WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'identité et le spectacle vivant à La Réunion

( Télécharger le fichier original )
par Virginie Verbaere
Université Aix-Marseille III - Administration des Institutions Culturelles 2004
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy
(c) Pour trouver une unité

« Chacun voudrait que sa musique à lui soit reconnue comme la musique réunionnaise ».

Cette simple phrase prouve le désir des Réunionnais d'affirmer une identité originale en utilisant la musique. Les pouvoirs publics l'utilisaient comme instrument de promotion identitaire et comme outil d'intégration sociale pour les jeunes. Même si le discours politique prône les cultures plurielles, il semble en fait que l'on favorise une musique plutôt qu'une autre et donc que l'on recherche une unité. « On veut trouver une musique qui deviendra une référence ultime pouvant servir de drapeau identitaire » au dépends bien souvent des autres musiques. Il y a une fermeture face à l'autre, face à ce qui ne serait pas réunionnais. Le séga et le maloya font figure de symboles. A travers eux, à travers les termes utilisés pour les décrire, persiste cette dualité, exprimée par une série d'antonymes: pureté/métissage, blanc/noir, esclave/colonisateur, Réunionnais/Européen, jeune/vieux, commercial/authentique, pur/perverti etc. Maintenant, chacun choisit son camp et prône l'une ou l'autre comme référence, dans un but d'harmonie. Cette unité passe par la dualité et le conflit.

(d) Positionnement dans un contexte de mondialisation culturelle

Il est intéressant d'interroger les artistes pour connaître leur vision culturelle selon leur histoire et celle de leur société. Pour Danyel Waro, le maloya est « une façon de vivre, une respiration, un mélange » qui s'oppose à la musique actuelle. Pour lui le maloya ne s'apprend pas tandis qu'une autre position moderniste affirme que ce courant musical s'apprend. Ces deux positions reflètent les fractures de la société réunionnaise : tradition/modernité.

On dit aussi que les Antillais aiment leur musique, le zouk, mais que les Réunionnais n'aiment pas leur musique. Il y a de toute façon une opposition très marquée entre la demande locale telle qu'elle est présentée (faire du séga traditionnel, du maloya, dans les foires, dans les fêtes, dans les hôtels, dans les lieux touristiques) et l'offre proposée (« fusion », « progression », « jazz »). On aurait, pour reprendre le modèle des trois mondes de Popper et d'Habermas101(*), un modèle « idéel » représenté soit par le marché touristique local, soit par le militantisme culturel, mais surtout un modèle « idéel » basé sur la « world music » (la fusion) assez éloigné de « La Réunion lontan » et des directives prises en faveur du séga.

Si le public est d'abord local, il faut cependant se positionner par rapport au marché mondial et surtout par rapport à la métropole. Pour savoir ce qu'il va advenir de la musique réunionnaise il faudrait étudier toutes les stratégies appliquées par les musiciens réunionnais, les professionnels du spectacle vivant, les responsables politiques et les cadres administratifs qui dictent la vie artistique réunionnaise. D'autres facteurs que la quête identitaire interviennent et modèlent les comportements musicaux. On peut citer par exemple la situation économique liée à la commercialisation des musiques ou à l'octroi de subventions publiques à la culture, les motivations personnelles, l'énergie créatrice et les besoins d'expression.

La Réunion, par sa diversité et par son statut de département français, vit sa recherche identitaire sur le mode conflictuel. Pour comprendre les discours contradictoires recueillis plus haut, il ne faut pas les mettre en relation avec la réalité sociale et ses enjeux identitaires. Cela nous permet d'interpréter les comportements musicaux comme des stratégies identitaires conscientes ou pas. Les stratégies conscientes proviennent des politiques culturelles basées sur des axes définis. Les stratégies inconscientes sont plutôt repérables à travers les discours, les définitions, les associations d'idées que les individus expriment lorsqu'ils parlent de musique. Tous les messages contenus dans les discours impliquent une revendication identitaire du type: « je veux exister, je veux être reconnu, nous voulons exister et être reconnus ». La diversité des revendications identitaires peut s'expliquer par les multiples origines de la population et les conceptions dualistes héritées de la société esclavagiste mais La Réunion est aussi une société moderne, complexe et stratifiée. Il est donc normal de ne pas trouver un seul discours.

Pour certains groupes d'individus, la revendication liée au maloya, fait davantage appel à un projet social, à une lutte pour l'égalité qu'à un projet lié à l'ethnicité. Néanmoins, nous croyons que cette revendication sociale se fonde sur une sorte de vision mythique des sociétés noires. Le projet égalitaire resterait possible si les racines africaines des Réunionnais étaient pleinement assumées afin de rebâtir sur cette base. Les Réunionnais ont des difficultés pour se regrouper. Malgré les apparences on parle beaucoup du manque de solidarité entre les individus. Le maloya est alors utilisé pour véhiculer le désir d'une communauté basée sur une société égalitaire. L'utopie est là, cachée derrière cette idée de communauté. Elle consiste à voir un modèle social idéal dans les sociétés « Noires », et symbolisé dans la musique « Noire ». On commence à associer les notions d'élitisme, de bourgeoisie, de conservatisme, de non-dynamisme aux productions culturelles européennes et à l'inverse, attribuer les valeurs opposées aux musiques dites noires. Cette vision ne suscite pas l'unanimité dans une population dont le trait marquant est l'hétérogénéité et dont une large proportion de la population est de descendance européenne, donc Blanche.

La compréhension de la musiques comme vecteur d'identité est ainsi passée par une analyse des enjeux sociaux et historiques et surtout, par la description des composantes stylistiques des musiques et de leur fusion. Ensuite l'analyse des interférences entre les représentations révélées par les discours et la réalité nous aide à mieux comprendre le rôle de la musique en tant que stratégie identitaire.

Conclusion

Il est évident maintenant qu'en venant s'ancrer dans les rituels, le social et le culturel, les domaines du spectacle vivant apparaissent comme des symboles puissants, comme des marqueurs d'identité. Les pratiques culturelles des réunionnais ont révélé le rôle des différents secteurs artistiques sur le plan identitaire car ils correspondent aux attentes des consommateurs et à leur vision de la culture comme messagère d'une image de leur région. L'analyse des différents champs artistiques est ensuite venue confirmer l'importance du spectacle vivant, plus populaire et accessible que les autres secteurs artistiques. On en a ainsi déduit sa capacité à véhiculer de façon la plus authentique possible la culture réunionnaise (au sens anthropologique). Puis l'analyse historique et sociale du secteur musical a permis de faire ressortir au grand jour ce qu'il cachait au plus profond de lui : des genres musicaux multiples reflétant la société hétérogène et chacun des individus. La musique est un vecteur parmi d'autres mais c'est le vecteur qui permet de chanter La Réunion et de la monter tantôt divisée, tantôt unifiée. C'est le miroir de la société où chaque conflit et chaque aspiration s'y retrouve. Enfin, c'est un vecteur malléable, offrant des possibilités infinies de construire, défaire, rebâtir, changer la société en perpétuelle mutation. Dans les multiples pistes qu'elle ouvre pour changer de peau on peut choisir un hymne, puis un autre et encore un autre au fil du temps et pour crier « JE SUIS ! NOUS SOMMES REUNIONNAIS ! ». Si les vecteurs artistiques servent de scènes d'expression pour l'identité réunionnaise ils ne sauraient exister sans les acteurs d'une politique culturelle qui sont les collectivités territoriales et les professionnels de la culture. Allons maintenant faire leur connaissance et appréhender ce terrain avant de nous pencher sur un exemple : l'Office Départemental de la Culture.

* 101 Popper, Habermas, cités par CHERUBINI B., 1996, Regards sur le champ musical, Travaux & Documents, Université de La Réunion

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"