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L'intégration des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) dans l'économie mondiale par les APE (Accords de partenariat économique): leurre imposé ou ambition réaliste pour le développement ?

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par Stéphanie de Halleux
Université Libre de Bruxelles - D.E.S. en Coopération au développement 2008
  

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IV.3.2. Des questions qui suscitent de vifs débats entre les partenaires IV.3.2.1. La dimension développement des APE

Nous avons étudié dans la deuxième partie du présent mémoire qu'il était primordial pour les pays ACP et l'UE, que les APE servent au développement des États ACP. Si tout le monde s'accordait à dire que les APE devaient être avant tout un outil de développement, les divergences de vues subsistaient quant aux moyens pratiques visant à intégrer la dimension « développement » dans les APE, ce qui occasionnait comme le précise l'ECDPM, des « tensions et des frustrations entre les parties202», ralentissant de la sorte le processus des négociations. Cette divergence profonde sur la question s'expliquait donc par des conceptions distinctes qu'avaient l'UE et les États ACP sur la dimension développement contenue dans les APE.

En effet, pour l'UE, l'APE se concevait comme un modèle de développement pour les États ACP dans la mesure où il était adapté à la concurrence mondiale et aux contraintes du système commercial multilatéral. L'APE conçu par l'UE reposait ainsi sur une séquence vertueuse se déroulant de la sorte203 : la libéralisation économique et l'intégration régionale donneraient lieu à des marchés plus grands, permettant ainsi des économies d'échelles. Ceux-ci deviendraient dès lors plus attrayants pour les investisseurs qui opéraient dans un cadre réglementaire harmonisé et sécurisé. Davantage d'échanges et d'investissements, conduiraient selon l'UE, à plus de croissance et d'emploi. En outre, l'UE prévoyait au bout du compte une augmentation des flux commerciaux entre les ACP et l'Union européenne ; promouvant ainsi le développement durable des pays ACP tout en contribuant à l'éradication de la pauvreté. Ainsi, cette conception défendue par l'UE, supposait que le développement des pays ACP se réalisait également grâce aux investissements étrangers. Nous observons que pour l'UE, la dimension « développement » des APE était intrinsèquement liée au processus de libéralisation des échanges, considérant ainsi le commerce comme une source de développement économique et de réduction de la pauvreté.

Pour les pays ACP, les APE ne devaient pas se limiter à n'être que des instruments commerciaux, se résumant à un pourcentage de lignes tarifaires libéralisées. Comme l'affirme l'ECDPM, si les pays ACP s'accordaient à dire qu'un APE ouvrait des perspectives de développement, « de nombreux États ACP [avaient] tendance à

202 BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p. 46.

203 COMMISSION EUROPEENNE, APE - une nouvelle approche dans les relations entre UE et pays ACP, op.cit., p.7.

considérer la libéralisation des échanges et l'intégration régionale comme des
conditions nécessaires, mais loin d'être suffisantes à l'avènement du
développement et à l'allègement de la pauvreté.204 »
Les États ACP manifestèrent à

plusieurs reprises leurs inquiétudes sur la question à travers diverses déclarations du
Conseil des ministres ACP. Ainsi, la « Déclaration sur les APE205 » (Bruxelles, 21-

22 juin 2005) fut particulièrement éclairante sur les craintes ressenties par les États
ACP à l'égard des APE206. La Déclaration expliquait ainsi que le Conseil des

Ministres :

« Se déclare gravement occupé par le fait que les négociations ne se déroulent pas d'une manière satisfaisante, la plupart des questions qui intéressent et préoccupent les régions ACP ; en particulier la dimension « développement » et les priorités en matière d'intégration régionales, n'ayant pas été prises en compte dès le départ ;207 » (paragraphe 1)

« (...) demande à l'UE d'adopter une approche non mercantiliste, de mettre l'accent sur le développement et d'en faire une partie intégrante des négociations des APE. » (paragraphe 8)

Pour les États ACP, il était nécessaire que leurs économies soient mises en capacité

afin de tirer profit de l'élargissement de l'accès aux marchés et de faire face à une
concurrence plus forte au niveau interne. Selon les pays ACP, la libéralisation des

échanges devait s'accompagner d'un soutien au développement pour la prise en
compte des contraintes relatives à l'offre, y compris le renforcement des

infrastructures, ainsi que des faiblesses institutionnelles et structurelles qui y étaient
liées208. En outre, il était impératif que l'amplitude du soutien soit à la hauteur de

l'ajustement (coûts d'ajustement à l'issue de la libéralisation) pour atteindre les
objectifs de développement et les priorités régionales des ACP. La Déclaration des

ministres sus-citée était parfaitement consciente de la nécessité de renforcer les capacités à tous les niveaux, et exprimait à cet égard :

« Demande instamment à la CE d'aide le Groupe ACP à mettre en oeuvre des mesures
propres à transformer les économies des pays ACP
, notamment en améliorant leur

204 BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p. 49.

205 CONSEIL DES MINISTRES ACP, Résolutions et déclarations de la 81ème session du Conseil des Ministres ACP tenue à Bruxelles le 21 et 22 juin 2005, ACP/25/011/05, Bruxelles, 21-22 juin 2005 , pp.1-52.

206 D'après l'ECDPM, la déclaration du Conseil des ministres ACP du 21-22 juin est particulièrement importante dans la mesure où « jamais auparavant, le Groupe ACP n'avait publiquement exprimé son inquiétude au sujet des APE de manière aussi nette et catégorique. » Voir : BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p. 50.

207 CONSEIL DES MINISTRES ACP, Résolutions et déclarations de la 81ème session du Conseil des Ministres ACP tenue à Bruxelles le 21 et 22 juin 2005,op.cit., p. 2.

208 BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p. 53.

compétitivité, en favorisant leur intégration régionale, en modernisant leurs infrastructures et en renforçant leur capacité de drainer les investissements, ainsi que leurs capacités d'offre, humaines, et institutionnelles ; » (paragraphe 10)

« Souligne l'urgente nécessité de définir clairement la dimension développement des APE, en indiquant le montant des ressources qui pourraient être mises à la disposition des États et régions ACP pour résoudre les contraintes liées à l'offre et en examinant de quelle manière il faudra remédier aux pertes de recettes prévisibles découlant du processus de libéralisation ; » (paragraphe 7)

Afin de donner à ces priorités le niveau d'attention politique requis, les ministres

du commerce des membres de l'Union africaine, adoptèrent le 14 avril 2006 à Nairobi209, une Déclaration sur les APE dans laquelle ils exhortaient:

« urgemment nos négociateurs à clairement préciser l'aspect développement dans les accords proposés et de résoudre, de manière adéquate, les contraintes liées à l'offre, les goulots d'étranglement dans l'infrastructure et les coûts d'ajustement tout en ayant à l'esprit que la libéralisation des échanges avec ses politiques libérales y afférentes ne peut pas à elle seule, générer un développement économique» (paragraphe 2).

Ainsi, si pour l'UE, la réciprocité des engagements de libéralisation était l'un des
aspects de développement essentiels des APE, pour les pays ACP, la libéralisation

des échanges n'était qu'un facteur de développement potentiel qu'il fallait

néanmoins suppléer par un soutien financier dont l'amplitude était à la hauteur de
l'ajustement provoqué par la libéralisation210. Nous étudierons dans le point

IV. 3.2.2. du présent mémoire, que la demande de ressources additionnelles par les
pays ACP pour couvrir les frais d'ajustement de la libéralisation ne fut pas prise
en compte par la Commission européenne. Comme l'explique l'ECDPM, le

dialogue sur la dimension développement était également rendu difficile du fait
que les négociations étaient menées du côté européen par la DG commerce. Ainsi,

les gouvernements ACP dénoncèrent l'approche pragmatique suivie par les
négociateurs commerciaux de la Commission européenne, qui se concentraient

sur une définition plus étroite du développement, reposant essentiellement sur les gains découlant des échanges211.

209 UNION AFRICAINE, Déclaration de Nairobi sur les Accords de partenariat économique (APE), Conférence des ministres du Commerce, Nairobi, 14 avril 2006, pp.1-6.

210 Nous avons effectivement étudié dans la partie IV.2. du présent mémoire quels étaient les coûts d'ajustement liés à la mise en oeuvre des accords de libre échange entre l'UE et les régions ACP.

211 Les États ACP se plaignent d'une dichotomie croissante entre le discours politique de l'UE, qui insiste fréquemment sur le volet « pro-développement » des APE et l'approche plus pragmatique de la DG commerce lors des négociations sur les APE. À ce sujet, le Conseil des ministres ACP, dans sa déclaration 21-22 juin 2005, « regrette la discordance entre les déclarations publiques des Membres de la Commission européenne en charge du Commerce et du Développement concernant le volet développement des APE et la position effective adoptée par l'UE lors des sessions de négociations sur les APE ; invite la Commission à assurer la compatibilité et la cohérence entre ses politiques en matière de commerce et de développement » (paragraphe 6 de la Déclaration).

Malgré les fortes discordances entre les parties sur la question du développement, la
déclaration du Conseil des ministres ACP, parue quelques jours avant la fin des
négociations212 sur les APE, nous indique que la conception du développement telle

que défendue par l'UE a finalement prévalu sur celle des États ACP, précisant ainsi213 :

« Les ministres ont observé que les intérêts commerciaux de l'Union européenne ont prévalu sur les intérêts défendus par les États ACP en matière de développement et d'intégration régionale.»

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