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La garantie des droits fondamentaux au Cameroun

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par Zbigniew Paul DIME LI NLEP
Université Abomey-Calavi, Bénin - DEA en Droit international des Droits de l'Homme 2004
  

Disponible en mode multipage

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DEDICACES

A mon père Roger Gabriel NLEP†, à ma mère Marguerite NLEP, à mes frères et soeurs, puisse ce modeste opuscule trouver grâce à vos yeux.

REMERCIEMENTS

``Une seule main ne lie pas un fagot de bois'' : proverbe africain qui vise à rendre compte du fait que pour l'accomplissement d'une oeuvre humaine, nécessité de plusieurs forces fait loi.

L'accomplissement de ce mémoire ne déroge pas à cette règle et pour ce faire, nos sincères remerciements vont :

-. A notre directeur de mémoire, le professeur Théodore HOLO, Titulaire de la Chaire UNESCO, pour l'encadrement scientifique rigoureux et les sages conseils prodigués dans le cadre et en dehors de ce travail. Qu'il trouve ici l'expression de notre immense gratitude ;

-. A l'ensemble de l'équipe scientifique de la Chaire UNESCO et à nos camarades de promotion pour le soutien et les échanges constants au cours de l'année académique, tout particulièrement à Saoudathou FOUSSENI, Gilles AZIABA, Brice ALLOWANOU, José Marie SANVEE, Amina SEKOU BA, Souleymane GARBA, Kayodé Inès EGOUNLETY ;

-. Aux familles MBENOUN, DINGOME, LOGMO, DJEM, NGUE, NDONG, BIAKAN, pour toute l'affection et tout le soutien qu'elles nous apportent depuis de si nombreuses années ;

-. A notre frère aîné, Charlie NACH pour l'appui inestimable dont il nous gratifie à tous les moments de notre existence ; ainsi qu'à son épouse Marie-Carine et à ses deux filles ;

-. A notre ``mère'' Marie-Laure HOUNTONDJI, et aux enfants EGOUNLETY, Liana, Franck, Judith et Roland, pour tout l'amour dont ils nous comblent au quotidien ;

-. Aux ``aînés'', Thierry MBOUS, Serge NTAMACK, Fabien NKOT, Simon TOUM, Eugène MOUNGOLE car ils nous servent de modèles ;

-. A Sabine CAPART et à Claire DELVAUX, pour nous avoir accepté dans leur vie ;

-. A nos ``frères'', Cyprien, Eugène, Fidèle, Bruno, Roméo, Parfait, Michel, Lucien, Erick, Seydou, Théodor, Ferdinand, Eric, pour leur présence chaleureuse, fraternelle et amicale ;

-. A tous ceux qui de près ou de loin ont contribué à la réalisation de cette modeste oeuvre et que nous n'avons pas pu nommer, qu'ils nous pardonnent cette omission et qu'ils trouvent ici l'expression de notre infinie reconnaissance. Puisse Le Seigneur les combler de tous Ses Bienfaits.

SIGLES ET ABREVIATIONS

- AFSJP/UDs : Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l'Université de Dschang (Cameroun)

- Al. : alinéa

- alii : autres auteurs

- Art. : article

- C.A. : Cour d'Appel

- CENA : Commission Electorale Nationale Autonome

- CENI : Commission Electorale Nationale Indépendante

- CFJ : Cour Fédérale de Justice

- CFJ/AP : Assemblée Plénière de la Cour Fédérale de Justice

- CFJ/CAY : Chambre Administrative de la Cour Fédérale de Justice

- C.P. : Code pénal

- CS/CA : Chambre Administrative de la Cour Suprême du Cameroun

- CS-AP : Assemblée Plénière de la Cour Suprême du Cameroun

- DCC : Décision de la Cour Constitutionnelle du Bénin ou du Conseil Constitutionnel de la France

- dir. : sous la direction de

- G.A.J.A. : Grands Arrêts de la Jurisprudence Administrative

- Ibid.: ibidem

- J.O.R.C. : Journal Officiel de la République du Cameroun

- L.G.D.J. : Librairie Générale de Droit et de Jurisprudence

- ONG : Organisation Non Gouvernementale

- op. cit. : opuscule cité

- PCA-CS : Ordonnance du Président de la Chambre Administrative de la Cour Suprême

- Pr : professeur

- P.U.A. : Presses Universitaires d'Afrique

- Presses de l'U.C.A.C : Presses de l'Université Catholique d'Afrique Centrale

- P.U.F. : Presses Universitaires de France

- R.C.D. : Revue Camerounaise de Droit

- R.D.P. : Revue de Droit Public

- R.D.P.C. : Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais

- Rec. : Recueil

- R.J.A. : Revue Juridique Africaine

- R.U.D.H. : Revue Universelle des Droits de l'Homme

- S.D.F. : Social Democratic Front

- SOPECAM : Société de Presses et d'Edition du Cameroun

- U.N.D.P. : Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès

- vol. : volume

SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LA CONSTANCE DE LA CONSECRATION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L'ORDRE JURIDIQUE CAMEROUNAIS 14

CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE CONSTITUTIONNELLE DE PROCLAMATION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN 16

SECTION I : LA PROCLAMATION PREAMBULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX, CHOIX DU CONSTITUANT CAMEROUNAIS 16

SECTION II : L'EDIFICATION D'UN BLOC DE CONSTITUTIONNALITE FAVORABLE AUX DROITS FONDAMENTAUX 27

CHAPITRE II : LA DIVERSITE DES DROITS FONDAMENTAUX CONSACRES 35

SECTION I : L'AFFIRMATION DES DROITS CLASSIQUES 36

SECTION II : LA CONSECRATION DE DROITS ORIGINAUX 49

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 63

DEUXIEME PARTIE : LA TIMIDE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN 64

CHAPITRE I : LES MECANISMES JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 66

SECTION I : L'ACTION VOLONTAIRE DES JUGES DES ORDRES JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIF 66

SECTION II : L'INTERVENTION HYPOTHEQUEE DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 83

CHAPITRE II: LES MECANISMES NON JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 94

SECTION I : LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES 94

SECTION II : L'EMERGENCE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 111

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 123

CONCLUSION GENERALE 124

INTRODUCTION GENERALE

La notion de « droits fondamentaux » n'est pas aisée à définir, car elle semble être justiciable de plusieurs acceptions. De plus, elle cohabite avec des notions voisines ou synonymes telles que celles de « libertés fondamentales », « droits de l'homme », « libertés publiques », si bien que l'emploi de l'une ou l'autre de ces notions prête parfois à équivoque.

C'est ce qu'exprime le Pr SUDRE, lorsqu'il pose le constat que les termes « droits de l'homme » et « droits fondamentaux » apparaissent interchangeables et sont parfois indifféremment utilisés par la doctrine1(*). Pour le Pr LECLERCQ, la notion de « droits fondamentaux » s'apprécie plutôt par rapport au droit public interne de chaque Etat, étant admis que l'internationalisation des « droits de l'homme » limite la souveraineté étatique et l'arbitraire, toujours possible de chaque Etat. Il lui adjoint, du reste, comme synonyme la notion de « libertés publiques »2(*).

Le Pr René DEGNI SEGUI estime, quant à lui, qu'un lien est déductible de l'interpénétration entre ces différentes notions : l'homme. Ce dernier en est le centre névralgique, car c'est sa dignité qui est recherchée. A ce propos, le Pr. BEDJAOUI a pu dire que les ``droits fondamentaux'' sont des droits primaires, des droits premiers qui préexistent à toute formation sociale, à tout droit et leur confèrent le caractère universaliste3(*). Les ``droits fondamentaux'' renvoient donc à une certaine éthique, pour reprendre l'expression du Pr SUDRE, qui pense que l'usage du terme ``droits de l'homme'' renvoie plus au domaine de l'« imaginaire »4(*), et que c'est celui de "libertés publiques" qui sied au droit positif. Celles-ci désignent de manière générale « les droits et facultés assurant la liberté et la dignité de la personne humaine et bénéficiant de garanties institutionnelles »5(*), écrit-il.

Le Pr TURPIN abonde dans le même sens lorsqu'il considère que « parfois considérées comme synonymes, les notions de ``droits de l'homme'' et de ``libertés publiques'' ne se recouvrent pas totalement »6(*). Il précise son idée en ajoutant que « la première [notion] est plus ancienne, plus large, plus ambitieuse, mais moins précise, car plus philosophique ou politique [...] La seconde est plus récente, plus modeste, mais aussi plus juridique, donc plus précise »7(*). Toutefois, ces deux notions diffèrent essentiellement par leur source et leur contenu.

En ce qui concerne l'origine, la notion de « libertés publiques » apparaît avec la Constitution française du 14 janvier 1852, dont l'article 25 en confiait la garde au Sénat8(*). Celle de « droits de l'homme » renvoie plutôt aux sources du jusnaturalisme, l'homme étant, par son essence, titulaire d'un ensemble de droits inhérents à sa nature et ne pouvant être méconnus sans qu'on ne porte atteinte à celle-ci. Il n'est donc pas besoin de reconnaissance formelle de ces droits pour qu'ils s'imposent, car la notion de « droits de l'homme » peut transcender sa reconnaissance par les textes9(*). Cependant, la reconnaissance textuelle est possible, puisque les droits de l'homme présentent des critères qui permettent de voir « un droit, au sens propre du terme, dans une possibilité reconnue à l'homme : un titulaire, un objet précis, un sujet auquel l'opposer ». Ce qui permettra au demeurant de leur affecter la sanction, susceptible de les faire entrer dans le droit positif10(*).

Les libertés publiques traduisent, d'une certaine manière, le passage du jusnaturalisme caractérisant les droits de l'homme au positivisme juridique, car elles sont fortement consacrées par les textes. Ce sont des droits de l'homme que l'Etat reconnaît formellement, aménage et insère dans le droit positif. Elles sont, à ce titre, « des droits de l'homme reconnus, définis et protégés juridiquement »11(*).

En ce qui concerne le contenu, les libertés publiques sont des droits de l'homme d'une nature bien définie : elles constituent des pouvoirs de choix. Le Pr VIGNON estime ainsi que, si originellement la liste des droits de l'homme n'était constituée que de pouvoirs de choix, par la suite les exigences d'un minimum de sécurité matérielle et de développement intellectuel se sont imposées à l'Etat et ont octroyé à l'homme une créance contre celui-ci, tenu alors de les satisfaire par des mesures positives facilitant leur réalisation. Ces nouveaux types de droits ne sont pas des droits-libertés, à l'instar des premiers, et posent des problèmes juridiques différents12(*).

Au total, si toutes les libertés publiques sont des droits de l'homme, tous les droits de l'homme ne sont pas des libertés publiques. Les deux notions se recoupant largement, mais ne se recouvrant pas13(*).

Il existe toutefois un déterminant commun à ces notions, l'Homme et sa dignité. C'est la prise en compte de cette qualité qui a conduit le juge Kéba MBAYE à présenter les droits de l'homme comme un ensemble cohérent de principes juridiques fondamentaux s'appliquant partout dans le monde tant aux individus qu'aux peuples et ayant pour but de protéger les prérogatives inhérentes à tout homme et à tous les hommes pris collectivement en raison de l'existence d'une dignité attachée à leur personne et justifiée par leur condition humaine14(*).

L'analyse conceptuelle de la notion de ``droits fondamentaux'' révèle cependant une difficulté quant à la catégorisation des droits que l'on peut ranger sous ce vocable.15(*) Comme le relève le Pr Yao VIGNON, « il n'est guère facile de faire la liste de ces droits, et l'incertitude de leur définition explique, au moins en partie, la difficulté à en dresser l'inventaire »16(*).

Une analyse du Pr NLEP17(*) propose qu'afin de déterminer la nature juridique de ces droits, deux tendances puissent être explorées :

Une, tributaire de l'évolution du constitutionnalisme français, qui vise à rattacher la notion de ``droits fondamentaux'' au degré de protection juridique dont bénéficient ces droits. Cette tendance, sous la houlette du Pr FAVOREU, considère comme tels, les droits « protégés contre le pouvoir législatif [...] en vertu de la constitution et de textes internationaux »18(*).

La seconde tendance, plus conceptualiste, propose comme point de départ la notion même de ``droits fondamentaux'' pour déterminer leur nature. C'est la voie initiée par le Pr TERRE, pour qui la notion est essentiellement ambivalente, car ces droits sont d'une part reliés à l'homme, mais d'autre part, « c'est l'homme qui les constate ou les déclare, de telle sorte qu'en définitive, ils sont les créations de son esprit, les fruits de sa culture »19(*), précise t-il.

Selon le Pr TERRE, les droits fondamentaux présentent des critères qui permettent de les identifier. Ces critères existent au sein même desdits droits et ont une nature organique manifestant une supériorité de la Constitution. Ce sont :

· la protection, en premier lieu, des droits fondamentaux contre le pouvoir exécutif, mais aussi contre le pouvoir législatif ;

· la garantie des droits en vertu de la loi, mais surtout en vertu de la Constitution ou des textes internationaux ou supranationaux ;

· la garantie des droits par les juges ordinaires, les juges constitutionnels et même les juges internationaux20(*).

L'idée de ``garantie'' semble donc affectée comme un lien consubstantiel à la notion de « droit fondamental ». L'article 16 de la Déclaration française des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ne considérait-il pas à ce propos que toute société dans laquelle les droits ne sont pas garantis n'a point de constitution ? D'autres approches doctrinales sont cependant envisageables pour la détermination de la fondamentalité des droits :

Une approche positiviste qui règle la question de la fondamentalité des droits par une simple lecture textuelle et jurisprudentielle. Ici, « est fondamental tout droit que les textes ou le juge disent fondamental »21(*).

Une approche de type systématique ou dogmatique qui a pour base un postulat selon lequel le constitutionnel étant fondamental au sein d'un ordre juridique interne, les droits fondamentaux sont donc les droits inscrits dans la Constitution.

Selon M. VIGNON, il convient d'unifier ces deux dernières approches afin de rendre la question de la fondamentalité des droits plus saisissable en droit positif. Une définition des droits fondamentaux peut ainsi être esquissée. Elle qualifie ces droits de « droits assez essentiels pour fonder et déterminer [...] les grandes structures de l'ordre juridique tout entier en ses catégories, dans lequel et par lesquelles ils cherchent à se donner ainsi les moyens multiples de leurs garanties et de leur réalité »22(*). Les droits fondamentaux s'imposent alors comme « refondateurs de l'Etat de droit »23(*) et recoupent dans leur intégralité les notions voisines de « droits de l'homme » et « libertés publiques ».

S'il est évident que la considération de la condition humaine est au centre de la question des droits fondamentaux, c'est elle qui conduit aujourd'hui à de multiples revendications au nom de la liberté. En conséquence, la notion de ``droits fondamentaux'' se retrouve aujourd'hui au confluent de batailles multiples et complexes. C'est ainsi que les acteurs politiques en font la base de leurs programmes, les bailleurs de fonds un élément de la conditionnalité de leur aide et les organisations de la société civile se font chaque jour plus exigeantes sur la question. Comme le constate à juste titre le Pr Jacques ROBERT à ce propos, « jamais on n'a autant parlé des libertés. Jamais on n'a voulu autant sensibiliser l'opinion aux dangers qui les menacent »24(*). C'est que les droits fondamentaux ont un côté fragile, vulnérable. En effet, la vie en société qui suppose l'ordre, se montre parfois incompatible avec les libertés ; elle a ainsi tendance à mettre entre parenthèses ces dernières au profit de l'ordre. Des régimes politiques d'horreur et de calamités humaines peuvent germer comme cela a été le cas avec les fascismes à la moitié du 20e siècle ou le régime Khmer au Cambodge.

L'effort de protection des droits fondamentaux se trouve donc légitimé par la nécessité de protéger la vie et la dignité humaines, cette qualité inhérente à tout être humain qui n'a pas toujours été aussi aisée à reconnaître tout au long de l'histoire de l'humanité. Cet effort a consisté dans des tentatives de normaturisation des droits de l'homme. Il connaît une concrétisation remarquable avec les Révolutionnaires français, à travers la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Mais, le terrain avait déjà été préparé par des précédents concordants, tels les pactes anglais25(*) et les déclarations américaines26(*), illustratifs des luttes pour la liberté.

Le texte français affirme l'existence de « droits de l'homme » et de « droits du citoyen » inhérents à la personne humaine qui s'entendent de droits reconnus à tous les individus composant la société sans « distinction » aucune. Il a alors un important écho de par le monde et traverse deux siècles sans perdre de sa pertinence. C'est ainsi que cette déclaration va inspirer la volonté de la communauté internationale au sortir de la Deuxième guerre mondiale pour l'élaboration d'actes de protection des droits de l'homme à l'échelle planétaire.

C'est le cas de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme (DUDH) adoptée et proclamée le 10 décembre 1948 par une résolution des Nations-Unies. Elle sera l'instrument déclamatoire d'une consubstantialité et d'un universalisme des droits de l'homme à l'ensemble de la planète.

Suite à cette déclaration onusienne, nombre d'Etats ont adhéré aux principes qu'elle prônait, et les Etats africains n'ont pas dérogé à ce mouvement. Après les indépendances, ceux-ci vont affirmer leur attachement à toutes les valeurs contenues dans la DUDH. Ils vont aussi faire leurs ces valeurs, malgré le caractère non contraignant de la déclaration onusienne27(*). Les Etats africains marquaient ainsi un engagement, au moins moral, de respecter les droits ainsi proclamés.

Cet engagement se traduit par une incorporation de la DUDH dans les premières constitutions des Etats africains. Nombre de constitutions élaborées ensuite vont intégrer, au fur et à mesure, les autres actes et décisions des Nations-Unies avec le même enthousiasme28(*).

Toutefois, on ne peut ignorer le fait que les droits de l'homme étant de source fondamentalement occidentale, l'empreinte de leur culture originelle allait se retrouver dans maintes constitutions africaines. Le Pr Maurice KAMTO a pu écrire que c'est cette influence notoire du constitutionnalisme occidental sur les constituants africains qui explique l'attachement formel des Etats africains aux déclarations de droits dans les premières constitutions29(*). Cette inspiration occidentale des droits de l'homme ne signifie toutefois pas que ceux-ci sont une vertu de l'Européen. A cet effet, M. Kéba MBAYE a pu dire, en donnant les arguments des différentes cultures quant à une appropriation des droits, que leur histoire n'appartient à aucun peuple et qu'ainsi, ils ne sont l'exclusivité « d'aucune époque, d'aucun lieu, d'aucune culture »30(*).

Au sein des ordres juridiques international et interne, il y'a une constante : il faut que la jouissance des droits fondamentaux proclamés soit assurée et que ceux-ci soient convenablement protégés. C'est dans cette perspective que s'inscrit notre étude relative à « la garantie des droits fondamentaux au Cameroun ». Pour la mener à bien, il convient au préalable de déterminer son objet et ses limites, ainsi que l'intérêt qu'elle recèle. Nous allons ensuite déterminer la méthode à partir de laquelle nous entendons la traiter, ce qui permettra de dégager les questions essentielles qu'elle soulève, afin de pouvoir proposer un plan de notre analyse.

Après la première vague des constitutions de l'après indépendance, les Etats africains, en plus de leur adhésion aux textes universels de droits de l'homme, vont pousser plus loin leur engagement en faveur des droits de l'homme à travers le Continent. C'est ainsi que seront élaborés des instruments régionaux de proclamation des droits de l'homme31(*).

Les Etats africains ont montré par cette attitude positive, leur acceptation du caractère universel des droits fondamentaux qui à ce titre, sont reconnus par les Etats de tous les continents. Pour autant, les droits ne sont pas que l'apanage de documents écrits, de reconnaissance et de proclamation formelles, même animées des meilleures intentions. Ils sont d'abord un élément du quotidien de chaque être humain. Ce qui est essentiel, c'est sa capacité à se mouvoir sans autres entraves que celles nécessaires à la vie en société et qui, dès lors, se doit d'être garantie et protégée par les textes et au-delà des textes. Telle est la valeur ajoutée attendue de l'adhésion aux textes en matière de droits fondamentaux. A t-on cependant assisté à une réelle garantie des droits de l'homme à travers le continent africain ?

Force est d'admettre que la reconnaissance d'un droit est une chose, mais le bénéfice qu'en tire le citoyen en est une autre. On peut constater que dans les constitutions africaines des premières années de l'après indépendance, les dispositions favorables aux droits fondamentaux, dans le meilleur des cas, cohabitent avec d'autres dispositions qui leur sont contraires. On a pu parler d'un constitutionnalisme rédhibitoire en Afrique32(*). Des exemples peuvent être pris des constitutions instituant le parti unique ou un pluralisme interprété comme étant interdit33(*). On comprend ainsi que de l'héritage multipartite reçu des luttes d'indépendance, l'Afrique se soit tournée vers un système de parti unique peu favorable aux libertés et droits fondamentaux.

Dans la majorité des Etats, une politique dite de construction nationale se solde par la mise entre parenthèses des droits humains, réputés secondaires au regard de l'importance présumée de créer une nation préalable. C'est ainsi que dans les années 1970, la perspective de leur jouissance a été renvoyée à un avenir sans cesse repoussé. Ces droits étaient pourtant, partout, bel et bien consacrés dans les constitutions. Cela n'a pas empêché que des violations massives des droits de l'homme soient constatées et dénoncées sur le continent, tant et si bien que les Etats africains ont été considérés comme des fiefs de l'arbitraire, de l'absolutisme et de la dictature.

Toutefois, à la faveur de la chute du mur de Berlin et du discours de la Baule à la fin des années 1980, l'on a pu assister à un nouvel attachement aux valeurs des déclarations des droits de l'homme. La plupart des Etats africains ont procédé à la rédaction de nouvelles constitutions ou à une révision des constitutions en vigueur, afin de réintégrer le pluralisme politique et les autres valeurs de la démocratie. Par ce mouvement, il s'agissait, soit de supprimer dans les constitutions les dispositions contraires ou ambiguës, en tout cas défavorables aux droits fondamentaux, soit d'établir sur de nouvelles bases une constitution résolument tournée vers les valeurs de la démocratie. Cette deuxième hypothèse a surtout été explorée dans les pays ayant organisé une conférence nationale34(*).

L'objet de cette étude s'attache à l'analyse des conséquences imputables à ces processus de révision ou de réécriture de nouvelles constitutions en Afrique en général et au Cameroun en particulier, afin d'analyser leur apport quant à la sécurité des droits fondamentaux dans l'ensemble de l'espace juridique africain et dans l'ordre juridique camerounais spécifiquement. Toutefois, afin de circonscrire le cadre de notre étude, il convient de préciser au préalable ce qu'il faut entendre par l'expression « garantie des droits fondamentaux ».

La garantie est définie par le dictionnaire le Petit Robert, comme l'obligation d'assurer à quelqu'un la jouissance d'une chose, d'un droit, ou de le protéger contre un dommage éventuel. Elle suppose la reconnaissance d'une chose ou d'un droit, que l'on a, par voie de conséquence, l'obligation de protéger35(*). Cette reconnaissance s'entend de la proclamation et de la consécration dudit droit dans un ordre juridique. Le droit fondamental ainsi proclamé et consacré appelle cependant une autre exigence corrélative à la proclamation, c'est l'obligation de protéger le droit.

De cette protection, Kéba MBAYE écrit : « est protection des droits de l'homme, tout système comportant, à l'occasion d'une allégation d'une ou plusieurs violations d'un principe ou d'une règle relatifs aux droits de l'homme et édictés en faveur d'une personne ou d'un groupe de personnes, la possibilité pour tout intéressé de soumettre une réclamation et éventuellement de provoquer une mesure tendant à faire cesser la ou les violations ou à assurer aux victimes une réparation jugée équitable »36(*). Sous l'angle de la ``protection'', il est possible d'envisager les mesures de sauvegarde des droits orchestrées par l'ensemble des mécanismes institués au sein de la constitution et des textes reconnus dans l'ordre juridique, la compétence de l'aménagement de tels mécanismes étant dévolue à titre principal à la Loi fondamentale.

La réglementation de l'exercice des droits fondamentaux peut aussi être confiée à la loi. Les principes constitutionnels se doivent donc d'être mis en oeuvre par le législateur qui les conciliera avec les exigences de l'ordre public, sans remettre en cause lesdits principes37(*). Au Cameroun, cette hypothèse est retenue, le pouvoir législatif disposant alors d'une compétence dérivée en la matière, conformément à l'article 26 de la loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. Mais, une intervention du pouvoir exécutif est permise dans ce domaine par la voie des ordonnances (article 28 de la loi) et par la possibilité offerte au Président de la République de soumettre au référendum un projet de loi portant sur le statut des personnes et le régime des biens (article 36). Ceci élargit la perspective de l'analyse de la ``protection'' des droits fondamentaux à l'égard de ces textes.

Le néo-constitutionnalisme camerounais est ainsi caractérisé par l'édiction de textes législatifs et réglementaires du début des années 1990 en réponse aux demandes sociales nées des aspirations à un système plus libéral, et conduisant à la réforme constitutionnelle de 1996. Mais il comprend aussi des textes législatifs ultérieurs en relation avec les droits fondamentaux des citoyens.

Si au cours de notre étude nous nous attachons principalement à cette période dite des « mouvances démocratiques », qui débute dans les années 1990, un rappel des différentes situations ayant prévalu dans l'Etat camerounais avant cette période n'est pas exclu. Nous pensons aux régimes de proclamation et de protection des droits fondamentaux institués par le constituant camerounais dans les textes constitutionnels de la période post-indépendance, ceux du 4 mars 1960, du 1er septembre 1961 et du 2 juin 1972.

La logique nouvelle d'élaboration des constitutions sur le continent africain dans les années 1990 est fidèle à sa devancière, du point de vue de la proclamation des droits fondamentaux de l'individu. Les nouvelles constitutions procèdent toutefois à une certaine innovation par rapport aux premières. Au-delà de la proclamation, elles inscrivent de nouveaux mécanismes constitutionnels pratiques de protection des droits fondamentaux38(*). Au Cameroun, cette inscription dans le corpus constitutionnel de mécanismes protecteurs a un double impact pour notre étude sur la garantie des droits fondamentaux au Cameroun :

· un impact intellectuel, à savoir la prévision par la Constitution de tels mécanismes, leur conférant le statut constitutionnel ;

· un impact politique, à savoir la possibilité offerte aux citoyens selon des procédures diverses, de disposer d'instances de recours contre les violations de leurs droits. C'est cet intérêt qui renvoie à l'épanouissement juridique du citoyen et permet l'examen de la portée des instances chargées de garantir ces droits.

Ce double impact permet d'ouvrir certaines perspectives pour notre étude. Bien que quotidiennement exploré, le thème des droits fondamentaux et de leur garantie dans un système juridique donné est toujours d'une actualité brûlante, la liberté étant une quête perpétuelle et les violations revêtant un caractère quasi permanent et tout aussi perpétuel. C'est ainsi que notre étude permet, de prime abord, de déterminer le régime juridique des droits constitutionnellement garantis au Cameroun, qui s'analyse pour l'essentiel dans leur contenu et leur portée.

Elle permet ensuite une connaissance des organes et institutions prévus dans l'ordre juridique camerounais pour la sécurité juridique des citoyens. Elle offre la possibilité de faire passer un test d'efficacité aux différentes mesures de sauvegarde des droits, afin de voir de quelle manière elles participent à la garantie des droits et en cas d'insuffisance, de proposer des palliatifs. Notre étude vient contribuer à une meilleure connaissance des rapports entre le citoyen, le politique et les droits fondamentaux dans le Cameroun actuel. Il s'agit en fait d'explorer les conditions de la construction de l'Etat de droit au Cameroun en particulier et en Afrique en général.

Diverses études ont été menées relativement à la promotion et à la protection des droits fondamentaux, mais elles sont pour la plupart exclusives d'une analyse conjointe de l'ensemble de la protection mise en oeuvre par l'intégralité des mécanismes institués par la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996 et les textes d'application qui se rattachent à cette Loi fondamentale. Il nous semble donc légitime, eu égard au fait que les différends relatifs à la jouissance des droits fondamentaux sont tranchés par les juridictions et que d'autres instances peuvent intervenir sur ce terrain sensible de leur garantie, qu'une étude juridique intégrale soit menée relativement à la « garantie des droits fondamentaux au Cameroun ».

Cette étude sur « la garantie des droits fondamentaux au Cameroun » sera menée à l'aide de la méthode juridique. Celle-ci sera utilisée au sens où elle est entendue par le Pr Charles EISENMANN, qui lui donne un double contenu. Il s'agit d'une double démarche d'analyse des textes et d'exploration des conditions de leur édiction, des interprétations et de l'application qui en sont effectuées par les différents acteurs sociaux destinataires de la règle de droit39(*). Il s'agit alors, selon les termes du Pr EISENMANN, de la « dogmatique » pour désigner la première étape de la démarche, et de la « casuistique » pour rendre compte de la seconde.

La dogmatique s'en tient au droit, à la règle juridique telle qu'elle ressort de l'armature législative au sens large. Elle se limite par conséquent au droit écrit, et vise systématiquement l'étude de ce droit à partir des règles juridiques existantes. C'est l'étude du droit positif au sens strict.

La casuistique elle, vient compléter la première démarche, afin d'éviter de se retrouver trop enfermé dans un positivisme juridique ne tenant pas compte de la réalité du milieu ambiant dans lequel la règle de droit produit ses effets. Elle tient alors à cette conviction du juriste que les faits de la réalité juridique sont étroitement liés aux faits de la réalité sociale40(*). Le sujet de droit est aussi un acteur social et la règle de droit n'est qu'une technique de gestion des hommes. La dogmatique permet alors de comprendre le caractère formel de la règle de droit, tandis que la casuistique permet de confronter cette dernière à la réalité sociale.

La casuistique obéit alors à un processus. Après une vérification de l'identité des faits à ceux prévus par la règle de droit, on peut décider s'il faut leur appliquer les conséquences énoncées dans le dispositif juridique. C'est le syllogisme juridique.

Cette méthode se retrouvera donc dans l'ensemble de notre analyse, afin que nous puissions déterminer de façon effective si d'une proclamation des droits fondamentaux par les textes, les destinataires, entendu les citoyens camerounais, bénéficient effectivement desdits droits et voient sanctionner les violations qui peuvent survenir dans l'Etat camerounais.

Le souci d'une plus grande sécurité des droits fondamentaux au Cameroun a abouti principalement à la loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. Elle apporte deux innovations majeures pour la garantie des droits fondamentaux. Ce texte procède visiblement à une reconnaissance plus claire et plus directe des droits fondamentaux proclamés par les textes internationaux, et institue des instances et des procédures visant à contrôler, et éventuellement à censurer toute violation desdits droits.

Il veut répondre ainsi aux attentes développées par le mouvement de démocratisation en Afrique et au Cameroun, à travers cette proclamation et cette institution de mécanismes de sauvegarde des droits. Toutefois dans la pratique, ces mécanismes semblent peu ou pas du tout utilisés, si bien qu'une gêne est dès lors perceptible. En effet, près d'une décennie déjà après l'institution de certains mécanismes, ceux-ci n'opèrent pas encore totalement dans le sens escompté par le texte constitutionnel ainsi que par les autres textes juridiques et les droits proclamés par le texte peinent à être effectivement exercés par les citoyens.

Dès lors, on est en droit de se poser une question fondamentale : quelle est la garantie des droits fondamentaux dans le nouveau système constitutionnel camerounais ? Cette question en appelle d'autres, incidentes, mais non moins importantes. En ce qui concerne les droits fondamentaux consacrés, quels sont-ils et quel est leur statut juridique ? L'ensemble des droits reconnus a-t-il la même portée juridique ? Ces droits bénéficient-ils de mécanismes de sauvegarde fiables et véritablement efficaces ?

On peut déjà constater que près d'une décennie après son entrée en vigueur, le texte constitutionnel de 1996 n'est pas totalement mis en oeuvre en ce qui concerne les instances de sauvegarde des droits fondamentaux. Ceci n'est pas sans effet sur l'effectivité de ces droits, ce qui nous amène, sans pessimisme aucun, à poser le constat d'une grande faiblesse dans la garantie des droits fondamentaux au Cameroun. Telle est l'hypothèse générale de la présente étude.

Il convient donc, pour aboutir à l'analyse de « la garantie des droits fondamentaux au Cameroun », d'examiner, la constance de la consécration des droits fondamentaux dans l'ordre juridique camerounais (1e partie). Toutefois, pour bénéfique qu'est cette consécration formelle des droits fondamentaux, elle cède la place à une protection timide de ceux-ci (2e partie), qui, en conséquence, fragilise la sécurité juridique des citoyens camerounais

· PREMIERE PARTIE : LA CONSTANCE DE LA CONSECRATION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L'ORDRE JURIDIQUE CAMEROUNAIS

La réglementation du pouvoir par un certain nombre de procédures est un fait dans la majorité des sociétés humaines, qu'elles soient traditionnelles ou modernes. Comme le relève le Pr Charles DEBBASCH, au sein des sociétés modernes, ce pouvoir est soumis à la règle de droit et doit s'insérer dans un cadre juridique qui lui fixe des normes41(*). Ce cadre juridique de l'Etat est la constitution. Dans un Etat, la constitution vise un double objet : déterminer l'organisation des pouvoirs publics et fixer la liste des droits et libertés individuels des citoyens42(*).

Depuis son accession à l'indépendance43(*), le Cameroun a connu deux (2) constitutions : la Constitution du 4 mars 1960 réformée par la loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 portant révision de la Constitution du 4 mars 1960 et la Constitution du 2 juin 1972, révisée par la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 199644(*). Ces différentes lois fondamentales énoncent toutes, dans le souci de montrer l'attachement de l'Etat camerounais à la dignité de la personne humaine, un catalogue des droits fondamentaux qui doivent bénéficier au citoyen. Elles ont poursuivi, dès lors, les objectifs assignés aux constitutions et ont procédé, même si l'on observe une constance, à une certaine évolution quant à la proclamation des droits fondamentaux au Cameroun (Chapitre I). Par voie de conséquence, elles ont conduit, dans l'ordre juridique camerounais, à la consécration d'une multitude de droits fondamentaux aussi divers les uns que les autres (Chapitre II).

CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE CONSTITUTIONNELLE DE PROCLAMATION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN

La proclamation des droits fondamentaux est une constante dans les différents textes constitutionnels camerounais. Le constituant camerounais a, par cet usage, marqué son attachement aux valeurs prononcées dans les discours en faveur des droits de l'homme.

S'il est admis avec la formule du Pr Joseph OWONA que les droits et libertés fondamentaux sont garantis de trois manières courantes : la constitutionnalisation du préambule, la définition dans le corpus constitutionnel des droits fondamentaux et la reconnaissance de la primauté du droit international, force est d'admettre que le constituant camerounais opère une fusion, un « syncrétisme méthodologique » relativement au choix de la formule à retenir45(*). Il a opté ainsi pour une proclamation préambulaire des droits fondamentaux (Section I). Celle-ci a contribué à la construction d'un bloc de constitutionnalité favorable auxdits droits (Section II).

SECTION I : LA PROCLAMATION PREAMBULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX, CHOIX DU CONSTITUANT CAMEROUNAIS

Le préambule est, selon la formule du Pr Maurice HAURIOU, le siège de la « constitution sociale ». Il est, dans l'ordre juridique camerounais, le lieu d'énonciation des droits dans la constitution. Afin qu'il puisse valablement garantir les droits fondamentaux, le Pr Joseph OWONA propose de le « constitutionnaliser ». Ceci revient au demeurant à affecter une valeur constitutionnelle audit préambule, car ainsi que le constate le Pr Maurice KAMTO, « la détermination du lieu d'énonciation des droits dans les constitutions africaines est une étape essentielle dans la recherche de leur assise juridique, car avant même de s'interroger sur le contenu et leur garantie effective, il faut déjà s'assurer qu'il s'agit de normes juridiques. Or s'ils le sont sans conteste lorsqu'ils sont insérés dans le dispositif de la Constitution, rien n'est moins sûr lorsqu'ils figurent seulement dans le préambule. Du coup se pose le problème de la valeur juridique du préambule. Doit-on le considérer comme étant partie intégrante de la Constitution et ayant par suite valeur constitutionnelle ? »46(*) La question était posée.

L'histoire constitutionnelle camerounaise qui débute avec la Constitution du 4 mars 1960 accorde déjà une grande importance au préambule du texte. Il sert à affirmer les grandes orientations prises par les dirigeants et à consacrer les principes fondateurs de la jeune république camerounaise. Les préambules des textes constitutionnels du 2 juin 1972 et du 18 janvier 1996 poursuivent dans cette même optique, mais on assiste, à travers ces différents textes, à une évolution quant à la valeur juridique du préambule. La question soulevée par le Pr KAMTO sur ce point s'est posée avec acuité dans l'ordre juridique camerounais. Cette valeur juridique du préambule constitutionnel camerounais a évolué d'une valeur constitutionnelle originellement incertaine (Paragraphe 1), vers une constitutionnalisation affirmée (Paragraphe 2), qui ne va pas sans soulever des questions.

PARAGRAPHE 1.- UN PREAMBULE A LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE INCERTAINE

La valeur juridique du préambule du texte constitutionnel au Cameroun n'est jamais allée de soi. Comme en droit français, elle a donné lieu à toutes sortes de controverses. Elle a en effet divisé la doctrine (A), et a donné lieu à une incertitude jurisprudentielle (B) résorbée par la promulgation de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

A.- La controverse doctrinale sur la valeur juridique du préambule

La doctrine était divisée au Cameroun entre deux positions47(*). Elle consistait en deux thèses opposées :

· celle de la force contraignante des droits énoncés dans le préambule défendue par le Pr Eric BOEHLER et d'autres auteurs,

· celle de l'incertitude de la valeur juridique du préambule défendue notamment par les Pr POUGOUE et KAMTO48(*).

La première position doctrinale est exposée dans les observations faites par le Pr BOEHLER sur les arrêts n° 118/CFJ/CAY du 29 mars 1972, Eitel MOUELLE KOULA c. République fédérale du Cameroun et n° 194/CFJ/CAY du 25 mai 1972, Daniel NANA TCHANA c. République fédérale du Cameroun (R.F.C.)49(*) de la défunte Cour fédérale de justice (CFJ).

Dans ces espèces, le Pr BOEHLER observe que le juge administratif camerounais a affirmé que les droits et libertés inscrits dans la DUDH auxquels la République camerounaise proclame son attachement ont force de droit positif50(*). Il localise cette affirmation dans le préambule de la Constitution du 2 juin 1972 et entrevoit dans les deux décisions jurisprudentielles sus citées la reconnaissance par le juge de la valeur juridique des droits énoncés dans le préambule constitutionnel. En effet, de l'analyse des deux espèces, les requérants fondaient leurs demandes sur la violation de la liberté d'association préalablement inscrite à l'article 1er de la Constitution du 1er septembre 1961, puis incorporée par la suite au préambule de la Constitution de 1972.

Le Pr BOEHLER a ainsi pu estimer que dans les espèces sanctionnées par la CFJ, le juge camerounais avait retenu le principe de la force juridique du préambule de la constitution de 1972 et de la DUDH51(*).

Une affirmation de la valeur juridique du préambule du texte constitutionnel de 1972 est aussi faite par le magistrat François Xavier MBOUYOM. Ce dernier, en s'appuyant sur les arrêts n° 41 du 14 janvier 1964 sur la reconnaissance d'enfant et n° 67 du 11 juin 1963 de la Cour suprême du Cameroun oriental, a pu affirmer que les « dispositions du préambule constitutionnel sont (...) considérées comme des règles de droit positif »52(*).

Mais, cette thèse d'une valeur juridique affirmée du préambule du texte constitutionnel de 1972 n'allait pas avoir l'adhésion de l'ensemble de la doctrine, c'est pourquoi une approche antithétique a aussitôt germé dans le champ de la pensée juridique camerounaise.

La thèse de l'incertitude de la valeur juridique du préambule de 1972 prend le contre-pied de la première approche. Développée par les Pr KAMTO et POUGOUE, elle remet en cause les arguments avancés par les tenants de la première thèse pour soutenir la thèse d'une valeur juridique contraignante du préambule constitutionnel de 1972.

Pour les Pr KAMTO et POUGOUE, c'est à tort que le Pr BOEHLER a cru voir dans les arrêts de la CFJ une quelconque reconnaissance par la juridiction administrative de la valeur juridique contraignante des droits énoncés dans le préambule53(*). De l'avis des deux universitaires, dans ces décisions, les demandes des requérants s'appuyaient sur des dispositions du corpus constitutionnel du 1er septembre 1961 et non sur le préambule de la Constitution de 1972. M. OLINGA se fait même plus dur à l'égard du Pr BOEHLER lorsqu'il qualifie de « distraite », la déclaration faite par lui sur le principe de la force juridique du préambule, le juge n'ayant dans les différentes espèces traité d'aucun préambule d'aucune constitution54(*).

Les Pr KAMTO et POUGOUE estiment, quant à eux que la valeur constitutionnelle du préambule du texte de 1972 est « légitimement contestable ». Elle n'est pas juridiquement avérée, cependant elle ne saurait être nulle. Les auteurs ont essayé ce faisant d'affecter une valeur au préambule à l'aide d'arguments tirés de la simple logique juridique55(*). Selon le Pr KAMTO, cette logique impose, pour que les énoncés relatifs aux droits fondamentaux ne soient pas évacués du champ des règles constitutionnelles, de reconnaître la valeur constitutionnelle du préambule. Cette exigence de logique permet de donner, sur le plan pratique, une chance à l'effectivité des droits fondamentaux. Il pose, ce faisant, le principe selon lequel « les préambules ont une valeur constitutionnelle, mais seulement de lege feranda ou par simple déduction logique »56(*).

Le préambule du texte constitutionnel n'a pas eu ipso facto, en droit camerounais, une valeur juridique qui a unifié la doctrine. Cette controverse sur la valeur du préambule n'a pas non plus épargné le juge camerounais, dont les décisions en la matière se sont ressenties.

B.- Les incertitudes de la jurisprudence

Diverses décisions de la jurisprudence camerounaise concernant le chapitre de la valeur du préambule du texte constitutionnel illustrent une indécision relative à cet aspect57(*). Le juge camerounais, qu'il soit judiciaire ou administratif, n'a pas pu mettre fin à ce débat. Bien au contraire, il n'a contribué qu'à l'envenimer à l'analyse de certaines de ses décisions.

Relativement au juge judiciaire, certaines espèces peuvent être retenues et dénotent d'une attitude tantôt cohérente, tantôt confuse du juge quant à l'affirmation de la valeur juridique du préambule.

Dans deux arrêts de la Cour suprême du Cameroun oriental, un en date du 11juillet 1963 et un autre du 8 octobre 1968, les juges de la Haute institution auraient reconnu la pleine valeur juridique58(*) du préambule du texte constitutionnel du 4 mars 1960 révisé par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961.

Dans l'arrêt du 11 juillet 1963, les juges écartent l'application d'une coutume établissant une discrimination fondée sur le sexe, au motif que le préambule de la constitution du 4 mars 1960 avait une fois pour toutes posé le principe de l'égalité des sexes59(*). Un arrêt du 8 octobre 1968 suivra la même logique, lorsqu'en matière pénale, fut cassé un arrêt de la Cour d'Appel de Douala qui avait violé le principe de l'égalité de tous les citoyens énoncé au préambule de la Constitution du 4 mars 1960.

Une question est tout de même posée par M. OLINGA quant à la portée de ces deux décisions. En effet, celui-ci se demande comment est-ce que les différents arrêts ont pu traiter de la valeur du préambule de la Constitution du 4 mars 1960, alors que la Constitution en vigueur à l'époque des arrêts, en l'occurrence celle du 1er septembre 1961, n'en avait pas du tout ?60(*)

Une esquisse de réponse est apportée par le Pr MINKOA qui estime que pareille interrogation n'est légitimée que par une mauvaise compréhension de la réforme constitutionnelle du 1er septembre 1961, lui donnant une portée qu'elle n'a pas61(*). Pour lui, l'intitulé de la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961, « portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la constitution actuelle aux nécessités du Cameroun réunifié », indiquait suffisamment qu'elle n'était qu'une loi spéciale au regard de la Constitution du 4 mars 1960 qui demeurait la loi générale62(*). En conséquence, l'abrogation induite par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 n'était qu'une abrogation partielle du texte de 1960. Elle laissait subsister, à en croire le Pr MINKOA, le préambule de la constitution de 1960, et ne s'attaquait qu'au ``corps'' de celle-ci63(*).

En définitive, écrit-il, « il n'y a jamais eu de ``constitution du 1er septembre 1961'' mais, toujours la constitution du 4 mars 1960, profondément modifiée et comportant tout de même deux parties : un préambule qui résulte du texte original, et une partie articulée, résultant de la loi du 1er septembre 1961. C'est donc à bon droit que la Cour Suprême a pu continuer à se référer au préambule de la Constitution de 1960 (...) puisque celle-ci est restée en vigueur jusqu'en 1972 ! »64(*)

L'entrée en vigueur de la Constitution du 2 juin 1972 permettra d'observer la constance du juge judiciaire quant à l'affirmation de la valeur constitutionnelle du préambule. Dans un arrêt du 22 février 1973, la Cour Suprême a jugé contraire au principe de l'égalité une coutume ôtant toute velléité successorale à des filles en ces termes : « Attendu que les droits de la personne résultant du mariage, de la parenté, de la filiation dont la constitution proclame, dans son préambule65(*), le caractère inaliénable et sacré, ne peuvent faire l'objet de transaction ni constituer la contre-partie d'une dette ou d'une créance ; que ces principes sont d'ordre public ; attendu que la coutume invoquée, dans la mesure où elle établit une discrimination fondée sur le sexe, va à l'encontre du principe constitutionnel de l'égalité des sexes ; que de ce fait ladite coutume ne saurait recevoir la sanction des cours et tribunaux, la vocation héréditaire de la femme apparaissant désormais comme indiscutable »66(*). Le juge judiciaire camerounais, par cette décision, s'inscrit en conséquence dans la logique d'une valeur juridique contraignante du préambule constitutionnel.

Cette constance jurisprudentielle du juge judiciaire camerounais sera toutefois perturbée par une ``malencontreuse attitude''67(*) de la Cour d'Appel de Garoua. Celle-ci émettra une décision selon laquelle « il est largement admis que les préambules n'énoncent que les principes généraux de droit, et ce à titre indicatif, alors que la loi énonce des dispositions constitutionnelles proprement dites et, de ce fait, l'emporte sur le préambule de la constitution »68(*).

Le juge de Garoua dénie vraisemblablement, dans cette décision, toute valeur juridique au préambule constitutionnel. Mais en réalité, selon le Pr MINKOA, il pose le problème des rapports loi-préambule en termes de primauté, la première l'emportant sur le second69(*). Le préambule aurait ainsi une valeur infra-législative et à plus forte raison infra-constitutionnelle70(*), ce qui ne semble pas du tout raisonnable, mais plutôt hérétique.

Au demeurant, cette ``zizanie'' semée par le juge de Garoua ne remet pas en cause la constance jurisprudentielle du juge judiciaire camerounais quant à la valeur juridique du préambule, compte tenu de la position tranchée du juge suprême71(*).

Par contre, le juge de l'ordre administratif n'observe pas la même attitude face à ce débat. Il ne semble exister aucune espèce dont les énoncés soient clairs et nets, soit dans le sens de l'acceptation de la valeur constitutionnelle du préambule, soit dans le sens inverse72(*). Cette incertitude est somme toute propice aux divagations et aux errements doctrinaux. Certaines espèces en témoignent du reste.

Tout d'abord, les deux arrêts précités de la CFJ, Eitel MOUELLE KOULA et NANA TCHANA dans lesquels le Pr BOEHLER a cru lire une reconnaissance de la valeur constitutionnelle du préambule par le juge administratif. Or, ces deux décisions se réfèrent explicitement à l'article 1er, alinéa 2, de la Constitution du 4 mars 1960, telle que modifiée par la loi constitutionnelle du 1er septembre 1961 et non au préambule de celle-ci73(*). Elles ont cependant permis d'alimenter un vain débat74(*) qui a permis de rendre compte de l'ambiguïté de la position du juge administratif camerounais à ce propos.

Un autre arrêt illustre cette attitude confuse du juge administratif, l'arrêt n° 4 de la C.F.J en date du 28 octobre 1970, Affaire Société des Grands Travaux de l'Est (S.G.T.E)75(*). Les faits sont les suivants : la société requérante, (la S.G.T.E), contestait une imposition erronée, consécutive à une disposition législative à caractère rétroactif, insérée dans le Code général des impôts. S'appuyant sur une disposition du préambule de la Constitution selon laquelle « la loi ne peut avoir d'effet rétroactif », la requérante sollicitait l'annulation partielle du rôle litigieux. L'imposition contestée devait, selon elle, être déclarée illégale parce que fondée sur une loi contraire à la Constitution. Dans une formulation sibylline, la Cour déclare « qu'à supposer même que le principe de non-rétroactivité des lois soit une règle constitutionnelle, en l'absence d'un contrôle de constitutionnalité des lois par voie d'exception, il n'appartient pas à la Chambre administrative de la C.F.J (d'annuler le rôle), ni même d'en écarter l'application »76(*).

Une déduction a pu être faite de cette décision de la Cour, certains auteurs ayant estimé qu' « en centrant le motif de son rejet sur l'incompétence de la S.G.T.E à soulever une exception d'inconstitutionnalité, elle admet implicitement qu'elle aurait pu faire jouer en l'espèce le principe de la non-rétroactivité des lois inscrit dans le préambule, si seulement l'inconstitutionnalité avait été soulevée par la seule personne qui, selon elle, est habilitée à l'invoquer, à savoir le Président de la République »77(*).

Les auteurs de ces lignes estiment que seule une lecture a contrario de l'argument de la Cour dans sa décision permet d'envisager une implicite reconnaissance de la valeur constitutionnelle du préambule78(*). Mais, on ne saurait préjuger d'une position ferme du juge, qui en l'espèce ne l'a été que s'agissant du rejet de l'exception d'inconstitutionnalité, tout en gardant une attitude dubitative sur la valeur constitutionnelle du principe de la non-rétroactivité et, donc, du préambule l'énonçant79(*).

Le juge administratif n'aura donc pas, à l'instar de son collègue judiciaire, adopté une attitude ferme et constante quant à la valeur juridique du préambule. Bien heureusement, le débat sur le thème de la valeur juridique du préambule sera tranché par la promulgation de la loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972. Celle-ci constitutionnalisera de manière expresse le préambule, levant ainsi toute équivoque sur sa valeur juridique.

PARAGRAPHE 2.- LA DECLARATION EXPRESSE DE LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE DU PREAMBULE

La détermination du lieu d'énonciation de droits dans les constitutions africaines est une étape essentielle dans la recherche de leur assise juridique, car avant même de s'interroger sur leur contenu et leur garantie effective, il faut déjà s'assurer qu'il s'agit bien de normes juridiques80(*). Leur lieu d'énonciation dans les constitutions camerounaises a toujours été, nous l'avons dit, le préambule, dont il n'a pas été aisé de déterminer la valeur juridique.

Dans les pays africains, toute discussion sur la valeur juridique du préambule est écartée lorsque le constituant a lui-même tranché la question81(*). Le constituant camerounais s'est finalement tourné vers cette option avec la réforme constitutionnelle de 1996, lorsqu'il énonce clairement à l'article 65 de la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 que « le préambule fait partie intégrante de la Constitution »82(*).

Cette déclaration sert d'épilogue aux controverses doctrinales et jurisprudentielles sur la question de la valeur juridique du préambule et a une portée non négligeable. Ses implications résident notamment dans la constitutionnalisation des dispositions du préambule (A), et le rejet de la thèse de sa supra-constitutionnalité (B).

A.- La constitutionnalisation des dispositions du préambule

La lettre de l'article 65 du texte constitutionnel de 1996 intègre expressément le préambule au sein de la constitution. Cette déclaration explicite implique de facto que l'ensemble des dispositions contenues dans le préambule font partie intégrante de la loi fondamentale. Toutes ces dispositions se trouvent ce faisant alignées sur l'ensemble du régime des autres dispositions constitutionnelles83(*). Pour M. OLINGA, elles sont purement et simplement des normes constitutionnelles et toute méconnaissance de ces normes constitue une violation de la loi fondamentale susceptible de donner lieu à un contentieux84(*).

Toutefois, la déclaration expresse de la valeur constitutionnelle du préambule, pour bienvenue qu'elle soit, n'en suscite pas moins des interrogations85(*). En effet, l'ensemble des dispositions inscrites au sein du préambule a-t-il pleine valeur constitutionnelle ? La force contraignante de ces dispositions est-elle identique ?

Pour M. MOUANGUE KOBILA, il ne fait pas de doute que ces interrogations appellent une réponse négative. Selon cet auteur, l'affirmation de la valeur juridique du préambule de la constitution n'épuise pas la problématique de la force contraignante des normes qui y sont édictées. Il convient, du reste dans le texte, d'identifier les normes dont la violation peut donner matière à un contrôle de constitutionnalité et dont la violation peut être sanctionnée par le juge, et celles qui ne répondent pas aux critères d'identification des normes juridiques86(*).

En effet, pour M. MOUANGUE, la force juridique de chacune des normes inscrites dans le préambule est détachable de la valeur juridique globale du texte du préambule. Pour lui, le droit requérant précision et certitude, et étant exclusif des principes faiblement déterminés, il convient de séparer dans le préambule les normes certaines, des normes incertaines87(*).

Le Pr GONIDEC semblait déjà avoir exprimé cette idée lorsqu'il déclarait que « généralement, on peut poser le principe que le préambule a valeur constitutionnelle. Mais, en fait, certaines dispositions n'ont cette valeur que virtuellement, parce qu'elles ne sont pas self executing. Pour être applicables, elles supposent une intervention du législateur »88(*).

Le préambule ferait ainsi cohabiter des normes ayant toutes une valeur constitutionnelle, mais dont certaines uniquement verraient leur violation sanctionnée par le juge.

M. OLINGA estime que de tels raisonnements sont pernicieux et susceptibles de conduire à des conséquences funestes89(*). A son sens, il y a une profonde illusion sur l'idée de précision de la règle juridique en tant que critère et préalable à son applicabilité. La norme juridique claire et précise n'est qu'une vue de l'esprit et c'est le juge, en fonction du contexte de la décision et de l'objectif qu'il poursuit, qui précise et clarifie une norme90(*). Dès lors, les distinctions entre normes certaines, claires et précises d'une part, incertaines, floues et imprécises d'autre part, sont impertinentes en général, davantage encore sur le terrain constitutionnel. Les normes constitutionnelles se doivent d'être garanties similairement par les mécanismes prévus à cet effet. Le Pr MINKOA ironise même sur la position de ces auteurs, lorsqu'il pose la question de savoir si des principes constitutionnels peuvent être autre chose que... des règles de droit91(*).

Il importe donc que la constitutionnalisation des dispositions du préambule soit considérée comme totale et que soit écartée l'idée d'une constitutionnalisation « virtuelle » desdites dispositions, afin que la consécration des normes inscrites dans le préambule puisse céder le pas à leur garantie effective. Toutefois, si le préambule constitutionnel camerounais s'est vu reconnaître pleine valeur constitutionnelle, a été écartée toute thèse quant à sa supériorité à la constitution.

B.- Le rejet de la thèse de la supra-constitutionnalité du préambule

Le principe selon lequel la constitution a valeur de loi suprême dans l'Etat est accepté par l'ensemble des Etats92(*). Le Cameroun ne déroge pas à cette règle qui, même si elle n'est pas clairement énoncée, ressort du contenu du texte constitutionnel.

Le principe de la supériorité de la constitution sur toutes les autres normes au sein de l'Etat suppose que celle-ci est placée au sommet de la hiérarchie des normes juridiques. La constitution est à ce titre considérée comme la loi de référence et c'est par rapport à elle qu'est appréciée la conformité ou la non-conformité d'une norme inférieure. C'est la base même du contrôle de constitutionnalité des textes qui est un examen de la conformité par le juge d'une loi à la constitution, examen pouvant donner lieu, le cas échéant à une sanction de la loi incriminée93(*).

Le préambule est le lieu d'énonciation des droits fondamentaux et eu égard à la fragilité de ces derniers, la thèse d'une supériorité du préambule qui les mettrait à l'abri de toute violation a pu sembler ``séduisante''94(*) à plus d'un auteur.

La thèse de la supra-constitutionnalité des libertés a été soutenue notamment par Léon DUGUIT95(*) et visait à placer les droits fondamentaux ``hors hiérarchie''. Le Pr MINKOA estime que cette thèse peut difficilement être acceptée, car il est inconcevable que le pouvoir constituant puisse être lié par une règle juridique supérieure à la constitution96(*). Il serait effectivement contradictoire de placer la constitution au sommet de la hiérarchie des normes au sein de l'Etat afin de la soumettre par la suite à l'empire d'une autre norme. Il en résulterait une atteinte au principe de la suprématie constitutionnelle97(*) et tout l'ordonnancement juridique au sein de l'Etat ne pourrait qu'en être affecté.

Qui plus est, vouloir protéger le préambule constitutionnel de toute violation en le plaçant au-dessus de la constitution est une illusion, car les violateurs d'une règle de droit ne se préoccupent généralement pas de sa place dans l'ordonnancement juridique.

Au total, l'alignement des dispositions du préambule sur le même régime juridique que l'ensemble des autres dispositions constitutionnelles implique que celui-ci ne soit plus un document extra-constitutionnel ou infra-constitutionnel. Selon M. OLINGA, le préambule perd par la même occasion toute possibilité qu'il y'aurait eu d'en faire un document supra-constitutionnel, surplombant et irradiant tout l'environnement normatif du pays98(*). S'il n'est plus désormais considéré que comme une partie de la constitution, le préambule camerounais laisse voir, tout au long de l'évolution constitutionnelle de l'Etat, un souci majeur dans l'édification d'un bloc de constitutionnalité favorable aux droits fondamentaux.

Le Pr MINKOA estime du reste que même sans admettre le principe d'une supra-constitutionnalité, et indépendamment du point de savoir si les lois constitutionnelles sont soumises ou non au contrôle de constitutionnalité de la même manière que les autres lois, on pourrait inclure l'ensemble des dispositions du préambule, en l'occurrence les droits fondamentaux dans l'ensemble constitué par les ``principes démocratiques qui régissent la République''. Cela permettrait de leur garantir une certaine permanence et d'éviter toute régression en la matière99(*).

SECTION II : L'EDIFICATION D'UN BLOC DE CONSTITUTIONNALITE FAVORABLE AUX DROITS FONDAMENTAUX

La révision constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun se singularise des révisions opérées dans différents Etats d'Afrique noire francophone. Ces dernières ne visent généralement que la partie articulée du texte constitutionnel, à l'exclusion du préambule100(*), parce qu'elles, (les révisions), « ser(vent) traditionnellement à maintenir et à renforcer l'emprise des institutions gouvernementales dans le système politique »101(*). La réforme constitutionnelle camerounaise, par cette pratique innovatrice, a souhaité s'inscrire dans « le grand courant de réforme démocratique pluraliste qui affecte le monde depuis une décennie (celle des années 1990) »102(*).

Le préambule réformé qui s'est vu reconnaître pleine valeur constitutionnelle procède, comme implication fondamentale, à l'érection d'un bloc de constitutionnalité. A la différence de son système constitutionnel de référence, en l'occurrence le système constitutionnel français, dans lequel le juge s'est chargé de cette construction, le constituant camerounais s'attèle lui-même à la tâche. Le Pr MINKOA estime que ce faisant, il n'a fait qu'élaborer un cadre général du bloc de constitutionnalité et qu'il reviendra au juge constitutionnel d'en préciser les contours et le contenu103(*). Le constituant camerounais, dans son édification du bloc de constitutionnalité, utilise à cette fin des éléments initiaux (Paragraphe 1) déjà inscrits dans le préambule de la Constitution du 2 juin 1972. Toutefois, à ces références normatives classiques, il en ajoute de nouvelles (Paragraphe 2), qui participent d'un souci plus marqué d'affirmer les droits fondamentaux dans l'espace juridique camerounais.

PARAGRAPHE 1.- LES REFERENCES INITIALES DU BLOC DE CONSTITUTIONNALITE

La mondialisation du discours de proclamation des droits de l'homme104(*) a sans aucun doute influencé le constituant camerounais au moment de l'élaboration des différentes constitutions qu'a connues l'Etat. En effet, il fait référence dans les différents textes de 1972 et 1996 à deux textes internationaux : la DUDH (A) et la Charte des Nations-Unies (B).

A.- La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme

La DUDH du 10 décembre 1948 est, comme son nom l'indique, une déclaration de principes en forme solennelle qui était destinée dès son origine à être complétée par d'autres textes105(*). Elle se présentait d'ailleurs fort modestement comme un « idéal à atteindre » et non comme un ensemble de règles qui s'imposent aux gouvernements106(*). Cependant, elle a acquis à travers le temps une telle force morale qu'aucun Etat ne songerait à l'ignorer comme étant une référence fondamentale dans le discours des droits de l'homme. Le juge Kéba MBAYE parle, à juste titre, d'une acquisition de « la dignité d'un ensemble de règles de droit coutumier général des droits de l'homme »107(*).

Le constituant camerounais ne pouvait donc faire fi de cet instrument dans l'édification de son bloc de constitutionnalité qui se veut propice à une saine émulsion des droits fondamentaux des citoyens. D'un acte formellement déclaratoire à son origine, la DUDH est devenue progressivement un acte matériellement obligatoire qui s'impose aux Etats à la fois au plan national et international108(*). La Cour internationale de justice (CIJ) est allée dans ce sens, lorsque dans son arrêt relatif au personnel des Etats-Unis à Téhéran en date du 24 mai 1980, elle s'est fondée sur la Charte des Nations-Unies et sur la DUDH pour procéder à une condamnation de l'Iran pour violation des droits de l'homme. Elle souligne dans cette décision le caractère impératif de certaines dispositions de la DUDH en considérant que « le fait de priver abusivement de leur liberté des êtres humains et de les soumettre dans des conditions pénibles, à une contrainte physique est manifestement incompatible avec les principes de la Charte des Nations-Unies et avec les droits fondamentaux énoncés dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme »109(*).

En faisant référence dans son préambule aux principes et droits humains tels que définis par la DUDH, le constituant camerounais leur confère valeur de droit positif. En effet, si sous l'empire de la Constitution du 2 juin 1972 on pouvait mettre en doute la positivité de la DUDH en droit camerounais, tout doute est écarté avec la réforme constitutionnelle de 1996 qui intègre expressément le préambule à la Constitution. Pour M. OLINGA du reste, le doute n'a jamais existé en l'espèce, puisque le juge camerounais a dans deux arrêts, les espèces MOUELLE KOULA et NANA TCHANA, affirmé la valeur de droit positif de la DUDH en droit camerounais110(*).

Le constituant camerounais a donc toujours, de façon continue, affirmé son attachement aux principes et valeurs contenus dans la DUDH et ce faisant l'a inclus dans son bloc de constitutionnalité à travers la réforme de 1996. La DUDH est ainsi une norme constitutionnelle qui se doit d'être garantie comme telle par le juge et les pouvoirs publics afin que les principes qu'elle contient puissent bénéficier pleinement aux citoyens camerounais. Participant aussi de ce souci d'octroyer aux citoyens des droits dont ils puissent pleinement bénéficier, le constituant camerounais proclame son attachement à la Charte des Nations-Unies, deuxième référence de son bloc de constitutionnalité.

B.- La Charte des Nations-Unies

Tous les Etats africains sont parties, sans exception, à la Charte des Nations-Unies, adoptée à San Francisco le 26 juin 1945. Le Cameroun ne fait pas exception à la règle et à ce titre est membre de l'organisation mondiale du fait de cette adhésion. Le préambule de la loi constitutionnelle de 1996 dispose clairement que « le peuple camerounais (...) affirme son attachement aux libertés fondamentales inscrites dans (...) la Charte des Nations-Unies... ».

Pour M. Kéba MBAYE, « l'instrument essentiel qui a posé les fondements du droit international dans le domaine des droits de l'homme est la Charte des Nations-Unies »111(*). Dans son préambule, la Charte proclame la foi des Nations Unies « dans les droits fondamentaux de l'homme, dans la dignité et la valeur de la personne humaine, dans l'égalité de droits des hommes et des femmes, ainsi que des Nations, grandes et petites ».

Même si la Charte ne définit ni ne mentionne les droits fondamentaux, elle met à la charge des Etats l'obligation de respecter ces droits112(*). A ce titre, son article 1er au § 3 énonce parmi les buts des Nations Unies, la réalisation de la coopération internationale grâce à la solution des problèmes internationaux, qu'ils soient d'ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire, en développant et en encourageant le « respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion »113(*). La protection des droits de la personne humaine était donc au moment de la rédaction du document onusien une des principales préoccupations des Etats qui s'engageaient à favoriser le respect desdits droits114(*) et à oeuvrer tant conjointement que séparément avec l'organisation afin d'atteindre cet objectif115(*). Dans l'arrêt de la CIJ relatif au personnel de l'ambassade des Etats-Unis en poste à Téhéran précité, les juges reconnaissent même le caractère impératif ou fondamental des principes contenus dans la Charte.

Comme c'est le cas pour la DUDH, en intégrant la Charte des Nations-Unies dans son bloc de constitutionnalité, le constituant camerounais l'aligne sur le même régime juridique que l'ensemble des dispositions constitutionnelles. Elle devient en conséquence une norme constitutionnelle dont la violation d'un des principes appelle l'examen et éventuellement la sanction du juge.

Le bloc de constitutionnalité édifié dans le texte constitutionnel de 1996 contient des références normatives classiques que sont la DUDH et la Charte des Nations-Unies. A ces éléments initiaux que l'on retrouvait déjà dans le préambule de la Constitution de 1972, la réforme de 1996 ajoute des éléments nouveaux que sont la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) et « toutes les conventions internationales relatives (aux droits fondamentaux) et dûment ratifiées ».

PARAGRAPHE 2.- LES NOUVEAUX ELEMENTS DU BLOC DE CONSTITUTIONNALITE

Ils s'entendent de la Charte Africaine des droits de l'Homme et des Peuples (CADHP) (A) et des instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme (B) ratifiés par l'Etat camerounais.

A.- La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples

« Elle est l'expression d'une approche des droits de l'homme qui se veut spécifiquement africaine » dit d'elle le Pr Maurice KAMTO116(*). La CADHP est un instrument juridique régional adopté le 28 juin 1981 par la conférence des Chefs d'Etat et de gouvernement membres de l'Organisation de l'Unité Africaine (O.U.A), mais qui n'entrera en vigueur que le 21 octobre 1986.

Selon le Pr DEGNI-SEGUI, la CADHP est un document qui surprend par sa nature juridique117(*). Pour lui, cette charte qui doit être considérée comme une convention, s'est vue conférée une nature juridique étonnante, surtout placée dans le contexte politique de l'époque, en l'occurrence le climat des années quatre-vingt118(*). Elle a été adoptée par la voie conventionnelle et était appelée à avoir une force contraignante. Elle n'était pas destinée à être une proclamation de voeux pieux. Il s'ensuit qu'avec son entrée en vigueur en 1986, elle a fait naître à la charge des Etats parties, l'obligation d'assurer la jouissance et l'exercice des droits proclamés119(*). Les Etats africains ne se sont pourtant pas empressés de remplir l'engagement à eux prescrit à l'article 1er du document « d'adopter » des mesures législatives pour appliquer les droits qui y étaient inscrits. Le Pr KAMTO, quant à lui, se demandait même « comment expliquer ce peu d'empressement des Etats africains à accorder l'énonciation constitutionnelle des droits avec leur engagement conventionnel en la matière ? »120(*).

Le constituant camerounais, dix ans après l'entrée en vigueur de la CADHP, constitutionnalise cet instrument et partant de là, l'ensemble de ses dispositions qui se trouvent de ce fait intégrés au bloc de constitutionnalité. Dès lors, il est souhaitable que le juge camerounais fasse un usage constant dans sa jurisprudence de cet instrument régional, afin de parvenir à une garantie fiable des droits fondamentaux des citoyens.

De plus, la CADHP étant intégrée à la Constitution camerounaise, il semble possible pour le justiciable camerounais d'attraire l'Etat, dans l'hypothèse de violation d'un droit fondamental contenu dans la Charte, devant la nouvelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples121(*) dont le protocole a atteint le quorum de ratifications requis au cours de l'année 2004. Toutefois, il faudra au préalable que le justiciable ait épuisé les voies de droit interne et plus important, que l'Etat ait fait une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour la réception des requêtes individuelles122(*). Il est souhaitable, pour une garantie efficace des droits fondamentaux de citoyens, que les dirigeants africains en général et camerounais en particulier se soumettent à cette exigence prescrite dans le protocole portant création de la Cour.

Au sein de son bloc de constitutionnalité, le constituant camerounais intègre aussi comme élément nouveau de celui-ci, l'ensemble des conventions internationales relatives aux droits humains dûment signées et ratifiées par l'Etat camerounais.

B.- Les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme

« Les Etats d'Afrique Noire Francophone sont parties, dans leur immense majorité, aux principaux instruments internationaux protecteurs des droits de l'homme, qu'ils soient universels ou régionaux »123(*), relève le Pr DEGNI-SEGUI. Ce constat de l'universitaire est flatteur pour ces Etats qui s'inscrivent par ce mouvement dans une logique de protection des droits fondamentaux. Cependant, il ne suffit pas d'être partie à une convention en matière de droits de l'homme pour que celle-ci crée une obligation formelle pour l'Etat. Il faut que soient respectées, comme préalable, les procédures de signature et de ratification desdits instruments124(*).

L'internationalisation des droits de l'homme n'a pas épargné le constituant camerounais qui a mis un point d'honneur à intégrer ces instruments dans l'ordre juridique national. On a cependant pu se demander qu'elle était la place de ces textes internationaux dans l'ordre juridique concerné.

Avant la réforme constitutionnelle de 1996, le texte constitutionnel de 1960 consacrait deux dispositions aux traités et accords internationaux, les articles 39 et 40. L'article 40 reprenait la formulation de l'article 55 de la Constitution française de 1958 qui disposait que « les traités et accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie ». Etait ainsi affirmée en droit camerounais, l'option clairement moniste, avec primauté du droit international sur le droit national125(*).

L'incertitude sur le rang de la norme internationale naît avec la loi constitutionnelle de 1961 qui fait disparaître la disposition énonçant la supériorité des traités sur les lois nationales camerounaises. Cette loi ne fait que déterminer les organes compétents en matière de négociations et de ratifications des conventions en son article 12 alinéa 4. La Constitution du 2 juin 1972 suivra la même logique en passant sous silence l'option retenue en droit camerounais quant à la place des conventions internationales dans l'ordre juridique camerounais. Selon le Pr MINKOA, il ne convient pas d'accorder « une importance excessive à l'insertion d'une disposition spécifique énonçant la supériorité de la norme internationale sur la norme nationale »126(*). Antonio CASSESSE présume lui d'une « primauté de facto du droit international »127(*). La place des conventions internationales sera cependant affirmée avec la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996.

Celle-ci reprend, à peu de chose près, la formulation de l'article 40 de la Constitution de 1960 et consacre l'option moniste avec primauté du droit international sur le droit interne. Le constituant en profitera même pour accorder un statut particulier aux instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme. En effet, il intègre ces derniers au bloc de constitutionnalité. Désormais en droit camerounais, toutes les questions concernant la vie d'un traité relatif aux droits de l'homme sont de nature constitutionnelle128(*). Ratifier un traité en matière de droits fondamentaux est, en réalité, ajouter à la Constitution un catalogue de droits en plus, pour paraphraser M. OLINGA. Inversement, chaque dénonciation d'une convention de ce type revient à amputer le bloc de constitutionnalité d'un de ses éléments129(*), si bien que le Pr MINKOA se pose la question de savoir si le principe de la rigidité constitutionnelle ne devrait pas réduire la marge de manoeuvre sur ce plan130(*).

De l'introduction des normes juridiques internationales relatives aux droits fondamentaux au bloc de constitutionnalité camerounais, découlent de multiples conséquences. Ces instruments juridiques ne sont pas soumis à la clause de réciprocité de l'article 45 de la loi de 1996 du fait de cette intégration au bloc131(*) et aussi parce que « la ratification constitue, à elle seule, un ticket d'accession directe à la dignité constitutionnelle » écrit M. OLINGA132(*). En outre, ils ne sont plus en droit camerounais des normes conventionnelles, mais des normes constitutionnelles. Le juge est, ce faisant, chargé de leur accorder la protection due à toute norme de ce rang. Pour le Pr MINKOA, « il devrait également en résulter que les problèmes relatifs à l'interprétation de ces conventions ne devraient plus relever du ministère chargé des affaires étrangères »133(*).

La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 opère sans conteste au Cameroun un changement radical dans l'horizon du « ciel juridique camerounais », selon l'expression du Pr MINKOA. Elle participe d'une dynamique évolutive de proclamation des droits fondamentaux en constitutionnalisant le préambule, lieu d'énonciation desdits droits et en érigeant un bloc de constitutionnalité fourni et solide, propice aux droits. Les droits consacrés au sein de son préambule ne peuvent être en conséquence qu'abondants et hétéroclites, les sources étant elles mêmes multiples. Il convient à présent d'examiner ces droits.

CHAPITRE II : LA DIVERSITE DES DROITS FONDAMENTAUX CONSACRES

La réforme constitutionnelle de 1996 aboutit à une consécration généreuse de droits fondamentaux qui doivent bénéficier aux citoyens camerounais. Le mode de consécration préambulaire pour lequel a opté le constituant a comme conséquence directe, de l'avis du Pr MINKOA, une proclamation qualifiée d'« abondante » des droits. Ce catalogue de droits est constitué des dispositions du préambule proprement dites auxquelles il convient d'adjoindre les dispositions des instruments juridiques relatifs aux droits de l'homme que le Cameroun a régulièrement ratifiés. C'est ainsi que, comme le souligne fort à propos M. OLINGA, « les droits de l'homme dans la Constitution (camerounaise) ne se trouvent pas seulement au niveau du préambule, ils figurent dans d'autres parties de la loi fondamentale »134(*). De plus, l'énumération des droits fondamentaux dans le texte de 1996 n'est pas exhaustive. L'emploi dans le préambule de la formule « notamment aux principes suivants... » indique nettement « que d'autres principes lient le pays et peuvent être invoqués devant le juge », écrit M. OLINGA. « Toutefois, continue t-il, l'énumération de certains principes signifie que, au sein de la masse de principes engageant le Cameroun, ceux cités expressément constituent le minimum incompressible bénéficiant à tous »135(*).

La Constitution révisée ne proclamerait donc qu'un standard minimum pouvant être complété par les principes contenus dans les autres éléments du bloc de constitutionnalité. Cette consécration des droits fondamentaux par le constituant camerounais s'est faite, du reste, suivant des modalités différentes qui ne sont pas sans incidence sur la mise en oeuvre des droits fondamentaux.

Les droits fondamentaux sont, en conséquence, divers. Cependant, on peut observer que la Constitution réformée procède à une affirmation des droits fondamentaux classiques (Section I) et érige dans l'ordre juridique camerounais, des droits originaux (Section II) qu'il est intéressant d'examiner.

SECTION I : L'AFFIRMATION DES DROITS CLASSIQUES

La dynamique constitutionnelle de proclamation des droits fondamentaux au Cameroun a, comme nous l'avons vu précédemment, évolué depuis les indépendances et a abouti à la réforme constitutionnelle de 1996. Celle-ci proclame solennellement la reconnaissance par le Cameroun du caractère inaliénable et sacré des droits humains136(*). Si en la comparant aux différents textes constitutionnels antérieurs, on peut remarquer qu'elle est promulguée en réponse aux aspirations démocratiques et aux « demandes sociales »137(*), on note aussi la disparition du texte réformé de certains droits fondamentaux autrefois constitutionnels. C'est le cas, par exemple, de la liberté de l'enseignement privé constitutionnalisé dans le texte du 4 mars 1960 et jamais réintroduite dans les énumérations constitutionnelles depuis lors.

Le texte constitutionnel de 1996 procède toutefois, de façon exponentielle par rapport aux précédents textes, à une consécration des droits classiques, ceux rentrant dans la typologie classique des droits fondamentaux, droits des première, deuxième et troisième générations138(*). Mais, si on note que la proclamation des droits de la première génération est prolixe (Paragraphe 1), le constituant camerounais fait preuve d'une certaine réserve en ce qui concerne la consécration des droits des deuxième et troisième générations (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1.- LA PROCLAMATION PROLIXE DES DROITS DE LA PREMIERE GENERATION

Les droits civils et politiques ou ``droits-libertés'' sont les plus consacrés dans le texte constitutionnel de 1996. C'est ainsi que se trouvent proclamés le principe d'égalité, le droit à la liberté et à la sécurité, la liberté d'aller et venir et le droit d'établissement, le droit au secret de la correspondance, le droit à l'inviolabilité du domicile, le droit de n'être contraint qu'en vertu de la loi, le principe de la légalité criminelle, le principe de la non-rétroactivité de la loi, le droit à la justice, le principe de la présomption d'innocence, le droit à la vie et ses implications, le droit de propriété, le droit de vote et le droit de participer au vote, la liberté de réunion, la liberté d'association, le droit de former des partis politiques, la liberté de conscience, de pensée et de religion, la liberté d'expression.

Ces différents droits présentent en conséquence un contenu hétéroclite (A), et révèlent une portée considérable dans leur mise en oeuvre (B) dans l'ordre juridique camerounais.

A.- Le contenu hétéroclite des droits civils politiques

Ainsi que le relève M. VASAK, « toute Déclaration et Convention des droits de l'homme a un caractère individualiste, son but étant de fournir à l'individu non seulement des normes de conduite pour une vie à base de liberté, mais surtout des armes juridiques lui permettant de conquérir et de préserver une sphère exclusivement réservée à ses initiatives »139(*). Tout texte qui proclame les droits fondamentaux a donc comme axiome de base, l'individu, et le texte constitutionnel camerounais ne déroge pas à cette règle. Les droits civils et politiques proclamés en son sein, sont en conséquence des droits individuels.

Cependant, certains droits reconnus à l'individu dans la société nécessitent un exercice collectif. « L'individu est titulaire de ces droits, qui ne peuvent qu'être exercés en groupe »140(*), ce sont les droits de l'action collective ou droits collectifs. D'autres droits ont, en plus de cette dimension purement individuelle, une dimension sociale et politique tenant compte de la dimension spirituelle de l'individu, ce sont les droits de la pensée ou droits de l'esprit.

Les droits civils et politiques inscrits dans la Constitution camerounaise sont intégrés dans cette trilogie et, eu égard à leur contenu, peuvent être scindés en droits individuels, droits de la pensée et droits de l'action collective.

S'agissant des droits individuels, leur nombre important souligne la place prépondérante que le constituant camerounais accorde à l'individu dans la société. Il rappelle tout d'abord la prévalence du principe de l'égalité dans l'Etat camerounais. Ce principe est posé en termes d'égalité et de non-discrimination en droits, en devoirs et devant la loi de tous les citoyens dans l'Etat. Le préambule du texte constitutionnel, ce faisant, énonce que « tous les hommes sont égaux en droits et en devoirs » et l'article 1er alinéa 2 (4) lui fait écho en précisant que « la République du Cameroun (...) assure l'égalité de tous les citoyens devant la loi ». Tout traitement discriminatoire est ainsi proscrit entre les citoyens au sein de l'Etat camerounais, ainsi que l'érection de privilèges de toute nature141(*).

Le droit à la liberté et à la sécurité est également affirmé dans l'ordre juridique camerounais. Le constituant énonce qu'il est garanti « à chaque individu dans le respect des droits d'autrui et de l'intérêt supérieur ». L'expression de ce droit est, de l'avis du Doyen RIVERO, « la certitude pour les citoyens, qu'ils ne feront pas l'objet, notamment de la part du pouvoir, de mesures arbitraires les privant de leur liberté matérielle, telles qu'arrestation ou détention »142(*). C'est le règne de la liberté individuelle, qui interdit toute contrainte illégitime à l'égard du citoyen et lui assure « la sécurité juridique face au pouvoir »143(*). C'est alors le droit fondamental qui garantit les autres, à en croire le Pr RIVERO144(*).

Il peut ainsi permettre à l'individu d'aller et venir et de s'installer au lieu de son choix sur l'étendue du territoire camerounais, sans préjudice de l'opposition latente qui pourrait résulter de cette installation dans une localité en proie à des revendications de populations autochtones. La liberté d'aller et venir et le droit d'établissement du citoyen camerounais se trouveraient alors en conflit avec un autre droit, celui de la protection des droits des populations autochtones.

Le droit du citoyen à la liberté et à la sécurité implique en outre que sa vie privée soit protégée, au travers de sa correspondance, de son identité, de son domicile, de son statut personnel.

L'exercice de ce droit suppose la réalisation de deux conditions selon le Doyen RIVERO. Tout d'abord, il faut que l'intégralité de la fonction répressive soit remise au juge. Ensuite, que des garanties soient accordées à l'intervention du juge au triple point de vue de son statut, de la règle applicable avec le respect des principes de la légalités des délits et peines et de la non-rétroactivité de la loi pénale, et de la procédure qui se doit de respecter la présomption d'innocence, le respect des droits de la défense, la réglementation de la détention préventive, autant de garanties liées au procès équitable et consacrées de façon novatrice dans le texte de 1996.

Le constituant camerounais consacre également le droit à la vie, généralement considéré comme le premier des droits fondamentaux, ainsi que ses implications, le droit de ne pas être soumis à la torture et à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Le respect de l'intégrité physique et morale de l'individu est alors érigé en principe dans l'ordre juridique et implique le respect de la dignité humaine de tout individu dans l'Etat.

Une place importante est aussi accordée au droit de propriété, qu'il soit individuel ou collectif. Se trouvent ainsi interdites les atteintes illégitimes contre les biens des citoyens soit par d'autres citoyens, soit par les pouvoirs publics. Toutefois, l'absolutisme de ce droit est limité dans l'ordre juridique camerounais et ce faisant, il ne doit pas « porter préjudice à la sûreté, à la liberté, à l'existence ou à la propriété d'autrui ».

L'individu pris isolément semble avoir les faveurs du constituant camerounais, mais ce dernier n'ignore aucunement que la vie en société suppose des regroupements. Il consacre, pour ce faire, des droits que celui-ci exerce en groupe, avec d'autres citoyens et se trouvant en outre garantis par des textes législatifs.

Il en va ainsi de la liberté de réunion organisée par la loi n° 90/055 du 19 décembre 1990, de la liberté associative régie par la loi n° 90/053 du même jour et du droit de former des partis politiques organisé par la loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques. Ces différents droits favorables au développement de l'action collective au sein de l'Etat permettent au demeurant au citoyen camerounais, être social, d'exercer certaines activités au niveau du groupe, et d'une manière générale, de participer à la vie, tant politique qu'économique de la cité145(*).

La Constitution réformée prend aussi en compte l'aspect spirituel de l'homme, sa capacité à avoir des convictions et des opinions et de les manifester, de les exprimer. Les droits de la pensée ou de l'esprit revêtent alors tant cette dimension proprement individuelle qu'a tout individu d'avoir des opinions et convictions qu'une dimension sociale et politique de les manifester. Il est énoncé à ce propos dans le préambule constitutionnel de 1996 que « nul ne peut être inquiété en raison de ses origines, de ses opinions ou croyances en matière religieuse, philosophique ou politique sous réserve du respect de l'ordre public et des bonnes moeurs ». Se trouvent alors proclamées dans le texte camerounais les libertés de conscience, de pensée et de religion qui rendent toutes compte de la dimension qu'ont ces droits fondamentaux dans l'Etat camerounais, avoir des convictions en matière de pensée et de religion et les exprimer. La liberté d'expression n'est pas en reste dans le texte camerounais, elle qui implique le droit d'avoir des opinions et de ne pas être inquiété, tout comme celui de recevoir des informations et des idées et de les communiquer146(*). De plus, le principe de la laïcité de l'Etat est affirmé, afin de garantir la neutralité de l'Etat camerounais vis-à-vis des religions se pratiquant en son sein.

Le contenu des droits civils et politiques consacrés dans la Constitution réformée de 1996 apparaît donc multiforme, hétéroclite et s'entend essentiellement des droits individuels pouvant être exercés en propre par le citoyen, en groupe et tenant compte de son aspect spirituel. Leur aménagement rend compte de leur portée dans l'ordre juridique camerounais, une portée qui ne va pas sans soulever quelques difficultés au sein de cet Etat.

B.- La portée des droits civils et politiques

Les droits civils et politiques sont des droits-attributs de la personne humaine, droits qui sont, pour l'essentiel, opposables à l'Etat dont ils supposent d'abord une attitude d'abstention pour qu'ils puissent être respectés147(*). Dans leur aménagement, ils subordonnent ainsi l'Etat à certaines obligations qui entraînent comme conséquence par la suite que les droits puissent être exigibles par les citoyens, rendant compte par-là de leur exigibilité immédiate et de leur justiciabilité.

Les obligations qui s'imposent à l'Etat dans la mise en oeuvre des droits de la première génération sont l'obligation de respecter les droits et l'obligation de les protéger148(*).

Respecter les droits impose une obligation d'abstention de la part de l'Etat, autrement dit, les pouvoirs publics ne doivent pas s'immiscer dans l'exercice des droits par les citoyens. Toutefois, ils peuvent s'ingérer dans cet exercice si cette ingérence est prévue par la loi, vise la réalisation d'un but légitime et est faite par des moyens nécessaires et proportionnés149(*).

Protéger les droits impose aux pouvoirs publics une obligation d'intervention positive, mettre les citoyens à l'abri des atteintes portées aux droits fondamentaux dans les rapports interindividuels. L'Etat prend, dans ce cadre, des mesures raisonnables visant à la protection des droits contre les atteintes de toute sorte. Il peut ainsi prévoir et régler les litiges qui peuvent naître d'un contrat passé entre individus ou qui ont trait à l'état des personnes dans un code civil, comme c'est le cas au Cameroun. Il peut aussi prendre des mesures législatives visant à faire connaître aux citoyens les répressions prévues en cas d'atteinte à certains droits et les inscrire dans un code pénal, tout comme les diverses procédures permettant aux citoyens de saisir les juridictions en cas de violation de leurs droits et inscrites dans des codes de procédure pouvant être civile, commerciale, pénale ou administrative.

Les droits civils et politiques ne sont plus seulement, dans ce cas, des droits appelant une abstention des pouvoirs publics, ceux-ci devant intervenir pour la protection des droits et même permettre leur réalisation dans l'ordre juridique camerounais. Toutefois, cette intervention de l'Etat peut aussi conduire à des restrictions et dérogations apportées aux droits fondamentaux, contribuant à limiter leur exercice. Se pose alors la problématique de la nature des restrictions et de leur régime juridique. En quoi consistent ces restrictions apportées aux droits ? Dans quelles conditions peuvent-elles être faites ? Tous les droits sont-ils susceptibles d'en souffrir ?

Le texte constitutionnel de 1996 confie souvent la réglementation d'un droit au soin du législateur ou délimite l'exercice d'un droit, afin d'éviter de possibles conflits avec d'autres droits fondamentaux ou pour en atténuer l'absolutisme. Cette limitation est généralement faite au moyen de formules telles « dans le respect... », « sous réserve... ». Pour le Pr POUGOUE, les droits consacrés dans l'ordre juridique camerounais sont alors susceptibles de connaître trois régimes juridiques de restriction à savoir, le régime de l'ordre public, les régimes d'exception et le régime de la garde à vue administrative150(*).

La notion d'``ordre public'' consiste dans une double limite à l'exercice de la liberté que sont la liberté d'autrui et les impératifs sociaux. En droit camerounais, elle est entendue au sens large et est assimilée parfois à la notion d'« intérêt supérieur de l'Etat ». Ces deux notions ont, de l'avis du Pr Maurice KAMTO, un contenu « non défini, en tout cas, fuyant et fluide »151(*) qui peut s'avérer pernicieux pour la garantie des droits fondamentaux. La sauvegarde de l'ordre public implique, par voie de conséquence, que le droit fondamental soit contrôlé, son exercice étant soumis à des contraintes administratives. Le droit peut aussi être contrôlé, soit par les autorités de police pour la protection de l'ordre, de la sécurité et de la tranquillité publics152(*), soit par un tiers lésé sur la base de la théorie de l'abus de droit153(*). Cette sauvegarde de l'ordre public ne doit pour autant pas être attentatoire aux droits fondamentaux. L'équilibre entre la sauvegarde et le respect des droits doit être recherché au maximum et exige pour ce faire, que les mesures de sauvegardes soient soumises au contrôle du juge.

Les régimes d'exception s'entendent des périodes d'une certaine gravité au cours desquelles les droits fondamentaux, particulièrement les droits civils et politiques, se trouvent suspendus. La législation camerounaise en organise trois situations, à savoir, l'état d'urgence prévu à l'article 9 alinéa 1 de la loi constitutionnelle de 1996 et organisé par la loi n  90/047 du 19 décembre 1990154(*), l'état de mise en garde prévu par l'article 3 de la loi n° 67/LF/69 portant organisation générale de la défense et l'état d'exception prévu à l'article 9 alinéa 2 du texte de 1996155(*). Ces situations conduisent à ce que les droits fondamentaux soient mis entre parenthèses, au moins pour une période donnée, traduisant ainsi un « écrasement des droits de l'homme au profit des régimes d'exception »156(*). Elles peuvent par exemple conduire à la restriction des libertés individuelles, telle qu'une mise en résidence surveillée et à l'interdiction des droits de l'action collective comme la tenue de réunions publiques.

Le régime de la garde à vue administrative constitue également, en droit camerounais, une limite considérable aux droits fondamentaux en général et au droit à la liberté et à la sécurité des citoyens en particulier. Il est prévu par l'article 2 dernier paragraphe de la loi n° 90/054 sur le maintien de l'ordre aux termes de laquelle « les autorités administratives peuvent, en tout temps et selon les cas, prendre des mesures de garde à vue d'une durée de 15 jours renouvelables dans le cadre de la lutte contre le grand banditisme ». Il s'agit, selon le législateur, d'un régime dérogatoire dans les situations de lutte contre le grand banditisme au sens du droit répressif camerounais. Mais, la pratique de cette mesure, qui devrait être exceptionnelle, donne lieu à des débordements si bien que les motifs invoqués par les autorités pour justifier une telle garde à vue excèdent souvent les prévisions du législateur, conduisant par-là à des violations du droit à la liberté et de la sécurité des citoyens camerounais157(*).

Les droits civils et politiques dans leur mise en oeuvre, appellent ainsi des obligations de la part de l'Etat camerounais. Toutefois, des régimes restrictifs peuvent leur être imposés, constituant en conséquence une forte limite dans leur exercice. Il importe, cependant de se demander si l'ensemble des droits civils et politiques et partant, des droits fondamentaux est astreint à ces régimes restrictifs. N'en existe t-il pas certains qui ne peuvent souffrir de dérogations ? C'est à ce niveau que se pose le problème de l'intangibilité des droits.

Le texte constitutionnel camerounais ne dresse pas une liste de droits susceptibles de ne pas souffrir de ces régimes restrictifs et il convient, pour reprendre le questionnement du Pr SUDRE, de se demander si l'hypothèse d'un ``noyau dur'', d'un ``noyau intangible'' est plausible concernant les droits consacrés au sein du texte.

L'hypothèse d'un ``noyau dur'' des droits recouvre deux significations selon que l'objet est singulier, un droit de l'homme, ou pluriel, les droits de l'homme.

Lorsque l'objet est singulier, « il s'agit de rechercher quel est le minimum irréductible au sein de chaque droit pour que celui-ci subsiste et conserve un sens »158(*). La problématique des restrictions à l'exercice des droits avec l'opposition des intérêts individuels et de l'intérêt général se pose ici avec acuité, car il convient de se demander jusqu'à quel seuil les autorités nationales peuvent restreindre l'exercice d'un droit sans porter atteinte à la substance même du droit. Selon le Pr SUDRE, cette interrogation suppose de définir le seuil en deçà duquel le droit en cause perd toute sa signification, or ce seuil varie en fonction des particularismes nationaux, des traditions locales. Le juge a ainsi un rôle fondamental à jouer dans ce cas, puisque « en dernier lieu, c'est à lui qu'il appartient de définir et de préserver la substance du droit mis en péril par les limitations qui l'affectent », écrit-il159(*).

Lorsque l'objet est pluriel, il convient d'isoler au sein du corpus des droits consacrés, les droits plus fondamentaux que les autres, « de tracer une ligne de partage entre (...) des droits prioritaires et d'autres qui seraient secondaires, entre des droits de premier rang et d'autres de second rang »160(*).

La définition du contenu du ``noyau intangible'' des droits fondamentaux va ainsi procéder de la combinaison des dispositions du préambule constitutionnel et de l'article 4 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui énonce les droits indérogeables. A la suite du Pr MINKOA, on constate que cette opération consacre l'érection de sept droits en droits intangibles dans l'ordre juridique camerounais. Ce sont, le droit à la vie, le droit de ne pas subir de torture et des peines ou traitements cruels, inhumains et dégradants, le droit de ne pas être placé en esclavage et en servitude, le droit de ne pas être emprisonné pour la non-exécution d'une obligation contractuelle, le droit à la non-rétroactivité de la loi pénale plus sévère, le droit à la rétroactivité de la loi pénale moins sévère, le droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalité juridique, la liberté de pensée, de conscience et de religion.

Ainsi donc, seuls ces droits civils et politiques ne doivent pas, en principe, être soumis aux différents régimes restrictifs applicables aux droits fondamentaux dans l'ordre juridique camerounais. Ils constituent en conséquence le ``noyau dur'' des droits fondamentaux consacrés dans cet ordre juridique, séparés des autres qui eux, dans leur exercice, peuvent subir des dérogations.

Au demeurant, cette scission appelle immanquablement une hiérarchisation entre les droits fondamentaux, car même s'il faut reconnaître à la suite de la Déclaration de Vienne du 25 juin 1993 que « tous les droits (...) sont universels, indissociables, interdépendants et intimement liés », force est d'admettre que dans leur aménagement, « bien qu'ayant même valeur constitutionnelle, les droits fondamentaux n'ont pas tous en pratique le même poids spécifique »161(*).

En conséquence, dans leur aménagement, la force juridique des droits civils et politiques ne sera pas la même. S'ils sont tous exigibles et justiciables, il convient dans la pratique de tenir compte du poids de certains droits, suffisamment précis et clairs dans leur énoncé et n'ayant pas besoin de mesure complémentaire pour être mis en oeuvre par le citoyen, tels que le droit à la vie par exemple, par opposition à ceux requérant des mesures législatives d'accompagnement pour bénéficier aux citoyens, à l'exemple de certains droits de l'action collective tels que la liberté d'association et la liberté de réunion.

Cette différenciation quant au ``poids spécifique'' de certains droits permet également de rendre compte de la prudence avec laquelle sont constitutionnalisés les droits des seconde et troisième générations dans le texte constitutionnel camerounais, eux qui nécessitent généralement la prise de mesures positives par l'Etat pour être effectivement exercés par le citoyen.

PARAGRAPHE 2.- LA PROCLAMATION RESERVEE DES DROITS DES DEUXIEME ET TROISIEME GENERATIONS

Les droits de la deuxième génération sont apparus sous l'inspiration socialiste et chrétienne avec la Révolution mexicaine et, surtout, la Révolution russe de 1917 et devaient permettre en principe aux hommes de devenir égaux. Ils correspondent dans le triptyque de la devise française, « Liberté-Egalité-Fraternité », aux « droits de l'égalité »162(*). Les droits de la troisième génération appellent eux une solidarité de l'ensemble des membres de la famille humaine et correspondent dans le même triptyque français à la « fraternité ». Ce sont les droits dits de solidarité.

Ces différents droits ressortent clairement du texte constitutionnel de 1996, même si leur consécration nominative n'est pas très importante. Des auteurs parlent à ce propos d'une « prudence » du constituant camerounais163(*) qui aurait par cette attitude écarté des droits que l'on peut considérer comme difficiles d'application. C'est ainsi que les droits des deuxième et troisième génération présentent, de manière générale, dans la loi fondamentale camerounaise des caractères identiques : ce sont d'abord des droits d'une justiciabilité équivoque (A), et qui revêtent par la suite un aspect programmatique dans leur réalisation (B).

A.- Des droits d'une justiciabilité équivoque

Au contraire des droits civils et politiques qui sont d'une justiciabilité immédiate, les droits des deuxième et troisième n'ont pas généralement dans les textes qui les proclament, la précision nécessaire à leur exigibilité devant les juridictions. Les dispositions qui les consacrent sont formulées en termes généraux ou vagues. On estime ainsi qu'ils sont difficilement susceptibles d'une mise en oeuvre juridictionnelle.

Les droits-créances contenus expressément dans le texte constitutionnel camerounais s'entendent du droit de la famille à être protégée et encouragée par la nation, de la liberté syndicale, du droit de grève, de la liberté de communication sociale, du droit au travail et du droit à l'instruction. Ces différents droits qui sont déjà contenus dans différents textes internationaux protecteurs des droits de l'homme auxquels le Cameroun est partie, reçoivent un statut particulier dans le texte de 1996 susceptibles d'affecter leur protection par les juridictions.

En effet, ils sont le plus souvent assortis de clauses susceptibles d'amoindrir leur portée. C'est ainsi, par exemple, que la liberté syndicale et le droit de grève « sont garantis dans les conditions fixées par loi »164(*). La loi a ainsi un rôle important à jouer dans la mise en oeuvre du droit en cause, car si elle n'est pas effective au sein de l'Etat, les citoyens ne peuvent savoir quel est le régime juridique du droit constitutionnellement consacré. Ce qui au demeurant peut constituer une limite pour la protection par le juge du droit fondamental. Au Cameroun, la loi qui en l'espèce doit déterminer le cadre dans lequel s'exercent ces droits fondamentaux est toujours inexistante en l'état actuel de la législation. Ce qui est susceptible de vider le droit de son contenu, les citoyens n'ayant aucune idée du cadre d'exercice du droit. Qui a le droit et la possibilité de faire grève et dans quelles conditions ? Personne ne saurait y répondre.

Un autre exemple peut être pris pour le droit à l'instruction qui dans son organisation et son fonctionnement, constitue « un devoir impérieux de l'Etat »165(*). Cette formulation revêt un caractère assez flou si bien que l'on peut estimer qu'il est fort difficile à un citoyen camerounais d'attraire l'Etat devant une juridiction pour manquement à son obligation.

Ce caractère difficilement justiciable des droits-créances affecte aussi les droits de la troisième génération.

Dans le texte constitutionnel de 1996, le constituant camerounais « affirme sa volonté d'oeuvrer à la construction d'une Afrique unie et libre, tout en entretenant avec les autres nations du monde des relations pacifiques et fraternelles... ». On peut clairement lire dans cette disposition, l'affirmation d'un droit à la paix, même si celui ci n'est pas expressément désigné. Toutefois, tant le titulaire, que l'objet et le débiteur de ce droit sont incertains et l'énoncé n'a pas la clarté et la précision juridiques suffisantes pour que l'on estime qu'il puisse être invocable directement devant le juge.

Les autres droits dits de la solidarité qui ressortent de la lecture du préambule de la Constitution réformée, à savoir le droit au développement du peuple camerounais, le droit à un environnement sain, semblent être aussi assorties du même caractère flou de leur formulation. Toutefois, en ce qui concerne le droit à un environnement sain, le texte constitutionnel affirme que « toute personne a droit à un environnement sain (...) L'Etat veille à la défense et à la promotion de l'environnement ». Face à une telle affirmation, on peut être amené à penser que l'Etat camerounais a une obligation de ne pas laisser détériorer l'environnement dans lequel vivent ces citoyens, en protégeant par exemple sa faune, sa flore, son milieu marin. Cette obligation d'abstention peut même s'accompagner, le cas échéant, d'une intervention de l'Etat et même du juge en vue de sanctionner les éventuelles atteintes à l'environnement, le droit à un environnement sain pouvant ouvrir droit à réparation, ainsi que l'a jugé la Cour constitutionnelle béninoise166(*).

D'aucuns ont pu estimer au contraire qu'il serait difficile qu'un justiciable camerounais puisse attraire l'Etat devant une juridiction sous le prétexte que l'environnement dans lequel il vit est malsain et qu'ainsi l'Etat camerounais manquerait à son obligation constitutionnelle de veiller et de protéger l'environnement.

Or, si la mise en oeuvre juridictionnelle d'un droit, entendue comme la protection par les juridictions du droit dans le système juridique, est considérée comme la plus pertinente des garanties du fait de la sanction qui est sa conséquence principale, cette dernière « ne conditionne nullement l'existence d'une norme juridique, en l'espèce la norme des droits de l'homme, et de l'obligation corrélative de leur respect : elle conditionne seulement l'exécution de la norme »167(*). Dès lors, la remise en cause des droits des deuxième et troisième générations ne saurait être admise du fait de leur mise en oeuvre juridictionnelle hypothétique. Elles sont, dans l'ordre juridique camerounais, des normes constitutionnelles et ont droit en tant que telles à la protection due à toute norme de ce rang.

Toutefois, la mise en oeuvre juridictionnelle hypothétique des droits de la seconde et de la troisième génération est amplifiée par le caractère programmatique que revêtent ces droits.

B.- Des droits programmatiques

Les droits de la deuxième génération, encore nommés ``droits-créances'', sont des droits d'une justiciabilité équivoque, programmatiques et qui appellent une action positive de l'Etat qui se doit de les mettre en oeuvre. Comme le souligne à ce propos le Pr RIVERO, « les droits de créance (...) ne peuvent recevoir satisfaction qu'après la mise en place d'un appareil destiné à répondre aux exigences des particuliers. Le service public est donc, pour la satisfaction de tels pouvoirs, le procédé le plus normal. Tant que le service n'a pas été créé, tant que l'Etat n'a pas réuni les moyens nécessaires pour s'acquitter de son obligation, le droit du créancier ne peut s'exercer »168(*).

Les droits de la troisième génération ou droits de solidarité, eux, sont définis comme des droits qui « traduisent une certaine conception de la vie en communauté (et qui) ne peuvent être réalisés que par les efforts de tous les participants de la vie en société : individus, Etats, autres entités publiques ou privées »169(*). La qualité de droits leur est souvent contestée du fait de la difficulté à déterminer leur titulaire et leur contenu170(*).

Ces deux générations semblent donc nécessiter, pour leur mise en oeuvre effective dans la société, que soient prises des mesures par l'Etat. On a pu parler à ce propos d'une réalisation progressive des droits.

L'obligation de "réalisation progressive" est prévue dans le Pacte international pour les droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) qui affirme que les Etats prendront toutes les mesures pour assurer « progressivement le plein exercice des droits reconnus... ». Certains ont pu penser que cette stipulation tendait à subordonner la réalisation de ces droits à la prospérité économique des Etats parties ou autoriser un Etat partie à reporter indéfiniment les efforts à consentir pour assurer l'exercice des droits qu'il consacre.

Le Cameroun est partie au PIDESC et cet instrument fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité érigé par le constituant camerounais. Certains auteurs affirment que le nombre infime des droits-créances est dû au fait que l'Etat camerounais « a prudemment écarté (des droits) qu'il lui est présentement impossible de satisfaire ». Cette déclaration semble faire l'apologie de la réalisation progressive des droits-créances dans la société camerounaise. Mais au contraire de l'idée développée sur le principe érigé par le PIDESC, cette « disposition oblige tous les Etats parties, quelles que soient leurs ressources nationales, à agir rapidement et efficacement en vue d'assurer un exercice et une jouissance effectives des DESC à tous leurs citoyens ». Le Comité pour les droits économiques, sociaux et culturels (CODESC) a déclaré que l'obligation de réalisation progressive existe indépendamment de tout accroissement des ressources disponibles. Il admet donc que toutes les ressources existantes doivent être consacrées de manière aussi efficace que possible à la réalisation des droits consacrés dans le Pacte171(*).

En d'autres termes, la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels implique de la part des Etats à la fois des actions positives et des actions négatives. Dans le premier cas, l'Etat doit agir en prenant les mesures appropriées pour créer les conditions d'exercice ou de jouissance des droits reconnus aux citoyens. L'abstention implique qu'il n'intervienne pas dans l'exercice des droits en imposant des limitations ou des restrictions. Par exemple, l'Etat camerounais ne doit pas porter des limitations excessives à la liberté syndicale ou au droit de grève, même si ceux-ci « sont garantis dans les conditions fixées par la loi ». Le principe de la progressivité ne devrait donc pas servir à justifier l'absence de réalisation des droits-créances ou leur faible niveau de satisfaction.

Le CODESC, dans son Commentaire général sur la question de la nature des obligations des Etats parties a même précisé que : « Le concept de réalisation progressive est une reconnaissance du fait que la réalisation complète des droits économiques, sociaux et culturels sera généralement impossible à atteindre à brève échéance... C'est, d'une part, un mécanisme de flexibilité nécessaire qui reflète la réalité du monde tel qu'il existe et les difficultés qu'implique pour tout pays la mise en oeuvre des droits économiques, sociaux et culturels. D'autre part, l'expression doit être lue à la lumière de l'objectif global, ou mieux, de la raison d'être du Pacte, qui est de créer des obligations claires pour les Etats parties en vue de la réalisation progressive des droits considérés »172(*). En d'autres termes, le concept de progressivité prend en compte le niveau inégal de développement des Etats parties au Pacte dans la réalisation des DESC.

S'il est vrai que cet attribut des droits fondamentaux est plus remarquable pour les droits-créances, on ne peut l'écarter pour les droits de solidarité.

C'est ainsi que l'obligation qui pèse sur l'Etat camerounais du fait de la consécration des droits de la solidarité est une obligation souple. Par exemple, pour le droit à un environnement sain, l'Etat camerounais « veille (juste) à la défense et à la promotion de l'environnement ». Cette obligation ne semble nullement être immédiate et partant de là n'est pas immédiatement exigible par les titulaires que sont les citoyens. La réalisation des droits de la solidarité suppose alors, ainsi que l'affirme M. Karel VASAK qu' « il existe un minimum de consensus social au niveau national et international, pour qu'une action solidaire fondée sur la reconnaissance d'une responsabilité solidaire, puisse être entreprise en vue de leur réalisation »173(*).

Cette action doit s'inscrire dans le temps et revêt un caractère programmatique qui affecte aussi de manière considérable l'exigibilité, la justiciabilité des droits de la solidarité dans la société camerounaise. Cependant, on ne doit pas considérer que ces droits des deuxième et troisième générations soient des non-droits. Comme relevé plus haut, ils sont des droits constitutionnels et, ce faisant, se doivent de recevoir la protection due à toute norme de ce rang.

A côté d'eux, le constituant camerounais consacre des droits originaux, qui rendent mieux compte des particularismes de la société camerounaise.

SECTION II : LA CONSECRATION DE DROITS ORIGINAUX

Le texte constitutionnel de 1996 consacre des droits qui se rapprochent des réalités sociales camerounaises. Ces droits sont pour l'essentiel des droits d'essence communautariste, pour reprendre l'expression du Pr NLEP, en ce sens qu'ils sont reconnus à des communautés d'individus plutôt qu'à ces derniers pris isolément. Ils concernent spécifiquement la protection des valeurs traditionnelles (Paragraphe 1) et la protection des minorités et des populations autochtones (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1.- LA PROTECTION DES VALEURS TRADITIONNELLES

Le contenu de ce droit tient compte des spécificités des collectivités et groupes ethniques cohabitant au sein de l'Etat camerounais. En effet, au Cameroun, vivent pas moins de 200 ethnies, aux coutumes différentes les unes des autres. Ces ethnies sont regroupées en une structure de base qui est la « communauté villageoise »174(*) correspondant dans la réalité camerounaise à la chefferie traditionnelle.

C'est l'article 1er alinéa 3 de la Constitution réformée de 1996 qui « reconnaît et protège les valeurs traditionnelles » et le décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies traditionnelles qui consacre le droit pour ces collectivités de désigner leur chef selon leurs propres coutumes. La protection des valeurs traditionnelles trouve donc ses sources juridiques dans la Constitution et le règlement au Cameroun. Mais qu'englobe véritablement cette protection des valeurs traditionnelles ? Il convient afin d'appréhender le contenu de ce droit, d'analyser la notion de « chefferie traditionnelle » (A) pour s'intéresser ensuite au statut du chef désigné de cette collectivité (B).

A.- La notion de chefferie traditionnelle

La nature juridique de la chefferie traditionnelle n'a pas été facile à dégager en droit positif camerounais. Les deux premiers articles du décret de 1977 traduisent cet embarras du législateur dans sa tentative de dégager une nature juridique de la chefferie traditionnelle camerounaise.

L'article 1er du décret indique que « les collectivités traditionnelles sont organisées en chefferie ». Le second lui emboîte le pas et précise que « la chefferie traditionnelle est organisée sur une base territoriale. Elle comporte trois degrés hiérarchisés suivants :

· chefferie du 1er degré ;

· chefferie du 2e degré ;

· chefferie du 3e degré ».

La volonté du législateur sur le « mode d'organisation » et la « base d'organisation » de ces entités n'est pas claire et la question se pose quant à savoir si la chefferie traditionnelle est une simple « collectivité locale » dotée de la personnalité juridique ou une simple circonscription territoriale. M. KOUASSIGAN pose le problème de la nature juridique de la chefferie traditionnelle en ces termes : « ces collectivités négro-africaines peuvent-elles être des personnes morales ? » et précise même que répondre à cette question revient à « savoir si (...)les [dites] collectivités peuvent prétendre à la qualité de sujet de droit »175(*).

Si certaines thèses ont pu nier la personnalité juridique à ces collectivités176(*), il s'est développé à leur opposé la thèse de la reconnaissance de la personnalité juridique aux collectivités négro-africaines que sont les chefferies traditionnelles. Pour M. DECOTTIGNIES, la « collectivité villageoise » présente tous les critères habituellement retenus pour la reconnaissance de la personnalité juridique à un groupement. Ces critères sont : un conseil prenant l'ensemble des décisions de la communauté avec à sa tête un chef, et la disposition, la propriété communautaire de biens propres177(*).

En droit positif camerounais, l'organisation interne définie par le décret de 1977 laisse apparaître un chef et un conseil de notables formé selon la tradition locale et chargé d'assister le chef dans l'exercice de ses fonctions. Toutefois, à la lecture du décret de 1977, ce conseil n'a pas d'attributions propres et c'est le juge administratif qui a précisé son importance dans le fonctionnement de la collectivité. Dans l'affaire Collectivité Deïdo-Douala, objet du jugement n° 63/CS-CA/79-80 du 25 septembre 1980, la Chambre administrative de la Cour Suprême (CS/CA) constate que l'autorité investie du pouvoir de décision a omis de consulter les notabilités coutumières Deïdo pour fins de désignation du Chef de ce canton en violation des dispositions de l'article 11 du décret de 1977. En conséquence, elle annule l'arrêté portant désignation du Chef de canton. De cette décision, découlent des conséquences qui précisent la notion de chefferie traditionnelle :

Tout d'abord, il est admis, sinon confirmé, qu'une collectivité donnée, dès lors que ses intérêts sont lésés, dispose de la capacité d'ester en justice ;

Ensuite et surtout, il est à retenir de cette décision qu'au-delà de l'architecture définie par le décret de 1977, toute l'organisation, tout le fonctionnement, et partant le régime et la nature juridiques de la chefferie traditionnelle, la vraie, doivent être recherchés non dans le droit administratif écrit, mais dans les multiples coutumes qui régissent son organisation et son fonctionnement dans une collectivité178(*).

De cette capacité d'action et d'expression collective reconnue par le juge, la chefferie camerounaise est, au total une personne morale de droit public179(*). Un autre droit fondamental est alors lié à cet attribut, pour l'ensemble de la collectivité, la faculté pour elle de désigner un chef, dont le statut n'est pas sans intérêt.

B.- Le statut du chef traditionnel

A ce stade, deux problèmes méritent d'être soulevés :

· qui peut être chef traditionnel ?

· quels sont les droits et obligations d'un chef traditionnel ?

Le problème de la désignation du chef traditionnel a évolué de manière significative en droit camerounais, car elle n'est pas allée sans soulever de difficultés. Dans l'Afrique ancestrale, la possibilité d'être chef est réservée à une catégorie infime de personnes180(*). A l'instar de la monarchie absolue de type européen classique, la dévolution du pouvoir se fait à l'intérieur d'un groupe familial ou d'un clan spécifique181(*). Le décret de 1977 va dans le même sens et dispose en son article 8 : « les chefs traditionnels sont, en principe, choisis au sein des familles appelées à exercer coutumièrement le commandement traditionnel. Les candidats doivent remplir les conditions d'aptitude physique et morale requises, et savoir autant que possible lire et écrire ».

Selon le Pr NLEP, malgré la clarté apparente de la disposition, son interprétation n'a pas toujours été facile. En effet, que faut-il entendre par « familles appelées coutumièrement à exercer le commandement traditionnel » et par « conditions d'aptitude physique et morale » ?182(*)

La notion de « familles de commandement » n'est pas définie dans le texte de 1977 et c'est le juge qui a eu à en préciser les contours. Dans une affaire ESSOMBA Marc Antoine, objet du jugement n° 7/CS-CA/79-80 du 29 novembre 1979, le juge administratif a eu à se prononcer sur cette notion.

Les faits sont les suivants : à la suite du décès du chef du groupement MVOG FOUDA MBALLA, le nommé ESSOMBA NSENGUE Marc Antoine, des consultations sont organisées à l'initiative et sous l'égide du préfet du département de la Mefou. Elles aboutissent à la désignation de TSOUNGUI ESSOMBA Joseph comme chef du groupement, désignation confirmée par un arrêté n° 84/A/MINATDOT du ministre de l'administration territoriale en date du 25 mai 1977.

C'est cette désignation qui est déférée devant la CS/CA par le candidat débouté à la dite chefferie, le sieur ESSOMBA Marc Antoine. Celui-ci fonde sa demande sur le fait que lors de la tenue des consultations, il a été écarté sans raison valable et que l'intéressé choisi provient d'une famille trop éloignée de la sienne. Le juge n'admettra pas cette argumentation et décidera que « par famille, on entend un ensemble de personnes issues d'un même sang, d'une même lignée ou souche (...). Il importe donc de ne pas y voir seulement les gens d'un même foyer, issus d'un même père et d'une même mère ou seulement du premier ». La famille est ainsi entendue par le juge administratif au sens large. Mais, en plus de l'appartenance du « candidat-chef » à une « famille de commandement », s'ajoute la condition de son aptitude.

Selon la lettre du texte de 1977, le « candidat-chef » se doit d'avoir des aptitudes physique, morale et intellectuelle. S'il va de soi que l'intéressé se doive de jouir de bonnes facultés physiques et de ses droits civiques, le minimum de capacité sollicité par le décret suscite quelques interrogations. Le juge administratif camerounais va même lui attacher une importance notable dans une décision n° 40/CS-CA/79-80 du 29 mai 1980, MONKAM TIENTCHEU David c. Etat du Cameroun.

Les faits de l'espèce sont fort explicites. Suite à la désignation d'un jeune garçon âgé de 10 ans comme chef du groupement BANKA, le sieur MONKAM TIENTCHEU attaque l'arrêté ministériel de désignation au motif que le nouveau chef ne remplit pas les conditions d'aptitude physique et morale requises par le décret de 1977. Tirant conséquence des dispositions du décret, la CS/CA annule l'arrêté ministériel en estimant fondé le moyen tiré de l'inaptitude du jeune chef POKAM NITCHEU. Cependant, le juge fait ressortir le caractère de service public de la chefferie traditionnelle camerounaise, si bien que le Pr NLEP pose la question de savoir si l'on aboutit pas ainsi à une « fonctionnarisation du chef traditionnel »183(*). Autrement dit, est ce que le chef traditionnel camerounais ne tombe pas ainsi, du fait des textes régissant la collectivité traditionnelle, dans le statut d'un fonctionnaire de l'administration publique camerounaise ?

Le chef traditionnel, une fois désigné, a alors des droits et obligations affectés à sa tâche. Il est un auxiliaire de l'administration au sens de l'article 20 du décret de 1977. Il a le pouvoir de procéder à des conciliations ou arbitrages entre les administrés, mais il se trouve soumis à un régime disciplinaire et d'appréciation proche de celui des agents de l'Etat relevant du Statut général de la fonction publique.

Le texte constitutionnel de 1996 fait de la protection des valeurs traditionnelles diverses existant au sein de l'Etat camerounais un droit fondamental des citoyens. La collectivité traditionnelle à laquelle sont attachés les citoyens a à sa tête un chef qui doit être désigné selon les coutumes propres à cette collectivité. La protection des valeurs traditionnelles est en conséquence une obligation de l'Etat et le juge protège ce droit et c'est ainsi qu'il sanctionne les écarts qui peuvent être faits de son usage. Si cela n'a pas toujours été aisé, la consécration d'autres droits semble soulever aussi d'autres problèmes. Ce sont la protection des minorités et la préservation des droits des populations autochtones.

PARAGRAPHE 2.- LA PROTECTION DES MINORITES ET DES POPULATIONS AUTOCHTONES

La loi constitutionnelle de 1996 dispose expressément en son préambule : « l'Etat assure la protection des minorités et préserve les droits des populations autochtones conformément à la loi ». Se trouve ainsi érigé par cette disposition constitutionnelle, le principe constitutionnel de la protection des minorités et de la préservation des droits des populations autochtones. Innovation particulièrement controversée à en croire M. OLINGA184(*), la consécration et la réception par l' « opinion publique » de la protection des minorités et des droits des populations autochtones sont loin d'être la chronique d'un long fleuve tranquille, précise-t-il185(*).

C'est qu'en effet, se pose en droit camerounais le problème du contenu des notions de « minorité » et de « population autochtone ». Que recouvrent-elles et comment identifier les citoyens intégrés en leur sein ? Face au silence du texte constitutionnel et à l'absence d'une loi relative à l'une ou l'autre notion, le flou est maintenu. Il convient donc afin d'apporter un éclairage quant au contenu des deux notions, d'analyser au préalable les notions de « minorité » et de « population autochtone » (A), afin de déterminer l'étendue de la protection qui leur est accordée (B).

A.- Les notions de « minorité » et d' « autochtone »

La diversité de la société camerounaise dans sa composition a déjà été mise en exergue et le texte constitutionnel de 1996 a pris le chemin d'un droit constitutionnel adapté aux réalités socio-politiques et anthropologiques camerounaises au moins sur un point précis : la protection des minorités et des populations autochtones186(*). Mais cela ne va pas sans soulever des interrogations relatives au contenu des notions de « minorité » (1) et d' « autochtone » (2). Les définitions des deux notions permettront de mieux les cerner.

1.- La notion de « minorité »

Elle n'est pas spécifique au droit public camerounais. Pleinement évoquée au plan international187(*) et même protégée par un mécanisme188(*), la question des minorités est largement abordée par les constitutions de certains Etats.

Le Doyen Claude-Albert COLLIARD définit la minorité comme « un groupe différent de la majorité nationale par la race, la langue, la religion »189(*). Cette définition semble toutefois insuffisante pour cerner la notion de « minorité » car, de l'avis de M. NNANGA, elle « ne représente que le pendant d'un phénomène dont tous les contours ne sont pas encore connus »190(*). En effet, le Doyen COLLIARD ne semble tenir compte que de trois éléments pour définir une minorité au sein d'un Etat : la race, la langue et la religion.

Le constituant camerounais n'a donné dans le texte de 1996 aucun élément d'identification des minorités présentes au sein de la société camerounaise, mais on sait juste que celles-ci seront objectivées au fur et à mesure de l'adoption de mesures spécifiques de protection191(*). Le législateur a, ce faisant, un rôle majeur à jouer dans la détermination des groupes au sein de la société qu'il faudra ranger sous le vocable de « minorité ».

Une tentative préalable d'identification de ces groupes « minoritaires » dans la société camerounaise est esquissée par le Pr NLEP lorsqu'il détermine les acteurs du système de l'administration camerounaise192(*). Cette tentative de classification ne retient cependant que les minorités dites ethniques au Cameroun. L'esquisse tentée par M. NNANGA semble plus large, car elle englobe plusieurs éléments permettant de reconnaître une minorité.

La minorité peut, pour cet auteur, être avant tout démographique. « Dans ce cas, énonce t-il, les statistiques issues du recensement général de la population nationale permettent lorsqu'elles sont objectives de montrer que telle tribu, telle race, telle catégorie sociale présente un effectif faible par rapport à d'autres tribus, d'autres races ou d'autres catégories dans le même Etat »193(*). Cet aspect démographique, dans les faits, se doit d'être cumulé à l'aspect linguistique. Or, le Cameroun est un Etat dans lequel cohabitent plus de six grands ensembles linguistiques parlant plus de quatre cent dialectes 194(*) et il en découle qu'il est improbable de parier sur une quelconque pureté originelle de ces langues et dialectes. M. NNANGA prévient alors qu' « on risque sous le prisme linguistique et démographique assister à un émiettement à l'infini du principe de minorité »195(*).

La minorité peut être économique. Elle « provient du résultat obtenu au terme de la comparaison effectuée, entre tel ensemble linguistique ou racial national, entre telle catégorie sociale omniprésents dans tous les milieux d'affaires, les commerces, les industries du pays et d'autres ensembles et catégories nationaux faiblement présentés dans les mêmes milieux », écrit M. NNANGA. Il précise son idée en postulant que si ce type de « minorité » est plus ou moins difficile à déceler dans une société, sa consécration juridique ne va pas sans poser des problèmes de logique, de cohérence et d'efficacité196(*).

La minorité peut être politique. Dans ce cas, telle frange de la population peut revendiquer de n'avoir jamais tenu les rênes du pouvoir ou remettre en cause le fait d'être sous-représentée dans les organes du pouvoir étatique par rapport à la sur-représentation des autres groupes sociaux. Mais, au risque d'entretenir dans l'Etat la volonté d'une seule composante sociale d'accaparer le pouvoir, par une conception et une gestion néo-patrimoniales de celui-ci, ce type de « minorité » appelle une vigilance étroite et des mécanismes de prévention et de protection durables197(*).

La minorité peut être intellectuelle. Dans ce cas de figure, selon les dires de M. NNANGA, « certaines populations peuvent à juste titre récuser le fait que presque toutes les institutions scolaires et académiques soient tenues et occupées pour l'essentiel par des individus ressortissants d'une même région ou d'une même famille »198(*). La majorité intellectuelle est associée au pouvoir décisionnel dans l'Etat et c'est en objection à ce cas de figure que la catégorie minoritaire (sous-intellectualisée) demande à être associée au processus décisionnel.

La minorité peut être sociale. Ici, « certaines couches sociales peuvent, dans un Etat, estimer que leurs intérêts ne sont pas suffisamment défendus parce que ceux qui ont été investis de ladite charge par l'Administration appartiennent plutôt à une classe qui ne ressent pas les mêmes difficultés »199(*). Ce sont généralement les classes démunies au sein de la société, à l'exemple des chômeurs, des retraités, des malades, des personnes pratiquant de petits métiers occasionnels.

La minorité peut être culturelle ou confessionnelle. Dans cette hypothèse, « les adeptes de telle religion, de telle secte, de telle obédience confessionnelle ou philosophique, les chefs traditionnels et les détenteurs des pouvoirs ancestraux, les guérisseurs et autres herboristes peuvent mettre en évidence leur marginalisation sociale ou l'ostracisme pratiqué contre eux par les individus relevant des catégories culturelles et confessionnelles majoritaires ou dominantes », écrit M. NNANGA200(*).

La minorité peut être linguistique. Dans une telle hypothèse, il existe au sein de la société des groupes qui, du fait de leur langue, estiment être sous le coup de la domination d'un groupe ou de groupes majoritaires. C'est le cas au Cameroun avec l'opposition traditionnelle entre « anglophones » et « francophones ». Les premiers constituent vis-à-vis des seconds un groupe minoritaire par le nombre des individus et estiment être laissés en marge de la direction de l'Etat et de ce fait d'être écrasés, parce qu'ils sont une minorité.

Il n'est pas facile de déterminer la « minorité » au sein d'un Etat et face au silence du constituant camerounais qui n'a pas clairement déterminé les groupes susceptibles d'être rangés sous le vocable, il est nécessaire d'explorer toutes les tentatives de définition élaborées. Cette absence de définition qui n'est pas au demeurant une négation juridique de l'existence de minorités dans l'Etat se doit d'être résorbée, et c'est la démarche qui peut aussi être employée pour l'éclaircissement de la notion d' « autochtone ».

2.- La notion d' « autochtone »

La notion d' « autochtone » est, à l'instar de la notion de « minorité », une notion non systématisée dans le droit public camerounais. Elle a même longtemps été évitée dans la langage politique, parce qu'on estimait qu'elle véhiculait les relents de tribalisme, de repli identitaire et de sanctification du groupe ethnique au sein de la société camerounaise. Toutes ces notions étaient susceptibles de créer au sein de l'Etat, selon le propos du Président Ahmadou AHIDJO, des « disparités », ou tout au moins « des troubles très graves »201(*). C'est dire donc que la notion d' « autochtone » a longtemps suscité une crainte dans l'univers politique et social camerounais, ce qui conduit à lui donner une multitude d'acceptions.

Le terme « autochtone », originellement, est issu de la géologie. Dans cette matière, « les terrains autochtones sont ceux restés sur place, par opposition aux nappes de charriage, venues d'ailleurs ; les parautochtones ne sont stabilisés que depuis peu de temps ; les allochtones sont instables »202(*). Les peuples autochtones sont donc, par analogie à la définition géologique du terme ceux « installés sur un territoire depuis des temps immémoriaux ou considérés comme tels »203(*). Etre « autochtone » suppose l'installation sur un territoire depuis une période de temps plus ou moins longue. Mais, cette définition est loin de faire l'unanimité et elle est somme toute très générale. Une autre requiert une multitude d'éléments pour qu'une population soit considérée comme « autochtone » dans une région donnée. C'est celle esquissé par M. BURGER pour qui « un peuple autochtone peut réunir toutes les caractéristiques suivantes, ou seulement certaines d'entre elles. Les peuples autochtones sont :

· les descendants des premiers habitants d'un territoire acquis par la conquête ;

· des peuples nomades et semi-nomades, tels que des agriculteurs itinérants, des pasteurs, chasseurs et collecteurs qui pratiquent une agriculture à forte intensité de travail produisant peu de surplus et requérant peu de ressources énergétiques ;

· ils n'ont pas d'institutions politiques centralisées, ont une forme communautaire d'organisation et prennent les décisions sur une base consensuelle ;

· ils ont tous les caractères d'une minorité nationale : ils partagent les mêmes langue, religion, culture, et autres traits caractéristiques ainsi qu'un lien à un territoire spécifique, mais sont infériorisés par une culture et une société dominantes ;

· ils ont une vision globale du monde différente, consistant dans une attitude non matérialiste et protectrice vis-à-vis de la terre et des ressources matérielles, et veulent continuer à se développer suivant des processus différents de ceux proposés par les sociétés dominantes ;

· ils sont formés par des individus qui se considèrent subjectivement comme autochtones, et sont acceptés comme tels par le groupe »204(*).

Dans la société camerounaise, il convient de rechercher les groupes d'individus intégrant certaines de ces caractéristiques afin que le contenu du terme « autochtone », au sens où il est employé par le constituant, soit déterminé. Ce soin est laissé au législateur, tout comme celui de l'étendue de la protection à accorder à ces catégories sociales au Cameroun, qui peut toutefois être abordée grâce aux instruments normatifs en vigueur dans le système juridique camerounais.

B.- L'étendue de la protection

A la lecture du préambule constitutionnel, la protection des minorités et des populations autochtones est érigée en un principe constitutionnel qui en attendant d'être objectivé, doit recevoir la protection due à toute norme constitutionnelle. Cette tâche incombe à l'Etat camerounais qui est, ce faisant, astreint à des obligations négatives, mais surtout positives. Il convient pour ce faire que le régime de protection des minorités et des populations autochtones soit enrichi et précisé par la loi, comme il est prévu dans le texte constitutionnel. Toutefois, il serait incongru d'attendre une loi spécifique relative à la protection des minorités et des populations autochtones, il convient plutôt de prendre en compte les desiderata des différents groupes lors de l'adoption de n'importe quelle loi dans l'Etat205(*).

Le texte constitutionnel de 1996 a, du reste, déjà précisé certains éléments de cette protection. En son article 57 alinéa 2, il dispose : « le Conseil régional doit refléter les différentes composantes sociologiques de la région ». Les minorités présentes au sein de la région se doivent d'être représentées au niveau de l'organe délibérant de ladite région, ce qui semble préserver leurs intérêts. De plus, eu égard aux règles de contrôle des normes prévues par la Constitution et celles qui garantissent l'immutabilité de certaines dispositions constitutionnelles, les droits des minorités et des populations autochtones se trouvent favorablement préservés par le texte de 1996.

Tout d'abord, le Conseil constitutionnel peut examiner des lois ou traités en rapport avec la protection des minorités et des populations autochtones conformément aux dispositions de l'article 47 de la Constitution réformée. De plus, l'on peut se demander avec M. OLINGA si les dispositions constitutionnelles relatives aux minorités et populations autochtones sont susceptibles d'être révisées sans qu'il soit porté atteinte « aux principes démocratiques qui régissent la république » évoqués par l'article 64 de la Constitution206(*).

A ce stade, il convient de considérer pour une tentative de réponse qu'une procédure de révision qui vise à extirper de la Constitution les dispositions relatives à la protection des minorités et populations autochtones violerait les principes de l'article 64 sus cité. En effet, ces droits des minorités et des populations autochtones sont localisés dans la partie de la Constitution qui traite des droits fondamentaux, le préambule. En conséquence, les droits participant « si consubstantiellement de l'essence même de la démocratie, y attenter serait saper les bases même de l'ordre démocratique et républicain »207(*), précise M. OLINGA. A son avis, dans le contexte même hypothétique d'une procédure de révision de la Constitution, celle-ci pourrait s'avérer particulièrement difficile en l'absence d'harmonie entre l'exécutif et le législatif208(*). Les difficultés techniques, procédurales et principielles rendent tout aussi difficiles toutes tentatives d'extraction des notions de « minorités » et de « populations autochtones », poursuit-il209(*). Les deux notions se trouvent ainsi protégées par la Constitution réformée qui marque un souci du constituant de leur affecter une place importante dans la terminologie juridique camerounaise.

Les lois électorales participent également à la protection des minorités et des populations autochtones. En effet, les consultations électorales sont un moment charnière de la vie sociale camerounaise, au cours desquelles se pose avec acuité le problème de la protection de ces deux catégories sociales. Les lois électorales exigent pour la préservation des droits de ces deux groupes que dans la composition des listes pour les élections plurinominales, l'on tienne compte des « composantes sociologiques de la circonscription ». L'article 5 alinéa 4 de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale pose à ce propos que « la constitution de chaque liste doit tenir compte des différentes composantes sociologiques de la circonscription ».

Le juge administratif a eu à être interpellé pour des affaires relatives à ces élections plurinominales au cours desquelles ces dispositions électorales semblaient violées. Dans le jugement n° 59/CS-CA du 18 juillet 1996, le requérant, EPALE Roger Delore, arguant de sa simple qualité d'électeur, n'a pas hésité à solliciter de la CS/CA l'annulation des élections remportées par la liste du Social Democratic Front (SDF) dans la commune rurale de BARE-MOUNGO, au motif que cette liste composée de 25 conseillers, comportait « vingt quatre allogènes et un seul autochtone »210(*).

Dans une autre affaire le même jour, objet du jugement n° 60/CS-CA, le requérant NGUEYONG MOUSSA sollicite du juge administratif l'annulation d'élections municipales au motif que la liste à laquelle il est opposé ne respecte pas la composante sociologique de la région. Pour le Pr NLEP, même si dans ces deux affaires le juge s'est déclaré incompétent du fait de l'attribution par la loi électorale en cause211(*) à la Commission Communale de Supervision des contestations relatives à la candidature, aux opérations préélectorales et au dépouillement du scrutin, il ne fait aucun doute que s'il devait se prononcer sur le fond des deux cas, il aurait prononcé l'annulation des résultats recueillis par une liste non conforme aux prescriptions légales212(*).

Les lois électorales participent aussi à la protection des minorités et des populations autochtones au moment du découpage des circonscriptions électorales. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 91/020 du 16 décembre 1991, « le département constitue la circonscription électorale. Toutefois, compte tenu de leur situation particulière, certaines circonscriptions pourront faire l'objet d'un découpage spécial ». Ce découpage spécial se fait par « voie réglementaire » selon la loi n° 97/013 du 19 mars 1997 modifiant et complétant la loi du 16 décembre 1991. Il est susceptible de modifier substantivement la représentation parlementaire de la circonscription qui fait l'objet du découpage. C'est en ce sens que le découpage semble poursuivre, « entre autres objectifs, non seulement le maintien des grands équilibres sociologiques d'une circonscription, mais aussi la représentation des minorités dans la vie et les institutions nationales du pays conformément à la Constitution », écrit M. OLINGA213(*).

L'incorporation dans la Constitution camerounaise du principe de la protection des minorités et des populations autochtones ne va pas sans se heurter à des difficultés juridiques et sociologiques. En effet, la loi constitutionnelle consacre à côté de cette protection particulière à bien des égards, le principe de l'égalité de tous les citoyens en droit et le principe de leur égalité devant la loi. L'hypothèse de conflits entre ces différents principes constitutionnels n'est pas exclue en droit positif camerounais. On peut être amené à se demander si, face à une telle consécration dans l'Etat, ce dernier peut protéger de manière impartiale tous les citoyens et accorder cependant une protection particulière à certains d'entre eux sous prétexte qu'ils seraient minoritaires. Autrement dit, pour paraphraser M. NNANGA, le principe de la protection des minorités et des populations ne risque t-il pas de conduire à une dictature de ces deux groupes dans l'Etat ?

Le principe consacré peut également se heurter à d'autres principes constitutionnels. Le texte constitutionnel dispose que « tout homme a le droit de se fixer en tout lieu et de se déplacer librement, sous réserve des prescriptions légales relatives à l'ordre, à la sécurité et à la tranquillité publics ». Or nous l'avons vu, le principe de la protection des minorités et des populations autochtones concourt à préserver certains acquis pour ces groupes de personnes. Comment dès lors certains citoyens pourraient s'installer dans des localités de l'Etat sans entrer en conflit avec les minorités et autochtones desdites localités ?

En cas de survenance de tels conflits entre principes constitutionnels, le Doyen VEDEL pose comme principe général de solution que « si les critères de validité stricto sensu ne fournissent pas de règles de solutions de conflit, celui-ci ne peut être résolu que par l'interprétation (...) Ou bien l'interprète qualifié (le juge) découvrira que le respect de l'une ou l'autre norme est simultanément possible, ce qui revient à dire que le conflit n'était qu'apparent. Ou bien le conflit est réel, et celui qui doit faire application de l'une et l'autre règles est amené à les ``concilier'', c'est-à-dire à les appliquer partiellement l'une et l'autre »214(*). Le juge devra oeuvrer au maximum afin que les règles en conflit conservent leur sens. Il a un rôle important à jouer en la matière, à la suite du législateur qui se doit de clarifier suffisamment le contenu des normes en conflit.

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE

La loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 janvier 1996 consacre un préambule à valeur constitutionnelle et une pléthore de droits fondamentaux au profit des citoyens camerounais. Au sein du texte, les droits proclamés s'insèrent dans la trilogie des droits des première, deuxième et troisième générations et peuvent être scindés en droits classiques et en droits nouveaux. En conséquence, ils génèrent à l'endroit de l'Etat camerounais un ensemble d'obligations à la fois positives et négatives, afin que les droits puissent être effectivement mis en oeuvre par leurs destinataires.

Toutefois, des mesures législatives doivent être encore prises au sein de l'Etat camerounais pour préciser le contenu de certains droits constitutionnels, ainsi que les modalités de leur mise en oeuvre ; c'est le cas du droit de grève par exemple. L'hypothèse de conflits entre certains droits fondamentaux n'est pas également à exclure. Le rôle du juge dans ce dernier cas sera capital et il lui reviendra de véritablement s'affirmer dans la résolution de ces conflits.

L'ensemble des droits fondamentaux consacrés dans l'ordre juridique camerounais est ainsi identifié du point de vue de leur contenu et des problèmes qu'ils peuvent susciter. Il convient à présent de s'intéresser à la protection offerte aux droits proclamés dans l'ordonnancement juridique camerounais, une protection dont il est important de mesurer l'efficience.

DEUXIEME PARTIE : LA TIMIDE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN

« Contre qui importe t-il de protéger les libertés » ? se questionnent les Pr ROBERT et DUFFAR215(*). En premier lieu, contre l'Etat, c'est-à-dire essentiellement le législateur et l'administration, dans le cas d'une menace verticale contre les droits fondamentaux des citoyens. Mais, des menaces pèsent également sur les rapports entre particuliers, et il convient de protéger les individus contre d'autres individus, dans le cas d'une menace horizontale contre les droits fondamentaux.

Dans le système juridique camerounais, la reconnaissance des droits fondamentaux s'est inscrite dans une constante heureuse et a abouti à une généreuse proclamation de ceux-ci au profit des citoyens. Mais, la proclamation des droits à elle seule ne saurait suffire à assurer la garantie des droits contre les menaces pesant sur eux, nous l'avons relevé. Il faut qu'on lui enjoigne la protection. Celle-ci, pour être efficace, dépend de plusieurs facteurs216(*). A l'instar de divers pays africains, le Cameroun possède une armature juridictionnelle devant assurer la protection des droits fondamentaux par les juges (Chapitre I).

Toutefois, la nouvelle vague qui a vu l'explosion dans les Etats africains de mécanismes autres que les juridictions n'a pas épargné le Cameroun. C'est ainsi qu'il fait donc une grande place dans cette protection à des mécanismes non juridictionnels (Chapitre II), utiles à bien des égards pour la garantie pratique des droits fondamentaux des citoyens.

CHAPITRE I : LES MECANISMES JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

« La sanction normale de la règle de droit réside dans le recours au juge », affirme le Pr VIGNON217(*). C'est le juge qui a le pouvoir de constater les violations de la règle de droit et le cas échéant, de les sanctionner afin d'assurer le respect du droit. C'est à cette condition que l'on constate que l'on est dans un véritable Etat de droit, un Etat dans lequel, tous, gouvernants comme gouvernés sont soumis au droit218(*).

Le juge a ainsi un rôle important à jouer dans la protection de la règle de droit et partant des droits fondamentaux, proclamés au sein de l'ordre juridique. Au Cameroun, le pouvoir judiciaire est un pouvoir constitutionnellement organisé219(*) dont les juridictions sont chargées de trancher les litiges nés des rapports au sein de la société, qu'ils surviennent entre l'Administration et les particuliers ou qu'ils soient interindividuels. C'est dans ces deux cas de figure que la protection des droits fondamentaux ressortit tantôt de la compétence du juge administratif, tantôt de celle du juge judiciaire. Ceux-ci sont donc les premiers mécanismes protecteurs des droits (Section I), mais leur protection est assistée par celle du juge constitutionnel (Section II), réintroduite au moment de l'aspiration libérale née au début des années 1990 et complétée depuis lors. C'est à ces différents juges qu'est confiée la tâche ardue de la protection juridictionnelle des droits fondamentaux au Cameroun, une tâche qui ne va pas sans rencontrer des obstacles divers.

SECTION I : L'ACTION VOLONTAIRE DES JUGES DES ORDRES JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIF

Le pouvoir judiciaire au Cameroun est traditionnellement divisé en deux ordres : l'ordre judiciaire et l'ordre administratif. Cette scission matérielle laisse entrevoir que les juges des deux ordres doivent connaître de matières spécifiques et différentes par leur nature.

En matière de droits fondamentaux, le juge judiciaire a un rôle traditionnel de « gardien de la liberté individuelle »220(*) des citoyens (Paragraphe 1). Cette mission le conduit à connaître essentiellement des litiges nés des rapports entre les particuliers. Mais exceptionnellement, il peut être amené à connaître des violations des droits fondamentaux dans des rapports entre les particuliers et l'Administration qui eux, nous intéressent ici, eu égard aux pouvoirs énormes détenus par les pouvoirs publics. Ce type de relation est originellement dévolu à la compétence du juge de l'ordre administratif. C'est ainsi que celui-ci affirme son rôle sans cesse grandissant dans la sphère des droits fondamentaux (Paragraphe 2) et en vient même à concurrencer le juge de l'ordre judiciaire sur son propre terrain, aux dires du Pr VIGNON221(*).

PARAGRAPHE 1.- LE ROLE TRADITIONNEL DU JUGE JUDICIAIRE EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

La connaissance des litiges nés entre les particuliers et les pouvoirs publics ne relevait pas toujours de la compétence des juridictions judiciaires. Cependant, par exception à ce principe, le juge judiciaire a eu à connaître de tels litiges. Cette compétence exceptionnelle est un des traits essentiels de son audace dans l'ordre juridique camerounais (A). Elle lui attribue aussi les matières originelles relatives à la protection de la liberté individuelle et des autres droits fondamentaux dans les rapports entre les personnes privées qui ne seront pas étudiés ici. Cette audace, pour bienvenue qu'elle soit dans l'axe de la protection des droits fondamentaux, est sérieusement entravée par des obstacles (B) susceptibles d'atténuer fortement l'oeuvre protectrice du juge judiciaire.

A-. L'audace du juge judiciaire, protecteur des droits fondamentaux

En matière de droits fondamentaux, de l'avis des Pr ROBERT et DUFFAR, la compétence judiciaire apparaît au premier abord triple. Il s'agit, primo, d'une compétence répressive : c'est en effet devant les tribunaux répressifs que seront traduits tous les agents publics coupables d'atteintes aux libertés.

Secundo, le juge judiciaire est compétent pour tout ce qui concerne la protection des libertés dans les rapports entre les personnes privées. Tertio, le juge judiciaire voit affirmer sa compétence en ce qui concerne les rapports de l'administration et des particuliers222(*).

En droit camerounais, concernant les violations verticales des droits fondamentaux, le juge judiciaire intervient en premier lieu dans la régulation des rapports qui tendent à restreindre la liberté individuelle des citoyens. En France, à ce propos et selon l'article 136 du Code de procédure pénale issu de la loi du 7 février 1933 sur les garanties de la liberté individuelle, « dans tous les cas d'atteinte à la liberté individuelle, le conflit ne peut jamais être élevé par l'autorité administrative et les tribunaux de l'ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents ». De plus l'article 66 de la Constitution française du 4 octobre 1958 précise : « nul ne peut être arbitrairement détenu ; l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ». Il y a à ce niveau une affirmation du rôle qu'a le juge judiciaire dans la protection de cette liberté.

Au Cameroun, la liberté individuelle est une norme constitutionnellement consacrée et elle ne doit en aucun cas être restreinte, sauf lorsque la loi le prévoit expressément. La liberté doit, en tous les cas, être le principe et la restriction de la liberté, l'exception, selon la formule rappelée par le Commissaire du gouvernement LAGRANGE223(*).

Le juge camerounais se montre dès lors implacable dans les cas d'atteintes à la liberté et à la sûreté des individus. Dans les cas de contrôle de la privation de liberté d'un suspect en procédure pénale, il peut intervenir au niveau de l'enquête de police lorsqu'il est saisi des cas d'irrégularités ou d'abus à ce stade de la procédure. Il le fait de façon prépondérante par les techniques empruntées au droit anglo-saxon que sont l'order of prohibition224(*), l'order of Mandamus225(*) et le Writ of Habeas Corpus226(*).

S'agissant de l'order of Mandamus et de l'order of prohibition, le juge judiciaire peut, par exemple, prendre une ordonnance interdisant à un officier de police judiciaire (OPJ) de procéder à une arrestation sans mandat de justice dans le cadre d'une enquête préliminaire. Il peut aussi interdire à un OPJ de procéder de son propre chef à une garde à vue et à travers ces deux techniques, protéger valablement la liberté individuelle des citoyens.

Par le biais de la technique de l'Habeas Corpus, il s'est déclaré compétent pour connaître des requêtes en libération immédiate contre des gardes à vue administratives dans deux affaires, Jean-Pierre SA'A, objet du jugement n° 396/Crim., TGI du Mfoundi du 9 septembre 1993 et Jean-Pierre KAMGA et Léandre DJINO, objet du jugement n° 104/Crim., TGI du Mfoundi en date du 26 janvier 1996. C'est sa compétence dans cette procédure de l'Habeas Corpus qui fait du juge judiciaire camerounais, à en croire M. NKOU MVONDO, ``le protecteur des libertés individuelles''227(*).

Mais, il ne se contente pas que de protéger la liberté individuelle, il protège aussi la vie et l'intégrité physique des individus. Les atteintes contre la vie et celles contre l'intégrité physique et morale sont sévèrement réprimées dans l'ordre juridique camerounais et c'est au juge judiciaire qu'il revient de prononcer les sanctions prévues dans les textes en vigueur, notamment le Code pénal, même à l'encontre d'agents de l'administration. C'est ainsi que s'agissant de cas de torture, le juge judiciaire a eu à connaître de tels actes commis par des fonctionnaires, en l'occurrence des officiers de police228(*).

L'audace du juge judiciaire camerounais est plus perceptible encore lorsqu'il intervient pour protéger les droits fondamentaux des citoyens en cas de litiges avec l'administration. Cette intervention se fait surtout dans les cas de voie de fait et d'emprise administratives.

Concernant ces deux hypothèses d'atteintes aux droits fondamentaux, l'article 9 de l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême du Cameroun donne compétence aux tribunaux de droit commun afin de connaître « des emprises et voies de fait administratives et ordonner toute mesure pour qu'il y soit mis fin ». Mais, in fine la même disposition prévoit qu' « il est statué sur l'exception préjudicielle soulevée en matière de voie de fait administrative par l' Assemblée plénière de la Cour Suprême... ».

A la suite de la jurisprudence française, le juge camerounais a eu à clarifier les notions d'emprise et de voie de fait administratives. Dans son arrêt n° 157/CFJ-CAY du 23 mars 1971, MEDOU Gaston, la CFJ considère que constitue « une emprise, de surcroît irrégulière, l'occupation d'une propriété privée immobilière par des éléments de l'armée », sur l'ordre du Préfet de la localité229(*). Elle se déclare par voie de conséquence incompétente pour connaître de l'affaire et renvoie le requérant devant le juge judiciaire.

Dans un autre arrêt n° 10/CFJ-AP du 17 octobre 1968, MVE NDONGO Abraham, la CFJ considère comme constitutif d'une voie de fait administrative, « des actes tellement irréguliers qu'ils perdent le caractère administratif » et qui sont « manifestement insusceptibles d'être rattachés à l'exercice d'un pouvoir appartenant à l'administration »230(*).

Les deux notions reçoivent ainsi la même qualification qu'en droit français et, selon le propos du Pr NLEP, « s'analysent en une violation des droits fondamentaux et libertés par un acte grossièrement illégal des pouvoirs publics ou en une dépression d'une propriété immobilière par l'administration »231(*). L'articulation des compétences dans les deux notions aux termes de la jurisprudence camerounaise permet ainsi de distinguer que, d'une part, la constatation et la qualification juridique de la voie de fait est du ressort du juge administratif et d'autre part, la réparation des conséquences imputables à la voie de fait et à l'emprise ainsi que les injonctions éventuelles adressées à l'administration ressortissent de la compétence du juge judiciaire. Celui-ci peut alors, en dérogation aux dispositions de l'article 126 (b) du code pénal, adresser des ordres et injonctions à l'administration.

Le juge judiciaire camerounais peut alors intervenir pour protéger les droits fondamentaux des citoyens contre l'administration lorsque cette dernière pose des actes de violation flagrante des premiers. Ceci est une garantie opportune pour les droits dans l'ordre juridique camerounais.

« En dehors des cas de voie de fait et d'emprise, le législateur a également prévu des cas où les restrictions à l'exercice des droits fondamentaux par l'administration relèvent de la compétence du juge judiciaire »232(*). C'est le cas prévu par la loi n° 90/055 du 19 décembre 1990 fixant le régime des réunions et des manifestations publiques. Elle dispose en son article 8 alinéa 3 « qu'en cas d'interdiction de la manifestation, l'organisateur peut, par simple requête, saisir le président du TGI compétent qui statue par ordonnance dans un délai de 8 jours de sa saisine, les parties entendues en Chambre de Conseil ». Qui plus est, « cette ordonnance est susceptible de recours dans les conditions de droit commun ». De la sorte, la liberté de réunion et de manifestation est à même d'être garantie par le juge judiciaire camerounais.

Cette compétence du juge s'applique également en ce qui concerne la liberté de communication sociale. Il joue un rôle important en ce sens que depuis la suppression du régime de la censure administrative préalable, c'est à lui qu'il revient de sanctionner les atteintes à ce droit.

L'action du juge judiciaire camerounais en matière de protection des droits fondamentaux est donc une action franche et établie au regard de la jurisprudence édifiée par lui. Elle ne va toutefois pas sans heurts et se trouve confrontée à des obstacles susceptibles d'altérer son efficience.

B.- L'action du juge judiciaire en matière de protection des droits fondamentaux, une action fortement limitée

Les obstacles à l'action du juge judiciaire camerounais s'analysent essentiellement du point de vue du statut contrasté qui est le sien dans l'ordre juridique camerounais et y soulève la problématique de son indépendance.

Le juge, afin de remplir au mieux sa fonction de protecteur des droits fondamentaux, doit être indépendant. Indépendant de toute contrainte, indépendant de pression d'aucune sorte. Le principe de l'indépendance du juge est un principe constitutionnel en droit camerounais. Au titre VI de la loi n° 96/06 qui traite du pouvoir judiciaire, le constituant camerounais énonce clairement : « le pouvoir judiciaire est (...) indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. »233(*). De plus, il ajoute que « les magistrats du siège ne relèvent dans leurs fonctions juridictionnelles que de la loi et de leur conscience » et que « le président de la République est garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire ».

Ce principe de l'indépendance du juge judiciaire camerounais est même organisé dans l'article 5 du décret n° 95/048 du 8 mars 1995 portant Statut de la magistrature dans les mêmes termes que les dispositions constitutionnelles. Ce principe entraîne comme corollaire que le juge a une image dans la société caractérisée par « la neutralité, l'objectivité, l'impartialité, la loyauté, l'honnêteté, la dignité, l'abnégation... »234(*).

Or, le juge judiciaire camerounais semble être lesté par une sorte de quasi-dépendance à l'égard de son environnement socio-culturel et du pouvoir exécutif qui exerce sur lui une influence notable. Très souvent, d'autres obstacles peuvent survenir dans la tâche de protecteur des droits par le juge judiciaire, imputables à des personnes supposées l'assister dans cette tâche.

De l'avis de Mme DJUIDJE, le juge judiciaire est prisonnier des contraintes liées aux notions de solidarité et de famille élargie que l'on rencontre dans la majorité des sociétés africaines235(*). A ce propos, le Pr KAMTO a pu écrire que « l'indépendance du juge camerounais n'est pas menacée par le pouvoir politique. Elle l'est davantage par des pressions intempestives, des affinités tribales et des comportements irresponsables de certains citoyens »236(*). Ces différentes contraintes sont susceptibles d'affecter son indépendance et partant, son impartialité. Pourtant le système juridique camerounais essaye de combattre ce phénomène et c'est ainsi qu'il est prévu des cas dans lesquels un magistrat peut être dessaisi d'une affaire dans laquelle son impartialité peut être sujette à caution237(*).

Mais les cas ne manquent pas dans lesquels les affinités ont pu entraver le rendu d'un jugement impartial par le juge. Un juge a ainsi pu accorder à un délinquant des circonstances atténuantes afin d'alléger sa peine, alors qu'elles ne semblaient pas se justifier dans le cas d'espèce238(*).

Les diverses lenteurs judiciaires peuvent ainsi trouver un terrain d'explication si on les lie à l'environnement socioculturel du juge. En effet, dans le but de protéger une connaissance, le juge peut retarder au maximum le prononcé de sa décision et porter en l'espèce un coup important au droit à la justice d'un tiers ou même dans l'hypothèse contraire, traiter avec célérité le dossier d'un affilié pour lui éviter les conséquences néfastes des lenteurs judiciaires239(*).

Les influences socioculturelles ne sont pas les seuls obstacles susceptibles d'affecter la protection des droits par le juge judiciaire. Un obstacle structurel lié à l'influence du pouvoir exécutif participe également de cette limitation du rôle du juge judiciaire camerounais.

En effet, selon le texte constitutionnel, le président de la République est le garant de l'indépendance de la magistrature. Il a le pouvoir de nomination des magistrats, conformément à l'article 37 alinéa 3 de la loi fondamentale. Cette faculté de nommer et de révoquer les magistrats selon sa seule conscience est un facteur non négligeable hypothéquant le principe d'une indépendance réelle de la magistrature camerounaise. La problématique de l'indépendance du pouvoir judiciaire vis-à-vis du pouvoir exécutif semble posée : comment, alors qu'ils peuvent être saisis et dessaisis d'une affaire par une autorité autre qu'eux-mêmes, les juges peuvent-ils exercer leur mission de dire le droit en toute quiétude ? Le chef de l'Etat camerounais n'est-il pas le véritable supérieur hiérarchique de la totalité des magistrats ? Ceux-ci vivent en conséquence dans la société camerounaise avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête, la peur de l'affectation disciplinaire dans un coin reculé de l'Etat, isolé du pouvoir central.

On comprend dès lors qu'ils soient assujettis au pouvoir exécutif, du moins de manière partielle et ne s'opposent pas à lui de façon ouverte240(*). Il serait donc souhaitable que dans l'ordre juridique camerounais soit consacré le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège comme cela est le cas dans les systèmes juridiques béninois et français241(*). Disparaîtraient ainsi de leur esprit la crainte d'une sanction par le supérieur hiérarchique242(*) ou la volonté d'obtenir une promotion en faisant preuve de favoritisme.

Les droits fondamentaux verraient ainsi s'écarter un écueil susceptible de fragiliser leur protection par le juge judiciaire.

Le juge judiciaire camerounais se heurte aussi dans sa mission de protection des libertés à des entraves de ses collaborateurs. En effet, au Cameroun, en matière de procédure pénale, le contrôle juridictionnel des mesures préventives de privation de liberté est prévu. Or dans l'exercice de cette compétence, le juge se heurte souvent à des écueils mis en place par des personnes sensées l'assister dans sa mission. Ce sont en l'occurrence les agents de police judiciaire (APJ) et les officiers de police judiciaire (OPJ). Ces derniers n'hésitent pas souvent à rabrouer les magistrats du parquet lorsque ceux-ci veulent contrôler la conformité des gardes à vue dans les commissariats243(*). Cette insubordination n'est à même que de générer un sentiment d'impunité fortement défavorable à un droit fondamental du point de vue de sa protection. Une insubordination qui va parfois jusqu'au refus de se soumettre à une décision de remise en liberté d'un suspect244(*).

Toutefois, il est illusoire de croire que le juge judiciaire camerounais, face à de telles attitudes nuisibles à la protection des droits fondamentaux ne dispose d'aucune possibilité de sanction. C'est ainsi qu'il peut réprimer les activités arbitraires commises par ses collaborateurs insubordonnés245(*).

Au total, dans l'ordre juridique camerounais, le juge judiciaire est bien confirmé dans son rôle traditionnel de ``protecteur des libertés'' au regard de l'étendue de son action. Il se retrouve qui plus est assisté dans cette tâche par le juge de l'administration, dont le rôle ne cesse, du reste, d'évoluer en la matière.

PARAGRAPHE 2.- LE ROLE EVOLUTIF DU JUGE ADMINISTRATIF DANS LA GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX

En France, les lois des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III faisaient interdiction aux tribunaux judiciaires de « troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs », et de « connaître des actes d'administration, de quelque espèce qu'ils soient »246(*). Le citoyen lésé dans ses droits par un acte administratif ne pouvait dans une telle hypothèse que se résigner ou entrer en pourparlers avec l'administration. Celle-ci, juge et partie, est le plus souvent gagnante dans le conflit l'opposant à l'administré. L'administration ne pouvait être que crainte.

Ce sentiment de crainte à l'égard de l'administration a longtemps prévalu en Afrique en général et au Cameroun en particulier. Mais à l'instar de la France, cette situation a eu à évoluer au Cameroun. C'est ainsi que les actes émanant de l'administration, lorsqu'ils causent un grief à l'administré, sont susceptibles de recours devant le juge administratif. Ce dernier opère par le biais de ce recours un contrôle de la validité des actes administratifs (A) qui peut s'avérer favorable à la protection des droits fondamentaux des citoyens. Mais, l'action du juge administratif est, elle aussi, sujette à des limitations (B) susceptibles d'amoindrir la portée de son action en faveur des droits fondamentaux.

A.- Le contrôle de la validité des actes administratifs : un contrôle de l'administration favorable à la protection des droits fondamentaux

Le contrôle de la validité relève au Cameroun de la compétence d'une juridiction et a une certaine étendue qui rend compte du rôle évolutif que conquiert le juge administratif dans le domaine de la protection des droits fondamentaux.

La loi constitutionnelle de 1996 dispose en son article 40 : « la chambre administrative (de la Cour Suprême) connaît de l'ensemble du contentieux administratif de l'Etat et des autres collectivités publiques ». Il ressort de cette disposition constitutionnelle que c'est la Chambre administrative de la Cour Suprême (CS/CA) qui est juge administratif dans l'ordre juridictionnel camerounais. La loi fondamentale affirme en outre qu' « elle statue souverainement sur les décisions rendues en dernier ressort par les juridictions inférieures en matière de contentieux administratif »247(*). Elle contrôle donc la validité des actes administratifs par la procédure du recours pour excès de pouvoir248(*). Ce recours est défini par le Pr DUPUIS comme « un recours contentieux par lequel toute personne intéressée peut demander au juge administratif d'annuler, en raison de son irrégularité, une décision d'une autorité administrative »249(*). L'acte administratif doit ainsi, pour être attaqué devant le juge, émaner d'une autorité administrative, être irrégulier, c'est-à-dire être en contradiction avec une norme supérieure, mais surtout faire grief, autrement dit, causer un tort à l'administré.

C'est à ce niveau que se manifeste, pour le Pr DEGNI-SEGUI l'intérêt du recours pour excès de pouvoir pour la protection des droits fondamentaux. En effet, cet intérêt « réside dans la saisine par les particuliers d'une instance spécialisée », écrit-il250(*). Mais, si le recours pour excès de pouvoir est d'un intérêt primordial pour la protection des droits par le juge administratif, c'est sans nul doute parce qu'elle constitue, de l'avis du Pr Gaston JEZE, « la plus merveilleuse création des juristes, l'arme la plus efficace, la plus économique, la plus pratique qui existe au monde pour défendre les libertés »251(*). En effet, cette procédure, en France comme au Cameroun, peut être ouverte contre un acte administratif même en l'absence d'un texte. Le juge administratif camerounais, par référence à l'arrêt Dame LAMOTTE du Conseil d'Etat français, décide que « même dans l'hypothèse où une loi dispose qu'un acte donné ne peut faire l'objet d'aucun recours administratif ou judiciaire, cette disposition ne saurait être interprétée comme excluant le recours pour excès de pouvoir qui est ouvert même sans texte, contre tout acte administratif faisant grief, et qui a pour effet d'assurer, conformément aux principes généraux, le respect de la légalité ».

Le recours pour excès de pouvoir vise à faire annuler l'acte administratif irrégulier, qui doit disparaître de l'ordonnancement juridique avec tous les effets qu'il a produits. Au Cameroun, le juge administratif est « le censeur de l'action de la puissance publique en matière de droits fondamentaux »252(*). Il intervient surtout en cas de violation des droits civils et politiques, qu'ils soient collectifs ou individuels.

Dans un arrêt n° 98/CFJ-CAY du 27 janvier 1970, OBAM ETEME Joseph, le juge administratif se prononce sur une restriction de la liberté d'aller et venir du requérant. En l'espèce, un arrêté préfectoral interdit au sieur OBAM ETEME « de paraître et séjourner dans toute l'étendue du département du Ntem ». Tirant conséquence du caractère manifestement illégal de l'arrêté, le juge l'annule.

Le juge administratif a aussi eu à se prononcer relativement au droit de la personne au respect de son intégrité physique et morale. Dans son jugement n° 12/CS-CA du 28 janvier 1982, Dame BINAM née NGO NJOM Fidèle, le juge a estimé que la publicité tapageuse donnée à une décision du Ministre de la santé prononçant la suspension de fonction de la requérante pour ``corruption active'' nuisait à la réputation de celle-ci, alors même qu'aucune décision du juge répressif n'avait établi cette infraction à son encontre.

Le juge se montre même plus ferme à l'endroit des autorités administratives sur le terrain de la liberté de conscience et de religion. Dans une ordonnance n° 02/PCA-CS du 26 octobre 1994, Eglise Presbytérienne du Cameroun (EPC), il annule l'arrêté du gouverneur de la province du Centre portant interdiction des réunions de l'Assemblée générale, du Conseil général et de la Commission juridique de l'EPC dans la dite province, au motif que le gouverneur n'est investi d'aucune compétence pour prendre une telle mesure.

Cependant, la décision d'interdiction administrative ne vise pas expressément la liberté de conscience et de religion, les autorités préférant les situer sur le terrain plus favorable des libertés d'association, de réunion ou de manifestation253(*).

Il est donc possible de constater que l'intervention du juge de l'administration est en constante évolution dans la dynamique de protection des droits fondamentaux des citoyens camerounais. Le juge administratif s'affirme, dès lors, aux côtés du juge judiciaire comme un ``défenseur des droits''. Mais, cette intervention du juge, pour déterminante qu'elle soit, rencontre des limites susceptibles de réduire considérablement son efficience.

B.- Les obstacles à une véritable efficacité du juge administratif

L'efficacité de l'intervention du juge administratif camerounais en matière de protection des droits fondamentaux est susceptible d'être confrontée à deux variétés d'obstacles. D'une part, les obstacles d'ordre juridique (1) et d'autre part, les obstacles d'ordre sociologique (2).

1.- Les obstacles d'ordre juridique

Ils s'analysent essentiellement de la permanence de l' « écran législatif » dans l'ordre juridique camerounais et du régime juridique strict que revêt la règle du recours gracieux préalable, condition sine qua non du déclenchement de la procédure du recours pour excès de pouvoir.

Relativement à l'hypothèque que constitue la « loi-écran » dans l'ordonnancement juridique camerounais, elle naît de l'hypothèse d'une « situation profane de l'esclave qui doit servir deux maîtres »254(*). Le juge de l'administration est ainsi dans une situation d' ``esclave'' devant servir deux maîtres, à savoir les normes constitutionnelles et les normes législatives. Lorsqu'il y'a une contradiction entre ces deux types de normes et que l'acte administratif est conforme à l'une ou l'autre, le juge administratif dans sa décision, se doit de donner la prévalence à l'une ou à l'autre. C'est cette situation que le Pr NLEP résume parfaitement lorsqu'il écrit que « lorsque la loi votée par le législateur fait écran entre les normes constitutionnelles et l'acte de l'autorité administrative, le juge peut appliquer l'une ou l'autre »255(*).

Au Cameroun, ce phénomène est très perceptible en matière de protection des droits fondamentaux. Exemple peut être pris du droit à la justice et du droit qu'ont les collectivités traditionnelles de désigner leur chef selon leurs propres coutumes. Alors que ces principes sont constitutionnellement énoncés, il existe deux lois dans l'ordonnancement juridique susceptibles d'entraver l'intervention du juge dans le règlement des litiges concernant la désignation du chef traditionnel.

Par une loi n° 79/17 du 30 juin 1979, le législateur camerounais énonce que « les contestations soulevées à l'occasion de la désignation des chefs traditionnels sont portées devant l'autorité investie du pouvoir de désignation qui se prononce en premier et dernier ressort »256(*). L'instance juridictionnelle est donc dessaisie de tout litige au profit de l'autorité administrative, en l'occurrence le Ministre de l'administration territoriale (MINAT). Toutefois, un espoir est permis dans ce contexte pour la garantie des droits, car le juge camerounais estime que le recours pour excès de pouvoir peut être introduit contre tout acte administratif même sans un texte le prescrivant.

Toutefois, malgré cette prise de position courageuse du juge administratif camerounais, le législateur adopte une loi n° 80/31 du 27 novembre 1980 « dessaisissant les juridictions des affaires pendantes devant elles, et concernant la désignation des chefs traditionnels ». Dès lors, ainsi que le constate le Pr NLEP, « entre le droit fondamental à la Justice, gage de l'Etat de droit, proclamé par la Constitution et la loi de dessaisissement, l'Assemblée plénière de la Cour Suprême, saisie en appel devait donc appliquer l'une ou l'autre norme. Dans son arrêt n° 17/CS-AP du 19 mars 1981 (3 espèces), elle a choisi d'appliquer la loi donnant ainsi au phénomène de l'écran législatif, ses lettres de noblesse (dans l'ordre juridique camerounais) »257(*).

Le phénomène de l'écran législatif n'est donc pas au Cameroun une hypothèse d'école et constitue un obstacle patent à l'efficacité de l'intervention du juge administratif dans le domaine de la protection des droits fondamentaux. Mais, le régime juridique du recours gracieux préalable dans le contentieux administratif camerounais participe aussi de l'effritement de cette intervention du juge258(*).

La règle du recours gracieux préalable est perçue comme une ``protection précontentieuse de l'administration''259(*). Elle est entendue, du point de vue de sa constitution, comme « une requête émanant d'un justiciable potentiel et adressée à une autorité administrative désignée à cet effet, pour lui demander de reconsidérer le contenu ou la forme d'un acte administratif dont le bien-fondé est contesté »260(*).

Elle est un préalable à la phase contentieuse et peut constituer une limite importante du point de vue des droits fondamentaux lorsqu'on examine la sévérité observée par le juge administratif sur différents points. Ce sont essentiellement le problème de la détermination des autorités habilitées à recevoir le recours gracieux préalable, la rigidité des délais assortis à la règle, l'exigence d'une identité d'objet entre le recours gracieux préalable et le recours contentieux et enfin le caractère d'ordre public affecté au recours.

Le juge administratif camerounais se montre très sévère dans l'hypothèse d'une confusion quant à l'autorité administrative compétente pour recevoir le recours gracieux préalable. Celle-ci entraîne ipso facto l'irrecevabilité de la requête contentieuse. La législation camerounaise opère une détermination quelque peu confuse des autorités habilitées à recevoir le recours gracieux préalable pour le compte de l'Etat et pour le compte des collectivités infra-étatiques telles que les collectivités publiques locales et les établissements publics261(*). C'est toutefois en application de la loi que le juge administratif montre souvent une certaine sévérité, tel qu'il ressort de certaines espèces.

Dans l'arrêt n° 108/CFJ/CAY, du 8 décembre 1970, MOUTACKIE Joseph Lebrun c. Etat du Cameroun, le requérant se voit supprimer sa licence d'exploitation de débits de boissons par une décision administrative. Il saisit d'un recours gracieux préalable le Vice Premier Ministre chargé de la salubrité des débits de boissons. Le juge déclare irrecevable le recours contentieux au motif qu'il appartenait au Premier Ministre de connaître du recours gracieux du requérant.

Dans un autre arrêt n° 1230/CFJ/CAY rendu le même jour, le sieur TAMEZE Joseph conteste la décision le mettant en retraite anticipée et émanant du Secrétaire d'Etat à la Fonction publique. Il adresse donc à ce dernier un recours gracieux préalable alors qu'il n'est pas habilité à en connaître. Le juge déclare irrecevable son recours contentieux.

Pour le Pr Henri JACQUOT, cette position sévère du juge administratif camerounais est critiquable car, affirme t-il, « il est abusif de priver un requérant de toute possibilité de recours contentieux parce qu'il a mal dirigé son recours gracieux. Le juge devrait lui accorder une prorogation de délai pour lui permettre de réparer son erreur. Cette règle depuis longtemps admise pour les recours contentieux, lorsqu'un requérant saisit par mégarde une juridiction incompétente, pouvait être sans dommage étendue au recours gracieux »262(*).

Cette prescription ne sera pourtant pas entendue et la sévérité du juge relativement à l'erreur quant à la compétence de l'autorité adressataire ira croissante. Cette sévérité est également remarquable lorsqu'il s'agit de sanctionner le non-respect des délais du recours gracieux263(*). L'ambiguïté provenant aussi du fait que le juge administratif camerounais a tantôt opéré la computation des délais en se référant tantôt aux délais francs et tantôt aux délais non francs264(*). Le juge frappe alors de forclusion les requérants qui n'ont pas respecté les délais légalement prescrits. La jurisprudence camerounaise foisonne de cas dans lesquels le juge fait montre d'une rigueur sans pareille sur ce chapitre265(*).

Cette sévérité et cette rigueur du juge administratif se retrouvent également au niveau de l'identité d'objet entre les recours gracieux et les recours contentieux. Le recours contentieux dépend du recours gracieux et l'un des traits fondamentaux de cette dépendance est que c'est le recours gracieux qui délimite la matière litigieuse.

Le juge administratif a eu à répondre à la question de savoir si le requérant pouvait, dans sa requête contentieuse, soulever des problèmes qui n'étaient pas contenus dans le recours gracieux préalablement adressé à l'administration.

Dans un arrêt n° 9/CFJ/AP du 16 octobre 1968, BABA YOUSSOUFA c. Etat du Cameroun oriental, il estime que le requérant, révoqué par le Premier Ministre du Cameroun oriental du poste de cadre des secrétaires d'administration pour celui des adjoints d'administration, et qui dans sa demande initiale sollicitait sa réintégration « dans son ancien cadre d'origine avec son ancienneté conservée », ne pouvait, par la suite, solliciter son intégration dans le cadre des administrateurs civils266(*).

La différence d'objet dans le recours gracieux préalable et dans la requête contentieuse entraîne alors une irrecevabilité du recours contentieux. Mais, une conséquence importante résulte du fait que dans l'ordre juridique camerounais, la règle du recours gracieux préalable est un moyen d'ordre public.

La règle du recours gracieux est un préalable indispensable à la recevabilité du recours contentieux. Le juge administratif camerounais lui attache une importance notable telle qu'on en vient à considérer qu'elle constitue une ``garantie protectrice précontentieuse'' pour l'administration au détriment de l'administré. La rigueur et la sévérité du juge relativement aux effets liés à la règle du recours gracieux se manifestent un peu plus au niveau du caractère d'ordre public qui lui est affecté.

Le juge administratif dispose à ce propos que « l'inexécution des dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 peut être soulevée d'office par le juge »267(*). Dans un autre arrêt n° 40/CS/CA/80-81 du 30 avril 1981, GUIFFO Jean-Philippe c. Etat du Cameroun, après avoir constaté que le requérant s'est trompé sur l'autorité adressataire de son recours gracieux, il conclut : « sans nous en tenir aux moyens de fond développés par GUIFFO Jean-Philippe à l'appui de son recours, il échet de dire celui-ci irrecevable ».

Face à une telle clarté du juge administratif, il convient de conclure que le recours gracieux préalable en droit camerounais est bien un moyen d'ordre public « qui puisse et doive être suppléé par le juge (et) être par lui soulevé d'office »268(*).

Lorsque l'on sait que face à l'administration, le citoyen part très souvent découragé et quasiment perdant, la rigidité du juge administratif camerounais et sa sévérité en matière d'exigence du recours gracieux dans le contentieux administratif peuvent surprendre. En effet, déjà dans une grande partie réservé aux seuls fonctionnaires, ce contentieux semble s'inscrire dans une dynamique d'affirmation de la puissance administrative, alors que celle-ci devrait se trouver diminuée, surtout lorsqu'elle est vraisemblablement dans l'illégalité.

Il ne reste qu'à espérer du juge camerounais qu'il fasse preuve de la même hardiesse utilisée pour forger le caractère d'ordre public du recours gracieux préalable, pour protéger les droits violés des administrés face à l'administration. Le droit cesserait ainsi d'être une limite pour la protection des droits fondamentaux, ce qui n'écarte toutefois pas les obstacles d'ordre sociologique repérables dans l'ordre juridique camerounais.

2.- Les obstacles d'ordre sociologique

Ils s'entendent notamment de l'obstacle constitué par l'analphabétisme, de la peur que ressentent les administrés pour la défense de leurs droits et des difficultés d'accès à la justice administrative.

Le constat d'une certaine ignorance des règles régissant le contentieux administratif en particulier et l'armature procédurale dans les Etats africains est patent et depuis longtemps décrié. C'est donc à juste titre qu'elle est considérée comme une entrave propre à annihiler l'action du juge administratif et même du juge judiciaire dans le domaine de la protection des droits des citoyens.

Il faut toutefois saluer les initiatives de promotions faites et mises en oeuvre dans les Etats afin d'apporter une culture du droit affinée aux citoyens, même si la portée de ces initiatives est sujette à des critiques. Face parfois à ces actions de bonne volonté de l'Etat, on se heurte au syndrome de la peur de l'administration qui hante un nombre considérable de citoyens. Ainsi que l'affirme M. Achille MBEMBE à ce propos, « nolens volens, la culture du droit à l'occidental, et des droits de l'homme en particulier, est essentiellement déficitaire dans une société camerounaise nourrie depuis des lustres de la sève de l'autocratie, de la répression et de l'asservissement de l'Homme »269(*). Les administrés semblent avoir intériorisé dans leur subconscient la puissance écrasante d'une administration sans merci, dominatrice et toujours gagnante. Il est alors normal, pour eux, de ne pas entrer en conflit avec elle, même lorsqu'il y va de la survie de leurs droits fondamentaux.

Les difficultés d'accès à la justice administrative sont aussi inhérents au système juridictionnel camerounais. Elles résident dans la centralisation de la localisation du juge administratif dans la capitale politique de l'Etat270(*). Ceci est aussi le cas de bon nombre d'Etats africains. On est alors bien loin du concept de « justice de proximité » qui suppose de « mettre le juge à la portée du justiciable »271(*). Le justiciable ne dispose d'aucun relais régional pour faire valoir ses droits et la modicité de ses revenus exclut parfois toute tentative de voyage vers la capitale, donc vers la juridiction administrative.

Il conviendrait face à un tel obstacle, de procéder à une déconcentration de la justice administrative camerounaise, comme ce fut le cas dans un pays comme le Maroc en 1993, en espérant que l'argument d'un manque de ressources au niveau de l'Etat ne renvoie un tel projet aux calendes grecques. A ce projet de déconcentration, il convient en outre d'adjoindre une exigence qui semble aller de pair avec l'intervention du juge administratif dans le domaine des droits fondamentaux. Comme le souligne le Pr NLEP à ce sujet, « la parfaite formation juridique des hommes appelés à animer ces différentes structures est une condition sine qua non de cette efficacité »272(*). La formation réside en matière administrative surtout, à une spécialisation du juge par l'acquisition de tous les instruments propres à dire parfaitement le droit. Elle permettra, au demeurant, au juge administratif de connaître autant la totalité de la théorie appliquée à l'administration que la pratique de celle-ci.

Ainsi armé, il ne pourra que participer à une effective protection des droits fondamentaux, assisté par le juge chargé d'assurer le respect de la loi fondamentale, le juge constitutionnel.

SECTION II : L'INTERVENTION HYPOTHEQUEE DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

L'intervention du juge constitutionnel dans l'ordre juridique garantit la prééminence du droit au plan national à côté des juges des ordres judiciaire et administratif. Son intervention s'opère par le biais d'un mécanisme spécifique, le contrôle de la constitutionnalité des textes (Paragraphe 1) qui se veut propice à la protection des droits des citoyens. Il est défini comme un examen de la conformité par le juge d'une loi à la constitution, examen pouvant donner lieu, le cas échéant, à une sanction de la loi incriminée273(*).

On en distingue habituellement deux types. Le premier correspond au modèle américain : ici, chaque juge est habilité à procéder au contrôle et, éventuellement, à écarter l'application d'une norme qui serait en contradiction avec une disposition constitutionnelle. C'est un contrôle que l'on qualifie de ``diffus'', en ce qu'il s'exerce à tous les niveaux de l'organisation juridictionnelle274(*). Le second correspond au modèle européen de type kelsénien275(*) et ici, le pouvoir de contrôler la conformité de la loi à la constitution est octroyé à un organe distinct des juridictions ordinaires et unique. Un tel contrôle est qualifié de ``concentré'', en ce qu'il n'est dévolu qu'à cette seule juridiction276(*).

Au Cameroun, le contrôle est dévolu à la compétence d'un organe spécifique, le Conseil constitutionnel. Toutefois, pour bénéfique qu'il devrait être, les limites de ce mécanisme permettent de constater une inaptitude du juge constitutionnel dans les cas de violation des droits fondamentaux (Paragraphe 2) au Cameroun.

PARAGRAPHE 1.- LE CONTROLE DE LA CONSTITUTIONNALITE DES LOIS, UN CONTROLE FAVORABLE A LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

Il n'a pas toujours été prévu dans les textes constitutionnels camerounais. C'est ainsi que le constituant de 1960 l'ignore purement et simplement. Cette lacune est réparée par la loi n° 61/24 du 1er septembre 1961 suivie en cela par la Constitution du 2 juin 1972. Le contrôle de constitutionnalité semble alors constituer dans l'ordre juridique camerounais, une sorte de « serment de fidélité à l'idée de la suprématie constitutionnelle »277(*).

Or, comme le constate effectivement le Pr MINKOA SHE, « l'optimisme légitime né de l'institutionnalisation du contrôle de constitutionnalité des lois allait céder le pas au désenchantement ». En effet, poursuit-il, « le mécanisme institué par la Constitution, s'est en effet révélé particulièrement inefficace, dominé qu'il était dans son aménagement par la personne du chef de l'Etat »278(*). Le contrôle de la constitutionnalité des lois au Cameroun a alors eu pour conséquence importante au Cameroun une soumission notable de la création du droit à la rationalité politique, au détriment de la rationalité juridique qui devait pourtant la guider.

L'entrée dans un véritable système libéral au début des années 1990 des Etats d'Afrique subsaharienne n'a pas épargné le Cameroun. La réforme constitutionnelle de 1996 se devait alors de faire table rase des incongruités susceptibles d'enrayer la marche de l'Etat de droit et de la démocratie au Cameroun au rang desquelles le régime contraignant du précédent contrôle de constitutionnalité des textes.

Or, elle consacre bel et bien à l'instar des précédentes lois fondamentales, un contrôle de constitutionnalité des lois concentré au sein d'un organe, le Conseil constitutionnel. Mais, ce nouveau contrôle semble propice à la protection des droits de par le statut de l'organe en charge du contrôle (A) et de par la portée des décisions (B) de cet organe.

A.- De par le statut de l'organe de contrôle

« L'idée de la création d'une juridiction constitutionnelle indépendante et placée en dehors du pouvoir judiciaire procède de la volonté de rompre avec un pouvoir judiciaire marqué par son passé. La réputation du pouvoir empêchait que soit directement confié aux juridictions ordinaires le soin de trancher les questions de constitutionnalité et d'assurer la primauté des droits inclus dans la Constitution, le pouvoir judiciaire ayant en effet été marqué depuis l'indépendance par ses liens avec le pouvoir exécutif et sa faible volonté de promouvoir un système juridictionnel indépendant de toute pression politique »279(*). Ce triste constat du Pr VIGNON explique à lui seul la volonté de confier le contrôle de la suprématie de la constitution à une juridiction spécifique, et en principe indépendante.

Les lois fondamentales de 1961 et de 1972 du Cameroun confient le contrôle de constitutionnalité à la compétence d'une instance rattachée à la Cour suprême, la Chambre constitutionnelle de la Cour Suprême. Celle-ci ne pourra jamais véritablement fonctionner et c'est l'une des raisons pour lesquelles le texte de 1996 institue un Conseil constitutionnel en organe spécialisé dans le contrôle de constitutionnalité et distinct de la Cour Suprême.

C'est alors une juridiction en principe autonome et chargée d'assurer la suprématie de la constitution dans l'Etat qui est créée. Sa composition, ses attributions et la procédure de contrôle déterminées par la Constitution et la loi rendent ainsi compte de ce nouveau statut.

S'agissant de la composition du Conseil constitutionnel, elle est déterminée dans le titre VII de la loi constitutionnelle de 1996, et réglementée par la loi n° 2004-4 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement de l'institution et par la loi n° 2004-5 du même jour, fixant le statut des membres de l'institution280(*).

Aux termes de ces différentes lois, le Conseil constitutionnel comprend 11 membres nommés pour un mandat de 9 ans non renouvelable. Ils peuvent être désignés ou intégrés de droit à l'institution. Ce dernier cas de figure est prévu pour les anciens présidents de la République du Cameroun281(*). Ces membres, eu égard à leur statut, doivent être à même de protéger les droits des citoyens.

Le premier point intéressant de cette composition réside dans la diversité des autorités participant à la désignation des membres nommés. Elle doit pouvoir offrir une garantie à ces membres quant à leur indépendance vis-à-vis de l'autorité qui les nomme. Aux termes de l'article 7 alinéa 2 de la loi n° 2004-4, les autorités compétentes participant à cette désignation des membres sont le président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et une institution, le Conseil supérieur de la magistrature.

S'agissant des présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat, ceux-ci ne procèdent à la désignation des membres du Conseil constitutionnel qu'après avis du bureau de l'institution dont ils assurent la présidence. Aux termes de la loi, les conseillers ne sont pas astreints à l'exercice d'une profession juridique, « ils doivent (juste) jouir d'une grande intégrité morale et d'une compétence reconnue »282(*). Ces préalables à la désignation des membres du Conseil constitutionnel doivent alors pouvoir édifier un statut autonome de ces derniers afin qu'ils puissent exercer leurs fonctions sans pression d'aucune sorte.

Le second aspect est celui des incompatibilités fonctionnelles, des immunités, avantages et privilèges attachés à la fonction de membre de l'institution. En effet, cette fonction est incompatible avec un certain nombre d'autres fonctions dans l'Etat, susceptibles d'entamer l'indépendance des membres de l'institution ou de jeter le discrédit sur celle-ci283(*). Les membres du Conseil constitutionnel bénéficient en plus de certains avantages, immunités et privilèges qui devraient pouvoir les mettre à l'abri des pressions sociologiques de tous ordres et des risques de corruption.

Mais, la garantie la plus significative quant au statut des membres du Conseil du point de vue de la protection des droits fondamentaux résulte en ce qu'ils sont inamovibles284(*). Au contraire des magistrats de l'ordre judiciaire, cette caractéristique est susceptible d'apporter une sérénité certaine au juge constitutionnel qui pourra ainsi se concentrer sur la tâche à accomplir, les différentes matières qui lui sont attribuées au sein de l'Etat.

Les attributions du juge constitutionnel découlent des articles 18, 47 et 48 de la Constitution réformée et de l'article 3 de la loi n° 2004-4. De la lecture de toutes ces dispositions, le juge constitutionnel camerounais est compétent pour se prononcer sur la recevabilité des projets de loi, en cas de doute285(*). Il est juge de la constitutionnalité des lois, lato sensu286(*), il règle les conflits d'attributions entre les institutions étatiques et est juge du contentieux électoral pour l'élection présidentielle, les élections législatives et les consultations référendaires.

De ces différentes dispositions, il ne résulte donc pas que le juge constitutionnel camerounais puisse connaître directement des cas de violations des droits fondamentaux, pareille attribution ne lui étant pas attribuée par les textes. Les seuls canaux par lesquels il peut le faire sont le contentieux découlant des élections et le contrôle de la constitutionnalité des lois qui a une procédure soumise à des conditions précises.

A la suite de l'article 47 en ses alinéas 2 et 3, l'article 19 de la loi 2004-4 qui traite du contrôle de constitutionnalité, dispose que seuls le président de la République, le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, un tiers des députés ou un tiers des sénateurs et les présidents des exécutifs régionaux peuvent saisir le juge constitutionnel pour provoquer le contrôle. Ils peuvent le faire avant la promulgation de la loi, par simple requête datée et signée, motivée et devant comporter un exposé des moyens de fait et de droit. Une garantie importante est que cette procédure est gratuite et contradictoire.

On remarque ainsi une extension notable des autorités habilitées à saisir le juge constitutionnel pour déclencher le contrôle de constitutionnalité des lois. Le président de la République n'est plus la seule autorité, à la différence du texte constitutionnel de 1972, habilitée à le faire. Cela apparaît, au premier abord, bénéfique pour la protection des droits par le juge. De plus, ses décisions doivent intervenir dans un délai relativement court, qui est de 15 jours. Celui-ci peut être ramené à 8 jours à la demande du président de la République. Ces décisions du juge constitutionnel témoignent ainsi de l'ampleur de la protection qu'il apporte aux droits des citoyens, du point de vue essentiellement de leur portée.

B.- De par la portée des décisions du juge constitutionnel

Le Conseil constitutionnel est une institution qui a vocation à dire le droit. Elle rend des décisions qui produisent des effets notables dans l'ordre juridique. Elles s'analysent généralement en deux conséquences non négligeables. D'une part, la décision du juge constitutionnel s'impose à tous, d'autre part, elle conduit, s'agissant du contrôle de constitutionnalité des textes, à l'annulation de la loi non conforme à la constitution.

Le fait que la décision du juge constitutionnel s'impose à tous dans l'ordre juridique signifie qu'elle revêt une autorité absolue de la chose jugée. Elle s'impose, selon les termes de l'article 15 alinéa 3 de la loi n° 2004-4, « aux pouvoirs publics et toutes les autorités administratives, militaires et juridictionnelles, ainsi qu'à toute personne physique ou morale » au sein de l'Etat. De plus, elle se doit d'être exécutée sans délai, conformément à la lettre de l'article 15 alinéa 4 de la même loi.

Mais, la décision du juge, pour ne pas violer les droits des citoyens, doit respecter certaines prescriptions. C'est ainsi qu'elle doit intervenir dans un délai légal, afin de ne pas entretenir le spectre du non-droit dans l'Etat et des règles liées à la due process in law, telles que celle d'un jugement rendu dans un délai raisonnable287(*). Elle est, de plus, soumise aux formalités de publicité288(*) et de notification289(*). Dès lors, cette décision produit une conséquence considérable s'agissant du contrôle de constitutionnalité des lois.

C'est une garantie indéniable pour les droits fondamentaux que ne soit pas introduite dans l'ordonnancement juridique, une loi non conforme à la constitution et, qui plus est, liberticide. Le législateur camerounais prévoit ainsi les effets que produit une décision du juge constatant la violation par la loi d'une disposition constitutionnelle.

Ainsi, comme il est prévu à l'article 24 de la loi n° 2004-4, « lorsque le Conseil constitutionnel déclare une loi contraire à la constitution, cette loi ne peut être ni promulguée ni mise en application ». La loi est tout simplement exclue de toute entrée dans la hiérarchie des normes juridiques de l'Etat. Il en va également ainsi d'une loi qui contient une disposition contraire à la constitution et indissociable de l'ensemble de la loi290(*).

Il existe cependant une exception à cette interdiction d'entrée dans l'ordonnancement juridique camerounais d'une loi contenant une disposition inconstitutionnelle. C'est l'hypothèse de l'article 26 de la loi n° 2004-4 qui prévoit que lorsque le Conseil constitutionnel ne constate pas que la disposition inconstitutionnelle est inséparable de la loi, le président de la République peut « soit promulguer la loi à l'exception de cette disposition, soit demander au Parlement une nouvelle lecture » de cette loi.

Le juge constitutionnel camerounais a ainsi le pouvoir d'annuler une loi lorsqu'il constate la violation de la suprématie constitutionnelle par le législateur. Il peut censurer un acte pris par les représentants du peuple, ce qui, au demeurant, constitue un pouvoir exorbitant du droit commun judiciaire291(*). Le Conseil constitutionnel français est lui fidèle à cette démarche qui contrôle l'action du législateur par rapport à la constitution, car suivant les termes d'une de ses célèbres décisions, « la loi n'est l'expression de la volonté générale que dans le respect de la constitution »292(*).

Le juge constitutionnel camerounais semble donc armé pour protéger la constitution et les normes qui y sont consacrées. Il contrôle la conformité des différents textes de l'ordonnancement juridique par rapport à celle-ci et par ce canal, participe à la protection des droits des citoyens. Cependant, le contrôle de constitutionnalité par le juge constitutionnel revêt encore un caractère ``virtuel'', demeure une fiction dans cet ordonnancement juridique293(*). En effet, la juridiction constitutionnelle nouvellement organisée n'a pas encore émis une seule décision et n'a pas encore été saisie dans le sens d'un contrôle d'une loi quelconque et l'institution intérimaire, la Cour Suprême, s'est plutôt signalée comme un juge du contentieux électoral.

Il ne reste donc qu'à espérer que le juge constitutionnel, une fois installé, fasse preuve de la plus hâtive des hardiesses, pour ériger une jurisprudence rendant compte de l'implantation des principes de l'Etat de droit et de la démocratie au Cameroun. Mais déjà on peut mesurer la difficulté qu'il aura à affronter, au vu des limites pouvant affecter le contrôle de la conformité des textes à la constitution.

PARAGRAPHE 2.- L'INAPTITUDE DU JUGE EN CAS DE VIOLATION DES DROITS FONDAMENTAUX

La remise en cause de l'aptitude du juge constitutionnel camerounais à protéger efficacement les droits fondamentaux des citoyens tient essentiellement à deux lacunes affectant le contrôle de constitutionnalité des lois dans l'ordre juridique camerounais. Il s'agit d'une part de l'accès restreint au juge (A) et de l'immunité de la loi promulguée (B), d'autre part.

A.- L'accès restreint au juge

Sous l'empire de la Constitution de 1972, la saisine du juge constitutionnel était réservée exclusivement au président de la République. On est amené à se demander, dans une telle logique, comment est ce que le contrôle de constitutionnalité pourrait participer à une quelconque protection des droits fondamentaux puisque étant subordonné à un recours direct et abstrait d'une autorité politique, la plus élevée dans l'Etat, le président de la République ? Le contrôle de constitutionnalité était alors enfermé dans une logique politicienne.

La réforme constitutionnelle de 1996 et la loi organique sur le Conseil constitutionnel consacrent elles aussi le recours direct et abstrait par des autorités politiques, même si elles en élargissent le nombre. Pour bienvenue que puisse être cette augmentation, elle consacre tout de même la fermeture du prétoire à l'individu, au citoyen, annihilant ainsi tout espoir de la mise en place d'une actio popularis devant le juge constitutionnel camerounais.

Or, c'est le citoyen qui est la principale victime de la violation des droits fondamentaux et justifie pleinement d'un intérêt à agir qu'il veut du reste faire valoir devant le juge constitutionnel. En effet, les notions d'``intérêt'' et de ``qualité pour agir'' devraient trouver ici un credo favorable en matière de saisine du juge, car on est en droit de douter de l'intérêt à agir qu'ont des autorités politiques dans des systèmes encore dominés par la confusion des pouvoirs294(*).

L'activité dynamique du juge constitutionnel camerounais dans le sens de la protection des droits fondamentaux doit être exacerbée. A l'instar de son homologue français, il devra, chaque fois qu'une loi lui sera déférée pour examen de conformité à la constitution, faire prévaloir la rationalité juridique. Il y va de sa crédibilité et de la crédibilité de tout un système, afin que le citoyen soit toujours le grand vainqueur de cette construction d'un Etat de droit garant indéfectible du règne du droit au Cameroun.

En somme, par le canal du contrôle de constitutionnalité des lois, « il s'agit, (pour le juge camerounais), d'assurer le respect de la constitution par tous les pouvoirs publics, de protéger le citoyen, de sauvegarder les droits » comme l'exprime à juste titre le Pr VIGNON295(*). Mais, cette tâche est davantage ardue lorsqu'une fois promulguée, la loi peut, en dépit du fait qu'elle soit inconstitutionnelle, échapper au contrôle et à la censure du juge.

B.- L'immunité de la loi promulguée

Le contrôle de la constitutionnalité des lois en vigueur dans l'ordre juridique camerounais est un contrôle a priori, abstrait et exercé par voie d'action. Il doit survenir avant la promulgation d'un texte afin que les irrégularités qu'il contient puissent être, si possible, modifiées. Un principe peut en conséquence être tiré de ce caractère du contrôle de constitutionnalité ainsi exercé, l'incontestabilité de la loi promulguée consacrant l'interdiction du contrôle a posteriori.

Dès lors, la saisine du juge constitutionnel doit intervenir avant la promulgation dont elle suspend le délai. « Après la promulgation, écrit le Pr DEGNI SEGUI, la loi n'est susceptible d'aucun recours juridictionnel et s'impose à tous »296(*).

Ce principe prévaut dans l'ordre juridique camerounais, ce qui a conduit le Pr NLEP à poser le constat que plusieurs lois inconstitutionnelles pullulent dans cet ordre juridique297(*). Dès lors qu'une loi est promulguée au Cameroun, elle accède à l'immunité. Ceci revient à penser au demeurant que le contrôle par voie d'exception est, comme en France, un mécanisme écarté dans le système juridique camerounais.

L'exception d'inconstitutionnalité est une procédure permettant de rouvrir l'accès au juge constitutionnel contre une loi inconstitutionnelle nonobstant la promulgation de celle-ci298(*). C'est le mécanisme de la question préjudicielle soulevée devant les juges des ordres judiciaire et administratif. Prévu dans divers Etats européens299(*) et africains300(*), il est, à en croire le Pr DEGNI-SEGUI, interdit dans l'ordre juridique camerounais301(*). Mais, une telle affirmation est à notre avis fort péremptoire.

En effet, à l'instar des précédentes lois fondamentales, le texte de 1996 n'interdit nullement la technique de l'exception d'inconstitutionnalité, même si elle n'est pas formellement organisée. Peut-on alors légitimement penser que, puisqu'elle n'est pas interdite, le juge, qu'il soit de l'ordre judiciaire ou administratif, puisse connaître d'une question préjudicielle d'ordre constitutionnel ?

Pour une partie de la doctrine camerounaise, la réponse à cette question est positive302(*). Toutefois, le juge ordinaire camerounais a observé une attitude de rejet de l'exception d'inconstitutionnalité soulevée devant lui, même s'il a par la suite tempéré cette position.

Le juge judiciaire camerounais retient la même position que le juge de cassation français303(*) et dans un arrêt du 5 mai 1973, il énonce clairement que « en tout état de cause, la juridiction répressive n'est pas au Cameroun juge de l'inconstitutionnalité des lois ».

Le juge administratif adopte cette même attitude et l'a clairement signifié dans deux arrêts de principe. Dans l'affaire SGTE précitée, le juge administratif camerounais exclut tout contrôle de la constitutionnalité des lois par voie d'exception qui pour lui, « n'est pas prévu par le droit camerounais ». Dans un autre jugement n° 14/CS/CA du 30 novembre 1978, MOUNGOLE Léon c. Etat du Cameroun, il décide que « si la Cour, de par la Constitution est juge de la constitutionnalité des lois, d'après l'article 10 de la dite Constitution, elle ne peut être saisie que par le président de la République. Elle ne peut se saisir d'office, ni à l'initiative de tout le monde ».

La position des juges des ordres judiciaire et administratif était donc établie, le contrôle par voie d'exception étant écarté. Mais, des tempéraments vont atténuer la rigueur de cette position.

Ainsi dans de nombreuses affaires, le juge judiciaire camerounais admet l'exception d'inconstitutionnalité s'agissant des coutumes. Il a même rejeté l'application de certaines coutumes, sous prétexte qu'elles sont contraires au principe de l'égalité de tous devant la loi304(*).

De l'avis du Pr MINKOA, le juge administratif invoque fréquemment la violation d'un principe général de droit pour refuser l'application d'une loi, ce qui équivaut, selon ses termes, « à un contrôle de constitutionnalité déguisé »305(*). Ce qui dès lors laisse une chance à l'exercice du contrôle de constitutionnalité par voie d'exception au Cameroun.

Au total, si en France la crainte de l'instauration d'un ``gouvernement des juges'' a conduit à la mise en place craintive du Conseil constitutionnel, cette crainte ne semble pas se justifier dans l'ordre juridique camerounais. En effet, le contrôle de constitutionnalité des lois devrait, comme dans les systèmes d'origine dans lesquels il a été initié, assurer une réelle protection des droits des citoyens. Le juge constitutionnel, par son statut et la portée de sa jurisprudence, n'en sortirait que plus confirmé dans son rôle de garant de la suprématie constitutionnelle et partant des droits fondamentaux des citoyens.

CHAPITRE II: LES MECANISMES NON JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

Pour sécurisante qu'elle soit du point de vue de la protection des droits fondamentaux, l'intervention juridictionnelle présente quelques lacunes qui tiennent généralement au statut des juges, à la lenteur de la justice, à son coût élevé pour les citoyens et à la complexité de ses procédures. Il convenait donc face à ces limites, de rechercher de nouveaux mécanismes protecteurs des droits, pour combler le déficit des procédés juridictionnels de protection.

Les mécanismes non juridictionnels constituent une nouveauté dans cette quête. Si dans bon nombre d'Etats ils sont le plus souvent prévus par les lois fondamentales, au Cameroun, ils sont organisés par la loi et même le règlement. Ils sont divers et sont alors appelés à participer à la protection des droits constitutionnellement consacrés.

De façon générale, ces mécanismes peuvent se subdiviser en deux types : les autorités instituées par l'Etat encore connues sous la dénomination d'autorités administratives indépendantes (Section I) d'une part, et les institutions nées de l'initiative des individus regroupés en associations et constituant par-là les mécanismes de la société civile (Section II).

SECTION I : LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES

Ce sont des organismes dont l'activité ne peut s'apprécier comme rivale de celle des juridictions au sein d'un Etat. Elles se doivent d'être un complément des mécanismes juridictionnels de protection des droits fondamentaux. Afin de mieux les cerner, le Pr Jacqueline MORAND-DEVILLER propose de les définir de manière négative306(*). Les autorités administratives indépendantes présentent ainsi un certain nombre de traits caractéristiques :

· ce ne sont pas des juridictions, car « leurs décisions ne sont pas revêtues de l'autorité de la chose jugée et ne relèvent pas du contrôle de cassation... » ;

· ce ne sont pas des personnes morales de droit public ;

· ce sont beaucoup plus que des ``Comités de sages'' même si les personnes qui les composent sont, en général, choisies pour leur expérience et leur impartialité307(*).

Ces différentes caractéristiques doivent, au demeurant, leur permettre d'effectuer efficacement la protection des droits fondamentaux des citoyens. Au Cameroun, ils sont aussi divers que nombreux. On peut en conséquence les distinguer selon qu'ils ont une portée générale dans la protection des droits (Paragraphe 1) ou qu'ils participent à la protection d'un droit fondamental particulier : les mécanismes sont alors dits de portée sectorielle (Paragraphe 2).

PARAGRAPHE 1.- LE MECANISME DE PORTEE GENERALE : LA COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES (CNDHL)

La soif de la liberté des citoyens conjuguée au vent de la démocratie des années 1990 ont conduit à la libéralisation des différents régimes politiques de bon nombre d'Etats africains, dont le Cameroun. La résultante la plus immédiate en a été la promulgation de textes législatifs et réglementaires plus favorables aux droits et devant être mis à la disposition des principaux destinataires, les citoyens. Parmi les textes de cette période nouvelle pour les libertés, se trouvait le décret n° 90/154 du 8 novembre 1990 qui créait une institution nationale des droits de l'homme au Cameroun : le Comité national des droits de l'homme et libertés.

Celui-ci se devait, tant sur le plan de son organisation que de son fonctionnement, d'être mis en place en totale adéquation avec les principes élaborés lors du premier atelier international des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme tenu à Paris du 7 au 9 octobre 1991, encore connus sous le nom de « Principes de Paris »308(*).

Ces principes établissent les compétences et attributions incombant à une institution nationale de promotion et de protection des droits de l'homme, les règles devant régir sa composition et garantir son indépendance ainsi que les modalités de son fonctionnement. Ils posent au demeurant, et c'est une tautologie, les principes posant les bases d'un fonctionnement optimal des institutions nationales de promotion et de protection des droits fondamentaux.

Le Comité national camerounais créé par le décret de 1990 a essayé de fonctionner tant bien que mal, mais son inaptitude à assurer une réelle protection des droits a longtemps été décriée309(*). Il a en conséquence été dissout par la loi n° 2004-16 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement d'une Commission nationale des droits de l'homme et des libertés (CNDHL)310(*) qui, en vertu de l'article 30 de cette loi, se substitue de plein droit à l'ex Comité et ``hérite'' du patrimoine et du personnel de celui-ci.

La question fondamentale que l'on est amené à se poser, lorsque l'on sait que le décret de nomination des nouveaux membres de l'institution n'a pas encore été pris par l'autorité habilitée et que l'on peut penser à une période intérimaire, dans l'attente de certaines réformes devant conduire à l'installation concrète de la nouvelle CNDHL, est celle de savoir si cette dernière n'hérite pas des lacunes qui ont affecté la mission de l'ex Comité ?

En tout état de cause, certaines garanties sont présentées par la loi n° 2004-16 du point de vue de la protection des droits fondamentaux (A), même si l'on peut déceler des limites susceptibles d'affecter la dite protection par ce mécanisme non juridictionnel (B).

A.- Les garanties présentées par la CNDHL pour la protection des droits fondamentaux

Elles s'analysent pour l'essentiel, du point de vue de l'indépendance de l'institution (1) et de l'ampleur de ses attributions en matière de protection des droits fondamentaux (2).

1.- La relative autonomie de la CNDHL

« Une institution nationale efficace est une institution capable d'agir indépendamment du gouvernement et de tout autre pouvoir qui peut se trouver en mesure d'influencer son action »311(*). Ces propos du président de l'ex Comité trahissent la mauvaise influence que peuvent avoir les pressions de toute sorte sur une institution nationale de promotion et de protection des droits fondamentaux.

Pour éviter ce type de situation, la loi n° 2004-16 accorde à la CNDHL une certaine indépendance tant sur le plan de la nomination des membres de l'institution que sur celui des moyens financiers mis à sa disposition.

Au contraire du décret de 1990 qui concentrait la totalité de la désignation des membres du Comité entre les mains du président de la République, la loi n° 2004-16 associe plusieurs autorités à cette désignation312(*), même si c'est toujours un acte du président de la République qui procède à leur nomination, conformément à l'article 6 alinéa 2 de la loi. La totalité des membres bénéficient en plus d'une immunité de poursuites pour les opinions exprimées dans l'exercice de leurs fonctions313(*).

Ce facteur important qu'est le statut indépendant des membres est prépondérant pour l'activité de l'institution. En effet, l'ex Comité a souvent conduit, du point de vue de sa création, à se demander si les autorités camerounaises avaient voulu en faire une institution indépendante dans son domaine de compétence314(*). Le législateur de 2004 semble apaiser cette crainte en ce qui concerne la CNDHL. C'est ainsi que des incompatibilités fonctionnelles sont même prévues pour les présidences des quatre (4) sous-commissions de travail, afin d'éviter les influences des pouvoirs publics sur l'institution nationale de protection des droits fondamentaux315(*).

Mais l'apport essentiel de la nouvelle législation pour la garantie de la mission de la CNDHL est sans nul doute la consécration de l'autonomie de celle-ci au niveau de ses ressources financières.

Aux termes de l'article 20 de la loi de 2004, « les ressources de la Commission proviennent des :

· dotations inscrites chaque année au budget de l'Etat ;

· appuis provenant de partenaires nationaux et internationaux ;

· dons et legs ».

Cette disposition marque un changement notable d'avec l'ancienne législation en ce qu'elle budgétise les ressources que l'Etat octroie à la CNDHL. De plus, elle élargit les sources de financement, ce qui peut constituer un élément d'autonomie notable. La CNDHL a en outre la possibilité d'adopter son propre projet de budget et de le soumettre à l'approbation du Premier Ministre dans le cadre de la préparation de la loi des finances de l'Etat. Dès qu'il est adopté, ce budget fait l'objet d'une inscription spécifique dans la dite loi, selon l'article 23 alinéa 2.

Il serait intéressant, en examinant la loi des finances camerounaise, de voir quelle est la proportion des sommes allouées à la CNDHL, afin de constater si oui ou non elles cadrent avec le projet de budget élaboré par l'institution.

L'autonomie financière de la CNDHL ainsi prévue permet véritablement de soustraire cette institution de la tutelle de l'exécutif. Comme le souligne Mme ETONGUE MAYER à propos du budget de l'ex Comité, « le Comité national des droits de l'homme et des libertés ne dispose pas d'un budget propre et sécurisé ». Et elle ajoute que « le montant et le déblocage des fonds dépendent du bon vouloir du Premier Ministre qui peut décider de ``couper le robinet'', de diminuer le montant de la cagnotte ou de retarder le déblocage des crédits sollicités... »316(*). De telles attitudes ne peuvent qu'être déplorées, car elles contribuent à enrayer de manière considérable toute efficience à l'activité d'une institution. On ne peut que saluer l'inscription du budget de la CNDHL dans la loi des finances nationale, ce qui au premier abord aura pour conséquence de le sécuriser. Ce budget se doit même, aux termes de la loi, d'être géré suivant les règles de la comptabilité publique317(*) et pour ce faire, un agent comptable et un contrôleur financier seront « placés auprès de la Commission »318(*).

Ainsi pourvue de son autonomie financière, la CNDHL peut rémunérer ses instances dirigeantes319(*) et allouer des indemnités de session et des frais de mission aux membres320(*) de l'institution. Sous l'ancienne législation, leur activité n'était pas rémunérée. Cette situation avait pour conséquence notable un manque total de motivation des membres, susceptible de limiter l'ampleur de son activité. L'allocation d'une indemnité, même modique, est de nature a dynamiser cette activité, en sus de la motivation personnelle des membres à protéger les droits fondamentaux des citoyens, en vertu de la mission confiée à l'institution.

2.- L'ampleur des attributions de la CNDHL en matière de protection des droits

En conformité avec les Principes de Paris, la CNDHL bénéficie d'un vaste champ de compétence en matière de protection des droits humains. C'est l'article 2 de la nouvelle législation qui énonce ses attributions. Aux termes de cette disposition, elle :

· « reçoit toutes dénonciations portant sur les cas de violation des droits de l'homme et des libertés ;

· diligente toutes enquêtes et procède à toutes investigations nécessaires sur les cas de violation des droits de l'homme et des libertés et en fait rapport au président de la République ;

· saisit toutes autorités des cas de violation des droits de l'homme et des libertés ;

· procède, en tant que de besoin, aux visites des établissements pénitentiaires, des commissariats de police et des brigades de gendarmerie, en présence du procureur de la République compétent ou de son représentant ; ces visites peuvent donner lieu à rédaction d'un rapport adressé aux autorités compétentes ;

· étudie toutes questions se rapportant à la promotion et à la protection des droits de l'homme et des libertés ;

· propose aux pouvoirs publics les mesures à prendre dans le domaine des droits de l'homme et des libertés ;

· vulgarise par tous moyens, les instruments relatifs aux droits de l'homme et aux libertés et veille au développement d'une culture des droits de l'homme au sein du public par l'enseignement, l'information et l'organisation des conférences et séminaires ;

· recueille et diffuse la documentation internationale relative aux droits de l'homme et aux libertés ;

· assure la liaison, le cas échéant, avec les organisations non gouvernementales qui oeuvrent pour la promotion et la protection des droits de l'homme ;

· entretient, le cas échéant, toutes relations avec l'organisation des Nations Unies, les organisations internationales, comités ou associations étrangères poursuivant des buts similaires ;

· elle en informe le ministre chargé des Relations extérieures ».

On note une accentuation du rôle promoteur de l'institution par rapport au texte de 1990. Même si elle ne dispose pas d'un pouvoir de contrainte à proprement parler, la CNDHL dispose d'un certain nombre de moyens afin de mener à bien ses activités en faveur des droits humains. Elle a ainsi, à la lecture de l'article 3 de la loi de 2004, un pouvoir de convocation pour audition de toutes parties et éventuellement des témoins. Cette prérogative est accentuée par la provision prescrivant la mise en oeuvre de la responsabilité pénale de toute personne convoquée par la CNDHL et se refusant à déférer à cette convocation321(*). La légèreté de la sanction peut tout de même surprendre, lorsqu'on a la volonté d'instaurer une institution crédible et respectée tant à l'extérieur qu'à l'intérieur des frontières nationales.

La CNDHL a également la possibilité de demander aux autorités compétentes de procéder à des perquisitions et exiger la présentation de tout document ou toute preuve selon les règles du droit commun. Elle a la possibilité de saisir le ministre chargé de la Justice pour les infractions relevées et relatives aux droits fondamentaux, tout comme elle peut s'instituer en instance de médiation entre des parties dans des matières non répressives et touchant aux droits fondamentaux. La CNDHL peut, en outre, fournir une assistance judiciaire ou prendre des mesures pour la fourniture de cette assistance et intervenir en tout état de cause, pour défendre les intérêts des victimes des violations des droits fondamentaux. Les moyens d'action mis à la disposition de la CNDHL pour l'accomplissement de sa mission semblent considérables et il ne reste qu'à espérer qu'elle en fasse bon usage.

S'il est prévu que la CNDHL tire conséquence d'une omission ou d'un refus de répondre à ses réquisitions ou interpellations, on peut être interloqué que le législateur ne lui ait pas accordé un pouvoir de sanction ou de saisine d'une juridiction pour « tirer véritablement conséquence de l'inaction du requis ». Sinon que peut-elle véritablement faire ? Cette absence de pouvoir de contrainte la vide considérablement de toute sa substance.

Toutefois, les véritables moyens par lesquels la CNDHL participera effectivement à la protection des droits fondamentaux résident dans les deux modalités de sa saisine. D'une part, la saisine par toute personne physique ou morale ou toute autorité publique sur simple requête ou dénonciation et la saisine d'office, d'autre part. Ce dernier mécanisme a déjà été utilisé par l'ex Comité dans l'affaire des ``neuf disparus de Bépanda'' et dans l'affaire de l'assassinat d'une fillette de 6 ans par des adeptes de la secte ``Mâlah'' à Douala322(*). Le premier lui permet essentiellement de connaître et traiter des requêtes reçues pour les violations de droits fondamentaux consacrés dans l'ordre juridique camerounais.

La loi n° 2004-16 du 22 juillet 2004 semble alors instituer au Cameroun, la CNDHL en une véritable autorité administrative indépendante. Elle jouit d'une certaine autonomie financière et statutaire, bénéficie d'un vaste champ d'action dans le domaine de sa compétence et est assortie de règles contraignantes s'imposant aux personnes physiques et morales dans l'Etat. On peut toutefois regretter qu'elle n'ait pas un véritable pouvoir de contrainte, ce qui peut du reste constituer une limite à l'efficience de son activité.

D'autres limites peuvent en outre être perçues, limites ayant grevé l'action de l'ex Comité et pouvant subsister durant la période précédant la mise en place effective de la CNDHL. D'autres par contre pouvant être décelées de l'organisation même de la CNDHL et de son fonctionnement tels que déterminés par le législateur.

B.- Les limites à l'activité de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés

La CNDHL est héritière de l'ex Comité. A ce titre et pendant la période transitoire, celle qui précède effectivement la mise en place de la CNDHL, elle peut hériter des obstacles qui ont grevé l'activité de l'ancienne institution. Ils peuvent consister en des obstacles opérationnels d'une part et en des obstacles statutaires, d'autre part.

Les limites opérationnelles surviennent au cours du fonctionnement de l'institution lorsqu'elle est en pleine activité sur le terrain de la protection des droits fondamentaux. Tandis que les limites statutaires sont celles découlant même de la structure de l'institution telle qu'élaborée par le législateur.

L'une des premières difficultés que pose la CNDHL est la centralisation de l'institution dans la seule capitale politique. Cette tare a affecté l'ex Comité et si des mesures adéquates ne sont pas prises, la déconcentration de l'institution dans la majorité des localités de la République ne restera jamais qu'au stade de l'utopie. L'existence de la CNDHL pourra même être ignorée de certains citoyens éloignés de la capitale et le traitement des requêtes en provenance de lieux autres que la capitale pourra éventuellement connaître de grandes difficultés.

Il est donc nécessaire que soient créées, dès la mise en place effective de la CNDHL, les antennes locales prévues à l'article 5 de la loi n° 2004-16.

Doit aussi être considéré le problème de l'insuffisance des moyens en personnel dont hérite la CNDHL. A propos de l'ex Comité, Mme ETONGUE MAYER constate que « malgré l'importance de la mission de protection (...), le Comité national des droits de l'homme et des libertés continue de souffrir d'une insuffisance chronique en ressources humaines »323(*). Il est crucial qu'eu égard à cet obstacle, la désignation des 30 membres de la CNDHL soit au plus vite faite, afin que les instances dirigeantes nouvellement installées puissent à leur tour désigner avec célérité le personnel d'appui de l'institution324(*).

En héritant du personnel de l'ex Comité, la CNDHL obtient, numériquement, d'un personnel insuffisant et qui en plus ne correspond pas aux critères de désignation prescrits par la nouvelle législation. La nécessité de prises de mesures par les autorités compétentes est donc urgente et mérite d'être exacerbée pour aboutir à une véritable protection des droits fondamentaux par la nouvelle institution nationale compétente dans ce domaine sensible. Il y va du traitement des requêtes qu'elle sera amenée à connaître et des cas de son auto-saisine. La volonté des pouvoirs publics est, à cette fin, le garant de la mise en place effective de la CNDHL. Une volonté qui a été critiquée à bien des égards, vu le manque d'initiative des interpellés et le manque de considération affiché à l'égard des membres de l'ex Comité.

Ces derniers en accomplissement de leurs attributions visant à solliciter des autorités administratives des présentations de documents ou à visiter des lieux de détention, se sont souvent vus opposer des fins de non-recevoir. Un exemple est donné par Mme ETONGUE MAYER de la séquestration de membres de l'ex Comité par des éléments de la gendarmerie du Lac, un quartier administratif de Yaoundé, la capitale camerounaise.

On en vient à se demander si de telles pratiques disparaîtront avec la substitution de plein droit opérée entre l'ex Comité et la CNDHL. Les pouvoirs publics et les individus au sein de la société camerounaise auront-ils plus de considération pour les membres de la CNDHL ? On ne peut qu'appeler de nos voeux une plus grande implication des pouvoirs publics dans l'activité de l'institution nationale de protection des droits fondamentaux, ce qui conduira inévitablement à une collaboration plus efficace entre ces différents acteurs de la protection des droits dans l'ordre juridique camerounais.

La période transitoire sera aussi une période test de l'autonomie financière de la CNDHL. Si avec l'ex Comité on a pu décrier la dépendance créée par les pouvoirs publics, cette période permettra de scruter les agissements, les décisions prises en vue d'allouer les ressources matérielles nécessaires au fonctionnement de la CNDHL.

La célérité dans la mise en place des différents organes de la CNDHL est le gage que les pouvoirs publics peuvent donner d'une véritable et irrévocable volonté de faire protéger les droits par cette institution conformément aux Principes de Paris. Or, quand on pose le constat que dans l'ordre juridique camerounais nombre d'institutions ont souvent été mises en place de façon très tardive, on est en droit d'être inquiet pour la CNDHL.

En sus de cette institution, d'autres mécanismes non juridictionnels participent également à cette dynamique de protection des droits au Cameroun. Mais, ils se singularisent en ceci qu'il leur est attribué un secteur de la vie sociale dans lequel ils se doivent de protéger les droits. Ce sont les mécanismes de portée sectorielle.

PARAGRAPHE 2.- LES MECANISMES DE PORTEE SECTORIELLE

Ils sont prévus dans divers secteurs tels que la Fonction publique, l'énergie électrique, mais nous nous intéresserons ici aux secteurs des élections et de la communication. Le premier (A) est dévolu à la compétence d'un organe de contrôle, l'Observatoire national des élections (ONEL), tandis que le second (B) relève de la compétence du Conseil national de la communication (CNC).

A.- Le secteur des élections : la garantie des droits électoraux par l'Observatoire national des élections (ONEL)

L'élection est l'unique mode de dévolution du pouvoir dans tout système qui se réclame de la démocratie. Elle est une période charnière de la vie politique de tout Etat pendant laquelle le citoyen exerce l'un de ses droits constitutionnellement reconnus, le droit de vote, et un autre de ses attributs non moins importants, la liberté de candidature. Le Cameroun se veut un Etat dans lequel ces libertés fondamentales sont reconnues au citoyen et dans lequel un contentieux peut être ouvert à la suite des consultations électorales. Ce contentieux est au premier abord un contentieux complexe, car assorti de multiples spécificités.

D'abord, il faut relever la diversité des lois électorales en vigueur au Cameroun et spécifiques à tel ou tel type d'élection325(*). Ensuite, la diversité des organes intervenant tout au long du processus électoral et qui sont des instances non juridictionnelles et juridictionnelles326(*). C'est cette organisation du processus qui a le plus souvent été à l'origine des contestations relatives aux différents scrutins organisés depuis la réintroduction du multipartisme au Cameroun. Les partis politiques de l'opposition, les observateurs de la scène politique estiment que l'administration, qui organise les opérations électorales au Cameroun, a la main mise sur celles-ci et les influence dans l'intérêt du pouvoir en place. L'indépendance et l'impartialité des différentes structures participant au processus électoral étaient ainsi fortement remises en cause.

Dans ce contexte de crise de confiance à l'égard des organes traditionnels devant assurer la régularité des élections au Cameroun, le législateur crée le 19 décembre 2000, par une loi n° 2000/016, une structure sensée apporter un souffle virginal au processus électoral, l'Observatoire national des élections du Cameroun (ONEL). Ce texte est d'emblée perçu comme « un énième monument d'illusionnisme normatif et de remplissage institutionnel »327(*) qui institue une structure « mort-née ». C'est que l'ONEL naît alors qu'aucun consensus entre le gouvernement et l'opposition sur la structure à retenir n'est observé, pas plus qu'on observe une participation de la société civile à cette édification d'une structure sensée garantir la sincérité des scrutins au Cameroun328(*). Cette institution reçoit alors un accueil mitigé auprès des milieux politiques, en raison de l'ambiguïté de son statut et de sa structuration (1), mais surtout des difficultés liées à sa mission dans le processus électoral camerounais (2).

1.- Le statut et la structuration de l'ONEL

La loi n° 2000/016 du 19 décembre 2000 crée l'ONEL sensé garantir à tous les citoyens, électeurs comme acteurs politiques, la sincérité et la transparence des scrutins. Or, de l'avis de M. OLINGA, « une institution est charpentée en fonction de l'idée d'entreprise qui lui sert de boussole, de principe actif et de régulateur. Entre l'idée d'oeuvre et la structure de la faire accéder à l'effectivité, il y a une relation dialectique forte :l'idée n'est rien sans une institution de concrétisation adaptée, l'institution n'est rien sans une idée qui lui insuffle une âme »329(*). S'agissant du statut de l'ONEL, on peut être amené à penser que l'idée pionnière était d'en faire une structure autonome de l'administration.

L'article 1er de la loi est à cet égard révélateur puisqu'il énonce qu'il est institué une structure indépendante330(*) chargée de la supervision et du contrôle des opérations électorales et référendaires, dénommée ONEL. C'est l'article 3 en ses alinéas 1 et 2 qui énonce la durée du mandat de l'institution qui débute dès la convocation du corps électoral et s'achève une fois les résultats proclamés, soit par la Commission Communale de Supervision (CCS) pour les élections locales, soit par le Conseil constitutionnel pour les élections nationales331(*).

Cependant, quand on s'attarde sur sa dénomination, l'institution est un observatoire, c'est-à-dire, selon les termes de M. OLINGA, « une structure de vigilance de l'ensemble du processus électoral, avec un rôle de rassemblement de l'information utile à transmettre aux décideurs, à l'effet d'éclairer leurs décisions et démarches futures »332(*). Sa nature juridique dans l'ordre juridique camerounais est dès lors évidente, c'est un organe consultatif qui de par sa structuration officie comme une juridiction, car pouvant connaître des réclamations non examinées au niveau des commissions mixtes de supervision. Le problème de l'indépendance de l'institution semble alors se poser avec acuité, un problème qui aura un impact évident sur la conduite de sa mission.

De l'avis des membres de l'opposition camerounaise, l'ONEL ne peut qu'être une structure inféodée au pouvoir en place au regard de l'autorité qui nomme les membres, de l'origine des moyens qui lui sont alloués et de son mandat.

Au regard de la structure de l'ONEL, qu'elle soit centrale ou déconcentrée, aucun rattachement formel à une autre structure de l'Etat n'est observé, ce qui dénote d'une relative autonomie vis-à-vis de toute structure étatique. Cependant, l'ensemble des membres est nommé de façon discrétionnaire par le président de la République, même lorsque ce dernier est candidat à sa propre succession, ce qui est critiquable et pour le moins incohérent. Une garantie est toutefois offerte aux membres relativement à leur mandat, car celui-ci court tout au long de celui de l'institution et qui plus est, ils sont inamovibles. Mais, ainsi que le relève M. OLINGA, ils n'ont aucune garantie de retrouver leur poste à la prochaine mise en place de l'institution333(*).

Le pouvoir discrétionnaire du président de la République sur l'institution est prépondérant, car il peut nommer, selon son bon vouloir, des membres pour telle année électorale qui ne seront pas reconduits lors de la mise en place prochaine de l'institution. N'ont-ils pas ainsi intérêt à oeuvrer pour la stratégie mise en place par le pouvoir en place afin d'espérer être reconduits à leur poste ?

Les membres de l'ONEL bénéficient d'immunités pour les opinions ou actes commis dans l'exercice de leurs fonctions et il est prévu un certain nombre d'incompatibilités à l'exercice de celles-ci ce qui en principe est susceptible de renforcer l'indépendance de la structure. Toutefois, certaines incohérences de la loi de 2000 remettent en cause cette autonomie de l'institution.

Sur les plans financier et matériel, la totalité des moyens mis à la disposition de l'ONEL viennent de l'Etat. Son budget est inséré dans le budget général de l'Etat, ce qui a conduit M. OLINGA à écrire que « l'Etat maîtrise intégralement les moyens de l'indépendance de l'ONEL »334(*). L'institution n'a pas la possibilité de s'autofinancer ou de procéder à des appels de fonds étrangers à ceux de l'Etat camerounais335(*) et les indemnités allouées à ses membres ainsi que les frais de mission qu'ils perçoivent sont accordés sur des conditions fixées par décret, « du président de la République vraisemblablement », précise M. OLINGA336(*).

Si dès lors, on peut effectivement admettre que le président de la République a un pouvoir important en ce qui concerne la nomination des membres de l'ONEL et que l'Etat est le principal bailleur de fonds de l'institution, on est amené à penser que l'ONEL doit par son propre engagement et des actions concrètes bâtir progressivement son indépendance. Elle a eu à le faire, au demeurant, en s'acquittant de sa mission lors de certaines consultations électorales.

2.- L'ONEL et sa mission de garant des droits électoraux

C'est l'article 2 de la loi de 2000 qui éclaire sur la mission de l'ONEL. Celle-ci, aux termes de cette disposition, est de « contribuer à faire respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, l'impartialité, l'objectivité, la transparence et la sincérité des scrutins, en garantissant aux électeurs, ainsi qu'aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits ». L'ONEL qui se greffe aux différentes structures existant déjà dans le processus électoral, devrait s'assurer que l'ensemble de ces structures font ce que les textes prévoient. Pour M. SIETCHOUA, il ne fait « que s'ajouter, par sédimentation, au dispositif électoral existant déjà... »337(*).

L'ONEL a ainsi une mission de supervision et de contrôle de l'ensemble du processus électoral et ses pouvoirs d'action sont sensés lui permettre de mener à bien cette mission. Il a, à cette fin, des pouvoirs d'injonction aux autorités administratives en vertu de l'article 12 alinéa 2 de la loi de 2000 et peut même saisir les juridictions compétentes en matière de contentieux électoral dans les cas de violation de la loi électorale. Lors des élections municipales et législatives du 30 juin 2002, l'ONEL a aidé à signaler de graves irrégularités qui ont justifié l'annulation des élections dans le département du Nkam en vertu de l'article 12 alinéa 3 de la loi de 2000338(*).

L'institution a aussi la possibilité de saisir le procureur de la République et soutenir les poursuites en cas d'infraction à la loi pénale relative aux élections. Or, comme le remarque à juste titre M. OLINGA, en l'état actuel du droit électoral camerounais, « ce chantier pénal en matière électorale reste encore en friche »339(*). Ce qui est fort regrettable dans un Etat où les requêtes en contentieux électoral s'analysent le plus souvent sur le terrain des infractions à la loi électorale. L'Etat camerounais gagnerait à sanctionner véritablement ces infractions, par l'instauration d'un véritable droit répressif électoral.

Du reste, l'ONEL a, malgré ces difficultés, des actions dans le domaine de la protection des droits électoraux des citoyens camerounais. Ainsi, afin de remplir à bien sa mission de supervision et de contrôle des opérations électorales au Cameroun, l'ONEL, pour la sincérité du double scrutin du 30 juin 2002, avait demandé et obtenu que les bureaux de vote ne soient pas installés dans des domiciles privés340(*). Il a pu se déployer sur l'ensemble du territoire national, recruter des délégués pour le jour du vote et a véritablement procédé à une campagne d'information à l'attention du public341(*), participant à n'en point douter à un contrôle strict de la transparence du scrutin et partant, de la sincérité du vote des électeurs camerounais.

Mais, si l'ONEL veut participer à la construction d'un processus électoral crédible au Cameroun, il doit pouvoir, de l'avis de M. BEDJOKO MBASSI, « être une structure permanente, dotée de moyens propres en vertu d'une loi votée par le Parlement. Une telle autonomie, poursuit-il, le conduirait non seulement à être indépendant vis-à-vis du pouvoir, mais à intégrer dans son programme la formation de cadres électoraux indépendants et du personnel de soutien, immédiatement opérationnels, une fois que les circonstances l'exigent »342(*).

Ces différents critères lui permettront d'acquérir son autonomie et de pouvoir former son propre personnel qui serait ainsi rompu aux complexités de la chose électorale. Mais, la transparence des consultations électorales, qui voient la consécration du principe « un électeur, une voix », passe au Cameroun par une nécessaire implication de tous les acteurs concernés par le processus électoral : les électeurs, les candidats, l'administration qui organise les élections, les commissions mixtes à caractère non juridictionnel, les juridictions compétentes en matière de contentieux électoral, l'ONEL, pour ne citer que ceux-là. Elle nécessite aussi, à notre avis, une relecture par le juge constitutionnel des différentes lois électorales en vigueur et qui ne lui ont pas été déférées, afin que soient expurgées de l'ordre juridique les normes non conformes à la loi fondamentale. En effet, celles-ci contribuent grandement à fausser la compétition électorale et partant de là violent les droits fondamentaux des citoyens.

Il est à noter toutefois que de toutes les différentes structures de vigilance du processus électoral, l'ONEL est la seule composée de personnalités indépendantes. Il lui revient donc d'écrire ses lettres de noblesse à chaque fois que l'occasion lui est donnée, notamment lors des différentes consultations électorales et pourquoi pas en dehors, en se forgeant par-là un caractère de quasi-permanence. Cette caractéristique de permanence est tout de même affectée à certains autres mécanismes qui interviennent dans la protection des droits dans d'autres secteurs, c'est le cas du Conseil national de la communication.

B.- Le secteur de la communication : le Conseil national de la communication (CNC)

Avec le retour au pluripartisme et la reconnaissance d'un certain nombre de droits aux citoyens suite à leurs revendications, les pouvoirs africains ne pouvaient faire fi d'une libéralisation du secteur de la presse qui avait longtemps été bâillonné. De l'avis du Pr VIGNON, « l'importance attachée à la liberté de la presse s'explique sans doute par sa position de liberté essentielle assurant la défense avancée de bien d'autres libertés »343(*). Elle permet de forger une conscience dans l'Etat, et sert de moyen essentiel d'information, et le cas échant, de dénonciation sur les dérives au sein d'un Etat. La liberté de presse est ainsi, au sens ou l'a jugé le Conseil constitutionnel français, « une liberté de premier rang, c'est-à-dire, une liberté fondamentale dont dépendent toutes les autres libertés individuelles ; elle est la condition nécessaire des autres »344(*).

Au Cameroun, en plus de sa constitutionnalisation, elle est régie par la loi n°90-052 du 19 décembre 1990 relative à la liberté de communication sociale modifiée et complétée par la loi n° 96-04 du 4 janvier 1996345(*) dans le cadre duquel elle s'exerce. Cette législation se veut plus propice à l'expression des libertés de la presse et de la communication sociale dans la société camerounaise, autrefois caractérisée par un encadrement strict de celles-ci. C'est ainsi qu'elle abroge la censure administrative au profit du contrôle a posteriori par le juge. Elle institue du reste en son article 88 un Conseil national de la communication (CNC) dont l'organisation et le fonctionnement sont déterminés par le décret n° 91/287 du 21 juin 1991.

Cette structure est cependant loin d'être assimilable à des institutions chargées de garantir la liberté de la presse telles que les Hautes autorités de l'audiovisuel et de la communication (HAAC) au Bénin et Togo. Alors que celles-ci sont généralement des autorités à caractère quasi juridictionnel, le CNC camerounais se singularise par une inféodation aux pouvoirs publics, ce qui consacre une inaptitude à garantir la liberté de la presse aux citoyens camerounais. Toutefois, cette inaptitude doit être dépassée par la recherche de moyens en vue d'améliorer le système actuel de protection de ce droit fondamental.

Aux termes de l'article 1er alinéa 1 du décret n° 91/287, « le Conseil national de la communication est un organe consultatif placé auprès du Premier Ministre, chef du Gouvernement, en vue d'assister les pouvoirs publics dans l'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi de la politique nationale de communication ». Cette disposition informe sur la nature juridique du CNC qui n'est rien moins qu'une structure de consultation, habilitée à émettre des avis. Ces avis ne sauraient s'imposer aux pouvoirs publics, en l'occurrence le Premier Ministre, qui est libre d'en tenir compte ou pas. Cette portée insuffisante des ``décisions'' d'un organe sensé garantir un droit aussi important que la liberté de communication sociale peut surprendre. Mais lorsque l'on se place dans le contexte de la création de la structure, le début des années 1990, on comprend que les décideurs n'ont pas voulu octroyer au CNC des attributions qu'ils ne pourraient par la suite contrôler.

La composition et les ressources du CNC suscitent également des difficultés. En effet, des différentes personnes qui doivent composer l'institution, aucune ne perçoit une rémunération, les fonctions étant gratuites, au sens de l'article 3 du décret n° 91/287. On peut remettre en cause la motivation qui animera ces membres dans l'exercice de leurs fonctions, même s'ils perçoivent des indemnités de session. Qui plus est, lesdites indemnités ainsi que les fonds alloués à la structure proviennent essentiellement des contributions de certains acteurs du secteur de la communication, des dons et legs. On peut le noter, même s'il est fortement soumis à la tutelle de l'Etat pour ses ressources matérielles, le CNC peut construire son autonomie financière en collaboration avec des partenaires nationaux ou internationaux. Il lui revient donc de faire preuve d'un certain dynamisme en la matière.

Simple organe consultatif, le CNC n'en a pas moins des attributions sur lesquelles elle ne peut qu'émettre des avis et recommandations dont on peut poser le problème de la portée.

Aux termes de l'article 4 du décret de 1991, ces avis portent sur la politique générale de communication sociale et les rapports du Gouvernement relativement aux dossiers de demande de licence d'exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle, à la répartition des fréquences et à toutes les autres matières fixées par les lois et les règlements. Or, c'est l'alinéa 2 du même article qui institue le CNC comme ``gardien de la liberté de communication sociale'' sur le plan non juridictionnel.

En effet, le CNC se doit, en période électorale, une période sensible de la vie politique d'un Etat, de veiller au respect de l'égalité d'accès aux médias. Or, comme se le demande M. BEDJOKO MBASSI, s'agissant du cas camerounais, « faut-il rappeler que le temps d'antenne réparti entre les candidats (pendant cette période) s'est toujours fait sur une base inégalitaire » ?346(*) Et cette interrogation en appelle une autre, « que fait à ce propos le CNC » ?

Rien, serait-on tenté de répondre. Pour M BEDJOKO MBASSI, traiter des atteintes au droit électoral au Cameroun revient à montrer le caractère subtil que celles-ci revêtent s'agissant de la gestion de l'accès des partis politiques aux médias publics347(*). Le Pr NLEP évoquait déjà cet aspect relativement à cette gestion lors de l'élection présidentielle de 1992. L'exécutif avait par deux textes réglementaires amorcé une édification de la gestion de l'accès aux médias publics : le décret n° 92/030 du 13 février 1992 portant accès des partis politiques aux médias officiels de service public de la communication et l'arrêté n° 005/MINCOM du 24 septembre 1992 fixant les conditions de production, de programmation et des émissions relatives à la campagne en vue de l'élection du 11 octobre 1992. C'est ce dernier texte qui prévoyait que les litiges nés de l'interprétation ou de l'application du texte devaient être déférés sans délai par les candidats ou les partis devant le CNC dont la décision pouvait faire objet d'un recours devant le juge.

Le CNC semblait ainsi être une juridiction de premier degré, dont les décisions étaient susceptibles de recours. Or, dans cette mission qui lui est expressément confiée de veiller à l'égalité d'accès aux médias lors de la période électorale, le CNC brille par son laxisme. A titre d'exemple, lors du double scrutin, municipales-législatives, du 30 juin 2002, ce principe de l'égalité d'accès a été ignoré et les grands partis ont accaparé les antennes des médias publics, au détriment des petites formations politiques348(*). Les partis ont ainsi accès aux médias selon leur poids politique et le parti au pouvoir à ce jeu, est le mieux loti.

L'indépendance du service public de la communication que le CNC se doit aussi de garantir est alors ignorée, les médias publics étant les relais essentiels de la propagande du pouvoir en place. C'est que le Ministre en charge de la communication (MINCOM) qui à chaque élection prend un arrêté relatif à la gestion de l'accès aux médias publics « ne peut justifier d'un maximum de liberté d'action, de neutralité et d'impartialité », écrit M. BEDJOKO MBASSI349(*). Et il ajoute qu' « il aura (naturellement) comme premier souci de favoriser le parti auquel il appartient »350(*).

Le CNC, dans ces conditions, semble être plus un auxiliaire des autorités en place sur lesquelles il n'a aucun pouvoir et est donc inapte à protéger la liberté de communication sociale. On ne peut alors qu'appeler au Cameroun à une refonte du texte organisant cet organe, afin de le rendre plus autonome et par voie de conséquence plus apte à s'acquitter des attributions qui lui sont dévolues, à l'exemple de la HAAC au Bénin et du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) français.

Le rôle du juge ne pourra qu'être un appui à cette réalisation concrète d'une liberté de communication propre à parachever l'édification d'une culture démocratique et des droits fondamentaux dans la société camerounaise. Cette dernière, par le biais de l'opinion publique, des associations de promotion et de défense des droits fondamentaux instituées par les citoyens, se doit aussi de participer à cet enracinement de l'Etat de droit au Cameroun.

SECTION II : L'EMERGENCE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX

La période des mouvances démocratiques du début des années 1990 a été marquée par les luttes de différents acteurs dans la société camerounaise tels que les formations politiques nouvellement admises, les intellectuels, l'``homme de la rue'' qui ont participé à ce vaste mouvement351(*). Cette année constitue aux dires du Pr POUGOUE, « une date historique dans l'affirmation urbi et orbi des droits de l'homme au Cameroun »352(*). Elle voit la promulgation d'une nouvelle législation plus libérale et favorable aux droits fondamentaux. La loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 fait partie de ces lois et instaure le cadre juridique novateur dans lequel s'exerce la liberté d'association consacrée dans la Constitution camerounaise. L'article 1er alinéa 1er de cette loi dispose à cet effet : « la liberté d'association proclamée par le préambule de la Constitution est régie par les dispositions de la présente loi ».

A partir de cette période, les associations foisonneront donc dans la société camerounaise, mais avec l'obligation de se conformer à la réglementation en vigueur. Réglementation qui se fera encore plus ouverte au principe associatif avec la loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 sur les organisations non gouvernementales (ONG). Le poids de ces associations dans la société camerounaise se fait ainsi plus visible, car elles interviennent dans de multiples domaines de la vie socio-économique de l'Etat, parmi lesquels celui de la promotion et de la protection des droits fondamentaux.

Elles peuvent devenir des alarmes au sein de l'Etat et même constituer de véritables groupes de pression comme c'est le cas dans les pays développés. C'est que l'opinion publique reçoit et a, depuis de nombreuses années, cette possibilité de remettre en cause le pouvoir en place, si ce dernier est attentatoire aux droits fondamentaux. La Déclaration française des Droits de l'Homme et du Citoyen n'affirme t-elle pas, en son article 2, que « la résistance à l'oppression fait partie des droits naturels et imprescriptibles de l'homme » ?

En Afrique, si ce moyen de lutte est reconnu au peuple lorsqu'il constate que ses droits fondamentaux sont violés, et même dans certains cas constitutionnalisé, au Cameroun, il n'y a aucune référence à cette possibilité. Le peuple n'a alors d'autre solution, pour faire entendre sa voix, que de se regrouper en un vaste ensemble d'organisations constitutives de la société civile. Cette dernière est entendue par J. C. ALEXANDER comme « une sphère de solidarité au sein de laquelle une certaine forme de communauté universalisante se définit peu à peu et atteint un certain degré de consolidation »353(*).

C'est dire que la société civile est un vaste conglomérat d'associations et d'individus qui se doit de créer un capital confiance au sein de l'Etat et vis-à-vis de ceux qu'elle entend représenter. C'est à cette fin que la société civile camerounaise qui est constituée par une mosaïque d'associations, de personnes indépendantes des pouvoirs publics, du clergé, des professeurs d'universités, d'étudiants et des simples citoyens émerge dans le cercle des droits fondamentaux. Cependant, on peut constater qu'elle participe d'un rôle plus promotionnel que protecteur à l'égard desdits droits (Paragraphe 1). En effet, dans ses différents domaines d'intervention, elle se signale par une promptitude à participer à l'édification d'une culture des droits fondamentaux dans la société camerounaise. Cette émergence dans le cercle de droits fondamentaux laisse apparaître des limites fortes (Paragraphe 2) qui contribuent à affecter la portée des actions des organisations de la société civile camerounaise.

PARAGRAPHE 1.- UN ROLE PLUS PROMOTIONNEL QUE PROTECTEUR

L'intervention des organisations de la société civile camerounaise se fait dans plusieurs domaines : la santé, l'éducation, l'émancipation et la protection des femmes, l'environnement, les droits de l'homme et le renforcement de la démocratie, le développement, les études, la recherche, la jeunesse. Ces domaines recèlent une pléiade de sous-thèmes et aspects sur lesquels ces organisations portent aussi leur attention. Cependant, s'il est évident que sur le terrain des droits fondamentaux les organisations de la société civile se manifestent, cette action voit l'affirmation du rôle de promotion de ces organisations (A). Sous un autre angle, la quasi inexistence du rôle protecteur est alors observé (B).

A.- L'affirmation du rôle de promotion des mécanismes de la société civile camerounaise

La promotion des droits fondamentaux suppose un ensemble d'actes afin d'empêcher les violations des droits. Ces actes s'entendent de campagnes d'éducation aux droits fondamentaux telles que la connaissance des différents instruments relatifs aux droits, l'information des protagonistes des droits fondamentaux, par exemple. La promotion a un but essentiellement préventif. Les organisations de la société civile camerounaise usent, pour ce faire, de différentes méthodes. L'un de ces moyens consiste à peser sur l'Etat camerounais, à faire pression sur lui, afin que les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits humains soient connus de tous. Ces instruments font partie du corpus juridique camerounais et il est donc nécessaire par des campagnes de vulgarisation, de les porter à la connaissance des citoyens.

C'est dans ce domaine que s'illustre l'Ecole Instrument de Paix (EIP)-Cameroun, une branche de l'association mondiale, l'Ecole Instrument de Paix. Elle est, aux dires d'une de ses adhérentes, « une ONG qui oeuvre dans la promotion des droits de l'homme et à leurs enseignements dans les établissements du primaire et du secondaire »354(*). La promotion des droits humains passe par des séminaires de formation à l'endroit des citoyens, des causeries éducatives qui s'adressent le plus souvent aux jeunes et des activités pédagogiques adaptées. Mais, cette organisation de la société civile camerounaise oeuvre aussi à une formation aux droits fondamentaux des enseignants des établissements secondaires de l'Etat. En effet, ainsi que l'espère Mme MOTO ZEH, « notre objectif à long terme est d'amener les pouvoirs publics à intégrer dans notre système éducatif l'enseignement des droits de l'homme comme une matière »355(*). Ce type d'actions est aussi utilisé par d'autres organisations de la société civile, même si elles ne concernent pas le secteur scolaire.

C'est ainsi que le Groupe d'Etudes et de Recherche sur la Démocratie, le Développement Economique et Social (GERDDES), section camerounaise, s'illustre dans le domaine des droits fondamentaux. Il se donne comme buts, d'approfondir la réflexion sur la promotion et la consolidation de la démocratie, de défendre les droits du citoyen, de rappeler constamment les devoirs liés au statut de citoyen et de défendre les droits des minorités et des réfugiés356(*).

Le GERDDES est un groupe d'intellectuels et entend être « une ONG de lutte pour une démocratisation réelle, pour l'effectivité des droits de l'homme et pour le développement économique et social » au Cameroun357(*). A ce titre, il réalise souvent des études dans les différents domaines de sa compétence, dont il fait même des publications. Il organise également des séminaires et colloques pour permettre la vulgarisation des droits fondamentaux dans la société camerounaise et procède parfois à la distribution de certaines brochures pour conduire à la connaissance par les citoyens de leurs droits électoraux. C'est ainsi qu'elle a produit un guide de l'observateur électoral et des scrutateurs qui renseigne sur les tâches et missions de ces catégories d'acteurs du processus électoral au Cameroun358(*). Elle a également produit un guide de l'électeur, « un document qui contient des informations abécédaires sur l'acte électoral, à l'adresse de l'homme de la rue »359(*).

De par ces actions, qui toutes relèvent du domaine de la promotion des droits fondamentaux dans la société camerounaise, le GERDDES veut contribuer, à l'instar de nombreuses autres organisations de la société civile, à l'enracinement de la démocratie et de la culture des droits fondamentaux au Cameroun.

Mais toutes ces actions, pour promotrices qu'elles soient des droits fondamentaux, dénotent de l'absence d'un véritable rôle de protection des droits par les organisations de la société civile camerounaise.

B.- La quasi-inexistence du rôle de protection

La protection des droits fondamentaux suppose la restitution de l'ordre des choses quand il est dérangé par un acte attentatoire des droits fondamentaux. Elle a un but essentiellement curatif et constitue un ``continuum'' de l'activité de promotion. Les organisations de la société civile ont généralement dans un Etat deux types d'obligations qui rendent compte de leur rôle dans l'Etat. D'une part, l'obligation de vigilance et d'autre part, l'obligation d'action.

L'obligation de vigilance suppose la surveillance, l'attention à l'endroit des supposés violateurs des droits fondamentaux, principalement, les pouvoirs publics. Elle se traduit par l'examen des mesures mises en oeuvre par ceux-ci dans la gestion des affaires publiques, c'est-à-dire la connaissance des différents projets concernant les droits fondamentaux, des mesures de politique publique ayant une incidence sur la vie des citoyens, etc.

L'obligation d'action quant à elle est la conséquence de la première obligation. Elle suppose qu'une fois que le danger de violation d'un droit fondamental est avéré, les organisations de la société civile se mettent en branle pour le contrecarrer.

Au Cameroun, les organisations de la société civile se confinent généralement à ce rôle de vigilance, qui ne se traduit pas en aval par la prise de mesures concrètes ou d'actions en vue d'éradiquer ou de dénoncer une violation. Si souvent on peut noter des actions sporadiques360(*), elles ne sont pas légion dans la société camerounaise. En effet, loin du contexte du début des années 1990, la dynamique revendicatrice des organisations de la société civile semble s'être essoufflée. En témoigne ce propos d'un magistrat camerounais qui, à propos de l'action de la société civile et les conditions des détenus, s'insurge qu' « en l'état actuel du droit positif camerounais (...) aucune décision n'est connue sur une plainte par la société civile »361(*).

Exemple peut aussi être pris de l'attitude laxiste de l'association pour la protection des consommateurs camerounais. Lorsque l'on sait que depuis la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, les prix des produits de première nécessité, ainsi que les prix de la consommation en eau, électricité, produits pétroliers subissent de constantes augmentations dans l'Etat camerounais, on ne peut que déplorer une action limitée à la simple verve oratoire.

De même, il est regrettable qu'aucune organisation de la société civile ne s'investisse dans la protection des droits fondamentaux à l'instar d'une ligue des droits de l'homme comme il en existe au Bénin. Une organisation parallèle à la CNDHL qui, devant les carences que celle-ci peut présenter, ne pourra qu'imprimer son empreinte sur ce terrain sensible de la protection des droits.

Au demeurant, si les organisations de la société civile au Cameroun participent plus de la promotion des droits fondamentaux qu'à leur protection stricto sensu, c'est en grande partie dû aux limites non négligeables qui entravent leur action.

PARAGRAPHE 2.- UN ROLE FORTEMENT LIMITE

En élaborant les législations qui permettent les regroupements des individus en associations ou en ONG, il n'est pas clairement établi que le législateur camerounais ait voulu amputer celles-ci de leur portée la plus effective. Mais, il n'en demeure pas moins que des restrictions importantes existent vis-à-vis de la liberté associative (A) et contribuent à limiter le rôle de protection de la société civile camerounaise. D'autres facteurs inhérents à la société civile et extérieurs à elle participent aussi de cette limitation ; ce sont les obstacles structurels et conjoncturels (B).

A.- Les restrictions apportées à la liberté associative

Un cadre juridique adéquat est nécessaire à l'expression des droits fondamentaux et même de toute activité au sein d'un Etat. Cela est vrai tant dans le domaine politique qu'économique et même social. Selon Mme MPESSA, qui milite en tant que membre de l'Association camerounaise des femmes juristes, (ACAFEJ), « l'existence d'un climat porteur suppose un cadre juridique qui permet l'expression libre de la société civile ». Pour ce faire, poursuit-elle, « il faudrait une loi qui reconnaît leur existence (des organisations de la société civile) et prévoit un cadre pour structurer, financer et coordonner leurs activités. Ce qui n'est pas actuellement le cas dans notre pays » conclut-elle362(*).

Lorsqu'il consacre le droit fondamental pour les citoyens de s'associer, le constituant de 1996 laissait au législateur le soin de délimiter le cadre dans lequel ce droit s'exerce. Les lois prises dans ce sens font toutefois l'objet de vives critiques, car elles sont considérées comme des « méthodes de répression (...) sinueuses pour contrarier ou étouffer l'action des ONG »363(*). Elles donnent l'impression que l'Etat camerounais, pour reprendre les propos de M. de SARDAN, « essaie d'encadrer autant que faire se peut l'action qui se déploie sur son territoire »364(*).

Avec la loi n° 90/053, l'association au Cameroun est soumise à un double régime : celui de la déclaration et celui de l'autorisation. Le régime de la déclaration est privilégié lorsque dans la pratique toutes les conditions pour la constitution d'une association sont réunies et le pouvoir discrétionnaire de l'administration est ici atténué. Toutefois, les associations étrangères et religieuses sont soumises à un régime plus strict et relèvent du régime de l'autorisation365(*).

Une fois en activité, les associations sont sous contrôle administratif et judiciaire. Le contrôle administratif se fait pour veiller à ce que l'association exerce ses activités en conformité avec la législation en vigueur. Si ce n'est pas le cas, le Ministre de l'Administration territoriale (MINAT) peut, par arrêté, sur proposition motivée du préfet, suspendre pour un délai maximum de 3 mois, l'activité de toute association pour trouble de l'ordre public. Il peut également dissoudre toute association qui s'écarte de son objet et dont les activités portent gravement atteinte à l'ordre public et à la sécurité de l'Etat.

On peut craindre les dérives dans l'application de telles sanctions par l'administration, car la notion d' ``ordre public'' a un contenu fluctuant en droit camerounais. C'est ainsi qu'à titre d'exemple, l'administration avait suspendu l'association dénommée Comité d'action populaire pour la liberté et la démocratie (Cap-Liberté) le 13 juillet 1991, au prétexte que cette association de défense des droits humains s'était écartée de son objet en tenant de réunions politiques, alors qu'elle n'était pas un parti politique366(*). L'ordre public s'en trouvait donc fortement menacé. Cependant, l'administration camerounaise ne spécifie pas en quoi consiste le trouble d'ordre public, pas plus qu'elle ne définit l'ordre public367(*).

De plus, les atteintes à la législation sur la liberté d'association sont sanctionnées par le juge. Ce sont soit une peine d'emprisonnement allant de 15 jours à 6 mois, soit une amende de 100.000 à 1.000.000 FCFA pour les administrateurs d'associations étrangères fonctionnant sans autorisation. Les dirigeants d'une association religieuse qui se refusent à présenter des comptes et états financiers prévus à l'article 27 de la loi de 1990 risquent une peine d'emprisonnement allant de 6 mois a 2 ans. Le juge peut même, le cas échéant, ordonner la fermeture des locaux de l'association et interdire les réunions de celle-ci.

La liberté associative se trouve ainsi encadrée dans l'ordre juridique camerounais, ce qui a conduit un auteur à écrire que si elle « est une réalité (...) il ne fait pas de doute qu'elle reste en liberté surveillée »368(*). Et le régime du mouvement associatif n'a pas plus évolué avec la loi sur les ONG qui n'est rien moins qu' « une excroissance normative » de la loi sur les associations369(*).

Au travers de cette loi, « le législateur semble (...) s'être imposé le devoir à la fois de prendre en compte les revendications de la société civile organisée autour d'ONG et celui de poser un cadre juridique de contrôle et de stimulation des activités des ONG », souligne M. AMOUGUI370(*). Cependant, elle établit un statut pour ces organisations qui génèrent d'énormes difficultés.

Tout d'abord, pour accéder au statut d'ONG, il faut préalablement être une association déclarée ou autorisée, produire un rapport d'évaluations des activités de 3 ans au moins, ainsi que le programme d'activités dans l'un des domaines reconnus à l'article 3 de la loi de 1999371(*).

Le MINAT et les pouvoirs publics ont dès lors des prérogatives considérables aussi bien au niveau de l'organisation et du fonctionnement de l'ONG qu'au niveau de sa dissolution. C'est ainsi qu'alors que l'article 12 alinéa 1 de la loi de 1999 prévoit que les ONG s'administrent librement, la suite de la disposition impose le respect de la législation et des statuts.

Ces derniers doivent contenir les dispositions énonçant le mandat, les attributions et le régime de responsabilité du personnel dirigeant de même que les dispositions financières relatives aux ressources de l'organisation, l'exclusivité de leur affectation et le contrôle interne et externe qui fait intervenir les services publics compétents.

Ce régime strict appliqué aux ONG se poursuit avec la soumission aux règles de la publicité légale pour tous les actes qui influencent leur organisation et leur fonctionnement. Elles doivent en outre transmettre au MINAT tous les états et comptes ainsi que leurs rapports et programmes annuels d'activité dans un délai de 60 jours.

Le MINAT peut du reste, par arrêté, et après avis de la Commission technique, suspendre ou dissoudre toute ONG dont les activités s'écartent de son objet ou portent atteinte à l'ordre et à la sécurité de l'Etat, conformément à l'article 22 de la loi de 1999 comme c'est le cas pour les associations.

Au total, le régime appliqué aux ONG singularise et est révélateur d'un ensemble de restrictions à la liberté associative dans la société camerounaise. Pour M. AMOUGUI, cette législation camerounaise présente un caractère pour l'essentiel « ambigu mais surtout restrictif et coercitif »372(*). Elle ne permet pas de constituer un ``climat porteur'' favorable à un travail véritable des ONG, et partant des organisations de la société civile. Il conviendrait alors que les lourdes exigences administratives soient allégées, afin que les citoyens puissent par des mécanismes institués par eux-mêmes participer à la protection de leurs droits. Toutefois, d'autres pesanteurs se font sentir sur le travail des organisations de la société civile.

B.- Les contraintes structurelles et conjoncturelles à l'action des organisations de la société civile camerounaise

Ces contraintes s'entendent pour l'essentiel du manque de ressources en matériel et en personnel dont se plaignent bon nombre d'organisations de la société civile camerounaise, et des contraintes nées sur le terrain de la protection des droits dans l'Etat.

Les ONG et associations de la société civile accusent souvent une carence relativement au nombre de personnes utiles aux opérations de promotion et de protection des droits fondamentaux et à la formation même de ces personnes. Le manque de ressources financières est généralement visible, surtout pour les organisations qui ne sont pas des structures représentant des ONG ayant un rayonnement international. Or, comme le souligne à juste titre Mme NDINE MPESSA, « aucune action efficace ne peut être menée sans partenaires et sans moyens financiers »373(*). L'argent est effectivement le nerf de la guerre, surtout sur un terrain aussi sensible que celui de la promotion et de la protection des droits humains.

En effet, avec des ressources financières appropriées, les organisations de la société civile peuvent mener des campagnes de sensibilisation et d'éducation des citoyens aux droits fondamentaux et à la démocratie. Elles peuvent de plus mener bon nombre de descentes sur le terrain, dans les campagnes et pas seulement se confiner aux centres urbains de l'Etat camerounais.

Un autre aspect important est celui de la formation des membres des organisations aux droits fondamentaux qui peut être prise en compte, car ceux-ci « doivent se former eux-mêmes et acquérir leurs expériences pratiques sur le terrain », ainsi que le constate Mme MOTO ZEH374(*). En effet, les formations de ce type se font généralement hors des Etats africains et ont un coût onéreux qui n'est pas à la portée de tous. « Bénéficier d'une bourse n'est pas toujours évident, que ce soit des bailleurs des fonds internationaux ou des administrations publiques de tutelles », écrit en conclusion cette militante pour la protection des droits humains375(*). Il est alors possible de penser que ce manque de formation d'un personnel déjà insuffisant puisse constituer un véritable obstacle à la promotion et à la protection des droits par les organisations de la société civile. Comment sensibiliser d'autres individus à des aspects de droit que l'on ne maîtrise pas soi-même ? Tel est le problème qui se pose aux membres des organisations de la société civile camerounaise.

Pour ce qui est des contraintes rencontrées par les organisations sur le terrain pratique de la protection des droits, elles surviennent surtout du fait des résistances socioculturelles générées par les comportements et usages au sein de la société camerounaise. C'est ainsi, par exemple, que les organisations pour la protection des droits des femmes se heurtent souvent « au poids des systèmes socioculturels qui encouragent le mariage précoce des filles impubères (...) ; les mutilations génitales féminines (...) ; le patriarcat... »376(*). Ces attitudes sont autant de freins à l'activité des ONG en ce sens qu'elles contribuent à entretenir un statu quo dans la société et partant de là, cultivent un esprit réfractaire à l'émancipation et à l'ouverture aux droits fondamentaux.

En sus de ce genre d'obstacles, les organisations de la société civile se heurtent aussi à une certaine apathie des citoyens. Ces derniers qui devraient au premier abord être concernés par la problématique de la garantie des droits qui leur sont reconnus, font souvent montre d'un total désintéressement pour les initiatives en rapport avec lesdits droits. Ce qui met en exergue la problématique de leur représentation par les organisations de la société civile camerounaise. C'est ainsi que dans une étude sur ``la connaissance du processus électoral par la population camerounaise'' menée dans les villes de Douala et Bamenda au Cameroun377(*), Mme MENGUE arrive à la conclusion qu'un tel processus est totalement ignoré par une grande partie de la population de ces deux villes. Les initiatives menées, aussi bien par l'Etat que par les organisations de la société civile, pour les sensibiliser ne rencontrent pas un écho particulier dans ces franges de la population. Il en résulte un enracinement de certaines croyances378(*) qui rendent compte du découragement qui envahit le citoyen camerounais face à la situation politique et économique que connaît l'Etat.

Au total, l'activité des organisations de la société civile camerounaise tend pour l'essentiel à apporter aux citoyens une véritable culture et une ouverture aux valeurs de la démocratie et de l'Etat de droit. Mais, elle prête le flanc à un vaste ensemble de limites qui rendent compte de l'absence d'un rôle véritable de protection des droits par ces mécanismes. On en vient alors à reprendre à notre compte une interrogation de M. Janvier ONANA relativement à la société civile camerounaise, qui consiste à se demander si celle-ci ne constitue tout simplement pas une « pure illusion structurelle »379(*). En effet, bien que passablement structurée, l'insuffisance d'actions tangibles peut contribuer à rendre inopérationnelles et inconnues les organisations qui la composent. La société civile ne sera pas, en conséquence, perçue dans l'ordre juridique camerounais comme un véritable mécanisme mis à la disposition du citoyen pour garantir ses droits.

Une plus grande implication de ses organisations dans le domaine de la protection des droits fondamentaux serait primordiale, afin que les luttes commencées au début des années 1990 puissent produire les résultats bénéfiques que l'on espérait déjà à cette époque. L'instauration d'un véritable Etat de droit au Cameroun au sein duquel les droits reconnus sont garantis tant par les protecteurs juridictionnels que par ceux non juridictionnels, au rang desquels les mécanismes de la société civile est à ce prix.

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE

Au total, les mécanismes juridictionnels et non juridictionnels de protection des droits fondamentaux au Cameroun font montre d'une volonté en vue de favoriser la jouissance par les citoyens des droits qui leur sont reconnus dans l'ordre juridique camerounais.

En effet, grâce à leur action dynamique et volontaire, les juges des ordres administratif et judiciaire sanctionnent au quotidien les violateurs des droits fondamentaux. Cependant, multiples sont les écueils qui entravent l'exercice d'une action plus efficace. On peut recenser grosso modo, les entraves à une indépendance véritable des juges et des obstacles juridiques tels que la permanence de l'écran législatif dans l'ordonnancement juridique camerounais. Qui plus est, le juge constitutionnel ne participe pas à cette dynamique de protection des droits instaurée par les deux premiers juges, en raison des conditions draconiennes affectées au contrôle de constitutionnalité des lois au Cameroun, et qui ferme la porte du prétoire simple particulier.

Dès lors, les mécanismes juridictionnels se révèlent insuffisants pour assurer une protection effective et efficace des droits fondamentaux des citoyens. Mais, les mécanismes non juridictionnels qui se doivent de les compléter n'échappent pas eux aussi aux critiques relatives à leur indépendance structurelle, surtout s'agissant des autorités administratives indépendantes. Ces dernières semblent souvent plus être des excroissances du bras administratif, que des protecteurs des citoyens contre les pouvoirs publics.

Les citoyens n'ont plus alors d'autres solutions que se retourner vers les organisations de la société civile. Ces dernières, au Cameroun, semblent muselées du fait d'un encadrement de la liberté d'association dans l'ordre juridique camerounais. En outre, elles participent plus à un rôle de promotion que de protection des droits fondamentaux, ce qui conduit le plus souvent à les rendre totalement inconnues aux yeux de la majorité des citoyens camerounais.

CONCLUSION GENERALE

En pleine moitié de l'année 1990 qui devait constituer l'année charnière d'une ouverture à la démocratie libérale au Cameroun, M. Paul BIYA, président du Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC) et président de la République du Cameroun, donnait cette définition de la démocratie : « ...La démocratie, c'est avant tout la liberté.

· Liberté de la presse,

· Liberté d'opinion,

· Liberté d'expression,

· Liberté d'association,

· Elections libres.

(...) La démocratie se définit aussi par :

· L'indépendance de la magistrature,

· Le respect des droits de l'homme.

(...) La démocratie, c'est aussi :

· Le respect de la loi, car un peuple et un Etat ne sont forts que quand les lois sont fermes, appliquées avec rigueur et respectées par tous,

· La démocratie c'est aussi le respect des droits et des idées de l'autre,

· La réciprocité des obligations des uns vis-à-vis des autres ! »

Et il en concluait que « nous ne sommes pas si éloignés de nos idéaux de démocratie et de liberté, mais, nous devons toujours aller de l'avant et faire en sorte que ce qui est l'idéal se transforme en réalité... »380(*).

Indubitablement, démocratie, Etat de droit et droits fondamentaux sont un triptyque indissociable dans tout Etat qui se veut libéral et constituent l'idéal à atteindre en son sein. Les droits fondamentaux se doivent ainsi, dans toute société, d'être reconnus, respectés, mais surtout, protégés, afin que les citoyens puissent véritablement en bénéficier.

Au Cameroun, « en sommes-nous si éloignés » ? Pour reprendre le questionnement du président BIYA. Sommes-nous si éloignés d'une garantie fiable des droits fondamentaux devant aboutir à un véritable Etat de droit au sein de l'Etat camerounais ? La réponse ne doit pas prêter à équivoque. La garantie des droits fondamentaux existe au Cameroun, mais elle est imparfaite et demeure perfectible. S'il est vrai que beaucoup a été fait dans le sens de son édification, beaucoup reste également à faire pour qu'elle tende vers la perfection. En effet, elle est sujette à des limitations tant au niveau de la garantie matérielle que de la garantie pratique des dits droits.

Au niveau de la garantie matérielle, le Cameroun a résolument pris le chemin d'une législation largement favorable aux droits humains, ce qui a conduit le Pr POUGOUE à parler d'une avancée significative dans ce domaine381(*). C'est que les droits fondamentaux ont singulièrement influencé la législation camerounaise dans son ensemble, ce qui a conduit dans cet ordre juridique à une large consécration textuelle des droits au profit des citoyens. Les droits fondamentaux sont ainsi proclamés dans la constitution, dans divers textes législatifs et même réglementaires.

Toutefois, si cette garantie matérielle semble satisfaisante, des difficultés surviennent à ce stade. On peut par exemple relever l'hypothèse de la survenance de conflits entre des normes constitutionnelles, surtout entre certains droits fondamentaux des citoyens. De plus, la législation camerounaise fait une grande place à des situations d'exception au cours desquelles l'exercice des droits peut être mis entre parenthèses, et créer ainsi de multiples désagréments aux citoyens. Des dérives dans l'application de ces législations d'exception peuvent survenir et il est alors important que les droits soient protégés de manière convenable.

Pour bénéfique que puisse être la proclamation des droits, il est admis qu'isolée, elle ne peut suffire et doit être accompagnée de la protection de ceux-ci. C'est la phase de la garantie pratique. Cette dernière au Cameroun, recèle bien des insuffisances en ce qui concerne les mécanismes juridictionnels et non juridictionnels affectés à la protection des droits fondamentaux.

En ce qui concerne la protection juridictionnelle des droits fondamentaux, les limites essentielles résident dans les difficultés liées aux recours possibles devant les juges notamment administratif et constitutionnel, et dans la problématique du statut du juge camerounais.

Relativement au recours devant le juge administratif camerounais, la permanence de l'écran législatif dans cet ordonnancement juridique et la sévérité du juge concernant la règle du recours gracieux préalable sont les points d'ombre qui vicient la protection des droits par ce juge. Il convient que ces deux obstacles soient assouplis, sinon écartés afin que la liberté soit toujours le grand vainqueur face à l'arbitraire.

S'agissant du recours devant le juge constitutionnel, on peut regretter qu'il soit purement et simplement écarté à l'égard des particuliers, qui sont pourtant ceux qui souffrent quotidiennement des violations de leurs droits fondamentaux. Cette situation est fortement préjudiciable à la protection des droits dans l'espace juridique camerounais, car des lois inconstitutionnelles peuvent alors continuer de recevoir application au détriment des libertés des citoyens.

On ne peut qu'appeler de nos voeux l'introduction dans l'ordre juridique camerounais d'un recours direct par les particuliers devant le juge constitutionnel, garantie à n'en point douter essentielle pour une protection optimale des droits humains dans cet Etat.

De plus, l'aménagement d'un statut qui garantisse l'indépendance de la magistrature camerounaise ne peut qu'être tout aussi favorable à une protection pérenne des droits. En effet, le juge judiciaire ou administratif camerounais souffre cruellement du sentiment de ``vendu'', ``corrompu'' et ``dépendant'' présumé à son endroit. Il convient donc de l'en départir, au moins par cet aménagement.

Il lui reviendra par la suite, au moyen d'une jurisprudence constructive et propice à une émulsion saine des droits au Cameroun, d'écrire ses lettres de noblesse pour une protection juridictionnelle effective et efficace des droits fondamentaux dans cet espace juridique. Il en va de même pour les mécanismes non juridictionnels de protection de ces droits qui rencontrent également de multiples obstacles dans leur mise en oeuvre, qu'il s'agisse des autorités administratives indépendantes ou des organisations de la société civile.

S'agissant des autorités administratives indépendantes à portée générale et sectorielle, les contraintes structurelles et conjoncturelles qui pèsent sur elles, empêchent qu'elles participent de quelque façon que ce soit à la protection des droits fondamentaux des citoyens. La nouvelle Commission Nationale des Droits de l'Homme et des Libertés (CNDHL), le Conseil National de la Communication (CNC), et l'Observatoire National des Elections (ONEL) accusent encore le coup d'une dépendance de leurs différentes institutions vis-à-vis du pouvoir exécutif. Sans doute faudrait-il revoir, comme le préconise le Pr POUGOUE, « leur conception d'ensemble »382(*), afin de les rendre plus efficaces dans le domaine de la garantie des droits fondamentaux au Cameroun. Mais plus encore, il convient d'en appeler à la volonté politique des décideurs camerounais, afin qu'ils mettent en place des structures fiables, indépendantes et véritablement affectées à la construction d'un Etat camerounais soucieux de la liberté de ses citoyens.

En effet, ces citoyens affichent une certaine lassitude face à la situation politique et socio-économique que traverse leur pays, à tel point que la dynamique revendicatrice née au début des années 1990 est actuellement presque inexistante. Les organisations de la société civile peinent à être représentatives des différentes franges de la population camerounaise qui ne se reconnaissent pas en elles. Elles s'analysent plutôt, du point de vue de leur constitution, comme une «  illusion structurelle »383(*) et non pas comme des structures appelées à ``gérer la colère collective''384(*) des citoyens camerounais.

Dès lors, devant un tableau si peu flatteur de la garantie des droits fondamentaux au Cameroun, nous ne pouvons que constater la vérification de notre hypothèse de départ. En effet, eu égard aux différents obstacles relevés tant au niveau de la garantie matérielle des droits qu'au niveau de sa phase pratique, il faut poser le constat d'une grande faiblesse de ladite garantie. En conséquence, il convient alors de tirer les leçons des différents obstacles relevés et de s'atteler à les éradiquer par une volonté véritablement affichée des politiques. C'est cette volonté qui le plus souvent a fait défaut en Afrique, où les droits fondamentaux ont été depuis longtemps consacrés, mais le plus souvent violés aussi.

Il est nécessaire, afin que l'Etat de droit s'inscrive de façon pérenne dans l'espace juridique camerounais, que l'édification d'une culture démocratique de tous les citoyens prenne définitivement corps. Cette culture qui aura pour axiome de base les droits fondamentaux permettra de faire reculer les derniers bastions favorables à l'impunité, et à des fléaux sociaux tels que la corruption, le népotisme, autant de maux susceptibles de maintenir les Etats africains en général et l'Etat camerounais en particulier dans un état de ``sous-développement durable''.

Toutefois, tout n'est pas que sombre dans le ``ciel juridique camerounais''. Aujourd'hui en effet, il est possible de disserter sur la garantie des droits au Cameroun, chose qui n'était pas possible il y'a une quinzaine d'années dans un régime de parti unique. Un régime dans lequel les droits les plus élémentaires ne pouvaient être exercés par leurs titulaires, un régime qui vivait sous une constante législation d'exception qui restreignait au maximum les allées et venues des citoyens camerounais.

Au total, en l'état actuel de sa législation, le Cameroun a résolument pris le chemin d'un constitutionnalisme tourné vers les valeurs les plus sacrées de la démocratie libérale. Mais, ce constitutionnalisme nouveau est-il à même d'assurer la jouissance optimale par les citoyens de leurs droits fondamentaux et instaurer ainsi la mise en place d'un véritable Etat de droit ? Telle est la question qui nous interpelle dès à présent, afin que puissent être explorées les conditions les plus saines et les plus propices à l'avènement d'un Etat de droit stable et prospère, susceptible de jeter les bases d'un développement optimal des Etats africains dans leur ensemble et du Cameroun en particulier.

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18) TURPIN (Dominique).- Libertés publiques et droits fondamentaux, Paris, Ed. du Seuil, févr. 2004, 623 p.

19) VEDEL (Georges).- Droit constitutionnel, Paris, Sirey, 1949, 616 p.

20) WACHSMANN (Patrick).- Libertés publiques, 3e éd., Paris, Dalloz, 2000, 542 p.

21) YACOUB (Joseph).- Les minorités : Quelle protection ?, Paris, Desclée de Brouwer, 1995, 398 p.

OUVRAGES SPECIALISES

1) CAMBOT (Pierre).- La protection constitutionnelle de la liberté individuelle en France et en Espagne, Paris, Economica, Presses Universitaires Aix-Marseille, 1998, 513 p.

2) DELPEREE (Francis) (dir.).- Le recours des particuliers devant le juge constitutionnel, Paris, Economica, Bruxelles, Bruylant, 1991, 221 p.

3) FAVOREU (Louis) (dir.).- Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, Paris, Economica, Presses Universitaires Aix-Marseille, 1987, 540 p.

4) GENEVOIS (Bruno).- La jurisprudence du conseil constitutionnel, principes directeurs, Paris, Ed. Sciences et Techniques Humaines (STH), 1988, 401 p.

5) KUENGIENDA (Martin).- La protection des libertés publiques :comparaison des systèmes français et anglo-saxons, Paris, L'Harmattan, 2002, 348 p.

6) LUCHAIRE (François).- Le Conseil constitutionnel, 2e éd., Paris, Economica, 1998, 259 p.

7) LUCHAIRE (François).- La protection constitutionnelle des droits et libertés, Paris, Economica, 1987, 501 p.

8) RIVERO (Jean).- Le Conseil constitutionnel et les libertés, 2e éd., Paris, Economica, Presses Universitaires Aix-Marseille, 1987, 192 p.

9) ROBERT (Jacques).- Le juge constitutionnel, juge des libertés, Paris, Montchrestien, 1999, 181 p.

10) OLINGA (Alain Didier).- L'ONEL : Réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création d'un Observatoire National des Elections, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2001, 74 p.

ARTICLES

1) BADARA FALL (Alioune).- ``Le juge, le justiciable et les pouvoirs publics: pour une appréciation concrète de la place du juge dans les systèmes politiques en Afrique'', Actes des deuxièmes journées scientifiques du Réseau Droits fondamentaux de l'A.U.F., Les défis des droits fondamentaux, Extrait, 29 sept.-2 oct. 1999, Bruxelles, Bruylant, 2000, pp. 309-346.

2) BEGOUDE (Jean-Pierre).- ``La loi du 10 janvier 1997 contre la torture, un pas en avant dans la protection des droits de l'homme au Cameroun'', Juridis périodique n° 39, juil.-août-sept. 1999, pp. 77-88.

3) BOUKONGOU (Jean-Didier).- ``Indépendance du pouvoir judiciaire et la protection des droits de l'homme à la lumière de la jurisprudence constitutionnelle de la Cour Suprême du Congo'', Société africaine de droit international et comparé, Actes du neuvième congrès annuel, 4-6 août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, pp. 331-352.

4) BOURGI (Albert).- ``L'évolution du constitutionnalisme en Afrique'', Revue Française de Droit Constitutionnel, Paris, P.U.F., n° 52, oct.-déc. 2002, pp. 721-748.

5) BUTLER (Andrew), SCOFFONI (Guy).- ``Le système constitutionnel néo-zélandais et la protection des libertés (sur la difficile conciliation entre constitutionnalisme et common law britannique)'', R.F.D.C., Paris, P.U.F, n° 37, mai 1999, pp. 49-75.

6) DIAGNE (Mayacine).- ``La mutation fonctionnelle de la justice constitutionnelle en Afrique : l'exemple du Conseil constitutionnel sénégalais'', Société africaine de droit international et comparé, 4-6 août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, pp. 97-112.

7) DJUIDJE (Brigitte).- ``Le statut du juge judiciaire camerounais : un tableau contrasté'', Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques- Université de Dschang, Tome 3, Yaoundé, Presses Universitaires d'Afrique, 1999, pp. 45-66.

8) ETONGUE MAYER (Eva Jacqueline).- ``Le comité national des droits de l'homme et des libertés au Cameroun'', Cahier africain des droits de l'homme, n°9, Mai 2003, APDHAC, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2003, pp. 229-266.

9) FRAISSEIX (Patrick).- ``Les droits fondamentaux, prolongement ou dénaturation des droits de l'homme ?'', Revue de Droit Public, n° 2, mars-avr. 2001, pp. 531-553.

10) FIERENS (J.).- ``La Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples au regard de la théorie des droits fondamentaux'', Revue Burkinabè de Droit, n° 18, juil.1990, pp. 251-283.

11) HANGARTNER (Yvo).- ``La protection des droits constitutionnels en Suisse'', Mélanges Michel FROMONT, Presses Universitaires de Strasbourg, 2001, pp.267-283.

12) JAN (Pascal).- ``Le conseil constitutionnel'', Pouvoirs, Paris, Ed. du Seuil, n° 99, nov. 2001, pp. 71-86.

13) KAMTO (Maurice).- ``Actes de gouvernement et droits de l'homme'', Cahier africain des droits de l'homme, n°4, juillet 2000, APDHAC, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2000, pp. 121-139.

14) KAMTO (Maurice).- ``Révision constitutionnelle ou écriture d'une nouvelle constitution'', Lex Lata, n° 23-24, févr.-mars 1996, pp. 17-20.

15) KAMTO (Maurice).- ``L'énoncé des droits dans les constitutions des Etats africains francophones'', R.J.A., n° 2-3, Yaoundé, Presses Universitaires du Cameroun, 1991, pp. 7-24.

16) KITIO (Edouard).- ``La garde à vue administrative pour grand banditisme et respect des droits de l'homme au Cameroun (Application de la loi n° 90/054 sur le maintien de l'ordre)'', Juridis périodique, n° 30, avr.-mai-juin 1997, pp. 47-56.

17) KOM (Jacqueline).- ``Les droits de la personnalité et la liberté de communication au Cameroun'', Juridis périodique, n° 50, avr.-mai-juin 2002, pp. 55-65.

18) MARDIERE (Christophe de la).- ``Retour sur la valeur juridique de la Déclaration de 1789'', R.F.D.C., Paris, P.U.F., n° 38, août 1999, pp. 227-256.

19) MOLFESSIS (Nicolas).- ``La dimension constitutionnelle des libertés et droits fondamentaux'', in CABRILLAC (Rémy) et alii (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 7e éd., Paris, Dalloz, 2001, pp. 81-99.

20) MOMO (Bernard).- ``L'Etat de droit au Cameroun : bilan et perspectives'', n°4, juillet 2000, APDHAC, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2000, pp. 121-139.

21) MORAND-DEVILLER (Jacqueline).- ``Les mécanismes non juridictionnels de protection des droits'', Colloque international, L'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, Port-Louis, 29 sept.-1er oct. 1993, Paris, Ed. Eric Koehler, AUPELF-UREF, 1993, pp. 485-503.

22) MOUANGUE KOBILA (James).- ``Le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : de l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire'', Lex Lata, n° 23-24, févr.-mars 1996, pp. 33-38.

23) NCHOUWAT (Amadou).- ``Les droits de l'homme : otages de l'exclusivisme de la pensée juridique'', Revue de Droit Africain, 2e année, n° 8, oct. 1998, pp. 453-459.

24) NGUEKEU DONGMO (Pierre).- ``Le destin de la chefferie traditionnelle en démocrate pluraliste : se compromettre ou disparaître ?'', Annales de la F.S.J.P.- Université de Dschang, Tome 3, Yaoundé, P.U.A., 1999, pp. 5-30.

25) NGUELE ABADA (Marcelin).- ``Ruptures et continuités constitutionnelles en République du Cameroun : Réflexions à propos de la réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996'', RADIC, juin 1998, Tome 10, n° 2, pp. 308-326.

26) NKOT (Fabien).- ``Les zones grises de la légitimité scientifique en Afrique noire francophone'', Annales de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques- Université de Douala, n° 1, jan.-juin 2002, pp. 252-277.

27) NKOU MVONDO (Prosper).- ``La privation de liberté au suspect : droits de l'homme et sécurité du justiciable dans la procédure pénale camerounaise'', RADIC, oct. 2000, Tome 12, n° 3, pp. 509-530.

28) NLEP (Roger Gabriel).- ``Le juge de l'administration et les normes internes, constitutionnelles ou infra constitutionnelles en matière de droits fondamentaux'', SOLON, Vol. I, n° 1, 1999, pp. 135-149.

29) NNANGA (Sylvestre Honoré).- ``La protection des minorités : principe constitutionnel de perfectionnement du principe d'égalité ou consécration de la dictature des minorités ?'', Revue de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, Tome 7, n° 2, 1998, pp. 169-191.

30) OLINGA (Alain Didier).- ``Contentieux électoral et Etat de droit au Cameroun'', Juridis périodique n° 41, Edition spéciale, jan.-févr.-mars 2000, pp. 35-52.

31) OLINGA (Alain Didier).- ``L'impératif démocratique dans l'ordre régional africain'', Revue africaine des droits de l'homme, 1999, pp. 55-76.

32) OLINGA (Alain Didier).- ``La protection des minorités et des populations autochtones en droit public camerounais'', Revue Africaine de Droit International et Comparé, Tome 10, n° 2, juin 1998, pp. 271-291.

33) OLINGA (Alain Didier).- ``Le pouvoir exécutif dans la Constitution révisée'', Lex Lata, n° 23-24, févr-mars 1996, pp. 29-32.

34) OLINGA (Alain Didier).- ``L'aménagement de droits et libertés dans la Constitution camerounaise révisée'', Revue Universelle des Droits de l'Homme, 1996, vol. 8, n° 4-7, pp. 116-126.

35) POUGOUE (Paul Gérard).- ``La législation camerounaise et la protection des droits de l'homme'', n°4, juillet 2000, APDHAC, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2000, pp.101-119.

36) RICHIR (Isabelle).- ``Le Chef de l'Etat et le juge constitutionnel, gardiens de la constitution'', R.D.P., Paris, L.G.D.J., 1999, pp. 1047-1066.

37) ROSSATANGA-RIGNAULT (Guy).- ``La Cour constitutionnelle : pierre angulaire de l'Etat de droit au Gabon ?'', Société africaine de droit international et comparé, 4-6 août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, pp. 260-281.

38) SANDWIDI (Kourita).- ``Les droits fondamentaux et leur protection dans la Constitution du 02 juin 1991'', R.B.D., n° 29, 1er semestre 1996, pp. 9-57.

39) SAVADOGO (Filiga Michel).- ``Le droit et les droits de l'homme'', R.B.D., n° 35, 1er semestre 1999, pp. 97-104.

40) SINDJOUN (Luc).- ``Les nouvelles constitutions africaines et la politique internationale : Contribution à une économie internationale des biens politico-constitutionnels'', Afrique 2000, n° 21, mai 1995, pp. 37-50.

41) STERN (Klaus).- ``La protection des droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions d'Europe centrale et orientale'', Mélanges Michel FROMONT, P.U.S., 2001, pp. 415.

42) TEMGAH (Joseph NYAMBO).- ``The independance of The Judiciary in Emerging Democracies in Africa: the Case of Cameroon'', Société africaine de droit international et comparé, 4-6 août 1997, pp. 335-372.

43) TERRE (François).- ``Sur la notion de libertés et droits fondamentaux'', in CABRILLAC (Rémy) et alii (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 7e éd., Paris, Dalloz, 2001, pp. 5-9.

44) VASAK (Karel).- ``Les différentes catégories des droits de l'homme'', A. LAPEYRE, F. De TINGUY, K. VASAK (dir.), Les dimensions universelles des droits de l'homme, vol.1, Bruxelles, Bruylant, 318 p., pp. 297-316.

45) VIGNON (Yao Biova).- ``La protection des droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions africaines'', Revue Nigérienne de Droit, n° 3, Déc. 2000, pp. 77-135.

46) ZAKANE (Vincent), ``Le juge constitutionnel et la mise en oeuvre de l'Etat de droit en Afrique'' Société africaine de droit international et comparé, 4-6 août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, pp. 373-391.

ACTES DE COLLOQUES

1) Actes du neuvième congrès annuel de la Société africaine de droit international et comparé, Abidjan, 4-6 août 1997, Glasgow, SADIC, 1997, 392 p.

2) Actes des 1es journées scientifiques du Réseau Droits Fondamentaux de l'AUPELF-UREF, Tunis, 9-12 oct. 1996, Les droits fondamentaux, AUPELF-UREF, Bruxelles, Bruylant, 1997, 443 p.

3) Cahier africain des droits de l'homme.- Penser et réaliser les droits de l'homme en Afrique centrale, n° 4, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., juillet 2000, 266 p.

4) Cahier africain des droits de l'homme.- Droit à la démocratie en Afrique centrale, n° 9, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., mai 2003, 353 p.

5) CONAC (Gérard) et MAUS (Didier).- L'exception d'inconstitutionnalité, Paris, Ed. STH, Coll. « Les grands colloques », 1990, 143 p.

6) DESOUCHES (Christine) (dir.).- Bilan des conférences nationales et autres processus de transition, Conférence régionale africaine, Cotonou- Bénin, 19-23 février 2000, 2e éd, Paris, Ed. Pedone, Bruxelles, Bruylant, OIF, 2000, 516 p.

7) DRAGO (Guillaume), FRANCOIS (Bastien) et MOLFESSIS (Nicolas) (dir.).- La légitimité de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, Colloque de Rennes du 20 et 21 septembre 1996, Paris, Economica, Coll. « Etudes juridiques », 1999, 415 p.

8) MAUGENEST (Denis) et BOUKONGOU (Jean-Didier).- Vers une société de droit en Afrique centrale, Colloque de Yaoundé, 14-16 novembre 2000, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2001, 459 p.

9) MAUGENEST (Denis) et POUGOUE (Paul-Gérard) (dir.).- Droits de l'Homme en Afrique centrale, Colloque de Yaoundé, 9-11 novembre 1994, Yaoundé, U.C.A.C., Paris, Karthala, 1995, 283 p.

10) MORIN (Jacques Yvan). (dir.).-Les droits fondamentaux, Actes des premières journées scientifiques du réseau ``Droits fondamentaux'' de l'AUPELF-UREF, tenues à Tunis, 9-11 octobre 1996, AUPELF-UREF, Bruxelles, Bruylant, 1997, 443 p.

11) Organisation internationale de la francophonie (O.I.F.).- Aspects du contentieux électoral en Afrique, Actes du séminaire de Cotonou, 11-12 novembre 1998, Paris, Agence intergouvernementale de la francophonie, janvier 2000, 409 p.

12) Rupture-Solidarité.- L'Afrique (centrale) des droits de l'homme, n° 3, Paris, Karthala, Rupture-Solidarité, 2001, 286 p.

RECUEILS DE TEXTES ET DE JURISPRUDENCE

1) COMMUNAUTÉ FRANÇAISE DE BELGIQUE, AGENCE DE COOPÉRATION CULTURELLE ET TECHNIQUE.- Droits humains fondamentaux, Recueil de documents internationaux et nationaux, Bruxelles, 1993, 339 p.

2) DE SCHUTTER (Olivier), TULKENS (Françoise), VAN DROOGHENBROECK (Sébastien).- Code de droit international des droits de l'homme, 2e éd., Bruxelles Bruylant, 2003, 767 p.

3) GUIFFO MOPO (Jean-Philippe).- Constitutions du Cameroun, Yaoundé, Centre d'Edition et de Production de Manuels et d'Auxiliaires de l'Enseignement, 1977, 497 p.

4) GAUDUSSON (Jean du Bois de), CONAC (Gérard), DESOUCHES (Christine) (Textes rassemblés et présentés par).- Les constitutions africaines publiées en langue française, Tome I, Bruxelles, Bruylant, La Documentation française, 1997, 452 p.

5) FAVOREU (Louis), PHILIP (Loïc).- Les grandes décisions du Conseil constitutionnel, 8e éd., Paris, Dalloz, 1995, 961 p.

6) LAQUEUR (Walter), RUBIN (Barry) (Textes réunis par).- Anthologie des droits de l'homme, 2e éd., Nouveaux Horizons, 1989, 294 p.

7) NGUE (Samuel) (dir.).- Code pénal, 3e éd., Yaoundé, Ed. MINOS, juin 2004, 792 p.

8) ROBERT (Jacques), OBERDOFF (Henri).- Libertés fondamentales et droits de l'homme, 3e éd., Paris, Montchrestien, 1997, 517 p.

9) ROBERT (Jacques).- (Mélanges), Libertés, Paris, Montchrestien, 1998, 569 p.

10) SOPECAM.- Droits et libertés, Recueil des nouveaux textes, Yaoundé, SOPECAM, déc. 1990, 396 p.

LEGISLATION

I- CONSTITUTIONS

· Loi n° 96/06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972 ;

· Constitution de la République unie du Cameroun du 2 juin 1972 ;

· Loi n° 61-24 du 1er septembre 1961 portant révision constitutionnelle et tendant à adapter la Constitution actuelle aux nécessités du Cameroun réunifié ;

· Constitution du 4 mars 1960.

II- DECRETS

· Décret n° 95/048 du 8 mars 1995 portant Statut de la Magistrature ;

· Décret n° 91/287 du 21 juin 1991 portant sur l'organisation et le fonctionnement du Conseil national de la communication ;

· Décret n° 90/1459 portant création du comité national des droits de l'homme ;

· Décret n° 77/245 du 15 juillet 1977 portant organisation des Chefferies traditionnelles.

III- LOIS

· Loi n° 2004-16 du 22 juillet 2004 portant création, organisation et fonctionnement de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés ;

· Loi n° 2004-4 du 21 avril 2004 portant organisation et fonctionnement du Conseil constitutionnel ;

· Loi n° 2004-5 du 21 avril 2004 fixant le statut des membres du Conseil constitutionnel ;

· Loi n° 99-14 du 22 décembre régissant les organisations non gouvernementales ;

· Loi n° 92/010 du 17 septembre 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance à la Présidence de la République ;

· Loi n° 90/047 du 19 décembre 1990 relative à l'état d'urgence ;

· Loi n° 90/052 du 19 décembre 1990 relative à la liberté de communication sociale modifiée et complétée par la loi n° 96/04 du 4 janvier 1996 ;

· Loi n° 90/053 du 19 décembre 1990 portant sur la liberté d'association ;

· Loi n° 90/054 du 19 décembre 1990 relative au maintien de l'ordre ;

· Loi n° 90/055 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et des manifestations publiques ;

· Loi n° 90/056 du 19 décembre 1990 relative aux partis politiques ;

· Loi n° 75/17 du 8 décembre 1975 fixant la procédure devant la Cour suprême statuant en matière administrative ;

MEMOIRES, COURS ET SEMINAIRES

1) AHADZI (Koffi).- Droits de la personne et développement en Afrique, Séminaire, DEA, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, UAC, Bénin, 2003-2004, 80 p.

2) AHOUANDJINOU (Grégoire Désiré).- La protection constitutionnelle des droits de l'homme au Bénin de 1990 à nos jours, Mémoire de DEA, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, UAC, Bénin, août 2001, 77 p.

3) GERARD (Philippe).- Philosophie des droits de l'homme, Cours, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, Université d'Abomey-Calavi, Bénin, 2003-2004, 159 p.

4) DE SCHUTTER (Olivier).- Droit matériel des droits de la personne, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, UAC, Bénin, 2003-2004, 159 p.

TABLE DES MATIERES

DEDICACES I

REMERCIEMENTS II

SIGLES ET ABREVIATIONS III

SOMMAIRE V

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LA CONSTANCE DE LA CONSECRATION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS L'ORDRE JURIDIQUE CAMEROUNAIS 14

CHAPITRE I : LA DYNAMIQUE CONSTITUTIONNELLE DE PROCLAMATION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN 16

SECTION I : LA PROCLAMATION PREAMBULAIRE DES DROITS FONDAMENTAUX, CHOIX DU CONSTITUANT CAMEROUNAIS 16

PARAGRAPHE 1.- UN PREAMBULE A LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE INCERTAINE 17

A.- La controverse doctrinale sur la valeur juridique du préambule 17

B.- Les incertitudes de la jurisprudence 19

PARAGRAPHE 2.- LA DECLARATION EXPRESSE DE LA VALEUR CONSTITUTIONNELLE DU PREAMBULE 23

A.- La constitutionnalisation des dispositions du préambule 24

B.- Le rejet de la thèse de la supra-constitutionnalité du préambule 26

SECTION II : L'EDIFICATION D'UN BLOC DE CONSTITUTIONNALITE FAVORABLE AUX DROITS FONDAMENTAUX 27

PARAGRAPHE 1.- LES REFERENCES INITIALES DU BLOC DE CONSTITUTIONNALITE 28

A.- La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme 28

B.- La Charte des Nations-Unies 29

PARAGRAPHE 2.- LES NOUVEAUX ELEMENTS DU BLOC DE CONSTITUTIONNALITE 31

A.- La Charte Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples 31

B.- Les instruments juridiques internationaux relatifs aux droits de l'homme 32

CHAPITRE II : LA DIVERSITE DES DROITS FONDAMENTAUX CONSACRES 35

SECTION I : L'AFFIRMATION DES DROITS CLASSIQUES 36

PARAGRAPHE 1.- LA PROCLAMATION PROLIXE DES DROITS DE LA PREMIERE GENERATION 36

A.- Le contenu hétéroclite des droits civils politiques 37

B.- La portée des droits civils et politiques 40

PARAGRAPHE 2.- LA PROCLAMATION RESERVEE DES DROITS DES DEUXIEME ET TROISIEME GENERATIONS 44

A.- Des droits d'une justiciabilité équivoque 45

B.- Des droits programmatiques 47

SECTION II : LA CONSECRATION DE DROITS ORIGINAUX 49

PARAGRAPHE 1.- LA PROTECTION DES VALEURS TRADITIONNELLES 50

A.- La notion de chefferie traditionnelle 50

B.- Le statut du chef traditionnel 52

PARAGRAPHE 2.- LA PROTECTION DES MINORITES ET DES POPULATIONS AUTOCHTONES 54

A.- Les notions de « minorité » et d' « autochtone » 55

1.- La notion de « minorité » 55

2.- La notion d' « autochtone » 57

B.- L'étendue de la protection 59

CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 63

DEUXIEME PARTIE : LA TIMIDE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX AU CAMEROUN 64

CHAPITRE I : LES MECANISMES JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 66

SECTION I : L'ACTION VOLONTAIRE DES JUGES DES ORDRES JUDICIAIRE ET ADMINISTRATIF 66

PARAGRAPHE 1.- LE ROLE TRADITIONNEL DU JUGE JUDICIAIRE EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 67

A-. L'audace du juge judiciaire, protecteur des droits fondamentaux 67

B.- L'action du juge judiciaire en matière de protection des droits fondamentaux, une action fortement limitée 71

PARAGRAPHE 2.- LE ROLE EVOLUTIF DU JUGE ADMINISTRATIF DANS LA GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX 74

A.- Le contrôle de la validité des actes administratifs : un contrôle de l'administration favorable à la protection des droits fondamentaux 75

B.- Les obstacles à une véritable efficacité du juge administratif 77

1.- Les obstacles d'ordre juridique 77

2.- Les obstacles d'ordre sociologique 82

SECTION II : L'INTERVENTION HYPOTHEQUEE DU JUGE CONSTITUTIONNEL EN MATIERE DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 83

PARAGRAPHE 1.- LE CONTROLE DE LA CONSTITUTIONNALITE DES LOIS, UN CONTROLE FAVORABLE A LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 84

A.- De par le statut de l'organe de contrôle 85

B.- De par la portée des décisions du juge constitutionnel 87

PARAGRAPHE 2.- L'INAPTITUDE DU JUGE EN CAS DE VIOLATION DES DROITS FONDAMENTAUX 89

A.- L'accès restreint au juge 90

B.- L'immunité de la loi promulguée 91

CHAPITRE II: LES MECANISMES NON JURIDICTIONNELS DE PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 94

SECTION I : LES AUTORITES ADMINISTRATIVES INDEPENDANTES 94

PARAGRAPHE 1.- LE MECANISME DE PORTEE GENERALE : LA COMMISSION NATIONALE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES (CNDHL) 95

A.- Les garanties présentées par la CNDHL pour la protection des droits fondamentaux 96

1.- La relative autonomie de la CNDHL 96

2.- L'ampleur des attributions de la CNDHL en matière de protection des droits 98

B.- Les limites à l'activité de la Commission nationale des droits de l'homme et des libertés 101

PARAGRAPHE 2.- LES MECANISMES DE PORTEE SECTORIELLE 103

A.- Le secteur des élections : la garantie des droits électoraux par l'Observatoire national des élections (ONEL) 103

1.- Le statut et la structuration de l'ONEL 104

2.- L'ONEL et sa mission de garant des droits électoraux 106

B.- Le secteur de la communication : le Conseil national de la communication (CNC) 108

SECTION II : L'EMERGENCE DE LA SOCIETE CIVILE DANS LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX 112

PARAGRAPHE 1.- UN ROLE PLUS PROMOTIONNEL QUE PROTECTEUR 113

A.- L'affirmation du rôle de promotion des mécanismes de la société civile camerounaise 114

B.- La quasi-inexistence du rôle de protection 115

PARAGRAPHE 2.- UN ROLE FORTEMENT LIMITE 116

A.- Les restrictions apportées à la liberté associative 117

B.- Les contraintes structurelles et conjoncturelles à l'action des organisations de la société civile camerounaise 120

CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 123

CONCLUSION GENERALE 124

BIBLIOGRAPHIE 129

* 1 F. SUDRE, Droit international et européen des droits de l'homme, Paris, P.U.F., 1989, p. 118.

* 2 Au sens du Pr LECLERCQ, « une liberté publique se présente comme un aspect circonscrit de la liberté, traduit en droit par des textes constitutionnels et/ou internationaux et soumis à un régime de protection juridique précisé par ces textes et d'autres textes subséquents qui visent, par des procédures appropriées, à faire valoir la liberté ainsi définie », in Libertés publiques, 3e éd., Paris, Litec, 1996, p. 5.

* 3 M. BEDJAOUI, ``La difficile avancée des droits de l'homme vers l'universalité'', in R.U.D.H., V. 1, 1989, p. 9.

* 4 Ibid., p. 10.

* 5 Ibid., p. 10.

* 6 D. TURPIN, Libertés publiques et droits fondamentaux, Paris, Ed. du Seuil, Févr. 2004, p. 7.

* 7 Ibid., p. 7.

* 8 Ibid., p. 7.

* 9 Y. B. VIGNON, ``La protection des droits fondamentaux dans les nouvelles constitutions africaines'', Revue nigérienne de droit, n° 3, déc. 2000, p. 80.

* 10 Ibid., p. 80.

* 11 Ibid., p. 80.

* 12 Ibid., p. 81.

* 13 Ibid., p. 81.

* 14 K. MBAYE, Les droits de l'homme en Afrique, Paris, Ed. A. Pedone, 1992, p. 25.

* 15 Y. B. VIGNON, ibid., p. 81.

* 16 Ibid., p. 81.

* 17 R. G. NLEP, ``Le juge de l'administration et les normes internes, constitutionnelles ou infra constitutionnelles en matière de droits fondamentaux'', SOLON, Vol. I, n° 1, 1999, pp. 135-149.

* 18 L. FAVOREU cité par R. G. NLEP, ibid., p. 136.

* 19 F. TERRE cité par R. G. NLEP, ibid., p. 136.

* 20 F. TERRE, ``Sur la notion de liberté et droits fondamentaux'' in R. CABRILLAC et alii (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 7e éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 9.

* 21 Y. VIGNON, ibid., p. 82.

* 22 Ibid., p. 82.

* 23 Ibid., p. 83.

* 24 J. ROBERT et J. DUFFAR, Droits de l'homme et libertés fondamentales, 5e éd., Paris, Montchrestien, 1993, p. 1.

* 25 Les pactes anglais sont des conventions passées par des barons ou par les Chambres avec le Roi pour se garantir contre l'arbitraire de la Couronne. Ce sont : la Grande Charte du 21 juin 1215, la Pétition des droits du 7 juin 1628, l'Acte d'Habeas Corpus de 1679, le Bill of Rights du 13 févr. 1689, l'Acte d'établissement.

* 26 Les déclarations américaines s'entendent de la Déclaration d'indépendance du 4 juil. 1776, des Bill of Rights des 13 Etats indépendants, des 10 premiers amendements de la Constitution fédérale de 1787 et le 14e amendement adopté en 1868 à la suite de la Guerre de Sécession, et ceux ultérieurs.

* 27 En effet, sur le plan juridique, la DUDH n'est qu'une résolution dont le contenu ne peut devenir obligatoire pour les Etats que s'il est repris sous la forme d'une convention ou d'un pacte conclu entre eux. C'est dans ce sens que les pactes jumeaux relatifs aux Droits économiques, sociaux et culturels et aux Droits civils et politiques seront adoptés par l'Assemblée générale en 1966 pour donner une certaine force obligatoire aux droits proclamés par la DUDH. Toutefois, cette dernière a acquis au fil du temps une certaine force contraignante, comme le souligne à juste titre une décision de la CIJ.

* 28 Ce sont notamment les Pactes de 1966, la Convention relative au statut des réfugiés (28 juil. 1951), la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale (21 déc. 1965), la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (18 déc. 1979), la Convention contre la torture...(10 déc. 1984), la Convention relative aux droits de l'enfant (20 nov. 1989).

* 29 M. KAMTO, ``L'énoncé des droits dans les constitutions des Etats africains francophones'', R.J.A., n° 2-3, Yaoundé, Presses Universitaires du Cameroun, 1991, p. 23.

* 30 K. MBAYE, op. cit., pp. 12- 13.

* 31 Exemples peuvent être pris de la Charte africaine des droits de l'homme et des peuples adoptée le 27 juin 1981 et entrée en vigueur le 21 octobre 1986, de la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant adoptée le 11 juillet 1990 et entrée en vigueur le 29 novembre 1999.

* 32 J. OWONA, ``L'essor du constitutionnalisme rédhibitoire en Afrique Noire : Etude de quelques « constitutions Janus »'', In Mélanges P. F. GONIDEC, L'Etat moderne en Afrique, Horizon 2000 : Aspects internes et externes, pp. 235-243, p. 235.

* 33 V. à ce propos l'article 3 de la Constitution camerounaise de 1972 qui, alors qu'il institue le cadre d'un multipartisme au sein de l'Etat, verra plutôt la consécration d'un système de parti unifié, en l'occurrence l'Union Nationale Camerounaise (U.N.C.).

* 34 V. dans ce sens M. KAMTO, ``Les conférences nationales africaines ou la création révolutionnaire des constitutions'', in D. DARBON et J. d. B. de GAUDUSSON, (dir.), La création du droit en Afrique, Paris, Karthala, 1997, 496 p., pp. 177-195. Les conférences nationales se sont déroulées dans les Etats d'Afrique francophone suivants : le Bénin, le Congo, le Gabon, le Mali, le Niger, le Tchad, le Togo et l'ex Zaïre.

* 35 J. REY-DEBOVE, A. REY (dir.), Le Petit Robert, Dictionnaire de la Langue Française, Paris, Dictionnaire Le Robert, 2003, p. 1159.

* 36 K. MBAYE, op. cit., p. 70.

* 37 A. D. OLINGA, ``L'aménagement de droits et libertés dans la Constitution camerounaise révisée'', Revue Universelle des Droits de l'Homme, 1996, vol. 8, n° 4-7, p. 123.

* 38 Au besoin, elles renforcent les anciens mécanismes, en leur accordant de nouvelles compétences, ce qui les rend plus aptes à protéger les droits constitutionnels.

* 39 C. EISENMANN, Cours de droit administratif, Paris, Les cours de droit, L.G.D.J., 1969, cité par C. NACH MBACK, Démocratisation et décentralisation, Paris, Karthala, PDM, 2003, p. 45.

* 40 C. NACH MBACK, op. cit., p. 47.

* 41 Ch. DEBBASCH et alii, Droit constitutionnel et institutions politiques, 4e éd., Paris, Economica, 2001, p. 81.

* 42 Ibid., p. 83.

* 43 La proclamation de l'indépendance de la République du Cameroun a lieu le 1er janvier 1960.

* 44 V. texte de la loi constitutionnelle n° 96/06 du 18 jan. 1996 in Juridis périodique, n° 25, Jan-Févr-Mars 1996, pp. 1-14, commentaire de M. ONDOA ; J d B. de GAUDUSSON, G. CONAC, C. DESOUCHES, (Textes rassemblés et présentés par), Les constitutions africaines publiées en langue française, Tome I, Bruxelles, Bruylant, La Documentation française, 1997, pp. 129-143.

* 45 A. D. OLINGA, ibid., p. 117.

* 46 M. KAMTO, ibid., p. 12.

* 47 J. MOUANGUE KOBILA, ``Le préambule du texte constitutionnel du 18 janvier 1996 : De l'enseigne décorative à l'étalage utilitaire'', Lex Lata, n° 23-24, févr.-mars 1996, p. 35.

* 48 Ibid., p. 35.

* 49 Observations E. BOEHLER, in Revue Camerounaise de Droit (R.C.D), Yaoundé, n° 31, jan-juin 1973, pp. 54-59.

* 50 E.BOEHLER, cité par A.D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 51 Ibid., p. 119.

* 52 F. X. MBOUYOM, ``Les mécanismes juridiques de protection des droits de la personne au Cameroun'', R.J.P.I.C., Tome 36, n° 1, févr. 1982, pp. 58-72, p. 60, cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 35.

* 53 Cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 35.

* 54 A. D. OLINGA, ibid., p. 119.

* 55 Ibid., p. 119.

* 56 M. KAMTO, ibid., p. 15.

* 57 A. D. OLINGA, ibid., p. 117.

* 58 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 59 C.S.C.O., n° 67 du 11 juillet 1963, Bull., p. 554, cité par A. MINKOA SHE, Droits de l'homme et droit pénal au Cameroun, Paris, Economica, Coll. « La Vie du Droit en Afrique », 1999, p. 20.

* 60 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 61 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 20.

* 62 Ibid., p. 20.

* 63 Ibid., p. 21.

* 64 Ibid., p. 21.

* 65 C'est nous qui soulignons.

* 66 in R.C.D., n° 9, jan.-avr. 1976, pp. 82-83, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., pp. 21-22.

* 67 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 68 Cour d'Appel de Garoua, n° 9/c du 5 mai 1973, R.C.D., n° 6, 1974, p. 143, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p. 22.

* 69 Ibid., p. 22.

* 70 Ibid., p. 22.

* 71 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 72 Ibid., p. 118.

* 73 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 23.

* 74 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 75 J. M. BERTIN, ``Recueil des principales décisions de l'Assemblée plénière de la C.F.J statuant au contentieux (1967-1972)'', Université de Yaoundé, Faculté de Droit et de Sciences économiques, 1972, pp. 141-142.

* 76 Cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p. 22.

* 77 P. G. POUGOUE et M. KAMTO, ``Commentaire de la loi n° 89/018 du 28 juil. 1989 portant modification de la loi n° 75/16 du 08 déc. 1978 fixant la procédure et le fonctionnement de la Cour Suprême'', Juridis-Infos, jan-mars 1990, n° 1, p. 8, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p. 23.

* 78 A. D. OLINGA, ibid., p. 119.

* 79 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 23.

* 80 M. KAMTO, ibid., p. 13.

* 81 P. F. GONIDEC, Les droits africains, Evolution et sources, 2e éd., Paris, L.G.D.J., 1985, p. 101.

* 82 In Juridis périodique, n° 25, op. cit., p. 11.

* 83 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 26.

* 84 A. D. OLINGA, ibid., p. 120.

* 85 Ibid., p. 119.

* 86 J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 36.

* 87 Ibid., p. 36

* 88 P. F. GONIDEC, op. cit., p. 102.

* 89 A. D. OLINGA, ibid., p. 122.

* 90 Ibid., p. 122.

* 91 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 65.

* 92 P. F. GONIDEC, op. cit., p. 100.

* 93 Ch. DEBBASCH et alii, op. cit., p. 593.

* 94 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 26.

* 95 In Traité de droit constitutionnel, Tome 2, 1911, p. 12.

* 96 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 26.

* 97 M. KAMTO, Pouvoir et droit en Afrique, Paris, L.G.D.J., 1987, p. 446.

* 98 A. D. OLINGA, ibid., p. 120.

* 99 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 26.

* 100 Ibid., p. 24.

* 101 J. MELEDJE DJEDJRO, ``La révision des constitutions dans les pays africains francophones : Esquisse de bilan'', R.D.P., 1992, vol. 108, p. 125, cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 33.

* 102 A. CABANIS et M. L. MARTIN, ``Note sur la Constitution béninoise du 3 décembre 1990'', R.J.P.I.C., 1992, p. 30, cité par J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 33.

* 103 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 25.

* 104 F. SUDRE, op. cit., p. 73.

* 105 Ibid., p. 74.

* 106 K. MBAYE, op. cit., p. 79.

* 107 Ibid., p. 79.

* 108 R. DEGNI-SEGUI, Les droits de l'homme en Afrique noire francophone : Théories et réalités, 2e éd., Abidjan, Ed. CEDA, avr. 2001, pp. 48-49.

* 109 CIJ, affaire du personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, 24 mai 1980, rec. 1980, 42, cité par R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 50.

* 110 A. D. OLINGA, ibid., p. 118.

* 111 K. MBAYE, op. cit., p. 78.

* 112 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 48.

* 113 K. MBAYE, op. cit., p. 78.

* 114 Art. 55 de la Charte, in W. LAQUEUR et B. RUBIN (Textes réunis par), Anthologie des droits de l'homme, 2e éd., Nouveaux Horizons, 1989, p. 247.

* 115 Art. 56 de la Charte, op. cit., p. 247.

* 116 Ibid., p. 19.

* 117 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 57.

* 118 Ibid., p. 57.

* 119 Ibid., pp. 57-58.

* 120 M. KAMTO, ibid., p. 19.

* 121 L'art. 5 du Protocole relatif à la CADHP portant création d'une Cour africaine des droits de l'homme et des peuples traite de la saisine de la Cour. L'al. 3 de cet article dispose en effet que : « La Cour peut permettre aux individus ainsi qu'aux organisations non-gouvernementales (ONG) dotées du statut d'observateur auprès de la Commission d'introduire des requêtes directement devant elle conformément à l'article 34 (6) de ce Protocole », in O. DE SCHUTTER, F. TULKENS, S. VAN DROOGHENBROECK, Code de droit international des droits de l'homme, 1e éd., Bruxelles, Bruylant, 2000, p. 474.

* 122 L'art. 34 al. 6 du même Protocole énonce qu' : « à tout moment à partir de la ratification du présent Protocole, l'Etat doit faire une déclaration acceptant la compétence de la Cour pour recevoir les requêtes énoncées à l'article 5(3) du présent Protocole. La Cour ne reçoit aucune requête en application de l'article 5(3) intéressant un Etat partie qui n'a pas fait une telle déclaration », in O. DE SCHUTTER, F. TULKENS, S. VAN DROOGHENBROECK, op. cit., p. 480.

* 123 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 47.

* 124 Sur les signification, origine, fondement et distinction entre ratification et signature, v. NGUYEN QUOC DINH et alii, Droit international public, 7e éd., Paris, L.G.D.J., 2002, 1510 p., p. 139 et sq.

* 125 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 28.

* 126 Ibid., p. 29.

* 127 A. CASSESSE, ``Modern constitutions and international law'', R.C.A.D.I., 1985, vol. 192, p. 39.

* 128 A. D. OLINGA, ibid., p. 124.

* 129 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 33.

* 130 Ibid., p. 33.

* 131 A. D. OLINGA, ibid., p. 124.

* 132 Ibid., p. 124.

* 133 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 33.

* 134 A. D. OLINGA, ibid., p. 120.

* 135 Ibid., p. 120.

* 136 § 4 du Préambule de Loi n° 96-06 du 18 janvier 1996 portant révision de la Constitution du 2 juin 1972, op. cit., p. 1.

* 137 J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 33.

* 138 Nous n'insisterons pas sur la pertinence ou sur les critiques relatives à cette classification. Relativement à ces débats, se rapporter aux ouvrages sur les droits fondamentaux : v. notamment, J. RIVERO, Les libertés publiques, Tome I, Les droits de l'homme, 8e éd., Paris, P.U.F., avr. 1997, 262 p. ; F. SUDRE, op. cit., pp. 121 et sq. ; K. VASAK, ``Les différentes catégories des droits de l'homme'' in A. LAPEYRE, F. De TINGUY, K. VASAK (dir.), Les dimensions universelles des Droits de l'Homme, vol. 1, Bruxelles, Bruylant, 1990, 318 p.

* 139 K. VASAK, ibid., p. 301.

* 140 F. SUDRE, op. cit., p. 122.

* 141 A. D. OLINGA, ibid., p. 120.

* 142 J. RIVERO, op. cit., p. 28.

* 143 Ibid. p. 28.

* 144 Ibid. p. 28.

* 145 F. SUDRE, op. cit., p. 166.

* 146 Ibid., p. 162.

* 147 K. VASAK, ibid., p. 301.

* 148 O. DE SCHUTTER (Doc. rassemblée par), Droit matériel des droits de la personne, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, UAC, Bénin, 2002-2003, p. 12.

* 149 Ibid., p. 12.

* 150 P. G. POUGOUE, ``La législation camerounaise et la protection des droits de l'homme'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, Penser et réaliser les droits de l'homme en Afrique centrale, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., Juil. 2000, pp. 10-11.

* 151 M. KAMTO, ``Actes de gouvernement et droits de l'homme au Cameroun'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 135.

* 152 L'art. 2 de la loi n° 90/054 du 19 déc. 1990 relative au maintien de l'ordre permet la saisie administrative des journaux en cas d'atteinte à l'ordre public.

* 153 P. G. POUGOUE, ibid., p. 10.

* 154 L'art. 9 al. 1 de la loi constitutionnelle de 1996 énonce : « Le Président de la République peut, lorsque les circonstances l'exigent, proclamer par décret, l'état d'urgence qui lui confère des pouvoirs spéciaux dans les conditions fixées par la loi. », in Juridis périodique, n° 25, op. cit., p. 3.

* 155 L'art 9 al. 2 de la même loi dispose : « Le Président de la République peut, en cas de péril grave menaçant l'intégrité du territoire, la vie, l'indépendance ou les institutions de la République, proclamer, par décret, l'état d'exception et prendre toutes mesures qu'il juge nécessaires. Il en informe la Nation par voie de message », ibid., p. 3.

* 156 P. G. POUGOUE, ibid., p. 10.

* 157 Pour une étude critique sur le régime de la garde à vue administrative au Cameroun, v. E. KITIO, ``La garde à vue administrative pour grand banditisme et respect des droits de l'homme au Cameroun (Application de la loi n° 90/054 sur le maintien de l'ordre)'', Juridis périodique, n° 30, Avr.-Mai-Juin 1997, pp. 47-56.

* 158 F. SUDRE, ``Quel noyau intangible des droits de l'homme'', in D MAUGENEST et P. G. POUGOUE (dir.), Droits de l'homme en Afrique centrale, Colloque de Yaoundé, 9-11 nov. 1994, Yaoundé, Paris, U.C.A.C., Karthala, 1995, p. 270.

* 159 Ibid., p. 271.

* 160 Ibid., p. 271.

* 161 R. BADINTER et B. GENEVOIS, ``Normes de valeur constitutionnelle et protection des droits fondamentaux'', R.U.D.H., 1990, p. 266.

* 162 K. VASAK, ibid., p. 302.

* 163 J. MOUANGUE KOBILA, ibid., p. 34.

* 164 Préambule de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996.

* 165 Préambule de la loi n°96/06 du 18 janvier 1996, op. cit., p. 2.

* 166 DCC 02-065 du 5 juin 2002, BOYA Comlan Eugène, in Cour Constitutionnelle, Recueil des décisions et avis, 2002, Cotonou, Bibliothèque nationale, 12 déc. 2003, 649 p. ; pp. 271-274.

* 167 K. VASAK, ibid., p. 308.

* 168 J. RIVERO, op. cit., p. 122.

* 169 Karel VASAK, ``Le droit international des droits de l'homme'', Revue des Droits de l'Homme, 1972, p. 45 cité par K AHADZI, Droits de la personne et développement en Afrique, Séminaire, DEA, Chaire UNESCO des droits de la personne et de la démocratie, UAC, Bénin, 2003-2004, p. 17.

* 170 A ce propos, v. F. SUDRE, op. cit., p. 122 et sq.

* 171 Cf. Commission des droits de l'homme, Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, www.unhcr.ch/french/html/menu2/6/cescr-fr.htm, p.7.

* 172 Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies, Commentaire général 3: De la nature des obligations des Etats parties ( art. 2 para.1 du Pacte», (Cinquième session, 1990), para. 1, Compilation des commentaires généraux et recommandations générales adoptées par les organes de traits en matière des droits de l'homme, HRI/Gen/1,4 septembre 1992, para. 9., cité par Audrey, R. CHAPMAN, ``Une nouvelle manière de concevoir le ``monitoring'' sous le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels'', in Commission Internationale de Juristes, Droits économiques, sociaux et culturels et le rôle des juristes, La Revue n°55, décembre 1995, p. 33.

* 173 K. VASAK, ibid., p. 303.

* 174 G. BALANDIER, Anthropologie politique, Paris, P.U.F., 1967, p. 208.

* 175 G. A. KOUASSIGAN, L'Homme et la Terre, Paris, ORSTROM, 1966, p. 95 et sq., cité par R. G. NLEP, L'administration publique camerounaise, Contribution à l'étude des systèmes africains d'administration publique, Paris, L.G.D.J., 1986, p. 125.

* 176 Voir en ce sens G. MALENGREAU, Les droits fonciers coutumiers chez les indigènes du Congo belge, cité par, G. A. KOUASSIGAN, op. cit., p. 96.

* 177 DECOTTIGNIES, ``Personnalité morale en Afrique noire'', Annales africaines, 1958, pp. 11-36, cité par R. G. NLEP, op. cit., p. 126.

* 178 R. G. NLEP, op. cit., p. 127.

* 179 Ibid., p. 127.

* 180 Ibid., p. 128.

* 181 Ibid., p. 128.

* 182 Ibid., p. 128.

* 183 Ibid., p. 129.

* 184 A. D. OLINGA, ``L'aménagement des droits...'', ibid., p. 123.

* 185 A. D. OLINGA, ``La protection des minorités et des populations autochtones en droit public camerounais'', RADIC, Tome 10, n° 2, juin 1998, p. 272.

* 186 Ibid., p. 272.

* 187 Voir entre autres textes juridiques internationaux, la Déclaration Universelle des droits des peuples d'Alger du 4 juil. 1976, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en ses articles 27 et 41 alinéa 1er.

* 188 En l'occurrence la Sous-commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et la protection des minorités du Conseil économique et social des Nations-Unies.

* 189 C. A. COLLIARD, Institutions et relations internationales, 8e éd. Paris, Précis Dalloz, 1985, p. 98.

* 190 S. H. NNANGA, ``La protection des minorités, principe constitutionnel de perfectionnement du principe d'égalité ou consécration de la dictature des minorités'', Revue de la Commission ADHP, Tome 7, n° 2, p. 173.

* 191 A. D. OLINGA, ``La protection des minorités...'', ibid., p. 272.

* 192 R. G. NLEP, op. cit., pp. 213 et sq.

* 193 S. H. NNANGA, ibid., p. 174.

* 194 Ibid., p. 174.

* 195 Ibid., p. 174.

* 196 Ibid., p. 174.

* 197 Ibid., p. 176.

* 198 Ibid., p. 176.

* 199 Ibid., p. 177.

* 200 Ibid., p. 177.

* 201 A. AHIDJO, Texte reproduit in La Nouvelle Expression, Dossier et Document, n° 001 du 23 mai 1996, p. 9.

* 202 R. MOTTA, L'addomesticamento degli etnodiritti, Milano, Unicopli, 1994, p. 197, cité par N. ROULAND, S. PIERRE-CAPS, J. POUMAREDE, Droit des minorités et des peuples autochtones, Paris, P.U.F., Jan. 1996, p. 428.

* 203 N. ROULAND,et alii, op. cit., p. 428.

* 204 J. BURGER, Report from the Frontier- The State of the World's Indigenous Peoples, Londres, Zed Books, 1987, p. 9, cité par N. ROULAND et alii, op. cit., p. 430.

* 205A. D. OLINGA, ``La protection des minorités...'', ibid., p. 275.

* 206 Ibid., p. 277.

* 207 Ibid., p. 277.

* 208 Ibid., p. 277.

* 209 Ibid., p. 278.

* 210 R. G. NLEP, ibid., p. 141.

* 211 En l'occurrence la loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux.

* 212 R. G. NLEP, ibid., pp. 141-142.

* 213 A. D. OLINGA, ``La protection des minorités...'', ibid., p. 279.

* 214 G. VEDEL, ``La place de la Déclaration de 1789 dans le « bloc de constitutionnalité »'', In la Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen et la jurisprudence, Colloque des 25 et 26 mai 1989, pp. 35 et sq., p. 49, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., pp. 54-55.

* 215 J. ROBERT et J. DUFFAR, op. cit., p. 128.

* 216 Y. B. VIGNON, ibid. p. 90.

* 217 Ibid., p. 90.

* 218 Sur la notion d'Etat de droit, v. J. CHEVALLIER, L'Etat de droit, 2e éd., Paris, Montchrestien, Coll. « Clefs/Politique », 1994, 158 p.

* 219 Au titre V de la loi constitutionnelle de 1996, art. 37 à 42 et par une série d'ordonnances prises en 1972 et depuis lors modifiées et complétées par des lois ultérieures.

* 220 D. TURPIN, op. cit., p. 129.

* 221 Y. B. VIGNON, ibid., p. 97.

* 222 J. ROBERT et J. DUFFAR, op. cit, p. 175.

* 223 CE 05 Février 1937, BUJADOUX, Rec. 153, D. 1939, 3, 19 Concl. LAGRANGE.

* 224 S'agissant de l'order of prohibition, l'article 16 (g) de l'ordonnance n° 72/4 du 26 août 1972 modifiée par la loi n° 89/019 du 19 déc. 1989 dispose que le Tribunal de Grande Instance (TGI) est compétent pour connaître des requêtes tendant à obtenir en matière non-administrative, l'interdiction à toute personne ou autorité, d'accomplir un acte pour lequel elle est légalement incompétente.

* 225 S'agissant de l'order of Mandamus, l'article 16 (h) dispose, quant à lui, que le TGI est compétent pour connaître des requêtes tendant à obtenir en matière non-administrative, l'accomplissement par toute personne ou autorité, d'un acte qu'elle est tenue d'accomplir en vertu de la loi.

* 226 L'article 16 (d) donne compétence au TGI pour connaître des requêtes en libération formées, soit par une personne emprisonnée ou détenue, soit en son nom, lorsque lesdites requêtes sont fondées sur un cas d'illégalité formelle ou sur un défaut de titre de détention.

* 227 M. NKOU MVONDO, ``La privation de liberté au suspect : droits de l'homme et sécurité du justiciable dans la procédure pénale camerounaise'', RADIC, Tome 12, n° 3, p. 525.

* 228 Dans les affaires MOUTASSIE Bienvenu et autres, objet du jugement n° 176/crim. Du 5 mai 1998 et NSOM BEKONGOU et autres, objet du jugement n° 193/crim. Du 26 juin 1998, toutes deux du TGI du Mfoundi, deux personnes gardées à vue dans deux commissariats de police de la ville de Yaoundé sont décédées de suite de mauvais traitements à elles infligés par des policiers. Dans la première affaire, le juge a requalifié les faits de torture et déclaré les policiers coupables de l'infraction de ``coups mortels'' (art. 278 CP). Toutefois, dans la deuxième affaire, il reconnaît les policiers coupables des faits de torture à eux reprochés.

* 229 In RCD, n° 1, p. 36 et sq., note H. JACQUOT. V. dans le même sens, jugement n° 46/CS-CA du 27 mai 1982, Dame Veuve TESTAS.

* 230 In Recueil MBOUYOM, p. 110 ; In RCD, n° 2, note H. JACQUOT.

* 231 R. G. NLEP, ibid., p. 143.

* 232 R. G. NLEP, ibid., p. 144.

* 233 Article 37 alinéa 2 de la loi n° 96/06 du 18 jan. 1996, op. cit., p. 8.

* 234 B. DJUIDJE, ``Le statut du juge judiciaire camerounais : un tableau contrasté'', AFSJP/UDs, Tome 3, Yaoundé, P.U.A., 1999, p. 46.

* 235 Ibid., p. 48.

* 236 M. KAMTO, ``Les mutations de la justice à la lumière du développement constitutionnel de 1996'', exposé tenu le 25 oct. 1999 lors de l'ouverture des 1es journées portes ouvertes de la justice. Extrait in ``Cameroon Tribune'' du 26 oct. 1999, p. 4, cité par B. DJUIDJE, ibid., p. 46.

* 237 Art. 16 du décret de 1995.

* 238 CSCO, arrêt n° 247/P du 20 juin 1972, in RCD, n° 4, 1973, p. 162, cité B. DJUIDJE, ibid., p. 50.

* 239 B. DJUIDJE, ibid., p. 50.

* 240 Bon nombre de magistrats au Cameroun battent ouvertement campagne pour le pouvoir en place lors des campagnes électorales, dans l'espoir d'obtenir des promotions à des postes de responsabilité.

* 241 L'art. 125 de la Constitution béninoise du 11 déc. 1990 prévoit à l'instar de la Constitution camerounaise que « le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif ». Mais, c'est l'art. 126 qui pose le principe de l'inamovibilité des magistrats du siège et énonce « les juges ne sont soumis, dans l'exercice de leurs fonctions, qu'à l'autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles ».

* 242 Le Ministre de la Justice, Garde des Sceaux, membre du Gouvernement.

* 243 P. NKOU MVONDO, ibid., p. 520.

* 244 C'est ainsi qu'en matière de garde à vue administrative, un officier de gendarmerie a refusé de se soumettre à une décision de remise en liberté ordonnée par le TGI suite à une procédure d'Habeas Corpus ; cité par P. NKOU MVONDO, ibid., p. 527.

* 245 Sur des exemples d'affaires dans lesquelles des membres de la Police judiciaire ont fait l'objet de poursuites : TPI Bertoua, jugement n° 633/CO du 23 août 1973, RCD, n° 9, p. 37, cité par P. NKOU MVONDO, ibid., p. 528.

* 246 TC, 8 févr. 1873, BLANCO, GAJA, 13e éd., Paris, Dalloz, 2001, p. 2.

* 247 De plus, l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 fixant l'organisation de la Cour Suprême du Cameroun modifiée et complétée par les lois n° 75/16 du 8 déc. 1975 et 76/28 du 14 déc. 1976 énumère les matières dont le contentieux relève en son article 9. C'est cette disposition qui en son alinéa 2 confie le ``recours en annulation pour excès de pouvoir'' à la chambre administrative de la Cour Suprême.

* 248 Le contrôle de la légalité des actes administratifs comprend deux types de contentieux dépendant de la nature de la question posée au juge :

· lorsque le juge est saisi d'une demande de sanctions pécuniaires contre une personne morale de droit public ou d'une demande visant à la reconnaissance d'un droit subjectif, c'est le recours de plein contentieux. L'administré demande la réparation d'un préjudice qui est supposé être causé par la personne publique ;

· par contre, lorsque le juge est saisi d'une question portant sur la violation ou la reconnaissance d'un droit objectif par l'administration, c'est-à-dire la norme juridique, c'est le recours pour excès de pouvoir. Ici, le juge confronte l'acte administratif incriminé à la règle de droit positif.

* 249 G. DUPUIS, M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN, Droit administratif, 8e éd., Paris, Armand Colin, 2002, p. 572.

* 250 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 140.

* 251 G. JEZE, cité par A.- M. FLAMME, Droit administratif, Bruxelles, Bruylant, 1989, p. 613.

* 252 R. G. NLEP, ibid., p. 145.

* 253 Ibid., p. 145.

* 254 Ibid., p. 146.

* 255 Ibid., p. 146.

* 256 Cité par R. G. NLEP, ibid., p. 147.

* 257 Ibid., p. 147.

* 258 La notion du ``recours gracieux préalable'' a fait l'objet de deux études pionnières au Cameroun : H. JACQUOT, ``Le contentieux administratif au Cameroun'', RCD, n° 8, juil.-déc. 1975, pp. 113-139 et S.-A. MESHERIAKOFF, ``Le régime juridique du recours gracieux préalable dans la jurisprudence administrative camerounaise'', RCD, Série 2, n° 15 et 16, 1978, pp. 42-55.

* 259 R. G. NLEP, op. cit., p. 259.

* 260 Ibid., p. 262.

* 261 Sur les compétences ressortant de cette détermination, v. H. JACQUOT, ibid., pp. 113-139, S.-A. MESHERIAKOFF, ibid., pp. 42-55 et R. G. NLEP, op. cit., pp. 262-267.

* 262 H. JACQUOT, ibid., cité par R. G. NLEP, op. cit., p. 268.

* 263 La règle du recours gracieux est enserrée dans des délais précis variant en fonction du litige. L'article 12 de l'ordonnance n° 72/6 du 26 août 1972 prévoit :

1. qu'en cas de demande d'annulation, le recours gracieux doit être adressé à l'autorité habilitée à le recevoir, dans les 2 mois qui suivent la publication ou la notification à l'intéressé de la décision litigieuse ;

2. que lorsqu'il s'agit d'une demande d'indemnisation, ce recours doit être exercé dans les 6 mois qui suivent la réalisation du préjudice ou sa connaissance ;

3. qu'en cas d'abstention d'une autorité qui a compétence liée, le recours peut être intenté dans les 4 années qui suivent la date à laquelle ladite autorité s'est montrée défaillante.

* 264 Sur la computation des délais en matière administrative, se rapporter utilement à G. DUPUIS et alii, op. cit., pp. 46 et sq. S'agissant du délai franc, pour une décision expresse, il commence à courir le lendemain de la divulgation de la décision à 0H (encore appelé dies a quo, c'est-à-dire le jour de réalisation ou de connaissance du fait dommageable, de publication ou de notification de la décision litigieuse) et il expire le lendemain du dernier jour (encore appelé dies ad quem c'est-à-dire le jour où expire le délai prescrit) ; s'agissant du délai non franc, il inclut aussi bien le dies a quo que le dies ad quem.

* 265 V. arrêt n° 173/CFJ/CAY du 8 juin 1971, OWONO ESSONO Benoît c. Etat fédéré du Cameroun oriental, in Rec. MBOUYOM, Tome 2, pp. 327-328; arrêt n° 6/CFJ/AP du 31 mars 1971, KEOU Maurice c. Commune de plein exercice de Bafang, Rec. MBOUYOM, Tome 2, pp. 135-136, Rapport NGUINI, cités par R. G. NLEP, op. cit., p. 270.

* 266 Cité par R. G. NLEP, op. cit., p. 273.

* 267 Jugement n° 14/CS-CA/77-18, ATANGANA ESSOMBA Protais c. Etat du Cameroun.

* 268 A. HEURTE, ``La notion d'ordre public dans la procédure administrative'', R.D.P., 1953, pp. 615-648, cité par R. G. NLEP, op. cit., p. 276.

* 269 A. MBEMBE, ``Tradition de l'autoritarisme et problèmes de gouvernement en Afrique subsaharienne'', Revue Afrique et développement, vol. XVI, n° 1, 1992, cité par R. G. NLEP, ibid., p. 149.

* 270 La capitale politique du Cameroun est Yaoundé située dans la province du Centre dont elle le chef lieu.

* 271 Rapport de la Commission HAENEL-ARTHUIS (Commission sénatoriale) de 1992 sur les juridictions administratives, Sénat français, Seconde session, ord. 1991-1992, doc. 400, not., p. 174 et sq., cité par Y. B. VIGNON, ibid., p. 119.

* 272 R. G. NLEP, ibid., p. 149.

* 273 Ch. DEBBASCH et alii, op. cit., p. 593.

* 274 N. MOLFESSIS, ``La dimension constitutionnelle des libertés et droits fondamentaux'', in R. CABRILLAC et alii (dir.), Libertés et droits fondamentaux, 7e éd., Paris, Dalloz, p. 84.

* 275 Développé par H. KELSEN, ``La garantie juridictionnelle de la Constitution'', RDP, 1928, pp. 197 et sq.

* 276 N. MOLFESSIS, ibid., p. 84.

* 277 L. DONFACK SOCKENG, ``Cameroun : le contrôle de constitutionnalité des lois, hier et aujourd'hui. Réflexions sur certains aspects de la réception du constitutionnalisme moderne en droit camerounais'', in S. MELONE, A. MINKOA SHE, L. SINDJOUN (dir.), La réforme constitutionnelle du 18 janvier 1996 au Cameroun. Aspects juridiques et Politiques, Yaoundé, Friedrich-Ebert-GRAP, p. 363, cité par A. MINKOA SHE, op. cit., p. 72.

* 278 A. MINKOA SHE, op. cit., pp. 72-73.

* 279 Y. B. VIGNON, ibid., pp. 92-93.

* 280 In J.O.R.C., n° 8, 1er mai 2004, pp. 364-383.

* 281 Art. 51 al. Loi n° 96/06, Juridis Périodique n° 25, Jan-Févr-Mars 1996, p. 9 ; art. 7 al. 3 loi n° 2004-4, op. cit., p. 365.

* 282 Art. 2 de la loi n° 2004-5, op. cit., p. 378.

* 283 Art. 8 de la loi n° 2004-5, op. cit., p. 379.

* 284 Art. 9 de la loi n° 2004-5, op. cit., p. 380.

* 285 Art. 18 al. 3 de la loi constitutionnelle de 1996, op. cit., p. 5.

* 286 Aux termes des art. 47 al. 1 de la loi n° 96/06 et 3 al. 1 de la loi n° 2004-4, « Le Conseil constitutionnel statue sur : - la constitutionnalité des lois, traités et accords internationaux ; - les règlements intérieurs de l'Assemblée nationale et du Sénat avant leur mise en application, quant à leur conformité à la Constitution ; - les conflits d'attribution entre les institutions de l'Etat, entre l'Etat et les régions, entre les régions ».

* 287 Les décisions du juge constitutionnel camerounais en ce qui concerne le contrôle de la constitutionnalité des lois doivent intervenir « dans un délai de quinze (15) jours. Toutefois, à la demande du président de la République, ce délai peut être ramené à huit (08) jours » selon l'art. 19 al. 4 de la loi n° 2004-4, op. cit., p. 368.

* 288 Art. 4 al. 3 et art. 15 al. 1 de la loi n° 2004-4, op. cit., pp. 364 et 367.

* 289 Art. 15 al. 2 de la loi n° 2004-4, op. cit., p. 367.

* 290 Art. 25 de la loi n° 2004-4, op. cit., p. 370.

* 291 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 130.

* 292 DCC, 23 août 1985, Nouvelle Calédonie, Rec. 170.

* 293 R. G. NLEP, ibid., p. 147.

* 294 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 135.

* 295 Y. B. VIGNON, ibid., p. 92.

* 296 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 137.

* 297 R. G. NLEP, ibid., p. 147.

* 298 On peut distinguer deux types d'exception d'inconstitutionnalité :

1. d'une part, l'exception d'inconstitutionnalité devant le juge constitutionnel, c'est-à-dire le cas dans lequel, à l'occasion d'un litige de droit constitutionnel, se pose de façon incidente la question de l'inconstitutionnalité d'une loi;

2. d'autre part, l'exception d'inconstitutionnalité devant le juge ordinaire, c'est-à-dire le cas dans lequel la question de l'inconstitutionnalité d'une loi est soulevée devant un juge qui n'est pas spécialisé dans les affaires constitutionnelles et qui est donc un juge civil, pénal ou administratif (M. FROMONT, ``Rapport sur les exemples de la Suisse, de l'Autriche et de la République fédérale d'Allemagne en matière d'exception d'inconstitutionnalité'', in G. CONAC et D. MAUS (dir.), L'exception d'inconstitutionnalité : Expériences étrangères, situation française, Paris, Ed. STH, Coll. « Les grands colloques », 1990, p. 14.

* 299 Le mécanisme est prévu en Suisse, Autriche, Allemagne, Italie.

* 300 V. les Constitutions béninoise (art. 122), togolaise (art. 104).

* 301 R. DEGNI-SEGUI, op. cit., p. 139.

* 302 V. à ce propos A. MINKOA SHE, op. cit., p. 78 et sq. ; S. MELONE, obs. sous jugement C.A de Garoua, 5 mai 1973, RCD, n° 6, 1974, p. 135 ; M. KAMTO et P. G. POUGOUE, ``Commentaire de la loi n° 89/018 du 28 juil. 1989 ...'', ibid., pp. 5-9.

* 303 V. notamment Cass. Crim., 11 avr. 1833 : « la loi délibérée dans les formes prescrites fait la règle des tribunaux et ne peut être attaquée devant eux pour cause d'inconstitutionnalité », S. 1833, I. 357. La même position est adoptée pour les ordonnances de l'art. 92 Const. du 4 oct. 1958, v. Cass. Crim. 28 mai 1959 et pour les mesures de valeur législative prises dans le cadre de la mise en oeuvre de l'art. 16 Const. 1958, v. en ce sens Cass. Crim., 10 mai 1962, Dovecar et Piegts, Puech M., G. A., n° 13.

* 304 V. C.S., 14 févr. 1974, inédit ; C.S. 30 juin 17974, inédit ; C.S. 9 déc. 1976, inédit.

* 305 A. MINKOA SHE, op. cit., p. 79. V. en ce sens les décisions CS/CA, n° 34 du 24 avr. 1980, inédit ; CS/CA, n° 40 du 29 mai 1980, inédit ; CS/CA, n° 20 du 30 sept. 1993, inédit.

* 306 J. MORAND-DEVILLER, ``Les mécanismes non juridictionnels de protection des droits'', Colloque international, L'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone, 29 sept.-1er oct. 1993, Paris, Ed. Eric Koehler, AUPELF-UREF, 1993, p. 493.

* 307 Ibid., p. 493.

* 308 Les ``Principes de Paris'' sont adoptés au plan international par une résolution 1992/54 de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies en date du 3 mars 1992 confirmée par une résolution 48/134 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 20 décembre 1993.

* 309 Pour des études critiques de l'activité du Comité national des droits de l'homme et des libertés camerounais, v. notamment E. MOTTE, ``Le Comité national des droits de l'homme dans l'illégalité. Des nominations non conformes. Des membres déchus de leur qualité. La loi piétinée depuis trois ans'', in Mutations, n° 204, 22 mars 1999, p. 15 ; E. J. ETONGUE MAYER, ``Le Comité national des droits de l'homme et des libertés du Cameroun'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 9, Droit à la démocratie en Afrique centrale, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2003, pp. 229-266.

* 310 J.O.R.C., n° spécial, juil. 2004, pp. 3-12.

* 311 Dr Solomon NFOR NGWEI, entretien avec E. J. ETONGUE MAYER, ibid., p. 253.

* 312 L'art.6 al. 1 associe diverses autorités à la désignation des 30 membres de l'institution nationale : le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat, la Conférence des recteurs, etc., in J.OR.C., op. cit., p. 6.

* 313 Art. 10 al. 1, in J.O.R.C., op. cit., p. 7.

* 314 E. J. ETONGUE MAYER, ibid., p. 253.

* 315 Art. 18 , in J.O.R.C., op. cit., p. 9.

* 316 E. J. ETONGUE MAYER, ibid., p. 263.

* 317 Art. 21 al. 1, in J.O.R.C., op. cit., p. 10.

* 318 Art. 25, in J.O.R.C., op. cit., p. 11.

* 319 Art. 12, in J.O.R.C., op. cit., p. 7.

* 320 Art. 13 al. 1, in J.O.R.C., op. cit., p. 8.

* 321 Selon l'art. 28 al. 1 de la loi n° 2004-16, les peines prévues sont celles de l'art. R 370 C.P. qui traite des contraventions de 4e classe ; soit une amende de 4000 à 25000F inclusivement et un emprisonnement de 5 à 10 jours, ou de l'une des 2 peines seulement.

* 322 Cité par E. J. ETONGUE MAYER, ibid., p. 244.

* 323 E. J. ETONGUE MAYER, ibid., p. 249.

* 324 Art. 26, al. 1, in J.O.R.C., op. cit., p. 11.

* 325 C'est la loi n° 91/020 du 16 déc. 1991 fixant les conditions d'élection des députés à l'Assemblée nationale modifiée par la loi n° 97/13 du 19 mars 1997 qui régit les élections législatives. S'agissant des élections municipales, c'est la loi n° 92/002 du 14 août 1992 fixant les conditions d'élection des conseillers municipaux qui reçoit application. L'élection présidentielle est régie par la loi n° 92/10 du 17 sept. 1992 fixant les conditions d'élection et de suppléance à la présidence de la République modifiée par la loi n° 97/020 du 9 sept. 1997.

* 326 - S'agissant des élections municipales, les organes mixtes de caractère non juridictionnel sont les Commissions communales de supervision (CCS) et la juridiction compétente en matière de contentieux est la Chambre administrative de la Cour Suprême aux termes de l'art. 33 de la loi de 1992.

- S'agissant des élections législatives, les organes mixtes sont les Commissions départementales de supervision (CDS) régies par le Chap. 3 de la loi n° 91/020 du 16 déc. 1991 et 3 types de juridiction sont compétents en matière de contentieux : la juridiction civile pour les inscriptions sur les listes électorales et la distribution des cartes d'électeur. La juridiction pénale qui intervient avant la proclamation des résultats pour les cas de flagrant délit et enfin la juridiction constitutionnelle qui connaît des réclamations et contestations relatives aux opérations électorales, statue sur les faits diffamatoires et peut disqualifier le candidat qui en est l'auteur, statue sur l'éligibilité d'un candidat et peut annuler tout ou partie des opérations électorales.

- S'agissant de l'élection présidentielle, les organes mixtes sont les commissions de révision des listes électorales et les CDS et les juridictions compétentes en matière de contentieux sont : la Cour d'Appel qui statue sur les recours contre les décisions de la CDS relatives aux inscriptions ou retranchements sur les listes électorales ; le Conseil constitutionnel qui statue sur les réclamations et contestations liées aux élections, examine les recours relatifs aux décisions de rejet ou d'acceptation d'une candidature, ainsi que celles relatives à la couleur, au sigle ou au symbole, statue sur toute requête en annulation partielle ou totale des opérations électorales. Il statue en premier et dernier ressort.

* 327 A. D. OLINGA, L'ONEL: Réflexions sur la loi camerounaise du 19 décembre 2000 portant création d'un Observatoire national des élections, Yaoundé, Presses de l'U.C.A.C., 2001, p. 7.

* 328 Lors de la 1e législature de l'ère multipartite en 1992, l'Union Nationale pour la Démocratie et le Progrès (UNDP) avait déposé une proposition tendant à l'institution d'une Commission électorale nationale autonome (CENA) qui restera lettre morte. Par la suite, en 1997, les différents partis de l'opposition rassemblèrent les signatures de leurs élus en vue de proposer une révision de la Constitution à l'effet d'y insérer une Commission électorale indépendante (CENI). Proposition une fois de plus contrecarrée par le président de l'Assemblée nationale. Sur ces propositions d'instauration d'une Commission électorale au Cameroun, v. A. D. OLINGA, op. cit., pp. 7-13.

* 329 Ibid., p. 13.

* 330 C'est nous qui soulignons.

* 331 BEDJOKO MBASSI, ``Le vote au Cameroun depuis 1992 : Exigences normatives et pratiques sociales'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 9, op. cit., p. 142.

* 332 A. D. OLINGA, op. cit., p. 14.

* 333 Ibid. p. 21.

* 334 Ibid. p. 21.

* 335 Au contraire de cette situation, la CENI au Tchad peut compléter son budget par des concours financiers extérieurs, cité par A. D. OLINGA, op. cit., p. 22.

* 336 Ibid., p. 22.

* 337 C. SIETCHOUA DJUITCHOKO, ``Introduction au contentieux des élections législatives camerounaises devant la Cour Suprême statuant comme Conseil constitutionnel'', Juridis périodique, n° 50, Avr.-Mai-Juin 2002, p. 92.

* 338 Selon cette disposition, « les manquements commis par les partis politiques, les candidats ou les électeurs peuvent (...) être portés par l'ONEL devant les autorités judiciaires », cité par A.D. OLINGA, ``Bilan des élections législatives et municipales du 30 juin 2002 au Cameroun et impact sur l'évolution démocratique du pays'', Cahier africain des droits de l'homme, n° 9, op. cit., p. 75.

* 339 Ibid., p. 76.

* 340 Ibid. p. 77.

* 341 Ibid. p. 77.

* 342 BEDJOKO MBASSI, ibid., p. 143.

* 343 Y.B. VIGNON, ibid., p. 111.

* 344 DCC n° 84-181, 10 et 11 oct. 1984, Rec. p. 73 et ss., cité par Y.B. VIGNON, ibid., p. 112.

* 345 In S. NGUE (dir.), Code pénal, 3e éd., Yaoundé, Ed. MINOS, juin 2004, p. 242 et sq.

* 346 BEDJOKO MBASSI, ibid., p. 148.

* 347 Ibid., p. 148.

* 348 Le Rassemblement Démocratique de Peuple Camerounais (RDPC) parti au pouvoir et le Social Democratic Front (SDF), principal parti d'opposition ont eu droit à un temps d'antenne journalier, radiophonique et télévisé, de 63mn 8s et 23mn 9s ; 34mn 29s et 12mn 8s tous les deux contre 0,14mn à 5,6mn sur les ondes radiophoniques et 0,05mn à 2mn 10s sur la chaîne télévisée pour des formations politiques plus petites, in BEDJOKO MBASSI, ibid., p. 148.

* 349 Ibid., p. 149.

* 350 Ibid., p. 149.

* 351 Pour un report des faits qui se sont déroulés à cette période, v. notamment P. ELA, Dossiers noirs sur le Cameroun : Politique, services secrets et sécurité nationale, Paris, Ed. Pyramide Papyrus Presse, 2002, 287 p., pp. 207 et sq. ; F. FENKAM, Les révélations de Jean FOCHIVE, Paris, Ed. Minsi, 2003, 297 p., pp. 157 et sq. ; E. KAMGUIA KOUMCHOU, Le journalisme du carton rouge : Réflexions et chronologie de années orageuses, Douala, L'étincelle d'Afrique, Août 2003, 383 p. Pour une analyse juridique de ces faits, v. L SINDJOUN et M. E. OWONA NGUINI, ``Politisation du droit et juridicisation de la politique : l'esprit sociopolitique du droit de la transition démocratique au Cameroun'' in D. DARBON et J. d. B. de GAUDUSSON (dir.), La création du droit en Afrique, Paris, Karthala, 1997, 496 p. ; pp. 217-245.

* 352 P. G. POUGOUE,ibid., p. 103.

* 353 J. C. ALEXANDER, Real Civil Societies. Dilemmas of Institutionlization, Sage, 1998, p. 7, cité par M. LECLERC-OLIVE, ``Les pouvoirs publics locaux: quelques réflexions pour l'analyse'', Programme de Développement Municipal (PDM), Décentralisation, foncier et acteurs locaux, Actes de l'atelier de Cotonou, 22-24 mars 2000, PDM, Coopération française, Déc. 2000, p. 45.

* 354 C. MOTO ZEH, ``Société civile et promotion des droits de l'enfant : l'importance de l'éducation'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 177.

* 355 Ibid., p. 178.

* 356 P. TITI NWEL, ``Société civile et promotion de la démocratie'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 189 et sq.

* 357 Ibid., p. 190.

* 358 Ibid., p. 195.

* 359 Ibid., p. 197.

* 360 Exemple peut être pris de la grève des membres du Barreau camerounais suite à la flagellation de l'un des leurs par des éléments des forces de l'ordre.

* 361 P. C. AKOA, ``Société civile et amélioration des conditions carcérales'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 155.

* 362 D. NDINE MPESSA, ``La société civile et la promotion des droits de la femme'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 161.

* 363 S. KUATE TAMEGHE et R. LOUMINGOU SAMBOU, ``L'Etat et l'internationalisation des activités non gouvernementales'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 214.

* 364 J.-P. O. de SARDAN, ``Dramatique déliquescence'', in Le Monde diplomatique, févr. 2000, p. 12.

* 365 Au Cameroun, les associations se créent librement et acquièrent la personnalité juridique sur la base d'une déclaration accompagnée de deux exemplaires des statuts à la Préfecture du département, lieu du siège de l'association. Dès que le dossier est complet, un récépissé de la déclaration est délivré aux membres de l'association. L'autorité administrative a un délai de 2 mois pour donner suite à la procédure ; en cas de silence, le principe ``qui ne dit mot consent'' joue à l'expiration du délai. L'association peut alors s'administrer librement. S'agissant du régime de l'autorisation, il suppose une autorisation préalable du Ministre de l'administration territoriale (MINAT) après avis conforme du Ministre des Relations extérieures (MINREX) pour les associations étrangères.

* 366 Le même jour, le MINAT signe un arrêté portant dissolution de 6 autres associations pour « participation avérée à des activités non conformes à leur objet statutaire et troubles graves portant atteinte à l'ordre et à la sécurité de l'Etat ». Parmi les 6 associations, 3 sont des associations de défense des droits fondamentaux : Cap-Liberté, Human Rights Watch et l'Organisation camerounaise des droits de l'homme, cité par E. KAMGUIA KOMCHOU, op. cit., p. 70.

* 367 F. ONANA ETOUNDI, ``La pratique de la loi n° 90/053 du 19 déc. 1990 portant liberté d'association au Cameroun'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 231.

* 368 Ibid., p. 234.

* 369 A. TITE AMOUGUI, ``Réflexions sur la loi n° 99/014 du 22 décembre 1999 régissant les ONG'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 4, op. cit., p. 235.

* 370 Ibid., p. 237.

* 371 Le dossier ainsi constitué est déposé auprès des services du Gouverneur qui dispose d'un délai de 15 jours pour le transmettre à une ``Commission technique chargée de l'étude des demandes d'agrément et du suivi des activités des ONG'' (art. 6 al. 3). Celle-ci a un délai de 30 jours pour rendre son avis et transmettre le dossier au MINAT qui accorde l'agrément.

* 372 A. TITE AMOUGUI, ibid., p. 246.

* 373 D. NDINE MPESSA, ibid., p. 163.

* 374 C. MOTO ZEH, ibid., p. 179.

* 375 Ibid., p. 179.

* 376 D. NDINE MPESSA, ibid., p. 160.

* 377 Pour l'ensemble des hypothèses et résultats obtenus relativement à cette étude, se rapporter utilement à M. T. MENGUE, ``La connaissance du processus électoral par la population électorale'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 9, op. cit., pp. 305-341.

* 378 Comme celle de penser que ``les forces de l'ordre en période électorale ne servent à rien'', ou que ``le président du bureau de vote sert à assurer la victoire du parti au pouvoir'', ou ``il ne sert à rien de contester les résultats d'une élection, la régularité n'étant jamais rétablie »..., ibid., p. 331.

* 379 J. ONANA, ``La déviance politique comme catégorie discursive de construction de la réalité politique en Afrique'', in Cahier africain des droits de l'homme, n° 9, op. cit., p. 97.

* 380 Rapport de politique générale du président BIYA au congrès du RDPC du 28 juin 1990 in SOPECAM, Droits et libertés, Recueil de nouveaux textes, Yaoundé, Ed. SOPECAM, déc. 1990, pp. 12-13.

* 381 P. G. POUGOUE, ibid., p. 103.

* 382 Ibid., p. 119.

* 383 J. ONANA, ibid., p. 97.

* 384 C. MONGA, Anthropologie de la colère -Société civile et démocratie en Afrique noire, Paris, L'Harmattan, 1994, 167 p. ; p. 104.






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