nona Fernández, dans son ouvrage
El espacio narrativo en la novela chilena postdictatorial : casas
habitadas, il relève que:
el gran tema que hostigó a los primeros novelistas y
críticos culturales de la postdictadura, el de la memoria, sigue
ocupando una posición protagónica en la novela de Nona
Fernández. La reflexión constante sobre el tiempo, y las
referencias a la pieza de Enrique Lihn, como una representación espacial
del propio recuerdo, caben dentro de este tema.227(*)
Une pièce sombre, inondée et infestée par
la présence des rongeurs, métaphore spatiale de la mémoire
collective, dans laquelle les eaux temporelles froides -en écho à
la plage Papudo sur laquelle l'autrice se trouve afin d'adresser une
dernière lettre à El Papudo- sont figées, stagnent. Le
présent n'offrant pas de porte propice à l'écoulement de
ces « restes d'un/ même naufrage »228(*) vers des horizons lumineux,
Nona Fernández se voit emportée par ces eaux troubles qui
s'écoulent à contre-sens, toujours en direction d'un passé
inachevé. Au-dessus de ces épaves mémorielles une
présence spectrale se fait sentir : le fantôme de El Papudo
condamné à y rester enfermé et à y errer
éternellement.
Aux yeux de Pascal Quignard, « [l]es formes sont des
limites. Dans la métamorphose les formes ne connaissent plus de limites.
Elles sont devenues aorista. Leur horizon est sans formes
[...] »229(*).
La pratique subversive de la liste, ainsi que la pratique épistolaire
que nous avons mentionnées, font de La dimensión
desconocida de Nona Fernández une oeuvre
« aoristique »230(*). Effectivement, la pulsion fragmentaire de
l'écriture tend à buter contre les bords de contention
créatifs jusqu'à les abattre, outrepassant ainsi la
« norme [qu'] il ne faut pas franchir [...] [pour ne] pas
risquer l'impureté, l'anomalie ou la
monstruosité »231(*), l'abjection, que nous définissons avec Julia
Kristeva, comme étant « ce qui perturbe une identité,
un système, un ordre. Ce qui ne respecte pas les limites, les places,
les règles. L'entre-deux, l'ambigu, le mixte »232(*). L'éclatement de
l'espace-corps romanesque contribue à la
« dégénérescence »233(*) de l'identité
romanesque, dont « la pureté essentielle »234(*) se voit contaminée
par des formes d'écriture provenant des confins rebelles.
Cette écriture pulsionnelle, rebelle en termes
génériques et formelles est également observable dans
La resta de Alia Trabucco.
2) La représentation du fini infini dans La
resta
a) Espaces-corps malades
La resta offre plusieurs lectures. Cela est dû
principalement aux systèmes isotopiques structurantes de l'oeuvre. Ainsi
pouvons-nous relever les isotopies sémantiques de l'inhumation235(*), de l'enfermement236(*), de la lourdeur237(*), de la perforation. Les
pulsions métaphoriques dévoilent au lecteur des
géographies corporelles incomplètes, alternatives, revendiquant
l'existence d'une altérité corporelle endolorie immanquablement
présente :
Por teléfono me avisó que vendría
personalmente a recogerme, dijo Paloma seseando un poco, como si sus
eses encontraran un obstáculo en su lengua (un tornillo, una flecha, un
clavo oxidado)238(*) [...] Estás borracha, dijo, sus labios
también morados y partidos239(*) [...] (rozándome con
su piel áspera y partida, su piel cada vez más
cerca de sus huesos)240(*) [...] Nos abrió un tipo joven, alto y joven,
su piel horadada por una adolescencia cargada de
granos241(*) [...] pecas
perforándole la frente [...] ese tornillo
atravesándome la lengua, mi lengua.242(*)(nous soulignons)
La perforation isotopique s'allie à la perte
d'épaisseur corporelle :
es que algo le pasaba a los pollos en Chinquihue, estaban
medio anoréxicos los pobres, dando tumbos en el campo
sin ganas de comerse el maíz ni las migas de pan, y mi tatita no
sabía qué hacer, porque entre el perrito
desnutrido, las gallinas depresivas y yo [...]243(*) [...] me quedé en
Santiago no sé cuánto tiempo, hasta que mi tatita me fue a buscar
y por suerte ya no estaba enojada, pero sí
raquítica y ojerosa, con cara de pena, cara de sola, y
me dijo que andaban cluecas las gallinas, pero ni gorditas ni felices, y ella
menos, si cada vez estaba escuálida244(*) [...] Y él (Felipe),
desnudo, sus piernas
escuálidas.245(*) [...] La piel de su cara (a Felipe) me
pareció más delgada, muy parecida a la de mi
madre: los tejidos, los músculos, la sangre
retirándose hacia los huesos, volviéndolos
curiosamente parecidos.246(*) [...] (Dónde estás, Iquela? [...]
Cuídate del arsénico y del magnesio y de los nitratos y del
esmog. Estás pálida. Estás flaca.
Estás sola.247(*)
[...] Padres cada vez más flacos agitando sus
puños en el aire, rodeados de un halo de resignación, tal vez de
hartazgo. Y las madres mayoritarias, esas mujeres estoicas desafiando al
guardia con sus vozarrones graves, casi aullidos, madres de labios
delgados, mujeres de uñas mordidas
acompañándose para aguardar juntas, sosteniéndose del
brazo, desesperadas, sacrificiales [...]248(*) [...] y me sorprendió una piel
finísima, casi impalpable.249(*) (nous soulignons)
Le topic de la maladie, consubstantiel à la perforation
isotopique, ainsi qu'à la perte drastique d'épaisseur corporelle,
est omniprésent. Alia Trabuccoimbrique un second récit, qui
charge contre l'ordre politique établi à l'ère
post-dictatoriale, dans un premier récit.Ces surfaces corporelles
criblées de trous, souffreteuses, permettent de tisser un lien entre le
personnage et l'espace santiaguin, agent de la fiction représenté
tel « un agujero hundido»250(*). De telle sorte que « [c]ette
communication maintenue tout au long du récit poétique entre le
personnage et l'espace prépare un autre phénomène qui
renverse toutes les perspectives du roman classique. »251(*)
La resta est un « récit
[hérétique] qui emprunte au poème ses moyens d'action et
ses effets. »252(*) La voix mutante et impure de Felipe défie par
conséquent le roman réaliste traditionnel et accède
à un tout autre territoire transcendant, qui est en mesure d'accueillir
toutes les temporalités : le passé, le présent, le
futur.
Le « langage [qui] crisse en
rafales »253(*) de Felipe, divague, dérive, mute pour tenter,
par alchimie, de dire l'indicible, s'en rapprocher. De là le
« jeu avec la langue, qui lui fait violence »254(*), en élaborant ce que
nous appelons toujours avec Jean-Jacques Lecercle des « monstres
syntaxiques »255(*) tels que les métaphores, les oxymores.
Ainsi, le lecteur constatera-t-il, à la lecture des monologues autonomes
de Felipe, que son langage est en perpétuel mouvement : il
recollecte, exprime, combine, épuisant les possibilités
créatives qu'offre la langue. Cet épuisement se fera cependant au
détriment de la pureté de l'identité du roman, qui, par
intermittence, s'affuble de la cape poétique.
Les éléments qui connotent la condition maladive
de l'espace-corps diégétique sont abondants dans l'oeuvre et
relèvent, le plus souvent, d'une projection de la subjectivité du
personnage diégétique256(*). Ainsi, à la fin de La resta,
lorsque les trois protagonistes ingurgitent le « líquido
mágico »257(*), entre l'espace montagneux et l'âme
brisée de Felipe est abattue, donnant lieu à un
« débordement de richesse »258(*) « entre la ligne
générale et la matière verbale
rétive »259(*):
Y acelero fuerte para no enterrarme
en el cemento blando, en este barro gris, en este pus, eso es, para no hundirme
en el pus que secretea la montaña, la cordillera secreteando que siga,
que acelere, porque para ser un chofer de primera se aceleeera,
cantábamos cuando se cantaba, coreábamos a gritos la Iquela y yo
para no escuchar, para no oír esto que dice la boca de la
montaña, porque secretea que suba, que cruce, que no importa los veinte,
los quince, los diez kilómetros por hora ahogando el motor de la
Generala, pero esto no es tan sencillo, no, no es fácil cruzar la
cordillera gris, pero de todas formas subo y sudo y
abro las ventanas para darle aire a la carroza, bajo los vidrios a pesar de que
al otro lado está el pus, el maldito pus que entra como una ola por mis
mangas, sí, y se me pega a la piel este veneno, este virus que quiere
infectarme los ojos, por eso lloro lágrimas plomizas que me humedecen y
el pus y mis gotas se mezclan y las cenizas me cubren completo260(*)
Dans ce fragment, où les mots happent nouvellement le
lecteur pour subjuguer son imagination, la subjectivité morcelée,
sous tension, de Felipe « s'affranch[it] des limites du corps propre,
favorisé par un état de conscience proche du
« rêve » ou de la rêverie »261(*). De plus, tout comme le
rappelle Michel Collot en s'appuyant sur les travaux psychanalytiques,
« les sensations externes, actuelles, récentes ou très
anciennes, sont intégrées au vécu corporel et pulsionnel
du dormeur qui les remanie pour les projeter en images
oniriques »262(*). Ainsi, dans ce passage, « « ce
qui appartient au-dedans apparaît au dehors, transposé en
perceptions externes. [...] Une sensation corporelle se trouve projetée
sur le monde extérieur » ; « le corps n'[y] a
plus ses limites [...] il coïncide avec l'espace qui pourtant est
censé le contenir. »263(*) Dans ce fragment, « [l]'image du monde
extérieur que nous propose [le délire] porte l'empreinte du
corps »264(*)
mentalement malade. En ce sens, le champ lexico-sémantique lié
à la maladie virale, de la plaie qui suppure et la personnification de
l'espace sont significatifs. De cette manière, la « chair du
monde » apparaît comme le réceptacle de la conscience
diffractée, malade, de Felipe, avec laquelle le corps ne fait plus
qu'un. L'interpénétration entre l'espace montagneux et
frontalier, l' « espace transcendant »265(*) et le
« corps-cosmos »266(*), met à mal la
référentialité caractéristique des romans
réalistes par le recours à des procédés
poétiques tels que la personnification de l'espace ou les analogies qui
vertèbrent le passage.
Le fragment présent est significatif tout d'abord par
la tension qu'il met en place. Ainsi, pouvons-nous démanteler tout un
système de tension s'organisant autour de l'inhumation (« para
no enterrarme » ; « para no hundirme »),
l'exhumation (« porque secretea que suba » ;
« pero de todas formas subo y sudo »), de la rumeur et le
silence, le secret, le susurrement, accentué par la présence de
l'allitération en [s] (« cantábamos cuando se cantaba,
coreábamos a gritos la Iquela y yo [...] porque secretea que suba ;
que cruce »), de l'ouverture et la fermeture (« abro las
ventanas para darle aire a la carroza » ; « y el pus y
mis gotas se mezclan y las cenizas me cubren completo ») ; de
l'assimilation et l'expulsion (« el maldito pus que entra como una
ola por mis mangas [...] por eso lloro lágrimas plomizas. »).
La mobilisation de « monstres syntaxiques » et, plus
précisément, les constructions oxymoroniques, telles que
« cemento blando » ou encore « lágrimas
plomizas », sont des éléments clefs au service du
processus de transfiguration du réel qui est mené à bien
sous nos yeux. Parallèlement à cet écart
référentiel qui se crée, nous assistons à un
débordement du sens ordinaire du mot et, ainsi donc, à un
écart linguistique.
Autre monstruosité : l'écriture en miroir.
Rappelons-nous, pour l'écrivain Jorge Luis Borges, « [...] los
espejos [son] monstruoso[s] [...] y [...] abominables, porque multiplican el
número de los hombres.»267(*) La page apparaît telle une authentique surface
de réflectance : c'est la pratique de l'écriture
spéculaire, matérialisée ici par l'usage du présent
d'énonciation, l'utilisation d'adjectifs démonstratifs masculins
singuliers « este » ou encore de l'adjectif
démonstratif « esto », qui indiquent
l'immédiateté, aux antipodes d'un « ese » et
ses dérivés, qui indiqueraient une distance moyenne entre le
sujet et l'objet ou encore d'un « aquel » et ses
dérivés, qui indiqueraient cette fois-ci une distance lointaine
entre le sujet et l'objet, constitue une des spécificités de ce
passage:
Y acelero fuerte para no enterrarme en el
cemento blando, en este barro gris, en este
pus, eso es, para no hundirme en el pus que secretea la
montaña, la cordillera secreteando que siga, que acelere, porque para
ser un chofer de primera se aceleeera, cantábamos [...]
para no oír esto que dice la boca de
la montaña, porque secretea que suba, que cruce [...]
subo y sudoy abro las
ventanas para darle aire a la carroza, bajo los vidrios a
pesar de que al otro lado está el pus, el maldito pus
que entra como una ola por mis mangas, sí, y se
me pega a la piel este veneno, este
virus que quiere infectarme los ojos, por eso
lloro lágrimas plomizas que me
humedecen y el pus y mis gotas se mezclan y las
cenizas me cubren completo
Parmi ce ramassis de cendres verbales, un couple de verbes
nous intéresse, car il illustre à merveille le caractère
miroitant de l'écriture : « subo y sudo ». Bien
que sémantiquement divergentes, ces deux vocables mettent en jeu
l'acuité visuelle du lecteur et donnent à voir ce processus
spéculaire auquel s'adonne volontiers l'écriture de Alia
Trabucco.
De cette manière, le langage de Felipe s'ouvre
et :
se donne pour tâche de restituer un discours absolument
premier mais il ne peut l'énoncer qu'en l'approchant, en essayant de
dire à son propos des choses semblables à lui, et en faisant
naître ainsi à l'infini, les fidélités voisines et
similaires de l'interprétation.268(*)
L'interprétation infinie du reste historique par
l'image poétique de la maladie permet de dépasser la finitude du
signe. Mais en s'ouvrant, le langage poétique de Felipe
génère un authentique « chaosmos »269(*) défini par Michel
Collot, son créateur, comme l' « [o]smose rêvée de
l'ordre et du chaos. »270(*), la « tension interne entre des pôles
opposés ; il exprime à la fois la violence de la sensation qui
défait toutes nos constructions, et le désir de rebâtir un
autre monde sur les ruines de celui qui a été détruit.
»271(*)
b) La dimension mythique
Si le récit réaliste « accepte le
monde comme une prison »272(*), le recours au récit mythique, qui
« reprend le dynamisme du symbole »273(*), dévoile un certain
optimisme en manifestant la possibilité de retrouver cet
équilibre que Felipe cherche tout au long du roman
(« recuperaremos el equilibrio ?, será posible empezar de
nuevo ? »274(*)). Le récit poétique fait appel
à un temps qui a été et qui n'est plus. Cette affirmation
est renforcée et justifiée si nous faisons allusion à la
séquence finale de l'oeuvre, lorsque le lecteur assiste à la
seconde animalisation, mutation du corps du personnage diégétique
Felipe en phoenix. C'est donc grâce au symbole et donc, aux moyens
d'expression du poème, que l'autrice dévoile, à travers
son personnage fictif, Felipe, la volonté de retrouver ce temps
mythique, qu'est celui de l'unité primigène perdue :
y me tomo un sorbo del líquido blanco, un trago grueso
para borrarme, para no sentir esta pena que se esparce y me exige mirar mi
propia piel que ya no es oscura, y veo mis piernas y tampoco son piernas ni mis
brazos son brazos: ya no hay codos ni dedos ni muñecas, ahora me cubren
escamas, no, es otra cosa, es una piel brillante y seca, son plumas hilvanadas
en mi piel, plumas que me cuidan, me separan, me distinguen, y mis ojos tampoco
son míos, están resecos y claros, cristales rotos, sí, y
mis ojos rotos descubren mi ligereza, mis pupilas trizadas ven mi cuerpo alado
y allá abajo ven también la ciudad inerte, la ciudad que es un
profundo nido, un círculo como los ombligos y las ideas, eso es
Santiago: un nido circular como será mi vuelo, porque debo olvidar a la
Generala y volar al centro, descender hasta mi casa, volver, eso es, por eso me
levanto, abandono a esta muerta tramposa en su humareda, le doy la espalda
[...] y se me cae el cuerpo, se me cae el dolor, se
me cae el aire y mis alas fatigadas se caen también al ver mi sombra
cada vez más grande sobre el piso, una sombra informe que significa luz,
es una luz que me corta la cara y me encandila, deslumbra las pupilas de mis
poros y enciende mi descender abrupto, mi desplome inflamado, mi propio
incendio, sí, porque soy un fuego con alas de sol en picada, eso es, y
es el miedo, es la urgencia la que me permite ver el incendio que derramo en
Santiago, en este asfalto gris bajo mi cuerpo exhausto, y entierro mis garras
en mi nido, en el mismísimo centro de esta plaza y me acurruco en el
piso y me hundo en lo que queda, entre los restos, entre la sequedad
estéril de estas cenizas, y con mi último aliento abro mis ojos
al relámpago, al haz que ilumina Santiago y aclara el cielo, este cielo
abierto y profundamente azul, azul, azulado, sí, el azul del fuego que
incendia todo, porque se queman los adoquines y el adobe y las tienditas, arden
los sépalos y las corolas, se quema el todo y las partes, arde Santiago
completo y con sus llamas las que me alumbran, porque soy el fuego y las
cenizas, el ave más dorada y más prefecta, por eso debo hacerlo,
porque soy un círculo exacto debo pronunciar estas palabras, cantarlas
con mi voz radiante, mi canto furioso, con mi voz que muere y renace debo
gritar mientras me alumbro, mientras me nazco a mí mismo, mientras me
engendran las llamas debo quemar el aire con mi voz, con mi último aullido, con mi cifra: menos uno,
menos uno, menos uno.275(*)
Dans ce fragment, toujours dominé par l'effet-liste,
les attributs humains de Felipe («mis piernas» ; «mi
propiapiel» ; «mis brazos» ; «codos» ;
«dedos» ; «muñecas») font, progressivement et
sous l'effet de la substance hallucinogène, place à des attributs
de volatile («plumas hilvanadas en mi piel» ; «mis
pupilastrizadasven mi cuerpoalado»; «y entierro mis
garras» ; «con mi últimoaullido») : le Phoenix
prend son envol, s'élève et contemple la désolation que
lui donne à voir la ville de Santiago,
« profundonido », étouffé(e) sous les cendres
volcaniques. Lorsquesoudain, c'est la « chute
abrupte »276(*), dontl'accélérationvertigineuse est
renforcée par l'asyndète («y se me cae el cuerpo, se me cae
el dolor, se me cae el aire y mis alas fatigadas se caen también al ver
mi sombra cada vez más grande sobre el piso »).L'élan
horizontal du Phoenix,dans un fragment qui sollicite pourtant une lecture
verticale, aspire à une renaissance, à un renouveau par le
rôle destructeur et purificateur du feu qui émane du corps du
Phoenix expirant. Ainsi, la brisure très présente au commencement
de notre fragment (« cristales rotos » ;
« ojos rotos » ;
« pupilastrizadas » ; « es una luz que me
corta la cara »), s'éclipse face à l'unité qui
se profile à la fin de l'extrait par le pouvoir assembleur de la
conjonction de coordination (« se queman los adoquines y el adobe y
las tienditas, arden los sépalos y las corolas, se quema el todo y las
partes, arde Santiago completo »). Cette séquence n'est en
effet pas sans rappeler l'ekphrasis d'un des tableaux qui donne à voir
« un pájaroardiendo en el cielo gris »277(*) que Iquela nous
dépeint et qui siège sur un des murs « peuplés
de cicatrices »278(*) du foyer familial.
c) L'imaginaire post-apocalyptique
La resta de Alia Trabucco transporte le lecteur dans
un cadre dystopique. La folie de Felipe qui, rappelons-le, transfigure le
réel par l'alchimie du verbe, nous donne à voir une vision
alternative du monde qui l'enceint. Ainsi, la ville de Santiago qu'arpente
Felipe est peuplée de cadavres, provoquant un écart
référentiel : le miroir s'emplit de mercure279(*). Ajoutons aux cadavres, la
présence de ces cendres étouffantes qui tombent sur Santiago,
image allégorique d'un passé résiduel récalcitrant.
Dans La resta, « l'espace a une puissante
charge symbolique [...] la ville [...] [est] un
espaceparticulièrementfécond »280(*). La ville de Santiago,
« support de la mémoire collective »281(*), «abre una
dimensión privilegiada para imprimir visualmente la imagen de un paisaje
en descomposición, reducido a un basural de recuerdos, cadáveres,
escombros, vestigios de experiencia»282(*). Idelber Avelar évoquant Walter Benjamin
affirme que:
Mientras que en el símbolo, con la
transmutación de la decadencia, el rostro transfigurado de la naturaleza
se revela fugazmente a la luz de una redención, la alegoría
ofrece a la mirada del observador la facies hippocratica de la
historia en tanto paisaje primordial petrificado. La historia, en todo lo que
tiene, desde el comienzo, de extemporáneo, penoso, fallido, se
acuña en un rostro, no, en una calavera . . . Este es el núcleo
de la consideración alegórica, de la exposición barroca,
mundana, de la historia como historia sufriente del mundo.283(*)
L'allégorie cendrière rend ainsi donc visible la
pétrification du passé violent sur la face maladivesantiaguine.
Son surgissement inopiné provoque un effet de surprise. La
logorrhée de Felipe s'atténue pour laisser place à un
silence feutré :

Dans La resta, c'est l'écriture
archipélique, la discontinuité, qui met en place cette
réticence textuelle qui génère une authentique tension
chez le lecteur. Le lecteur est d'abord plongé dans un silence curieux,
angoissant, qui est dû à l'absorption des sons par les particules
cendrières tombantes à ce moment-ci de la diégèse
et qui est à l'origine du suspense. Lorsque soudainement, les syntagmes
épiphaniques et anaphoriques « nada arde. Nada se derrumba.
Nada se calcina » surgissent prônant la
sérénité, le calme, contrariant les attentes du lecteur
qui s'attend au pire « Pero nada arde [...] » .
Après cela, le lecteur est de nouveau plongé dans le silence.
Dans l'économie globale de la diégèse, cette page
constitue une pause, une césure au sein du récit. C'est une page
charnière qui distingue l'avant et l'après : la vie de nos
trois protagonistes avant la chute des cendres, puis la vie de nos trois
protagonistes lorsque Santiago est aux prises de ces restes rebelles du
passé.
L'allégorie cendrière, qui permet la
constitution d'un « souvenir-image »284(*) collectif de la perte, ainsi
que la constitution de « monstres syntaxiques »
oxymoroniques où vient se juxtaposer un autre monde sur le monde
sensible, soumettent le roman à l'impur, à l'impropre pour tenter
de figurer l'infigurable.
Les pulsions poétiques discontinuelles de la voix de
Felipe -et en moindre mesure de la voix de Iquela- brise perpétuellement
l'équilibre romanesque que tente vainement de conserver la voix
réaliste, domptée et orthodoxe de cette dernière. Dans son
élan pour représenter l'irreprésentable, la voix impropre
de Felipe joue avec le reste informe, l'épuise par l'imagination
poétique. Mais ce jeu pousse la forme romanesque à l'hybridation,
au métissage générique, l'obligeant à traverser
l'espace poétique.
« La pulsion d'archive », définie
par Gabriel Ferreira Zacarias en s'appuyant sur les travaux de Hal Foster comme
« un choc de temporalités, à un effort pour faire
émerger le passé dans le présent et le présent dans
le passé »285(*), contraint Nona Fernández de mettre le roman
à l'épreuve.
3) La « pulsion d'archive »dans
La dimensión desconocida
a) Métatextualité et
métafiction
Dans La dimensión desconocida, « le
texte-témoin » ou le pré-texte, incarné par le
témoignage éclaté de El Papudo, traverse le
terrain de la métafiction. La dimensión desconocida fait
ainsi donc partie de ces oeuvres « narcissiques »286(*) dont Linda Hutcheon parle.
Avant toute chose, il nous faut distinguer la métatextualité de
la métafiction. Laurent Lepaludier, dans Métatexte et
métafiction, nous signale que :
[c]e sont tout de même les concepts de
métatextualité et de métafiction qui sont le plus
largement utilisés dans la critique contemporaine. La tradition
française optera souvent pour le terme de métatextualité
alors que l'anglo-saxonne choisira celui de métafiction
(« metafiction »). On aurait tort cependant de les
confondre [...]287(*)
Ainsi, selon L. Lepaludier :
[l]e texte de fiction sera métatextuel s'il invite
à une prise conscience critique de lui-même ou d'autres textes. La
métatextualité appelle l'attention du lecteur sur le
fonctionnement de l'artifice de la fiction, sa création, sa
réception et sa participation aux systèmes de significations de
la culture.288(*)
Plus précisément :
on conviendra d'appeler
« métafiction » tout texte de fiction comportant une
dimension métatextuelle importante [...] [. L]e concept de
métatextualité sera utilisé comme caractérisant le
phénomène élémentaire déclencheur de prise
de conscience critique du texte, il s'agit donc d'un principe fondamental,
alors que celui de métafiction se rapportera à une
caractéristique d'une texte littéraire dans son
ensemble.289(*)
La métatextualité, tout comme le rappelle
Laurent Lepaludier, fait partie des cinq transtextualités
dégagées par Gérard Genette dans Palimpsestes qui
sont, rappelons-les : l'intertextualité, « relation de
coprésence entre deux ou plusieurs textes »290(*), le paratexte
« qui procur[e] au texte un entourage (variable) et parfois un
commentaire, officiel ou officieux, dont le lecteur le plus puriste et le moins
porté à l'érudition externe ne peut pas toujours disposer
aussi facilement qu'il le voudrait et le prétendre »291(*), la
métatextualité, qui « est la relation, on dit plus
couramment de « commentaire », qui unit un texte à
un autre texte dont il parle, sans nécessairement le citer (le
convoquer), voire, à la limite, sans le nommer [...] C'est, par
excellence, la relation critique »292(*), l'hypertextualité, qui représente
« toute relation unissant un texte B ([...] hypertexte)
à un texte antérieur A ([...] hypotexte) sur lequel il
se greffe d'une manière qui n'est pas celle du
commentaire »293(*), puis l'architextualité, « relation
tout à fait muette, que n'articule, au plus, qu'une mention
paratextuelle [...], de pure appartenance taxinomique. »294(*)
La dimensión desconocida offre au lecteur un
système hypertextuel complexe. À l'aune des
éléments théoriques que nous avons évoqués
antérieurement, nous relevons dans l'oeuvre de Nona Fernández la
mobilisation de procédés métatextuels linguistiques,
narratifs et cognitifs, qui interfèrent dans la relation hypertextuelle
entre l'hypotexte, constitué par le témoignage de El
Papudo, et l'hypertexte, constitué par l'oeuvre de Nona
Fernández. La présence de ces procédés est d'ores
et déjà visible dès l'incipit, tout comme l'atteste
l'extrait ci-dessous :
Lo imagino caminando por una calle del
centro. Un hombre alto, delgado, de pelo negro, con unos bigotes gruesos y
oscuros. En su mano izquierda trae una revista doblada. La aprieta con fuerza,
parece afirmarse de ella mientras avanza. Lo imagino apurado,
fumando un cigarrillo, mirando de un lado a otro nervioso, cerciorándose
de que nadie lo sigue. Es el mes de agosto de 1984. Lo imagino entrando a un
edificio en la calle Huérfanos al llegar a la Bandera. Se trata de las
oficinas de redacción de la revista Cauce, pero eso no lo
imagino, eso lo leí. La recepcionista del lugar lo reconoce. No
es la primera vez que él llega a hacer la misma petición:
necesita hablar con la periodista que ha escrito el artículo que
está en la revista que trae. Me cuesta imaginar a la mujer de la
recepción. No logro configurar un rostro claro para ella, ni
siquiera la expresión con la que mira a este hombre nervioso, pero
sé que desconfía de él y de su urgencia. Imagino
que intenta disuadirlo, que le dice que la persona que busca no
está, que no vendrá en todo el día, que no insista, que se
vaya, que no vuelva, y también imagino, porque eso es
lo que me toca en esta historia, que la escena es interrumpida por una voz
femenina que, si cierro los ojos, también puedo imaginar
mientras escribo.295(*)
Au sein de la métatextualité -qui peut
être implicite ou explicite-, Laurent Lepaludier, reprenant à son
tour Linda Hutcheon, relève les procédés linguistiques,
mais également l'association auxdits procédés de processus
cognitifs. Ainsi, dans son « essai de typologie »296(*), il distingue « un
[premier] procédé métatextuel de type explicite qui repose
sur la dénotation par le concept »297(*), « la logique
hyperonymique », « processus cognitif qui consiste en un
rapprochement entre un élément et une catégorie qui le
contient, et qui se situe donc sémantiquement à un degré
supérieur de généralisation »298(*),
« l'analogie : proportion, ressemblance,
transgression », « procédé textuellement
identifiable [...] qui opère dans les procédés tels que la
métaphore, la comparaison ou
l'intertextualité »299(*), la « distanciation par
l'extrapolation », « qui [par le processus de mise en
abyme] met en parallèle les instances narratives »300(*), la
« distanciation par la questionnement », qui regroupe deux
procédés « la mise en relief du signifiant et la
déstabilisation des catégories conventionnelles [de la
fiction] »301(*), puis enfin la « distanciation par
l'excès », « liée à [la question] du
dicible et des conventions du vraisemblable. »302(*)
Pour revenir à notre incipit, nous remarquons le
recours au procédé métatextuel de la
« distanciation par le questionnement » et, plus
spécifiquement, d'une « mise en relief du
signifiant », qui met à son tour l'accent sur l'acte de
narration, d'imagination, dévoilant sans ambages le jeu entre fiction et
vérité, le caractère purement illusoire de la
reconstruction du moment où El Papudo arrive au siège de le revue
Cauce pour y livrer son témoignage. Ainsi, cette
« mise en relief du signifiant » tend à une
« déstabilisation des catégories conventionnelles de la
fiction ». À cela, nous nous devons d'ajouter
l'écriture en acte, procédé métatextuel narratif et
cognitif, qui confère à l'oeuvre de Nona Fernández une
indéniable dimension spéculaire.
La combinaison entre la dimension métafictive et la
trace testimoniale fait de l'oeuvre de Nona Fernández ce que Linda
Hutcheon nomme dans Poética do pós-modernismo, ouvrage
dans lequel elle se propose de démontrer que « le
post-modernisme est un phénomène contradictoire, qui utilise et
abuse, instaure puis subvertit les concepts qu'il
défie »303(*) -phénomène que nous observons dans
La dimensión desconocida de Nona Fernández-, une
« métafiction historiographique »304(*).
b) Une métafiction historiographique
Pour Linda Hutcheon :
La fiction [...] a pour coutume d'incorporer et d'assimiler
ces données [historiques] afin de conférer une sensation de
vraisemblance [...] au monde fictionnel. La métafiction
historiographique incorpore ces données, mais elle ne les assimile que
très rarement.305(*)
La dimensión desconocida est en ce sens
illustrative. En effet, l'oeuvre de Nona Fernández incorpore en son sein
les données du témoignage de El Papudo, mais ne les assimile pas
à une intrigue fictionnelle. Les éléments du
témoignage sont réinvestis par l'imagination de l'autrice :
El compañero Yuri tenía mucha sed a causa de la
corriente que le habían aplicado en la pieza de las torturas. El
hombre que torturaba dice que el compañero Yuri pidió
agua y que uno de los centinelas dejó correr la llave de la ducha para
que el compañero Yuri bebiera. El hombre que torturaba dice
que el centinela cerró la llave, pero que el compañero
Yuri siguió quejándose de sed. Débil, como estaba,
ocupó sus escasas fuerzas en abrir nuevamente la llave de agua, pero no
logró beber, ni tampoco volver a cerrarla. El hombre que
torturaba dice que el agua corrió la noche entera sobre el
cuerpo del compañero Yuri. El hombre que torturaba dice
que al día siguiente el compañero Yuri amaneció
muerto de una bronconeumonía fulminante. [...]306(*)
Imaginoal
compañero Yuri inmovilizado en ese baño. Las pocas
energías que tiene las ocupa para beber del agua que cae por su cuerpo
desnudo.307(*)
Ce fragment, qui trouve son écho dans le
témoignage du bourreau308(*), révèle la dimension
métatextuelle, de citation, qu'il existe entre l'oeuvre de Nona
Fernández et le témoignage de El Papudo et renforcée dans
l'exemple que nous reproduisons ci-dessus par la présence de la
complétive conjonctive « El hombre que torturaba dice
que... ».Remarquons une nouvelle fois la « mise en relief
du signifiant » (« Imaginoal
compañero Yuri inmovilizado en ese baño. »)qui met en avant
la volonté de l'autrice de ne pas tromper, de ne pas manipuler le
lecteur, mais, bien au contraire, d'éveiller sa conscience critique, en
l'invitant à questionner ouvertement les relations entre Histoire et
fiction.
La dimensión desconocida invite le lecteur
à développer, à éveiller son esprit critique,
à sortir de cette « nuit »309(*) dont Michel Butor parle,
sortie nécessaire pour pouvoir être apte à remettre en
question tout type de discours susceptible de lui être imposé.
Dans le cas précis de l'oeuvre de Nona Fernández, le combat sera
mené contre le discours historiographique imposé et construit
depuis la dictature en pratiquant « el arte de hacernos ver
sólo una pelota de fútbol »310(*), nom par lequel l'autrice se
réfère à l'art manipulatoire et qui trouve son origine
dans un programme télévisé, Juegos de la
mente.C'est ainsi que l'autrice narre son expérience :
En el televisor vemos cuatro pequeñas pelotas de
fútbol. Cada una se encuentra ubicada en una de las esquinas de la
pantalla. El animador nos pide que elijamos una y que nos concentremos en ella.
Yo elijo la de la esquina superior izquierda. Luego sigo la instrucción
y me concentro. No miro las otras tres, tal como se me ha ordenado, sólo
miro mi pequeña pelota de la esquina superior izquierda. Mientras lo
hago escucho la voz del animador que va describiendo justamente lo que
está pasando frente a mis ojos en este momento: las otras tres pelotas
comienzan a desaparecer de la pantalla. De un momento a otro sólo veo la
pelota que elegí. Lo curioso es que cuando me dan la instrucción
para que vuelva a ampliar la mirada al resto de la pantalla, me doy cuenta de
que las otras tres pelotas siempre estuvieron ahí. Mis ojos las vieron,
pero cuando me concentré sólo en una, mi cerebro dejó de
interpretar a las demás. Las invisibilizó.311(*)
Les commentaires métatextuels couvriront ainsi une
fonction didactique à l'égard du lecteur. Les frontières
entre le monde représenté et l'univers du lecteur explosent,
donnant lieu à une « fusion d'horizons », et
attestent de la dimension métaleptique de la lecture312(*) :
Si el lector hubiera puesto real atención a los datos
objetivos planteados en todo este libro, habría asumido la presencia de
M. Una presencia lateral, quizá fantasmal, pero una presencia al fin y
al cabo. Incluso ha sido mencionado en un capítulo como el padre del
hijo de la narradora, pero alguien ha pensado en él mientras llegamos a
esta parte de la lectura? Estoy segura de que no. Nadie lo ha imaginado con
propiedad. El truco ha sido no enfocar la atención en M. Hasta ahora,
que doy la instrucción para dejar de mirar la esquina superior izquierda
y ver la pantalla completa.313(*)
Ce fragment, qui prend le lecteur au dépourvu, lui
dévoile que la dimension métafictionnelle participe à cet
éveil de la conscience critique, contribue à lutter contre la vue
courte des choses, car elle permet au lecteur de se rendre compte des
défaillances que peut contenir sa lecture. De cette manière, Nona
Fernández invite le lecteur à travailler sa conscience critique
afin de mener une lecture plus englobantes des discours qu'on peut être
susceptible de lui imposer.
Les procédés métatextuels vont toutefois
de pair avec l'écriture parodique critique.
c) L'écriture parodique
La parodie, stratégie purement post-moderniste:
[semble être] une modalité
privilégiée de l'autoréflexivité formelle du
post-modernisme car l'incorporation paradoxale du passé dans ses
structures mène le plus souvent vers ces contextes idéologiques
de manière un peu plus évidente, plus didactique, que d'autres
formes. La parodie semble offrir, par rapport au présent et au
passé, une perspective qui permet à l'artiste de parler
pour un discours tout en étant dans ce discours, mais
sans être récupéré par celui-ci.314(*)
Le recours à la voie parodique dans le cas de La
dimensión desconocida s'inscrit dans cette volonté
éternelle de réincorporer la voix des subalternes au sein du
grand récit officiel et, par voie de conséquence, continuer
à exiger que justice soit rendue. De cette manière :
L' « excentrique » [...] revient sur
le devant de la scène. Ce qui est
« différent » est valorisé par opposition
à la « non-identité » élitiste et
aliénée mais aussi l'impulsion uniformisante de la culture de
masse. [...] La parodie intertextuelle des classiques canoniques
américains ou européens est l'une des formes d'appropriation de
la culture dominante blanche, masculine, de la classe moyenne,
hétérosexuelle et eurocentrique, pour la reformuler -avec des
changements significatifs. Elle ne rejette pas cette culture, car elle ne peut
pas le faire. Le post-modernisme montre sa dépendance à travers
l'usage du canon, tout en révélant sa rébellion en abusant
dudit canon.315(*)
Au demeurant, nous noterons que la parodie, cette impulsion
excentrique, répond à une volonté de renouvellement des
formes de réécriture historique, et vise à redynamiser le
système littéraire et idéologique. Ainsi le discours
parodique dévoile que :
[...] la structure est désormais épuisée
[...] et il est nécessaire de la vider pour lui injecter un nouveau
dynamisme avec quelque chose de nouveau. Car lorsqu'un système
idéologique et littéraire est saturé, il a besoin d'un
évidement pour générer une nouvelle remise en question. Le
parodiste démythifie tout le système sur lequel les mythes
reposent, il questionne l'idéologie, sans apporter de réponses,
mais en faisant réfléchir le lecteur.316(*)
Dans La dimensión desconocida, Nona
Fernández relit, réécrit le témoignage de El
Papudo en empruntant les voies de la parodie intertextuelle critique. Pour
ce faire Nona Fernández, tout comme nous l'avons mentionné
auparavant, optera pour le même schéma narratif que la
célèbre série fantastique nord-américaine The
Twilight Zone de Rod Serling datant de 1959 :

Le blanc typographique suivant l'ouverture de la porte de la
quatrième dimension instaure une tension chez le lecteur, c'est un
moment de suspense que lui offre cette coupure textuelle avant de lui montrer
la réalité difficilement croyable cachée derrière
cette porte que les discours institutionnels ont silencieusement
refermée. Nona Fernández recycle, s'approprie, la forme d'un
« classique canonique américain », de « la
culture dominante blanche, masculine, de la classe moyenne,
hétérosexuelle » et la
« reformule », la retournant contre ladite culture
hégémonique excluante, manipulatrice, démythifiant le
système qui légitime leur mainmise sur le pouvoir et donc, les
grands discours générés au lendemain de la dictature au
Chili. Néanmoins, cette démythification se fait au profit de ce
regain de vitalité du système littéraire, nous prouvant
encore une fois le caractère protéique du roman.
C'est donc en faisant converger au sein de l'espace romanesque
dénudé la relecture du témoignage et en ayant recours au
didactisme critique par l'écriture métafictionnelle et parodique
que Nona Fernández tisse une critique admirable du discours
historiographique de la « Transition » chilienne tout en
rappelant que la littérature a encore un rôle à jouer au
sein de nos sociétés fragmentées.
La resta et La dimensión desconocida
sont ainsi donc deux oeuvres réflexives, hors cadre, qui
« port[ent] en [elles] la multiformité infinie des
résistances dialogiques »317(*), « se donn[ant] pour limite l'infini du
jeu »318(*).
Ainsi, « se maintient l'aspect inépuisable d'une oeuvre
indéterminée : [leur] forme reste en expansion, par
définition inaccomplie. »319(*). Nous l'avons vu, ces oeuvres de l'écart,
sollicitent très souvent le regard du lecteur pour une restitution du
passé présent dans toute sa sensibilité. C'est ainsi que
nous allons désormais nous intéresser plus
précisément à la pensée sensible du reste que
tissent nos deux oeuvres.
III) DESEXPÉRIENCES SENSIBLES
DEL'« EXFORME »320(*)
La palabra es silencio y sonido articulado
Luz y sombra organizada
Cruza y combina formas de energía
Permite ver el sonido y oír la imagen
Aire o aliento modulado
Construye y destruye a la vez
Doble naturaleza o ambigüedad esencial
que es fuente del preguntar
La palabra crea el ser y es creada por él
en un misterio del que sólo tenemos las
claves
para hacerlo crecer 321(*)
Cecilia Vicuña
1) Prendre soin d'autrui par l'écriture
a) Art et éthique
La controverse entre l'art et l'éthique n'est pas un
sujet nouveau, et a longtemps déchiré la pensée
philosophique en quatre tendances qui sont : le « scepticisme
esthétique »322(*), qui « conteste la pertinence du fait de
parler des oeuvres d'art en termes moraux »323(*), le « scepticisme
moral »324(*),
« hérité de Platon, [qui] insiste sur
l'immoralité des oeuvres d'art »325(*),
l' « optimisme moral »326(*), qui
« considère a contrarioque les oeuvres d'art ont une
valeur morale positive »327(*) et l' « optimisme
disjonctif »328(*). Nous nous inscrivons dans le sillage de
pensée de Sandrine Darsel qui, dans son travail « Imagination
narrative, émotion et éthique », défend une
thèse performative de l'éthique dans les oeuvres d'art,
considérant l'expérience esthétique comme une performance
morale. Dans le cadre de nos deux oeuvres, l'oeuvre d'art peut prendre part au
sein de l'éducation morale du lecteur, du spectateur, par les sentiments
moraux, les réactions affectives morales qu'elles suscitent tels que
l'empathie. Ainsi, tel que nous le montrerons tout au long de cette ultime
partie :
[i]l ne s'agit pas de penser que, de concevoir
que [...], mais de penser en, c'est-à-dire en
mobilisant ses capacités perceptives, imaginatives et
émotionnelles :
- penser en ressentant la douleur de tel x ;
- penser en regardant ce x ;
- penser en imaginant ce que cela ferait d'être ce
x ;
- penser en écoutant l'histoire de
x.329(*)
De cette manière, l'art narratif, en faisant vivre au
lecteur une expérience esthétique dusublime-abject suscitant des
émotions démocratiques, vise à prendre soin de l'Autre et
de son histoire : c'est l'éthique du soin.
b) L'éthique du soin
La resta et La dimensión desconocida
sont deux poéthiquesdémocratiques, attentives, où art et
éthique du soin se donnent la main, allant à contre-courant de la
doctrine, L'Art pour l'art, développée par
Théophile Gautier. L'éthique du soin, qui surgit en 1982 aux
États-Unis dans les travaux de Carol Gilligan330(*), est la
« capacité à prendre soin
d'autrui »331(*) et, plus précisément, est
« une activité générique qui comprend tout ce
que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre
« monde », de sorte que nous puissions y vivre aussi bien
que possible »332(*).
Les travaux sur l'éthique du soin continueront à
apparaitre au cours des années postérieures. Parmi ces travaux,
nous nous devons de relever le travail du philosophe éminent Paul
Ricoeur qui développa dans Soi-même comme un autreune
philosophie de l'éthique de la « sollicitude »,
pensée qui se recoupe avec la pensée développée par
Carol Gilligan. Dans le domaine littéraire, la théorie morale du
soin se définit selon :
- un matériau thématique privilégiant les
subalternes et les êtres privés de parole : à la
différence de la préoccupation traditionnelle du roman pour les
« minuscules » ou les pauvres, c'est une
infériorité communicationnelle à laquelle s'attaque
l'écrivain : suggérant la reconnaissance d'une autonomie au
sein de la dépendance, la théorie du care consonne
d'autant mieux avec la littérature qu'elle est une théorie morale
asymétrique, qui ne suppose pas l'échange complet des positions
ni la ressemblance absolue, mais une modification de l'attention dirigée
vers de nouvelles questions et de nouveaux sujets ;
- le déplacement de l'intensité
émotionnelle de la situation en elle-même à la relation du
narrateur envers son sujet : c'est non la représentation du pathos,
mais la représentation de l'empathie comme processus qui est
visée par le romancier, au double objectif d'éviter la saturation
émotionnelle et d'introduire de la réflexivité critique
dans l'empathie ;
- la déflation du roman en récit : c'est
l'ordinaire de la détresse et non l'extraordinaire qui est visé,
même dans la peinture de la catastrophe, ce qui conduit le récit
à un art délibérément pauvre et antiromanesque, ou,
du moins, à dénuder ses procédés par une forme de
culpabilité liée à la parole littéraire ;
- l'absence de discours moral abstrait : le discours ou
un métadiscours de l'écrivain ne propose pas l'universalisation
du cas par l'exemplarité ou la théorisation, mais l'activation
d'une identification à portée restreinte. De ce point de vue, les
romanciers contemporains proposent non une idéologie, mais plutôt
une micropolitique du sensible, exigence qui n'est pas assimilable à un
projet prédéterminé, mais s'exerce de manière
conjoncturelle et situationnelle. Au contraire, « il arrive
fréquemment que la compréhension morale soit transmise sans que
l'on ait recours à des jugements moraux.333(*)
Pour Paul Ricoeur, « [l]a souffrance n'est pas
uniquement définie par la douleur physique, ni même par la douleur
mentale, mais par la diminution, voire la destruction de la capacité
d'agir, du pouvoir-faire, ressenties comme une atteinte à
l'intégrité du soi. »334(*) L'espace précaire de l'écriture de nos
deux autrices est en ce sens « l'épreuve suprême de la
sollicitude »335(*), « l'inégalité de puissance
[...] [est] compensée par une authentique réciprocité dans
l'échange »336(*). La charge empathique narrative et esthétique
introduite dans la texture sera au fondement de l'échange
émotionnel entre le lecteur et l'Autre mémoriel privé de
sa capacité d'agir, privé d'espace de représentation.
2) Des
« écritures-vision »
a) La voix plastique de Felipe
Souvenons-nous, pour Horace : « ut pictura
poesis ». Cependant, il ne faut oublier que « les signes
employés dans l'imitation de la peinture et par la poésie sont de
nature différente, l'une se servant de figures et de couleurs dans
l'espace, et l'autre de sons articulés dans le
temps. »337(*)
De plus, si « les corps et leurs propriétés visibles
seront [...] le domaine propre de la peinture »338(*), les actions, quant à
elles, seront le domaine de la poésie339(*). Si, tout comme l'affirme Lessing, « [l]a
peinture [...] ne peut saisir qu'un seul instant de
l'action »340(*) et que « la poésie [...] ne peut
saisir qu'une seule propriété des corps »341(*), peinture et poésie
forment un couple indissoluble, notamment dans La resta. Cette
affirmation est renforcée si nous pensons avec Lessing une nouvelle fois
que :
Les corps n'existent pas seulement dans l'espace ; ils
existent aussi dans le temps. Ils ont de la durée, et chaque instant de
leur durée peut nous les montrer sous une apparence différente et
dans un rapport différent. Chacune de ces apparences, chacun de ces
rapports momentanés est l'effet d'une action antécédente,
peut devenir la cause d'une action subséquente, et par conséquent
nous présente une sorte de centre d'actions. La peinture peut donc aussi
imiter les actions, mais seulement d'une manière indicative et par le
moyen des corps.
D'un autre côté, les actions ne peuvent exister
par elles-mêmes ; il faut qu'elles soient produites par certains
êtres agissants. Ainsi, pour autant que ces êtres sont de corps ou
peuvent être regardés comme tels, la poésie peint aussi les
corps, mais seulement d'une manière indicative et par le moyen des
actions342(*)
Dans La resta, la frontière entre peinture et
poésie est dissoute, donnant lieu à une authentique
« dépiction »343(*) qui suscite chez le lecteur des mouvements
d'oscillation infinie entre lisibilité et visibilité344(*). L'impression chez le
lecteur d'être face à une véritable « peinture
[mentale] parlante »345(*) provient de la dimension hypotyposique de la voix de
Felipe. La voix de Felipe devient un interstice où convergent
l'ekphrasis et la simple description d'actions. L'hypotypose acquiert cependant
un rôle critique. Effectivement, Felipe (phantaston), être
délirant dont la voix « peint les choses d'une manière
si vive et si énergique qu'[il] les met en quelque sorte sous les yeux,
et fait [du] récit [...] une scène vivante »346(*), mobilise la force critique
de la phantasia, afin d'introjecter des
« exformes », résidus abjects du passé
violent traumatique dans l'univers extratextuel :
Saltaditos: un domingo sí y el otro no, así
empezaron mis muertos, sin ninguna disciplina, fin de semana por medio y otras
veces dos seguidos, sorprendiéndome sin falta en los lugares más
extraños: tumbados en los paraderos, en las cunetas, en los parques,
colgando de los puentes y de los semáforos, flotando rapidito Mapocho
abajo, en cada rincón de Santiago aparecían los cuerpos
dominicales, cadáveres semanales o quincenales que yo sumaba
metódico y ordenado, y la cifra crecía como crece la espuma, la
rabia, la lava, subía y subía aunque justamente sumar fuese el
problema, porque no tenía sentido subir si todos saben que los muertos
caen, culpan, tiran, como este muerto que encontré tirado en la vereda
justo hoy día, un muerto solitario esperando muy tranquilo que yo
llegara, y de casualidad nomás yo iba paseando por Bustamante, buscando
algún sucucho donde tomarme unas cervezas para capear tanto calor, este
calor pegajoso que derrite hasta los cálculos más fríos,
en eso estoy, desesperado por un tugurio para refrescarme, cuando veo en la
esquina con Rancagua a uno de mis muertos revoltosos, todavía solo y
tibio, todavía indeciso entre quedarse a un lado o lanzarse al otro,
ahí me esperaba vestido con la ropa equivocada, abrigadito con gorro y
chaleco de lana, como si la muerte habitara el invierno y él tuviese que
visitarla preparado, en una esquina yacía mi muerto con su cabeza
caída hacia delante, yo me acerco [...]347(*)
Dans cet incipit, où le « duelo »
laisse son empreinte acoustique dans des vocables tels que
« muertos » ; « puentes » ;
« cuerpos », la voix de Felipe déconstruit la
réalité diégétique en la fragmentant.
L'organisation syncopée de la
« matière-émotion » caractéristique de
l'hypotypose descriptive tout comme le note Yves Le Bozec, impacte la
représentation mentale que le lecteur se fait de l'espace
diégétique. Dans sa volonté de faire parler les traces que
renferment les lieux, la voix de Felipe, qui opère par
« introjections pulsionnelles »348(*) de morts-vivants au sein de
l'espace-corps diégétique, génère une
« idée-sentiment »349(*), nous livrant la représentation d'un espace
en décomposition, déchiré. Ainsi, «los
paraderos», «las cunetas», «los parques», «los
puentes», «los semáforos», «el río Mapocho
ensangrentado»350(*), ese río que «nadie se quiere tomar en
serio [...], nadie excepto él»351(*), se voient secoués, exprimés par la
voix conjuguée à l'imagination.
Felipe, qui parle « une
langue-peinture »352(*), invite personnellement le lecteur à une
réarticulation des sons, des codes verbaux, en vue d'une
représentation visuelle, plastique, dynamique : c'est la
« lecture-vision »353(*). En ce sens, la combinatoire des codes visuels
(déictiques, adverbes de lieu) et l'emploi du présent de
narration permettent de conférer à la texture une dimension
picturale. C'est ainsi que dans notre incipit, la voix expositive, indicative,
de Felipe met en texte les images qu'il perçoit et situe, décrit
au lecteur-spectateur, comme s'il était face à un authentique
tableau, la posture dans laquelle se trouvent ces morts-vivants, la place
qu'ils occupent sur la toile («Mapocho abajo»; «en cada
rincón de Santiago»; «este muerto que encontré tirado
en la vereda justo hoy día»; «en la esquina con
Rancagua»). En s'alimentant de la force de la matière
critico-poétique hallucinatoire, l'hypotypose descriptive couvre une
fonction argumentaire et déconstructiviste. De cette manière,
Felipe tend, en peignant dans l'espace-corps ces présences
mortifères -symboles de la violence cachée-, à
présentifier des traces résiduelles de la violence politique.
Cadavres «tumbados en los paraderos, en las cunetas, en
los parques, colgando de los puentes y de los semáforos, flotando
rapidito Mapocho abajo, en cada rincón de Santiago» puis, un peu
plus loin l'apparition «[de] uno de [sus] muertos revoltosos,
todavía solo y tibio, todavía indeciso entre quedarse a un lado o
lanzarse al otro [...] vestido con la ropa equivocada, abrigadito con gorro y
chaleco de lana» constituent des traces rebelles d'une mémoire
collective subreptice, qui déchirent l'illusion
référentielle s'instaurant depuis les toutes premières
lignes de l'incipit.
Si dans l'incipit, la voix plastique de Felipe fait usage du
présent de narration, qui donne au lecteur une impression
d'immédiateté, in medias res, nous pouvons
évoquer un second exemple dans lequel la voix de Felipe mobilise le
présent d'énonciation au service d'une hypotypose surprenante qui
vivifie la pensée critique en acte de Felipe :
voy tranquilito paseando por Yungay, tambaleándome por
tanto calor, cuando veo sentado en la cuneta a un tipo encogido como
contorsionista, la cabeza caída entre las rodillas, el cuello torcido, y
claro, con esa pinta cualquiera asumiría que es un borracho, los restos
del carrete del fin de semana u otro que ya no pudo con el calor de mierda
santiaguino, pero no, es un muerto; y después es cosa de subirse a la
micro y fijarse en que ese sentadito atrás, el que aplasta el cachete
contra el vidrio, no está dejando precisamente su aliento en la ventana,
no, ese también es un muerto; y luego basta aguzar la mirada, tener ojo
de lince, ojo de res, ojo de buey para verlos en todas partes, es cosa de
bajarse de la micro, dilatar cada uno de los ojos de la piel y cachar que el
que espera en el paradero seguro-seguro llega tarde, ese también
estiró la pata, porque así llegan, sin aviso y sin fanfarria, y
yo anoto en mi cuaderno como en el conteo de votos de las elecciones: de cinco
en cinco los voy restando, desde el primero en adelante, ese que
apareció entrada la noche, conmigo vagando distraído por la Plaza
de Armas, viendo a los guarenes comerse los restos del maní confitado,
en eso andaba yo, tomando aire de preemergencia, oliendo las flores negras en
la noche negra, intentando ventilarme las ideas del día, cuando de
repente veo una cosa rara en medio de la plaza, ahí donde había
una horca [...] en ese lugar veo algo inusual y me acerco, sí, y por un
momento creo que es un quiltro durmiendo la siesta y camino cauteloso para
saludarlo, pero cuando estoy a su lado me doy cuenta de que es otra cosa, es un
hombre o una mujer, o a lo mejor es un hombre y una mujer al mismo tiempo, eso
pienso, y veo que el pobre está tumbado de espaldas como solo se
estiraría un muerto: dislocado, acartonado, calladito el altísimo
muerto con un pañuelo rojo en su cabeza, una pollera gruesa y
cuadriculada, unos calcetines con rombos y sus chancletas de hule verde agua,
ahí estaba con su cara ancha pero sin cara [...]354(*)
Dans cette seconde scène où
simultanéité narrative et simultanéité picturale,
où lisibilité et visibilité s'entrecroisent, Felipe
emmène le lecteur dans un cadre référentiel
identifiable : entre la place Yungay et la Plaza de Armas de Santiago, le
centre historique, pour lui offrir une seconde peinture vive de sa perception
subjective et critique. Cependant, le lecteur aperçoit une nouvelle fois
très vite de l'effritement de l'illusion référentielle,
car aussitôt dévoilé, de nouvelles présences
spectrales apparaissent sur la toile et prennent d'assaut la capitale chilienne
et, plus précisément, «en la cuneta», «en el
paradero», «en medio de la plaza», «ahí donde
había una horca». L'écriture spéculaire, sur laquelle
l'hypotypose descriptive prend appui et qui se manifeste dans ce fragment
pictographique à travers la présence de verbes performatifs
(«voy tranquilito paseando por Yungay [...] cuando veo [...] cuando de
repente veo [...] y me acerco [...] pero cuando estoy a su lado me doy cuenta
de que es otra cosa...»), tisse une relation basée sur la
complicité entre Felipe et le lecteur-spectateur, dont les
déchiffrements imaginatifs du réel peignent peu à peu
simultanément un tableau éclaboussé par les traces de
violence («veo [...] a un tipo encogido como contorsionista, la cabeza
caída entre las rodillas , el cuello torcido [...] veo una cosa rara en
medio de la plaza [...] tumbada como solo se estiraría un muerto:
dislocado, acartonado [...] con su cara ancha pero sin cara [...]»), qui
se déchire en deux: entre la sphère officielleet la sphère
inofficielle, ce qui est représentable et irreprésentable.
Parfois cependant, l'image fixe deviendra mobile. En ce sens,
il est intéressant de se pencher sur le dialogue entre la parole
littéraire et le langage cinématographique que nous retrouvons
dans nos deux oeuvres.
b) «Cinécrire»355(*) la trace
« Le film dramatise l'espace du regard afin de le
rendre perceptible. Espace du regard, espace mental, je les crois analogues et
les renvoie l'un à l'autre. Leur texture est invisible, comme l'air dans
la vue »356(*)
nous dit Bernard Noël.Cette affirmation prend d'autant plus de sens si
nous pensons à nos deux oeuvres au sein desquelles
l' « espace du regard » et l' « espace
mental » agissent en connivence pour générer un
authentique film mental, mettant le corps du lecteur à
l'épreuve car n'oublions pas que:
sur l'écran de cinéma, sont projetéesdes
formes et des figures, mais elles sont reçues, par le corps
« tout percevant » du spectateur, comme une
énonciation qui transforme son environnement immédiat et son
champ de présence sensorielle en un univers de fiction ambiant et
enveloppant, au sein duquel les inscriptions de surface sont converties en
animation d'une chair imaginaire. De même, sur la page du poème,
sont inscrites des formes écrites, mais elles sont transformées
au moment de la lecture, par le corps du lecteur, en un univers poétique
qui est à la fois « derrière » la page et
« enveloppé » dans les limites de son propre
corps : le débrayage par projection et inversion est ici clairement
à l'oeuvre.357(*)
La vue, le regard, jouent un rôle médiateur
clé dans le processus de « conversion de manifestations
extéroceptives en vécus
intéroceptifs »358(*):
y entonces escucho con
atención y no tengo dudas, una voz raja una garganta y dice:
tenís pucho, pendejo?, y yo me asusto, retrocedo porque es solo una voz,
porque no se ven los cuerpos en el fondo de esta noche, y aunque no tengo miedo
le digo que sí, pero no lo dice mi voz, lo dice mi cabeza
moviéndose de arriba abajo y entonces saco el pucho de mi bolsillo y
miro al oriente y compruebo que no se ve la cordillera, no se ven los cuerpos,
no, solo unos nubarrones bajos y blancos, unas nubes de cemento, de
mármol, de huesos[...]359(*)y es que a mí el
Mapocho me distrae, me hipnotiza, me lleva lejos, me lleva a ver a un costadito
del río un tambor, un tacho de basura con un fuego que se sumerge al
fondo del río, y pienso que alrededor deben estar los pendejos, los
esqueletos bailando a la orilla de esta caleta inexistente360(*) [...] y el fuego a un
costado del río aparece y desaparece y su voz se aleja y se acerca y el
puente deja de vibrar y se queda ahí, paralizado361(*)
El abogado vigila. Todo parece
normal en la calle. Nadie en el barrio imagina lo que está ocurriendo al
interior de la camioneta. Una mujer pasea con un coche a un niño
pequeño. Dos abuelas avanzan con calma por el frontis de la iglesia. Le
sonríen al toparse con su mirada.If
there's something strange/ in your neighborhood/ who you gonna call?
Ghostbusters!, sigue la radio.
Un furgón de Carabineros aparece en el sector.
Avanza lentamente y se detiene a observar al vehículo
de la Librería Manantial.
El abogado toma rápidamente una guía de despacho
y desvía la mirada de los carabineros que pasan a su lado. Canturrea la
canción de la radio mientras aparenta trabajar y con un lápiz
marca quién sabe qué en una lista de entregas imaginarias.
Los pacos, avisa con disimulo.362(*)
Atrás el hombre que torturaba suda por el calor de
diciembre y por los nervios. Su huella digital no se imprime en el formulario.
La tinta se resbala de sus húmedos dedos y al tocar el papel sólo
deja manchas, líneas borrosas de una identidad desenfocada. Lo intentan
una vez más. Dos, tres, cuatro veces, pero no resulta. La angustia se
apodera del furgón. Por un breve momento el hombre que torturaba imagina
que su cuerpo se está disolviendo. Que su rostro ya no es su rostro, que
él mismo no es más que una sombra o un reflejo de lo que era o
es. Una mancha igual de negra que las que deja en cada formulario. Sus huellas
son fundamentales para cualquier documento de identidad, por falso que sea. Sin
ellas no habrá carnet para viajar al sur, hasta la frontera con
Argentina, no habrá pasaporte para salir del país. Pero los
formularios se van arrugando y desechando ante cada intento fallido. Y mientras
más formularios se pierden, más sudor, más nervios, y el
trámite se alarga y los pocos minutos se vuelven horas. El paso de los carabineros parece ejecutarse en
cámara lenta, como si el reloj de La dimensión
desconocida hiciera lo suyo y el tiempo se hubiera estancado en esa calle
y no fuera más que un paréntesis.363(*)
Entre « caméra-stylo »364(*) subjective et
« caméra-stylo » objective, dans ces deux
« spectacle[s]-en-regard »365(*), nous :
éprouv[ons] le volume extérieur de [notre]
regard comme un espace physique doublant le volume interne de [notre] corps.
Les images du monde en arrivent ainsi à former un spectacle
intériorisé. [...] le regard est à la fois l'espace d'une
translation et celui d'une activité intérieure -comme si le corps
allait jusqu'où vont les yeux [...]- [...] le regard
déchaîne un torrent spatial qui emporte ma face et mon dos. Et
tout s'accélère dans une perdition de
l'identité...366(*)
La trace cérébrale et la trace archivée,
sont à la fois des imagesmobileslues, senties, éprouvées
par les sens : ellessont « cinécrites ».
Dans la philosophie occidentale, tout comme nous le rappelle
Françoise Dastur, c'est Merleau-Ponty qui « restaur[a] le
parallélisme entre le voir et le toucher [extensible à
l'entendre] que contestait Husserl »367(*). Ainsi:
Reconnaît[-il] dans le voir et le toucher, aussi bien
d'ailleurs que dans l'entendre, car les « sens » ne sont
pas, selon une « délimitation grossière »,
des ouvertures à des aspects différents du monde, mais ils sont
par-delà leur incommunicabilité foncière, structurellement
ouverts les uns sur les autres, et les parties du monde qu'ils
révèlent sont chacune pour elle-même « partie
totale » [...]368(*)
La vue du lecteur agit de manière réflexive sur
son ouïe dans nos deux illustrations évoquées ci-dessus, tel
est le cas pour les paroles proférées par l'inconnu qui rencontre
Felipe sur le pont : « y entonces escucho con atención y
no tengo dudas, una voz raja una garganta y dice: tenís pucho,
pendejo? » ou alors pour les extraits du générique du
célèbre film Ghostbusters résonnant dans la
tête du lecteur au moment de la lecture :
« If there's something strange/ in your neighborhood/ who you
gonna call? Ghostbusters!, sigue la radio.»Le caractère
coenesthésique de la texture s'inscrit dans une volonté de
montrer, faire voir, faire sentir des images dans toute leur dimension sensible
tout comme le ferait l'art cinématographique. Cependant, il convient de
préciser que ces images, suscitées par la trace archivée
et/ou la trace cérébrale, plongent le lecteur dans le contexte
dictatorial.
Afin de vivre, sentir ces images, ces traces
cérébrales, le lecteur se doit d'abandonner, de perdre
temporairement sa propre identité, tel est le cas dans notre premier
exemple. Le lecteur s'adonne, dans La resta, à une
« feintise ludique d'actes mentaux »369(*), qui transite
nécessairement par une « substitution d'identité
narrative »370(*). De cette manière, le lecteur est en mesure
de partager l'oeil de Felipe, d'incarner son «corps-actant»371(*) et de déplier, lire
l'espace, représenté dans toute sa profondeur sensorielle
nouvellement, avec son imagination dynamique pour y faire naître des
traces du passé traumatique («y es que a mí el Mapocho me
distrae, me hipnotiza, me lleva lejos, me lleva a ver a un costadito del
río un tambor, un tacho de basura con un fuego que se sumerge al fondo
del río, y pienso que alrededor deben estar los pendejos, los esqueletos
bailando a la orilla de esta caleta inexistente [...] y el fuego a un costado
del río aparece y desaparece»).
La dimensión desconocida arbore presque le
même aspect qu'un script cinématographique. Néanmoins, ce
n'est qu'une simple impression. En effet, qui dit script
cinématographique dit film encore à porter à
l'écran. Or, ici, le film est porté sur l'écran mental du
lecteur. Dans ce passage, nous sommes au moment où El Papudo
s'apprête à quitter le Chili après avoir
révélé tout ce à quoi il avait assisté, pris
part. L'usage du présent de l'indicatif, notoire également dans
La resta, permet au lecteur d'actualiser la scène, la
séquence. Ainsi, peut-il se reproduire mentalement cette séquence
marquée par l'angoisse, la tension, transmise par les mouvements de la
« caméra-stylo ». Effectivement, après un
plan d'ensemble dévoilant un espace serein (« Todo parece normal en
la calle. Nadie en el barrio imagina lo que está ocurriendo al interior
de la camioneta. Una mujer pasea con un coche a un niño pequeño.
Dos abuelas avanzan con calma por el frontis de la iglesia. Le sonríen
al toparse con su mirada.»), le « fond au blanc »,
pourrions-nous dire pour nous référer au rôle que joue ici
le blanc typographique, introduit la présence inquiétante des
carabiniers dans le champ de la «caméra-stylo» objective
(«Un furgón de Carabineros aparece en el sector. Avanza lentamente
y se detiene a observar al vehículo de la Librería
Manantial.»). Parallèlement, et après un nouveau
« fondu au blanc », la
« caméra-stylo »s'introduit dans la camionnette pour
saisir la tension qui s'est alors emparée des voyageurs qui s'empressent
de finaliser les nouveaux papiers d'identité que El Papudo utilisera
désormais. Le « slow-motion », le ralenti,
réalisé par la « caméra-stylo », et
qui fait contrepoint avec la précipitation maladroite et angoissante du
fourgon, (« El paso de los carabineros parece ejecutarse en
cámara lenta»)contribue à intensifier la curiosité du
lecteur, à le maintenir en haleine.
La « cinécriture » de la trace
archivée et/ou cérébrale s'inscrit dans le sillage d'une
volonté de renouveler les modes représentationnels dans la
littérature. La resta et La dimensión
desconocidasont deux oeuvres qui nécessitent la coopération
d'un lecteur actif tel que nous l'avons montré jusque-là.
Cependant, ce ne sont pas que de simples films mentauxà voir, ce sont
également des « matières-émotion » qui
mettent à l'épreuve l'empathie du lecteur.
3) Le témoignage et la voix : des
« matières-émotion »
a) La parole dans La resta : un
« corps-support »
La perte de sensibilité du souvenir traumatique
collectif constitue un autre trait caractéristique de la
« démocratie » de la post-dictature chilienne
où :
todos los idiomas que sobrevivieron a la crisis han ido
reciclando sus léxicos en pasiva conformidad con el tono insensible
-desafectivizado- de los medios de masas, [que] sólo administran la
«pobreza de experiencia» (Benjamin) de una actualidad
tecnológica sin piedad ni compasión hacia la fragilidad y
precariedad de los restos de la memoria herida.372(*)
La resensibilisation du souvenir traumatique collectif par
l'écriture coïncide avec ce que Nelly Richard appelle le
« dilemme de la langue »373(*). De telle sorte que dans La resta, pour
procéder à une exhumation du corps mémoriel collectif et
resensibiliser ses parties anesthésiées, la voix
poético-lyrique du personnage fictif Felipe devient physique, se
corporise afin de :
[...] représenter, [...] restituer, par les moyens du
langage articulé ces choses, ou cette chose, que tentent
obscurément d'exprimer les cris [...] et qui semblent vouloir exprimer
les objets dans ce qu'ils ont d'apparence de vie.374(*)
La resta de Alia Trabucco permet ainsi de repenser
les liens entre le mot, l'écriture et le support, entre le sensible et
l'intelligible, entre le corps et la pensée. En ce sens, la parole
verbale retranscrite sur le support, la page, « surface de
réinscription sensible de la mémoire »375(*), génère un
discours polysensoriel et rebelle. La resta s'érige en
espace-corps où art, vie et politique fusionnent. De cette
manière, Alia Trabucco offre au lecteur un texte où il assiste,
pour reprendre Nelly Richard, à une « élimination de
toute limite différenciatrice entre le code (la médiation du
signe) et l'expérience (l'immédiateté du
réel). »376(*)
« Déborder le signe »377(*), la syntaxe, en les
incarnant, met en scène l'interaction corporelle entre le corps
lacéré, abject, des parents dont les douleurs résiduelles
se réfugient dans la voix des enfants. Ainsi :
la voix n'est pas le bruissement anonyme d'une langue qui ne
parlerait que d'elle-même. Elle émane d'un sujet incarné
dans un corps, engagé dans un monde ; elle porte la marque de sa
vie organique, intellectuelle, affective. La voix est bien matière, mais
« matière-émotion » -matière
émue, matière à émotion.378(*)
La précarité de la voix incarnée
écrite de Felipe, qui lui permet de « parler une
langue brisée »379(*) ou plutôt, une « langue de la
vengeance »380(*), permet aussi de construire une
contre-mémoire figurative et resensibilisatrice. Nous pouvons en ce sens
affirmer avec Michel Collot que « l'émotion est mise en oeuvre
et agit sur le lecteur. Elle a [cependant] changé de corps et
d'objet : elle s'incarne désormais dans la chair des mots et dans
une chose écrite»381(*) : la parole verbale écrite devient alors
« corps-support »382(*) laissant voir une chair sur laquelle les traces du
passé sont déposées.
La place accordée au lecteur au sein de la
reconstruction du sens de cette
« nécro-écriture »383(*) est primordiale.Le rapport
entre la ponctuation, trace corporelle sémiotisée de la
brutalité politique et la syntaxe corporisée est en ce sens
très illustratif :
Saltaditos : un domingo sí y el
otro no, así empezaron mis muertos,
sin ninguna disciplina, fin de semana por medio y
otras veces dos seguidos,sorprendiéndome sin falta en
los lugares más extraños: tumbados en los
paraderos, en las cunetas,en los
parques, colgando de los puentes y de los
semáforos, flotando rapidito Mapocho abajo,
en cada rincón de Santiago aparecían los cuerpos
dominicales, cadáveres semanales o quincenales que yo
sumaba metódico y ordenado, y la cifra crecía
como crece la espuma, la rabia, la
lava, subía y subía aunque justamente sumar
fuese el problema, porque no tenía sentido subir si
todos saben que los muertos caen, culpan,
tiran, como este muerto que encontré tirado en
la vereda justo hoy día, un muerto solitario esperando
muy tranquilo que yo llegara [...]384(*)
La retranscription scripturale de la « pluie
folle »385(*)
verbale, endolorie et intérieure de Felipe tend à perforer, par
le biais de la ponctuation en tant que traces sémiotiques, le
« corps-enveloppe »386(*) de la
« matière-émotion » et à trouer,
égratigner, scalper la « chair du regard »387(*) du lecteur, son
« regard se casse »388(*). Lorsque ce dernier n'a
pas affaire à la césure sauvage de la syntaxe sensori-motrice de
la part de la ponctuation ou encore à un corps syntaxique
inachevé, incomplet389(*), l'oeil du lecteur collisionne avec des corps-signes
verbaux éclatés sur la page :
«Entonces viene el cape nane nu, ene tene tu: un dedo de
Felipe, el elegido, pasa al frente.
Sa-lis-te-tú»390(*) (Iquela recordando la voz
«resucitada»391(*) de Felipe); «Felipe [...] anunció que le
tenía una sorpresa. Pero primero hagamos un trueque, gringa, tú
me das otro poco del remedio de tu vieja y yo te cuento mi
sor-pre-si-ta»392(*); «[...] mi niño, tengo que hacer cosas
importantes, dijo ella y yo repetí: im-por-tan-tes
[...] cosas que yo no entendía o cosas im-portan-tes,
claro, y mi tatita se fue, primero muchos días y al final
de-ma-sia-dos»393(*); «susurrando esas palabras para que no se me
perdieran en la cárcel, para que se mimetizaran metálicas con el
metal [...] dije pre-sun-ta-men-te-muer-to.»394(*)
La mémoire du trauma collectif est ici inscrite
graphiquement par la présence du tiret qui
«palabr[e]»395(*), stratégie très fréquente dans
la voix de Felipe consistant en «armar y desarmar/ para ver qué
tienen/ que decir [las palabras]»396(*), questionner les mots, la langue. Mais :
Questionner, c'est entrer par force. Quand la question est
pratiquée comme moyen de puissance, elle pénètre comme une
lame tranchante dans la chair du questionné. On sait ce qu'on
peut trouver, mais on veut le trouver et le toucher réellement.
On vise les organes avec la sûreté du chirurgien. Ce chirurgien
maintient sa victime en vie afin d'en savoir davantage sur son compte. C'est
une espèce particulière de chirurgien qui travaille en excitant
délibérément des douleurs locales. Il irrite certaines
parties de sa victime pour obtenir des renseignements sûrs sur les
autres.397(*)
Ces mots déchirés qui disent la souffrance,
l'arrachement, dévoilent la violence faite à la page ainsi
qu'à la langue. Ainsi, entre la voix, la langue et la page s'instaure
une relation victimaire-victime. Isabelle Klock-Fontanille nous rappelle en
évoquant A. Zali que :
L'étymologie du mot « support »
nous renvoie significativement à ce tiraillement entre la
« perte » et la construction d'une
représentation : le vocable latin supportare dont il est
issu indique en effet l'idée d' « apporter de bas en
haut », de « transporter en remontant »,
d'où celle de « soutenir », d'
« encourager », mais aussi de « subir sans
réagir », de « tolérer ».398(*)
Ainsi, la page immaculée perd sa neutralité
originaire, la langue est déchaînée, les pansements sont
arrachés et l'alcool est jeté sur les blessures. En somme, la
page et la langue « subi[ssent] sans réagir » les
trouées pulsionnelles de la voix de Felipe afin de construire une
contre-mémoire rebelle de la perte.
Éprouver la charge affective et sensorielle de la voix
de Felipe, c'est donc se déposséder de sa propre identité,
se soustraire de soi-même, se désidentifier pour se
réidentifier. La relation entre le texte et le lecteur est ainsi
« allocentrique, [car] elle implique une part de décentrement
et de communion avec une entité étrangère à soi,
demandant au lecteur d'incarner dans son corps sensible les formes du
texte. »399(*)De telle sorte que cette :
coexistence de mon corps et [de la matérialité
textuelle morcelée] [...] fait de l'expérience perceptive non pas
la construction d'un objet scientifique, mais bien l'épreuve d'une
présence corporelle, il y a entre moi et autrui une
réciprocité qui permet au sens intentionnel d'habiter
plus d'un corps et d'émigrer ainsi de l'un vers l'autre.400(*)
Le corps du lecteur est amené à
« habiter » le corps meurtri de la voix de Felipe. Pour ce
faire, la texture sensible de La restadéploie un
« champ sensoriel à enchâssements »401(*). Au contact de la texture
« [l]a vision [...] fonctionn[e] selon le mode de l'enveloppe
tactile : c'est le mode haptique, par lequel on touche la surface
et le modelé de l'objet avec le regard [...] »402(*). Ainsi, « le
regard « enveloppe, palpe, épouse [ce
corps] », il est avec [lui] comme dans un rapport d'harmonie
préétablie et selon une proximité semblable à celle
éprouvée dans la palpitation tactile « dont
après tout, celle de l'oeil est une variante
remarquable ». »403(*)
L'épreuve de la voix poético-orale
incarnée et contaminée par les résidus du passé de
Felipe instaure ainsi donc un jeu avec les limites du corps du lecteur. Le
transfert d'émotion réciproque nous montre bien que
« l'expérience de la vision est l'épreuve de
l'exténuation du sujet transcendantal, [...] [et] est la
révélation de l'universelle complicité des
êtres. »404(*)
Si dans La resta de Alia Trabucco nous parlons
d'émotion esthétique, dans La dimensión
desconocida, en revanche, nous auront tendance à parler
d'émotion narrative.
b) L'empathie lectoriale dans La dimensión
desconocida
En 2017, à propos du passé récent
traumatique chilien, qui sert de socle à son oeuvre La
dimensión desconocida, Nona Fernández affirmait pour El
País que :
Aunque no seamos culpables, somos responsables. De callar por
mantener el puesto de trabajo, de no decir `esto es un crimen'... No juzgo,
pero no quiero recordar por recordar. Este libro me llenó de pena y
traté a las víctimas con toda la delicadeza, pero no escribo para
que el lector pase un buen rato.405(*)
Loin d'offrir au lecteur « una novela
coctelera »406(*), qui offrirait une genèse plaisante où
l'Histoire collective n'apparaitrait qu'en simple toile de fond, Nona
Fernández lui offre une oeuvre qui l'immisce dans la terrible
réalité du passé traumatique.
La composante fictionnelle du témoignage est une
passerelle vers l'identification avec la souffrance de la victime, que
l'imagination de l'autrice et par la suite du lecteur représentifie.
Ainsi :
son but n'est pas de nous leurrer, d'élaborer des
semblants ou des illusions ; les leurres qu'elle élabore sont
simplement le vecteur grâce auquel elle peut atteindre sa finalité
véritable, qui est de nous amener à nous engager dans une
activité de modélisation, ou pour le dire plus simplement de nous
amener à entrer dans la fiction [du témoignage
revécu].407(*)
L'émotion est fondée sur l'identification du
lecteur avec les victimes, ces
« corps-témoin »408(*), dont le terrible sort est revécu par
l'imagination de l'autrice, constituant ainsi de véritables empreintes
de la violence politique abjecte. Cependant, il convient de rappeler que :
Le témoignage obéit aux mêmes contraintes
que l'empreinte : l'expérience marquante est absente et
potentielle, et seul l'effet du marquage est actuellement observable et
interprétable ; pour qu'il y ait témoignage, il faut donc
que l'absence actuelle de l'expérience que l'on s'apprête à
énoncer soit compensée (i) par les empreintes que la
mémoire d'un corps sensible en a conservées, et ensuite (ii) par
la capacité de restitution éthiquement légitime que cette
expérience et ses traces procurent au corps
énonçant.409(*)
C'est la charge d'empathie fictive que l'autrice injecte dans
le témoignage brut de El Papudo puis celle que le lecteur injecte
à son tour dans le texte de Nona Fernández, qui permet
l'actualisation des expériences de la perte qui parcourent La
dimensión desconocida. Cette actualisation menée tant par
l'autrice que par le lecteur permet d'intérioriser en les ressentant ces
expériences douloureuses. Mais elle ne peut être menée
à bien qu'à travers deux conditions que :
[l]'empreinte réalise [...] qui sont exploitables sous
formes de configurations thématiques et narratives : (1) une
contiguïté spatiale et/ou temporelle parfaite ou
imparfaite, avec ou sans solution de continuité, (2) et un
nécessaire basculement de l'existence [...]410(*)
Ainsi :
dans l'empreinte, rien ne disjoint les deux corps en
interaction [celui du lecteur, la « chair-cible » en
contact avec celui du « corps-témoin »], sinon un
changement de statut existentiel (potentialisé/ actualisé), et un
débrayage spatio-temporel : quand il s'agit d'un masque
funéraire, par exemple, le moule conserve une forme dont la chair a
disparu, mais que n'importe quel autre matière peut venir remplacer
[...]411(*)
Veo a Lucía sentada en la mesa del comedor del 1330.
Tiene lápiz y papel y escribe una carta de cumpleaños a su
pequeña hijita Alexandra que está en Francia al cuidado de su
abuela. La carta será microfilmada y le llegará a la niña
gracias a algún curioso operativo que no despierte sospechas ni haga
peligrar la vida de nadie. En ella, Lucía le habla de sus ganas de
abrazarla y de cantarle en vivo el cumpleaños feliz. Hace meses que
volvió a Chile y la echa mucho de menos. También le escribe sobre
lo que ocurre sobre su lejano país. Le cuenta sobre la primera protesta
nacional organizada por los trabajadores del cobre. Le dice que por la noche la
gente toca sus cacerolas en señal de descontento y hambre. Le habla
también de la televisión y de un programa que ha visto y
está segura le gustaría mucho. Lo dan los fines de semana. Cuando
Lucía lo ve se la imagina a su lado, mirando la pantalla y celebrando.
Es una serie para niños que se llama Los pitufos. Se trata de
una ciudad donde sólo viven los pitufos, que son como niños
pequeñitos que habitan en callampas y juegan felices en el bosque. Entre
ellos hay sólo una mujer que se llama Pitufina y que tiene el pelo rubio
y largo, igual como Lucía recuerda el de su hija. También hay un
papá Pitufo que los cuida, escribe vaticinando un futuro posible, pero
no tienen mamá.412(*)
Dans ce passage, l'imagination représentificatrice de
l'autrice nous fait revivre la terrible nuit du 07 septembre 1983 au cours de
laquelle Lucía Vergara Valenzuela, une des dirigeantes du MIR, perdit la
vie dans d'atroces conditions aux côtés d'autres compagnons. Des
années plus tard, postée devant la demeure que Lucía et
ses compagnons de résistance utilisaient afin de s'y réfugier et
d'y programmer des attaques contre la dictature, l'imagination de l'autrice
exprime ces lieux encore empreints de la violence politique cachée. Mais
avant de nous dévoiler son destin tragique, Nona Fernández nous
plonge dans l'intimité, triviale revisitée par l'imagination, de
Lucía, qui rédige une lettre -qui sera l'ultime- d'anniversaire
à sa fille exilée en France. Cette immersion est rendue possible
à travers l'usage du présent de l'indicatif qui permet
d'instaurer cette « contiguïté spatiale et
temporelle » dont parle Jacques Fontanille et d'expérimenter
un « basculement de l'existence ». Ainsi, par un processus
de métempsycose, le lecteur va-t-il se projeter dans le corps et
l'âme de Lucía et faire l'expérience de la douloureuse
séparation d'un être cher. Cependant, les retrouvailles avec sa
fille n'auront jamais lieu. Le recours à la référence au
dessin animé Los Pitufos, sert ici de tremplin,
d'illustration : elle augure la future disparition de Lucía, la
mère, à laquelle le lecteur assiste quelques lignes plus tard.
Textuellement, la rupture est marquée par la présence de
l'adversative suivie par la négation « pero no tienen
mamá » et le blanc typographique, projection temporelle
amenant le lecteur à découvrir le corps sans vie de Lucía,
cette mère combattante qui, quelques lignes auparavant, rédigeait
une lettre à sa fille dans laquelle elle devait sans l'ombre d'un doute
exprimer son désir ardent de la retrouver :
En este mismo bandejón central donde M y yo
permanecemos de pie mirando el frontis del 1330, el hombre que torturaba
dejó tendido el cadáver de Lucía. Si bajamos la mirada y
usamos nuestra imaginación podemos verla en medio de la noche, tirada
aquí, a nuestros pies. Su cuerpo acribillado está desnudo,
sólo lleva calzones. Así fue fotografiada por la prensa y
así salió al día siguiente en la portada de los
diarios.413(*)
Toujours en exprimant les lieux par l'imagination et en
épuisant les ressources du passé414(*), Nona Fernández
immergele lecteur dans une situation de « feintise ludique
partagée ».Ainsi le lecteur voit-ilen compagnie de l'autrice,
le corps sans vie, vulnérable, violé publiquement par les regards
masculins, de Lucía. D'autres exemples mettent à l'épreuve
l'empathie cognitive et affective du lecteur, tel est le cas de l'exemple que
nous reproduisons ci-dessous :
El hombre que torturaba dice que don Alonso Gahona, el
compañero Yuri, estuvo durante largas sesiones en esta pieza en la que
me encuentro ahora. Es el lugar destinado a las torturas. Un espacio
pequeño que alguna vez fue un lavadero. El suelo es de baldosas rojas
con líneas bancas iguales a las de mi cocina. Hay una ventana que da a
la calle, enfrentándose directamente a la de la casa que está del
otro lado. En las paredes hay un par de cartulinas pegadas con cinta adhesiva
en las que pueden verse dibujos de algunas formas de tortura. Son ilustraciones
hechas por los compañeros que sobrevivieron a esta pieza. En una puedo
leer la palabra «submarino». Junto a las letras escritas a mano, veo
el dibujo de un hombre desnudo con la cabeza dentro de un galón lleno de
agua o quizá de orina. Dos hombres lo empujan y lo mantienen así.
Por el dibujo entiendo que el ejercicio era provocar el ahogo del detenido. En
la cartulina de al lado leo «piscina con hielo». En este caso el
dibujo muestra a otro hombre desnudo y amarrado, pero dentro de una tina llena
de hielo. En el dibujo se ven muchas letras sueltas escritas alrededor del
cuerpo del hombre. No dicen nada, sólo están ahí como
marcando algo, un código secreto que no entiendo y que el
compañero director no tiene idea de lo qué se trata. En el suelo
de la pieza veo un pequeño catre de fierro que podría ser de la
cama de un niño. El compañero director me explica que
efectivamente es un catre infantil. Fue el único que pudieron conseguir
para simular el que ocupaban los torturadores para amarrar a los prisioneros y
aplicarles corriente.
El hombre que torturaba dice que al compañero Yuri le
hicieron eso. Lo amarraron a la parrilla, como le decían a esos catres
de fierro y ahí lo golpearon y le aplicaron corriente. El hombre que
torturaba dice que luego de una larga sesión lo colgaron en la ducha de
este baño que ahora el compañero director me muestra. [...]
El compañero Yuri tenía mucha sed a causa de la
corriente que le habían aplicado en la pieza de las torturas. El hombre
que torturaba dice que el compañero Yuri pidió agua y que uno de
los centinelas dejó correr la llave de la ducha para que el
compañero Yuri bebiera. El hombre que torturaba dice que el centinela
cerró la llave, pero que el compañero Yuri siguió
quejándose de sed. Débil, como estaba, ocupó sus escasas
fuerzas en abrir nuevamente la llave del agua, pero no logró beber, ni
tampoco volver a cerrarla. El hombre que torturaba dice que el agua
corrió la noche entera sobre el cuerpo del compañero Yuri. El
hombre que torturaba dice que al día siguiente el compañero Yuri
amaneció muerto de una bronconeumonía fulminante. [...]
Imagino al compañero Yuri inmovilizado en ese
baño. Las pocas energías que tiene las ocupa para beber del agua
que cae por su cuerpo desnudo. No hay ventanas, pero si cierra los ojos puede
imaginar una redonda en el techo, justo por su cansada cabeza. Imagino que el
compañero Yuri observa a través de esa ventana imaginaria. Es una
noche estrellada. El agua sigue corriendo por su cuerpo, pero todo se ve tan
hermoso y azul allá afuera, que es difícil concentrarse en otra
cosa. De pronto, en medio de ese cielo que lo acompaña, cree ver una
pequeña mancha blanca en movimiento. Al comienzo piensa que se trata de
una estrella fugaz y hasta tiene ese viejo impulso de pedir un deseo. Pero no,
rápidamente se da cuenta de que lo que ve no es una estrella, es algo
aún más fascinante.415(*)
Après avoir fait état de tous les supplices
inhumains endurés par Yuri ou de sa vraie identité : don
Alonso Gahona, l'imagination de Nona Fernández entre en jeu et
recrée le calvaire de la victime en exprimant les murs du
« Nido 20 »416(*), demeure où la torture n'y trouvait aucune
limite, tout comme l'atteste le début du fragment. L'empathie lectoriale
est une nouvelle fois mise à l'épreuve. L'écart
spatio-temporel étant réduit par l'utilisation du présent
de l'indicatif, le lecteur est une nouvelle fois immergé dans une
expérience intersubjective et perceptive de la violence
politique ; il assiste à la torture de Yuri et est amené
à prendre sa place. Ainsi, le lecteur comble le
« moule », confectionné par Nona Fernández,
à l'aide de son imagination empathique. Nous parlerons ici plus
précisément d'« empathie
reconstructive »désignant ce «partage
d'émotion »417(*)et qui a lieu entre le lecteur glacé de
terreur et la victime Yuri. De cette manière, entre Yuri et le lecteur
une « substitution d'identité physique »418(*) s'opère, revivant
l'expérience de la violence politique dans toute sa
sensibilité.
Le 30 novembre 2006, lors de sa Leçon inaugurale au
Collège de France, appelée La littérature, pour quoi
faire ?, Antoine Compagnon nous rappelait que :
La littérature doit donc être lue et
étudiée parce qu'elle offre un moyen -certains diront même
le seul- de préserver et de transmettre l'expérience des autres,
ceux qui sont éloignés de nous dans l'espace et le temps, ou qui
diffèrent de nous par les conditions de leur vie. Elle nous rend
sensibles au fait que les autres sont très divers. [...]
Son pouvoir émancipateur reste intact, qui
nous conduira parfois à vouloir renverser les idoles et changer le
monde, mais le plus souvent nous rendra simplement plus sensibles et plus
sages, soit, en un mot, meilleurs. [...]
La littérature nous apprend à mieux sentir, et
comme nos sens sont sans limites, elle ne conclut jamais, mais reste ouverte
[...]419(*)
L'émotion littéraire contenue dans la voix
disloquée poético-orale de Felipe et dans le témoignage
réinvesti par l'imagination empathique tant de l'autrice que du lecteur,
possède une valeur indéniablement éthique. Ainsi,
« [l]a vue, le toucher, [...] l'ouïe, le mouvoir, le parler nous
induisent de temps à autre à nous attarder dans les impressions
qu'ils nous causent, à les conserver ou à les
renouveler. »420(*) L'émotion littéraire se
caractérise ici par sa « tendance
infinie »421(*)et sublime422(*)dans la mesure où, en mettant à
l'épreuve la sensibilité du lecteur, nos deux oeuvres veillent
à la transmission et la conservation d'une connaissance sensible du
souvenir traumatique vivement douloureux dans la mémoire affective du
lecteur. Ces émotions infinies, indélébiles, que
provoquent l'écriture intermédiale, débordante, de nos
deux oeuvrescontribuent au soin du souvenir traumatique de l'Autre, à sa
réparation ; leurs « mots offr[ent] un manteau a beaucoup
de personnes nues dans les intempéries »423(*).
CONSIDÉRATIONS FINALES
Mi ojo desnudo miraba a la niña borrosa y luegoa la
madre que se secaba la grasa de la frente,y luego a la hija, confundida,
esperando quesucediera cualquier cosa. A usted no le habrán
quitadotambién un ojo, escuché decir a la madre. No le
habrán tenido que extirpar un cáncer. No era una pregunta sino
una recriminación, un reproche que la madre desenfundaba para exhibir la
superioridad del sufrimiento de una madre ante el ojo único pero
demoledor de su hija. Y entonces recordé a mi madre, mi madre
arrojándome sus ojos viejos en la despedida y pensé en Ignacio,
en sus dos ojos negros sin averías, esos ojos que él no
parecía consciente de tener, y pensé también que me
quedaría muy sola sin mi ojo si lo perdía, tendría una
cara huérfana. Y entonces. Si le importa tanto su hija, señora,
le dije, desafiándola, retándola a un duelo consigo misma, si
tanto le duele la pérdida, entréguele el ojo que le falta,
déselo ahora, aunque todavía le quede grande
Lina Meruane424(*)
En guise de conclusion temporaire nous confirmons l'assertion
hypothétique de Dominique Rabaté pour qui : « [l]e
roman serait d'une certaine façon toujours plus ou moins l'histoire de
la transformation d'une perte en un nouveau gain, supérieur à la
mise initiale. »425(*)La resta de Alia Trabucco et La
dimensión desconocida de Nona Fernández signent
l'épuisement des totalités mémorielles excluantes par
l'épuisement des totalités romanesques paradigmatiques,
utopiques, suspectes. C'est en optant pour la
« combinatoire » de voix, générique, des
sens, que nos deux oeuvres parviennent à épuiser leurs
objets : ces restes historiques qui polluent la société
post-dictatoriale chilienne. Effectivement, tel que nous l'avons vu, le contact
entre ces restes affectifs et rhizomatiques et l'écriture tend à
la dissolution du paradigme romanesque institutionnel qui se refuse au
dynamisme de l'expérimentation créative. Ainsi, dans La
resta la fiction fusionne-t-elle avec le souffle poétique ou encore
dans La dimensión desconocida le témoignage
côtoie-t-il l'autobiographie, la métafiction, l'épistolaire
et puise sa forme dans la liste parfois. Cette impulsion créative, qui
pousse à user de l'éventail complet des genres et des formes,
expulse l'écriture vers des zones rebelles pour saisir l'insaisissable.
Le vertige assassin des formes et des genres met en jeu la sensibilité
du lecteur. L'essence métamorphosée du roman met ainsi les sens
du lecteur à l'épreuve pour une meilleure immersion au sein de
cette époque passée qui a tant fait souffrir et qui continue
à le faire. De telle sorte que l'épuisement romanesque
apparaît comme la stratégie scripturale idoine pour s'approcher
d'une vérité, qui n'est plus, dans toute sa sensibilité et
tisser un lien infinie avec l'Autre historique, mémoriel, fini. Le
recours à l'épuisement, en tant que soin discursif, permet la
création d'un espace de représentation à ceux qui n'ont
pas eu leur mot à dire et qui ne l'auront sans doute jamais. De
là la dimension éthique de l'épuisement qui, par sa
désinvolture, tend à prendre soin de l'Autre, en abritant la
mémoire de sa lutte, de sa souffrance et à la partager.
L'épuisement procure une réparation à l'Autre vaincu que
l'État « démocratique » chilien n'a pas su ni
voulu lui procurer.
Par leur plume monstrueusement saisissante, ces deux
poét(h)iques hantologiques de l'épuisement se veulent des
pansements pour les blessures collectives et tendent, par la stratégie
de l'évidement, à redynamiser le système
littéraire. C'est en cela que nous ne pouvons affirmer à
l'emporte-pièce que l'extrême-contemporain coïncide avec un
épuisement de la littérature, en prétendant qu'elle ne
peut faire le poids face aux grands dinosaures du XXe siècle, tout comme
l'affirme Leonardo Da Jandra. Aujourd'hui,
« écrire » n'est pas « le grand verbe vide
et muet qui roule sur toute parole pour demeurer hors
d'elle »426(*), ce n'est pas non plus « le mot de trop
dans la langue »427(*). La métaphore de « la page
noire »428(*)
de Johan Faerber ne trouve pas sa place au sein de la littérature
chilienne et, de manière plus extensible, dans la littérature des
Amériques. Alia Trabucco et Nona Fernández sont deux jeunes
autrices remarquables, illustratives d'un processus de re-littérature,
qui prend appui sur l'épuisement paradoxal, très prometteur.Elles
parviennent, grâce à une impulsion créative rebelle, à se réapproprier l'espace
créatif romanesque pour se porter garantes de la conservation et du soin
de la mémoire de la lutte de l'Autre, prenant ainsi part à
l'écriture des « veines ouvertes de l'Amérique
latine »429(*).
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· Nouveau romanhistorique
1) LIVRE(S)
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2)
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· MÉMOIRE ET POST-MÉMOIRE DU
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ANNEXES
I) Quelques mots sur Alia Trabucco Zerán et Nona
Fernández Silanes

Alia Karima Trabucco Zerán, fille du cinéaste
Sergio Trabucco et de la journaliste Faride Zerán, est née en
1983, bercée par les rafales de plomb, dans un Chili où la
dictature commençait à perdre pied. Elle étudia le droit
avant de se consacrer à l'écriture littéraire. C'est ainsi
qu'elle écrivit et publia sa première bombe
littéraire : La resta (2014). Sa prose séditieuse
sut séduire au point de rafler la même année le prix du
Consejo del Libro y de Lectura. Entre-temps, Alia Trabucco débuta un
travail de thèse centré sur la figure de la femme assassine dans
la littérature latino-américaine. De ce travail est né un
autre ouvrage de non-fiction : Las Homicidas (2019), paru aux
éditions Lumen.
Fuente : <
https://www.escritores.org/biografias/20881-trabucco-zeran-alia>

Patricia Paola Fernández (alias Nona), seconde voix
critique de ce corpus, est née à Santiago de Chile en 1971 et
vécut l'époque de la dictature pinochetiste. Actrice,
écrivaine et scénariste, Nona Fernández est l'autrice de
plusieurs oeuvres littéraires polymorphes qui ont majoritairement pour
noyau thématique la mémoire de la Nation chilienne. Son travail
littéraire et scénique lui valurent de nombreux prix :
Juegos Literarios Gabriela Mistral en 1995, Premio Municipal de Literatura de
Santiago en 2003, Premio Altazor en la categoría Dramaturgia en 2013,
pour n'en citer que quelques-uns.
Fuente : <
https://www.escritores.org/biografias/21720-fernandez-nona>
II) Bref mémorandum de la littérature
chilienne
Dès les années 80, lorsque la dictature renversa
la démocratie au Chili, l'espace littéraire chilien entra en
tension, « [apparut comme] un espace divisé, éclaté,
marqué par les dispositions draconiennes de la censure d'État
mais également par la présence d'un esprit national dominé
par un vif sentiment de revanche et de zèle patriotique.»430(*) Ainsi, face à la
«littérature officielle triomphante, légitimée par le
pouvoir»431(*)
s'érigeait une littérature alternative, underground, qui
« mainten[ait] une tension secrète avec les machinations du
pouvoir »432(*). À travers l'écriture, les voix
alternatives « désiraient dire le secret ; ce qui ne
pouvait se dire à haute voix à cause de la trop grande charge de
vérité qu'il renfermait »433(*), car « les grandes vérités n'ont
pas l'habitude de se dire en parlant. La vérité de ce qui se
passe dans le sein secret du temps, c'est le silence des vies, et il ne peut se
dire. « Il y a des choses qui ne peuvent se dire », cela est certain.
Mais ce qui ne peut se dire, c'est ce qu'il faut
écrire. »434(*)
C'est ainsi que des artistes tels que Diamela Eltit avec sa
puissante oeuvre mutante Lumpérica (1983), Raúl Zurita
et son timbre de voix endolori à la limite de l'extinction dans
Anteparaíso (1982), Carlos Leppe et sa violente performance
corporelle435(*), pour
n'en citer que quelques-uns, livrèrent bataille contre la dictature en
menant à bien des réflexions esthético-critiques capables
de nommer l'innommable afin de construire une mémoire collective de la
perte.
III) Parcours de l'Histoire chilienne

IV) Le témoignage de «El hombre que
olía a muerte»

















Source: Andrea Insunza, Javier Ortega, «El
hombre que olía a muerte» [en ligne], Los casos de la Vicaria: <
http://www.casosvicaria.cl/temporada-uno/el-hombre-que-olia-a-muerte/>
V) Le 7 septembre 1983 ou la « Noche de los
largos cuchillos »: imagesd'archive

Source:
https://m.elmostrador.cl/noticias/pais/2014/03/07/agente-clave-del-comando-conjunto-vuelve-a-chile-a-prestar-testimonio-ante-la-justicia/
VI) « La pieza oscura » de Enrique
Lihn
La mixtura del aire en la pieza oscura, como si el cielorraso
hubiera amenazado
una vaga llovizna sangrienta.
De ese licor inhalamos, la nariz sucia, símbolo de
inocencia y de precocidad
juntos para reanudar nuestra lucha en secreto, por no
sabíamos no ignorábamos qué causa;
juegos de manos y de pies, dos veces villanos, pero igualmente
dulces
que una primera pérdida de sangre vengada a dientes y
uñas o, para una muchacha
dulces como una primera efusión de su sangre.
Y así empezó a girar la vieja rueda
-símbolo de la vida- la rueda que se atasca como si no volara,
entre una y otra generación, en un abrir de ojos
brillantes y un cerrar de ojos opacos
con un imperceptible sonido musgoso.
Centrándose en su eje, a imitación de los
niños que rodábamos de dos en dos, con las orejas rojas
-símbolos del pudor que saborea su ofensa- rabiosamente
tiernos, la rueda dio unas vueltas en falso como en una edad anterior a la
invención de la rueda
en el sentido de las manecillas del reloj y en su
contrasentido.
Por un momento reinó la confusión en el tiempo.
Y yo mordí largamente en el cuello a mi prima Isabel,
en un abrir y cerrar del ojo del que todo lo ve, como en una
edad anterior al pecado
pues simulábamos luchar en la creencia de que esto
hacíamos; creencia rayana en la fe como el juego en la verdad
y los hechos se aventuraban apenas a desmentirnos
con las orejas rojas.
Dejamos de girar por el suelo, mi primo Ángel vencedor
de Paulina, mi hermana; yo de Isabel, envueltas ambas
ninfas en un capullo de frazadas que las hacía
estornudar -olor a naftalina en la pelusa del fruto-.
Esas eran nuestras armas victoriosas y las suyas vencidas
confundiéndose unas con otras a modo de nidos como celdas, de celdas
como abrazos, de abrazos como grillos en los pies y en las manos.
Dejamos de girar con una rara sensación de
vergüenza, sin conseguir formularnos otro reproche
que el de haber postulado a un éxito tan
fácil.
La rueda daba ya unas vueltas perfectas, como en la
época de su aparición en el mito, como en su edad de madera
recién carpintereada
con un ruido de canto de gorriones medievales;
el tiempo volaba en la buena dirección. Se lo
podía oír avanzar hacia nosotros
mucho más rápido que el reloj del comedor cuyo
tic-tac se enardecía por romper tanto silencio.
El tiempo volaba como para arrollarnos con un ruido de aguas
espumosas más rápidas en la proximidad de la rueda del molino,
con alas de gorriones -símbolos del salvaje orden libre- con todo
él por único objeto desbordante
y la vida -símbolo de la rueda- se adelantaba a pasar
tempestuosamente haciendo girar la rueda a velocidad acelerada, como en una
molienda de tiempo, tempestuosa.
Yo solté a mi cautiva y caí de rodillas, como si
hubiera envejecido de golpe, presa de dulce, de empalagoso pánico
como si hubiera conocido, más allá del amor en
la flor de su edad, la crueldad del corazón en el fruto del amor, la
corrupción del fruto y luego... el carozo sangriento, afiebrado y
seco.
Qué será de los niños que fuimos? Alguien
se precipitó a encender la luz, más rápido que el
pensamiento de las personas mayores.
Se nos buscaba ya en el interior de la casa, en las
inmediaciones del molino: la pieza oscura como el claro de un bosque.
Pero siempre hubo tiempo para ganárselo a los
sempiternos cazadores de niños. Cuando ellos entraron al comedor,
allí estábamos los ángeles sentados a la mesa
ojeando nuestras revistas ilustradas -los hombres a un
extremo, las mujeres al otro-
en un orden perfecto, anterior a la sangre.
En el contrasentido de las manecillas del reloj se
desatascó la rueda antes de girar y ni siquiera nosotros pudimos
encontrarnos a la vuelta del vértigo, cuando entramos en el tiempo
como en aguas mansas, serenamente veloces;
en ellas nos dispersamos para siempre, al igual que los restos
de un mismo naufragio.
Pero una parte de mí no ha girado a compás de la
rueda, a favor de la corriente.
Nada es bastante real para un fantasma. Soy en parte ese
niño que cae de rodillas
dulcemente abrumado de imposibles presagios
y no he cumplido aún toda mi edad
ni llegaré a cumplirla como él
de una sola vez y para siempre.
VII) La dimensión desconocida :
couverture
 
VIII) Peindre la mémoire collective chilienne:
l'exemple de Los Oberoles

«Memoria viva, Rodrigo Rojas Denegri (07/03/67 -
02/07/86). Joven constructor de futuro, la dictadura en su brutalidad
cortó su camino en llamas... " Ves, yo estoy aquí, donde
jamás me fui, estoy aquí y a veces canto, te puedo ver sola
bailando" (Tres Versos para Manuel, Illapu). Murales realizados en Av.
Américo Vespucio. Memoria Derechos Humanos Verdad y Justicia El Pueblo
Unido gracias por todo...»
Source:
http://losoberoles.blogspot.com/2014/12/memoria-viva-rodrigo-rojas-denegri_37.html
IX) Lettre de Ángel
Parra à Víctor Jara (1987)
Querido Víctor:
Me despierto con ganas tremendas de escribirte para contarte
lo que me sucedió anoche 24 de diciembre. Serían como las 12:10
cuando sonó el teléfono, nosotros dormíamos profundo, lo
de siempre cuando te despiertas antes de haber terminado su noche, quién
será? Por qué tan tarde? etc. La llamada era de Chile, para
decirme que formaba parte de los perdonados, que era parte del paquete de
regalo de pascua que la dictadura ofrecía este año.
La voz querida de mi hermana sonaba radiante, te acuerdas
Víctor de su voz? Se te acabó el exilio hermano, se te
acabó el exilio! Por un segundo compartí de corazón su
alegría, la alegría de tantos otros que pelean todos los
días a brazo partido por el fin del exilio y que en mi caso consiguieron
mi perdón. Perdón, pero de qué, Dios mío me
pregunto?
Me están perdonando tus 40 balas por la espalda?
Mi padre a quien no volveré a ver?
Ellos me están perdonando nuestros 30 mil muertos y el
río Mapocho ensangrentado?
Me perdonarán acaso los cadáveres que
traía el Renaico en Mulchén? Los fusilados de Calama (al quinteo,
es decir 1-2-3-4-5-tú), el director de la Sinfónica Infantil de
La Serena? El padre Jarlan símbolo de los pobladores torturados violados
relegados expulsados encarcelados desaparecidos? Carmen Gloria, Rodrigo? Parece
que debo hacer una reverencia y agradecer el perdón. aquí no ha
pasado nada y tan amigos como antes.
Qué te parece Víctor? A veces pienso que es mucha
la generosidad, y que soy un mal agradecido.
Me perdonan Marta Ugarte, Tucapel, el Chino Díaz, Weibell,
los degollados, Pepe Carrasco, Corpu Cristi y yo no se agradecer.
Me siguen perdonando los cinco jóvenes desaparecidos en
septiembre del '87, mi pueblo hambriento, la cesantía, la
Prostitución infantil y este nudo en la garganta permanente desde hace
14 años también me lo perdonan? Me pregunto si en este gesto
están incluidos mis amigos muertos en el exilio, Lira Massi,
Ramírez Necochea, Guillermo Atias,VegaQueratt.
Estas en la lista, Cuál lista?, la de los que pueden
reír, pensar, circular, amar, morir, vivir.
En fin Víctor amigo, mucho tiempo que quería
escribirte pero ya me conoces soy un poco flojo. Te contaré que estoy
componiendo mucho, entre merengues, tonadas, cumbias y cuecas, oratorios y
pasiones, el tiempo pasa y se queda inscrito en el alma.
Quiero hablarte un poco de mi mujer a quien no conociste, pero
conocerás algún día o no, mejor lo verás en ella
cuando llegue el momento. Ella me ha dado algo que yo no sé cómo
se llama, pero que se traduce en una cierta seguridad equilibrio y
alegría de vivir, la misma que tú tenías junto a tu mujer.
Me acuerdo perfectamente de tu claridad y seguridad en tus pasos, aventuras y
destinos. Y eso se reflejaba en tu trabajo, el teatro, la peña, el
partido, los sindicatos y los amigos. Siempre tenías tiempo para todo
(yo me cansaba de mirarte). Me acuerdo que la Viola me decía, aprende,
aprende. Espero haber aprendido algo.
Por ejemplo:
La humildad, el heroísmo no se venden ni se compran que
la amistad es el amor en desarrollo que los hombres son libres solamente cuando
cantan, flojean o trabajan chutean el domingo la pelota o se toman sus vinitos
en las tardes le cambien los pañales a su guaguas distinguen las ortigas
del cilantro cuando rezan en silencio porque creen y son fieles a su pueblo
eternamente como tú y como miles de anónimos maestros
somnolientos de domésticas, mineros, profesores, bailarinas, guitarreras
de la Patria.
También quiero decirte al despedirme que París
está bello en este invierno que no acepto los perdones ofrecidos que mi
patria la contengo en una lágrima que vendré a visitarte en
primavera que saludes a mis padres cuando puedas que tengo la memoria de la
historia y que todo crimen que se haya cometido deberá ser juzgado sin
demora que la dignidad es esencial al ser humano que el año que comienza
será ancho de emociones esperanzas y trabajos sobre todo para Uds.
Víctor Jara que siembran trigo y paz en nuestros campos.
Paris, 1987.
Source :
https://larepublicadeloslibros.wordpress.com/2017/03/13/carta-de-angel-parra-a-victor-jara-1987/
Résumé: Le brouillard planant
encore et toujours sur les évènements du passé
récent traumatique chilien, la génération de la
post-mémoire hérite de questions qui demeurent à ce jour
sans réponse. Elle hérite également d'une lutte qui est
à poursuivre à travers l'écriture. La mémoire
parvient à la seconde génération sous la forme de
résidus éparses qu'il faut recollecter. Les deux oeuvres
réflexives qui composent notre corpus, La resta (2014)
de Alia Trabucco et La dimensión desconocida (2016) de Nona
Fernández, sont exemplaires du processus créatif par lequel les
oeuvres de la post-mémoire chilienne transitent. Au contact de ces
restes historiques informes, l'écriture s'effrite, s'épuise,
élargissant ainsi l'horizon créatif romanesque. Écrire la
trace c'est par conséquent explorer les limites de la création
romanesque pour élaborer, en marge de la production culturelle dominante
et du discours institutionnel monolithique, un autre espace de
représentation qui inclut, par les voies de l'imagination, l'abject.
Entre finitude mémorielle et infinitude créative,
l'épuisement permet une relecture, une restitution du passé
présent dans toute sa dimension sensible.
* 1Carlos Droguett, Los
Asesinados del seguro obrero, Santiago de Chile, Prensas de la Editorial
Ercilla, 1940, p. 10-11. Disponible en ligne sur: <
http://www.memoriachilena.gob.cl/archivos2/pdfs/MC0001108.pdf>
* 2Julio Cortázar,
Rayuela, México, Alfaguara, 2017 [1963], p. 559.
* 3 Rappelons ici avec Juan
Loveluck, cité par Fernando Aínsa dans Identidad cultural de
Iberoamérica en su narrativa, Madrid, Gredos, 1986, p. 140,
que :
si [...] [la] novela tradicional [...] que temporalmente se
enmarca entre 1900 y 1940 y cuyo fundamental desvelo fue el de presentar
ciertas zonas conflictivas en grandes cuadros descriptivos, que se acercaron
más a lo adjetivo, lo curioso y representativo externo que a lo esencial
de tales problemas ,
le roman contemporain «reflejaría a partir de
1940 -fecha en que también Mario Vargas Llosa divide los períodos
«tradicional» y «contemporáneo» de la narrativa- una
realidad más compleja, no porque lo fuera en realidad, valga el juego de
palabras, sino porque los procedimientos de su captación eran más
sutiles y elaborados.» (Fernando Aínsa, Op.cit., p. 140)
* 4 Fernando Aínsa
citant, pour le premier syntagme, Schulman, Idem, p. 142. Nous
traduisons. La tendance littéraire magico-réaliste offre un
parfait exemple d'acculturation littéraire. Effectivement, les oeuvres
appartenant à cette tendance littéraire révèlent un
processus d' « accaparation culturelle », pour
reprendre Aínsa, où différentes réalités
-indigène, africaine, baroque créole- se superposent.
* 5Ricardo Chávez
Castañeda, Ignacio Padilla, Pedro Ángel Palou, Eloy Urroz, Jorge
Volpi, Manifiesto del Crack (1996). Postmanifiesto del Crack
(1996-2016), Miami, La Pereza Ediciones, 2017.
* 6Alberto Fuguet, Sergio Gómez,
McOndo, Barcelona, Mondadori, 1996.
* 7 Ramón Alvarado
Ruiz, «Escribir América en el siglo XXI: el Crack y McOndo, una
generación continental», Iberoamericana, XVI, 63, 2016, p.
70: <
https://journals.iai.spk-berlin.de/index.php/iberoamericana/article/view/2135>
* 8Rafael Gutiérrez
Giraldo citant Luz Mery Giraldo, «Adiós Macondo: Anotaciones sobre
narrativa latinoamericana», Cuadernos de Literatura,
Bogotá, vol. 14, núm. 26, Julio-Diciembre, 2009, p. 61: <
https://revistas.javeriana.edu.co/index.php/cualit/article/view/6310>
* 9Alberto Fuguet, Sergio Gómez, McOndo,
Barcelona, Mondadori, 1996, p. 15.
* 10Concept de Richard
Millet mobilisé par Alexandre Gefen, Réparer le monde :
la littérature française face au XXIe siècle, Paris,
José Corti (ed.), 2017, p. 9. À cet égard, l'affirmation
de Leonardo da Jandra reprise par Ramón Alvarado Ruiz,
art.cit., p. 71, est très illustrative, car pour
l'écrivain brésilien, ses compagnons et lui-même forment
«[una] generación destinada inevitablemente a la decadencia.
Después de la grandeza [(Rulfo, Borges, Paz, Sabato, Cortázar,
Lezama Lima, Onetti, Guimarães Rosa, Vargas Llosa, García
Márquez, Fuentes y tal vez una docena más de titanes)]
sólo puede venir la caída [...]»
* 11 Alexandre Gefen,
Op.cit., p. 9.
* 12 Pierre Jourde, La
Littérature sans estomac, Paris, L'Esprit des Péninsules,
2002, p. 157.
* 13 Le concept est de
Marianne Hirsh, La generación de la posmemoria: escritura y cultura
visual después del Holocausto (traduit de l'anglais vers l'espagnol
par Pilar Cáceres), Madrid, Carpe Noctem, 2012.
* 14Marianne Hirsh,
Op.cit., p. 20. Nous traduisons.
* 15Idem, p. 19.
Nous traduisons.
* 16Marianne Hirsh,
loc.cit. Nous traduisons.
* 17Marianne Hirsh,
Op.cit., p. 19. Nous traduisons.
* 18Syntagme que nous
empruntons à Fernando A. Blanco, Andrea Jeftanovic et Bernardita Llanos
(coord.), Chile de memoria: A 40 años del Golpe, Nuestra
América, num. 10, Enero/Julio 2016, p. 11. Nous traduisons: <
https://www.academia.edu/30139135/Revista_Nuestra_América_10.pdf>
[consulté le 24/07/2019]
Grínor Rojo, dans Las novelas de la dictadura y la
posdictadura chilena. Qué y cómo leer?, Vol. 1, Santiago,
LOM Ediciones, 2016, répertorie au total cent soixante-dix-neuf oeuvres
de la dictature et de la post-dictature toutes confondues. Parmi les oeuvres de
la post-dictature et, plus particulièrement, de la seconde
génération chilienne, nous retrouvons les oeuvres de Alejandra
Costamagna, En voz baja (1996), de Nona Fernández, Space
invaders (2013), Av. 10 de julio Huamachuco (2007), de
Fátima Sime, Carne de perra (2009), de Alejandro Zambra,
Formas de volver a casa (2011), de Álvaro Bisama,
Ruido (2012), de Gonzalo Eltech, Colección particular
(2015). C'est un inventaire que nous pouvons actualiser en ajoutant les oeuvres
récentes de Álvaro Bisama,El brujo (2017)
etLaguna (2018) ou bien l'oeuvre de Nona Fernández qui nous
intéressera :La dimensión desconocida
(2016).Toutefois, l'absence des oeuvres de Lina Meruane, Cercada
(2000), Fruta podrida (2007) etSangre en el ojo (2012) nous
interpelle. C'est pourquoi nous tenons à les ajouter à cette
liste.
* 19Carles Geli, «La
detective de los recuerdos», El País, 22/03/2019. Nous
traduisons: <
https://elpais.com/ccaa/2019/03/21/catalunya/1553202277_215999.html>
* 20 En 2014, La
resta reçut le «premio del Consejo del Libro y la Lectura 2014
a la mejor novela inédita».
* 21 En 2016, ce futau tour
de La dimensión desconocida de Nona Fernández de se
voirdécerner,lors de la Feria Internacional del Libro de Guadalajara, le
«premio Sor Juana Inés de la Cruz» par un jurycomposé
de Daniel Centeno, Cristina Rivera Garza et Eduardo Antonio Parra.Tout comme le
note Martha Calvillo en rapportant les dire de Nona Fernández, ce Prix
littéraireprestigieux «en términos prácticos ha
representado [...] mayor visibilidad en todas [sus] obras.» (Source:
Martha Calvillo, «Nona Fernández
recibió la bendición de Sor Juana», Milenio Diario,
29/11/2018: <
https://www.milenio.com/cultura/fil/nona-fernandez-recibio-bendicion-sor-juana>)
* 22 Alia Trabucco
Zerán, La resta, Madrid, Demipage, 2014, p.102.
* 23Stéphanie
Arrellano, «Demoler la memoria» [en ligne], La Tercera,
29/07/2015. Nous traduisons: <
http://www.quepasa.cl/articulo/guia-del-ocio/2015/07/11-17292-9-demoler-la-memoria.shtml/>
* 24 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Penguin Random House Grupo Editorial,
Barcelona, 2017 [2016], p. 37.
En 1998, Jorge Edwards, declarait que «en Chile,
[había] menos ambiente de reconciliación».
«Reconciliación frustrada», «hay que eliminar cualquier
idea de reconciliación», «mito de la
reconciliación», «duelo pendiente», autant de syntagmes
utilisés par la presse qui pointaient déjà du doigt le
caractère illusoire, mythique, du processus réconciliatoire
amorcé avec le retour de la « démocratie » et
en connivence avec les médias qui diffusèrent:
las gramáticas utilitarias de un mercado
obsesionado por multiplicar las apariencias de todo lo que sobra
(mercancías y espectáculos) y desviar la atención de sus
frívolos consumidoresespectadores del tormento de lo perdido y lo
ausente, es decir, de lo restado de cuerpos, existencias,
ideologías y pasiones que fueron anuladas por las crueldades de la
historia.(Nelly Richard, Crítica de la memoria(1990-2010),
Santiago, Ediciones Diego Portales, 2010, p. 14: <
https://joaocamillopenna.files.wordpress.com/2015/03/richard-criticas-de-la-memoria.pdf>)
Dans une « démocratie » où
la violence a cessé d'être frontale pour s'effectuer de
manière transversale, le débat culturel autour de la
mémoire n'en finit pas de faire parler de lui et de constituer la source
de la permanence de clivages au sein de la Nation chilienne. Chaque
année, le 11 septembre est motif de rassemblement pour se
remémorer les atrocités impunies perpétrées sous le
régime autoritaire de Pinochet. Cette date est aussi l'occasion pour les
proches des victimes de réitérer leur volonté
d'accéder librement aux archives du passé conservés sous
scellé afin de connaître la vérité et de rappeler le
devoir de transparence qu'une démocratie se doit d'avoir.
Et comme si cela ne suffisait pas, en mai 2019, le
gouvernement Piñera fit part de sa volonté d'éliminer
l'Histoire des matières obligatoires pour la reléguer parmi les
matières optionnelles. Les conséquences ne se firent point
attendre dans le domaine éducatif dont la configuration est
héritée de la dictature et qui, rappelons-le, souffre d'une
importante dégradation depuis des années maintenant (les
conditions d'accès inégalitaires, les conditions d'enseignement
déplorables, ont suscité d'intenses mobilisations
étudiantes depuis le début du siècle, qui
dévoilèrent au grand jour la violence du système
néo-libéral. Deux sont à ce titre notables : le
Mochilazo de 2001 et la Revolución pingüina de
2006). Cette mesure provoqua une grève nationale du professorat, qui
cessa fin juillet 2019 avec une rétractation du gouvernement. Cette
privation aurait empêché bon nombre de jeunes esprits en formation
de connaître l'Histoire passée de leur pays, qu'ils se doivent
absolument de connaître.
* 25Carles Geli,
art.cit.
* 26 Enrique Planas,
«La dimensión desconocida: novela se inspira en serie para
relatar abusos de Pinochet», El Comercio, 08/08/2018: <
https://elcomercio.pe/luces/libros/impreso-dimension-desconocida-novela-inspira-serie-relatar-abusos-pinochet-noticia-544634>
«Entendíamos que los milicos eran unos
malvados y que había que luchar contra ellos, pero pensábamos que
las historias especificas estarían más claras después.
Pero cuando me puse a investigar en la generación de mis padres, me
encontré con un silencio sepulcral.»
* 27Ivonne Coñuecar, «La resta Alia
Trabucco Zerán. 2015, Santiago de Chile: Tajamar Editores 220
Págs.» [en ligne], RevistaTelar, núm. 19,
julio-diciembre de 2017, p. 151-155: <
http://revistatelar.ct.unt.edu.ar/index.php/revistatelar/article/download/352/315/>
Alejandra Costamagna, «Las
nuevas rebeldías. Sobre La resta de Alia Trabucco
Zerán» [en ligne], Taller de Letras, núm. 59, pp.
209-212, 2016: <
http://tallerdeletras.letras.uc.cl/images/59/P1.pdf>
Macarena Leiva Roca, «Vista de Alia Trabucco
Zerán. La Resta. Madrid: Editorial Demipage, 2014, 279
páginas» [en ligne], Revista chilena de
literatura,núm. 95, 2017, p. 251-253: <
https://revistas.uchile.cl/index.php/RCL/article/view/46937/48927>
Ana Eva Valentín Rodríguez, «La
resta de Alia Trabucco», Literatura y
Lingüística [en ligne], núm. 33, 2016, p. 473-476: <
http://www.redalyc.org/articulo.oa?id=35245697023>[consulté
le 21 de septiembre de 2018]
* 28Constanza Ternicier Espinosa, Sujetos y espacios en dos sistemas de preferencia de la
narrativa chilena reciente: exhortar al campo literario. Del 2006 en adelante
[en ligne] , Tesis en co-tutela: Doctorado en teoría de la
literatura y literatura comparada UAB/PUC, bajo la dirección de Beatriz
Ferrús Antón (UAB) y Macarena Areco Morales (PUC), Barcelona,
UAB, 2017, 346p.: <
https://ddd.uab.cat/pub/tesis/2017/hdl_10803_457740/cte1de1.pdf>
Carmen Martín Quijada, Hablar de memoria: trauma y
recuperación del discurso en la joven narrativa chilena [en ligne],
Purdue University, West Lafayette (Indiana), 2018, 218p.: <
https://search.proquest.com/openview/38b3ac11ece0bde77505f2b2fe8d5c7f/1.pdf?pq-origsite=gscholar&cbl=18750&diss=y>
Alejandra Costamagna, La voz de los hijos en las novelas
chilenas de postdictadura, Grínor Rojo de la Rosa, Santiago de
Chile, Universidad de Chile, 2016, 226p.: <
http://repositorio.uchile.cl/handle/2250/143841>
* 29 Constanza Ternicier
Espinosa, Op.cit., p. 3.
* 30 Constanza Ternicier
Espinosa, Idem, p. 4.
* 31Mariela Peller, «Cuerpos y escritura. Memorias de
la violencia en las novelas de Nona Fernández», Seminário
Internacional Gênero 11 & 13th Women's Worlds Congress,
Florianópolis, 2017: <
http://www.en.wwc2017.eventos.dype.com.br/resources/anais/1499457036_ARQUIVO_Fazendo-Simposio39-Peller.pdf>
[consulté le 03/07/19]
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dimensión desconocida de Nona Fernández» [en ligne],
Rialta Magazine, 2019: <
https://www.academia.edu/38177454/Otras_sublevaciones._La_dimensión_desconocida_de_Nona_Fernández_pdf>
[consulté le 20/05/19]
Luis Prado Valenzuela, «Formas residuales en la narrativa
de Nona Fernández» [en ligne], Mitologías hoy, vol.
17, junio 2018, p. 181-197: <
https://www.academia.edu/36978666/Formas_residuales_en_la_narrativa_de_Nona_Fernández>
[consulté le 20/05/19]
* 32Mariela Peller,
«Nona Fernández (2016) La dimensión desconocida.
Santiago de Chile: Random House Mondadori, 158 páginas»,
CROLAR, vol. 6, 2017, p. 64-66: <
file:///C:/Users/Jérémie/AppData/Local/Packages/Microsoft.MicrosoftEdge_8wekyb3d8bbwe/TempState/Downloads/277-2208-1-PB%20(1).pdf>
Jordana Blejmar, «La dimensión
desconocida (2017) de Nona Fernández», Revista Guay,
2019: <
http://www.memoria.fahce.unlp.edu.ar/art_revistas/pr.10386/pr.10386.pdf>
* 33Mariela Peller, «Cuerpos y escritura.
Memorias de la violencia en las novelas de Nona Fernández»,
art.cit., p. 2.
* 34Mariela Peller,
Idem, p. 5.
* 35 Rappelons à
cetégard avec Nelly Richard, Residuos y metáforas,
(Ensayos de crítica cultural sobre el Chile de la
Transición), Santiago, Editorial Cuarto Propio, 2001 [2de
édition], p. 29, que:
[l]a memoria es un proceso abierto de
reinterpretación del pasado que deshace y rehace sus nudos para que se
ensayen de nuevo sucesos y comprensiones. La memoria remece el dato
estático del pasado con nuevas significaciones sin clausurar que ponen
su recuerdo a trabajar, llevando comienzos y finales a reescribir nuevas
hipótesis y conjeturas para desmontar con ellas el cierre explicativo de
las totalidades demasiado seguras de sí mismo. Y es la laboriosidad de
esta memoria insatisfecha, que no se da nunca por vencida, la que perturba la
voluntad de sepultación oficial del recuerdo mirado simplemente como
depósito fijo de significaciones inactivas.
* 36John Barth,
« The Literature of Exhaustion », The Friday
Book : Essays and Other Non-Fiction, London, The John Hopkins
University Press, 1984, p. 62-76 . Quelques années plus tard, John
Barth publiera un tout autre travail universitaire intitulé
« The Literature of Replenishment »,The Friday
Book : Essays and Other Non-Fiction, London, The John Hopkins
University Press, p. 193-206. Ce sont deux travaux que nous retrouvons au
même lien : <
https://www.csus.edu/indiv/m/maddendw/barth.pdf>
* 37Georges Perec,
Tentative d'épuisement d'un lieu parisien, Paris, Christian
Bourgois, 1975, p. 12.
* 38 Nelly Richard,
Residuos y metáforas, Op.cit., p. 77. Nous
traduisons : «La modernidad es experta en multiplicar sanciones de
desahucio contra lo que no quiere obedecer la consigna de ruptura temporal que
usa lo nuevo para despedirse -sin afectos- de lo viejo y tirar a la basura lo
rezagado por la velocidad de producción de la mercancía. Sin
embargo, y pese a todo, «la modernidad verá crecer a su alrededor
la incómoda vecindad de los desperdicios, inesperado cúmulo de
objetos en desuso y espíritus sin practicidades domésticas que se
resistirán a ser «dados de baja» y amenazarán irrumpir
en el presente con el fin de redimir a la memoria de una temporalidad
cautiva.»
* 39Nelly Richard,
Idem, p. 78. Nous traduisons.
* 40Nous reprenons ici les
trois manifestations de la trace que relève Paul Ricoeur, dans son essai
La mémoire, l'histoire, l'oubli, Paris, Seuil, 2000, p. 16 et
p. 17. Ainsi retrouvons-nous premièrement « les traces
écrites et éventuellement archivées »,
« l'impression en tant qu'affection résultant du choc d'un
évènement dont on peut dire qu'il est frappant, marquant. Cette
impression est essentiellement éprouvée », et enfin la
trace sous forme d'«empreinte corporelle, cérébrale,
corticale ».
* 41Terme remobilisé
par Dominique Viart, « Vers une poétique
« spectrale » de l'Histoire »,
in Jutta Fortin, Jean-Bernard Vray (comp.), L'imaginaire
spectral de la littérature narrative française
contemporaine, Publications de l'Université de Saint-Etienne, 2012,
p. 49, et initialement employé par François Dagognet pour nommer
ce déchiffrement des ordures dans Des détritus, des
déchets, de l'abject. » Ainsi, l'écriture dite
« rudologique » a pour but d'inventorier les déchets
historiques pour les recycler, leur donner un nouveau souffle par
l'imagination.
* 42Le concept
d' « espace-corps », que nous empruntons à
Michel Collot, est clef pour la lecture de La resta et de La
dimensión desconocida. Alia Trabucco et Nona Fernández
repensent toutes deux l'expérience de la perte collective à
partir de deux supports sensibles principalement, sujets à des
débordements mutuels, qui s'interpellent, se
rétroalimentent : l'espace et le corps. Dans nos deux oeuvres,
l'esprit créatif/créateur, le corps sentant et l'espace
extérieur ressenti ne forment plus qu'un, produisant un espace-corps
romanesque sensible et à champs ouverts, propice donc à
l'épuisement des possibilités créatives pour souffler sur
les ultimes braises du passé violent traumatique collectif chilien.
* 43 Dominique
Rabaté, Op.cit., p. 201 : l'épuisement est en
réalité une « fatigue paradoxale puisqu'elle devient le
moteur de l'oeuvre, ce qui la réanime. »
* 44Idem, p.
191.
* 45Christine Marcandier,
« Johan Faerber : « Le contemporain n'est ni une
licorne ni un éléphant rose » (Après la
littérature), Diacritik, 21/08/2018 : <
https://diacritik.com/2018/08/21/johan-faerber-le-contemporain-nest-ni-une-licorne-ni-un-elephant-rose-apres-la-litterature/>
* 46Idem
* 47 Johan Faerber,
Après la littérature. Écrire le contemporain
[format Kindle], Paris, PUF, 2018, emplacement 1594/ 3262.
* 48Gonzalo Eltesch, Colección particular,
La Rioja, Pepitas, 2018 [2015], p. 104.
* 49Patricio Germán,
Chile, la memoria obstinada, 1997. Disponible en ligne sur: <
https://www.youtube.com/watch?v=mNH-9aAF_Fg>
* 50 Rabaté, Vers
une littérature de l'épuisement, Paris, José Corti,
1991 [2e édition], p. 157.
* 51 Nelly Richard,
Crítica de la memoria (1990-2010),Op.cit., p. 45:
«la condición post dictatorial se expresa como «pérdida
de objeto» en una marcada situación de «duelo».»
* 52 Michel Butor,
Essais sur le roman, Paris, Gallimard, 1960, p. 7.
* 53Alia Trabucco,
Op.cit., p. 57.Nous traduisons.
* 54 Michel Butor,
Op.cit., p. 9.
* 55Voir annexe VII.
* 56Marta Cichoka, Estrategias de la novela histórica
contemporánea : Pasado plural, postmemoria, pophistoria,
Francfort, Peter Lang, 2016, p. 35.
* 57 Régine Robin,
dans « Peut-on recycler le
passé ? »,InEsthétique et recyclages
culturels : Explorations de la culture contemporaine [en ligne],
Ottawa, Les Presses de l'Université d'Ottawa | University of Ottawa
Press, 2004, p. 65-77: <
http://books.openedition.org/uop/2215>
et en s'appuyant majoritairement sur les travaux de Walter Benjamin, reprend
trois types de figures applicables au contexte postérieur à la
dictature pinochetiste, qui sont : le chiffonnier, le collectionneur ou
l'accumulateur et le fantôme. Ainsi, « [...] [le] chiffonnier
fouille dans les poubelles de l'histoire, ramasse des détritus, des
déchets. Que va-t-il en faire ? Les revendre
dépareillés ? Sa quête est hasard, il en laisse
échapper, à demi ivre. Haillons de mots ou de choses, il ne
pourra pas en constituer un tout cohérent, d'un seul temps »,
le « collectionneur » ou
« l'accumulateur » est « celui qui dispose et
déménage sa bibliothèque et, par association, ressuscite
de grands pans de son passé personnel comme d'autres des pans de
passé collectifs hétérogènes. » Enfin,
« [l]e spectral, ici, est l'espace tiers qui va permettre de
transmettre une part de l'héritage, la transmission, le passé
ouvert dans ce qu'il a encore à nous dire et dans ce que nous avons
encore à lui dire. Le travail de l'absence contre la présence
pleine, l'inscription de la perte et de la ruine, la trace de la perte contre
la mémoire saturée. »
* 58Alia Trabucco,
Op.cit., épigraphe.
* 59Nona Fernández,
Op.cit., p. 47.
* 60Idem,
épigraphe.
* 61 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 65.
* 62Paul Ricoeur, Temps et
Récit: Le temps raconté, Tome III, Paris, Seuil, 1985, p.
269.
* 63 Dominique
Rabaté, Op.cit., p. 133.
* 64Édouard Glissant, Traité du
Tout-Monde, Paris, Gallimard, 1997, p. 20.
* 65Édouard Glissant,
loc.cit.
* 66 Julia Kristeva, Pouvoir
de l'horreur. Essai sur l'abjection, Paris, Seuil, p. 16.
* 67 Nelly Richard,
Fracturas de la memoria. Arte y pensamiento crítico, Buenos
Aires, Siglo XXI, 2007, p. 133-134. Rappelons ici que pour Jean-Jacques
Lecercle, La Violence du langage, Op.cit., le reste est
synonyme d'excès (p. 67), de débordement rhizomatique (p.133)
propice à l'évidement des capacités créatives,
expressives du roman. Nous y reviendrons.
* 68Bernard Mouralis,
Les contre-littératures, Paris, Hermann, 2011 [1975], p. 12.
Par ailleurs, il convient de préciser ici que Alia Trabucco ne nie pas,
lorsqu'elle mentionne ses sources d'inspiration qui ont convergé afin de
donner naissance à La resta, s'être inspirée
« tanto de una tradición (o contra-tradición) chilena
como universal »(Source: Miranda Rodrigo, "Alia Trabucco:
«Me interesa pensar la post-dictadura en una clave más
delirante»" [en ligne], Revista Temporales, 30/10/2015: <
https://wp.nyu.edu/gsas-revistatemporales/alia-trabucco-me-interesa-pensar-la-post-dictadura-en-una-clave-mas-delirante/>).
Ainsi, les influences de Diamela Eltit, de Pedro Lemebel, de Julio
Cortázar, de Georges Perec, de María Luisa Bombal, pour n'en
citer que quelques-unes, sont observables,
* 69Idem, p. 63.
* 70Pour de plus amples
informations, voir Annexe II : Mémoire et écriture dans la
littérature chilienne.
* 71Françoise
Susini-Anastopoulos, L'Écriture fragmentaire, Paris, PUF
(réédition numérique FeniXX), 1997, p. 1.
* 72Idem, p. 2.
* 73Ibidem, p. 58.
* 74Édouard Glissant,
Traité du Tout-Monde, Op.cit., p. 31.
* 75Idem, p. 20.
* 76Alia Trabucco,
Op.cit., p. 193.
* 77Steve Desrosiers, Les nombres : symbolisme et
propriétés [en ligne], p. 69 : <https://rl-
phaleg.fr/images/Livres/Nombres_Desrosiers.pdf>
*
78« Restance » est le néologisme
remobilisé par Franck Salaün dans son étude
« Survivances et devenirs : fragments sur la notion de
reste »,in Le reste [en ligne], Montpellier,
Presses universitaires de la Méditerranée, 2006, p.
145-154 : <
http://books.openedition.org/pulm/1613>
* 79Nous renvoyons à
cet égard au travail de Nan Zheng, « La intimidad transgresora
en la ficción de Costamagna, Fernández, Jeftanovic, Maturana y
Meruane. Podemos hablar de una nueva generación
literaria ? », Revista chilena de literatura, novembre
2017, numéro 96, p. 351-365:
https://scielo.conicyt.cl/scielo.php?pid=S0718-22952017000200351&script=sci_arttext&tlng=e
[consulté le 07/07/19]
* 80Beatriz Sarlo,
Tiempo pasado. Cultura de la memoria y giro subjetivo. Una
discusión, Buenos Aires, Siglo XXI, 2005, p. 22: «Se ha
restaurado la razón del sujeto, que fue, hace décadas,
mera «ideología» o «falsa conciencia» [...] la
historia oral y el testimonio han devuelto la confianza a esa primera persona
que narra su vida (privada, pública, afectiva, política), para
conservar el recuerdo o para reparar una identidad lastimada.»
* 81Marta Cichoka, Estrategias de la novela histórica
contemporánea : Pasado plural, postmemoria, pophistoria,
Op.cit., p. 33-34.
* 82 Marta Cichoka
évoquant Luz Marina Rivas dansEstrategias de la novela
histórica contemporánea : Pasado plural, postmemoria,
pophistoria, Op.cit., p. 34.
* 83Alia Trabucco,
Op.cit., p. 64.
* 84Alia Trabucco,loc.cit.
* 85Alia Trabucco,
Op.cit., p.68-69-70-71.
* 86Ibid., p.
195-196.
* 87Ibid., p. 195.
Nous traduisons.
* 88 Mikhail Bakhtine,
Esthétique..., Op.cit., p. 177.
* 89Alia Trabucco,
Op.cit., p. 47.
* 90Idem, p. 63-64.
* 91Ibidem, p. 67.
* 92 Le débordement
par l'inondation, métaphore aussi du surplus de mémoire fait
souvent irruption dans la voix de Iquela. Nous reproduisons ici deux autres
exemples: «(su mamá muerta y Paloma regando macetas, jardines,
anegando parques completos)» (p. 90) ;
« los teléfonos cortados, [...] mi madre y su
inundación anegando la puerta de la casa» (p. 191).
* 93Alia Trabucco,
Op.cit., p. 63. Nous traduisons.
* 94Idem, p. 20.
* 95Jacques Derrida, Les
Yeux de la langue, Op.cit., p. 53.
* 96Jean-Jacques Lecercle,
Op.cit., p. 54.
*
97« « Ça parle » par ce volcan,
la langue va parler par le feu, elle va sortir d'elle-même et revenir par
ce trou de feu » nous dit Jacques Derrida, Les Yeux de la
langue, Op.cit., p. 23.
* 98Jean-Jacques Lecercle, Op.cit.,p. 218.
* 99 Jean-Jacques Lecercle
citant M. Schneider, Op.cit., p. 247.
* 100 Alia Trabucco,
Op.cit., p. 67. Nous traduisons.
* 101Idem, p. 96.
Nous traduisons.
* 102Ibidem, p. 249.
Nous traduisons.
* 103 Alia Trabucco,
loc.cit. Nous traduisons.
* 104Ibid., p. 242.
Nous traduisons.
* 105Alia Trabucco,
loc.cit. Nous traduisons.
* 106Ibid., p.
251.
* 107Ibid., p.
187-188.
* 108Ibid., p.
267.
* 109Mikhail Bakhtine,
Op.cit., p. 155.
* 110Dominique Viart,
« Vers une poétique « spectrale » de
l'Histoire », in Jutta
Fortin, Jean-Bernard Vray (comp.), L'imaginaire spectral de la
littérature narrative française contemporaine, Publications
de l'Université de Saint-Etienne, 2012, p. 44.
* 111Paul Ricoeur, La
Mémoire, l'histoire, l'oubli, Op.cit., p. 65.
* 112Alia Trabucco,
Op.cit., p. 207.
* 113Idem, p. 49.
* 114Gaston Bachelard,
Poétique de la rêverie, Paris, PUF, 1960, p. 77.
* 115Gaston Bachelard,
loc.cit.
* 116Julia Kristeva,
Pouvoirs de l'horreur, Op.cit., p. 57.
* 117 Julia Kristeva,
loc.cit.
* 118Alia Trabucco,
Op.cit., p. 152-153.
* 119Idem, p.254.
* 120Ibidem, p.
255.
* 121 Nelly Richard, Feminismo, género y diferencia(s), Santiago
de Chile, Palinodia, 2008, p. 37. Disponible en ligne: <
http://www.acaderc.org.ar/artes/publicaciones/contenedor-newsletter-1/Nelly%20Richard%20-%20Feminismos-%20genero%20y%20diferencias%20-1.pdf>
* 122Alia Trabucco,
Op.cit, p. 126-127.
* 123Idem, p. 159
* 124Ibidem, p.
32-33.
* 125Ibid., p. 152-153.
* 126Ibid., p.
152-153.
* 127Ibid., p.
155.
* 128Idem, p. 157.
* 129Ibidem, p.
179-180.
* 130 Nelly
Richard,Feminismo, género y diferencia(s), Op.cit., p.
37.
* 131Nelly Richard,
loc.cit. Nous traduisons.
* 132 Nona
Fernández, «Escribir para salvar vidas» [en ligne], Taller de
letras, Santiago de Chile, num. 56, 2015, p. 195.
* 133Le témoignage
fait partie du champ des contre-littératures. À cet égard
voir Bernard Mouralis, Les contre-littératures, Paris, Hermann,
2011, p. 55.
* 134Philippe Vasset,
« L'Exofictif » [en ligne], Vacarme, num. 54,
01/2011, p. 29 : <
https://www.cairn.info/revue-vacarme-2011-1-page-29.htm>
* 135Noemí Acedo Alonso, «El
género testimonio en Latinoamérica: aproximaciones
críticas en busca de su definición, genealogía y
taxonomía» [en ligne], Latinoamérica, num. 64, p.
39-69: <
http://www.revistadeestlat.unam.mx/index.php/latino/article/view/56863/50597>
* 136 Mercè
Picornell, «El género testimonio en los márgenes de
la historia: representación y autorización de la voz
subalterna» [en ligne], Espacio, Tiempo y Forma, Série V,
Historia Contemporánea, num. 23, 2011, p. 129: <
http://revistas.uned.es/index.php/ETFV/article/view/1577/1459>
* 137Catherine Coquio,
« Le récit du rescapé est un genre littéraire ou
Le témoignage comme « genre de
travers » », inDominique Moncond'huy, Henri Scepi,
Les Genres de travers : littérature et
transgénéricité, Rennes, PUR, 2007, p. 121.
* 138Idem, p.
103.
* 139Ibidem, p.
121.
* 140 Nona
Fernández, La dimensión desconocida,Op.cit., p.
27.
* 141Julia Kristeva, La révolution du langage poétique,
Paris, Seuil, p. 317.
* 142 Julia Kristeva,
La révolution du langage poétique, Op.cit.,p.
318.
* 143 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit.,p. 161-162.
* 144Idem, p. 168.
* 145Ibidem, p.
169.
* 146C'est dans ce
poème, que nous retrouvons parmi ses Poèmes saturniens, Edition du groupe
« Ebooks libres et gratuits », 1867, p. 10 (<
http://lacroixlitteraire.free.fr/lacroixlitteraire/Poesie_files/verlaine_poemes_saturniens.pdf>)
que Paul Verlaine révèle être poursuivi par les souvenirs
de son amour obsessionnel envers une femme :
Souvenir, souvenir, que me veux-tu ? L'automne
Faisait voler la grive à travers l'air atone,
Et le soleil dardait unrayon monotone
Sur le bois jaunissant où la bise détone.
Nous étions seul à seule et marchions en
rêvant,
Elle et moi, les cheveux et la pensée au vent.
Soudain, tournant vers moi son regard émouvant :
« Quel fut ton plus beau jour ? » fit sa voix d'or
vivant,
Sa voix douce et sonore, au frais timbre angélique.
Un sourire discret lui donna la réplique,
Et je baisai sa main blanche, dévotement.
- Ah ! les premières fleurs, qu'elles sontparfumées
!
Et qu'il bruit avec un murmure charmant
Le premier oui qui sort de lèvres bien-aimées !
Ce lien intertextuel tend à faire écho à la
situation de El Papudo, qui ne pourra jamais se détacher de ce
passé, symbolisé ici par la présence du vautour.
* 147 Nona Fernández,
Op.cit., p. 72.
* 148Idem, p. 115.
* 149 Lucien
Dällenbach,Le récit spéculaire. Essai sur la mise en
abyme, Paris, Éditions du Seuil, 1977, p. 136.
* 150Ces fragments laissent
entrevoir une « métalepse de l'auteur » claire, car
« l'aut[rice] feint (par une figure) de pouvoir intervenir
dans le monde fictif qu'[elle] crée comme si c'était le
même niveau de réalité. » (Bertrand Daunay,
« La métalepse du lecteur Ou la porosité du
métatexte » [en ligne], Cahiers de narratologie, num.
32, 2017, p. 5 : <
https://journals.openedition.org/narratologie/7855>)
* 151 Nona
Fernández, La dimensión desconocida, Op.cit.,
p. 193.
* 152Javier
Rodríguez Marcos, «No quiero que el lector pase un buen rato»,
El País, 30/11/2017. Nous traduisons: <
https://elpais.com/cultura/2017/11/29/actualidad/1511987081_599660.html>
* 153Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 47.
* 154Idem, p.
28-29.
* 155 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 32-33.
* 156Michel Butor,
op.cit., p. 116.
* 157 Voir Annexe I.
* 158 Nona Fernández,
Op.cit., p. 19. Nous traduisons.
* 159 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 108-109-110.
* 160Gaston Bachelard,
Poétique de la rêverie, Op.cit., p. 104.
* 161María Luisa Bombal, La última
niebla, Santiago de Chile, Editorial Nascimiento, 1941 [2e
édition], p. 113. Disponible en ligne: <
http://www.memoriachilena.gob.cl/archivos2/pdfs/MC0005023.pdf>
* 162Maurice Blanchot,
L'Écriture du désastre, Paris, Gallimard, 1980, p.
182.
* 163 Maurice Blanchot,
L'Espace littéraire, Paris, Gallimard, 1955, p. 235.
* 164Paul Gadenne, A
propos du roman, Arles, Actes Sud, 1983, p. 51.
* 165Dominique Budor,
Walter Geerts, « Les enjeux d'un
concept »,in Le texte hybride, Paris, Presses
Sorbonne Nouvelle, 2004, p. 7-25 : <
http://books.openedition.org/psn/10055>
* 166Mikhail Bakhtine,
Esthétique et théorie du roman, Op.cit., p.
141.
* 167Édouard
Glissant, Traité du Tout-monde, Op.cit., p. 31.
* 168Maurice Blanchot citant
René Char, L'Espace littéraire, Op.cit., p.
235.
* 169Ricard Ripoll,
« Vers une pataphysique de l'écriture fragmentaire »
[en ligne], Barcelona, UAB, p. 17 : <
https://pdfs.semanticscholar.org/782f/372efaadfe1286d0cfb0c0c6a2f63982071d.pdf>
* 170Roland Barthes, Le
Plaisir du texte, Paris, Seuil, 1973, p. 67. Pour Roland Barthes, le
« [t]exte de jouissance [...] [est] celui qui met en état de
perte, celui qui déconforte [...], fait vaciller les assises
historiques, culturelles, psychologiques, du lecteur, la constance de ses
goûts, de ses valeurs et de ses souvenirs, met en crise son rapport au
langage. »
* 171 Nelly Richard,
Feminismo, género y diferencia(s),Op.cit., p. 18.
* 172Nelly Richard,
loc.cit. Nous traduisons.
* 173Loc.cit. Nous
traduisons.
* 174Nelly Richard,
loc.cit.Nous traduisons.
* 175Nelly Richard,
loc.cit. Nous traduisons.
* 176Ibidem, p.
35.
* 177Georges Perec,
Espèces d'espaces, Paris, Galilée, 1974, p. 21.
* 178 Marc
Chénetier, « Kyrielle et liaison, propos profanes sur la liste en
littérature » ROUGÉ Bertrand (sous la direction de),
Suites et séries, Actes du troisième colloque du CICADA,
Pau, PUP, 1994, p. 110.
* 179Marc Chénetier, art.cit., p. 107.
* 180Édouard
Glissant, Traité du Tout-Monde, Op.cit., p. 20.
* 181 Marc
Chénetier, art.cit., p. 108.
* 182Idem, p.
110.
* 183Ibidem, p.
110.
* 184Ibid., p.
110.
* 185 Alia Trabuco
Zerán, Op.cit., p. 11.
* 186Marc Chénetier,
art.cit., p. 108.
* 187Umberto Eco, «El
vértigo de las listas», Revista Científica de
Información y Comunicación, num. 8, 2011, p. 26: <
https://www.academia.edu/12527923/EL_VÉRTIGO_DE_LAS_LISTAS_-_Umberto_Eco_Universidad_de_Bolonia_>
* 188Idem, p.
26.
* 189Édouard
Glissant,Traité du Tout-Monde, Op.cit., p. 115.
* 190 Alia Trabucco,
Op.cit., p. 11. Nous traduisons.
* 191Marc Chénetier,
art.cit., p. 110.
* 192 Alia Trabucco,
Op.cit., p. 44.
* 193Idem, p.
45.
* 194Ibidem, p.
116.
* 195 Cécile Hanania,
Roland Barthes et l'étymologie, Bruxelles, Peter Lang, 2010, p.
158.
* 196Cécile Hanania,
citant Grain, Op.cit., p. 158.
* 197Alia Trabucco,
Op.cit., p. 46.
* 198 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 151.
* 199Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 152.
* 200Idem, p.
152-153.
* 201 Umberto Eco, Lector
in fabula: le rôle du lecteur, ou, la coopération
interprétative dans les textes narratifs, Paris, Grasset, 1985, p.
61.
* 202Idem, p. 62.
* 203 Raphaël Baroni,
La Tension narrative, Paris, Seuil, 2007, p. 20 : « La
« thymie » (du grec tumosqui signifie
« coeur, affectivité ») est une humeur, une
disposition affective de base. En psychologie, la régulation de l'humeur
se définit par une « fonction thymique »
(définitions tirées du Nouveau Petit Robert, édition
2003). Nous nous servirons de cette expression pour désigner des effets
poétiques de nature « affective » ou
« passionnelle » tels que la tension narrative, le suspense
ou la curiosité par exemple. »
* 204Raphaël Baroni citant Sternberg, Op.cit.,
p. 42.
* 205Idem, p. 18.
* 206Ibidem, p.
99.
* 207La catalyse,
unité narrative qui « a toujours une fonction
discursive : [...] accélère, retarde, relance le discours,
[...] résume, anticipe, parfois même déroute »
nous dit Roland Barthes,
* 208Rappelons que cette
liste s'étend sur quatorze pages au total.
* 209Philippe Hamon,
« La mise en liste . Préambule », in
Milcent-Lawon Sophie, Lecolle Michelle, Michel Raymond (dir.), Liste et
effet liste en littérature, p. 27.
* 210Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op. cit., p. 212-213.
* 211Michel Collot, Le
Corps-cosmos, Op.cit., p. 89.
* 212Idem, p. 92.
* 213 Bernard Noël,
La Peau et les Mots, Paris, P.O.L, 2002, p. 43.
* 214Michel Collot, Le
Corps-cosmos, Op.cit., p. 92.
* 215Christine
Planté (dir.), « Introduction »,
inL'Épistolaire, un genre féminin ?, Paris,
Champion, 1998, p. 13, déclare que « [c]'est par rapport
à l'ensemble de la littérature que l'épistolaire est dit
féminin, relativement à d'autres genres [...]. Situé au
bas de la hiérarchie, en tout cas à la périphérie
de la sphère littéraire, il n'y est admis que de façon
problématique [...] »
* 216Elisabeth Gavoille,
François Guillaumont, « Introduction »,
in Conflits et polémiques dans
l'épistolaire [en ligne], art. cit., p. 13-29 : <
https://books.openedition.org/pufr/10877>
* 217Idem, p.
13-29.
* 218 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 25-26.
* 219Idem, p. 229.
* 220 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit.,p.
230-231-232-233.
* 221Nous empruntons ce
concept à Dina Haruvi,« De l'identité nomade à
la « pensée nomade » : correspondances de
québécoises »,inL'Épistolaire au
féminin : Correspondances de femmes (XVIIIe-
XXe siècle) [en ligne], Caen, Presses universitaires de
Caen, 2006, p. 213-227: <
http://books.openedition.org/puc/10246>
* 222 Michel Collot,
«Lyrisme et littéralité» [en ligne], Lendemains -
Études Comparées sur La France. BD. 34, num. 134/5, 2009, p.
20 : <
file:///C:/Users/Jérémie/AppData/Local/Packages/Microsoft.MicrosoftEdge_8wekyb3d8bbwe/TempState/Downloads/49-34-1-PB%20(1).pdf>
* 223 Michel Collot,
««Cette émotion appelée poésie»( Pierre
Reverdy)», in Emmanuel Bouju, Alexandre Gefen (comp.),
L'Émotion, puissance de la littérature ?, Pessac,
Presses Universitaires de Bordeaux, 2013, p. 144. Disponible en ligne :
<
https://www.academia.edu/23073357/LÉmotion_puissance_de_La_LittÉrature>
* 224 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit.,p. 159-160.
* 225Idem, p.
175-176.
* 226 Enrique Lihn, La piezaoscura, San Francisco, Editorial
Universitaria S.A, 1963, p. 17: <
http://www.memoriachilena.gob.cl/archivos2/pdfs/mc0009652.pdf>
On retrouvera le poème dans son intégralité en annexe VI
.
* 227 Bieke Willem, El
espacio narrativo en la novela postdictatorial: casas habitadas, Boston,
Brill/Rodopi, 2016, p. 236.
* 228 Enrique Lihn,
Op.cit., p. 17. Nous traduisons.
* 229Patricia Gauthier,
« Le roman du roman de Pascal Quignard : Dernier royaume ou le
triomphe du « non-roman », inDominique Moncond'huy, Henri Scepi, Les Genres de
travers : littérature et transgénéricité,
Rennes, PUR, 2007, p. 350.
* 230Patricia Gauthier,
loc.cit.
* 231Jacques Derrida,
La Loi du genre, Communication présentée en juillet 1979
à l'occasion d'un colloque international sur « Le
Genre » qui fut organisé par J-J Chartin, Ph. Lacoue Labarthe,
J-L Nancy et S. Weber, sous les auspices de l'université de Strasbourg
et de l'université Johns Hopkins (Baltimore), et publiée par
Parages, p. 253 : <
https://joaocamillopenna.files.wordpress.com/2017/08/derrida-la-loi-du-genre.pdf>
* 232Julia Kristeva,
Pouvoir de l'horreur. Essai sur l'abjection, Op.cit., p.
12.
* 233 Jacques Derrida, La
Loi du genre, Op.cit., p. 254.
* 234Idem, p. 253.
* 235 «A su derecha la
escoltaba un hombre rubio y barbón que apoyaba una mano sobre su cabeza
(hundiéndola, enterrándola).» (p. 17: nous
soulignons); «Como si nada hubiese muerto o aún contemplara por la
ventanilla la ciudad enterrada entre los cerros, Paloma
agarró con una mano su cámara de fotos, una antigua
máquina colgada de su cuello, y fotografió un anuncio colgado a
la pared.» (p. 42: nous soulignons); «Y ni siquiera alcanzaba a subir
los peldaños del edificio (cuarenta y cuatro escalones exactos), apenas
llegaba a enterrar la llave en la cerradura, cuando oía el
teléfono retumbando al otro lado.» (p. 72: nous soulignons);
«Comenté lo opaco que se veía el cielo, los campos
enterrados bajo el polvo, la textura del viento ahora visible (una
mortaja gris sobre Santiago).» (p. 145: nous soulignons);
«Quiébrale la nariz, Iquela, sácale los ojos de las cuencas,
entiérrale alfileres bajo las uñas.» (p.
209: nous soulignons)
* 236 «pienso en
el loro Evaristo encerrado en su jaula en la cocina [...] yo
me movía y ahí estaba su ojo
encerrándome, porque mi reflejo quedaba
encarcelado [...]» (p. 52: nous soulignons); «Había
sobrevivido hasta la última partícula de ese viejo olor: el aroma
de la enfermedad y del encierro, ese dejo dulzón que
prometía un dolor que no llegaba.» (p. 68: nous soulignons);
«Encerrado no me gusta nada, no, lo que yo quiero es caminar [...]»
(p. 151: nous soulignons); «Intenté volver al juego pero
quedé atrapada en la memoria de esa mancha sobre mi
mano [...]» (p. 167: nous soulignons); «O podía continuar en
esa asamblea, con su blusa blanca (o crema o amarilla), encerrada en la
fotografía que colgaba en el comedor de la casa de mi
madre.» (p. 242: nous soulignons); «desciendo por las colinas del
oriente y llego a Santiago de pronto, un Santiago repentino
que me alerta, me vigila, me encarcela [...]» (p. 276:
nous soulignons).
* 237 «Había
ido a escuchar y escucharía atenta, sin dejar de comerse las gruesas
hojas de su alcachofa, arrancándolas una a una, examinándolas,
acercándolas a su boca, chupando con delicadeza esa pulpa
plomiza y abandonándolas en un círculo perfecto.»
(p. 61: nous soulignons); «y miro al oriente y compruebo que no se ve la
cordillera, no se ven los cuerpos, no, solo unos nubarrones bajos y blancos,
unas nubes de cemento [...]» (p. 103: nous soulignons);
«me entrené para descifrar la rabia en las pupilas de los quiltros
y las vacas, asas vaquitas sureñas con sus ojos grises, porque no eran
blancos y lisos esos ojos, no, eran unas escleróticas
plomizas y resbalosas [...]» (p. 202: nous soulignons); «En
sus marcas, listos, ya! Ese era el grito que nos desplomaba sobre la
tierra, Ique, sin trampa [...]» (p. 260: nous soulignons);
«Quedé sumida en un vértigo, como si todo el aire de mi
cuerpo me abandonara de pronto y me desplomara en un espacio
vacío.» (p. 269: nous soulignons); «es una luz que me corta la
cara y me encandila, deslumbra las pupilas de mis poros y enciende mi descender
abrupto, mi desplome inflamado [...]» (p. 278: nous
soulignons).
* 238 Alia Trabucco, La
resta, Op.cit., p. 45.
* 239Idem, p. 69.
* 240Ibidem, p.
85.
* 241Ibid., p.
133-134.
* 242Ibid., p.
224.
* 243Ibid., p. 79.
* 244Ibid., p. 83.
* 245Ibid., p. 91.
* 246Ibid., p.
114.
* 247Ibid., p. 141.
* 248Ibid., p. 190.
* 249Ibid., p.
235.
* 250Ibid., p.
147 : «Desde el barranco, el valle de Santiago se extendía
quieto, un agujero hundido entre los cerros y unas pocas luces
desperdigadas.»
* 251Jean-Yves Tadié,
Le Récit poétique, Paris, Gallimard, 1994, p. 78.
* 252Idem, p. 7.
* 253Édouard Glissant,
Le Traité du Tout-monde, Op.cit., p. 75.
* 254Jean-Jacques Lecercle,
Op.cit., p. 95.
* 255Idem, p. 95.
* 256Michel Collot, Le
Corps-cosmos, Op.cit., p. 37.
* 257 Alia Trabucco, La
resta, Op.cit., p. 257.
* 258Jacques Derrida, La
Loi du genre, Op.cit., p. 264.
* 259Jean-Yves Tadié,
Op.cit., p. 133.
* 260 Alia Trabucco, La
resta, Op.cit., p. 273-274.
* 261Michel Collot, Le
Corps-cosmos, Op.cit., p. 37.
* 262Michel Collot,
loc.cit.
* 263Michel Collot citant Mahmoud Sami-Ali, De
la projection, loc.cit.
* 264Michel Collot,
loc.cit.
* 265Jean-Yves Tadié,
Op.cit., p. 76.
* 266Michel Collot, Le
Corps-cosmos, Op.cit.
* 267 Jorge Luis Borges,
Ficciones, Barcelona, Debolsillo, 2015 [1944], p. 15.
* 268Michel Foucault, Les
Mots et les choses, Paris, Gallimard, 1966, p. 89.
* 269Michel Collot, Le
Corps-cosmos, Op.cit., p. 84.
* 270Michel Collot, loc.cit.
* 271Michel Collot, loc.
cit.
* 272Jean-Yves Tadié,
Op.cit., p. 152.
* 273Idem, p. 163.
* 274Alia Trabucco, La
resta, Op.cit., p. 75.
* 275Idem, p.
274-275-278-279.
* 276Alia Trabucco, La
resta, Op.cit., p. 278. Nous traduisons.
* 277Idem, p. 59.
* 278 Alia Trabucco,
loc.cit. Nous traduisons.
* 279Nous devons l'image du
miroir de mercure à Jacques Derrida, p. 470. Pour Jacques Derrida,
La diseminación, p. 473, «[l]a relación entre los
términos opuestos, entre los gérmenes contrarios, es pues, el
azogue venenoso.»
* 280 Marta Cichoka, Entre
la nouvelle histoire et le Nouveau roman historique, Paris, l'Harmattan,
p. 334.
* 281 Marta Cichoka,
loc.cit.
* 282 Nelly Richard,
Residuos y metáforas..., Op.cit., p. 80.
* 283Idelber Avelar,
Alegorías de la derrota: la ficción posdictatorial y el
trabajo de duelo, 1999, disponible en ligne: <
https://direccionmultiple.files.wordpress.com/2012/09/alegorias_de__derrota__la_ficcion_postdictatorial_y_el_trabajo_del_duelo_-_idelber_avelar.pdf>
* 284 Paul Ricoeur, La
Mémoire, l'histoire, l'oubli, Op.cit., p. 62.
* 285Gabriel Ferreira
Zacarias, « Introduction : quel concept pour l'art des
archives ? » [en ligne], Marges, num. 25, 2017, p.
10 : <
https://www.cairn.info/revue-marges-2017-2-page-10.htm#pa8>
* 286Marta Cichoka se référant
à l'oeuvre théorico-critique de Linda Hutcheon, Narcissistic
Narrative. The Metafictional Paradox (1991) dans Entre la nouvelle
histoire et le nouveau roman historique, op.cit., p. 370.
* 287Idem.
* 288Ibidem.
* 289Ibid.
* 290Gérard Genette,
Palimpsestes, Paris, Seuil, 1982, p. 8.
* 291Idem, p.
10.
* 292Ibid., p.
13.
* 293Ibid., p.
12.
* 294Ibid., p.
12.
* 295 Nona
Fernández, La dimensión desconocida, Op.cit.,
p. 15.
* 296Laurent Lepaludier,
« Fonctionnement de la métatextualité :
procédés métatextuels et processus cognitifs »,
in Laurent Lepaludier (dir.), Métatextualité et
métafiction : théorie et analyses, Rennes, PUR, 2003,
p. 25-38 : <
https://books.openedition.org/pur/29657>
* 297Idem, p.
25-38.
* 298Ibidem, p.
25-38.
* 299Ibid., p.
25-38.
* 300Ibid., p.
25-38.
* 301Ibid., p.
25-38.
* 302Ibid., p.
25-38.
* 303 Linda Hutcheon,
Poética do pós-modernismo (traduit de l'anglais au
portugais par Ricardo Cruz), Rio de Janeiro, Imago Editora, 1991 [1947]. Nous
traduisons. Disponible en ligne sur: <
https://dl1.cuni.cz/pluginfile.php/449941/mod_resource/content/1/LHutcheon-Poetica-do-pos-modernismoM.pdf>
* 304 Linda Hutcheon,
Op.cit., p. 152.
* 305Idem, p.
152.
* 306 Nona
Fernández, La dimensión desconocida, Op.cit.,
p. 108.
* 307Idem, p. 109.
* 308 À cet
égard voir p. 4 :
«Murió gente en ese lugar?
-Sí. Uno era el llamado «Camarada Diaz».
Tenía 50 años, medio canoso, bajito, de contextura regular. El
otro era un joven que le decían «Yuri». Fue colgado en una
ducha y como le habían aplicado corriente anteriormente, tenía
mucha sed. Abrió con la boca la llave y tomó agua. Luego
llegó el centinela y le cortó el agua, pero él nuevamente
la volvió a abrir y nosotros dejamos que el agua corriera. Debe haber
sido unas horas con el agua de la ducha corriendo por el cuerpo. En la noche
falleció de una bronconeumonía fulminante.»
* 309 Michel Butor,
Op.cit., p. 10-11 :
La recherche de nouvelles formes romanesques dont le pouvoir
d'intégration soit plus grand, joue donc un triple rôle par
rapport à la conscience que nous avons du réel, de
dénonciation, d'exploration et d'adaptation. Le romancier qui se refuse
à ce travail, ne bouleversant pas d'habitudes, n'exigeant de son lecteur
aucun effort particulier, ne l'obligeant point à ce retour sur
soi-même, à cette mise en question de positions depuis longtemps
acquises, a certes, un succès plus facile, mais il se fait le complice
de ce profond malaise, de cette nuit dans laquelle nous nous débattons.
Il rend plus raides encore les réflexes de la conscience, plus difficile
son éveil, il contribue à son étouffement, si bien que,
même s'il a des intentions généreuses, son oeuvre en fin de
compte est un poison.
* 310 Nona
Fernández, La dimensión desconocida, Op.cit.,p.
130.
* 311Idem, p. 131.
* 312Dans son travail,
Bertrand Daunay, art.cit., p. 8, parle de « métalepse
du lecteur » pour désigner une oeuvre qui « ren[d]
compte de la « participation du lecteur » au
texte. »
* 313Ibidem, p.
132-133.
* 314
* 315 Linda Hutcheon,
Op.cit., p. 170.
* 316SamarkandraPereira dos Santos Pimentel citant Adolfo José
de Souza Frota dans «Considerações sobre a poética do
pós-modernismo», Letrônica, vol. 9, num. 1,
janvier-juin 2016, p. 191. Nous traduisons. Disponible en ligne: <
http://revistaseletronicas.pucrs.br/ojs/index.php/letronica/article/view/22205/14525>
* 317 Mikhaïl
Bakhtine, Op.cit., p. 181.
* 318Marie-Laure
Hurault,« La lisibilité de la
forme »,in La Forme en jeu [en ligne],
Saint-Denis, Presses Universitaires de Vincennes, 1998, p. 29-45: <
http://books.openedition.org/puv/217>
* 319Idem, p.
29-45.
* 320 Nicolas Bourriaud,
L'Exforme : Art, idéologie et rejet (Perspectives
critiques), Paris, PUF, 2017.
* 321Cecilia Vicuña,
Palabrarmas, Santiago de Chile, RIL Editores, 2005: <
http://www.memoriachilena.gob.cl/archivos2/pdfs/MC0035876.pdf>
* 322Sandrine Darsel,
« Imagination narrative, émotion et
éthique », p. 19, InEmmanuel Bouju, Alexandre Gefen (comp.),
L'Émotion, puissance de la littérature ?, Pessac,
Presses Universitaires de Bordeaux, 2013 : <
https://www.academia.edu/23073357/LÉmotion_puissance_de_La_LittÉrature>
* 323Idem
* 324Sandrine Darsel, art.
cit., p. 20.
* 325Idem
* 326Sandrine Darsel,
art.cit., p. 21.
* 327Idem
* 328Ibidem
* 329Sandrine Darsel,
art.cit., p. 26.
* 330À ce propos, voir
l'ouvrage Une voix différente. Pour une éthique du care,
Paris, Flammarion, 1986 [1982].
* 331 Carol Gilligan,
Op.cit., p. 37.
* 332Alexandre Gefen citant
Joan Tronto, Réparer le monde, Op.cit., p. 157.
* 333 Alexandre Gefen,
Réparer le monde, Op.cit., p. 157-158.
* 334 Paul Ricoeur,
Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 223.
* 335Paul Ricoeur,
loc.cit.
* 336Idem
* 337Gotthold Ephraim Lessing, Du Laocoon, ou Des
limites respectives de la poésie et de la peinture (traduit de
l'allemand par Charles Vanderbourg), Paris, Antoine-Augustin Renouard, 1802
[1763], p. 124.
* 338 Gotthold Ephraim
Lessing, Op.cit., p. 125.
* 339Idem, p.
125.
* 340Ibidem, p.
126.
* 341 Gotthold Ephraim
Lessing, loc.cit.
* 342Ibid., p.
126.
* 343Paul Ricoeur, La
Mémoire, l'histoire, l'oubli, Op.cit., p. 59. La
« dépiction », croisement du dépeint et de la
fiction, renvoie à ce « jeu entre le souvenu, le fictif [...]
et le dépeint [...] » (Op.cit., p. 58.)
* 344Pour Michel Foucault,
Les Mots et les choses, Op.cit., p. 25 : « [...] le
rapport du langage à la peinture est un rapport infini. »
* 345Yves Le Bozec,
« L'hypotypose : un essai de définition
formelle » [en ligne], Persée, inL'Information
Grammaticale, num. 92, 2002, p. 6 : <
http://www.persee.fr/doc/igram_0222-9838_2002_num_92_1_3271>
* 346Yves Le Bozec,
« Ekphrasis de mon coeur, ou l'argumentation par la description
pathétique » [en ligne], Persée,
inLittérature, num. 111, 1998, p. 112 : <
https://www.persee.fr/docAsPDF/litt_0047-4800_1998_num_111_3_2493.pdf>
* 347 Alia Trabucco, La
resta, Op.cit., p. 11.
* 348Julia Kristeva,
Pouvoirs de l'horreur, Op.cit., p. 51.
* 349 Michel Collot, La
Matière-émotion [format Kindle], Op.cit.,
emplacement 3506/5943.
* 350 Manuel Luis
Rodríguez, « Carta de Ángel Parra a Víctor
Jara » (1987) [en ligne],La República de los libros,
13/07/17:<
https://larepublicadeloslibros.wordpress.com/2017/03/13/carta-de-angel-parra-avictor-jara-1987/>
Voir annexe IX pour une lecture complète de cette
lettre. De même, le dialogue entre le muralisme et la mémoire de
la dictature chilienne est intéressant à étudier. Les
dernières années ont vu la naissance de plusieurs collectifs
muralistes tels que Los Oberoles(Annexe VIII), qui n'ont pas
hésité à prendre d'assaut les murs des villes pour peindre
la mémoire collective chilienne. Le fleuve Mapocho n'a pas
été exempt de cette activité artistique engagée.
* 351 Alia Trabucco, La
resta, Op.cit., p. 288.
* 352Michel Collot, Le
Corps cosmos, Bruxelles, La lettre volée, 2008, p. 68. Nous
employons le concept de «langue-peinture» pour renvoyer au «
pouvoir de suggestion sensorielle et émotionnelle [que les
signifiantsmatière-émotion- déploient dans La
resta, pouvoir] analogue à celui que peut revêtir par exemple
la couleur dans un tableau, non pour représenter le monde, mais pour
nous le rendre présent » et qui donne naissance à
uneécriture plastique. De sorte que cette «langue-peinture»
remplit une fonction significative dans la présentification des traces
résiduelles de la violence politique, comme nous le verrons.
* 353Paul Dirkx,
« Introduction. Un oeil qui passe inaperçu »,
in Paul Dirkx (dir.), L'oeil littéraire : La vision comme
opérateur scriptural. Nouvelle édition [en ligne], Rennes,
Presses universitaires de Rennes, 2015, p. 9-22 : <
https://books.openedition.org/pur/52089>
* 354 Alia Trabucco, La
resta, Op.cit., p. 31-32-33.
* 355En 1986, Agnès
Varda, figure iconique de la Nouvelle Vague française, à qui nous
devons le terme de « cinécriture », affirmait
à Claude Racine, « Agnès Varda ou la
cinécriture » [en ligne], 24 images, num. 27, p.
26 :
« Je suis fidèle à cette idée
que le cinéma est encore tout nouveau et qu'on est tous des apprentis
d'une écriture qu'on peut essayer d'attraper, de ce que j'appelle :
« la cinécriture ». C'est pour ça d'ailleurs,
que lorsque je tournais Sans toit ni loi, il devait alors s'appeler
« à saisir », parce que je sens très
profondément qu'il ne faut pas chercher, il faut trouver. »
En réutilisant ce terme, nous désignons
l'écriture de nos deux autrices qui, en voulant attraper la trace, en
cherchant à l'exprimer, à la représentifier, échoue
sur les rives du septième art : le cinéma, donnant lieu
à une « cinécriture de la trace ».
* 356 Bernard Noël,
Une fois les dieux, Bordeaux, Les Cahiers des Brisants, 1982, p. 1.
* 357 Jacques Fontanille,
Corps et sens, Op.cit., p. 109-110.
* 358Idem, p. 110.
* 359 Alia Trabucco,
Op.cit., p. 103.
* 360Idem, p. 104.
* 361Ibidem, p.
106.
* 362 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit.,p. 125-126.
* 363Idem, p. 127.
* 364 Alexandre Astruc
cité par Christian Metz dans « Le cinéma : langue
ou langage ? », inCommunications, 4, 1964, p. 60 :
<
https://www.persee.fr/docAsPDF/comm_0588-8018_1964_num_4_1_1028.pdf>
* 365Michel Foucault, Op.cit., p. 29.
* 366Bernard Noël,
« Un jour de grâce », inLes Plumes
d'Éros, OEuvres I, Paris, POL, 2010, p. 9-12.
* 367 Françoise Dastur,
Chair et langage: essais sur Merleau-Ponty, Paris, Les Belles Lettres,
2016, p. 106.
* 368Idem, p. 107.
* 369 Jean-Michel Schaeffer,
Pourquoi la fiction ?, Paris, Seuil, 1999, p. 245.
* 370Idem, p. 246.
* 371 Jacques Fontanille,
Op.cit., p. 101.
* 372Nelly Richard,
Residuos y metáforas, Op.cit., p. 46.
* 373 Nelly Richard,
Idem, p. 47.
* 374 Henri Meschonnic
citantPaul Valéry, art. cit., p. 21.
* 375 Nelly Richard,
Residuos y metáforas..., Op.cit., p. 46. Nous
traduisons.
* 376 Nelly Richard, La
insubordinación de los signos..., Op.cit., p. 42. Nous
traduisons.
* 377 Henri Meschonnic,
« Qu'entendez-vous par oralité ? » [en ligne], inLangue
française, num. 56, 1982, p. 20: <
https://www.persee.fr/doc/lfr_0023-8368_1982_num_56_1_5145#lfr_00238368_1982_num_56_1_T1_0006_0000>
* 378 Michel Collot, La
Matière-émotion [format Kindle], Op.cit.,
emplacement 3428/5943.
* 379 Nelly Richard,
Crítica de la memoria (1990-2010), Op.cit., p. 182.
* 380Jacques Derrida, Les
Yeux de la langue, Op.cit., p. 53.
* 381 Michel Collot, La
Matière-émotion [format Kindle], Op.cit.,
emplacement 430/5943.
* 382Jacques Fontanille,
Op.cit., p. 108.
* 383 Notion
dévéloppée par Cristina Rivera Garza dans Muertos
indóciles: necroescrituras y desapropiación, México,
Tusquets Editores, 2013, p. 22, et définie comme une «escritura
eminentemente dialógic[a], es decir, aquell[a] en l[a]s que el imperio
de la autoría, en tanto productora de sentido, se ha desplazado de
manera radical de la unicidad del autor hacia la función del lector,
quien, en lugar de apropiarse del material del mundo que es el otro, se
desapropia.»
* 384 Alia Trabucco,
Op.cit., p. 11.
* 385Idem, p. 114.
Nous traduisons.
* 386 Jacques Fontanille,
Corps et sens, Paris, PUF, 2011, p. 104.
* 387 Pierre Ouellet
(dir.), Poétique du regard : littérature, perception,
identité, Limoges, PULIM, Septentrion, 2000, p. 260.
* 388 Bernard Noël,
La Peau et les Mots, Op.cit., p. 64.
* 389La resta, p.
233 : «[...] no sabemos de dónde vienen, de dónde brota
este líquido amargo y caliente que sube, trepa y choca con las paredes
lisas y blancas del wáter, y cómo chucha llegué al
wáter y dónde chucha estoy, por la cresta, me quiero dormir y
despertar sin muertos sin ríos sin ojos sin voces
sin.» Ce fragment, qui n'est pas sans faire écho à
l'incipit in medias res, de l'oeuvre de Lina Meruane, Sangre en el
ojo (p. 11 : Estaba sucediendo. En ese momento. Hacía mucho me
lo habían advertido y sin embargo. Quedé paralizada, las manos
empapadas empuñando el aire. La gente en la sala seguía
conversando y riéndose a carcajadas, incluso susurrando exageraban
mientras yo.») et, plus précisément, son
caractère fragmentaire, elliptique, dévoile la méfiance de
la part de Alia Trabucco envers «les gloriosas terminaciones de la frase y
de la fase acabadas» (Nelly Richard, La insubordinación de los
signos..., Op.cit., p. 35.)
* 390Alia Trabucco,
Op.cit., p.144.
* 391Alia Trabucco,
loc.cit.
* 392Idem, p.
236-237.
* 393Ibidem, p.
151.
* 394Ibid., p.
160.
* 395 Cecilia
Vicuña, Op.cit., p. 54.
* 396 Cecilia
Vicuña, loc.cit.
* 397Jean-Jacques Lecercle
citant J.M. Sadock, op.cit., p. 54-55.
* 398Isabelle
Klock-Fontanille, « L'exemple des sceaux et des tablettes
hittites », inMarc Arabyan, Isabelle Klock-Fontanille
(comp.), L'Écriture entre support et surface, Paris,
L'Harmattan, 2015, p. 31.
* 399 Pierre-Louis Patoine,
Corps/texte. Pour une théorie de la lecture empathique :
Cooper, Danielewski, Frey, Palahniuk, Lyon, ENS, 2015 : <
https://books.openedition.org/enseditions/4009>
* 400 Françoise
Dastur, Op.cit., p. 66-67.
* 401Jacques Fontanille,
Op.cit., p. 70.
* 402Idem, p. 70.
* 403Françoise Dastur,
Op.cit., p. 106.
* 404Ibidem, p. 96.
* 405 Javier Marcos
Rodríguez, «No quiero que el lector pase un buen rato», El
País, 30/11/2017: <
https://elpais.com/cultura/2017/11/29/actualidad/1511987081_599660.html>
* 406 «La novela
coctelera» ou «la novela pophistórica» est un type de
romanassocié à la littérature light qui,
«[e]n vez de ofrecer una relectura del pasado desde los
márgenes del poder, como lo prometen les novelas
intrahistóricas». «[L]as novelas pophistóricas seducen
sobre todo el público joven o poco especializado». Plus
précisément, et selon Marta Cichoka, ce sont des romans:
1. [...] cuyo referente está obviamente situado en el
campo extraliterario, accesible a cualquier lector (Internet) y sin lugar a
duda.
2. [...] [que] se apoy[an] en un conocimiento
comúnmente compartido de la historia (Wikipédia), una serie de
lugares comunes que reflejan las convicciones de la comunidad a la que
pertenece el autor y sus lectores.
3. [que] tiene[en] por objetivo ganar la popularidad entre sus
lectores a través de un tema atrayente, una trama accesible, una
visión del pasado exenta de vacilaciones que sirve de fondo para una
intriga rocambolesca.
4. [...] que tiene[en] como efecto «reforzar» las
ideas compartidas y que sin embargo en muchas ocasiones suelen ser falsas o
estereotipadas. (Marta Cichoka, Estrategias de la novela histórica
contemporánea. Pasado plural, postmemoria, pophistoria (eBook),
Peter Lang, 2016, p. 103.)
* 407Jean-Michel Schaeffer,
Op.cit., p. 199.
* 408Jacques Fontanille,
Op.cit., p. 119.
* 409Jacques Fontanille,
Op.cit., p. 120.
* 410Idem, p.
105-106.
* 411Ibidem, p.
106.
* 412 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 141-142.
* 413Idem, p. 142.
* 414 Annexe V. La description
macabre que livre Nona Fernández s'appuie sur les photographies
diffusées par la presse chilienne.
* 415 Nona Fernández,
La dimensión desconocida, Op.cit., p. 108-109-110.
* 416Idem, p. 106.
*
417Frédérique de Vignemont, « Empathie
miroir et empathie reconstructive », Revue philosophique de la
France et de l'Étranger, Tome 133, 2008, p. 342 : <
https://www.cairn.info/revue-philosophique-2008-3-page-337.htm> :
« J'utilise mes propres ressources émotionnelles pour
comprendre autrui. Toutefois, à la différence de l'empathie
miroir, je ne m'appuie pas uniquement sur des indices corporels, je prends pour
point de départ le contexte externe (ce que je sais de la personne) et
interne (ce que je sais sur la personne). L'empathie reconstructive repose donc
sur une simulation de la situation émotionnelle de l'autre. »
* 418Jean-Michel Schaeffer,
Op.cit., p. 253.
* 419 Antoine Compagnon,
La littérature, pour quoi faire ? [2007], Paris, Collège
de France, coll. « Leçons inaugurales du Collège de France
», num. 188, septembre 2013. Disponible en ligne : <
http://books.openedition.org/cdf/524>
* 420Paul Valéry, « L'Infini
esthétique » (1934), inOEuvres, Tome II,
Pièces sur l'art, Paris, Gallimard, 1960, p. 1343.
* 421Paul Valéry,
loc.cit.
* 422Pour Edmund Burke,
dans Recherche philosophique sur l'origine de nos idées de sublime
et de beau [format Kindle, traduction de E. Lagentie de Lavaïsse],
Gravitons, 2015 [1803], emplacement 634/2798 :
Tout ce qui est propre à exciter les idées de
la douleur et du danger, c'est-à-dire, tout ce qui est en quelque sorte
terrible, tout ce qui traite d'objets terribles, tout ce qui agit d'une
manière analogue à la terreur est une source du
sublime ; ou, si l'on veut, peut susciter la plus forte
émotion que l'âme soit capable de sentir. Je dis la plus forte
émotion parce que je suis convaincu que les idées de la douleur
sont plus puissantes que celles qui viennent du plaisir.
L'idée de « sublime »,
développée par E. Burke, est à lier à
« l'infinité », car elle en est la source
(emplacement 1152/2798).
* 423 Eduardo Galeano,
« Dix erreurs ou mensonges fréquents sur la littérature
et la culture en Amérique latine » (Traduit de l'espagnol par
Ch. Bonnarens et tiré de Nueva Sociedad, num. 56-57, Caracas,
septembre-novembre-décembre, 1981), inFiction et
réalité : la littérature
latino-américaine, Université de Bruxelles, 1983, p. 54.
* 424Lina Meruane, Sangre
en el ojo, San José, Ediciones Lanzallamas, 2013, p. 167-168.
* 425 Dominique Rabaté,
Op.cit., p. 103.
* 426Johan Faerber,
Après la littérature. Écrire le contemporain
[format Kindle], Op.cit., emplacement 721/3262.
* 427 Johan Faerber,
loc.cit.
* 428C'est en ces termes que
Johan Faerber, Op.cit., emplacement
778-784/3262, définit ce qu'il nomme « la page
noire » :
Dans un renversement d'une fureur sans
précédent, la page blanche apparaît bien plutôt comme
la promesse à tenir, l'horizon à atteindre et l'espoir
irrésolu de trouver un espace d'accueil dans lequel écrire
s'avancerait, où il serait un verbe souverain qui, seul, autoriserait
l'oeuvre à être. Parce qu'aujourd'hui, au moment décisif de
commencer à écrire, il n'existe paradoxalement plus que la
terreur de la page noire, une page noircie de toutes les autres
écritures, une page noircie de tout ce qui s'est déjà
écrit sans elle et dont elle est le dépôt féroce et
le testament désastré. Une page noire qui jette l'homme hors de
tout livre et porte dans chacune de ses lignes le crêpe noir du
deuil infini et insurmontable de la Littérature même. Une
page noire, où chaque mot est devenu l'ombre portée de la phrase
d'un autre auteur, a obscurci jusqu'à l'aveugle ce qui reste et
où les marges s'effondrent à leur tour de noires saturations,
obscurcies d'écriture et de récritures, encore et plus encore que
l'adverbe « encore » lui-même ne saurait dire et
porter. Comme si l'infini lui-même avait trouvé sa fin, comme si
l'inachèvement s'était reculé dans la faillite de
l'achever, comme si l'épuisement même avait été
épuisé.
* 429Nous empruntons ce
syntagme à Eduardo Galeano et son célèbre essai, Las
venas abiertas de América latina, Buenos Aires, Siglo XXI, 1971.
* 430Adriana
Castillo-Berchenko, « Les modifications du discours littéraire dans
la narration et la poésie chilienne actuelles » [en ligne], Cahiers
d'études romanes, 4 | 2000, 15/01/2013 : <
http://journals.openedition.org/etudesromanes/3273>
* 431Idem.
* 432 Ricardo Piglia,
Crítica y ficción, Barcelona, Debolsillo, 2014, p.
101.Nous traduisons.
* 433María Zambrano, « Pourquoi on écrit
», sur Jean-Michel Maulpoix & Cie... : <
http://www.maulpoix.net/Zambrano.html>
* 434 María Zambrano,
Idem.
* 435Tous les trois
appartenaient au groupe collectif artistique CADA (1979). En effet, «la
instauración de un régimen autoritario limitó no
sólo las posibilidades de continuar los caminos abiertos anteriormente,
sino que operó como un factor que inhibió las nuevas
manifestaciones expresivas, sumiendo a gran parte del campo artístico
nacional en prácticas y lógicas discursivas de resistencia, en
las que el elemento predominante era la funcionalidad del discurso
artístico en el contexto de las políticas opositoras al
régimen militar.» De plus, «el carácter político
de la CADA queda de manifiesto en la doble negación de muchas de sus
intervenciones, que buscan simultáneamente operar como disidencia al
interior de los discursos artísticos y como expresión opositora
en el campo político nacional. Junto con negar la institucionalidad
artística preexistente, el CADA rechaza la institucionalidad
sistémica del régimen militar y, más profundamente, las
bases económicas ysociales que lo sustentan.» (Source:
Memoria chilena, «Colectivo Acciones de Arte (CADA)»:
http://www.memoriachilena.cl/602/w3-article-3342.html)
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