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L'intégration des pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) dans l'économie mondiale par les APE (Accords de partenariat économique): leurre imposé ou ambition réaliste pour le développement ?

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par Stéphanie de Halleux
Université Libre de Bruxelles - D.E.S. en Coopération au développement 2008
  

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IV.3.2.4. Les alternatives aux APE

En 2006, malgré le fait que 3 années s'étaient écoulées après le lancement des négociations régionales officielles, le vif débat suscité par les APE et les tensions qui accompagnèrent les négociations, amenèrent progressivement la société civile et les États ACP à envisager des alternatives aux APE. Cependant, si l'Accord de Cotonou prévoyait la possibilité de dispositifs alternatifs en son article 37§6, l'interprétation de cet article fut sujette à un autre terrain de discorde entre les partenaires aux négociations, sans compter la position de la société civile à ce sujet qui fut l'instigateur de nombreuses alternatives proposées. Ainsi, selon l'article 37§6 de l'Accord de Cotonou :

« En 2004, la Communauté examinera la situation des non-PMA qui décident, après
consultation avec la Communauté, qu'ils ne sont pas en mesure de négocier des

236 Id., p.5.

237 Le cycle de Doha avait été entamé en 2001 et avait pour objectif d'atteindre un accord final avant le 1er janvier 2005. Suite à l'échec de la conférence de Cancun (septembre 2003), les négociations ont pris du retard. Malgré de très maigres avancées lors de la Conférence de Honk-Kong en 2005, les négociations furent suspendues sine die en juillet 2006 en raison des difficultés persistantes pour rapprocher les différents points de vue. Après la réunion de Davos (fin janvier 2007), au cours de laquelle les ministres du commerce d'une trentaine d'États membres de l'OMC ont marqué leur volonté de voir aboutir le Cycle, les négociations ont été relancées début février 2007. Cependant, en date du 30 juillet 2008, le journal de la Libre Belgique relatait le blocage dans lequel se trouvait le cycle de Doha. Ainsi, comme le rapporte le journaliste dans son article, « les neuf jours de pourparlers qui se sont tenus à Genève sur l'ouverture des marchés intérieurs des 153 pays membres de l'OMC, se clôturent sur un constat d'échec ». Il explique en outre que les sujets déjà agréés par les 153 États membres de l'OMC, ne seraient pas adoptés tant que l'ensemble des sujets du cycle n'étaient pas bouclés. Selon le journaliste, « la nouvelle de l'échec ne surprendra personne, tant la perspective de conclure un accord sur les volets agricole et industriel du cycle des négociation Doha s'éloignait, à mesure qu'on approchait de la fin des négociations ». Voir : Site Internet du gouvernement du commerce extérieur français : www.exporter.gouv.fr/ et OLEB, « Neuf jours de négociations qui aboutissent dans une impasse », In, La Libre Belgique, p.10.

238 Les plus grands désaccords portent sur l'agriculture et les produits industriels. En outre, comme l'explique l'ECDPM, la plupart des figures de proue de l'OMC (y compris parmi les pays en développement) ne voient pas la révision de l'article XXIV comme une priorité à régler, mais plutôt comme une source de problèmes systémiques complexes. Voir : BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p. 35.

239 En effet, comme l'explique l'ECDPM, il est possible qu'une modification des règles de l'OMC entraîne une nouvelle adaptation du contenu des accords commerciaux signés entre l'UE et les pays ACP. Dans la mesure où les APE doivent immanquablement être compatibles avec les règles de l'OMC, toute modification ayant lieu dans le cadre du cycle de Doha pourrait avoir pour conséquence de modifier le contenu des accords commerciaux entre les partenaires.

Accords de partenariat économique et elle étudiera toute les alternatives possibles, afin de pourvoir ces pays d'un nouveau cadre commercial qui soit équivalent à leur

situation existante et conforme aux règles de l'OMC. ».

En ce qui concerne la recherche d'alternatives aux APE, la Commission européenne considérait qu'un large consensus s'était dégagé autour des Accords de partenariat économique du fait que l'Accord de Cotonou avait été le fruit de nombreuses consultations autour de diverses options envisageables pour les nouveaux accords commerciaux240. Selon la CE, en vertu du principe de partenariat égalitaire et de la volonté de ne vouloir imposer aucune solution aux pays ACP, l'article 37§6 avait été rédigé pour ménager une porte de sortie légale aux pays non-PMA (les PMA pouvant bénéficier de l'initiative « tout sauf les armes ») qui n'étaient pas en mesure de signer le nouvel accord négocié241. En conséquence, les États membres de l'UE considéraient qu'ils avaient mandaté la Commission européenne pour négocier des APE et non pour étudier des solutions alternatives. D'après l'ECDPM, l'UE estimait que l'article 37§6 ne faisait pas partie du processus de négociation officiel et considérait qu' « hormis le cas où un pays non-PMA demandait que l'on étudie des alternatives parce qu'il n'était pas en mesure de signer un APE, la Commission européenne ne ferait aucun effort ni pour les étudier ni pour en évaluer les tenants et aboutissants économiques242». L'ECDPM rapporte ainsi les propos de Peter Mandelson, Commissaire européen en charge du commerce, qui a confirmé « qu'aux yeux de la Commission européenne, une solution alternative aux APE ne serait jamais qu'un second choix, un « pis-aller »243.

Pour les États ACP, le plus important était que les APE soient au service du développement. Ainsi, comme le mentionne l'ECDPM, les États ACP ne considéraient l'option des alternatives que dans la mesure où la question développement ne se concrétiserait pas, surtout au travers des mesures d'accompagnement portant remèdes aux contraintes relatives à l'offre et aux faiblesses institutionnelles244. Cependant, si les États ACP ne considéraient pas le mécanisme visé à l'article 37§6 de l'Accord de Cotonou comme obligatoire à priori, l'absence de convergence sur le volet « développement » et le flou qui entourait alors le contenu des APE, les poussèrent à considérer plus sérieusement l'étude des alternatives245.

240 BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p. 60.

241 Id., p.60.

242 Ibid.

243 Id., p.61.

244 Id., p.62.

245 Id., p.63.

En 2006, l'ECDPM jugea qu'il était nécessaire de réaliser une étude246 qui recenserait les scénarios alternatifs aux APE dans la mesure où les parties aux négociations ne parvenaient toujours pas à s'entendre sur des points essentiels (volet développement, interprétation de l'article XXIV du GATT, mesures d'accompagnement) et qu'il pouvait dès lors être utile pour toutes les parties « d'envisager ces alternatives247». L'ECDPM recensa alors deux grandes familles de scénarios, avec d'une part, les APE alternatifs, qui se devaient d'être conformes à l'article XXIV du GATT, et d'autre part, les alternatives aux APE qui s'écartaient du principe de réciprocité et donc du champ d'application de l'article XXIV248. Comme nous l'avons expliqué précédemment, la solution de prédilection des États ACP était une révision et une clarification de l'article XXIV du GATT en vue d'une meilleure prise en compte de leur niveau de développement. Cependant, l'ECDPM précise qu'une modification des règles de l'OMC relevait de l'utopie dans la mesure où de nombreux membres de l'OMC étaient plutôt favorables à un statu quo, voire à un renforcement de la discipline OMC en matière d'accords commerciaux régionaux249.

Cependant, malgré les multiplications de demandes émanant de la société civile250 pour une meilleure prise en compte des accords commerciaux alternatifs, la Commission européenne affirma que l'unique solution alternative à laquelle les pays ACP pouvait s'attendre, était le régime Tous Sauf les Armes (TSA) pour les pays les moins avancés (PMA) ainsi que le Système de Préférences Généralisé (SPG) pour les pays ACP non-PMA. Or, comme nous l'avons étudié dans la première partie du présent mémoire, le SPG standard est moins avantageux que les préférences commerciales de Cotonou251. En novembre 2007, le Commissaire européen en charge du commerce (Peter Mandelson), affirma ainsi dans son discours adressé au

246 BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit.,

247 Id., p.3.

248 Voir : Annexes.

249 BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p.120.

250 En 2004, une campagne intitulée « Mettre un terme aux APE » a été lancée par une vaste coalition d'ONG d'Europe et de pays ACP qui considéraient que les APE présentaient de nombreux risques et étaient nuisibles au développement. La campagne « Mettre un terme aux APE » demandait entre autres à l'UE de respecter l'engagement auquel elle avait souscrit dans le cadre de l'Accord de Cotonou et de commencer de toute urgence à rechercher avec les pays ACP des alternatives sur la base du principe de non-réciprocité institué dans les SGP et dans le traitement spécial et différencié à l'OMC. Voir : http://www.stopepa.org/

251 La Commission européenne estime que si un APE n'est pas signé en janvier 2008, le coût potentiel du retour au SPG pour l'Afrique de l'ouest dépasserait un milliard d'euros d'exportations. Le coût s'élèverait à 360 millions d'euros pour l'Afrique centrale. D'autre part, l'Overseas Development Institue a réalisé une étude en 2007 afin d'analyser l'impact du SPG standard sur les économies ACP. L'Overseas Development Institue (ODI) affirme ainsi que le passage à des droits tarifaires du SPG standard aurait un coût très élevé pour les pays ACP. Ainsi, l'ODI prévoit ainsi qu'un passage au SPG standard provoquerait l'arrêt complet de certaines exportations ACP vers l'UE, provoquant ainsi des incidences économiques défavorables. En outre, les coûts élevés des tarifs du SPG standard seraient supportés par quelques secteurs d'exportation. Le rapport conclut que l'application du régime du SPG standardisé ne permet pas de remplir les engagements pris par l'UE conformément à l'article 37 §6 de l'accord de Cotonou. Voir : OVERSEAS DEVELOPMENT INSTITUTE, The costs to the ACP of Exporting to the EU under the GSP, Final Report, London, March 2007, pp.1-27. Document téléchargé sur Internet. Lien URL: http://www.odi.org.uk/IEDG/Publications/Final-ODI-ACP-GSP-report.pdf

Parlement européen252: «where no EPA at all is yet on the cards, the temporary fallback available is our Generalised System of Preferences, albeit with the potential transitional drawbacks for those ACP countries who as non-LDCs are not eligible for Everything But Arms - in total nearly half of ACP countries. (...) Unfortunately, some European commentators, NGOs and others, continue to create false expectations that some alternative exists. No legally viable alternative is possible and they must know it does. What they are really arguing for- but are no prepared to say- is that the EU should ignore its multilateral obligations, go back on its commitments, to other developing countries and defy the WTO membership. There are no alternatives that are defensible under the WTO rules, or fair to other developing countries outside the ACP.253»

Ainsi, si trois années s'étaient écoulées depuis le lancement officiel des négociations régionales (en 2003), les divergences de vues ralentirent considérablement les négociations, poussant les observateurs (États ACP et société civile) à considérer plus sérieusement l'option des alternatives. Cependant, si les ACP entrevoyaient les alternatives comme une porte de sortie face à l'impasse dans laquelle les négociations se trouvaient, l'UE, quant à elle, estimait qu'il n'était pas nécessaire d'envisager des alternatives dans la mesure où aucun État ACP ne lui en avait fait expressément la demande254. Elle considérait ainsi que l'unique option qui soit compatible avec l'OMC était le SPG standard pour les États ACP non-PMA et le régime TSA pour les pays ACP PMA. Dès lors, de nombreux auteurs s'accrochèrent à l'idée que l'examen formel des négociations, tel que prévu par l'article 37§4 de l'Accord de Cotonou255 permettrait d'apporter des changements à la négociation et de se pencher sur des voies alternatives256.

252 MANDELSON, P., Comments by Peter Mandelson on the European Parliament Development Committee on EPA, Doha trade talks, Brussels, 5 november 2007, pp.1-6. Document téléchargé sur Internet. Lien URL: http://ec.europa.eu/commission_barroso/mandelson/speeches_articles/sppm177_en.htm

253 « Alors qu'aucun accord de partenariat économique n'est encore en jeu, la stratégie de repli temporaire repose sur notre Système de préférences généralisées, bien que les inconvénients liés à la transition pour ces pays ACP réside dans le fait qu'ils ne soient pas éligibles - n'étant pas pays PMA - pour le [régime] Tout sauf des armes, bref cela concerne la moitié des pays ACP. (...) Malheureusement, certains commentateurs européens, des ONGs et d'autres encore continue à promouvoir de faux espoirs vis-à-vis de l'existence d'alternatives. Ils doivent savoir qu'aucune alternative légale ne peut s'avérer viable. L'argument qu'ils font fondamentalement prévaloir -ce qu'ils ne sont toutefois pas prêts à reconnaître - est que l'Union européenne devrait ignorer ses obligations multilatérales, revenir sur ses engagements envers les pays en voie de développement, voire de défier son affiliation à l'OMC. Il n'existe pas d'alternative défendable sous les lois de l'OMC, ou équitable envers les pays en voie de développement en dehors du cadre [de celui] des ACP. » [Traduction personnelle]

254 CONCORD, Un pas en arrière ? La nouvelle approche en deux étapes de l'UE à l'égard des APE. Assemblée parlementaire paritaire ACP-UE, Kigali, 17 au 22 novembre 2007, p.1.

255 Le § 4 de l'article 37 de la Convention de Cotonou stipule que les parties « examineront régulièrement l'état d'avancement des préparatifs et des négociations et, en 2006, elles effectueront un examen formel et complet des accords prévus pour tous les pays afin de s'assurer qu'aucun délai supplémentaire n'est nécessaire pour les préparatifs ou les négociations».

256 BILAL, S., « APE Alternatifs et alternatives aux APE. Scénarios envisageables pour les relations commerciales entre Les ACP et l'UE », op.cit., p.123. et LEFORT, J-C., op.cit. p.203.

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius