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Interaction Hommes/Animaux chez les Gisir Gabon

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par Bipikila Moukani Mambou
Université Omar Bongo - Maîtrise 2008
  

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UNIVERSITE OMAR BONGO

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FACULTE DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES

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DEPARTEMENT D'ANTHROPOLOGIE

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MEMOIRE DE MAITRISE

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INTERACTION HOMME/ELEPHANT CHEZ LES GISIR

PRESENTE PAR BIPIKILA

DIRECTEUR DE RECHERCHE KIALO PAULIN

ANNEE UNIVERSITAIRE 2008

INTRODUCTION

Notre objet d'étude porte sur les rapports entre l'Homme et la faune sauvage ayant pour point de jonction les cultures vivrières, dans l' « ethnoculture » gisir de Mandji dans le département de Ndolou1(*) au Gabon. Nous tentons de cerner plus précisément les rapports de l'homme gisir à la faune sauvage en particulier à l'éléphant. Cependant, les rapports hommes/faune sauvage renvoient à l'interaction homme-nature, aux rapports de l'homme à l'environnement. De nombreux auteurs ont déjà traité ce sujet, mais celui-ci mérite encore d'être développé, à la lumière des problèmes écologiques et socio-économiques que l'on rencontre à Mandji.

Parmi ces auteurs, nous avons retenu entre autres, Lévi-Strauss (1962), qui a analysé les rapports des « sociétés primitives » à leur milieu immédiat. Il note que pour ces sociétés, « un animal peut à lui seul, devenir un outil conceptuel très complexe et complet »2(*). Bodinga-Bwa-Bodinga et Van der Veen (1995) dans une étude linguistique sur les évia du Gabon, analysent l'influence du monde animal dans l'expression des valeurs morales de ce peuple. Ils soutiennent que « le comportement de tel animal est jugé exemplaire et l'Homme est invité à le suivre. Le comportement de tel autre animal sert à dévoiler certaines qualités jugées négatives, dangereuses ou néfastes, donc à éviter ou à abandonner »3(*).

Philippe Descola (1986), quant à lui nous explique dans une étude sur les Achar4(*), que les Hommes entretiennent avec la nature des rapports égalitaires, en intégrant l'environnement à leur vie sociale. Les relations sociales du groupe humain et ses formes de communication s'étendent d'une certaine manière aux éléments de la nature. Raymond Mayer (2000), admet pour sa part qu' « il n'y a pas d'animaux naturels ; il n'y a que des animaux culturels, car chaque animal occupe une position spécifique dans l'entendement et le comportement des Hommes »5(*). Dans cette même lancée, Sabine Rabourdin (2005), dans son étude sur les Ladakhis6(*), montre que dans les sociétés modernes, le monde culturel de la société humaine et le monde naturel de la société animale sont deux univers nettement séparés (...) alors que dans les sociétés traditionnelles, certaines communautés attribuent à de nombreuses plantes ou animaux, (...), des caractéristiques qui relèvent des rapports humains et sociaux.

Notre recherche se propose d'étudier les mêmes rapports chez les Bisir de Mandji. Pour cela, nous avons procédé à des enquêtes fines de terrain à Mandji auprès des agriculteurs (hommes et femmes), des chasseurs et des administratifs de cette localité, mais également à Libreville auprès des responsables des ONG et de l'administration centrale en charge de la faune. A Mandji, notre premier séjour s'est déroulé du 21 avril au 08 mai 2007 et le second du 01au 22 août 2007.

Au terme de notre étude, nous avons pu montrer que les rapports entre l'Homme gisir, les éléphants et les cultures vivrières sont influencés par certains aspects socioculturels, politiques, économiques et écologiques.

Présentation de l'objet d'étude et zone d'enquête

Notre objet d'étude repose sur les relations et les comportements des Bisir vis-à-vis des animaux dits sauvages et en particulier l'éléphant. Les comportements qui se traduisent par des déclarations lamentables du type « bibulu bia dumane binguya »7(*) ou bien « nzahu tsia dumane biamba »8(*), mais également par les nombreuses plaintes adressées aux autorités locales de Mandji et les attitudes parfois négatives manifestées à l'égard de la faune sauvage. Le choix d'aborder les rapports de l'Homme gisir à l'éléphant a été motivé par un certain nombre de constats relevés sur le terrain. En effet, sur le terrain nous avons constaté que les humains et les éléphants vivent en interaction. Les éléphants causent des dommages à la propriété humaine, tuent ou blessent les humains.

Ils dévastent une grande variété de cultures vivrières dont les effets sont bien évidents et dramatiques, ce qui n'est pas le cas des dégâts causés par les insectes, les rongeurs, les primates ou les aulacodes et autres espèces animales. En contrepartie, les humains tuent les éléphants pour l'ivoire, la viande et par mesure de représailles quand les éléphants ont tué ou blessé quelqu'un ou détruit leur propriété. Mais ces rapports deviennent conflictuels dès lors que l'administration intervient pour protéger les éléphants sans pourtant apaiser la colère des populations victimes des dégâts. Ces rapports conflictuels provoquent une perception très négative de l'éléphant et ne favorisent pas l'adhésion des populations aux principes de conservation de la faune en général et de l'éléphant en particulier.

Cependant, l'éléphant est une espèce animale emblématique qui occupe une place particulière dans les traditions des peuples d'Afrique et en particulier chez les peuples gabonais comme les Bisir. A partir d'une « analyse statistique » de la fréquence d'apparition des ressources animales dans Les fables de La Fontaine, Paulin Kialo souligne que « tous ces animaux [évoqués] au même titre que la tortue et la panthère ou encore l'éléphant en Afrique en général et en particulier chez les Pové jouent des rôles soit positif soit négatif en fonction de l'image que lui colle l'homme »9(*). Cette image de l'animal dans la culture traditionnelle n'est pas autonome puisqu'elle est susceptible de servir de modèle pour dénoter des codes sociologiques ou moraux (interactions sociales, conduites humaines, rapports à autrui qu'il soit humain ou animal, perception du bien ou du mal, etc.), pour rendre compte de certaines pratiques sociales ou culturelles.

C'est dire que le monde animal a un intérêt pour l'Homme : il est une source de nourriture, une source technologique, une source de référence aux formes et contenus argumentaires des palabres, une source d'angoisse, un trésor médical, un miroir des rapports sociaux et comportements en société, etc. bref, c'est le lieu d'une stratégie pédagogique des modèles et valeurs préconisés que la société veut transmettre quand il s'agit de nos rapports à l'environnement et à autrui. Mais malheureusement les comportements ne sont pas des éléments statiques, ils évoluent en fonction d'un certain nombre de facteurs de l'heure. C'est là, la perspective proprement anthropologique que nous voulons appliquer à notre objet en recherchant les manifestations des conceptions et des comportements des Bisir dans leurs rapports à l'éléphant, face à la destruction des cultures vivrières.

Nous allons y procéder en tenant compte des différents collectés. Les différents aspects de l'objet ainsi définis concernent d'abord l'identification des rapports endogènes des Bisir à l'éléphant, ceux des éléphants aux cultures vivrières mais également ceux des Bisir eux-mêmes à leurs cultures. Pour les besoins de l'enquête, nous avons procédé à des investigations continues s'étendant de Mandji à Libreville. Mais nous avons focalisé notre enquête de terrain surtout à Mandji. À Libreville il a été seulement question de recueillir les avis de certains acteurs de la protection de la nature du secteur privé et public.

Comme le montre notre carte n°1, Mandji est une localité du Gabon située au Nord-Ouest de la province de la Ngounié entre le bassin sédimentaire côtier à l'Ouest et la retombée septentrionale du synclinal perché d'Ikoundou à l'Est10(*). Cette localité comprise grosso modo entre 1°10' et 1°83'de latitude Sud et entre 9°50' et 10°40' longitude Est11(*), fait partie du département de Ndolou dont Mandji est le chef-lieu. Sur le plan humain, Mandji abrite principalement deux ethnocultures que sont : les eshira et les vungu. Les eshira sont considérés comme le peuple autochtone et le plus majoritaire. Par contre les vungu viennent d'autres coins du Gabon. Ils ont afflué à la suite de l'établissement de certains chantiers forestiers tels que la CFG. Dans le cadre de notre travail, nous nous sommes essentiellement adressé aux Eshira. Les eshira ont pour langue le gisira qui appartient au groupe sira-punu. Les locuteurs de cette langue se nomment eux-mêmes les Bisir au pluriel et Gisir au singulier. Selon la classification de Malcolm Guthrie, le gisira fait partie du groupe B40 qui comprend le yipunu, l'isangu, le givarama, le givungu, le yigama, et le yilumbu. La langue gisira a trois variantes dialectales que sont le Kamba, le Tandu et le Ngosi. Les Bisir de notre zone d'étude utilisent la troisième variante c'est-à-dire le ngosi.

Les origines du peuplement de la région de Mandji sont à rechercher dans l'histoire du peuplement du Gabon précolonial, des missions d'évangélisation du Gabon, des considérations ethniques, claniques ou lignagères et à partir des phases de prospérité connues jadis dans l'économie locale. En ce qui concerne l'histoire, l'éparpillement des peuples faisant partie du groupe bantu, après le déclin des royaumes de Loango et de Makoko, explique les origines du peuplement du Gabon et partant de la présence des Bisir au Gabon. Ensuite, l'implantation de la Mission Sainte-Croix des Eshira, près de Mandji par les missionnaires français en 188712(*) a favorisé l'implantation dans l'actuelle région de Mandji de nombreux villages.

Les populations seraient venues de la contrée de Fougamou et celle du Fernan-Vaz. Aussi, les considérations ethniques, claniques ou lignagères ont contribué à l'occupation de l'espace régional. En effet, en observant les profils historiques de chaque village, du fondateur au chef du village actuel, on comprend aisément que le lignage ou le clan a prévalu dans la création des nombreux villages dans la contrée y compris la ville de Mandji. Enfin, l'expansion économique a entraîné des migrations qui se sont suivies par des implantations définitives, favorisant ainsi la création des villages. Tels sont les cas de l'exploitation forestière qui, à partir de 1940 et de 1960 à 1993, a favorisé le peuplement des cantons Doubanga et Peny et de l'exploitation pétrolière qui à son tour, ayant connu un afflux des travailleurs venus d'autres horizons du Gabon, a favorisé également l'implantation définitive de nombreux d'entre eux dans les années 80.

Problématique et hypothèses

La problématique de notre objet d'étude porte sur les rapports des humains à la faune dans une situation où les animaux deviennent les prédateurs des cultures vivrières. Ces rapports sont étudiés ici pour savoir comment les populations Bisir vivent-elles au quotidien et se comportent-elles avec les éléphants qui détruisent leurs champs. En effet,  le conflit hommes-éléphants n'est pas un problème récent. Déjà les historiens de l'ère précoloniale et du début du XIXème siècle décrivaient les zones en Afrique où existaient des cas de déprédations causées par les éléphants. C'est dans cette optique que Jan Vansina (1985) note que : « les hommes s'occupaient à construire une enceinte solide ou un système de pièges autour du champ pour prévenir la déprédation par les animaux sauvages »13(*).

De nos jours, la perte d'habitat et les prélèvements locaux non durables ont réduit l'étendue géographique des zones de contacts hommes-éléphants14(*). De ce point de vue, nous pouvons s'interroger sur l'évolution des conflits qui ont tendance à s'intensifier. Car aujourd'hui, la gestion du conflit entre l'homme et la nature est devenue un enjeu critique aussi bien pour les populations que pour la faune sauvage. Par conflit hommes-éléphants il faut entendre, selon la définition adoptée par l'UICN/SSC du Groupe des Spécialistes de l'éléphant d'Afrique (AFESG), tout contact entre les deux espèces qui a pour conséquence des effets négatifs sur la vie sociale, économique ou culturelle des humains, la préservation de l'éléphant et de l'environnement15(*).

Le problème des incursions des animaux sauvages dans les cultures se pose avec acuité dans plusieurs pays d'Afrique et notamment au Gabon. En Afrique, il a été signalé en République Démocratique du Congo (RCD) dans la Réserve de Faune à Okapi de la forêt d'Utiri, où environ 4.700 à 10.000 éléphants causent des dégâts importants aux cultures, notamment à la banane, qui constitue leur nourriture préférée16(*). Ces mêmes attaques aux bananes ont été notées dans le Parc National "Queen Elisabeth" en Ouganda17(*). Au Bénin, les éléphants de la Zone Cynégétique de la Djona s'attaquent beaucoup plus aux céréales et aux tubercules qui occupent une place capitale dans l'alimentation des communautés paysannes18(*). En effet, Mama19(*) a estimé que 84,5 ha de cultures avaient été détruits dans cette zone au cours des années 1991 à 1998, alors que les résultats obtenus en 2002 révèlent que 49,70 ha de cultures ont été détruits pour la seule année 2001-2002. De telles données pourraient confirmer la crainte naissante d'une augmentation prévisible des destructions de cultures vu l'accroissement de l'effectif des éléphants ces dernières années. Au Mali, les conflits concernent la destruction des champs et des greniers (58 % des cas) et des arbres fruitiers ainsi que les agressions sur les personnes physiques (12 %). Plus de la moitié (66 %) des personnes interrogées déclare avoir eu des cultures ravagées par les éléphants20(*). Par ailleurs, on évalue la moyenne des superficies dévastées par les éléphants à environ 1000 ha par an, soit une perte financière de 103 millions de francs CFA. Ces dégâts ont entraîné dans certaines zones l'abandon des terres culturales par les familles victimes21(*).

Carte 1 : Localisation de la zone d'enquête

Au Togo, la situation est alarmante dans les localités riveraines du Parc National Fazao Malfakassa où, dans un intervalle de quatre ans (1994 à 1999), les superficies détruites ont été évaluées à 204,27 ha toutes cultures confondues, ce qui représente une perte de production estimée à 252,55 tonnes pour l'igname, le maïs, le riz, le sorgho et le manioc, soit une perte financière de 40.903.713 F CFA. L'igname est la production la plus touchée avec plus de 52 % de la superficie des champs ravagés22(*). La situation est similaire au Burkina Faso où 153 cas de dégâts ont été enregistrés ; 99 % concernent les cultures annuelles et 1 % les plantations fruitières. Dans 92 % des cas, il s'agit de destruction de cultures sur pied (avec 21 ha de céréales et 1 249 buttes d'igname et de patate détruits). L'évaluation financière s'élève pour ce volet à près de 700000 F CFA. Les pertes financières occasionnées par les dommages causés aux aménagements réalisés dans cette réserve représenteraient près de 300000 F CFA par mois et par an, et 12000 F CFA par kilomètre et par an23(*). Au Gabon, ce problème a été également signalé dans les régions de la Lopé, de Gamba, de Minkébé, d'Asséwé, etc. Dans le Complexe d'Aires Protégées de Gamba, 95% des problèmes liés à la pratique de l'agriculture les plus évoqués sont la déprédation des cultures par la faune sauvage24(*). Selon les auteurs, 78% des personnes déclarent être victimes du phénomène de déprédation des cultures par la faune sauvage et parmi ces personnes, 73% identifient l'éléphant comme étant la source principale de déprédation. Au regard de cette situation, certains planteurs de cette contrée sont obligés d'installer leurs plantations sur les îles de la lagune, afin de réduire les risques de déprédation. Dans la zone de la Lopé, Claudine Angoué25(*) mentionne que « les dispositions prises par les populations locales pour protéger leurs champs ne peuvent plus faire face aux dégâts causés par la concentration d'animaux dans les aires protégées, notamment celle des éléphants d'Afrique. Du fait de l'accroissement de la population animalière qui annule les efforts entrepris par les femmes et des difficultés éprouvées par celles-ci à changer le comportement socio-économique, les parcelles arables sont devenues exiguës et le temps de la jachère, beaucoup moins court ».

Elle ajoute que cette réduction du temps de la jachère est à l'origine du rapprochement des champs près des villages, dans les galléries forestières mais également de la réduction du nombre de champs par femme et par an. Les champs de manioc sont devenus une activité secondaire par rapport à ceux des arachides et du maïs. Après la récolte des arachides et du maïs, le manioc est cultivé sur les mêmes terres. Et au regard de la surexploitation des terres la production diminue. Dans notre zone d'étude, à Mandji, il ne se passe plus un jour sans rencontrer une famille plaintive à cause du saccage de ses cultures par les éléphants. De nombreuses plaintes ont été déposées chez les autorités administratives locales notamment chez le préfet et chez les agents du cantonnement des Eaux et Forêts, mais malheureusement, elles demeurent sans aucune suite favorable. D'ailleurs, le Rapport d'activité annuel de 2002 de l'Inspection Provinciale des Eaux et Forêts de la Ngounié indique, dans la rubrique réservée au cantonnement de Mandji que « l'abondance des éléphants détruisant les cultures vivrières inquiètent les populations qui ne cessent de solliciter les décisions de battues administratives »26(*).

En effet, les battues administratives sont très rarement délivrées et quand elles le sont, elles ne sont pas exécutées par défaut de chasseurs professionnels. Certaines familles qui ont cédé au découragement, ont abandonné des plantations entières. D'autres changent de secteurs agricoles d'année en année pour tenter d'échapper aux incursions des éléphants. Ainsi, les populations se rabattent de plus en plus vers les terres situées à proximité des villages et de la ville. Mais ces zones sont souvent composées de terres appauvries par plusieurs décennies de cultures. La jachère n'est plus suffisante pour régénérer les sols. De ce fait, la productivité s'effondre. Nombre de familles sont obligées de dépendre d'autres familles ou d'être condamnées à tout acheter avec celles qui en possèdent encore un peu plus.

Cependant, cette situation n'est pas assez confortable et tolérable pour les populations de Mandji qui rencontrent des difficultés économiques et financières suite aux dégâts dans la mesure où c'est l'agriculture qui constitue l'activité leur procurant de petits revenus. Certaines familles manquent de moyens pour préparer les saisons agricoles suivantes, pour satisfaire aux besoins élémentaires (santé, scolarité des enfants,..) mais également, pour organiser leurs cérémonies traditionnelles. Aussi, des pertes en vies humaines et des blessures sont parfois enregistrées lors de certaines confrontations. Ce qui accroît l'animosité des populations vis-à-vis de l'éléphant. Celui-ci est devenu un ennemi à abattre. Malheureusement, la plus grande partie de la population qui est d'ailleurs vieillissante, manque de témérité pour affronter « l'ennemi ». Face à ce problème, les populations demeurent incapables de réagir autrement qu'avec des méthodes traditionnelles de basse technicité devant lesquelles, les pachydermes restent indifférents. L'un des corollaires de cette situation est l'appartenance de cette espèce parmi les espèces inscrites en annexe1 de la CITES27(*) donc intégralement protégées par les normes internationales par conséquent intouchables. Au Gabon, l'éléphant est protégé par l'interdiction de la grande chasse depuis les années quatre-vingt et inscrit sur l'annexe1 de la CITES depuis 198928(*). Mais les biens privés doivent-ils être abandonnés à des utilisateurs « protégés par la loi » ? En effet, « l'interdiction de la grande chasse a produit la situation actuelle : des populations d'éléphants en expansion générale exerçant une pression sur les cultures qui devient insupportable pour les villageois »29(*).

C'est pourquoi l'interdiction d'abattre les éléphants, est une mesure qui enrage les populations de Mandji. Elles ne parviennent pas à s'accorder avec les autorités sur cette loi. Selon leur entendement, il n'est pas concevable qu'on leur interdise de tuer les éléphants sous prétexte que cet animal serait à l'origine de la régénération de la forêt, puisque dans l'imaginaire gisir, Dieu a crée les plantes avant les animaux. Par conséquent comment l'éléphant peut-il « accoucher » un arbre alors que celui-ci a existé avant lui, se demandent-ils. De même, Jean Pierre Profizi (1999) observe que « sans la pression de chasse, les éléphants sont devenus plus nombreux et, surtout, moins craintifs de l'homme. Ils se rapprochent des villages, quand ils ne les traversent pas pendant la nuit. Les paysans âgés n'osent plus établir des campements de culture isolés, car les plantations sont dévastées par les éléphants sans qu'ils puissent les défendre »30(*).

Nous, nous sommes ainsi posé une série de questions pouvant nous permettre de circonscrire les aspects majeurs de ce problème. La question principale que nous voulons traiter tourne autour des critères qui définissent les rapports de l'Homme à l'éléphant. Autrement dit, quels sont les manifestations sociologiques et anthropologiques sur lesquels reposent les rapports de l'Homme à l'éléphant dans la société gisir? Des questions corrélées à la précédente sont celles qui s'attachent à identifier la conception ou les représentations sociales et culturelles de l'éléphant chez les Bisir, mais également les causes des incursions des éléphants dans les sites agricoles c'est-à-dire pourquoi les incursions des éléphants sont-elles récurrentes dans les plantations ? Aussi, quel est l'état des lieux des champs agricoles après leur passage ? Quelles sont les conséquences des incursions des éléphants dans les sites agricoles ? Enfin, quels sont les moyens et les techniques de lutte contre la déprédation des cultures par les éléphants ?

La question principale sur laquelle repose notre problématique, nous permet d'envisager une hypothèse à partir de laquelle nous conjecturons que les rapports Homme, éléphant et cultures vrivrières sont définis par les représentations sociales et culturelles que les Bisir se font non seulement des cultures vivrières mais aussi de la faune et en particulier de l'éléphant. A cette hypothèse principale, nous associons une hypothèse secondaire liée aux raisons qui expliquent la présence des éléphants dans les sites agricoles. Cette hypothèse suggère qu'il y a une association de conditions physiques et sociales qui favorisent la présence des éléphants dans les sites agricoles. Il s'agit d'un ensemble de conditions qui incluent : un changement dans l'utilisation du territoire par l'homme, un changement dans l'écologie comportementale de l'éléphant du à une intervention humaine, un changement dans les comportements sociaux chez les communautés rurales.

Objectifs de l'étude

Sur la base des questions énoncées dans notre problématique, les objectifs poursuivis par la présente étude sont de deux ordres. Nous avons d'une part l'objectif principal et d'autre part des objectifs spécifiques. L'objectif principal de cette recherche consiste à étudier et à comprendre les critères sur lesquels se fondent les rapports de l'Homme gisir à l'éléphant. Pour cela, il s'agit d'analyser les conceptions et les comportements des Bisir vis-à-vis de l'éléphant.

Pour atteindre cet objectif général, l'étude vise les objectifs spécifiques suivants :

- déterminer la perception actuelle des Bisir vis-à-vis des éléphants au regard des dégâts qu'ils causent aux populations ;

- analyser l'ampleur et l'impact des éléphants sur les humains et celui des humains sur les éléphants;

- identifier le système de protection des cultures

- cerner les mesures de résolution du conflit et le comportement des gestionnaires de la faune.

Intérêt de l'étude

Le choix d'aborder la question des rapports entre les Hommes, les éléphants et les cultures vivrières se situe dans l'intérêt de la gestion durable de l'environnement écologique, économique et social des Bisir de Mandji. La présente étude sur les rapports Hommes, cultures vivrières et éléphants chez les à Mandji, au-delà de contribuer au parchemin académique d'un étudiant de maîtrise que nous sommes, peut aussi revêtir un intérêt sur le plan scientifique, social et politique.

Il s'agit de mettre à la disposition de la recherche, des données de terrain relatives aux conflits homme/éléphants. En effet, sur le plan scientifique, la présente étude vient enrichir la littérature sur la problématique du conflit entre les hommes et la faune sauvage dans la sous région et en particulier au Gabon, et constituer ainsi une base pour les recherches ultérieures dans le domaine. Sur le plan social et politique, elle va ainsi être une source d'informations pour les différentes parties prenantes (décideurs politiques, gestionnaires de la faune et ONG environnementales) au sujet de l'ampleur des dégâts causés par les pachydermes31(*) et ses implications sur la vie des hommes. Elle permet également d'attirer l'attention des décideurs politiques pour qu'ils en prennent conscience, afin de trouver des solutions appropriées au problème. Si les mesures d'atténuation de la destruction des cultures des populations par les éléphants sont prises, elle va permettre d'assaisir les relations entre toutes les parties prenantes intéressées par le sort de l'éléphant. Sachant qu'aujourd'hui, la gestion les conflits entre l'Homme et la faune est devenue un enjeu important aussi bien pour les populations que pour la faune, l'objectif est de les prévenir pour s'en prémunir afin que l'Etat gabonais et les acteurs de la protection de la faune exerçant au Gabon puissent trouver des moyens de les atténuer. Car signalons que Mandji est une zone qui a déjà été en proie aux conflits32(*) parfois sanglants liés aux ressources naturelles. Le dernier en date, s'est produit en décembre 2004.

Chapitre 1 : Orientations théoriques et méthodologiques

1.1. Champ théorique de l'étude

Bien qu'ayant implicitement abordé brièvement le champ de l'anthropologie juridique en citant quelques ouvrages relatifs au règlement des conflits, nous inscrivons notre objet d'étude dans le champ de l'anthropologie écologique, car il ne s'agit pas pour nous d'étudier la gestion ou le règlement des conflits même s'il arrive que nous abordions certains aspects relatifs à la gestion des conflits. Il s'agit plutôt de cerner les rapports des hommes à la nature. A cet effet, le champ de l'anthropologie écologique peut convenir à cette problématique dans la mesure où « l'anthropologie écologique investigue les façons dont une population humaine façonne son environnement et les manières dont ces relations conditionnent les formes d'organisation sociale, économique et politique »33(*). Les courants qui marquent les rapports de l'homme avec l'environnement reposent sur plusieurs théories.

En effet, l'histoire de l'anthropologie est l'histoire des catégories de nature et de culture. Mais parler de nature ne signifie pas d'emblée parler d'écologie. L'anthropologie commence à se penser en termes écologiques avec les travaux de Julian Steward dans les années 30. Jusqu'à cette époque, les rapports entre l'humain et son environnement sont plutôt abordés en termes de déterminisme et de possibilisme. Les débuts originels portant sur la diversité des coutumes humaines et les fondements de la vie sociale font partie du problème de la relation entre nature et culture. Cette relation a été analysée à l'origine dans une approche déterministe. Hippocrate postulait que le milieu exerçait une influence déterminante sur les caractères des peuples. Il supposait entres autres que les peuples montagnards étaient placides par opposition aux habitants de la plaine sèche qui se montraient lunatiques.

Ces idées ont été reprises par Montesquieu pour qui, le type de gouvernement est influencé par le climat et le terrain. Victor Cousin déclara en 1875, donné moi la carte d'un pays, sa configuration, ses eaux, ses vents et toute sa géographie physique. Donné moi ses productions naturelles, sa flore, sa faune et je me charge de vous dire à priori quel sera l'homme de ce pays et quel rôle ce pays jouera dans la zone. Cette approche envisage que la morphologie des êtres ou la physionomie de manière générale, les traits culturels et sociaux d'une société, le type de gouvernement, le comportement sont déterminés par le milieu. Ici, c'est la nature qui façonne l'homme. Or, le rapport de l'homme à la nature se fait à deux niveaux : il est façonné par la nature tout en façonnant celle-ci. Il sait adapter l'environnement à ses ambitions, il ne subit pas la nature.

En effet, le milieu attire, fixe, modifie l'homme et cette action s'exerce à un degré ou à une profondeur reconnue. Elle lui impose des activités, lui suggère des entreprises. Le milieu en fait par exemple d'un homme un pêcheur ou un chasseur. Mais l'homme agit en retour sur le milieu, il l'aménage, il l'équipe, il le piétine, il l'exploite, il construit des villages ; des villes, etc. Au XIXè siècle, les sciences de la nature connaissent un essor remarquable et les théories qui sont développées rendent compte des relations entre l'homme et la nature. En 1859, Charles Darwin publie l'origine des espèces qui met en honneur les concepts de sélection naturelle et de lutte pour l'existence. En 1866, le biologiste Ernest Haeckel forge le terme écologie. A cette époque les théories évolutionnistes prennent corps. Ce sont notamment les théories développées par Spencer en 1870, Morgan en 1825 et Tylor en 1910 qui mettent l'accent sur la notion de progrès unilinéaire. Les tentatives d'explication émises par ces différents courants vont donner naissance à des interprétations diverses parfois dangereuses qui justifiaient quelques fois les actes racistes. L'approche possibiliste envisage le milieu comme un facteur limitant plutôt que comme un facteur déterminant. La notion de facteur limitant, appelée parfois « contrainte écologique », est une extension de la « loi du minimum » formulée au XIXè siècle par Liebiz, qui spécifie que l'existence et le développement d'un organisme sont limités par la présence de certaines ressources.

On peut déterminer la ressource qui manque le plus à un organisme ou à une espèce particulière dans un environnement donné. Cette approche considère que tel ou tel facteur « détermine » ou « rend possible » tel ou tel trait culturel. Autrement dit, la nature n'est pas l'instance déterminante mais constitue simplement le cadre de référence de toute activité possible ou impossible. Par exemple, Marcel Mauss34(*) (1905) dans une étude menée sur les Eskimos en collaboration avec Henri Beuchat, montrent que dans cette société, il y a deux types groupements qui sont imposés par des contraintes écologiques ambiantes et en particulier les différents types de gibiers en fonction des saisons. Les migrations des populations dépendent de la disponibilité des aliments. Au printemps ces populations quittent les lacs et les rivières pour immigrer dans la forêt. En été, toute leur vie sociale se déroule autour des lacs et des points d'eau. L'eau facteur déterminant, structure les migrations des hommes et la transhumance des animaux. Pendant l'hiver, les nomades pratiquent la chasse.

Dans cette perspective, les conditions physiques, climatiques et biologiques opèrent comme autant des contraintes avec lesquels les humains doivent composer. De tendance plus récente, l'écologie culturelle illustrée par Kroeber se démarque du déterminisme environnemental selon lequel les facteurs environnementaux déterminent et expliquent les comportements sociaux et culturels tout en continuant à affirmer que le concept de liberté peut être corrélée à l'altitude. Dans ses travaux, Alfred Kroeber a tenté de démontrer la prédominance de la culture sur la nature. En accentuant cette perspective, Steward invente l'évolutionnisme multilinéaire. Ce concept signifie que les sociétés humaines progressent chacune selon une trajectoire qui lui est propre. Il postule que seul le noyau central d'une société notamment la densité d'une population, le degré de sédentarité et la division du travail subit l'influence du milieu. L'imaginaire relatif à la cosmogonie, aux représentations intellectuelles fonctionne de manière autonome. Une manière de dire que l'écologie n'est pas déterminante sur tous les aspects d'une culture.

Un autre aspect de la théorie écologiste a été développé dans sa dimension matérialiste. La relation entre l'homme et son milieu n'apparaît selon Claude Meillassoux35(*) qu'à partir du moment où celui-ci agit, le transforme et donc l'aménage. Il n'y a pas d'action unilatérale du milieu sur l'homme puisque par chacune de ses entreprises, celui-ci fait surgir devant lui une nature transformée qui devient l'objet de son action, elle-même transformée par son adaptation. Cette vision européocentriste voit la nature que dans son aspect matériel et utilitariste.

Le matérialisme culturel permet de concilier l'observation attentive des sociétés agraires locales avec une théorie de portée générale. Continuateurs de Steward, Vayda (1969), Roy A. Rappaport (1968), Marvin Harris (1980), abandonnent la perspective diachronique et recourent au finalisme biologique. Ils étudient le rôle des facteurs écologiques dans une culture déterminée. Des phénomènes apparemment irrationnels du point de vue économique peuvent s'expliquer par des facteurs d'adaptation écologique. Une priorité à l'infrastructure, sur la structure et sur la superstructure démontre que le rationalité matérialiste, adaptative, détermine tous les faits culturels en les reliant à leur environnement particulier.

Pour Marvin Harris (1979), le processus fondamental qui explique les évolutions est celui de l'intensification. La nécessité d'intensifier l'exploitation de l'environnement accompagne la croissance démographique et contraint les sociétés à inventer ou importer de nouvelles techniques qui ne manqueront pas de transformer les structures sociales et politiques. L'intensification répond à la pression démographique mais aussi aux transformations climatiques. C'est la dynamique endogène des sociétés qui explique les phénomènes de transformation du mode de vie, les migrations, le jeu de diffusion et d'adaptation des espèces et des techniques même si le trop plein des sociétés correspond au creux de la forêt. En outre, on ne peut contester l'importance de certains travaux des écologistes culturels, qui ont étudié avec précision l'aspect matériel des sociétés, mais comme l'ont montré Salins (1980) et Lévi-Strauss (1979), la finalité utilitariste assignée à tous les comportements humains pour assurer les besoins primaires et le concept d'adaptation à l'environnement comportent des limites.

L'anthropologie écologique s'inscrit aussi dans la dynamique actuelle des relations entre société et environnement en apportant des réponses à la dichotomie nature et culture. Elle a pour objectif l'analyse des rapports entre l'homme et son environnement, sous l'angle des interactions dynamiques entre les techniques de socialisation de la nature et les systèmes symboliques qui les organisent. Cette discipline a connu depuis quelques années un important regain d'intérêt qui s'exprime au travers d'une production tout aussi diversifiée. Quelques-unes les plu récentes sont celles de : J. W. Bennet (1993), Milton Kay (1993 ; 1997), Alfred Irving Hallowell (1995), Eduard Viveiros de Castro (1996 ; 1998), Philippe Descola et Palson (1996), Ellen et Fukui (1996), Philippe Descola (1999 ; 2000 ; 2001, 2002).

Les préoccupations actuelles à l'égard de l'environnement contribuent sans aucun doute à cette renaissance, en remettant à l'ordre du jour le débat nature-culture, non seulement au sein de l'anthropologie mais aussi de la philosophie et de la biologie, pour nommer que ces disciplines. Les anthropologues écologistes doivent beaucoup à Lévi-Strauss. En effet, il reste un des piliers de l'anthropologie symbolique, ainsi qu'un passage nécessaire pour tout anthropologue qui veut aborder l'anthropologie écologique. Il y a une filiation entre l'anthropologie structurale et l'anthropologie écologique. Lévi-strauss parle du mariage entre « structuralisme et l'écologie »36(*). Elles poursuivent toutes les deux des visées universalistes. Il traduit son intérêt pour la nature en ces mots : « l'univers est objet de pensée au moins autant que moyen de satisfaire des besoins »37(*).

1.2 Etat de la documentation

La documentation écrite sollicitée pour notre travail comprend quelques ouvrages et travaux de recherche ayant plus ou moins traité des rapports de l'homme à son environnement. Cette étape de la recherche est capitale dans la mesure où « la fécondité de la collecte est déterminée par la lecture d'ouvrages fondamentaux renseignant sur la zone d'étude, les domaines et les disciplines que les recherches en cours impliquent. En fait, il s'agit d'avoir un minimum d'informations théoriques. Il est donc nécessaire de prendre connaissance de quelques travaux »38(*). En effet, bien que la tradition anthropologique soit par marquée par la pratique du terrain, il est indispensable de se munir des outils théoriques afin de les confrontés avec les éléments du terrain qui est le nôtre. Parmi les ouvrages et travaux de recherche, nous avons retenu :

LEVI-STRAUSS, Claude, 1962[8ème éd. 1996], Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, 159 p.

Né en le 28 novembre 1908 à Bruxelles (Belgique), Claude Lévi-Strauss fait ses études secondaires à Paris jusqu'à l'obtention de son baccalauréat. En 1928, il prépare son agrégation de philosophie qu'il obtient en 1931. en 1935, il rejoint son premier poste universitaire à la chaire de sociologie de Sao Paulo où il y enseigne jusqu'en 1938. A la fin de l'année 1935, sa femme et lui effectuent une mission pour le compte du musée de l'Homme et de la ville de Sao Paulo. C'est au cours de cette mission à l'intérieur du Brésil, dans le Mato Grosso qu'il s'initie à l'ethnographie en réalisant sa première enquête chez les indiens Caduveo et Bororo. C'est d'ailleurs la narration de ce premier voyage qui occupe une bonne partie de Tristes Tropiques. Il enseigne respectivement à New-York (1941-1944) et au collège de France (1959-1982). Entre temps, en 1973, il est élu à l'académie française et a dirigé plusieurs missions scientifiques en Amazonie méridionale et au Brésil.

En 1982, il prend sa retraite mais reste membre du Laboratoire d'Anthropologie Sociale. Il a écrit nombre d'articles et d'ouvrages dont celui-ci. Comme Lévi-Strauss l'a lui-même présenté, Le totémisme aujourd'hui est une sorte d'introduction à La pensée sauvage. Dans cet ouvrage reparti en cinq chapitres, l'auteur trace les traits majeurs des publications liées à la question du totémisme, en reprenant les thèses aussi bien des adversaires que des partisans de cette question. Ensuite, il déconstruit et construit le phénomène totémique en offrant des exemples typiques de sa réalité empruntée à plusieurs régions et sociétés du monde telles que les Ojibwa des Grands Lacs, les Tikopia de Polynésie, les Maori de la Nouvelle-Zélande, les Tallensi du nord de la Gold-Coast, les kwakiutl de la Colombie britannique, etc. En le rétablissant dans les faits, l'auteur voit dans celui-ci, un système de classification et de correspondances imagées entre l'ordre de la nature et celui de la culture.

Dans cet ouvrage, nous nous sommes particulièrement intéressé au chapitre IV, intitulé « Vers l'intellect ». Dans celui-ci, Lévi-Strauss nous fait assister à la disposition de l'idée même de totémisme et à l'émergence de l'hypothèse structurale chez les anthropologues anglo-saxons et dont certains étaient liés aux positions fonctionnalistes notamment M. Fortes et R. Firth, Radcliffe-Brown et Evans-Pritchard. Dans son ouvrage sur les Tallensi, rapporte Lévi-Strauss, Fortes montre que ce groupe ethnique observe des prohibitions alimentaires, communes à d'autres groupes de la région sur une vaste étendue. Ces prohibitions portent sur des oiseaux comme le canari, la tourterelle, la poule domestique ; les reptiles comme le crocodile, le serpent, la tortue ; quelques poissons ; la grande sauterelle ; le singe ; le porc sauvage ; des ruminants ; chèvre et mouton ; des carnivores : chat, chien, léopard, etc. Mais Lévi-Strauss remarque que l'hypothèse fonctionnaliste n'est dans ce cas d'aucun secours tant cette liste est hétéroclite. Certains de ces animaux n'offrent aucun intérêt économique, d'autres, très inoffensifs, ne présentent aucune signification particulière du point de vue du danger ou de son évitement. Sur ces faits, Lévi-Strauss soulève deux problèmes à savoir pourquoi le symbolisme animal et pourquoi le choix de certains animaux plutôt que d'autres, c'est-à-dire pourquoi tel symbolisme plutôt que tel autre ? Pour Fortes, certaines prohibitions sont individuelles et d'autres collectives.

Parmi ces dernières, certaines sont liées à des lieux déterminés. Ainsi s'affirme un lien entre certaines espèces sacrées, des clans et des territoires. On comprend mieux par exemple le rapport établi entre les ancêtres, imprévisibles et capables de nuire, et certains animaux carnassiers. D'une manière générale, les animaux, estime Fortes, sont aptes à symboliser les conduites humaines ou celles des esprits ; l'utilisation des différents types correspond aux différences dans nos conduites et nos codes sociaux et moraux. C'est une hypothèse du même genre que propose Firth dans son étude sur le totémisme polynésien quand il se demande pourquoi les animaux l'emportent sur les plantes ou autres éléments. Mais que faire des totems non animaux ? Et même des animaux autres que carnassiers qui se prêtent mal dans les analyses de Fortes et Firth à la ressemblance avec les ancêtres ? Pour Lévi-Strauss, ces deux auteurs conçoivent la ressemblance entre animaux et ancêtres de manière très empirique, c'est-à-dire comme des correspondances de qualités repérées de part et d'autre. Cependant, c'est à ce point que Lévi-Strauss situe la faiblesse essentielle de leur méthode. Ces deux auteurs tendent en effet à mettre en parallèle des signifiés alors que le problème à résoudre est de savoir pourquoi une série animale. Autrement dit comment une série de différence répond à une autre série de différence.

Selon Lévi-Strauss, poser la question ainsi, c'est comprendre que « ce ne sont les ressemblances, mais les différences qui se ressemblent »39(*). C'est ce qui diffère dans chaque série qui est significatif ; les séries de différences repérées dans le monde naturel servent alors de « code » pour instituer et désigner des différences dans le monde humain : « la ressemblance, que supposent les représentations dites totémiques, est entre ces deux systèmes de différences ». Ainsi, à la reprise d'un texte d'Evans-Pritchard, Lévi-Strauss va pouvoir avancer l'hypothèse selon laquelle : ce qu'on a appelé « totémisme » n'est qu'un cas particulier d'un procédé général dans les sociétés sauvages et qui consiste à signifier les différences dans la société au moyen de différences répertoriées dans le monde naturel.

Il termine ce chapitre en mentionnant qu'un animal dit « totémique » n'est donc pas un animal qui serait l'objet d'une mystérieuse identification entre lui et tel individu ou tel groupe ; un animal, c'est d'abord un « outil conceptuel », car comme organisme il est un système à lui tout seul et comme individu il est élément d'une espèce ; il peut donc parfaitement servir à signifier l'unité d'une multiplicité et le multiple d'une unité. Pour notre part, nous avons retenu cet ouvrage pour qu'il nous aide à appréhender le concept de l'éléphant chez les Bisir. En effet, chez les Bisir un éléphant n'est pas vu seulement comme un animal et surtout pas un animal quelconque. Il constitue d'abord un symbole, un génie, un protecteur, un guide avant d'être considéré comme une source de protéines animales.

LEVI-STRAUSS, Claude (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, 389 p.

Dans cet ouvrage, l'auteur pose des questions qui se rattachent à la fois à la philosophie, à la linguistique ainsi qu'à l'anthropologie cognitive. Il veut par ailleurs, montrer que les hypothèses utilisées notamment les thèses utilitaristes, économiques et alimentaires sont insuffisantes d'intérêt. En effet, après avoir rassembler et comparer des informations pour l'essentiel constituées de témoignages des observateurs, explorateurs, missionnaires, biologistes, etc. provenant de plusieurs régions du monde, Claude Lévi-Strauss va critiquer la thèse selon laquelle : « le sauvage est gouverné exclusivement par des raisons organiques ou économiques »40(*).

Il entreprend de montrer que le sauvage est aussi rationnel que le civilisé. Cette démonstration repose sur le refus de Lévi-Strauss de considérer les sauvages comme des individus inférieurs. Ce refus louable, va conduire l'auteur à décrire leurs cosmologies, leurs modes d'ordonnancement du monde comme des entreprises logiques, conduites par la pensée classificatoire. Pour y parvenir, il effectue un travail de déconstruction des thèses de certains de ces prédécesseurs sur la question du comportement et des manières d'agir et de faire des peuples traditionnels, pour ensuite mettre sur pied la « science du concret » qui est selon lui, une pensée organisatrice du monde naturel, afin d'appréhender et de comprendre autrement la pensée de l'«Autre ».

Avec la publication de La pensée sauvage, Claude Lévi-Strauss opère ainsi, une profonde et remarquable transformation dans l'étude du rapport des sociétés « primitives » à leur milieu immédiat. En parlant du monde animal, il note qu' « un animal peut à lui tout seul devenir un outil conceptuel très complexe et complet »41(*). En cela, il nous guide encore dans notre réflexion sur l'évolution des rapports de l'homme gisir avec la faune sauvage. Car tout comme les autres peuples traditionnels, les Bisir poursuivent des objectifs variés par rapport à leur faune, ils ne les orientent pas exclusivement vers la satisfaction des besoins alimentaires. Cependant, du point de vue de la méthode et des données, pour Lévi-Strauss, peu importe de savoir qui parle et avec qui il parle. Pour nommer ses informateurs, il parle d'indigène. La conception qu'il a de la méthode consiste à mettre en avant un modèle logique de la réalité et, ce faisant, il investit l'anthropologue du pouvoir scientifique, reléguant de la sorte l'indigène au second plan.

DESCOLA, Philippe (1986), La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, Paris, Ed. MSH, Coll. Fondation Singer-Polignac, 450 p.

Anthropologue français, Philippe Descola est directeur d'étude à l'école des Hautes Etudes en Sciences Sociales (E.H.SS) et membre du Laboratoire d'anthropologie sociale au collège de France à Paris. Etudiant en philosophie, il découvre peu après l'ethnologie et les « sociétés exotiques » puis prend attache avec les mythologies amérindiennes de Claude Lévi-Strauss.

Par l'entremise du Laboratoire d'Anthropologie Sociale sous la direction de Lévi-Strauss, Philippe Descola bénéficie d'une mission du CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique) au cours de laquelle, il se familiarise avec les indiens Achuar. Pour ce qui est des Achuar, il s'agit d'un groupe appartenant à l'ensemble Jivaro, situé dans le haut Amazone, à la frontière entre le Pérou et l'Equateur. Ce sont, à l'époque (année soixante-dix) des nouveaux venus sur la scène ethnographique. Cette méconnaissance est d'ailleurs sans doute due à la méfiance qu'inspirait ce peuple d'Amazonie en guerre permanente et célèbre pour sa technique de réduction de la tête de leurs ennemis tués au combat. Philippe Descola et son épouse Anne-Christine Taylor ont réalisé leur terrain parmi les Achuar de Pérou entre 1976 et 1979, y réalisant plusieurs séjours prolongés. De retour en France en 1984, il rédige une thèse qui sera publiée sous le titre : La nature domestique. Considéré comme l'ouvrage qui a donné naissance à l'anthropologie de la nature, La nature domestique a fait date dans l'histoire de la discipline. En battant en brèche les thèses de certains de ses devanciers, son ambition a été de déconstruire le caractère réductionniste ainsi que de relier les aspects symboliques et les aspects matérialistes dans une étude des relations entre les Achar et leur environnement.

En effet, dans l'introduction de cet ouvrage, il explique la volonté qui est la sienne de dépasser les fondements de l'anthropologie écologique, encore nettement dépendante de l'opposition nature-culture. Il critique la séparation théorique, dans les études des populations amazoniennes entre morphologie symbolique qui appréhende la nature comme un objet de la pensée taxinomique et cosmologique ; et le réductionnisme écologique qui aborde toutes les manifestations de la culture comme des épiphénomènes du travail « naturant » de la nature.

Tout compte fait, la séparation nature-culture offre un pendant théorique : séparation entre étude de la matière et l'étude de la pensée. Autrement dit soit on explique la nature par la culture, soit la culture par la nature. Pour Descola, ces approches ont pour défaut un dualisme excessif et un intérêt insuffisant envers la pratique. L'objectif de son anthropologie de la nature serait « d'analyser les rapports entre l'homme et son environnement sous l'angle des interactions dynamiques entre techniques de socialisation de la nature et les systèmes symboliques qui les organisent »42(*). Car pour lui, «c'est à cette condition que l'on peut  montrer comment la pratique sociale de la nature s'articule à la fois sur l'idée qu'une société se fait d'elle-même, sur l'idée qu'elle se fait de son environnement matériel et sur l'idée qu'elle se fait de son intervention sur cet environnement »43(*).

Ainsi, il présente la société Achuar comme une société où l'imaginaire donne à la nature toutes les apparences des sociétés humaines. Aussi, en examinant les dynamiques et les processus de socialisation de la nature sous leurs formes techniques, symboliques, matérielles, idéelles, quantitatives et qualitatives, l'auteur vient à conclure que la société achuar dans ses rapports avec l'environnement ne sépare pas les « déterminants techniques des déterminants mentales »44(*). Il fait le constat selon lequel, les achuar ont « une connaissance pragmatique et théorique de la diversité de leur environnement, connaissance qui est instrumentalisée dans leurs modes d'usage de la nature et notamment, dans les techniques agricoles »45(*).

DESMOND Morris (1990), Des animaux et des hommes : partager la planète, Saint-Armand-Montrond, Ed. Calmann-Levy, 206 p.

Morris Desmond est professeur de sociologie à l'Université d'Oxford et auteur de nombreux ouvrages parmi lesquels, Les best-sellers, Le singe nu, Le chat révélé, Le chien révélé, pour lesquels il a obtenu le prix littéraire Trente Million d'Amis. Cet ouvrage a été traduit en anglais par Edith Och avec la collaboration de Monique Lebailly (1992). Dans ce document, l'auteur fait un bref exposé de ses points de vue sur les comportements tyranniques et abus répétés des hommes à l'égard des animaux. Tout en militant en faveur du bien-être du règne animal, il invite à respecter fondamentalement les grands principes de la conduite humaine au risque de devenir des nouveaux dinosaures c'est-à-dire les fossiles d'une ère future.

Dans cet ouvrage, nous nous sommes personnellement intéressé à la première partie intitulée La compagnie des animaux qui brosse un contour historique et spatial des relations étroites et particulières de nos lointains ancêtres avec nos compagnons les animaux. Il s'agit des relations empruntes de mythes et légendes, de cérémonies occultes, danses rituelles et de totems.

Selon l'auteur, le poids de certaines de ces représentations symboliques élaborées continuellement à partir des drames d'animaux mimés exerçait une influence positive sur les affaires humaines et suscitait sacralisation animale. Cet ouvrage nous interpelle d'autant plus que l'on retrouve aussi ces multiples formes de croyances et de symbolisme animal chez les peuples bantu du Gabon, notamment dans leurs pratiques initiatiques et rituelles et parfois même dans l'attribution des noms de personne empruntés au monde animal,etc. Et chez les gisir, l'éléphant appelé « nzahu » en langue gisir, est aussi un nom attribué aux hommes notamment aux jumeaux. De même, dans certains rites tels que le « bwiti ndeya » ou le ngubi, l'éléphant a une grande signification.

BODINGA-BWA-BODINGA, Sébastien et VAN der VEEN, Lolke J. (1995), Les proverbes evia et le monde animal : la communauté traditionnelle des evia (Gabon) à travers ses expressions proverbiales, Paris, L'Harmattan, 95 p.

Bodinga-Bwa-Bodinga Sébastien est natif de Mavovo, village situé sur la rive droite du fleuve Ngounié, en face de la ville de Fougamou. Il est comptable de formation et ancien Secrétaire du gouverneur de la province de la Ngounié à Mouila. Actuellement admis à la retraite, il est cependant très actif, en particulier dans le domaine de la sauvegarde du patrimoine linguistique de son groupe ethnoculturel. Lolke Van der Veen est né en 1959 à Hellendoom au Pays-Bas. Il est maître de conférences à l'Université Lumière-Lyon2 et enseigne la linguistique et la sémiologie. Il est par ailleurs membre du Laboratoire de Phonétique et Linguistique Africaine. La plupart de ses travaux de recherche, notamment sa thèse de doctorat soutenu en 1991, porte sur les parlers du groupe B30.

Cet ouvrage est une compilation de proverbes tirés du socle culturel des evia du village Mavovo en face de la ville de Fougamou au Gabon. Les evia parlent une des nombreuses langues bantu nommée le gevia appartenant au groupe linguistique B30 selon la classification de Malcolm Guthrie. Dans ce document, Sébastien Bodinga-Bwa-Bodinga justifie le choix de cette entreprise par le fait que le patrimoine culturel et moral des evia, pourtant nécessaire pour l'éducation des enfants et pour le savoir-vivre, tend progressivement à disparaître. De ce point de vue, son objectif est donc de sauvegarder ces expressions proverbiales et imagées qui ont de toute évidence, un lien avec l'histoire de cette communauté.

Ces expressions ont été récoltées principalement par lui-même en août 1965 auprès de son père, grand-père paternel et auprès d'un ancien passeur administratif. La vérification des transcriptions phonétiques, des traductions en français et des commentaires sont l'oeuvre de Lolke Van der Veen. Dans le premier chapitre, on retrouve l'ensemble des proverbes de la traduction gevia qui mettent en scène des animaux. On en compte 235 au total. Elles sont énumérées par rapport aux principes de classification de la faune : reptiles, oiseaux, mammifères, poissons, invertébrés, etc. outre la présentation littérale, chaque proverbe est suivi d'un « mini-commentaire » explicatif. Les auteurs ont également pris soin d'établir la correspondance entre les termes animaux en evia et les termes scientifiques mais également en français. Dans le chapitre2, est faite une analyse des particularités linguistiques de la langue evia. Il s'agit tout au plus d'un inventaire des types de construction de la langue à travers sa structure grammaticale. En se référant à chaque expression proverbiale, il a relevé un certain nombre d'entre elles à savoir : le recours à la personnalisation, à la métaphore, à l'antithèse, aux propositions verbales déclaratives.

Dans le chapitre suivant, il nous est présenté une analyse de l'influence du monde animal dans l'expression des valeurs morales chez les evia. Puis, il se dégage les principales tendances du regard des evia sur le monde animal c'est-à-dire les caractéristiques qu'ils retiennent pour chaque espèce : comportements physiques, expériences de la chasse, de la pêche, pratiques culinaires, indication du temps, du miel, des noix de palme, etc. Enfin au quatrième chapitre, l'auteur analyse le système des valeurs. Il fait un classement thématique en trois rubriques des valeurs préconisées par la société evia. Ainsi, on peut voir comment vivre en famille, avec les autres où comment faire face aux remparts de la vie.

Cela montre finalement combien le monde animal a un intérêt pour l'homme afin de se construire, de se forger tant au niveau individuel, de la famille qu'au niveau de la communauté tout entière. On s'y réfère très souvent pour lire le passé, le présent, l'avenir, pour se protéger, pour chercher les moyens énergétiques, etc. Toute la philosophie dégagée dans cet ouvrage n'échappe pas au monde gisir. Fréquemment, il est fait usage des corpus oraux issus de la tradition orale dans lesquels des animaux apparaissent comme outil pédagogique.

MAYER Raymond (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'homme n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, pp.43-49.

Dans ce document, nous nous sommes particulièrement intéressé à la rubrique « Patrimoine Animal », et plus précisément au texte intitulé : « Des caméléons et des hommes » de Raymond Mayer, professeur en anthropologie à l'Université Omar Bongo. Dans ce texte, Raymond Mayer attire l'attention des dirigeants des programme de la protection des animaux sur la nécessité de prendre compte les comportements culturels des populations vis-à-vis des animaux avant l'application d'un quelconque programme car dit-il « ...un animal n'est pas vu de la même manière suivant les sociétés humaines dans lesquelles il se trouve, et au voisinage desquels se trouve son écosystème »46(*).

A cet effet, il précise que si l'on envisage un programme de protection des animaux dans un espace donné, il est indispensable de commencer par essayer de savoir quel est le comportement traditionnel des populations qui y vivent à l'égard des animaux. Autrement dit, « il est nécessaire de connaître l'axiologie particulière de chaque « ethnoculture » vis-à-vis des animaux avant d'y envisager une intervention exogène. Car à l'intérieur d'un même territoire, les attitudes vis-à-vis d'une même espèce animale peuvent changer ». Il note par exemple qu'il y a des populations qui mangent le chien et le chat, d'autres qui réprouvent ce type de comportement alimentaire. Certains animaux sont vus comme menaçants par certaines populations, alors qu'ils sont considérés comme inoffensifs par d'autres. C'est notamment le cas de l'éléphant qui est domestiqué en Asie, alors qu'il constitue une grande menace et un gros gibier en Afrique. Certains animaux sont, continue-t-il, vus dans la plus totale indifférence, alors que d'autres leur vouent un culte quasi sacré et d'autres, occupent des positions totémiques, liées à des interdits alimentaires. Il poursuit son texte en soulignant que : « si l'animal n'occupait q'une position naturelle, on pourrait dire que les jeu sont faits. Il serait un donné brut de la nature, sur lequel l'homme n'aurait pas ou peu de prise. Il serait difficile de concevoir un changement de mentalité dans ces conditions. Au contraire, la position culturelle des animaux rend possible la modification des attitudes humaines vis-à-vis de chaque animal. Les cultures sont identitaires, mais elles sont aussi évolutives, et donc modificatrices de comportements humains »47(*).

Enfin, il rappelle qu' « il n'y a pas d'animaux naturels : il n'y a que des animaux  culturels. A la taxinomie des animaux correspond aussi une taxinomie des comportements »48(*). Car chaque animal occupe une position spécifique dans l'entendement et le comportement des hommes même si le comportement confine parfois à une attitude d'indifférence. Ainsi, en s'appuyant sur ce texte, nous envisageons de voir si les thèses de Raymond Mayer peuvent s'appliquer à notre terrain. Etant entendu que la situation conflictuelle qui prévaut à Mandji et partout ailleurs, est née de la différence de conception vis-à-vis du monde animal entre les sociétés traditionnelles et les acteurs de la protection des animaux dits sauvages.

En effet, de nos jours, de nombreuses campagnes de sensibilisation sur l'environnement sont réalisées mais elles ne tiennent pas toujours compte des traditions de nos sociétés qui structurent encore aujourd'hui l'imaginaire des populations en particulier celles vivant en zone rurale. Les affiches de ces campagnes font connaître les animaux protégés à travers une image, une dénomination courante en français et un nom scientifique mais aucun lien, aune attache n'est faite suggérée entre les populations auxquelles s'adresse le message et les différents animaux inventoriés sur l'affiche. Or étant donné que les connaissances sur l'écologie comportementale de l'éléphant au Gabon ne sont pas encore fiables, intéressant serait-il d'inclure les peuples traditionnels dans les programmes de protection de la faune et en particulier de l'éléphant car ils détiennent depuis des longues décennies des savoirs sur la faune.

LATOUR Bruno (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La découverte, Coll. Armillaire, 382 p.

Bruno Latour est professeur à l'école nationale supérieure des mines de Paris et à l'université de Californie à San Diego. Après une agrégation et un doctorat en philosophie, il a fait plusieurs études ethnographiques en Afrique puis en Amérique. Il est l'auteur de nombre d'ouvrages dont Les microbes : guerre et paix (1984), La vie de laboratoire (1989) avec Steve Woolgar, La science en action (1989), Nous n'avons jamais été modernes : essai d'anthropologie symétrique (1991). Toutefois, il est prudent de débuter en insistant sur le fait que Bruno Latour est un personnage atypique dans la discipline anthropologique. Au contraire de l'ensemble des anthropologues de la nature, Latour n'a pas de terrain « exotique », il n'a même pas un terrain qui corresponde à quoi que ce soit de classique en anthropologie.

En effet, son terrain, c'est un laboratoire scientifique à San Diego. Il est évident que ce choix fait de lui un chercheur difficile à classer dans le champ anthropologique. Dans ce livre, Bruno Latour traite plus particulièrement de l'anthropologie de la nature. Le point de départ de sa réflexion est : les écologistes, selon leurs propres dires, auraient fait entrer la nature en politique. Le problème tient dans le fait que le concept de « nature » auquel ils font allusion dépend encore trop largement de la science occidentale qui est chargée d'en étudier les lois. Or, cette nature telle qu'elle est conçue dans le champ scientifique, repose sur l'édifice moderne de la séparation fondamentale entre nature et culture. Dans cette perspective, la nature constitue ce qui est objectif et indiscutable et se place comme extérieure au monde de la culture qui, lui, est subjectif et discutable.

Pour Latour, la modernité est la naissance séparée et simultanée de l'humanité et de la nature, elle est issue de la division de ces deux sphères, lesquelles, dans les sociétés non modernes, sont souvent liées. La nature, pour un homme moderne, c'est tout ce qui ne relève pas de l'humanité : choses animées et inanimées, lois auxquelles ces choses obéissent. C'est donc à l'aide de la modernité que l'homme s'exclut de la nature, créant en même temps une classe de phénomènes qualifiés de « naturels » et une autre où ceux-ci seront dits « humains », sans compter les quelques « hybrides », mi-naturels mi-humains, qui déambulent çà et là en cherchant de quel côté se ranger. Pour l'homme moderne, la nature représente donc tout ce qui lui est extérieur.

Elle est régie par des lois mécaniques qui ne prennent en comptent aucun critère présent dans les rapports humains, comme les sentiments ou la conscience. D'ailleurs, ce positionnement est logique : pour maîtriser et dominer la nature, mieux vaut s'en extraire. La juxtaposition de ces deux (nature et culture) termes est donc impossible puisqu'ils ont été créés pour exister en opposition. Cela suppose l'existence d'une nature dont s'occupent l'écologie et de plusieurs sociétés dont s'occupe la politique. Donc, pour lui, le terme « écologie politique » ne veut rien dire. A moins bien sur de repenser ces termes dans leur fondement. En cela, l'écologie politique marque non pas l'entrée de la nature en politique, mais plutôt la fin de la nature en tant que « façon particulière de totaliser les membres qui partagent le même monde »49(*).

Mais alors que proposer en échange de cet ancien collectif à deux chambres ? Une optique intéressante, selon Bruno Latour, serait de concevoir l'écologie comme la réunion des humains et non-humains sur la base de nouveaux critères. Et sur ce point, il affirme que l'anthropologie peut venir en aide à ce nouveau projet en « permettant d'extraire les occidentaux de l'exotisme qu'ils s'étaient imposés à eux-mêmes »50(*). En effet, « ce ne sont plus eux, les sauvages, qui apparaissent comme des étrangers parce qu'ils mélangeraient ce qui ne devrait en aucun cas se mélanger, les « choses » et les « personnes » ; c'est nous, les occidentaux, qui vivions jusqu'ici dans l'étrange sentiment qu'il fallait séparer en deux collectifs distincts, selon deux formes de rassemblement incommensurables, les « choses » d'un coté, et les « personnes » de l'autre ».51(*) Donc la division nature-culture ne va pas de soi.

Mais sur quels critères allons nous fonder ce monde commun, Latour propose de le définir comme une assemblée d'êtres capables de parler. Mais il ajoute qu'il faut se méfier des scientifiques qui font parler les objets en laissant supposer que ces derniers parlent d'eux-mêmes ; car ce faisant, ils taisent le fait que la science est un système de représentation des choses qui n'est universel. Latour propose donc de chercher d'autres intermédiaires dont le « porte-parole » semble être un bon exemple. En effet, ce dernier se place davantage dans le doute, il parle au nom des autres. Le recours au porte-parole pourrait, selon Bruno Latour, permettre un premier rassemblement « qui ne diviserait plus d'avance les types de représentations entre ceux qui démontrent ce que sont les choses et ceux qui affirment ce que veulent les humains »52(*). En cela, nous pourrions ouvrir le dialogue avec les autres cultures que nous avions, dans notre projet absolu d'aller de l'avant, rejetés au ban de la société. Il n'est d'ailleurs pas étonnant que ce soit au moment où le modernisme montre ses failles que les occidentaux se montrent plus enclins à l'ouverture et à la prudence. Peut-être est-il trop tard, remarque Latour, aurait-il fallu y penser avant ? Mais il affirme que ce qui est fait est fait et que cela ne doit pas nous empêcher de tenter le dialogue. Il faut en effet que les entités jusqu'à aujourd'hui ignorées soient représentées dans le collectif.

Et si l'anthropologie a déjà avancé sur ce terrain, Latour lui adjoint aujourd'hui des talents de la diplomatie. En effet, le diplomate, qui appartient à une des parties en conflit représente beaucoup d'avantages dans le cadre de la médiation ; « a aucun moment il n'utilise la notion de monde commun de référence puisque c'est pour construire ce monde commun qu'il affronte tous les dangers »53(*). Il cherche la médiation entre les exigences et les expressions. Le projet de cette anthropologie diplomatique serait donc de répartir l'unité et la multiplicité autrement : « les faits établis par le diplomate, il faut dorénavant que les parties adverses les aiment, les apprécient, les partagent, ou du moins les supportent ». Latour conclut en affirmant que l'écologie politique, à ce stade, est loin de régler la question du collectif ; au contraire, sa vertu est de laisser ouverte la question. En effet, la médiation que la modernité niait d'emblée est aujourd'hui recherchée. C'est sur cet horizon-là que Latour espère développer un rapprochement entre les cultures.

Cependant, le projet « latourien » n'est pas de décrire ce qui est mais ce qui devrait être. En soi, cette définition de l'anthropologie est loin d'emporter l'adhésion de tous. En effet, c'est encore et toujours, dans la discipline anthropologique, le terrain et sa description qui prime. S'il est évident que Bruno Latour construit son analyse sur des faits actuels annonciateurs d'un changement, sa théorie prend très vite des envolées théoriques sur la matière d'organiser ce changement. En cela, il faut prendre son travail pour ce qu'il est une hypothèse ; et comme toute hypothèse, celle-ci doit se conformer à ce qui se passe réellement dans le monde. Aussi, si pour Latour il est évident que les occidentaux n'ont jamais été modernes et qu'il non faut donc construire un monde « non-moderne », il n'est pas évident que ce constat trouve un écho dans la manière dont les individus pensent le monde et leur relation avec celui-ci. De notre point de vue, cet ouvrage nous interpelle d'avantage à appréhender chez les acteurs de la protection, leur conception de la faune, son importance et la place que celle-ci occupe dans leur vision du monde par rapport à celle des populations villageoises.

LEPEMANGOYE MOULEKA Sandry Franck (2003), Ethnozoologie du Monde Bantu : Représentation, contexte d'usage et pratiques liés à l'écologie animale chez les Banzébi du Gabon, Mémoire de Maîtrise Anthropologie, Libreville, Université Omar Bongo, 133 p.

Ce mémoire de maîtrise est composé de trois parties. La première partie présente l'état des lieux des documents consultés sur la question et ceux relatifs à la population d'enquête. La deuxième partie fait état des différents corpus oraux et factuels récoltés. Dans la troisième partie, il est question de l'exploitation et de l'analyse des corpus en présentant les principes de nomenclature, de catégorisation et de taxinomie nzébi et linnéenne. Au terme de son étude, Lepemangoye Mouleka Sandry Franck aboutit aux conclusions selon lesquelles : Pour les nzébi, l'animal reste alors un partenaire, un « associé », mieux un « doublet » de personne humaine avec qui on peut échanger des messages dans divers contextes singuliers. De sorte, certaines pensent que tout individu a la possibilité de s'incarner dans l'animal ou un animal adopter la forme d'un être humain.

En cela, l'auteur justifie ses propos par un « perspectivisme » de Philippe Descola qui rend compte de la vision des populations banzébi de l'humanité des personnes animales lorsqu'il dit « La métaphore n'est pas un dévoilement de l'humanité des personnes animales, ou un déguisement de l'humanité des personnes humaines, mais le stade culminant des relations ou chacun, en modifiant la position d'observation que sa physicalité originelle impose, s'attache à coïncider avec la perspective sous laquelle, il pense que l'autre s'envisage lui-même : l'humain ne voit plus l'animal comme il voit d'ordinaire, mais il ne se voit pas d'habitude, mais tel qu'il souhaite être vu en animal »54(*) . L'homme et son « alter ego » l'animal forment ensemble ce que Merleau-Ponty appelle des « corps associés »55(*).

OVONO EDZANG Noël (2004), Apport du géographe dans l'analyse des conflits ruraux : exemple du conflit agriculture-faune à Asséwé (Gabon). Rapport non publié.

Détenteur d'un doctorat en géographie, Noël Ovono Edzang est chercheur à l'IRSH (Institut de Recherche en Sciences Humaines) et il officie des cours au département de géographie à l'Université Omar Bongo. Ce présent document est une communication qu'il avait faite lors d'un colloque à l'Université Dschang au Cameroun en Mai 2004. Cette communication avait pour objet l'évaluation des difficultés et des potentialités d'une protection des cultures face aux menaces de destruction causées par les éléphants. En effet, c'est lors d'une mission réalisée dans le village Asséwé dans le département d'Etimboué en mars 2002 que les villageois de cette bourgade ont fait part du problème récurrent auquel ils étaient confrontés à savoir la destruction de leurs plantations par les éléphants. A la suite de ces plaintes, le géographe et ses collaborateurs vont entreprendre une étude sur les dégradations provoquées par les animaux sur les cultures et l'abattage de ces animaux par les villageois.

En d'autres termes, il s'agissait de la gestion de ce conflit dans la lagune du Fernan-Vaz et plus précisément dans le village d'Asséwé. Après avoir présenté l'origine du conflit, et identifié les différents protagonistes à savoir les agriculteurs, les autorités locales, les notables, les chasseurs, les exploitants forestiers, les animaux (premiers responsables des destructions des plantations) et les sociétés de conservation (WWF et WCS), l'auteur met en lumière les méthodes de lutte contre la destruction des plantations. Puis, il poursuit en fournissant la méthodologie retenue pour collecter les informations en vue d'une médiation ensuite, en indiquant le matériel utilisé et enfin en présentant l'outil de gestion des conflits qui est la médiation. Mais dans le cas du conflit d'Asséwé, l'auteur précise qu'ils se sont limités à l'étape de l'étude du conflit et la restitution des observations. Et de cette restitution, il ressort que les raisons de la présence régulière des éléphants dans les plantations sont la disparition du « Moabi » (arbre dont les fruits sont consommés par les éléphants). Il fait le constat suivant : « il est à noter que l'ensemble des villageois ont leurs plantations du coté ouest du village. C'est dans ces anciennes forêts que se pratiquait l'exploitation forestière qui a progressivement fait disparaître le Moabi ».

ALFA GAMBARI IMOROU, Safouratou et al. (2004), Les conflits homme-éléphants (loxodonta africana) dans la zone cynégétique de la Djona (bénin) adjacente au parc régional du W : cas des villages d'Alfakoara in : CHARDONET Philippe, LAMARQUE François, BIRKAN Marcel (eds.), Actes du 6ème Symposium International sur l'Utilisation Durable de la Faune Sauvage : « La faune sauvage : une ressource naturelle », du 6 au 9 juillet 2004 à Paris, France, Tome 2, Game Wildl. Sci., pp.553-569.

Ce document de très bonne facture, est un rapport d'étude réalisé par Safouratou Alfa Gambari Imorou et ses collaborateurs à l'occasion des Actes du 6ème Symposium International sur l'Utilisation Durable de la Faune Sauvage organisé par la Fondation Internationale pour la Sauvegarde de la Faune en partenariat avec l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, le Ministère français des Affaires Etrangères, le Muséum National d'Histoire Naturelle, l'UNESCO, le MAB, le CIRAD et la Fondation de la Maison de la Chasse et de la Faune à Paris en juillet 2004. Dans cette étude, l'objectif visé, était de relever les problèmes rencontrés par les diverses catégories socio-professionnelles du fait de la présence des éléphants dans les zones de cultures, puis d'appréhender leur perception des éléphants. L'enquête s'est déroulée entre 1999 et 2002 dans la zone cynégétique de la Djona située au nord de la République du Bénin entre 11°20' et 11°60' de latitude Nord et 2°50' et 3°20' de longitude Est.

La démarche méthodologique retenue par les auteurs à consister à recueillir les données sur l'évaluation des dégâts dans les champs, sur la perception de l'éléphant par les populations locales et sur les paramètres écologiques. En ce qui concerne l'évaluation des dégâts, les dégâts dus aux éléphants ont été évalués grâce à la mesure et au calcul des superficies de cultures détruites dans les champs. Ces superficies ont été mesurées à l'aide d'un mètre ruban, et ont été calculées par culture et par champ, et totalisées pour toute la saison agricole. Cela a permis de récolter : la taille des troupeaux ayant causé les dégâts, les heures des dégâts, les cultures touchées, les superficies détruites et les moyens utilisés pour faire sortir les éléphants des champs.

Pour la perception de l'éléphant, les chercheurs ont procédé à des entretiens avec chaque catégorie socio-professionnelle pour un échantillon de 30 personnes. Les 18 villages ciblés, ont été choisis parmi ceux faisant partie de l'aire de répartition des éléphants dans la zone. Deux ou trois voire quatre clusters composés soit d'un agriculteur et d'un éleveur, soit de deux agriculteurs, d'un éleveur et d'un braconnier, soit de deux agriculteurs et d'un éleveur ou chasseur ont été interrogés. Les paysans pris pour les études de cas ont été choisis au hasard parmi ceux qui avaient enregistré des dégâts d'éléphants dans les champs en 2001 ou pendant les années 1999-2000. Le but pour ces auteurs, était de recueillir les avis réels des paysans victimes de dégâts, sur la présence des éléphants.S'agissant des paramètres écologiques, les variations saisonnières de l'espace vital et du régime alimentaire de l'éléphant ont été analysées.

Aussi, des observations directes ont permis de recenser les espèces végétales appétées sur leurs parcours. Des crottes ont été collectées et analysées pour recenser et identifier les semences d'espèces végétales non digérées. Ainsi, au terme de cette enquête, les auteurs sont venus à conclure que lors des incursions des éléphants, de nombreux dégâts sont causés aux cultures. La superficie de cultures détruites au cours de la saison 2001-2002 a représenté 49,70 ha sur un total de 152 ha, soit une perte de 61 tonnes de productions dans les villages explorés. Les résultats ont également montré que 80% des personnes interrogées avaient chaque année enregistré des dégâts sur une période d'au moins quatre ans. Concernant les méthodes utilisées pour chasser les éléphants des champs, 90% des paysans produisent du bruit pour les renvoyer ou les effrayer. Les 10% restant allument des feux les soirs ou entourent les champs avec des câbles formant une clôture. Cependant, ils soutiennent que les paysans victimes de dégâts ont rencontré des difficultés économiques et financières suite aux dégâts : 60% n'ont pas, ou peu, eu de revenus de la campagne agricole et ont manqué d'argent pour préparer la saison agricole suivante et faire des cérémonies rituelles. Sur la question de la perception de des éléphants, les enquêteurs notent que certains agriculteurs ont affirmé que les éléphants n'offraient aucun avantage pour eux à cause des déprédations qu'ils occasionnent.

Toutefois, malgré l'intensité des rapports de compétition pour les ressources qui existe entre l'homme et l'éléphant, les relations entre ces deux composantes restent plus ou moins satisfaisantes. Ainsi, 77,7% des personnes ont avoué qu'elles acceptaient les éléphants contre 18,5% qui les toléraient et 3,8% qui les détestaient. Par ailleurs, les résultats d'observations directes ont montré que les groupes d'éléphants faisaient des incursion dans les zones non classées et hors réserve étendant ainsi leur domaine vital dans les terroirs villageois en saison pluvieuse (mai-septembre) ; en saison sèche, ce domaine se réduit à la mare aux éléphants, seul point d'eau gardant de l'eau ; l'aire de répartition des éléphants varie donc selon la disponibilité en eau et en nourriture dans la zone qui est elle-même fonction du temps.

RABOURDIN Sabine (2005), Les sociétés traditionnelles au secours des sociétés modernes, Paris, Delachaux et Niestlé, 224 p.

Sabine Rabourdin, est ingénieur et diplômé en ethnoécologie mais également journaliste-écrivain. Son travail s'oriente sur la rédaction de la société face aux changements globaux de l'environnement en jonglant avec plusieurs domaines dont l'écologie, l'ethnologie, la sociologie, l'histoire des civilisations, etc. Après s'être imprégné à travers un tour du monde des savoirs écologiques accumulés par certains auteurs qui ont tenté d'analyser les relations qui lient les sociétés traditionnelles aux êtres de la nature et de sa propre expérience de terrain au Ladakh en région septentrionale de l'Inde, l'auteur élabore une étude comparative entre la conception de la nature des sociétés traditionnelles et celles dites modernes. De cette étude, elle note que les différences d'impacts sur la nature entre le mode de vie des ladakhis et celui de leurs sociétés modernes sont indéniables. L'homme moderne s'est exclu de la nature alors que l'homme « traditionnel » vit dans et avec la nature. L'homme moderne s'est déconnecté de son environnement, il a pris des distances vis-à-vis de la nature, ne la fréquente en moyenne qu'en de rares occasions.

Et elle précise que « l'exclusion conceptuelle de la nature avait contribué à sa domination et à sa détérioration ; l'exclusion physique amène au même résultat »56(*). Cependant, « cette perception de l'homme hors de la nature est loin d'être celle de tous les peuples actuels : certaines communautés attribuent à des nombreuses plantes ou animaux, voire même aux nuages, (...), des caractéristiques qui relèvent des rapports humains et sociaux »57(*). Et dans nos sociétés traditionnelles et en particulier chez les Bisir certaines espèces animales notamment l'éléphant est une espèce très proche de l'homme, il est considéré comme un protecteur et un génie. Dans le monde animal l'éléphant et l'hippopotame sont deux êtres vivants considérés par les Bisir comme des jumeaux au même titre que les jumeaux humains.

KIALO Paulin, (2005), Pové et forestiers face à la forêt gabonaise : Esquisse d'une anthropologie comparée de la forêt, Thèse de doctorat, Université ParisV René Descartes, 380 p.

Paulin Kialo, anthropologue de formation, est attaché de recherche à l'Institut de Recherche en Sciences Humaines (I.R.S.H) du Gabon et officie des cours au département d'anthropologie de l'Université Omar Bongo et à l'Institut National des Sciences de Gestion (INSG) en Dess option Economie Forestière. Comme l'indique le titre de sa thèse, les travaux de cet auteur s'inscrivent dans l'angle d'une anthropologie comparée des modes d'exploitation de la foret des sociétés traditionnelles gabonaises et les exploitants forestiers occidentaux. Dans cette étude comparative, il démontre l'existence de deux modèles d'exploitation de la forêt qui sont nettement différentes : celui des sociétés traditionnelles et celui des forestiers occidentaux. Le premier serait pro-forêt et le second anti- forêt.

En effet, les sociétés traditionnelles gabonaises et les pové en particulier avaient, avant les contacts avec le monde occidental, un mode d'exploitation de la forêt pro-forêt, basé sur les croyances et les valeurs culturelles issues de leur « ethnoculture » respective, respectueuses de la nature. Alors que la société occidentale au regard de la technologie de plus en plus pointue et toujours innovée des moyens de production et des objectifs de profits qui l'animent serait anti-forêt. Cependant, à l'issue des contacts des cultures, le mode de vie occidental a dominé le mode de vie traditionnel selon la teneur des relations avec les uns et les autres. Cette domination a fait que l'humanité vit désormais au rythme de occident. Mais les sociétés occidentales ayant développé un mode d'exploitation de la forêt anti- forêt, l'humanité tout entière se retrouve dans une logique de l'exploitation de la forêt anti-forêt. De nos jours, et les sociétés traditionnelles et les sociétés occidentales sont devenues anti-forêt.

PRINCE ONGOGNONGO, BOBEMELA EKOUTOUBA Dieudonné, STOKES Emma J., Conflit homme-éléphant dans la périphérie du Parc National de Nouabele-Ndoki au Nord Congo : Evaluation des méthodes de lutte contre la dévastation des champs de manioc par les éléphants dans le village Bomassa, Mars 2006, 49 p.

Le présent document est un rapport réalisé entre mai 2004 et décembre 2005 par Prince Ongognongo, Dieudonné Bobémela Ekoutouba et Emma J. Stokes à Bomassa dans le département de la Sangha au nord du Congo auprès des communautés bomassa, ngombé et mbenzélé. L'objet de cette étude visait à apporter des solutions durables pour limiter et empêcher les dégâts causés ou occasionnés sur les cultures par les éléphants pouvant contribuer à la survie de la population de Bomassa et leur coexistence avec l'éléphant de forêt. Pour la réalisation de cette étude, les auteurs s'étaient fixé deux principaux objectifs, à savoir : déterminer et quantifier l'importance des dégâts causés par les éléphants sur les cultures vivrières notamment de manioc et évaluer l'impact des mesures prises par le projet du parc National pour lutter contre la destruction des cultures vivrières par les éléphants.

Pour atteindre ces objectifs, la méthode utilisée à consister à mettre en place deux champs expérimentaux. Dans le premier champ, l'approche expérimentale utilisait les piments comme approche fondamentale des mesures de contrôle additives et multiple. En plus du champ expérimental, un champ témoin employant ni des mesures actives ni passives était mis en pratique afin d'évaluer le niveau de dommages des cultures sous les conditions « traditionnelles » de protection. Ce champ reflétait la réalité paysanne; aucune mesure de protection n'était utilisée. Les contrôles passifs se pratiquaient sur deux axes. Le premier était une zone tampon du côté avoisinant la forêt et les barrières. Il y avait deux types de barrières : tout d'abord une clôture avec deux couches de câbles en acier et une seule couche de fil de fer barbelé. Les boites vides remplies des pierres attachées étaient suspendues dans les barrières (comme un moyen dissuasif audible pour les éléphants et un signal pour prévenir les habitants du villages). Le deuxième axe était orienté vers une bande de piment en forme de haie mise en pratique dans le champ expérimental à l'intérieur de la clôture, afin de fournir une deuxième barrière de défense. Ce piment était cultivé à partir des graines dans le but d'une pépinière dans le village Bomassa. Les jeunes plantules étaient transplantées en Mai 2004 dans le champ expérimental dans une bande de 5 mètre à l'intérieur de la clôture. Toutes les deux barrières étaient entourées par une bande de 5m éclairé comme zone tampon entre l'extérieur des champs et le bord de la forêt.

Les mesures actives utilisées pour faire chasser les éléphants étaient basées sur les briques pimentées. Les fruits de piment eux-mêmes étaient récoltés de la bande de piment au champ expérimental, séchés et employés pour fabriquer les briques de piment. Les briques étaient préparées à partir des piments séchés mélangés aux crottes des éléphants. Les briques étaient brûlées autour de la zone tampon afin de produire une fumée nocive pour chasser activement loin les éléphants dans la zone. Le manioc avait été planté en Mai 2005 dans les deux champs (expérimental et témoin) et la récolte s'est faite en Décembre 2005. Les fiches de collecte de données étaient employées dans les deux champs (expérimental et témoin) tous les jours au travers de la phase expérimental pour suivre a) l'étendue de dommages de manioc par les éléphants b) l'étendue de dommage au contrôles passives, par exemple sur la clôture et la bande de piment et les pénétrations dans la zone tampon et c) les réaction des éléphants aux mesures actives, par exemple la brûlage des briques des piments.

Au sortie de cette étude, les auteurs nous démontrent après une comparaison des dégâts dans les deux champs, que les dégâts ont commencés à être observer à partir du mois de juin correspondant ainsi au pic de visitations au village, mais caractéristique à partir du mois d'août dans le champ témoin et ont augmenté jusqu'à la dévastation totale du champ témoin au mois d'octobre par les éléphants correspondant au pic de fréquentation des éléphants au village. Par contre au niveau du champ expérimental, les dégâts ont débutés en octobre (donc, après un délai de 3 mois) période correspondant non seulement au pic de visitation au village, mais aussi de la dévastation totale du champ témoin. Cette destruction était de plus de 20%, ce qui correspond à la période où les tubercules de manioc étaient déjà formés. Aussi, à la suite de ces pénétrations il se dégage deux catégories des dégâts : les visites et les attaques. Les visites correspondent aux cas où les éléphants traversent le champ en produisant peu de dégâts, qui peuvent être simplement le résultat du piétinement et les attaques correspondent aux cas où la culture est consommée.

Parmi les 28 pénétrations enregistrées dans le champ témoin, il y a eu 21 cas d'attaques et 7 cas de visites pendant cette étude. Par contre au niveau du champ expérimental rien que les cas d'attaques ont été enregistrés notamment 6 entre octobre et novembre, période correspondant à la haute visitation des éléphants au village, mais aussi au stade ou les tubercules étaient déjà bien formés. En plus les poteaux placés entre les arbres étaient devenus mous, du fait de la pression des éléphants sur la barrière physique constituée des câbles métallique et du fait des attaques des termites. Par ailleurs, en ce qui concerne l'efficacité de chaque mesure passive employée, la zone tampon a vraiment jouer le rôle dissuasif, car ayant enregistrée le plus de pénétrations des éléphants, mais n'entraînant pas directement une pénétration. Au sujet des deux autres mesures, il faut aussi dire qu'une résistance a été enregistrée du côté de la barrière physique des câbles métalliques qui était badigeonnée de la graisse pimentée, car jusqu'au mois de septembre, cinq mois après le mise sous terre aucune pénétration de cette mesure n'a été signalée. En octobre les pénétrations surgissent, période correspondant à l'augmentation des visitations des éléphants au village et à l'existence des tubercules dans le champ, la barrière étant devenu souple du fait de la pression des éléphants et des coupures du fil de fer barbelé voire des attaques des poteaux par les termites. En ce qui concerne la barrière de piment, les dégâts causés sur cette barrière n'ont été que les cas de piétinement, rarement les cas de consommations sinon qu'une seule fois dont le plant a été consommé et rejeter par la suite et le moment des pénétrations a correspondu au moment ou le piment était en fin de production.

LE-DUC YENO Stéphane et al. (Avril 2004 - Septembre 2006), Agriculture et conflits hommes/faune sauvage : synthèse de données dans le Complexe d'Aires Protégées de Gamba, 18 p.

Le présent document est un rapport de terrain réalisé par Stéphane Le-Duc Yeno, Simplice Mbouity, Emmanuel Mve Mebia et Christian Mboulou Mve suite à une étude socio-économique portant sur la problématique du conflit homme/faune sauvage entre avril 2004 et septembre 2006 soit 2ans et 5mois. Les objectifs poursuivis par Stéphane LE-DUC YENO et ses collaborateurs étaient entre autres, d'évaluer l'ampleur de la problématique « Conflit Homme/ Faune Sauvage » qu'ils nomment dans leur document Conflit Homme/Animal, et d'aborder de façon spécifique le cas de l'éléphant (CHE)58(*). Pour aborder cette étude, les auteurs ont fait usage de deux méthodes. La première méthode a consisté à travers un ensemble de questions posées au cours d'entretiens avec les populations, d'obtenir des informations sur : Les activités traditionnelles menées par l'informateur, Les activités économiques principales (génératrices de revenus d'appoint), Les problèmes les plus importants liés à la pratique de l'agriculture, Les problèmes rencontrés avec les animaux sauvages (espèces impliquées, importance des dégâts, fréquence des dégâts, types de cultures détruites, age des cultures détruites, qualité des cultures détruites), les problèmes spécifiques impliquant les éléphants (les pertes de récoltes liées aux passages des éléphants, les systèmes de protection mis en place pour solutionner le problème des éléphants et leur efficacité, les autres types de dégâts occasionnés par les éléphants, règlement des conflits).

La deuxième méthode mise en oeuvre par les enquêteurs les a conduit à se rendre dans les plantations des personnes prises dans les 10% de leur échantillon de départ, ayant subis des dégâts peu de temps avant leur arrivée dans les villages, pour y enregistrer de la façon la plus objective que possible les dégâts constatés. Dans ces plantations, les informations suivantes ont été collectées : cartographie du pourtour de la plantation, dénombrement du nombre de pieds de cultures mangées, piétinées et déracinées, l'age et qualité des cultures détruites, espèces incriminées, description des systèmes de protection mis en place par l'agriculteur. Cette étude a été menée auprès de 152 personnes dans 30 villages situés dans ou à la périphérie du CPG (Complexe d'Aires Protégées de Gamba). Pour chaque localité visitée, l'échantillon représentait 10% de la population totale du village sélectionné de façon aléatoire.

Dans le cadre de cette étude, la trentaine de villages retenue est répartie sur cinq départements à savoir : le département de Ndoungou, le département de la Basse-Nyanga, le département de Mougoutsi, le département de Douigny et le département de Mougalaba.A l'issue de cette enquête, les auteurs soutiennent que parmi les activités exercées par les populations de ces villages, celle qui tend le plus vers un caractère économique et constitue la principale source de revenus d'appoints utiles pour subvenir à leurs besoins de base, est encore l'agriculture dans presque tous les département. Cependant, celle-ci souffre d'un certain nombre de problèmes. Les principaux problèmes identifiés par les populations dans la pratique de cette activité sont la déprédation des cultures par la faune sauvage, notamment les éléphants et les grands primates (gorilles et chimpanzés), la faiblesse des transport pour l'acheminement des produits vers les grandes villes, le manque de marchés pour écouler leurs produits et le manque d'une main d'oeuvre dû à l'exode rural très prononcé dans la majorité des villages. Toutefois, bien que les espèces animales souvent impliquées dans les conflits enregistrés soient clairement identifiées par les villageois et confirmées par les enquêteurs eux-mêmes, les avis sur les ampleurs des dégâts ne sont pas souvent en accord entre les villageois et les autorités de gestion des aires protégées.

Aussi, les systèmes de protection des cultures mis en place par les populations sont majoritairement jugés inefficaces par elles-mêmes et un manque de communication soutenue entre ces derniers et les autorités de gestion de la faune, des aires protégées et des collectivités locales conduisent les populations à un sentiment d'abandon. Ce sentiment d'impuissance amène souvent les villageois à faire leur propre justice en organisant des battues non autorisées par l'administration. Dans notre étude, notre visée théorique est de parvenir à une grille de lecture de la société gisir à travers l'examen systématique des modes de discours, des valeurs et des comportements relatifs à l'animal afin d'en dégager les logiques sociales et modèles symboliques sous-jacents. Autrement dit, cette étude se propose de montrer tout l'intérêt scientifique que présente un traitement anthropologique des comportements anciens et contemporains liés à l'éléphant. Parmi les auteurs sollicités, nous avons retenu principalement les travaux de Claude Lévi-Strauss (1962).

Cet auteur a pendant longtemps battu en brèche le préjugé si cher aux fonctionnalistes selon lequel les sociétés « sauvages » ne manifestent d'intérêt pour le monde environnant qu'à proportion des besoins qui y sont liés. Mais ce préjugé trouve son origine dans la différence entre la conception de la nature de l'indigène et celle de l'occidental. En effet, dans la société gisir, un animal n'est pas vu que pour se procurer de la viande, un animal c'est un « tout ». C'est notamment le cas de l'éléphant qui est à la fois un guide, un protecteur à plusieurs niveaux, un génie, un symbole de pouvoir, de puissance et de force mais également un totem. Comme il l'indique, « les individus eux-mêmes ont parfois le sentiment aigü du caractère « concret » de leur savoir, et ils l'opposent vigoureusement à celui des blancs. »59(*)En effet, l'homme blanc voit à un animal qu'un être biologique qui suscite admiration et curiosité et que l'on peut soumettre à une étude, etc. mais pour l'indigène c'est un « tout ».

Dans la conception occidentale, l'éléphant par exemple, est une source de revenu, et un produit de grande beauté, de solidité et de prestige. Pour un touriste, qu'il soit chasseur ou visiteur, l'éléphant est un trophée à emporter par le fusil ou la photo, etc. Cependant dans la conception des peuples traditionnels, l'éléphant revêt une dimension symbolique importante. Et l'auteur illustre ce point de vue en mentionnant que « (...), l'animal, le totem, ou son espèce, ne peut être saisi comme entité biologique ; par son double caractère d'organisme (...) l'animal apparaît comme un outil conceptuel aux multiples possibilités, pour « détotaliser » et pour « retotaliser » n'importe quel domaine situé dans la synchronie ou la diachronie, le concret ou l'abstrait, la nature ou la culture »60(*).

1.3. Les concepts

Dans notre travail, nous allons faire référence à un certain nombre de concepts. Pour élucider leur compréhension dans la perspective qui est la nôtre, il convient au préalable de les définir. Il s'agit tout particulièrement des concepts tels que cultures vivrières.

Selon Akoma-Odzaga Grâce (1999) « les cultures vivrières représentent toutes les cultures comestibles mais plus particulièrement celles à cycle long prenant plus d'un an du semis à la récolte ». Le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse définit les cultures vivrières comme étant les cultures principales, les cultures dont les opérations, depuis le semis jusqu'à la récolte, s'étalent sur une longue période, et qui occupe le sol pendant la plus grande partie de la campagne agricole. A. Coleno (1989)61(*) précise quant à lui que « les plantes vivrières tropicales sont très nombreuses. Elles comprennent des céréales (mil, sorgho, maïs, blé, riz), des oléagineuses (arachides, soja, sésame), des tubercules (manioc, igname, patate douce, taro, macabo), des cultures maraîchères tomate, aubergine, piment, oignon, cucurbitacées), des légumineuses à graines (niébé, haricot). A cela s'ajoutent bananes et plantains ainsi qu'une foule d'autres plantes utilisées de manière traditionnelle dans les cuisines tropicales ».

Au regard de la définition de Akoma-Odzaga Grâce et à celle du Grand Dictionnaire Encyclopédique et aux précisions de A. Coleno, il faut retenir que les cultures vivrières sont des cultures comestibles de base à l'exemple de celles citées par A. Coleno qui exigent un temps assez long de la mise en culture jusqu'à la récolte. Parmi celles cultivées à Mandji et qui correspondent à ces définitions, nous retrouvons : le taro (Colocasia esculenta), la patate douce (Ipomoea batatas), le tubercule de l'igname (Dioscorea alata), les racines du manioc (Manihot esculenta), la banane douce (Musa sapientum) et le plantain (Musa paradisiaca), la canne à sucre (Saccharum officinarum), l'ananas (Ananas sativus), etc. Et ce sont ces cultures qui constituent le point de jonction entre les populations paysannes et les éléphants.

L'éléphant d'Afrique (Loxodonta africana), appelé en gisir Nzahu, est de la famille des Eléphantidés ainsi que son cousin l'éléphant d'Asie Elephas maximus. Matschie (cité par MireilleJohnson Bawe,) avait déterminé en 1900 deux sous-espèces de l'éléphant d'Afrique : l'éléphant de savane (Loxodonta africana africana) et l'éléphant de forêt (Loxodonta africana cyclotis). Seulement avec l'évolution des techniques de recherche en biologie moléculaire, plusieurs controverses sont apparues récemment au sujet du statut taxinomique de l'éléphant de forêt que l'on retrouve au Gabon, faisant de cette sous-espèce au départ une espèce à part entière. De récentes études morphologiques et génétiques ont divisées l'éléphant d'Afrique en deux espèces différentes que sont Loxodonta africana, l'éléphant de savane, et Loxodonta cyclotis, éléphant de forêt.

D'autres, par contre, ont suggéré une affiliation plus complexe, sans distinction précise entre les deux types d'éléphants et démontrent l'existence de trois grands groupes : les éléphants de forêt d'Afrique centrale, les éléphants de forêt et de savane d'Afrique de l'ouest et les éléphants de savane d'Afrique centrale, de l'est et du sud. L'éléphant de forêt se distingue morphologiquement de l'éléphant de savane par sa taille, ses oreilles arrondies contrairement à ceux de l'éléphant de savane qui ont la forme de la carte d'Afrique et ses défenses pointées vers le sol. L'éléphant des savanes est plus grand que celui des forêts. Il a le poil plus rare, des oreilles plus triangulaires et des grosses défenses courbées vers le haut comparées à celles de l'éléphant des forêts qui sont minces et pointent vers le bas. Chez l'adulte, la hauteur au garrot varie de 2,5 mètres à 4 mètres pour un poids de 2 à 5 tonnes (Marchand, 1999). De couleur gris-claire à gris foncée, son corps glabre est revêtu d'une peau épaisse et plissée et est très peu poilu, mais sa queue se termine par une touffe de poils raides. Les pattes robustes, massives et verticales reposent sur des pieds dont le talon est recouvert d'un tissu élastique qui amortit le choc des pattes. Au niveau des pattes, apparaissent deux à cinq doigts portant chacun un ongle en forme de sabot. Les éléphants sont dépourvus de glandes sudoripares, les oreilles jouent ainsi un rôle important dans la ventilation de l'organisme. La trompe, résultant de la fusion du nez et la lèvre supérieure, est très musculeuse et dépourvue de structure osseuse. A son extrémité débouchent les narines. La trompe se termine par deux lobes opposés à l'aspect de doigts. Les ivoires sont au nombre de deux correspondant aux incisives supérieures, recourbées vers le haut et plus développées chez le mâle ; elles sont disposées de part et d'autre de la trompe.

1.4. Pré-enquête

Pour s'assurer que les questions soient appropriées au sujet de recherche et bien comprises de tous les participants, que les réponses correspondent bien aux informations recherchées et soient utilisables, une série de trois tests préalables a été organisée. Cette série de tests a été rendue possible à partir d'un canevas d'enquête constitué d'un guide d'entretien préliminaire dont les questions principales ont porté sur les points suivants : les causes de la déprédation des cultures par les animaux sauvages, les moyens et les techniques de protection des cultures et sur l'importance de l'éléphant. Sur ces questions principales, nous en avons greffé certaines d'autres qui étaient axées sur la périodicité des incursions et celle de la catégorie et de la maturité des cultures détruites et puis sur les conséquences des dégâts.

Ces questions, nous les avons testé à Mandji en décembre 2006 pendant nos vacances de fin d'année auprès de deux agricultrices et de deux hommes dont un agriculteur et un agent des eaux et forêts. Dans la même période, avant de nous rendre à Mandji, nous les avons également testées auprès de deux chercheurs dont l'un de l'IRET (Institut de Recherche en Ecologie Tropicale) et l'autre du WCS. En ce qui concerne les deux chercheurs, le pré-test a porté davantage sur la façon de mener l'entrevue que sur les questions elles-mêmes. A l'issue de ces pré-tests, certains ajustements de l'outil de collecte ont permis de formuler la version définitive du guide d'entretien.

Cette pré-enquête nous a permis d'étendre notre questionnaire sur d'autres aspects qui avait été négligés. A la question relative aux conséquences de la déprédation des cultures vivrières par les éléphants, nous avons adjoint celle du coût de la production agricole celle des attitudes des populations vis-à-vis des éléphants et celle du règlement du conflit. Sur la question qui concerne les causes, nous avons ajouté celle relative aux paramètres environnementaux et aux essences forestières exploitées par les chantiers forestiers dont les fruits sont consommés par les éléphants et puis celle afférente à la distance entre les champs et les villages. Et enfin, nous avons introduit la question de la périodicité des activités agricoles.

1.5. Enquête documentaire

Les ouvrages que nous utilisons dans ce travail, nous ont été fournis par des centres de documentation et de recherche suivants : LABAN (Le Laboratoire d'Anthropologie), La bibliothèque du département d'anthropologie ; de linguistique et de Géographie, l'IRSH (Institut de Recherche en Sciences Humaines), La bibliothèque universitaire (BU), Le centre culturel français Saint Exupery (CCF), La bibliothèque de l'Ecole Nationale des Eaux et Forêt (ENEF), La bibliothèque de l'Institut Gabonais d'Appui au Développement (IGAD),

Mais également dans certaines institutions publiques et privées telles que le Ministère de l'Economie Forestière, le WWF, le WCS, le cantonnement des Eaux et Forêt de Mandji, le WWF-Mandji. Mais mentionnons également Internet qui nous a procuré bon nombre de sources et d'autres proviennent de notre bibliothèque personnelle.

1.6. Observations directes et guide d'entretien

Les instruments que nous avons mis à profit pour récolter les données sont l'observation directe et le guide d'entretien. L'observation directe à consister à nous rendre sur les lieux des dégâts en compagnie des propriétaires des plantations dévastées avant et pendant notre séjour pour enregistrer les dégâts constatés. Au cours de ces visites, des informations suivantes ont été collectées : nature et structure des éléphants, nature des cultures consommées, piétinées ou déracinées, l'âge des cultures détruites, les signes de reconnaissance des espèces responsables, les paramètres environnementaux, la description du système de protection mis en place, la photographie des espaces détruits et des dommages sur le système de protection.

Le guide d'entretien quant à lui a été divisé en deux parties pour répondre à nos différentes hypothèses. La première, subdivisée en huit parties a été destinée aux populations locales. La deuxième qui compte deux sous-parties dont la première sous-partie comprend trois parties est réservée aux agents des Eaux et Forêts locaux et la deuxième sous-partie qui compte quatre parties est destinée aux agents des Eaux et Forêts centraux et aux gestionnaires des sociétés de conservation. Les entretiens ont été enregistrés sur cassette stéréo pour pouvoir conserver et réutiliser les données collectées.

1.7. Caractéristiques du milieu d'enquête

1.7.1. Caractéristiques abiotiques

· Le relief

Le relief est caractérisé en grande partie par les plaines. Selon Paul Marie Louga (1999), dans la région de Mandji, les plaines sont celles dites de niveau de base. Ce sont les zones où se sont établis les hommes en raison des facilités de communication. Dans ces milieux, les distances ne constituent pas un obstacle majeur. Elles correspondent à la plaine côtière, zones plates et uniformes, constituées par les cours d'eau débouchant à la mer. On la rencontre aussi à l'intérieur du continent ou elle forme la plaine continentale ou plaine de Tchibanga-Mandji62(*). Au nombre des plaines, Mandji en compte principalement deux plaines : la plaine de Tchibanga-Mandji et la plaine côtière. La plaine de Tchibanga-Mandji s'étend sur 60km environ. Elle est localisée à l'ouest et à l'est par le Mayombe et les monts Ikoundou et au nord au contact du massif de Koumounabouali63(*). Quant à la plaine côtière, elle se loge entre le Mayombe à l'est et le littoral à l'ouest. Etroite dans sa partie sud, ce n'est qu'au nord de la virgation « mayombienne » qu'elle connaît sa plus grande extension, soit une moyenne de 40 km environ64(*). Louga Paul Marie (1999) mentionn que les parties les plus hautes se situent au voisinage du massif Moukoumounabouali dont les points culminants dans la zone de Mandji sont le Mont Diebou (376 m), le Mont Igoumbi (400 m) et le Mont Divana (360 m).

· La pédologie

Les études pédologiques effectuées dans la zone de Mandji montrent que cette zone comporte des sols peu évolués, podzoliques et des sols ferrallitiques et hydromorphes65(*). Les sols peu évolués sont rencontrés uniquement en savane. Ils sont formés de gravillons ferrugineux libres, les uns par rapport aux autres, et d'un niveau induré constitué de blocs de cuirasses. Les sols de type podzoliques sont localisés sur les roches sédimentaires des plaines mal drainées et riches en sable. Ils sont repartis en deux sous-groupes : les sols podzoliques à pseudo-gley de la plaine schisto-calcaire et les pseudo-sols de nappe. Les sols ferrallitiques sont des sols climaciques. On en distingue plusieurs types dont : le groupe des sols ferrallitiques appauvris, le groupe des sols ferrallitiques typiques, le groupe des sols remaniés et le groupe de sols ferrallitiques peu évolués. Quant aux sols hydromorphes, ils sont caractérisés par des phénomènes de réduction d'oxydes de fer. Ils sont généralement asphyxiants, plus favorables à l'action biologique. Ils se repartissent selon les catégories suivantes : les sols hydromorphes organiques tourbeux oligotrophes, les sols hydromorphes minéraux à gley de profondeur des franges, et les sols peu humifères à pseudo-gley. C'est dans les zones proches ou freinées par les eaux où l'on rencontre un mélange de sols argileux et argilo-sableux très fertiles à la culture de la banane plantin66(*). En milieu de forêt, on trouve des sols rouges, mélange riche en argile et en alumine de fer.

· Le climat

Mandji est couvert par un climat équatorial dit de transition. Il se caractérise par une grande saison sèche qui dure en moyenne quatre mois (juin-octobre) et par la réduction à une simple récession des précipitations de la petite saison sèche entre février et mars. Les températures moyennes sont de l'ordre de 26° et les précipitations quant à elles, ne sont jamais inférieures à 1800 mm/an67(*). Ces pluies se répartissent en deux saisons pluvieuses. La première s'étend d'octobre à décembre et la seconde de mars à mai. Selon Georges Thierry Mangama (2002), les maxima ont lieu pendant la saison des pluies alors que les minima sont enregistrés durant les périodes sèches.

· Hydrographie

La région de Mandji est dominée par une gamme variée d'organismes hydrographiques regroupés en réseau de rivières, de lacs, d'étangs, de marécages et en réseau de salines. Ce réseau hydrographique est marqué par les périodes de crues et d'étiages. Il existe deux périodes de crues : de novembre en décembre, ensuite de mars en mai. Les périodes d'étiages s'étendent de juin à septembre et de janvier à février. Pendant la grande saison sèche (juin-septembre), les cours d'eau sont alimentés par les nappes d'eau alluviales et souterraines, tandis que les pertes par évaporation diminuent sensiblement du fait des températures relativement basses. Comme l'illustre notre carte n°2, parmi les rivières qui forment le réseau hydrographique de Mandji, le bassin de la Doubigui est le plus important. C'est une rivière située sur la rive gauche de la Ngounié. Cette rivière a un bassin-versant de 1221km² et 76km environ de longueur. Elle prend ses sources à 360m dans les monts Ikoundou et à 620m dans le Mayombe68(*). La Doubigui compte de nombreux affluents dont la plupart sont situés sur la rive gauche. Il s'agit de l'Ougomzi, de la Mouréri et de la Moufoubou.

Sur la rive droite, se trouve l'affluent le plus important, la Doubandji. Hormis la Doubigui, nous avons également le Rembo-Nkomi dont le bassin-versant est estimé à 11.940km² environ69(*). Le Rembo-Nkomi comporte de nombreux affluents. Parmi ces affluents, les plus importants situés dans notre zone d'étude sont : la Doubanga ou l'Obangué et la Mbari. La Doubanga couvre un bassin-versant de 2340km² et long de 178km environ70(*). La Doubanga est également équipée de plusieurs affluents parmi lesquels : la Moufoubou et la Nimbi. La Moufoubou a pour principaux affluents : la Migoumbi, la Moamba, la Niamaldibimou, la Doubayi et la Dikaki. La Nimbi est un cours d'eau typique du bassin côtier. Elle a pour principaux affluent à la rive gauche : la Bilima, frontière semble-t-il naturelle avec les provinces de l'Ogooué-Maritime au nord-ouest et du Moyen-Ogoué au nord. La Mbari est l'affluent le plus méridional du Rembo-Nkomi ; elle sert également de frontière naturelle avec la province de l'Ogooué-Maritime. La région de Mandji compte de nombreux lacs dont les plus importants sont les lacs Goumba et Pandanu. Le réseau d'étangs est formé par l'ensemble des dolines fermées ou à exutoires temporels de la plaine de Tchibanga-mandji. Elles correspondent à des étendues d'eau qui pour la plupart d'entre elles s'assèchent entre mai et octobre, en raison du déficit pluviométrique qui règne dans la région au cours de ce laps de temps. Outre ces réseaux d'eau, on rencontre également des nombreux marécages et salines riches en sels minéraux très prisés par la faune sauvage notamment les éléphants.

1.7.2. Caractéristiques biotiques

· La végétation

Selon Georges Thierry Mangama (2002), Mandji est une zone couverte par la végétation du type équatoriale dans laquelle il est possible de reconnaître la forêt ombrophile et la savane. La végétation de forêt est pour l'essentiel ligneuse. Elle se caractérise par :

· la forêt du bassin sédimentaire côtier se localisant dans les plaines côtières et du synclinal de la Nyanga. On y trouve des espèces telles que l'Ozouga, l'Oken, l'Angoa, l'Ozigo, l'Okoumé, etc.;

· la forêt de montagnes qui se rencontre dans le Mayombe et les monts Ikoundou ;

· la forêt secondaire qui est une conséquence des activités humaines, formée en général de : des graminées, des fougères, des grandes plantes herbacées et des arbres à croissance rapide tels que le Parassolier et l'Okoumé. Du fait de son omniprésence, la forêt est la principale formation végétale même si, elle est interrompue à certains endroits par la savane.

La savane désigne un type de végétation caractérisée par une couche herbeuse parsemée de plantes ligneuses en proportion variable. Les savanes rencontrées dans la zone de Mandji, s'étendent des plaines côtières de Tchibanga jusqu'à Mandji. On en dénombre essentiellement deux types de savanes à savoir les savanes continentales et les savanes du basin sédimentaire côtier. Les savanes rencontrées à Mandji sont des savanes humides, herbacées et arbustives, entrecoupées parfois de bosquets de fougères et de forêts galeries le long des petits ruisseaux qui les abordent ou les traversent. Selon Paul Marie Louga71(*), « ces aires écologiques constituent un atout indéniable à l'agriculture ».

· La faune

Mandji est une région est très riche en faune sauvage, avec des espèces animales diversifiées. On peut citer : Les buffles (Syncerus cafer Nanus), les Cobes defassa (Kobus ellipsiprymnus) les éléphants (Loxodonta africana), les panthères (Panthera leo). Cette zone comprend également des grands singes dont les gorilles (Gorilla gorilla), les Cercopithèques de Brazza (Cercopithecus neglectus), Les chimpanzé(Pan troglodites) et de nombreuses espèces de colobinae et de cercopithèques dont le Cercocèbe à collier (Cercocebus torquatus), des Ecureuils (Xerus rutilus), des Porc-épic (Hystrix cristata), des Aulacodes (Tryonomis swinderianus), des Céphalophes bleus (Cephalophus monticola), des Civettes (Viverra civetta), des Pangolins (Manis sp.), etc. Les points d'eau sont les refuges des aigles pêcheurs (Halieutus vocifer) et des Dendrocygnes veufs (Dendrocygna viduata) alors que la forêt regorge de Touraco-géants (Corithaeola cristata) et de plusieurs espèces de Calaos. On y trouve aussi des Eperviers (Accipiter). Les reptiles caractéristiques de la région sont : les crocodiles (crocodile à museau court ; Osteolaemus tetraspis et le crocodile nain ; Crocodilus niloticus), le python de seba (Python sebae) et la vipère du Gabon (Bithis gabonica).

1.7.3. Présentation de la CFAD de Mandji

La Compagnie des Bois du Gabon (CBG) détient une Concession Forestière sous Aménagement Durable (CFAD) de 350000 hectares, créée le 1er avril 1998 avec un capital de 600.000.000 FCFA, appelé « CFAD de Mandji », dans la périphérie Nord-Est du Complexe d'Aires protégées de Gamba, au Nord du Parc National de Moukalaba-Doudou72(*). En plus de La CFAD de Mandji, la CBG détient également une autre CFAD de 190000ha à Mayumba, au sud du Complexe d'Aires Protégées de Gamba. Celle de Mandji comprend deux UFA (Unité Forestière d'Aménagement) dont celle de Rabi avec 185.700 hectares et celle de Mandji évalué à 166.400 hectares. Le plan d'aménagement de la société a été agréé par le Ministre de l'Economie Forestière en décembre 2004 et il est mis en oeuvre depuis janvier 2005. Comme le montre notre carte n°3,  la Concession Forestière sous Aménagement Durable (CFAD) de la Compagnie des Bois du Gabon (CBG), se trouve dans le paysage de l'écorégion de Gamba-Mayumba-Conkouati, plus précisément à la périphérie nord-est du CAPG dans le département de Ndolou (Province de la Ngounié), au sud de la ville de Mandji. Dans les 350000 hectares que couvre cette CFAD dite de Mandji, se trouvent logés à l'intérieur, les villages Massana, Yeno, Petit village, Carrefour Rabi et la ville de Mandji puis, le village Peny1 qui se trouve également à l'intérieur du Parc National de Moukalaba-Doudou.

Carte 2 : Localisation de la CFAD de Mandji de la CBG et des concessions forestières

Carte 3 : Réseau hydrographique

1.7.4. Les aires protégées

Le Complexe d'Aires Protégées de Gamba (CAPG) est situé dans l'écorégion des forêts côtières du bassin du Congo. Il est composé de deux (2) Parcs Nationaux à savoir le Parc National de Loango (153. 581 ha) et le Parc National de Moukalaba-Doudou (502. 805 ha) situé à une quarantaine de kilomètres de Mandji, entre lesquels existent un ensemble de Domaines de Chasse : Ngowé-Ndogo (250.000 ha), Moukalaba (20.000 ha), Setté-Cama (200.000 ha) et Iguéla (180.000 ha) et la Réserve de Faune des Plaines Ouanga d'une superficie totale de 11320 km². Situé au Sud-Ouest du Gabon, avec environ 200 km de côte et une superficie d'environ 12.000km², le CAPG bénéficie d'un climat équatorial chaud et humide. Ses formes de relief datent du quaternaire et il comprend deux types caractéristiques de sol : les sols du bassin sédimentaire côtier et les sols sur socle cristallin (sols pour la plus part hydromorphes et ferrallitiques) Le réseau hydrographique du bassin sédimentaire se caractérise par les bassins du fleuve Nyanga (22500km²), de la lagune Ndogo (733 km²) et de la lagune Ngové (729 km²).

Carte 4 : Localisation du CAPG par rapport à Mandji

1.7.5. Le milieu agricole

Dans notre zone d'étude, les sites agricoles sont au nombre de neuf (09) comme le montre le schéma n°1 de la ville de Mandji. Nous avons : Luba, Muvemba, Dubandji, Tamba, Muyamba, Muréri, Douengi, l'Ovingi et « Yeno ». Les sept premiers sont des sites constitués en grande partie de forêts secondaires appelées en gisir mayingi. Ce sont des sites agricoles où les règles de la gestion foncière sont très strictes et prononcées. Muréri et Douengi sont situés à une trentaine voire une vingtaine de minutes de marche de la ville de Mandji selon les lieux d'habitation. Ce sont les sites où sont cultivés le maïs et l'arachide et où sont implantés les jardins (mifunda). Sur ces sites, nous retrouvons les types de champs appelés mufunda73(*), didyènda74(*)et kangui-gibuga75(*). Par contre Muvemba, Dubandji, Tamba, Muyamba, sont situés à environs une heure et demie voire deux heures de marche de la ville. C'est sur ces sites que sont cultivés les arachides, la canne à sucre, le manioc, les ananas, le maïs et la banane. Mais du fait de l'épuisement du sol du à plusieurs années de culture, la banane y est cultivée très rarement ou en petite quantité.

La banane est du domaine des deux derniers sites constitués en grande partie des forêts primaires appelées en langue gisir ngunda. Luba, pour sa part est le site qui semble le plus proche de Mandji. Il est constitué des forêts secondaires et des forêts primaires. A l'entrée du site, on y trouve des jardins et les champs d'arachide et de maïs, suivi de ceux de cannes à sucre. Au fur et à mesure que l'on s'avance, on y rencontre des forêts secondaires puis des forêts primaires. Mais ce site du fait de son relief car situé sur une montagne n'est pas très sollicité par les populations à l'exception de celles qui détiennent des forêts secondaires. Cependant, les sites traditionnels du fait de plusieurs années de culture, ne sont plus fertiles. La production agricole devenant faible, les femmes sont obligées de se rabattre à l'Ovingi ou sur la route de Yeno où les forêts primaires sont encore abondantes. Mais le déplacement pour se rendre à ces sites est assez pénible et coûteux. Ce sont des sites dont la distance est assez longue. Les femmes pour s'y rendre, empruntent des voitures des privées ou celles de la CBG. Quant à la déprédation des cultures, aucun site agricole n'est épargné.

1.8. La collecte

Notre échantillon d'étude a été composé de vingt quatre (24) personnes dont douze (12) femmes et douze (12) hommes que nous avons rencontrés à Mandji. Les participants à l'étude ont été sélectionnés parmi les hommes et les femmes pratiquant l'agriculture, vivant à Mandji et partageant le même contexte socioculturel mais également, majeurs et volontaires dont l'age variait entre 34 et 90ans. Parmi les douze (12) femmes, six(6) sont initiées et parmi les douze (12) hommes, on compte également trois (3) initiés et trois (3) chasseurs puis trois (3) administratifs dont le Préfet du Département de Ndolou-Mandji et deux (2) agents du Cantonnement des Eaux et Forêts de Mandji.

Le nombre d'informateurs a été déterminé selon les moyens dont nous disposons, le caractère volontaire de la participation, l'intérêt et la disponibilité réels des enquêtés à fournir des informations pertinentes et la gestion des rencontres dans les différents quartiers de notre site de recherche. Toutefois, nous avons sollicité l'aide de certaines personnes dont l'infirmière major du centre médical de Mandji pour obtenir les données sur les personnes victimes des dégâts corporels et des décès issus des confrontations avec la faune sauvage et des amis étudiants originaires de la contrée. L'aide de ces derniers consistait à agir comme intermédiaire en expliquant le bien-fondé de l'étude à leurs parents chez qui, nous nous présentions avec quelques présents. Aussi, très utile a été l'apport de notre père. En effet, le sujet de la déprédation des cultures vivrières par les éléphants est un sujet très sensible qui suscite chez certains la passion et des suspicions et en même temps qui fâche. Pour y arriver, après avoir localisé nos potentiels informateurs, nous nous rapprochons de notre père pour avoir des informations sur eux et pour qu'il nous explique les liens de parenté qui nous lient. Et généralement, c'est au nom de ces liens de parenté que nous nous rapproché de certains d'entre eux. Comme l'indique notre plan de la ville de Mandji, les différents informateurs retenus dans cette étude ont été abordés dans les quartiers suivants : Sangala, Guignounga, Château, Digouema, Siévanou, Guikolou, Plein-air, Cité Mpira et Miguebi.

Sur le terrain, la démarche retenue a été l'entretien semi directif qui a consisté à recueillir des données sur les opinions liées aux causes des incursions des éléphants dans les champs, sur les conséquences et l'ampleur des dégâts et sur la perception et la signification de l'éléphant dans la société gisir mais également sur les moyens et les techniques de protection des cultures. Nous avons commencé notre travail de terrain de manière informelle en décembre 2006 à Mandji, lors de nos vacances de fin d'année. C'est pendant cette période que nous avons commencé à apprendre attache avec nos informateurs et discuter avec les agents du cantonnement des Eaux et Forêts pour avoir une idée de l'ampleur du problème. C'est à partir du 28 avril 2007 que nous avons entamé notre travail de terrain à Mandji. Ce travail s'est déroulé en deux phases. La première s'est effectuée du 28 avril au 10 mai 2007 et la seconde du 01 août au 03 septembre. Nous précisons que les numéros suivants renvoient aux lieux de localisation des informateurs sur le schéma.

1. Notre premier informateur est le Préfet de Mandji, Monsieur Léonce Iwangou. C'est au cours de la visite que nous lui avons rendu le 30 avril 2007 pour signaler notre présence dans la localité dont il a la charge de diriger que nous avons négocié un rendez-vous auprès de lui. Rendez-vous qu'il nous accordé le 03 mai 2007 à son bureau. Au cours de cet entretien, nous avons abordé les questions relatives aux causes et aux conséquences de la déprédation des cultures vivrières des populations par les éléphants, puis celles liées à la gestion de ce problème suite aux plaintes des populations. Cet entretien a duré 32mn.

2. Le deuxième informateur a été Madame Kassou Charlotte du clan Bumbadinga, résidant au quartier Château. Né en 1955, elle est divorcée et mère de neuf enfants. Actuellement elle fait ses plantations sur l'axe Mandji-Yeno. Elle compte à son actif trois plantations dévastées. Madame Kassou Charlotte est non seulement membre de la même église que celle à laquelle appartient notre mère mais encore, elle faisait ses plantations dans le même secteur que notre mère. C'est donc notre mère qui nous avait pris rendez-vous auprès d'elle lors du culte du dimanche 29 avril 2007. Nous considérant comme son fils, c'est dans l'après-midi du 04 mai 2007 qu'elle nous reçu sans aucune exigence. Notre entretien a porté sur la faune sauvage et cultures vivrières, sur les causes, l'ampleur des dégâts et sur les techniques de protection. Notre entretien a duré 57mn.

3. Notre troisième informateur fut Monsieur Jules Olago. Agé de 29 ans, il est le chef adjoint du Cantonnement des Eaux et Forêts de Mandji. Il est l'un des informateurs que nous avons rencontré lors de notre pré-enquête en décembre 2007. Une fois arrivé à Mandji, il a été l'une des premières personnes que nous avons rencontrées. A la suite de cette rencontre, nous avons pris rendez-vous pour le mardi 02 mai 2007. Malheureusement, il n'avait pu nous recevoir. Mais le lendemain, il nous a personnellement appelé au téléphone pour nous dire qu'il nous recevait vendredi dans l'après-midi. Cet après-midi, nous nous sommes longuement entretenus pendant 1h 40 sur la gestion de la déprédation des cultures par les animaux sauvages, l'évaluation et l'ampleur des dégâts, les sentiments des populations vis-à-vis des éléphants et les battues administratives. C'est au cours de cet entretien qu'il nous a fourni des données sur les plaintes déposées par les populations à leur service. Le lendemain matin, il nous avait gentiment invité à son domicile où nous avons partagé avec lui un petit-déjeuner. Après ce petit-déjeuner, nous nous sommes rendus à son bureau où nous avons entamé la suite de l'entretien. Cette deuxième phase qui avait commencée à 10h, avait porté sur les origines des incursions des éléphants et les solutions au problème et s'était terminée à 11h30.

4. Notre quatrième informateur est Mawouiri Perrine. Mawouiri Perrine, âgée de 53 ans du clan Mombi est notre tante. C'est donc sans aucun problème que nous nous sommes entretenu avec elle pendant 27mn, le Samedi 05 mai 2007 après avoir pris attache avec elle à la veille. Initiée au rite traditionnel Ngirina, notre entrevue a porté sur la conception de l'éléphant dans les rites féminins et sur la périodicité des activités agricoles et celles liées à la maturation des cultures.

5. Notre cinquième entretien s'est déroulé le 05 mai 2007 avec Madame Germaine Bibalou du clan Bumedi de 15h 43 à 16h 19. Elle est née en 1945 et réside au quartier Nguignounga. Mère d'une nombreuse famille à laquelle nous appartenons, Germaine Bibalou a 11 personnes à sa charge. Ces dernières années, elle fait ses plantations à 17kms de Mandji sur la route de Yeno après avoir déserté le secteur de l'Ovigui où elle a eu cinq de ses plantations dévastées par les éléphants. C'est avec beaucoup d'enthousiasme qu'elle nous a accordé du temps étant donné qu'il s'agissait d'un travail qui se rapportait à notre scolarité. Cet entretien qui a duré 36mn, a été axé sur l'organisation et la périodicité du travail agricole et sur des dégâts causés aux cultures puis les paramètres environnementaux.

6. Notre sixième informateur est Marie Augustine Moumbangou dont nous sommes un ami d'enfance de ses enfants. Mère d'une nombreuse famille, elle est mariée et âgée de 54 ans. A son actif, elle a 18 personnes en charge actuellement à Mandji. Du clan Bundombi, Marie Augustine Moumbangou fait ses plantations à Tamba et sur la route de Yeno-Mandji. Cette dame que nous appelons affectueusement maman Marie est aussi une amie de notre mère. Au regard des liens d'amitié qu'elle entretien avec notre mère et à ceux qui nous lient à ses enfants, nous n'avons pris aucun rendez-vous pour qu'elle nous reçoive. Arrivé chez elle le lundi 07 mai 2007 à 13h avec l'intention d'obtenir un rendez-vous après lui avoir expliqué l'objet de notre visite chez elle, elle nous a immédiatement reçu dans les trente minutes qui suivaient. Elle nous a pendant longtemps entretenu sur les moyens et les techniques de protection des cultures contre les éléphants, la faune sauvage et cultures vivrières, l'évaluation et les revenus agricoles, l'ampleur des dégâts et sur la périodicité agricole et celle des dégâts. Cette entrevue qui avait commencé à 13h30 s'était achevée à 15h.

7. Le septième entretien a eu lieu le 07 mai 2007 avec notre grand-père Mayaouri Robert. Né en 1953, il a deux femmes et 12 enfants. Initié au bwiti ndéya, ses champs sont situés à Tamba et sur la route Mandji-Yeno. Dès notre arrivé, nous sommes rapproché de lui le samedi 05 mai 2007 pour lui dire que nous désirons nous entretenir avec lui. Ayant pris part à une veillée de bwiti ce samedi, il nous avait donné rendez-vous le Lundi 07 mai 2007 à son domicile. Dans le souci de respecter le rendez-vous, nous nous étions rendu à son domicile le matin à 9h. Mais il n'a pu nous recevoir dans la matinée et il nous a demandé de revenir à midi. Il nous avait finalement reçu de16h à 17h17 en présence de l'une des ses femmes et de sa petite soeur. Il nous a entretenu sur les causes des incursions des éléphants et sur le comportement alimentaire des éléphants. Pendant cet entretien, étant leur petit-fils, sa petite soeur et lui me faisaient de temps en temps des plaisanteries. Ce qui d'ailleurs détendait l'atmosphère. A la fin de l'entretien, nous l'avons remis symboliquement une somme de cinq cent francs pour prendre un verre.

8. Le lundi 07 mai 2007, nous avons également rencontré notre huitième informateur. Il s'agissait de Koumba Elisabeth. Cette dame veuve du clan Buviligambu est née vers 1938. Avec elle également, les relations ont été très détendues car cette dame est la veuve du grand frère de notre père. Après avoir pris attache avec elle trois jours auparavant dans une ambiance de retrouvaille familiale, nous nous entretenus ce lundi de 18h à 18h30. L'entrevue avait porté sur l'organisation agricole et sur les paramètres environnementaux. A la fin de l'entrevue, elle nous a invité à partager un repas.

9. Notre neuvième informateur répond au nom de Mboula Yakouya Adolphe du clan Bubuka. Marié et père de cinq enfants, Mboula est âgé de 48 ans. Il est originaire du village Massana et maître du bwiti ndéya. Signalons que ce père de famille est notre grand père. C'est lors d'une visite qu'il avait rendu à ma grand-mère qui fut sa grande soeur que nous avons pris attache avec lui. Après lui avoir expliqué l'objet de notre étude, il nous a remis son numéro de téléphone afin de le prévenir du jour et de l'heure à laquelle nous aimerions le rencontrer. Ce fut finalement le 08 mai 2007 que nous nous sommes entretenus à son domicile. Fort de ses connaissances du monde en tant que maître du bwiti, notre entretien s'était orienté sur les questions liées à la conception de l'éléphant chez le gisir, les moyens et les techniques endogènes de protection des champs et sur les causes de la déprédation des cultures par les éléphants. A la fin de l'entretien, nous lui avons offert une canette de coca. L'entretien qui avait débuté à 12h10, s'était terminé à 12h50.

10. Mougala Jean Robert du clan Bupeti est notre dixième informateur. Ce gisir de 53 ans est célibataire sans enfant et réside au quartier Château. Ancien chauffeur, Jean Robert Mougala est aujourd'hui sans activité rémunéré et pour satisfaire à ses besoins, il travaille comme bon nombre de personnes à surveiller les champs dans un campement situé à 17 Kms de Mandji. C'est lors de nos visites dans les champs en compagnie de notre père dont il est le beau-père, que nous lui avons rencontré dans la matinée du 08 mai 2007. Témoin des maraudes des éléphants dans les champs, notre entretien avait porté sur les paramètres environnementaux, les moyens et les techniques de protection et sur la périodicité des dégâts et le comportement des éléphants dans les champs. Et pour le contenter, nous lui avons offert un paquet de sucre et une boite de café. Cet entretien avait duré 34mn.

11. Notre onzième informateur est Nguindendi Jean Baptiste du clan Bundombi. Ancien chasseur d'éléphant, il est âgé de 75ans et père d'une nombreuse famille. A Mandji, il réside au village Gikolou mais c'est sur la route de Yeno à 17 kms de Mandji que nous l'avons rencontré le 08 mai 2007 dans un campement dénommé Munu Guku, lors de nos visites de terrain pour s'enquérir de l'ampleur des dégâts dans les plantations. Tout comme notre dixième informateur, nous nous sommes entretenu pendant 50mn sur les paramètres environnementaux, les moyens et les techniques de protection et sur la périodicité des dégâts et le comportement des éléphants dans les champs. Afin de le contenter, nous lui avons offert une boîte de café et un paquet de sucre, plus une petite somme de deux mille francs donné par note père.

12. Notre douzième entretien s'est effectué avec Boulikou Albert du clan Bumombu à son domicile au quartier Siévanou le 09 août 2007. Né en 1926, Albert Boulikou est marié et père d'une nombreuse famille. Il fut un grand chasseur d'éléphant de renon. Albert Boulikou est le neveu de notre grand père dont nous portons le nom et par référence à notre grand père, il préfère nous appeler oncle. C'est donc dans un cadre familial que nous nous sommes rapprochés de lui. Dès notre arrivé à Mandji, nous sommes allé lui rendre une visite familiale. Visite au cours de laquelle nous lui avons manifesté le désir de discuter avec lui sur certains sujets liés à notre tradition. Le 08 août 2007, de retour des visites que nous avons effectuées dans les champs, nous l'avons rendu une visite. Et c'est au cours de cette visite que nous lui avons demandé s'il pouvait nous accordé un peu de temps le lendemain pour évoquer le problème de la destruction des cultures par les éléphants. Sans hésiter, il nous a accordé ce rendez-vous. Le lendemain matin à 10h, muni d'un sachet contenant une brique de vin rouge et un paquet de sucre destinés à le remercier, nous nous sommes présenté à lui où il nous avait reçu en présence de sa femme. L'entrevue qui s'était déroulé de 10h 30 à 11h 50, avait porté sur les conceptions et les attitudes des gisir vis-à-vis de l'éléphant, les moyens et les techniques endogènes de protection des cultures, la chasse à l'éléphant et sur les paramètres environnementaux.

13. Le treizième entretien est celui que nous avons réalisé avec Kabou Mbemeni Jean Pierre du clan Bubuka le 09 août 2007. Né en 1948, il est marié et père de huit enfants. Kabou Mbemeni Jean Pierre réside quartier Château à proximité du terrain de notre grand père feu Mavioga Jean Pierre dont il est le neveu. C'est le samedi 05 mai 2007, après une visite familiale de routine que nous avions pris rendez-vous avec lui pour le Lundi 07 août 2007 à 10h. Malheureusement ce jour il n'a pu nous recevoir, il était sorti, nous avait confié sa femme qui nous a demandé de repasser dans la soirée. Etant familier à la maison, nous sommes repassé à 19h. A cette heure nous l'avons trouvé et il nous a recommandé de repasser le lendemain à 16h. Ce que nous avons fait mais il n'a pu une fois de plus, nous recevoir car il était parti à son campement et il était rentré un peu tard. Soucieux de nous avoir fixé deux rendez-vous sans succès, il nous a demandé de revenir le lendemain dans l'après-midi. Et c'est finalement l'après-midi du 09 août 2007 qu'il nous a accordé un entretien. Au cours de cet entretien, nous avons abordé des questions liées à la conception de l'éléphant et le totémisme chez les Bisir. Mais avant d'entamer l'entrevue, nous lui avons offert une brique de vin rouge.

14. Notre quatorzième informateur a été Hélène Nzahou résidant au quartier Sangala. Cette mère de famille âgée de 67 ans est du clan Bululu. Elle fut mariée à l'un de nos oncles. Ce lien nous a favorisé de se rapprocher d'elle sans inquiétude. Elle a, à son actif quatre plantations dont deux à Tamba et deux autres sur la route de Yeno à 17kms de Mandji. Nous nous sommes rapproché d'elle le 04 août 2007 afin de fixer une date d'entretien. Malheureusement, pendant cette période elle était en pleine exécution de ses travaux d'abattage. Toutefois, nous nous étions premièrement entendu sur la date du samedi 11 août 2007 ensuite, sur celle du Lundi 13 août 2007. Mais aucun de ces deux rendez-vous n'a été honoré. Mais le 15 août 2007, de passage devant son domicile, elle nous a aperçu et nous a interpellé pour nous demander de passer dans l'après-midi. Cette après-midi, nous nous sommes entretenus de 16h30 à 17h30 à son domicile plus précisément dans sa cuisine en présence de sa grande soeur. Notre entretien avait porté sur l'organisation et le coût du travail agricole, la faune sauvage et les cultures vivrières, les causes, l'ampleur des dégâts.

15. Le quinzième entretien que nous avons réalisé est celui que nous avons eu avec Nguimbety Nzinzi Jean Claude du clan Buviligambu. Nguimbety Nzinzi Jean Claude est marié et né en 1948. Ancien soudeur, il a à sa charge treize (13) personnes. Ayant déposé une plainte pour destruction des cultures par les éléphants au service des Eaux et Forêts, il était connu des agents du dit service et c'est Monsieur Jules Olago qui nous avait mis en contact avec lui. Nous l'avons finalement rencontré le 11 août 2007 à son domicile pour l'expliquer le fondement de notre travail et négocier un rendez-vous. Mais au regard des travaux d'abattage qu'il effectuait pendant cette période et de la fête de l'indépendance qui se profilait, il avait estimé que nous nous rencontrions après la fête car il aurait probablement terminé ses travaux. Nous avons consenti à cette proposition et ce n'est que le 20 août que nous sommes encore reparti le voir. Ce jour il nous a finalement accordé une entrevue pour le Mardi 21 août 2007 à 16h et il nous a remis son numéro de téléphone. Rendez-vous que nous n'avions pas manqué mais à 16h il n'était pas encore rentré. Nous lui avons patienté pendant plus d'heure chez lui en compagnie de son frère puis nous l'avons appelé pour lui demander si nous pouvons l'attendre ou revenir une autre fois. Mais il nous précisa qu'il était en chemin et il était finalement arrivé à 17h passé de plus de 45 minutes. Après s'être excusé de nous avoir fait attendre, il nous a entretenu pendant 30mn sur la faune sauvage et les cultures vivrières, les paramètres environnementaux, les causes, l'ampleur des dégâts et sur les moyens et les techniques de protection des cultures contre les éléphants. A la fin de l'entrevue, nous lui avons offert une petite somme de cinq cent francs pour prendre un verre.

16. Notre seizième informateur est Mboumba Camille du clan Budombi. Né en 1947, il est marié et père de six enfants. Mboumba Camille est l'amant de l'une de nos grandes soeurs. Nous nous sommes rapproché de lui le 20 août 2007 pour prendre un rendez-vous qu'il nous avait accordé pour le 24 août 2007 dans la matinée. Arrivé chez lui à 7h, il nous a entretenu de 8h20 à 9h24 dans une ambiance conviviale en allant jusqu'à nous offrir une boisson sucrée. Tradipraticien et maître du bwiti ndéya, il nous a longuement renseigné sur la conception de l'homme gisir face à l'éléphant, les techniques de chasse traditionnelles, et sur les moyens et les techniques endogènes de protection. Ayant reçu une visite, il nous a prié d'interrompre l'entretien tout en s'excusant et en nous demandant de revenir le lundi 27 août 2007. Avant de nous séparer, nous lui avons offert une bouteille de whisky. Le matin du 27 août 2007, il nous encore reçu de 8h26 à 8h41. Ce jour, l'entretien avait encore porté sur les conceptions de l'éléphant chez l'homme gisir mais également sur les causes, l'ampleur des dégâts et enfin sur la perception des conflits.

17. L'entrevue avec Koumba Mouity Magloire le 28 août 2007 fut le dix-septième. Marié et âgé de 51ans, il est le chef du Cantonnement des Eaux et Forêts de Mandji. C'est avec l'appui de son adjoint Jules Olago avec qui nous nous étions déjà familiarisé que nous avons pu obtenir un rendez-vous auprès de lui. Ce rendez-vous avait été pris pour le mercredi 22 août 2007. Mais compte tenu d'un déplacement qu'il avait effectué avec le Préfet sur Mouila, nous n'avons pu le rencontrer. Le lundi 27 août, nous nous sommes rapproché de lui pour renouveler le rendez-vous et il l'avait été fixé pour le mardi 28 août 2007 à 10h. Lors de cette entrevue, nous avons abordé en présence de l'un de ses collaborateurs, des questions relatives aux causes des incursions, à la provenance des éléphants et à la politique de résolution du conflit hommes-éléphants. Cette entrevue avait durée 40mn.

18. Notre dix-huitième informateur est Pauline Moundouli. Cette mère de famille du clan Buviligambu est née vers 1937. Cette dame réside à environs cent mètres de l'un de nos informateurs au nom de Hilarion Matoumba. C'est en allant le samedi 25 août 2007 avec l'espoir de réaliser un entretien avec lui que nous avons entendu cette dame se plaindre des éléphants qui venaient de dévaster sa plantation que nous nous sommes intéressé à elle. Sachant que le problème de la déprédation des cultures par les éléphants est un problème sensible qui fâche, nous avons opté de passer la rencontrer trois jours après. Après s'être renseigné sur elle auprès de nos parents, nous nous sommes décidé d'aller la voir le mercredi 29 août 2007. Une fois arrivé, après des salutations d'usage, nous nous sommes présenté comme le veut la coutume gisir en déclinant notre nom, celui de notre père et nos clans. Suite à cette présentation, elle a aussitôt reconnu ma famille et elle nous a donné d'avantage de détails sur les liens qui nous lient. L'atmosphère étant détendue, elle nous a ensuite demandé l'objet de notre visite. Ayant été victime récemment, elle a aussitôt commencé a nous donné les détails puis au bout d'une dizaine de minutes, nous avons orienté le débat. Débat qui avait porté sur la faune sauvage et les cultures vivrières, les causes et l'ampleur des dégâts et sur la périodicité agricole et des dégâts. Cet entretien s'était étendu de 9h à 9h50.

19. Notre dix-neuvième informatrice est Yamboka Jeannette du clan Buviligambu. Née vers 1930, Yamboka Jeannette est veuve et mère d'une nombreuse famille. Signalons que cette dame est notre grand-mère et c'est fort de ce lien que nous nous sommes approché d'elle. C'était le samedi 25 août 2007 à l'occasion d'une cérémonie de retrait de deuil chez nos grands parents que nous avons pris contact avec elle pour un éventuel entretien. Ainsi, elle nous a convié volontiers chez elle le Mercredi 29 août 2007 car c'était aussi l'occasion de nous présenter au reste de la famille disait-elle. Et ce fut de 16h15 à 16h56 qu'elle nous reçu après les présentations des membres de la famille. En tant que jumelle et initiée aux rites traditionnels Mugulu et Ilombo, nous avons tenu à ce qu'elle nous entretienne sur les interdits alimentaires liés à l'éléphant et sur la signification de l'éléphant dans les rites traditionnels. Afin de la remercier, nous lui avons offert une tête de tabac, une bouteille d'huile et un morceau de savon.

20. Notre vingtième informateur est une dame au nom de Jeanne Mboki du clan Buviligambu. Soeur jumelle de Yamboka Jeannette et tout comme elle, elle est née vers 1930. C'est, étant encouragé par sa soeur Yamboka Jeannette que nous nous sommes entretenus avec elle le 29 aout 2007. Car disait-elle, il était probable qu'elle maîtrise certaines informations mieux qu'elle. Le discours de notre informatrice avait été également axé sur les interdits alimentaires liés à l'éléphant et sur la périodicité agricole et celle des maraudes des éléphants. Au bout d'un entretien qui a duré 30mn, avant de nous séparés nous lui avons symboliquement remis une petite somme de cinq cent francs.

21. Notre vingt unième enquêté est également une dame du nom de Jeanine Bamani du clan Buviligambu. Célibataire née en 1973, elle est mère de trois enfants. Cette dame est la tante d'un ami étudiant originaire de Mandji. C'est donc à travers lui que nous avons pris contact avec elle le 24 août 2007. A la suite de ce premier contact, nous nous sommes fixés rendez-vous pour le dimanche 26 août 2007. Arrivé sur les lieux du rendez-vous, elle n'a pu nous recevoir. Car elle était épuisé pour avoir été la veille superviser ses travaux d'abattage. Ce qui nous a amené à se consentir d'un nouveau rendez-vous pour le 27 août 2007 dans l'après-midi. Malheureusement, cette fois encore elle n'a pu nous accordé du temps car elle avait veiller à un décès. N'ayant pas l'ambition de nous faire marcher, elle nous a remis son numéro de téléphone afin que nous l'appelions pour savoir le moment où elle serait disposée à nous recevoir. Ce jour a été le 30 août 2007. Avec elle, nous avons abordé les questions liées à l'organisation du travail agricole, à la faune sauvage et les cultures vivrières et aux interdits alimentaires se rapportant à l'éléphant. Au bout d'un entretien qui avait duré 49mn, nous lui avons offert une carte de recharge celtel d'une valeur de 1000 francs.

22. Le vingt deuxième entretien est celui de Marie Augustine Diahou. Né en 1940, Marie Augustine Diahou est mère d'une nombreuse famille dont huit enfants sont actuellement à sa charge. Cette dame que nous considérons comme notre mère est du clan Bupeti. Durant notre tendre enfance, elle fut la voisine de nos parents. Ce qui a développé des liens forts entre nos deux familles. C'est donc au nom de ces liens que nous nous sommes rapproché d'elle pour obtenir des informations. Pendant nos déplacements en quête d'informations, nous nous sommes rendu chez plus d'une fois pour les salutations d'usage. Mais c'est fut le 31 août 2007 que nous lui avons demandé si elle pouvait nous accorder un peu temps. Ce jour même, elle nous a chaleureusement accordé 47mn pour parler de la faune sauvage et les cultures vivrières, des causes et de l'ampleur des dégâts, de la périodicité agricole et de celle des dégâts et enfin sur les moyens et les techniques de protection des cultures contre les éléphants.

23. Notre vingt troisième informateur est Hilarion Matoumba du clan Bupeti. Né en 1932, il est marié et père de onze enfants. Ancien chasseur d'éléphant, Hilarion Matoumba est le frère de Madame Marie Augustine Diahou. C'est en se lamentant de ne pouvoir rencontré un chasseur d'éléphant dans la matinée du 31 août 2007 chez elle, qu'elle nous a orienté vers lui. Arrivé à son domicile dans la même matinée, nous nous sommes présenté au nom de sa soeur. Et sans hésiter, il nous a invité à nous entretenir. Son discours avait porté sur la signification de l'éléphant dans le culte des jumeaux et l'origine du patronyme Nzahou et sur les moyens et les techniques de protection des cultures contre les éléphants et la chasse à l'éléphant. Afin de la contenter, nous lui avions remis une somme de cinq cent francs pour prendre un verre.

24. Enfin, notre vingt quatrième informatrice est Marceline Nivou du clan Bumuedi. Né vers 1917 cette mère de famille est mère initiatrice du rite Ngubi. C'est grâce à un ami étudiant à l'Université Omar Bongo au nom de Koumba Eddy Brice que nous avons pu la contacter. Malheureusement, il n'a pas été aisé de la rencontrer car elle était occupée par ses travaux champêtres. Ce qui fait qu'elle résidait plus à son campement qu'au village. Au regard du temps qui nous restait, notre ami nous appris un rendez-vous avec elle afin qu'elle puisse nous recevoir dans son campement. Accompagné de Brice Koumba, c'est le 02 septembre à 14h que nous nous sommes rendus à son campement situé à 6kms de la ville de Mandji. Après des salutations d'usage, son petit fils nous a présenté puis, nous avons décliné notre identité et celle de nos parents. Suite à ces présentations, elle s'est rendue compte que nous étions son fils car elle est du même clan que celui de notre mère. Ensuite nous nous sommes entretenus sur le rapport entre l'éléphant et les rites traditionnels féminins et sur le rite Ngubi. Cet entretien s'était déroulé de 16h40 à 17h20. A la fin de l'entretien, nous lui avons offert un paquet de sucre, une boîte de café et cinq cent francs.

Outre les informateurs de Mandji, nous avons également étendu notre enquête à Libreville du 17 octobre au 05 novembre 2007 auprès de deux (2) agents du Ministère en charge de la faune et auprès de quatre (4) responsables des institutions et ONG chargées de la protection de la nature notamment du WWF, de l'ECOFAC, du RAPAC et l'UICN. Aussi, avons-nous sollicité l'aide du responsable d'un magasin de vente de fournitures de grande chasse (Safari-gabon) pour évaluer les prix des armes de grande chasse et des munitions.

1.9. Difficultés rencontrées

Comme toute étude de terrain, notre enquête ne s'est pas déroulée sans difficultés. Les difficultés que nous avons rencontrées peuvent être regroupées au nombre de cinq. Tout d'abord, il avait été question, de nous rapprocher des responsables des chantiers forestiers situés dans la région de Mandji pour obtenir des données sur le volume des essences telles que le moabi et autres qui constituent l'alimentation de base des éléphants afin de vérifier l'hypothèse selon laquelle les causes des incursions des éléphants dans les champs des populations sont dues à la destruction de ces essences forestières par les sociétés forestières. Malheureusement les reponsables de la CBG qui est la compagnie forestière opérant à Mandji et dans ses environs, n'ont daigné de nous fournir une quelconque information malgré la judicieuse intervention du chef adjoint du Cantonnement des eaux et Forêts de Mandji et la présentation de notre lettre de recommandation. Ils ont évoqué la raison selon quelle, ils étaient pas sûrs de la destination des informations qu'ils allaient nous fournir. Ensuite, pendant notre deuxième séjour au mois d'août, nous avons rencontré d'énormes difficultés à nous entretenir avec nos informateurs car le mois d'août correspond à la période des cérémonies (mariage, retrait de deuil, port de deuil, initiation,...) et des travaux d'abattage. Il a été donc très difficile de rencontrer les informateurs sans multiplier les rendez-vous réportés à plusieurs reprises et cela à prolonger notre séjour par rapport à notre chronogramme de travail. Puis, grande a été notre déception de nous voir refuser les informations par les femmes sur la symbolique de l'éléphant dans les rites initiatiques féminins. Aucune de toutes celles que nous avons pu rencontrer n'a accepté de nous donner une information sous pretexe que nous sommes un homme et de surcroit un non initié.

Aussi, pendant toute notre période d'enquête, nous avons consaté que le sujet de la déprédation des cultures par les éléphants, est un sujet qui fâche et qui suscite des suspicions et des passions. Etant donné que dans l'imaginaire gisir, il y a des personnes qui se transforment en éléphant, de ce fait, tout le monde se suspecte. Il est plus aisé de parler de dégâts que d'évoquer les questions liées à la symbolique et à la conception de l'éléphant. Demander à une personne s'il consomme ou pas la viande de l'éléphant ou l'importance de l'éléphant peut vous valoir un rejet. C'est pour pourquoi, pour parvenir à obtenir les informations, nous avons été obligé de recourir à la parenté car dans ce contexte le climat était plus détendu et l'informateur plus clément. Enfin, lors de nos visites sur les lieux des dégâts, nous envisageons prendre des photographies du système de protection des cultures mis en place par les populations notamment celles des pièges dont l'une des fonctions est la protection des cultures. Mais aucun chasseur n'a accepté de nous montrer un de ses pièges à l'éléphant en vue d'une prise d'image. Selon eux, il n'est pas permis de montrer à n'importe qui l'endroit où se situe le piège car il arrive parfois que des personnes se transforment en éléphant et se font sciemment attraper par leur piège pour les attaquer quand ils viennent les visiter sous prétexte que le piège aurait attraper un éléphant. Et furieux, cet éléphant se défend en attaquant le propriétaire du piège.

1.10. Les résultats préliminaires

Parmi les personnes qui subissent les dégâts dans leurs plantations, la quasi totalité identifient l'éléphant comme étant la source de déprédation principale. Ce constat est fait par tous les agriculteurs interrogés y compris les administratifs. De plus, les dégâts sur les cultures causés par les éléphants semblent être très accrus dans les secteurs de l'Ovingi et sur la route de Yeno où les personnes interrogées au sujet de l'éléphant, incriminent l'action de cet animal dans leurs champs. Les autres animaux signalés comme principale source de destruction des cultures sont par ordre d'importance : les aulacodes, les athérures et les gorilles. Les dégâts dus aux intrusions des éléphants dans les champs sont jugés comme étendus sur toute l'année. Au terme de nos observations sur les dégâts constatés, les cultures les plus appréciées par les éléphants sont la banane, les taros, les ignames, les patates douces, la canne à sucre, les ananas et les ignames. Les tubercules viennent en seconde position.

Par contre, les cultures telles que le manioc amer, le tabac sont en général piétinées ou déracinées et éparpillées pêle-mêle dans la plantation. Les périodes des incursions dans les champs surviennent le plus en début de saison de pluie (septembre-octobre), au moment où les cultures des anciens champs sont mûrs et au moment des semences des nouvelles plantations. Mais également entre février et avril où les cultures sont encore pour la plupart jeunes. En saison sèche (juin-juillet), les incursions sont moindres et épisodiques mais lorsqu'elles se produisent les dégâts sont également importants. Dans l'ensemble, les nuisances dues aux intrusions des éléphants dans les plantations sont jugées inestimables. Ces dégâts sont généralement occasionnés sur les principales cultures (bananes, ignames, patates douces, taros, cannes à sucre, tubercules de manioc) et touchent des cultures de tous âges (jeune, intermédiaire, mûr), majoritairement estimées de bonne qualité par les populations elles-mêmes. Parmi les dégâts enregistrés à la suite des passages d'éléphants et en dehors de ceux occasionnés directement sur les cultures, on note à la suite de nos observations des plaintes relatives à des :

· Clôtures abîmées ou entièrement détruites ;

· Des blessures humaines (1 cas enregistré en 2004) ;

· Campements abîmés ou entièrement détruits ;

· Lampes détruites ;

· Perte de vie humaine.

Les nuisances générées par les gorilles, les singes et les criquets dans les plantations sont équitablement jugés saisonniers. Dans ce groupe, les gorilles sont les animaux qui semblent être à l'origine de dégâts de plus grande ampleur mais leurs intrusions sont plutôt jugées moins fréquentes au cours de l'année. Qu'ils soient considérés comme déprédateurs principaux ou secondaires, les dégâts occasionnés par les aulacodes et les athérures sont presque unanimement reconnus par les agriculteurs qui les subissent comme s'échelonnant sur toute l'année mais d'ampleur négligeable. Les superficies de la banane, du taro, de l'igname, de la patate douce, et de la canne à sucre sont plus importantes par rapport à celles du tubercule. En effet, l'estimation de la production détruite par culture permet de rendre compte de l'importance économique des dégâts causés par les éléphants dans les champs. Nos résultats d'enquête ont montré que toutes les personnes interrogées avaient enregistré des dégâts sur une période d'au moins deux ans.

Système de protection des cultures

Pour protéger les cultures contre les intrusions des animaux en général et des éléphants en particulier, la plupart des agriculteurs interrogés ont mis en place des systèmes de protection. Outre le système de protection, certaines plantations possèdent un campement. Ces campements sont généralement fréquentés de façon irrégulière par la majorité des agriculteurs. Avec le campement agricole, la plupart des agriculteurs ont mis en place un système de protection individuel contre les intrusions des éléphants et des autres prédateurs de cultures. Les systèmes de protection mis en places consistent généralement à ceinturer les plantations de barrières utilisant différents matériaux ou techniques (naturels ou non) mais également des pièges. Parmi les personnes ayant mis en place ces systèmes, certaines les jugent nuls, d'autres d'efficacité moyenne.

Le système le plus utilisé est la clôture traditionnelle qui consiste à ceinturée la plantation avec des cordes modernes métallique en une, deux ou trois strates, attachées à des arbres de diamètre moyen par des clous, et sur lesquelles sont accrochées des boîtes métalliques (canettes de jus ou de bière, boites de conserves vides) qui teintent quand on exerce une pression sur la corde. Les systèmes qui utilisent les lampes ou les feux allumés dans les plantations la nuit, des sons produits en cognant sur des fûts, deviennent inefficaces après une période d'habituation des éléphants et les personnes qui obtiennent des résultats satisfaisants sont celles qui font une surveillance permanente dans les plantations de jour comme de nuit. Le système de protection mis en place par les agriculteurs dépend en partie des moyens dont chacun d'eux dispose. Nous avons remarqué : des clôtures traditionnelles avec campement et avec lampes et feux, des clôtures traditionnelles avec campement et avec feux, des clôtures traditionnelles sans campement, fumée toxique, Piéges, Coup de fusil, Epouvantail métallique, Pagne de couleurs vives, Fût de résonance.

Règlement des conflits : Plaintes et battues d'éléphants dans les villages

A la question de savoir si dans leur vie d'agriculteur, elles avaient déposé au moins une fois une plainte officielle concernant les dégâts causés par des éléphants dans leurs plantations, certaines personnes déclarent l'avoir déjà fait et d'autres non. Cependant celles qui l'ont déjà fait ne sont plus prêtes à le refaire dans la mesure où elles n'ont pas eu d'écho favorable. Et c'est sur cette base que celles qui ne l'ont jamais fait n'osent le faire car elles estiment que si celles qui ont déjà déposé des plaintes n'ont rien eu pourquoi iront-elles perdent leur temps. Ce qui revient à dire que tout le monde à céder au découragement, plus personne ne compte sur l'administration.

Pour les personnes ayant déposées des plaintes, dans la majorité des cas, ces plaintes sont souvent restées sans suite. Les autres cas bien que ayant conduits à des constats sur le terrain par des agents des Eaux et Forêts, ont été pour peu seulement, suivis d'une autorisation de battue par l'administration. Et parmi les personnes ayant bénéficiées des battues, certaines n'ont pas pu les rendre effective par manque d'arme adéquate ou de balles et d'autres par manque de chasseur expérimenté. Par ailleurs, plusieurs battues d'éléphants non autorisées et menées par des chasseurs locaux ont conduits à des morts d'éléphants. Chaque année il en meurt sûrement plus.

Perception et causes supposées des incursions

Au regard de ces dégâts, la majorité des personnes affirment que l'éléphant n'offrait aucun avantage pour eux sauf pour ceux qui vendent l'ivoire et ceux qui ont des « fétiches ». Rare sont les personnes qui les tolèrent, la plupart des personnes les détestent. Toutefois, pour les initiés, l'éléphant est un élément de la nature très précieux qu'il faut conserver car il symbolise bien de choses malgré les dégâts régulièrement enregistrés dans les champs. Les causes des incursions des éléphants les plus évoquées sont : l'extermination des essences appétées par les éléphants par la CBG, l'accroissement de la population d'éléphants du à l'interdiction des battues, l'inefficacité du système de protection du à  l'habituation des éléphants à ce système, l'habituation des éléphants aux lampes et aux feux du à la présence des lampes électriques des compagnies pétrolières, et la présence « des éléphants du village ».

Structure, provenance et Signes de reconnaissance

Les résultats d'observations directes ont montré que les groupes d'éléphants qui font des incursions dans les champs des populations sont à la fois des éléphants de forêt et de savane. Les éléphants de forêt, ont une structure composée de six à huit individus rarement plus de dix. Par contre les éléphants de savane ont une structure composée de trois à quatre individus. Ces derniers forment en général une même famille. La provenance des ces éléphants est identifiée vers Rabi (route Yeno). Les crottes, les pistes, les cassures d'arbustes et les empreintes ont été les plus importants signes de reconnaissance relevés. Toutefois, dans certains sites agricoles, nous avons remarqué la présence de certaines essences forestières recherchées par les éléphants notamment le douka, les manguiers sauvages dans et aux environs de certaines plantations.

Chapitre 2 : Rapports Hommes/cultures vivrières et rapports éléphants/cultures vivrières

L'alimentation est un phénomène socioculturel proprement humain, comme le relate cette sagesse populaire : « tous les animaux se nourrissent, mais seul l'être humain cuisine ». La formule suivante de Jean Brillat-Savarin76(*) (1974) résume bien cette idée : « dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es » n'est pas seulement une boutade. Ainsi, les pratiques alimentaires d'un peuple, et les ethnologues comme Claude Lévi- Strauss l'ont si bien montré, forment des éléments déterminants de sa définition culturelle. Les populations connaissent-elles parfaitement les espèces végétales de leurs écosystèmes, mais aussi les différents usages qu'elles peuvent en faire. Ces usages ne relèvent pas du hasard.

Car l'alimentation procède d'un système de classification, et si l'on mange pour subsister, ce qui est « bon à manger est bon à penser » selon la célèbre expression de Claude Lévi-Strauss. L'alimentation est de ce fait un fait social total en ce qu'elle permet une approche de la société dans son ensemble. L'alimentation dans ces différents usages occupe une place importante. Celle-ci est d'ailleurs classée parmi les besoins alimentaires de l'homme. Loin de se situer dans un universalisme alimentaire même si l'on sait que chaque société s'alimente, notre travail, dans cette partie consistera à partir de cette étude de cas de rechercher les rapports culturels que les Bisir entretiennent avec leurs cultures vivrières.

2.1. Besoin d'alimentation et de production

L'homme est avant tout un être biologique. De ce fait, il ressent de contraintes biologiques telles que la faim. Et pour satisfaire sa faim, il doit se nourrir c'est-à-dire qu'il doit s'acquérir des vitamines, des acides aminés et des calories lui permettant de développer une activité physique et mentale. C'est dans cette optique que Mathieu Mboumba Nziengui  note que : « l'alimentation, ainsi que les autres besoins physiologiques permettent « l'équilibre de l'homme ». L'énergie vitale dont a besoin l'homme est d'abord l'alimentation qui, en plus de favoriser le bon état ou la bonne santé, reste la « matrice » de tous les autres besoins de l'homme, en même temps qu'il lui reconnaît le qualificatif « d'aspiration naturelle » qu'éprouve chaque être humain, quel qu'il soit »77(*).

Selon Ganyo Galley Yawo (1985), les références des normes fixées pour le Gabon par les nutritionnistes en matière d'alimentation, pour un adulte modérément actif sont de 2800 calories par jour. Ce chiffre s'élève à 3500 à 4000 calories pour les travailleurs de force. Les trois éléments déterminants de l'alimentation de base d'un homme sont les glucides, les protéines et les lipides. Les glucides sont en général apportés par les cultures vivrières tels que la banane, le taro, l'igname, etc. Ces cultures sont celles qui constituent l'aliment de base. L'aliment de base est par nature, l'aliment qui assure l'essentiel des aliments caloriques, il calme la faim, assure une satiété sécurisante. Il ne manque jamais, il est présent sur la table toute l'année et est indispensable à chaque repas. Quand il manque, il marque la faim. Et le repas est toujours constitué de deux types d'aliments différents : l'aliment de base et l'accompagnement. L'agriculture fournit principalement l'aliment de base, c'est-à-dire la part énergétique du régime alimentaire. Chez les Bisir, l'aliment de base est constitué en général de féculent (manioc, banane plantain, igname, taro, patate douce). Ainsi, pour obtenir l'aliment vital, les Bisir sont obligés de le produire. Au sein du système de production, les différentes activités (chasse, cueillette, piégeage, pêche et agriculture) se complètent. Toutefois l'agriculture y occupe la place principale. Voilà pourquoi l'économie des Bisir est fondée essentiellement sur la production agricole. Cette production agricole chez les Bisir vise deux principaux buts : assurer, par les cultures vivrières, une alimentation suffisante à chaque membre de la communauté. Roland Pourtier (1989), en parlant des sociétés traditionnelles gabonaises écrit que « nourrir tous ses membres est une obligation »78(*).

Cette production vise également de se procurer par la vente du surplus agricole, des revenus monétaires appréciables afin de satisfaire d'autres besoins (biens vestimentaires, matériaux de construction, transport, électricité, etc.). C'est d'ailleurs à juste titre que Charlotte Kassou nous se lamente en disant que : « (...) Les enfants ne peuvent plus manger cette nourriture, l'argent de l'école, du taxi vient d'ici or moi je ne travaille pas, je gagne un peu d'argent qu'avec ces cultures »79(*).Quoique l'agriculture fournisse l'essentiel de l'alimentation, le régime alimentaire des Bisir dépend aussi des produits sauvages de la forêt, particulièrement en ce qui concerne l'apport en protéines. En effet, la quasi-totalité des populations équilibrent leur alimentation par de nombreux produits sauvages : l'agriculture donne la part quantitative du régime alimentaire, la forêt en fournit la part qualitative. Autrement dit, l'agriculture fournit principalement l'aliment glucidique de base (calorique), alors que la forêt fournit les protéines (soit par la chasse, soit par la pêche), les lipides et une partie des vitamines.

L'alimentation occupe également une place centrale dans les cérémonies traditionnelles. En effet, parmi les aliments qui constuent l'aliment de base de l'homme gisir, certains sont des aliments de prestige et symbolique. La banane par exemple est un aliment indispensable dans les cérémonies mortuaires. Lors d'un décès chez les Bisir, la famille paternelle du défunt à l'obligation de faire appel à la famille maternelle pour l'annoncer le décès de leur enfant. Lorsque celle-ci est arrivée, un repas symbolique (gikumbu) lui est offert. Ce gikumbu est constitué d'un coq, d'une bouteille de vin, accessoirement d'une bouteille d'huile et d'un régime de banane. Le régime de banane symbolise la faim. Dans le mariage, la dot chez les Bisir est constituée des composantes masculines et féminines. La composante masculine est apportée par la famille du futur marié et la composante féminine est celle exigée à la famille de la future mariée. Cette dernière est constituée de nattes, de coqs, de moutons, de canards, de paniers, de mortiers, de pilons et de différentes sortes de cultures vivrières.

Sur le plan social, la production agricole procure de l'autonomie. L'efficience du système de production traditionnel découlait en grande partie du pouvoir de contrôle que détenait les aînés. Or ce pouvoir était fondé essentiellement sur l'accaparement par ces derniers de tous les biens surtout les biens à usage matrimonial. Par le biais du paiement de la dot, les aînés pouvaient exercer une pression permanente à n'importe quel niveau sur n'importe quel membre du groupe. Mais l'introduction de la monnaie, en substituant progressivement les espèces aux biens qui traditionnellement entraient dans la dot, a sérieusement perturbé le schéma classique. Jadis, les aînés seuls avaient accès aux biens rares ; aujourd'hui tout le monde a accès à cette nouvelle forme de richesse qu'est la monnaie. Il suffit de faire une plantation pour échapper à l'emprise du schéma d'autorité classique et devenir autonome. C'est donc fort de tous ces besoins (alimentaire et cérémoniel) que les Bisir produisent.

2.1.1. L'organisation des tâches et coût des activités agricoles

L'organisation des activités agricoles chez les Bisir se faisait sur la base à la fois familiale et sociale. Le groupe familial élargit (père, mère, oncle, cousins, etc.) représentait l'élément de travail permanant de l'unité de production mais le recours à la société d'entreaide était souvent indispensable. La rémunération se faisait en nature soit par des repas soit par des dons. Cette société d'entreaide était un groupe de travail qui rassemblait au niveau de chaque lignage ou clan, selon des critères donnés, un certain nombre de personnes, en vue de l'exécution d'une tâche de production précise. Avant que la civilisation européenne n'ait fait évoluer les peuples traditionnels, les travaux domestiques étaient répartis selon le sexe et l'âge. En ce qui concerne les travaux agricoles, le nettoyage du sous-bois et l'abattage des arbres en saison sèche étaient le lot des hommes. Cette période, est une période masculine.

Selon Jean Emile Mbot, « chez tous les peuples du Gabon, pour la grande majorité, le calendrier agricole s'étend sur deux grandes périodes : la période masculine et la période féminine »80(*). La période masculine encore appelée saison sèche, est exclusivement réservée aux hommes qui vont s'occuper des travaux champêtres, débroussage, abattage et brûlis. La saison des pluies quant à elle, c'est la période féminine. Elle est l'apanage des femmes qui s'activent pour planter, désherber et transporter les aliments vers le village. Et la société traditionnelle gisir n'échappe pas à ce schéma agricole. Cependant, avec l'introduction de l'économie capitaliste, la société gisir tout comme toutes les autres sociétés traditionnelles, va subir de profondes mutations. Le choix des sites agricoles, le défrichage, l'abattage, et brûlis qui étaient autrefois l'apanage exclusif des hommes, sont de nos jours effectués par les femmes de même que les activités féminines sont réalisées par les hommes. L'introduction de l'économie monétaire a sérieusement perturbé le schéma traditionnel d'organisation de la production.

En juxtaposant à une économie du besoin une économie de profit, elle a bouleversé un certain de normes anciennes telles que l'éclatement des sociétés d'entreaide. Celles-ci se constituaient désormais moins sur la base du lignage que sur la base de rapports d'affinité multiples. Elles deviennent des unités d'intervention groupant un ensemble de personnes ayant décidé de mettre leur force de travail en commun pour la louer à qui en a besoin sous forme de contrat de type salarial. Cet éclatement des sociétés d'entreaide va donner donc naissance à l'individualisation des unités traditionnelles de production même si le domaine agricole demeure toujours collectif. Pour réaliser les activités agricoles à Mandji, les hommes prêtent leur force de travail moyennant trois (3) milles francs par personne pour le défrichage d'une journée. Pour l'abattage, le montant est de cinq (5) milles francs par abatteur par jour. Quant aux femmes, pendant la période de la récolte des nouveaux plants et du désherbage, elles exigent le paiement de trois (3) milles par femme par jour. Sans oublier le transport dont le montant varie de six (6) à douze (12) milles francs par jour.

2.1.2. Types de champs et principales plantes cultivées

La culture du sol est l'une des principales activités du peuple gisir à Mandji. Les populations s'adonnent dans leur majorité à la culture des plantes vivrières au rang des quelles, nous relevons :

Noms gisir

Noms courants

Noms scientifiques

1

Dilanga (nom générique)

Taro (nom générique)

Colocasia esculentum

2

Dilanga di pwati

Taro blanc

Xanthosoma sagittaefolium

3

Dilanga di kira

Taro rouge

Xanthosoma violaceum

4

Mongu

Patate douce

Ipomoea batatas poir

5

Mbala (nom générique)

Igname (nom générique)

Dioscorea alata.

6

Gigongu

Manioc (espèce amère)

Manihot utilissima

7

Timba

Manioc (espèce sucré)

Manihot sp.

8

Musungu

Canne à sucre :

Saccharum officinarum.

9

Putu

Maïs 

Zea mais

10

Difubu

Ananas 

Ananas sativus

11

Mupala (nom générique)

Banane

Musa paradisiaca

12

Pinda

Arachide

Arachis hypomea

13

Nungu

Piment

Aframomum melegueta

14

Bukulu

Oseille

Hibiscus esculentus

15

Ditotu

Banane douce

Musa sapientum

Parmi ces plantes vivrières, nous avons par ordre d'importance : le tubercule de manioc, la banane plantin, le taro, l'igname, la patate douce et la canne à sucre. Cependant, ces cultures évoluent dans des espaces végétales variées selon l'importance que les populations accordent à chaque culture et la fertilité du sol en vue d'un meilleur rendement. Ces espaces sont classés en trois catégories : forêt primaire (ngunda), forêt secondaire (mayigi), touffu et difficilement pénétrable et les anciens champs en jachère. La société traditionnelle gisir connaît cinq (5) types de champs. Nous avons le « dilanda » qui correspond à une agglomération de champs où sont cultivées toute sorte de plantes, le «  giamba » qui est la grande plantation. Le « mufunda » est le champ situé non loin du village. Le  gibuga est le grand champ d'arachides. Et le « dikusa » est le jardin de case. A chaque catégorie de champ, correspond un type de forêt. La forêt primaire est l'espace privilégié du  dilanda81(*) et le  giamba82(*). C'est le lieu où sont prioritairement cultivées les principales cultures (banane, taro, manioc, patate douce et igname). La forêt secondaire est celle où sont réalisés les champs du type « mufunda » et le « gibuga ».

2.1.3. Techniques de mise en culture et maturation des plantes

Après toutes les opérations destinées à assainir le site agricole, intervient les semences à partir de septembre avec les premières pluies jusqu'en novembre. Septembre est également la période de la récolte de certaines cultures telles que la banane, la patate douce, le taro, l'igname y compris le manioc cultivées dans les anciens champs. Pour réaliser les semis, le champ est divisé en deux parties parfois trois selon la grandeur du champ. Une partie est réservée à la culture de la banane et l'autre à celle du manioc. La partie réservée à la culture de la banane est souvent située sur la zone la plus humide. Lorsque les femmes commencent à planter, elles débutent par les boutures de banane (miaga) en septembre. Puis à partir d'octobre, elles entament le manioc, les taros, l'igname, la patate douce et la canne à sucre. C'est d'ailleurs ce que nous apprend Perrine Mawouiri quand elle dit : « Lorsque nous cultivons, nous commençons par les bananiers en septembre et le manioc, les taros en octobre lorsque l'eau est descendue avec la terre et là nous plantons toutes les autres cultures, les ignames, le manioc amer, la patate douce. D'octobre jusqu'en novembre tu ne faits que planter. (...). Si tu cultives très tôt, entre avril et mai tu commences à récolter les tubercules et les taros. Cette année j'ai fait une seule grande plantation (...) cette plantation, je l'ai divisé. Une partie j'ai mis les tubercules, le manioc. L'autre partie, je n'ai mis que la banane puis entre les bananiers, j'ai mis les taros blancs et rouges, les ignames, les aubergines, les tomates, le tabac, le piment, l'oseille (...) »83(*). Selon notre informatrice, outre le manioc dont la culture est réservée à une partie du champ, les autres cultures sont plantées entre les bananiers. La maturation des cultures intervient quant à elle à partir de mars et avril où les cultures sont dans un état de croissance intermédiaire. Mais c'est à partir de juin jusqu'en septembre où elles atteignent leur maturité. Elle précise que « (...) la banane, si elle se cultive en septembre, elle commence à s'incliner en mai et en août et septembre, elle arrive en maturité. Par contre, si elle est cultivée en octobre, elle s'incline au mois de juin et en octobre on la récolte. Le manioc et les tubercules commencent leur apparition en mars puis grossissent. Entre mai et juin tu peux commencer à gonevosula »84(*).

En effet, toutes les cultures n'arrivent pas en maturité au même moment. La banane par exemple arrive en maturité entre septembre et octobre. Par contre, les taros et les patates douces arrivent en maturité entre juin et juillet. L'igname sa période de maturité se situe entre juillet et août. Cependant, Perine Mawouiri nous apprend que : « que ce soit les taros, les patates douces ou l'igname, on doit les déterrer avant octobre car si ces cultures consomment beaucoup d'eau, elles ne seront plus de bonne qualité. (...) le maïs produit entre décembre et janvier par contre l'arachide, c'est entre janvier et février. (...) dans une nouvelle plantation, les premiers aliments récoltables sont le piment et l'oseille puis les taros, les patates douces, les ignames puis la banane. Les canes à sucre, s'ils sont cultivées entre septembre et octobre, ils mûrissent entre mai et juin »85(*).

2.2. Besoin de survie et de subsistance

La production des sociétés traditionnelles s'articule autour de l'autosubsistance. L'agriculture est considérée comme l'activité de subsistance principale. Pour en saisir toute la portée, il convient d'accorder à « subsistance » son sens le plus compréhensif, à savoir l' « ensemble des vivres et des objets qui permettent de subsister »86(*). Le domaine alimentaire en constitue le pivot, mais elle inclut la totalité des actes par lesquels un groupe subvient à ses besoins en exploitant son territoire. Etymologiquement, le terme vivres vient du latin « vivanda » qui signifie fait vivre, donne la vie. Ainsi, l'acquisition des biens indispensables à la survie biologique fait du besoin domestique le souci permanent et quotidien de l'individu. De ce point de vue, pour subsister l'homme a besoin de travailler. C'est une contrainte vitale. La satisfaction de ses besoins constitue la cause principale qui pousse l'homme à produire. En effet, pour survivre, travailler et se reproduire, l'homme doit trouver dans son alimentation l'énergie et les nutriments nécessaires en proportions adéquats.

Un régime alimentaire équilibré est celui qui apporte, en proportions correctes, tous les nutriments indispensables aux besoins de l'organisme. La satisfaction des besoins nutritionnels se fait à travers une série d'actes qui constituent le comportement alimentaire de l'homme. Ce comportement repose à la fois sur des phénomènes instinctifs et sociaux (production, consommation, approvisionnement, etc.). L'expression « besoins nutritionnels » désigne la quantité d'énergie et de nutriments, exprimée sur une base journalière, nécessaire à une catégorie d'individus donnés pour permettre à ces individus en bonne santé de se développer et de mener une vie normale. Si l'alimentation n'apporte pas en quantité suffisante les dix acides aminés essentiels, de graves complications, globalement désignées sous le nom de malnutrition protéique apparaissent chez un individu. Et les populations de Mandji savent que si un homme ne « mange pas convenablement », il peut succomber comme en témoigne Charlotte Kassou dans cet extrait de discours : «  si une personne n'a plus de nourriture elle peut mourir de faim, elle souffre, elle a faim (...) »87(*). Selon la FAO (1999), environ 40 % de la population africaine totale sont de plus en plus touchés par la pauvreté et la malnutrition, cette dernière étant due au fait que les personnes touchées ne peuvent disposer d'une nourriture leur permettant d'avoir en quantités suffisantes les calories, les protéines, les vitamines et d'autres macronutriments essentiels. L'apport en calories journalier par habitant, qui est en moyenne de 2 027 calories dans de nombreux pays africains, est très inférieur au minimum recommandé de 2 400 calories nécessaires pour mener une vie saine et active.

2.3. Besoin de sécurité alimentaire

Dans sa définition la plus courante, la sécurité alimentaire est la possibilité pour chaque individu d'accéder en tout temps à une alimentation salubre et nourrissante lui permettant de mener une vie saine et active. Telle est la définition ratifiée par un certain nombre d'autorités. Selon Azoulay Gérard et Dillon Jean-Claude (1993), la sécurité alimentaire inclut essentiellement trois éléments : l'existence de disponibilités alimentaires suffisantes, la stabilité des approvisionnements dans le temps et l'espace et l'accès matérielle et économique de tous les individus aux approvisionnements disponibles. Dans cette dernière définition, le premier élément implique la présence de toutes les denrées qui composent le régime alimentaire en qualité et en quantité suffisantes pour satisfaire les besoins de toute la population dans une période déterminée. Ils mentionnent que dans les villages, « la production agricole domestique est le principal facteur permettant d'atteindre l'objectif de sécurité alimentaire »88(*). La production alimentaire domestique pour eux, comprend l'ensemble des produits comestibles contenant des éléments nutritifs. Ils précisent que dans cette production alimentaire domestique, la production vivrière regroupe toutes les cultures alimentaires qui sont en majeure partie consommée localement.

A Mandji, la disponibilité des denrées alimentaire est rendue possible par les champs. Pendant toute l'année, les populations se nourrissent avec les cultures de leurs champs. Une fois les cultures sont arrivées en maturité, elles se conservent dans le sol et les populations s'approvisionnent progressivement. En effet, la caractéristique principale de cette agriculture de plantes à bouture, est l'absence de moisson : les plantes (manioc, bananiers) produisent presque continuellement, ce qui permet de venir prélever dans le champ au fur et à mesure des besoins. D'ailleurs, à l'exception du maïs, des arachides, des graines de courge, il n'y a pas de récolte nécessitant d'être conservée en grenier. Une partie de cet approvisionnement est autoconsommée et l'autre est réservée à la vente. Les revenus issus de cette vente permettent aux agriculteurs d'obtenir les moyens de payer le transport et tous les autres aliments complémentaires. Dans les communautés rurales et particulièrement chez les Bisir, l'agriculture contribue de manière notable au revenu familial grâce à l'agriculture.

Toutefois, si la production agricole domestique est le principal facteur permettant d'atteindre l'objectif de sécurité alimentaire comme le soutient Azoulay Gérard et Dillon Jean-Claude (1993), l'amélioration de la sécurité alimentaire, en Afrique, passe donc pas l'augmentation de la productivité et de la production alimentaire et agricole. Or, certaines tendances du développement durable notamment celles liées à la conservation de la faune sauvage et en particulier des éléphants, dans certaines régions telles que Mandji, compromettent la croissance agricole. Il s'agit en particulier de l'accroissement démographique de la population des éléphants, de la destruction des cultures vivrières des populations par les éléphants engendrant ainsi une baisse de la production agricole. Au sein de certaines familles, cette baisse de la production agricole pose le problème de la disponibilité des ressources alimentaires de base et autoconsommées et de l'accès à des denrées non produits par les ménages mais disponibles chez les commerçants dès lors que l'acquisition de ceux-ci est rendue possible en grande partie grâce aux revenus tirés de l'agriculture. Cependant, la diminution des cultures de subsistance entraîne une paupérisation et une mauvaise alimentation. De ce fait, pour de survivre les populations sont obligées de lutter contre la présence des éléphants dans leurs champs.

2.4. Fétiches et techniques de protection endogène

Par techniques de protection endogènes, on entend les techniques de protection utilisées à l'intérieur de la société gisir avant toute influence extérieure. Les mesures d'atténuation des dégâts sont multiples et varient selon les pays et l'ampleur des dégâts. D'après S. Alfa Gambari Imourou et al. (2004), « en général, les paysans font tout pour prévenir les conflits en s'adonnant à des pratiques magiques rituelles et aux prières collectives »89(*). En effet, Alfred Foucher90(*), de l'Université de Paris, a fait remarquer que, bien avant que la religion fût organisée dans les villages, les villageois vénéraient un dieu-éléphant vaillant et sanguinaire qui les protégeait, ainsi que leurs récoltes et leurs demeures. Et chez les Bisir, l'éléphant est un fétiche de protection contre les attaques mystiques mais également contre les prédateurs des cultures. Et pour protéger leurs cultures, ils faisaient appel aux pratiques magiques. Elles sont désignées par l'expression « gukanda giamba » ou « kiligu ». La première de ces pratiques consiste à « féticher » un éléphant du village qui se charge de la protection des champs. Dans la société gisir, le fétiche (divanda) a un double caractère. Nous avons des fétiches bienfaisants et les fétiches malfaisants.

Les fétiches bienfaisants sont ceux qui sont destinés au maintien de l'ordre la société ou à la sécurité individuelle et qui sont reconnus par la communauté, sans compromettre une quelconque vie humaine. Et les fétiches malfaisants sont ceux qui sont affectés à faire le mal. Dans la pratique du fétiche de « l'éléphant de protection » des cultures, cet éléphant a pour mission de chasser les éléphants prédateurs des champs de son maître et à les éloigner. Nous pouvons illustrer ce propos par l'extrait de discours de Mboula Adolphe qui dit : « Lorsqu'une personne «fétiche» un éléphant pour protéger sa plantation, parfois sa plantation n'est pas touché par les éléphants, il n'y aura que les plantations des autres. Cet éléphant va chasser les autres éléphants de la plantation de son maître. Une fois qu'il a fini de « féticher » son éléphant, cet éléphant vient consommer un aliment dans sa plantation pour dire au maître qu'effectivement désormais je suis sur les lieux »91(*).

Cependant, ce fétiche a un revers malsain. Lorsque le maître est de mauvaise foi, il peut recommander à son éléphant de diriger les éléphants prédateurs vers les champs des autres personnes. Aussi, son éléphant pour se nourrir, ne peut jamais s'attaquer aux champs de son maître, il va s'alimenter dans les champs des autres d'où les plaintes récurrentes des déprédations des cultures par les « éléphants du village » issus de l'intervention humaine. Par ailleurs, une fois le rituel magique a été opéré par un nganga92(*) sur la demande du propriétaire des champs, cet éléphant pour signifier à son maître « la prise effective de ses fonctions » de gardien des cultures, il consommera quelques aliments à l'arrière plan du champs pour marquer sa présence effective. La seconde pratique quant à elle, vise à rendre le champ invisible aux yeux des éléphants. C'est à la demande des propriétaires des plantations que le nganga organise une petite veillée au cours de laquelle, il concocte des talismans qu'il remet le matin à chaque femme demandeuse. Une fois dans son champ, la femme plante ce fétiche auprès de la souche d'un arbuste (dibandu di gisindu). Cependant, après cette opération, il sera désormais interdit à toutes ces femmes de traverser un tronc d'arbre, d'appeler quiconque pendant qu'elles se trouvent dans leurs champs ou de répondre à un appel. Pour appeler une personne pendant qu'elle s'y trouve, la femme doit soit cogner sur un tronc d'arbre ou poser une question du genre : y a-t-il des gens là-bas ? Et pour répondre, la personne interpeller doit, selon le protocole d'appel utilisé, répondre en cognant également sur un tronc d'arbre ou apporter une réponse à la question posée.

Ces interdits avaient pour fonction de ne pas faire découvrir à l éléphant le lieu où se trouve le champ car l'éléphant est considéré comme un esprit qui vit en forêt. Notons que ces pratiques sont rarement utilisées de nos jours. La rareté de l'usage de ces pratiques est due au fait que les personnes qui les utilisent sont suspectées de pratiques « sorcellaires ». Elles sont souvent accusées d'être les auteurs des éléphants prédateurs. Outre ces pratiques magiques, les populations de Mandji pour protéger leurs cultures contre les intrusions des éléphants, ont mis en place des systèmes de prévention. Ces systèmes de prévention sont faits à base de répulsifs traditionnels. Les répulsifs traditionnels sont ceux qui sont inventés par les communautés rurales faits de matériaux locaux de basse technicité disponibles dans la région que nous analysons en termes de techniques de protection traditionnelles.

2.5. Les techniques de protection traditionnelles et conventionnelles

Les techniques de protection traditionnelles, sont celles qui font appel à des matériaux locaux de faible technicité disponibles à Mandji. Et les techniques conventionnelles, sont celles qui sont prévues par la loi. Ici, les systèmes de prévention mis en place consistent généralement à ceinturer les plantations de barrières utilisant des fils métalliques attachés à des arbres de diamètre moyen à l'aide de clous en laissant une zone tampon de 3 à 5m. Et sur les fils métalliques sont accrochés des boîtes vides (cannettes de jus ou de bière, boîte de conserve vides) dans lesquelles on met des petites pierres qui teintent quand on exerce une pression sur les fils métalliques, et des tissus de couleur vives ainsi le montre les photos n°1 et 2.

Photos 1 et 2 : système de protection des cultures. (Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007 et le 13 aout 2007).

Ces images ont été filmées sur la route Mandji-Yeno pendant nos visites de terrain. L'image n°1 a été prise en mai 2007. Par contre, l'autre a été filmée en aout 2007. Sur l'image n°1, nous observons une partie de la forêt constituée de gauche à droite d'herbes et d'arbustes. Au fond de l'image, on peut remarquer la présence du sous bois. Au premier plan, nous avons un arbre de petite taille sur lequel est suspendu une corde à laquelle sont accrochées des boîtes. Cette corde à laquelle sont suspendues les boîtes, s'allonge sur trois arbustes quasiment alignés. Au regard de la taille des herbes qui entourent l'arbre figurant au premier plan, on peut dire que cet espace a été défriché auparavant. Sur l'image n°2, on voit à l'arrière plan et de gauche à droite, des feuilles de manioc derrière lesquelles on observe un paysage forestier. Au premier plan, on voit un arbuste mort à coté duquel on observe un sachet de couleur rose sur un tissu qui tente vers du blanc et à l'extrême droite on remarque la présence d'un bananier. Entre ce bananier et le tissu tendant vers du blanc, on distingue la présence d'un autre tissu probablement amarré sur une corde. De la manière dont sont disposés ces tissus, on comprend aisément qu'ils sont attachés sur un fil faisant office de clôture.

Les présentes images nous présentent certaines méthodes de prévention contre les attaques des éléphants dans les champs. Ces méthodes constituent un ensemble d'obstacles mis en place à partir des matériaux naturels et de récupération afin d'empêcher la pénétration des éléphants dans les plantations. Les clôtures avec les boîtes constituent une « alarme ». Lorsqu'elles subissent une forte pression, elles teintent et ce bruit alertent les propriétaires des champs. Cependant, ces méthodes se sont le plus souvent révélées peu efficaces. Elles n'ont en général qu'un rôle symbolique et, dans bien des cas, les animaux parviennent à les franchir. Une autre méthode consiste à allumer de grands feux chaque soir en périphérie des champs et des lampes pour tenir éloignés les éléphants comme en témoigne les photos n°3 et 4.

Photos 3 et 4 : système de protection utilisant le feu et les lampes. (Cliché BIPAKILA MANGAMA Pascal et MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007).

Les présentes photos ont été également prises sur la route Mandji-Yeno. La photo 3 a été filmée par Pascal Bipakila dans la plantation de sa femme. La photo 4 par contre a été prise par nous-même. A l'arrière plan de la photo 3, nous apercevons des arbres et des trouées du plafond forestier. A gauche nous voyons des jeunes plantes de manioc. Par contre, à droite nous avons non seulement des jeunes plantes de manioc mais également, nous observons des feuilles de bananiers. Et au centre, nous avons deux hommes debout dont l'enquêteur à gauche et à droite, le gardien de la plantation de la femme de Pascal Bipakila.

Entre les des deux hommes, nous apercevons une maisonnette faite de quatre poteaux qui soutiennent une petite toiture faite d'un morceau de tôle, sous laquelle nous avons une lampe accrochée. Devant les deux hommes, nous avons un tronc d'arbre allongé au sol et deux souches d'arbres. Cette photo met en exergue un système de protection des champs contre les éléphants. La lampe accrochée sous la maisonnette est allumée chaque soir par le gardien. Celle-ci témoigne la présence des hommes sur les lieux. En effet, les éléphants, ne prennent pas en général des risques de pénétrer dans un champ lorsqu'ils constatent la présence humaine surtout quand ils sont accompagnés des petits, à l'exception de quelques mâles. Donc à la vue de la lumière des lampes, ils s'éloignent. Cependant, ce système de protection au bout d'un temps devient inefficace. Une fois que les éléphants s'habituent à voir des lampes sans aucune autre réaction, ils finissent par y pénétrer. Quant à la photo 4, celle-ci nous montre à l'arrière plan, des arbres et des trouées du plafond forestier, des jeunes feuilles de bananiers puis des branches et des troncs d'arbres allongés au sol qui ont résisté au passage du feu.

Au centre, nous observons un reste de feu composé des morceaux de bois et de la cendre. Visiblement ce feu est protégé par une maisonnette dont on aperçoit un poteau qui soutient le toit de celle-ci. Le toit de cette maisonnette est constitué de vielles tôles et soutenu par des bois. Comme la photo précédente, celle-ci nous démontre comment les Bisir procèdent pour lutter contre les incursions des éléphants dans leurs champs à partir d'un système de protection qui utilise le feu. Tout comme la lumière de la lampe, la présence du feu témoigne également celle de l'homme. Aussi, selon nos informateurs, l'éléphant est très sensible à la fumée. Lorsqu'un feu est allumé et que par bonne fortune, la fumée se dirige en direction des éléphants, ces derniers s'en éloignent. Et pour rendre cette méthode plus efficace, les certaines personnes font brûler dans ces feux, des herbes et certaines plantes dont la fumée toxique a un effet répulsif sur les éléphants.

Cette technique a été reconnue par Frédéric Marchand (1999) qui nous apprend qu'au nord du Cameroun, les villageois font brûler des déjections de moutons ou de chèvres dont l'odeur est supposées avoir un effet répulsif sur les pachydermes. A Mandji, nous avons également constaté que les villageois font brûler des crottins d'éléphants associés aux pneus et à certaines espèces végétales telles que le piment, le cassia alata (gurbanga), l'ocimum gratissimum (makadumba), dont les odeurs contenues dans la fumée sont supposées avoir un effet répulsif sur les pachydermes. C'est d'ailleurs ce que confirme Marie Augustine Moumbangou quand elle dit : « Certaines personnes comme moi par exemple, je creuse une fosse dans laquelle j'allume du feu et puis nous mettons les vieux pneus, l'ocimum gratissimum, le cassia alata, les feuilles de piment et toute herbe qui sent mauvais »93(*). Selon Marchand F. (1999), certaines espèces telles que le capsicum, espèce végétale proche du piment ont pour effet d'irriter temporairement les yeux et les muqueuses des animaux provoquant leur fuite immédiate. Outre ces méthodes, les populations utilisent aussi des techniques qui utilisent le « craquement » des objets métalliques tels que des vielles limes accrochées à une corde et suspendus à l'aide d'un bois.

Ces objets produisent du bruit à l'aide du vent. Par contre, certaines personnes fabriquent des épouvantails en forme humaine à l'aide des tissus de couleurs vives. Mais ce type de dissuasion n'a cependant qu'une portée à très court terme dans la mesure où les animaux s'habituent rapidement à la présence humaine. Couplés à ces méthodes, certaines plantations possèdent un campement. Mais ces campements sont généralement fréquentés de façon sporadique par la majorité des agriculteurs, c'est-à-dire de temps en temps la nuit ou le jour, surtout pendant les périodes de semence (septembre-novembre) ou de récolte (Mars-avril) où les intrusions des éléphants dans les plantations semblent être très fréquentes. Les femmes procèdent également au ramassage des crottins d'éléphants qui sont par la suite écrasés dans de l'eau. La solution obtenue est frottée sur les bananiers. C'est que nous a confié Marie Augustine Moumbangou quand elle dit : « Nous prenons aussi ses crottes que nous écrasons dans de l'eau puis nous frottons sur les bananiers. Lorsqu'ils s'approchent en sentant l'odeur de ses crottes, il croire que ces bananiers ce sont ses crottes. Seulement il ne faut pas qu'il pleuve. S'il pleut, tu viens encore frotter. Cependant, si le champ est grand, ce travail est pénible»94(*). Cependant, ce travail est fastidieux si le champ est assez grand. De plus, l'eau des pluies nettoie souvent ce produit, ce qui annule les efforts consentis par les femmes qui sont condamnées à recommencer cette opération. Toutefois, aucune de ces barrières, aucune de ces méthodes ne peut arrêter un éléphant déterminé à passer, mais elles créent tout de même un obstacle psychologique qui peut avoir des effets répulsifs. Aussi, le facteur contraignant est le plus souvent la disponibilité du matériel pour construire ces barrières comme en témoigne Marie Augustine Moumbangou dans ces propos : « les fils métalliques que nous achetons avec les gens des chantiers. C'est un travail mon fils, même si tu as un peu d'argent en réserve tu es obligé de le sortir pour le donner au boy chauffeur pour qu'il t'apporte le fil métallique et tu paies une personne pour te débrousser les alentours du champs. Si la plantation est grande, tu peux dépenser jusqu'à cinquante mille francs »95(*).

De même, le problème des répulsifs traditionnels est qu'ils ont tendance à devenir inutiles avec le temps. Habituellement, les populations vont faire confiance à quelques méthodes, et celles-ci seront utilisées de manière répétée, avec très peu de variation. En plus, les méthodes mentionnées ci-dessus sont considérées comme « sans danger », ce qui veut dire qu'elles peuvent faire peur aux pachydermes, mais elles ne leur font aucun mal. A cause de cela, les éléphants s'y habituent et finissent par les ignorer. Ce constat a été reconnu par Stéphane LE-DUC Yeno et al. dans une étude menée aux CPAG d'avril 2004 à septembre 2006. Les auteurs admettent que «  les systèmes qui utilisent les lampes ou les feux allumés dans les plantations la nuit, des sons produits en cognant sur les fûts, deviennent inefficaces après une période d'habituation des éléphants »96(*). En effet, toutes ces méthodes utilisées seules ne sont pas efficaces. Il faut nécessairement les associer.

Et les populations reconnaissent unanimement que pour obtenir des résultats relativement satisfaisants, il faut adjoindre aux feux allumés, aux lampes, à l'émission des bruits et à la barrière, un campement avec une présence humaine permanente comme l'indique Marie Augustine Moumbangou dans cet extrait de corpus : « Malgré tous ces procédés, pour espérer avoir un peu de nourriture, il faut ériger un campement et trouver une personne pour y rester pour surveiller le champ»97(*). Et Stéphane Le-Duc Yeno et al. reconnaissent également que : « les personnes qui utilisent les fûts n'obtiennent des résultats satisfaisants qu'au terme d'une surveillance de tout instant [avec] une présence permanente dans les plantations de jour comme de nuit ». Cependant, cette entreprise est quasiment impossible à réaliser pour certaines familles dans la mesure où les parents ont des enfants qui sont scolarisés mais également pour des raisons de santé ou pour des cas de décès. Pour pallier à cette absence régulière dans les campements certaines femmes sollicitent des services des personnes volontaires à assurer le gardiennage de leurs champs moyennant un petit salaire de 15000 à 20000 CFA par mois.

Nous pouvons citer l'exemple de Mougala Jean Robert que nous avons rencontré sur la route Mandji-Yeno à 17kms de la ville de Mandji dans la plantation de Germaine Bibalou. Au regard de la dégradation des cultures par les éléphants, nous remarquons que l'émergence d'une nouvelle classe socioprofessionnelle : celle des gardiens des champs. La présence permanente d'une personne au campement participe des techniques d'effarouchement des éléphants des champs. Une fois les éléphants ont pu pénétrer dans les champs, les personnes présentent sur les lieux utilisent le feu et l'émission du bruit en criant, en cognant sur un fût ou sur des troncs d'arbre. Mais pour Frédéric Marchand (1999), « la surveillance des plantations ne constitue pas une solution efficace pour prévenir les incursions d'éléphants. Dans la plupart des cas, la seule présence humaine ne suffit pas à empêcher les pachydermes de pénétrer dans les plantations. En outre, cette méthode se révèle totalement inefficace pour les populations d'éléphants qui vivent dans les milieux fortement anthropisés et ne considèrent pas l'homme comme un danger potentiel »98(*). Ainsi, en raison de l'exaspération croissante des populations victimes des dégâts, le recours aux armes à feu est également devenu fréquent. C'est dans ce sens qu'Albert Boulikou témoigne en disant : « j'ai failli faire mourir la famille de famine. J'ai été obligé de les retrouver à la plantation. Je les ai patienté pendant trois jours. Le troisième ils sont venus, je me suis caché derrière un gros tronc d'arbre et j'ai tiré sur un d'entre eux dans l'obscurité »99(*).

En effet, l'usage des armes à feu demeure l'unique mesure de protection conventionnelle utilisée par les populations. Celles-ci admettent unanimement qu'une fois dans un troupeau d'éléphants, un d'entre eux a été tué ou blessé, le troupeau ne revient plus à cet endroit. Or pour Richard E. Hoare (2001), cela ne constitue qu'au mieux un répit temporaire contre les éléphants. De nombreux exemples nous permettent de supposer que les éléphants s'habituent également aux tirs de fusils s'ils y sont exposés pendant une période prolongé. R. E. Hoare (2001) nous apprend qu'au Zimbabwe, dans une étude des mouvements d'un éléphant mâle portant un col émetteur placé par un chercheur, l'un de ces compagnons a été abattu dans une zone agricole le 7 avril. Suite à cet abattage, cet éléphant portant le col émetteur est rentré dans l'asile qu'offrait le Parc National voisinant. Mais quatre nuits plus tard, il s'attaquait encore aux cultures dans la zone agricole en proximité immédiate du site d'abattage, le mois d'avril marquant le comble de la récolte. Donc l'utilisation des armes à feu n'est pas a priori, une solution efficace. De plus, elle n'est pas non plus exempte de risques pour les populations car un éléphant blessé peut devenir très dangereux.

De plus certaines personnes utilisent des fusils de petit calibre. Or l'utilisation de fusils de faible calibre n'occasionne généralement pas la mort immédiate des animaux et la plupart des pachydermes blessés ne succombent à leurs blessures qu'après plusieurs mois. L'utilisation des armes à feu par les populations n'est donc pas envisageable. En plus, à moins de posséder un permis de chasse (grande chasse) et une arme appropriée dont les coûts restent inabordables pour les populations locales, toute forme de chasse, même traditionnelle dans certains contextes, constitue pour les défenseurs de la faune sauvage, un acte de braconnage. En outre, l'utilisation du feu, l'émission du bruit et l'usage des armes à feu, sont des pratiques qui crée un tel stress au sein des troupeaux d'éléphants qu'il devient difficile de canaliser leur fuite qui, pris de panique, les animaux sont susceptibles de devenir agressifs et présentent un danger potentiel pour les personnes qui participent à ces opérations de refoulement.

2.6 Les cultures visées par les éléphants

Lors des incursions des éléphants dans les champs des populations, de nombreux dégâts sont causés aux cultures. Les superficies de culture détruites au cours de la saison 2006-2007 peuvent être négligeables à l'échelle de toute la communauté. Mais à l'échelle d'une famille, elles sont impressionnantes. Selon Germaine Bibalou, la plupart des cultures pratiquées dans la zone sont recherchées par les éléphants. Elle précise que : « Une fois les éléphants pénètrent dans une plantation, tu peux avoir le manioc, les tubercules mais il commence en premier par la banane, les taros, les patates douces et les ignames qu'ils déterrent avec tous les troncs d'arbre. Il commence par ces cultures. Une fois qu'il a fini de tout consommer, il s'attaque aux tubercules et au manioc qu'ils déracinent et jettent en pêle-mêle dans la plantation »100(*). Parmi ces cultures, la banane (Musa paradisiaca), les taros (Colocasia Esculentum), l'igname (Discorea sp), les patates douces (Ipomea Batatas), la canne à sucre (Saccharum officinarum), l'ananas (Ananas sativus) ont été les cultures les plus touchées, suivie par celle du manioc (Manihot sp.) comme le montre la photo n°5. Le manioc101(*) (Manihot utilissima), du fait de la présence d'une substance toxique qui lui confère un goût amer, n'est pas consommé par les éléphants. Il est tout simplement piétiné, déraciné et jeté çà et là dans les champs. Ce comportement s'explique par la confusion que l'animal fait entre le manioc sucré et le manioc amer. Lorsqu'il se rend compte qu'il a affaire à la catégorie amer, il le jette.

En effet, toutes les espèces vivantes ont des prédateurs et pour lutter contre eux, chacune développe un système de défense. Et les plantes développent des amères, des poisons ou des épines. L'amère renvoie aux poisons. Toutes les plantes qui contiennent du poison sont amères. C'est pour cette raison que le manioc amer n'est pas attaqué par certains animaux notamment les éléphants à l'exception des rongeurs tels que le hérisson. Toutefois, s'il en consomme trop, il meurt. Mais bien que le manioc amer ne soit pas consommé, la production de manioc perdu est importante. Malgré leur préférence, les éléphants endommagent aussi une large variété de cultures vivrières comme l'oseille (Hibiscus esculentus), les aubergines, l'arachide (Arachis hypomea) et le maïs (Zea mais). Cette capacité à viser toute une gamme d'espèces de plantes différentes reflète le fait que l'éléphant a su développer un régime alimentaire hautement varié mais également il souffre d'un manque d'aliments dans son milieu naturel.

Photo 5 : Eléphant déterrant les tubercules de manioc.

(Cliché Prince Ongognongo et al. Mars 2006).

Cette image, est une image extraite dans un rapport d'étude de Prince Ongognongo et ses collaborateurs rédigé en mars 2006 qui a pour titre : «  conflit homme-éléphant dans la périphérie du Parc National de Nouabale-Ndoki au nord Congo ». Sur cette image, on aperçoit en arrière plan un feuillage. Au centre, on voit un éléphant accroupi en prenant appui sur ses pattes supérieures, en train de déterrer les tubercules de manioc à l'aide de sa trompe. Au premier plan et à droite, on observe des tiges de manioc détruites. La présente image met en évidence le comportement des éléphants dans les champs. Elle confirme que la destruction des cultures vivrières par les éléphants est bel et bien un problème réel.

2.7 Les profils types des cultures endommagées par les éléphants

Les dommages aux cultures à Mandji sont hautement variables dans le temps et dans l'espace, ils sont influencés par beaucoup de facteurs et sont mal compris par les populations. A travers des observations participantes qui nous ont permis de suivre les populations dans leurs différentes activités agricoles, nous avons relevé deux profils clés : le profil spatial et le profil temporel. En effet, les éléphants endommagent les cultures de façon très différente en fonction des lieux et aussi du temps. Il est souvent difficile aux populations de prédire où les conflits auront lieu. Par exemple un secteur peut être touché par les dégâts provoqués par les éléphants alors que celui d'à coté n'en subira aucun. Cependant, outre ces variations, plusieurs profils spatiaux ont été identifiés. L'endommagement des cultures se produit régulièrement dans les zones les plus éloignés de la ville et ont tendance à se raréfier quand on s'en éloigne sauf pendant certaines périodes (septembre-octobre et fevrier-avril).

Les éléphants attaquent les cultures les plus proches de leur habitat car le risque de détection y est plus faible. Les éléphants qui attaquent les cultures utilisent souvent des habitats refuges pendant la journée non loin des zones agricoles et une fois la nuit tombée, ils quittent leur refuge et entrent dans les champs. Cela s'explique par leur présence dans les champs dès 18h et parfois 17h. Il est fréquent que les populations, dans leurs champs entendent les barrissements des éléphants pendant la journée. Aussi, dans les nouvelles jachères, la repousse de la végétation attire les éléphants vers les cultures. C'est d'ailleurs dans cette logique que Barnes et al.102(*) notent que : « les zones abondantes en végétation secondaire par les activités humaines (entre autre l'exploitation forestière industrielle) sont appréciées par les éléphants ».

Ils sont attirés par les plantes grimpantes épaisses et les arbustes, ce qui les entraîne inévitablement vers les cultures d'autant plus que les villageois ont tendance à faire leurs nouvelles plantations à proximité des anciennes. Signalons aussi que dans certaines concessions où le braconnage est bien contrôlé, la coupe de bois favorise la croissance de sous-bois qui constituent une bonne source d'alimentation pour les éléphants103(*). Hormis le profil spatial, l'endommagement des cultures est l'objet de large variation dans le temps. Sur le terrain, nous avons constaté que les attaques des éléphants ont lieu entre septembre et octobre et entre février et avril voire mai et entre juin et juillet avec des raids en décembre. Les incursions de décembre sont celles qui correspondent à la période où les éléphants recherchent les mangues sauvages.

Les attaques de septembre à octobre correspondent quant à elles, au moment des semences et à celui où certaines cultures comme la banane arrivent en maturité. Celles de février-avril se produisent au moment où les cultures sont dans un état de croissance intermédiaire. Par contre les attaques de juin-juillet, au moment où cessent les pluies, coïncident avec le moment où certaines cultures notamment les tubercules, l'igname, le taro et les patates douces arrivent en maturité. R. E. Hoare104(*) dans une étude effectuée en Afrique australe, pense que pendant la saison sèche, « les cultures à maturité sont les cibles des attaques d'éléphants car leurs fruits et leurs graines sont hautement nutritives. Elles sont beaucoup plus nutritives que le fourrage naturel disponible aux éléphants ».

A la suite de Hoare, nous estimons qu'à Mandji, la baisse de qualité du fourrage naturel peut déclencher les attaques des cultures puisque l'herbe s'assèche à la fin de la saison des pluies, sa valeur nutritive diminue, poussant les éléphants à chercher d'autres sources de nourriture. Les dégâts dus aux intrusions des éléphants dans les champs sont jugés comme étendus sur toute l'année comme l'indique Marie A. Moumbangou105(*). Toutefois, les périodes où les attaques des éléphants sont les plus fréquentes correspondent à celles des semences (septembre-octobre) et des récoltes (jui-juillet).

2.6. Le comportement des éléphants dans l'attaque des cultures

Selon jules Olago106(*), les attaques des cultures sont menées par de petits groupes d'éléphants dont la structure varie entre huit (8) et dix (10) animaux. Mais ce nombre peut varier selon les situations. Les éléphants mâles sont reconnus comme étant responsables de la majorité des incidents sur les cultures et forment souvent de ce fait des groupes plus petits que les femelles car un petit groupe est plus discret et sera moins facilement détecté par les propriétaires des champs. La majorité des attaques de cultures par les éléphants ont lieu la nuit. Elles se déroulent en général à partir de 18h et parfois un peu plus tôt en particulier dans les champs sans surveillance jusqu'à 5h du matin. Par contre dans les champs où la surveillance est permanente, elles se déroulent le plus souvent autour de 3h du matin. La fréquence des attaques des cultures la nuit peut s'expliquer par le fait que les éléphants profitent du couvert de nuit pour augmenter leur chance de succès. Mais il a été enregistré des cas d'attaque en pleine journée.

A notre avis, ces attaques sont le fait des vieux éléphants isolés (mutimbu ; pluriel mitimbu). Par ailleurs, un comportement spécifique des éléphants qui nous été décrit par les populations consiste pour les éléphants de barrir à l'entrée du champ avant de débuter l'attaque des cultures. Ce barrissement renvoie tout simplement à vouloir savoir s'il y a des gens ou pas sur le champ visé. De manière générale, les populations ont identifié les éléphants mâles comme étant à l'origine de la majorité des problèmes. Cela peut s'expliquer par le fait que les éléphants mâles sont plus prêts à prendre des risques que les femelles, dans le but d'augmenter leurs apports nutritifs. Car les femelles avec leurs petits seront moins tentées d'exposer leurs progénitures aux grands risques associés à l'attaque des cultures et de se retrouver à proximité de la présence humaine. Cependant, des troupeaux mixtes d'éléphants mâles et femelles ensemble, sont responsables des dégâts sur les cultures.

2.8 Etat des lieux des sites agricoles après passage des éléphants

Après le passage des éléphants sur les sites agricoles, les dégâts sont impressionnants. En effet, suite à nos observations sur le terrain, nous avons constaté que les sites agricoles ne sont plus reconnaissables après le passage des éléphants comme le montre les photos n°6, 7 et n°8.

Photo 6 et 7

BOU-BIPAKILA le 08 mai 2007 et le 13 août 2007 à Mandji). bananiers et de manioc détruits par les éléphants. : champs de (Cliché MOUKANIMAM)

L'image 6 a été prise sur la route Yeno-Mandji et l'autre dans le secteur agricole de Luba en compagnie de Jean P. Kabou Mbemeni. A l'arrière plan de la photo n°6, nous apercevons une marée d'herbes derrière laquelle se trouvent des arbres. A l'extrême gauche et derrière les jeunes bananiers, nous observons une grosse souche d'arbre. Au centre, nous avons deux bananiers étalés sur le sol à gauche desquels se trouve un jeune bananier. Et nous avons à l'endroit où les deux bananiers étalés au sol prenaient leurs racines, environs quatre jeunes bananiers d'âges différents probablement leurs rejetons. Et un peu plus loin, nous voyons, presque confondu avec des herbes, un jeune bananier dont nous apercevons qu'une jeune feuille. A droite, il y a devant la souche de l'arbre, des rejetons de bananiers. Sur la photo 7, nous avons au fond et de gauche à droite, une partie de la forêt constituée d'herbes et d'arbres dans laquelle nous observons à l'extrême gauche deux trouées du plafond forestier. Au premier plan, nous avons des tiges et des boutures de manioc déracinées. A droite, nous apercevons un homme debout vêtu de vert et d'un bleu marine délavé avec une machette.

Ces photos nous montre clairement l'état dans le quel se retrouvent les champs après le passage des éléphants et le type de cultures qu'ils visent mais également, l'ampleur des dégâts causés aux populations. Les cultures sont étalées au sol, déracinées et parfois piétinées ce qui revient à dire qu'aucune culture n'est donc épargnée. Cette situation plonge malheureusement les populations dans une extrême pénurie alimentaire. En effet, dans l'attaque des cultures les éléphants transforment le champ de cultures en un « champ de bataille ». Si l'on en croit le discours de Germaine Bibalou, (corpus n°, séquence n°1), les éléphants consomment toute sorte de culture dans une plantation à l'exception du piment et du manioc amer qu'ils piétinent, déracinent et jettent ici et là dans le champ pour suivre la banane, les taros, les ignames et patates douces. Certaines cultures comme le manioc amer sont déracinées, piétinées et jetées ça et là. D'autres sont étalées sur le sol. C'est le cas des bananiers tels que le montre la photo n°6. Les troncs d'arbres sont parfois déplacement au point où le propriétaire ne saurait reconnaître sa plantation.

Photos 8 : état d'un champ de canne à sucre

après passage des éléphants.

(Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 07 aout 2007).

La photo 8 a été prise dans le secteur agricole de Luba en présence de Jean P. Kabou Mbemeni. Cette photo nous montre à l'arrière plan une partie de la forêt avec de gauche à droite des trouées forestiers. Au centre, nous avons de gauche à droite, des restes d'une plantation de cannes à sucre qui sont envahies par des herbes et au premier plan, nous voyons un tas de crottes d'éléphant au milieu des jeunes herbes. La présente image, tout comme les deux précédentes, nous présente également l'état dans lequel se retrouve les champs après la visitation des éléphants. Elle nous informe que les éléphants s'attaquent à toute sorte de cultures mêmes aux cannes à sucre. Or les populations tirent certains de leurs revenus dans la vente du vin à base des ces cannes à sucre.

2.9 Les dégâts directs et autres biens

Les dégâts issus des incursions des éléphants peuvent être catégorisés en dégâts « directs » ou « indirects » en fonction de leur impact sur les gens. Les dégâts directs ici, sont ceux qui agissent sur le bien-être physique et économique des communautés rurales en causant des dégâts sur les cultures, les biens, aussi bien que des accidents physiques entraînant des blessures ou les décès de personnes. Le problème concernant les dommages aux cultures est certainement l'un des conflits les plus répandus à travers toute l'aire de répartition de l'éléphant d'Afrique dans le continent africain. Selon Alfa Gambari Imorou Safouratou et al. (2004), en République Démocratique du Congo (RDC) des attaques aux bananes ont été notées dans le Parc National « Queen Elisabeth » en Ouganda et au Gabon. En ce qui concerne le Gabon, Sally Lahm (2005), « les conflits entre les hommes et les éléphants constituent un sérieux problème à l'échelle nationale »107(*). Elle ajoute que les cas de dégâts aux champs agricoles se produisent dans toutes les provinces du Gabon. Bas H. (2003) de préciser que : « quelquefois, les éléphants y sont abattus à cause des dégâts qu'ils causent aux plantations agricoles des communautés locales »108(*).

A Mandji, les dégâts dus aux incursions des éléphants dans les plantations sont jugés inestimables. Ces dégâts sont généralement occasionnés sur les principales cultures et touchent les cultures de tous âges (jeune, intermédiaire, mature) majoritairement estimés de bonne qualité. La nature, la qualité et l'âge des cultures ont été identifiés à partir du protocole de collecte de données et d'analyse des situations de conflits hommes-éléphants en Afrique de R.E.Hoare109(*). A Mandji, lorsque les éléphants détruisent les cultures vivrières, ils affectent la vie des populations. En larges groupes mixtes constitués de 8 à 10 bêtes, les éléphants détruisent souvent en une seule nuit de grandes zones cultivées où aucune culture n'est épargnée. Et même si les éléphants visent plutôt les cultures comme la banane, le taro, la canne à sucre, l'igname et la patate douce ils détruisent également d'autres biens comme les clôtures ou les campements des villageois tel que le montre la photo n°9.

Photo 9 : dégâts causés à la clôture d'un champ.

(Cliché Prince Ongognongo et al. Mars 2006).

Cette image a été extraite du document de Prince Ongognongo et ses collaborateurs. Sur cette image, on observe à l'arrière plan, un espace dégagé derrière lequel nous avons des jeunes herbes qui s'étendent jusqu'au fond où on aperçoit des troncs d'arbre. Au premier plan, nous avons une femme debout devant une clôture en strate de trois fils métalliques et de deux poteaux, tenant l'un des fils avec sa main gauche. A l'extrême gauche, l'image nous montre le bras d'une deuxième personne. Visiblement, cette image nous fait état d'une clôture dont les poteaux sont penchés. A notre avis, cette clôture a été probablement subie une forte pression d'éléphants ou celles des intempéries. En effet, les intempéries contribuent à la dégradation rapide de ces installations qui demandent un entretien important pour rester fonctionnelles. Toutefois, selon Frédéric Marchand (1999), la plupart des clôtures métalliques destinées à protéger les plantations des incursions des grands mammifères ne résistent généralement pas à la pression des troupeaux d'éléphants. Ce qui revient à dire que les éléphants s'attaquent non seulement aux cultures mais ils détruisent également les systèmes de protection.

Toutefois, il est nécessaire de souligner que les éléphants ne sont pas les seuls coupables. Les gorilles (Gorilla gorilla), en grand nombre eux aussi, sont également dévastateurs, sans parler des aulacodes (Thryonomys swinderianus) et des althérure (Atherurus africanus) qui grignotent les plantes de manioc au niveau de la base des tiges et les tubercules en maturité ou pas. Outre ces espèces, notons également la présence des criquets (Orthoptères acridiens) dont les dégâts sont jugés importants. Par contre, contrairement aux autres espèces, les intrusions des gorilles dans les champs sont plutôt jugées moins fréquentes au cours de l'année. Et celles des criquets sont saisonnières. Toutefois, même si toutes ces espèces causent des dégâts, ceux des éléphants sont considérés comme les plus importants.

2.10 Décès et dommages corporels

Les éléphants tuent et blessent les gens à travers le continent africain. Selon Marianne Courouble110(*), en Afrique australe chaque semaine la presse locale relate des incidents graves : des cultures dévastées, des habitations détruites et des habitants blessés ou tués par les éléphants. Pour Maiga (1999)111(*), au Mali, 12% des conflits concernent les agressions sur les personnes physiques. Dans notre zone d'étude, la plupart des gens qui sont tués ou blessés sont des hommes, et ces incidents arrivent souvent pendant la nuit. Selon l'infirmière major du dispensaire de Mandji, de 1996 à 2006, le dispensaire a enregistré  un mort et quatre (4) blessés à l'issue des confrontations avec les animaux sauvages et en particulier avec l'éléphant. Le facteur clé de ces incidents mis en évidence ici est la chasse. La plupart des personnes blessées ou tuées avaient été attaquées lors d'une partie de chasse ou en visitant les pièges. Les cas de décès et des dommages corporels, même s'ils sont moins nombreux que ceux des dégâts causés aux cultures, sont considérés comme la plus sévère manifestation des conflits hommes/éléphants et la plus intolérable. Et c'est l'une des raisons qui accroît l'animosité des populations vis-à-vis des éléphants.

2.11 Les dégâts indirects

Même si les dégâts indirects ne touchent pas directement les foyers et l'intégrité physique des personnes, ils ont tout de même un effet néfaste sur la vie des gens. Par exemple, la peur de croiser un éléphant restreint sûrement les mouvements des gens entre les champs et les villages, plus particulièrement quand des attaques ont eu lieu récemment. Une telle peur peut selon les périodes, par exemple retarder les semences des nouveaux champs entre septembre et octobre. Cette peur réduit également la cueillette et le ramassage de certains fruits tels que ceux du manguier sauvage à partir desquels les femmes confectionnent des sauces. Dans les campements, les gens se relaient pour garder les cultures et les biens avec, pour conséquence, un manque de sommeil et d'énergie, des possibilités réduites d'efforts dans l'exécution des travaux et le stress psychologique. De telles conséquences indirectes sont difficilement estimables financièrement et sont donc difficiles à évaluer de manière conventionnelle. Cependant, même s'ils sont plus difficiles à quantifier que les dégâts directs, ces dégâts ont tout de même un effet significatif sur la vie des gens.

Chapitre 3 : Rapports Hommes/éléphants

S'il est un animal que tout le monde connaît, c'est bien l'éléphant. Certains l'admirent au cirque, d'autres le collectionnent (peluches pour les petits objets précieux pour les grands), d'autres encore passent leur vie à l'observer pour mieux l'étudier. Il est vénéré par certains peuples, mais aussi convoité et chassé pour son ivoire. C'est dans cette optique que Nigel Leader-Williams note que : « Les éléphants sont une provocation, car eux et leurs produits attirent l'attention de beaucoup de gens, du fermier au chasseur pour la viande et l'ivoire, sculpteurs et utilisateurs d'ivoire, chasseurs touristes et touristes venant voir la faune sauvage, jusqu'aux scientifiques et conservateurs. Cependant, la perception qu'ont tous ces différents groupes, des éléphants varie grandement, et est faite d'un mélange complexe de motifs, allant de l'avidité à la noblesse et de l'intolérance à la sentimentalité. Pour un fermier local il s'agit de trois tonnes de viande qui peuvent détruire la récolte annuelle de maïs. Pour les chasseurs, sculpteurs et acheteurs d'ivoire, c'est une source de revenu, et un produit de grande beauté, de solidité et de prestige. Pour un touriste, qu'il soit chasseur ou visiteur, l'éléphant est un trophée à emporter par le fusil ou la photo. Pour un scientifique, l'éléphant est une espèce pourvue d'une haute intelligence, ayant un système social dont l'étude est fascinante »112(*).

En dépit de cela, il n'a jamais cessé de véhiculer une dimension imaginaire et symbolique dans l'univers culturel de certains peuples. A titre d'exemple chez les bakwélé, les bagando et les pygmées baka du Cameroun ainsi que ceux de la République Centrafricaine, l'éléphant représente le symbole de la force et du caractère évasif113(*). Chez le peuple Baoulé du nord-ouest du Cameroun, l'éléphant était un symbole de puissance114(*). Tout comme chez ces peuples, l'éléphant revêt également une dimension imaginaire et symbolique chez les Bisir.

3.1. Conception de l'éléphant chez les Bisir

L'éléphant constitue un symbole majestueux du continent africain. Il est utilisé comme logo sur une série de produits commerciaux, les partis politiques et sur la monnaie de certains pays de la sous-région, notamment la République Démocratique du Congo. Au sein de l'« ethnoculture » gisir, l'éléphant est un animal qui occupe une place importante dans l'univers culturel de ce peuple. L'éléphant est désigné en langue gisira par le terme « nzahu ». Le terme gisira « nzahu » est un terme invariable. Il n'a pas de pluriel. L'éléphant se désigne toujours au singulier même quand il s'agit de plusieurs éléphants. Que ce soit un mâle, une femelle ou un éléphanteau, ils sont tous désignés par le mot « nzahu ». Les Bisir connaissent deux espèces d'éléphant. La première est « nzahu musala » qui correspond à l'éléphant de forêt (loxodonta africana cyclotis) et la deuxième est « nzahu i ditotu » dont la description renvoie à l'éléphant de savane (loxodonta africana africana).

Par contre, dans la société des mâles, lorsque deux mâles adultes se retrouvent dans un même état sexuel, ils se combattent parfois jusqu'à ce que l'un des deux succombe. Lorsque aucun n'a succombé, « le perdant » se retire du groupe et s'isole. Cet état d'isolement d'un éléphant combattu par un de ses congénères, est désigné par le terme « mutimbu » ou « nzahu mutimbu ». Cependant, dans l'imaginaire gisir deux conceptions essentielles se dégagent de l'éléphant. Il y a l'éléphant de forêt (Nzahu i musiru) et « l'éléphant du village » (nzahu i dimbu). L'éléphant de forêt est l'éléphant naturel qui vit dans un environnement forestier lointain même s'il peut avoir des interactions avec les hommes. Par contre « l'éléphant du village » est un éléphant protecteur qui est au service des hommes. Cet éléphant vit toujours autour du village. Il peut parcourir des longues distances pour des raisons alimentaires ou sexuelles mais il revient toujours vers le village. Voilà pourquoi en cas de perte, il suffit de suivre les pistes de l'éléphant car celles de « l'éléphant du village » mènent toujours vers les hommes. Dans l'univers culturel des Bisir, l'éléphant occupe une place prépondérante. Il est le symbole de puissance, d'influence, de la grandeur, de la renommée, et du pouvoir.

Cette assertion est soutenue par l'extrait de discours suivant : « les anciens « fétichaient » l'éléphant pour avoir l'influence et la grandeur et la renommée. Pour que les autres aient peur de toi, on te faisait une scarification au front pour avoir l'influence car personne ne peut fixer le front d'un éléphant. L'éléphant est un animal influent et qui engendre la peur. Quand tu attends qu'une personne fût influente ici, cela veut dire qu'il avait l'éléphant. Lorsqu'il arrive au milieu des hommes, il attirait toute leur attention. Il y avait certains notables qui avaient « fétiché » l'influence de l'éléphant. Quand il va chez l'autorité administrative, celle-ci se sentait influencée et le considère comme un homme respectable (...) »115(*). Selon Mahamane Halidou Maiga116(*), l'éléphant est considéré chez les peuples du Gouma Malien comme un symbole de la puissance, du pouvoir et de la force tranquille. Et chez les touareg, il est le symbole de la longévité et du bonheur, il est souhaitable de ce fait de le rencontrer au lever du jour.

L'extrait de discours de Camille Mboumba semble confirmer notre assertion sur l'incarnation de l'influence et de la grandeur de l'éléphant chez les Bisir. En effet, dans la société traditionnelle gisir est chef de famille, de lignage ou de clan, celui qui possédait de la grandeur et de l'influence à l'égard des autres membres de la communauté. Et l'éléphant est l'animal à partir duquel on acquérait ces valeurs chez les Bisir. Il est vrai que de nos jours, rares sont les hommes qui recourent encore à l'éléphant pour posséder grandeur et influence mais ces pratiques sont encore de mises. Outre la grandeur et l'influence, l'éléphant est également considéré comme un guide. Lorsqu'une personne vient à se perdre dans la forêt, elle doit, pour retrouver le chemin du village, suivre les pistes de l'éléphant car celles-ci mènent toujours au village.

L'éléphant est également présent dans l'organisation matrimoniale chez les Bisir. Camille Mboumba nous apprend que : « Autrefois, lorsqu'une personne va épouser chez un notable, il apporte des défenses d'éléphant dans la dot pour que la femme ait du poids devant la société »117(*). En effet, comme de nos jours, les pointes d'éléphant avaient déjà connu une grande valeur. Elles étaient considérées comme l'une des plus grandes richesses. Ainsi, lors du mariage de la fille d'un grand notable, la compensation matrimoniale était toujours accompagnée de pointe d'ivoire. Ces pointes d'ivoire consistaient à dire que la femme épousée doit cultiver un certain nombre de qualités dont la grandeur et la dignité. L'éléphant chez les Bisir symbolise également le partage. Dans l'organisation sociale du peuple gisir, la viande de l'éléphant est une viande qui ne se mange jamais seul. Nul ne peut après avoir abattu un éléphant le consommé seul avec sa famille. Une fois un éléphant est abattu, le chasseur se présente au village muni de sa trompe pour informer les autres membres de la communauté de son succès. Puis, un ou deux jours après toutes les personnes sont autorisées à participer au dépeçage de l'animal à l'exception des initiés au rite ngubi et des plus petits.

Donc l'abattage d'un éléphant est un évènement de partage. Même les personnes qui n'ont pu prendre part au dépeçage reçoivent leurs parties. Ainsi, lorsqu'un homme avait pour fétiche l'éléphant, il avait la main large vis-à-vis des autres membres. Il était un homme de partage et généreuse. Et nous sommes d'avis avec Jean Pierre Kabou M. quand il dit que : « L'éléphant était aussi le symbole du partage et de la générosité. Tous ceux qui avaient pour fétiche l'éléphant étaient des personnes qui avaient des grandes familles, qui étaient sollicités et généreuses. Parce que la viande de l'éléphant est une viande du partage »118(*). Outre la générosité, l'éléphant symbolisait aussi la renommée. Toutes les personnes qui avaient l'éléphant comme fétiche, étaient des personnes de grande renommée tout comme l'éléphant qui est un animal très connu. Lorsqu'un éléphant a été abattu ou quand il a causé des dégâts, la nouvelle se répand facilement sur toutes les contrées du village. La symbolique du partage de l'éléphant est aussi utilisée pour désigner une femme frivole.

Une femme qui a des rapports intimes avec plusieurs partenaires est désignée par l'expression « nyama nzahu » c'est-à-dire la viande de l'éléphant dans la mesure où celle-ci est à la portée de tout le monde. De la même manière que cette femme partage son corps à plusieurs hommes, c'est de la même manière que la viande de l'éléphant est consommée par tout le village. Aussi, contrairement à certains textes oraux qui rapportent le lion comme étant le roi de la forêt, chez les Bisir, c'est plutôt l'éléphant qui est considéré comme étant le roi de la forêt, comme l'indique Kabou Mbemeni Jean Pierre quand il dit : « (...) C'est le président de la forêt. L'animal qui fait le plus peur en brousse, c'est l'éléphant et non le lion ou la panthère. C'est l'animal que l'on évite le plus en brousse »119(*). Dans l'imaginaire du peuple gisir, la nature est essentiellement constituée de deux sphères : la sphère terrestre et la sphère maritime. Dans la première, c'est l'éléphant qui est le roi. Et dans la deuxième, c'est le domaine de l'hippopotame, c'est lui le roi des eaux.

3.2. L'éléphant dans les rites traditionnels

Une multitude de croyances lient les hommes parmi lesquels les Bisir à l'éléphant ou vice versa. L'éléphant constitue une espèce de référence dans des nombreux rites à l'exemple des cérémonies traditionnelles chez les pygmées du Cameroun et de la République de la Centrafricaine étudiés par Alain Penelon120(*). La viande de l'éléphant constitue nous apprend Ndogo121(*) (2000), une offrande indispensable à Jengi chez les pygmées. Ces peuples croient qu'ils ne peuvent pas vivre sans Jengi, qui pour eux, désigne le Dieu de la forêt qui assure leur survie en terme de protection, de bonne santé, de fertilité et de provision des ressources alimentaires. Ainsi pour que Jengi soit disposé à leur rendre ces services, un éléphant doit absolument être sacrifié. Chez les Bisir, l'éléphant est un protecteur dans la plupart des rites traditionnels, notamment dans le bwiti et dans certains rites féminins tels que le mabandji, le ilombo et le girina, etc., à l'exception des rites de socialisation.

C'est ainsi nous apprend Camille Mboumba : « Lorsque tu vois un homme avec la queue de l'éléphant qu'il tient comme un chasse-mouche à la main, cela le protège. Cette queue est un membre du corps de l'éléphant qui le protège. Lui, il se cache dans l'éléphant. Un sorcier qui le cherche ne trouvera que cette queue. Même certains bwitistes en possèdent. Lorsque tu vois un chef de fil du bwiti avec une queue d'éléphant, cela veut dire qu'il cache son corps dans un éléphant ou se protège et protège tous les autres membres qui sont derrière lui. Même dans tous les rites féminins, on ne se cache que dans l'éléphant (...) »122(*).Mais l'éléphant pris comme protecteur n'est pas seulement l'apanage des initiés. Un non initié peut également recourir à l'expertise d'un nganga pour obtenir un « éléphant de protection ». C'est d'ailleurs dans ce sens que Jean Emile Mbot dit que : « dans les sociétés traditionnelles, la faune revêtait une grande importance. L'animal remplissait diverses fonctions : il soignait, nourrissait, il protégeait. (...). Aussi, si vous demandez à un gabonais âgé s'il entretient un lien avec un animal particulier, la réponse est généralement positive, parce qu'il se souvient des soins thérapeutiques qu'il a reçu à un moment de son existence, afin de se purifier, de se prémunir contre les dangers, et de guérir »123(*). Nous pouvons aussi lire sous la plume de Elie Hakizumwami (2005) en parlant des usages traditionnels de l'éléphant chez les Bakwélé, les Bagando et les Pygmées Baka du Cameroun ainsi que chez les Pygmées Aka de la République centrafricaine que « Les crottins de l'éléphant auraient des propriétés curatives sur plusieurs maladies à cause de la diversité végétale du régime alimentaire de l'éléphant. Ils seraient également utilisés pour se protéger contre les mauvais esprits »124(*).

En parlant des Bisir, Camille Mboumba dit : « une personne fétiche un éléphant pour protéger sa famille, les enfants et les femmes. On le reconnaîtra qu'à partir des plaintes des propriétaires des plantations détruites par son éléphant. Hier, que ça soit chez modernes que ça soit chez les traditionnels il n'était pas question de tuer l'éléphant parce que l'éléphant était une protection des personnes »125(*). En effet, dans la société traditionnelle gisir, les hommes peuvent posséder un « éléphant du village » destiné à les protéger et à protéger les siens contre toutes attaques mystiques. Cependant la femme ne peut prétendre à « l'éléphant du village » destiné à la chasse car celle-ci est une activité exclusivement masculine. Dans le culte des jumeaux (mavasa), l'éléphant est considéré comme un génie (mugisi). Selon la tradition orale gisir, l'hippopotame et l'éléphant seraient des jumeaux. Parmi les deux, l'hippopotame est l'aîné. A leur naissance, l'hippopotame serait resté dans l'eau et y régna en maître et l'éléphant fut monté à la berge où il est considéré comme le roi de la forêt.

3.3 Eléphant et sorcellerie

Vivre avec les membres de la famille, du lignage ou du clan sur le même environnement parait procurer un réel sentiment d'intégration, de considération et une sensation de sécurité, le tout bâti sur la notion d'entreaide et de solidarité. Cependant, pour Raymond Mayer, « la famille gabonaise comme toutes les autres familles connaît des phases des conflits »126(*) . La jalousie et la rivalité, pour ne citer que ces exemples sont les principaux leviers évoqués souvent dans tous les cas de sorcellerie. La sorcellerie désignée dans la société gisir par le terme « bulosi » ou « dikundu », renvoie au pouvoir de nuire aux autres. Le sorcier se dit « musoli ». C'est un agent du mal, une personne secrètement dotée de pouvoirs maléfiques et extra humains qui lui permettent d'accomplir un certain nombre de choses néfastes aux yeux de la société par exemple, se transformer en un animal pour dévaster les productions agricoles voisines.

C'est dans ce sens que Mboula Yakouya Adolphe nous a confié que «Il y a des gens qui se transforment en éléphants pour nuire aux autres, qui vont dans leurs plantations pour faire le désordre en consommant leurs cultures et en les détruisant. Parfois, il va faire appel aux autres éléphants de la forêt pour venir tout consommer (...), lorsque ceux qui gardent leurs campements se rendent au village, ces éléphants dévastent toutes leurs plantations parce qu'ils savent que les propriétaires sont au village »127(*). En effet, cet extrait de texte oral nous apprend que tout être humain (blanc ou noir) qui se transforme an animal, en particulier en éléphant est considéré comme un sorcier. Cette sorcellerie est issue d'une sorte de jalousie que les uns éprouvent envers les autres. Dans l'univers culturel gisir, la richesse repose en grande partie sur la production agricole. Plus votre production agricole est importante plus vous êtes riche. Par conséquent, des personnes jalouses peuvent nuire à votre production agricole. Cependant, cette nuisance peut aussi s'expliquer d'une autre façon. Elle peut, certes, provenir de la jalousie mais dans la plupart des cas, il s'agit de l'incapacité des propriétaires des « éléphants du village » à les nourrir et à les maîtriser. Un éléphant du village est comme un éléphant naturel de la forêt, nous dit Albert Boulikou (corpus n°2, séquence n°5). Un « éléphant du village » est comme une bête domestique que l'on peut attacher comme on attache un chien de garde par exemple. Il aspire aussi à tous les besoins ressentis par un éléphant naturel. Il doit se nourrir, boire et s'accoupler. Il a le même comportement que les autres.

La plus grande difficulté éprouvée par les propriétaires de ces derniers est celle de les nourrir car un éléphant consomme 150 à 280 kg de matière végétale par jour comme le mentionne Nicolas Manlius et Pierre Pfeffer128(*). Or les propriétaires ne possèdent pas des sites agricoles assez importants pour les nourrir. Mais étant donné qu'ils doivent se nourrir, les propriétaires sont obligés de les laisser dévaster les cultures des autres membres de leur communauté. Tout comme tout animal domestique a besoin d'un peu de liberté pour s'épanouir, il peut arriver que « l'éléphant du village » se détache par ruse, pour satisfaire ses besoins notamment s'alimenter.

Et son propriétaire ne peut pas le garder attacher tous les jours. Cependant, lorsqu'il parvient à se détacher, il se dirige vers les champs des voisins. Mais pour les personnes victimes des dégâts, les propriétaires de ces « éléphants du village » ne sont pas excusables. Lorsqu'une personne est reconnu comme étant propriétaire d'un « éléphant du village », il est catalogué comme étant un sorcier. Par ailleurs, Camille Mboumba nous apprend que : « si dans un rêve, on te donne de la viande de l'éléphant, il ne faut pas en prendre, c'est de la chaire humaine »129(*). Autrement dit, lorsqu'une personne dans un rêve reçoit de la viande de l'éléphant, elle ne doit pas la consommé car il s'agit de la chaire humaine (nyama i dibeti). Si vous en consommer, vous êtes appelé à donner en retour un membre de votre famille étant donné que tout « don » appelle un « contre don ».

3.4 Les techniques traditionnelles de la chasse à l'éléphant

Avant que l'Afrique ne fut divisée et administrée comme elle l'a été avant et après les indépendances, presque tous les peuples chassaient. Ils le faisaient pour défendre leur terrains de culture contre les déprédations et pour se procurer de la viande. Dans le sud du continent africain, l'éléphant est chassé depuis des longues dates. Il a toujours été un gibier pour les peuples autochtones. Sa chasse était rendue possible grâce à certaines méthodes. En effet, avant l'introduction du fusil de traite, arme de pierre ou à piston, qui nous parait maintenant d'un archaïsme très lointain, les peuples africains et en particuliers ceux du Gabon chassaient avec les moyens locaux qui étaient à leur portée.

La chasse à l'éléphant passait par la chasse au feu, la chasse à la sagaie, jetée du haut des arbres, et par l'usage du piège à harpon. Mais seule la mise en oeuvre de fosse-pièges et celle de battues à la sagaie furent générales. Aussi, la chasse de l'éléphant était individuelles ou, le plus souvent collective mais les procédées étaient multiples. Chez les Bisir en particulier, ce sont les pièges qui furent en usage. Le piégeage est un procédé très ancien. Il compte parmi les formes les plus vieilles de la technique cynégétique. Les chasseurs Bisir se servaient, pour capturer les éléphants, essentiellement de deux sortes de moyens : les fosses-pièges désignées en gisir par le terme « dubila », les pièges à harpon appelés « gilungu » et le noeud coulant appelé « munota u nzahu ». Selon Camille Mboumba (corpus n°7, séquence n°1), le « gilungu » se pratique en brousse. Il consiste à couper un gros bois lourd que l'on amarre au milieu. Puis l'on fabrique une grosse lance que l'on enfonçait dans le bois que l'on suspendait à partir d'un arbre. A notre avis, cette description brève correspond à celle du piège à harpon de Jeannin Albert (1947) dans son ouvrage « L'éléphant d'Afrique ».

Selon Jeannin Albert (1947), le piège à harpon était un piège composé d'un gros bloc de bois, armé d'une lourde pointe de fer et suspendu à 4 ou 5 mètres au-dessus du sol sur de bois de petite dimension comme en témoigne la figure n°1. La partie métallique terminale, en forme de lance, pèse jusqu'à 50 kg. Cette grosse masse est liée à la terre par une corde, faite de lianes, qui passe elle-même sur une barre d'appuie. La corde est fixée à son autre extrémité sur une traverse placée à peu près à deux mètres de hauteur au-dessus d'un passage des éléphants. La corde est à peine engagée dans la barre transversale. Elle est en équilibre précaire. Si une bête emprunte ce passage, elle heurte infailliblement la traverse, celle-ci est déplacée et la corde de dégage, le gros bois n'est plus retenu, il tombe sur l'animal. La disposition de l'ensemble est telle que le pachyderme est frappé à la nuque, et en cherchant à s'enfuir, la pointe de fer se baissait comme un levier et s'enfonçait dans son corps. Le type de construction de ce piège ne comprenait aucun bâti, l'axe d'appui était simplement posé entre les fourches de branches sur deux arbres voisins, de chaque coté de la piste.

Figure 1 : type de piège à harpon.

Jeannin Albert (1947).

Cependant, il y a une particularité dans la pratique de ce piège chez les Bisir. La pratique de celui-ci est réservée exclusivement à un oncle de famille car il doit se faire assister par l'un de ses neveux. Toute personne n'ayant aucun neveu est proscrite de la pratique de ce piège. Selon Camille Mboumba, « le gilungu se pratique que par une personne qui a des neveux (...) toi-même l'oncle tu montes et tu demandais au neveu de se courber et tu verses de l'eau qui passait par la pointe la lance et descendait sur le dos du neveu, c'est pourquoi tu attends que c'est le neveu que l'on fait courber au gilungu. Lorsque l'éléphant passe par là, il se fait forcement attraper » (...) le droit à la pratique de ce piège ne se faisait qu'avec le neveu parce que si le bois tombe, ça ne tombera que sur le neveu. Et s'il meurt l'oncle n'avait pas de compte à rendre puisque l'enfant qui est mort c'est son neveu, lui c'est le gilungu qu'il a fait et il ne peut le faire avec n'importe quel enfant. Même son père ne dira que l'oncle c'est le piège qu'il a fait »130(*). En effet, ce piège exige un rituel que l'oncle ne peut pratiquer qu'avec son neveu. Une fois le piège positionné, l'oncle monte sur le gros bois suspendu entre les arbres et demande à son neveu de se courber au niveau de la pointe de fer. Après s'être courbé, l'oncle verse de l'eau sur le gros bois qui, en passant par la pointe de fer, descend jusqu'au dos du neveu. Une fois ce rituel opéré, à tous les coups, le piège attrapera sa proie. Mais ce rituel était très dangereux, dans la mesure où il se produisait parfois des accidents. Il arrivait que le bois tombe et la sagaie transperce le neveu.

Mais cet accident était considéré comme légitime, et aucun différend ne pouvait survenir à cet effet. Même le père de l'enfant ne pouvait intervenir. Selon l'idéologie lignagère et clanique chez les Bisir, l'oncle à pleins pouvoirs sur ses neveux et nièces notamment, le pouvoir de vie et de mort. Lorsque le père ou même la mère venait à intervenir, toute la communauté convenait qu'il s'agissait d'un accident et que ce n'était pas de la faute de l'oncle. Il avait simplement fait un piège pour apporter de la viande au village. La deuxième méthode de chasse était un piège appelé « dubila ». Ce piège est également pratiqué chez d'autres peuples du Gabon tels que les Masangu.

Chez les Masangu, il est appelé « dibile ». Selon Rigobert Moukambi Pango (2003)131(*), ce piège consistait à creuser une grande fosse circulaire ou carré de 2 à 2m5 de longueur, sur un sentier d'animaux ou à un endroit où ils viennent souvent. On peut planter au fond de la fosse des sagaies en bois ou « misulu » qui transpercent l'animal une fois qu'il tombe. On peut aussi laisser la fosse sans sagaies. Cette fosse est fermée avec des feuilles mortes posées sur un matériel très fin tel que les tiges de bambou, pour ne pas donner trop de résistance sous le pied d'animaux. D'après Camille Mboumba (corpus n°8, séquence n°3), le « dubila » consistait à creuser une grande fosse proportionnelle à la taille de l'éléphant sur une de leurs pistes.

Dans cette fosse, étaient plantées des longues sagaies camouflées par des petits morceaux de bois en dessus desquels on mettait de la terre dont le tout était recouvert des feuilles mortes. L'endroit choisit pour ce piège, est un endroit où il n'y a pas d'arbres à côté de la fosse pour éviter que le pachyderme s'y accroche et parvienne à s'en sortir. Selon Jeannin Albert (1947), les fosses étaient des trous, de dimensions variables, ayant en moyenne 3 à 4 mètres de longueur, 2 de largeur et 3m.5 de profondeur. Ces excavations allaient en se rétrécissant et n'avaient plus que quelques centimètres de large à la surface inférieure. Cet étranglement progressif avait pour but d'annihiler tous les efforts que pouvait faire un animal afin de se dégager. Il était de la sorte absolument coincé entre les parois, dépourvu de point d'appui convenable pour s'aider de ses membres. Les ouvertures supérieures étaient habilement dissimulées, recouvertes d'un treillis de branches et de feuillages. Le fond était fréquemment muni de pieux en bois, aux extrémités taillées en pointe et durcis au feu.

Quant au « munota u nzahu », c'est un système du noeud coulant. A notre avis ce système semble avoir été mis en oeuvre récemment chez les Bisir car contrairement aux deux premiers, qui étaient faits à base des matériaux locaux, ce piège est fait avec du fil métallique d'introduction récente. Et Jeannin Albert (1947), soutient que « le système du noeud coulant ne semble guère avoir été mis en oeuvre que dans certaines parties de l'Afrique orientale, dans les contrées situées au nord du lac Rodolphe (...) »132(*). En s'inspirant, de la description de cet auteur, le noeud coulant comporte trois éléments essentiels. D'abord, une corde très résistante, faite de peaux de buffles ou d'antilope, tannées à l'huile ou au beurre, tordues et serrées ensemble.

Chez les Bisir, cette corde est remplacée par un fil métallique d'épaisseur moyenne. Puis, un lourd billot de bois, généralement un tronc d'arbre, pesant 250 à 300 kgs. Ensuite, une claie composée de bambous, ayant une disposition circulaire de 1m.20 de diamètre, avec cette particularité que les tiges de bambous sont fixées sur le pourtour et que le centre est vide. Les pointes des tiges dirigées vers le milieu du cercle sont acérées. Le tout est placé sur un passage d'éléphants, de la manière suivante : un trou est creusé qui peut avoir 0m.50 de profondeur. Au-dessus, on met la claie et, sur celle-ci, la corde présentée en noeud coulant très large, dépassant amplement les dimensions d'un pied d'éléphant, ayant environ 0m.80 de diamètre. L'autre extrémité de la corde est solidement reliée à l'énorme pièce de bois, qui est déposée à 2 ou 3 mètres du sentier. Ceci est recouvert de terre. Si un pachyderme, suivant ce chemin introduit son pied sur la claie, celle-ci se rompt et le sabot s'enfonce dans l'excavation faite. La corde, qui était maintenue par la claie, enroule la cheville de l'éléphant. Les pointes pénètrent dans sa chaire et l'irrite ; il veut se débarrasser de l'objet mais ses efforts ne font que fixer davantage le noeud coulant. Même s'il arrive à se défaire de la claie à l'aide de sa trompe, la corde demeure étroitement jointe à son pied.

Lorsqu'il commence de partir, il lui faut traîner la lourde masse de bois. La bête s'émeut et veut quitter cet endroit, elle précipite ses mouvements mais, quelle que soit sa vigueur, elle est à chaque instant arrêtée ou retardée par ce tronc d'arbre pesant qui se heurte à tous les accidents. En surveillant le piège, les chasseurs s'aperçoivent qu'un sujet a été pris. Ils le poursuivent, il a pu effectuer dans des conditions effroyables dix ou vingt kilomètres, et ils peuvent le tuer facilement car il n'a pas la liberté de ses mouvements et il est épuisé. Cependant, contrairement aux deux premières méthodes (gilungu ne dubila), la troisième (munota u nzahu) est encore employée de nos jours, mais avec moins d'intensité qu'autrefois.

3.5 Fétichisme et chasse au fusil

La chasse au fusil en milieu gisir est une pratique d'introduction récente. Selon Albert Boulikou, cette pratique a été introduite chez les Bisir par des chasseurs qui seraient revenus vers la région de Lastrouville. Cette affirmation nous a été rapportée dans l'extrait de discours suivant : « Les chasseurs qui les tuaient n'étaient pas parmi nous, ils revenaient de Lastrouville, nous les gisira nous avons appris à faire la chasse avec eux, ils avaient un rite qu'on appelait munombu133(*). Lorsqu'ils arrivaient ici ils descendaient chez les chefs. Ces chefs les montraient les forets où l'on rencontre les éléphants. Et ces chasseurs partaient accompagnés des autochtones à leur poursuite de ces éléphants. Ils les tuaient avec les flèches, une fois tués les gens du village prenaient la viande et ils récupéraient les pointes de défenses qu'ils vendaient »134(*). En effet, Jeannin Albert (1947) note qu'il y aurait dans le bassin supérieur de l'Ogooué, au Gabon, un peuple qu'il nomme les Mindassa, qui avait un cérémonial compliqué dont le rôle principal était tenu par un « nganga djoko ». Le mot « nganga djoko » signifie littéralement selon l'auteur, maître du rite de l'éléphant.

En effet, les opérations d'ordre magique, c'est-à-dire toutes les tentatives de contrainte, jouant en direction d'un objet afin que celui-ci se conforme aux souhaits de l'officiant ou des officiants, étaient d'un usage général en ce qui concernait la chasse chez nombre des peuples traditionnels. A propos des Mindassa, Jeannin Albert rapporte les propos de Even, un administrateur colonial, selon lesquels, la veille du départ pour la chasse, le « nganga djoko » dépose dans une hutte, qui correspond à un autel consacré, un panier d'écorce et un sachet fait d'une peau de chat-tigre. Le panier contient des ossements des défunts « nganga djoko » du village et ceux de leurs épouses, qui les assistaient dans les célébrations rituelles. Le sachet renferme de la cendre provenant de la carbonisation d'excréments d'éléphants et de certaines parties (trompe, pénis) du corps des grands sujets mâles qui furent tués au cours d'expédition antérieures.

Les fusils et les sagaies des chasseurs sont placés contre les parois de la hutte et à l'intérieur de celle-ci entrent le « nganga djoko » et sa femme. S'il possède plusieurs épouses, celle qui l'accompagne en cette circonstance est toujours la préférée. Ceux qui prendront part à la chasse s'assemblent au dehors. Le « nganga djoko » commence par évoquer les morts, il les appelle, les prie d'aider les hommes qui vont le lendemain chasser. Il s'adresse aux esprits des éléphants mâles dont les cendres reposent près de lui. Il les presse d'assister ses gens, de le seconder pour que, dans la chasse qui aura lieu, de nouveaux éléphants soient tués. Puis, il sacrifie d'un coup de sagaie au coeur, un mouton, et décapite des poulets. Il arrose de sang les ossements des ancêtres et la cendre des grands animaux.

Dans leurs soubresauts, les bêtes agonisantes projettent des gouttelettes sanglantes sur l'opérateur, sur les chasseurs et les armes, et ce sont là des éléments favorables, riches en vertus mystiques. Au soir, les chasseurs consomment en commun la viande des animaux sacrifiés et, lorsque la nuit vient, tous les habitants du village dansent. Le « nganga djoko » regagne sa case en compagnie de sa femme, et il est jugé bon, pour que l'entreprise du lendemain soit suivie de succès, qu'ils aient entre eux des rapports sexuels. Le lendemain, l'expédition s'effectue. Lorsqu'ils arrivent dans la zone des éléphants, les hommes construisent rapidement un campement en branches et en feuillage dans lequel la femme doit y demeurer, ayant près d'elle les ossements et les cendres, jusqu'à la fin de la chasse.

En présence des bêtes, c'est le « nganga djoko » qui tire le premier coup de fusil ou qui jette la première sagaie. Quand un éléphant est atteint et meurt, le « nganga djoko » lui coupe d'abord la queue. Il retourne, muni de ce trophée, au campement et en frappe son épouse. La femme doit quitter son abri et elle suit son mari jusqu'au « cadavre ». L'homme sectionne alors l'extrémité de la trompe et applique ce fragment sur la bouche de sa femme qui doit en aspirer le sang. Elle-même opère de cette façon sur le « nganga djoko ». L'éléphant est ensuite découpé. Les parties sexuelles et celles qui doivent être conservées et réduites en cendres sont recueillies par l'officiant, qui reçoit en outre les intestins, le foie, la trompe, et un morceau du coeur.

Le reste de cet organe est réparti à l'écart entre certains chasseurs qui sont initiés à une confrérie secrète, le « Mongala ». La nuit qui suit les chasses fructueuses, les habitants du village se livrent de nouveau à des danses et à des chants. Le « nganga djoko » de temps à autre, s'élance au milieu des cercles de danseurs et simule par ses attitudes, une profonde désolation. Il se lamente sur la mort de l'animal, il exprime une douleur considérable qui dépasse, dit-il, celle que lui a causé ou que lui causerait le décès des proches parents. L'intensité de cette souffrance fictive doit être proportionnée à la taille qu'avait la bête ; il arrive que s'il ne s'agissait que d'un éléphanteau, les témoignages de chagrin soient réduits. Ces agissements ont pour objet d'apaiser l'esprit de l'animal et même de le concilier aux hommes et de l'inciter, dans l'avenir, à favoriser les entreprises de chasse qu'ils opèreront contre ses semblables.

Si sa mort n'était pas pleurée, il pourrait au contraire en concevoir un ressentiment qui l'entraînerait à avertir ses congénères, à les protéger, à les pousser à des réactions de défense violente. Après cette phase, le « nganga djoko » enferme les cendres de l'éléphant abattu dans le sachet consacré et remercie les ancêtres par un sacrifice de poulet. Mais les prières, les offrandes et les danses rituelles, ajoute l'auteur, ne suffisent pas à obtenir un résultat da chasse heureux. Des interdits rigoureux doivent être observé qui sont indispensable au succès de l'expédition. Les chasseurs, à l'exception du « nganga djoko », particularité qui crée aux manifestations des Mindassa un caractère tout à fait spécial, doivent garder la continence depuis le cinquième jour qui précède le départ jusqu'à leur retour au village. Le « nganga djoko » y est d'ailleurs condamné également, mais après que la chasse est commencée et non dans la période qui la précède. La violation de ces défenses provoquerait non seulement l'insuccès, mais aussi des accidents, la mort d'un chasseur, par exemple. D'après Albert Boulikou, les chasseurs qui seraient revenus de la région de Lastrouville, étaient détenteurs d'un rite appelé « munombu » dont les chasseurs Bisir se seraient initiés. C'était un rite exclusivement réservé aux hommes. Camille Mboumba (corpus n°8, séquence n°2), à la suite de Boulikou Albert, nous apprend que lorsqu'un chasseur abattait un éléphant, il coupait la queue de l'animal et l'apportait au village.

Une fois arrivé au seuil du village, il brandissait cette queue et les membres de sa famille poussaient des cris de joie (gusiva milolu). Ces cris de joie exprimaient la grandeur de celui qui vient de réussir un exploit car le succès d'une chasse à l'éléphant procure grandeur, admiration, noblesse et renommée. Puis, il fallait laisser passer deux jours avant d'aller dépecer la bête. A la veille du troisième jour, une veillée du « munombu » était organisée le soir. Le lendemain, le chasseur était maquillé de kaolin rouge puis se mettait devant pour conduire les membres de la communauté indiqués à participer au dépeçage. Pendant le parcours, les gens chantaient en battant les mains. Mais cette pratique du « munombu » n'est plus d'actualité de nos jours.

Les chasseurs Bisir recourent désormais à des pratiques magiques ou « fétichistes ». Mais avant de s'initier à ces pratiques magiques, la chasse à l'éléphant avec le fusil passe avant tout par un apprentissage. C'est que nous confirme Camille Mboumba dans cet extrait de discours : « N'importe qui peut devenir chasseur d'éléphant, c'est un travail d'apprentissage il suffit d'avoir du courage parce que c'est pas tout le monde qui résiste de regarder un éléphant. Certains avec le fusil, s'ils voient l'éléphant, ils fuient, ils parviennent qu'avec les petits gibiers. D'autres arrivent à tuer l'éléphant même avec le calibre 12. La chasse à l'éléphant se donne mais tu dois d'abord apprendre »135(*). En effet, ne devient pas chasseur d'éléphant qui veut mais qui peut. Seuls les jeunes hommes les plus doués peuvent devenir chasseurs ; ils sont soumis à une dure formation, et devaient faire preuve de courage, de sang-froid et d'endurance physique car les marches peuvent durer longtemps, parfois plusieurs jours. Enfin, il importe d'atteindre une grande maîtrise dans le pistage, des dons d'habilité et être un bon tireur.

Le sang-froid est plus que jamais indispensable puisque l'éléphant doit être tué de très près comme l'indique Albert Boulikou quand il dit : « lorsque tu veux tuer cet animal tu dois être en forme. Quand tu le chasses, s'il arrive qu'il te voit le premier tu dois fuir et te cacher même derrière un gros arbre parce que s'il te poursuit avec méchanceté, même si tu tombes il va te dépasser. Et quand tu fuies, tu ne dois pas le faire avec la peur, ton fusil doit être avec toi à la main parce que si tu fuies en ayant peur, il peut t'avoir (...) lorsque tu tires sur un éléphant, tu ne dois pas être trop loin de lui »136(*). Pour cela, il importe d'apprendre à évaluer la bonne distance susceptible d'atteindre fatalement la bête. Mais l'atteindre fatalement revient également à maîtriser les points d'élection des tirs. Pour Albert Boulikou (corpus n°2, séquence n°2), les points essentiellement vulnérables sont le conduit auditif externe (tsugu diru) qui correspond au bulbe rachidien ou le trou de l'oreille, la base de la trompe (mbami), au centre de la ligne qui joint les deux yeux, le coeur en visant légèrement au-dessus du coude (mukeka urega).

L'idéal chez le chasseur est d'abattre l'animal sur place, d'une seule balle. Cette réussite supprime les risques d'une poursuite harassante, le danger de la charge de l'animal blessé et irrité. La chasse à l'éléphant est une des plus émouvantes qui soient. Cette supériorité lui vient de ce qu'elle est difficile, l'adversaire étant un animal particulièrement intelligent, et aussi du fait qu'elle peut devenir dangereuse. Chez les Bisir, c'est la chasse la plus noble, elle procure prestige et grandeur, même quand il s'agit d'un éléphanteau. Jeannin Albert (1947) notait que parmi les plus grands chasseurs professionnels occidentaux d'éléphants et gros gibiers, tous connurent le danger de la charge d'un animal blessé ou furieux et certains eurent un bref instant de défaillance ou simplement manquèrent de chance et terminèrent leur carrière sous les défenses et les sabots d'un éléphant qu'ils ne purent, à la minute décisive, arrêter. Albert Boulikou nous rapporte qu'« Ils étaient nombreux ici mais ils ont succombé, ils se faisaient tuer par les éléphants, (...) j'ai laissé parce que les faits surprenants devenaient trop (...) parfois je vais en brousse pour une autre chasse, je n'apporte pas de carabine seulement le calibre 12, je vois surgir de nulle part un éléphant au moment où je réagi, il est non loin de moi. (...) »137(*). A Mandji, de tels cas ont également été enregistrés. En effet, la chasse à l'éléphant était et est toujours une entreprise risquée. La charge d'un éléphant est fort dangereuse. Intelligent et pourvu d'un odorat très subtil, il cherche à rejoindre celui qui l'a attaqué et s'en débarrasser.

En dehors des espaces protégés et sûrs, l'odeur de l'homme éveille aussitôt en lui la crainte et la colère. S'avancer contre le vent est donc une obligation primordiale. De plus, dans le sous-bois, les choses ne vont souvent pas mieux. On ne peut savoir comment sont disposés les éléphants, quelle est leur dispersion, et on les voit très mal. On distingue à peine leurs têtes. Elles sont trop grandes, leurs têtes sont à la hauteur des branches. En les observant de loin on ne saurait différencier les mâles et les femelles et lorsqu'on est arrivé à bonne portée, ils ne sont plus aux mêmes places. On opte généralement pour celui qui a les plus belles défenses. Il y a toutes les chances pour qu'il soit le mâle le plus âgé. Mais dans ces conditions, des incidents peuvent survenir dans le déroulement de l'action. L'agressivité peut avoir des causes diverses. L'association entre l'odeur de l'homme et la douleur encore cuisante d'une blessure est la commune. Le souci de protéger les jeunes agit chez les mères.

Il y a également des animaux qui, au même titre que les humains, détestent la société en tiennent à leur solitude. Il en est qui, avec l'âge ou par suite de lésions intolérables dues ou non à des balles de fusil, font preuve d'un caractère exécrable. Il arrive aussi qu'il n'y ait pas charge d'un éléphant mais fuite de l'ensemble du troupeau. Si le chasseur n'a pas été décelé par ses effluves et que cette course folle ait lieu dans sa direction, il peut se trouver dans une situation inquiétante. Au vu de ces éventuels dangers et afin de les prémunir, les chasseurs Bisir avaient et ont toujours mis en place deux pratiques dans la chasse à l'éléphant. Ces pratiques sont celles qui font appel à des procédés magiques. La première consiste par un procédé magique à se transformer en éléphant afin de se rapprocher à son gré de ses proies et en abattre celles que l'on désire sans se faire détecter. C'est ce que nous dit Albert Boulikou dans ce fragment de corpus : « Tu pars chez une personne qui sait « féticher » l'éléphant (...) il te fabrique un éléphant mystique pour te cacher. Cet éléphant est comme une chemise que tu portes. Il te donne un dibumba138(*), ce fétiche c'est l'éléphant qui marche avec toi dans un sac. Parfois c'est une chênette qui a pour médaillon le dibumba et ce dibumba c'est l'éléphant en question. En ce moment même si celui que tu veux abattre est méchant, il ne peut pas t'avoir parce qu'il ne te voit pas comme un homme, il ne voit q'un éléphant comme lui»139(*).

Cette pratique est détenue par un nganga qui, sur la demande du chasseur lui donne un talisman fait à base des éléments recueillis sur un éléphant et bien d'autres plantes magiques. Les éléments recueillis sur l'éléphant peuvent être soit un os de la tête, soit un fruit non digérer prélevé dans l'intestin d'un éléphant récemment abattu ou de ses crottins ou bien un des poils de sa queue. Et dans cette optique, nous convenons avec Lepemangoye-Mouleka Sandry Franck quant il dit que : « les variétés animales interviennent de beaucoup dans la composition des fétiches, talismans ainsi que dans les rites sacrificiels liés à un évènement social précis. Divers fétiches et talismans apparaissent sous forme de sous-produits animaux (peaux, plumes, dents, griffes, cornes, poils) associés ou non à des plantes racines ou écorces d'arbres, statuettes ou autres objets »140(*). Ce fétiche donne au chasseur le pouvoir de se transformer en éléphant.

Et Jeannin Albert (1947) soutient cette pratique en disant : « certains hommes ont un pouvoir de dynamisme spécial. Ils peuvent se transformer en animaux et se mêler à leur gré aux bêtes sauvages, commettre des meurtres »141(*). A partir de ce moment, le chasseur transformé en éléphant est confondu au troupeau et peut abattre autant qu'il désire sans être inquiété d'une éventuelle charge. Cependant, il y a une seule et unique prescription dont le non respect conduit fatalement à la mort. C'est dans ce sens que Boulikou Albert nous a confié que : « Cependant tu ne dois pas excéder le nombre d'éléphant à abattre qu'il te donne. S'il te dit que tu abattras cinq éléphants, si tu atteints les cinq, celui que tu abattras encore est celui qu'il ta fabriqué, en ce moment tu te vends, cet éléphant te tue »142(*). Il faut dire que lorsque le chasseur va solliciter les services d'un nganga, celui-ci lui recommande un nombre limité de bêtes à tuer. Cependant, il lui sera interdit d'abattre le dernier éléphant car c'est ce dernier qui lui sert de bouclier. Mais paradoxalement, il arrive fréquemment que les chasseurs se fassent tuer par les éléphants qu'ils auraient eux-mêmes sollicités auprès des nganga. La deuxième pratique opérée par les chasseurs consiste à se rendre invisible au milieu du troupeau d'éléphants puis, en abattre le nombre voulu.

Pour illustrer ce propos, citons Véronique Daou Joiris143(*) qui, au sujet des Pygmées du sud-est du Cameroun écrivait : « les Baka disposent d'un pouvoir d'invisibilité ou encore de la possibilité de se transformer eux-mêmes en animal, une faculté qui leur permet de s'approcher des éléphants sans être repérés ». Cette pratique chez les Bisir nous est rapporté dans l'extrait de discours suivant : « Certains « fétichent » l'obscurité c'est-à-dire que même s'il pénètre au milieu des éléphants, ces éléphants ne peuvent le voir même s'il tire, ils entendent que la détonation du fusil mais ils ne le voient pas. Ces chasseurs là n'ont pas de nombre défini, il tue à volonté. Ceux-là, on leur donne parfois une corde pour attacher autour des reins. Parfois c'est un dibumba mis dans une boîte »144(*). Il s'agit comme dans la première pratique de se rapprocher d'un nganga qui lui donne un talisman au pouvoir magique que le chasseur porte sur lui. Ce talisman peut être un bracelet ou une corde attachée autour des reins.

Mais contrairement à la première pratique, celle-ci n'exige pas un nombre limité d'éléphants. Le chasseur pourra en abattre autant qu'il voudra tout au long se sa carrière. Karl Groning (1999), notait que « les peuples autochtones dans le sud du continent noir utilisaient toutes les parties du corps de l'éléphant. Avec la peau on faisait des boucliers, des tambours, de quoi se protéger contre les intempéries, ou bien des ceintures et des lanières ; les tendons servaient de fil à nouer ; les poils de la queue devenaient des amulettes au pouvoir magique (...) »145(*). C'est certainement ce pouvoir magique conféré par certaines parties de l'éléphant que les chasseurs Bisir exploitent pour se rendre invisible. Toutefois, signalons qu'à cette époque, les Bisir ne chassaient pas les éléphants pour leur ivoire. Ils les chassaient pour protéger leurs cultures et pour la viande comme le confirme les propos suivants: « Ils tuaient les éléphants à cause de la destruction des cultures vivrières qu'ils occasionnaient. Lorsque les éléphants devenaient menaçants, ils faisaient appel à un chasseur parce que à cette époque les éléphants ne se montraient pas à tout moment. (...) »146(*). Et Karl Groning (1999), pour sa part soutient en parlant des premiers chasseurs en Afrique noire que : « les premiers africains n'ont jamais chassé l'éléphant pour le seul ivoire de ses défenses. (...) mais lorsqu'au XVe siècle, les portugais débarquèrent en Afrique (...) avec leur système de valeurs, lorsque les défenses d'éléphants devinrent hautement convoitées, l'attitude des peuples et des tribus autochtones face à la chasse se transforma. L'ivoire devint alors peu à peu l'objectif principal de la chasse »147(*).

3.6 L'éléphant, proverbes et contes chez les Bisir

Tout mode de discours ethnologique en rapport avec la nature dans n'importe quelle communauté bantu de référence renvoie à un ordre écologique certain et obéit en même temps à un processus de manipulation sociale et d'appropriation contextuelle de la part des personnes-ressources de la communauté productrice. Jean Emile Mbot (1999) déclare à propos que « les animaux dans les contes fang apparaissent comme des marques où des lecteurs des rôles, de fonctions, d'attitudes et rapports sociaux réels dans les communautés fang »148(*). Ces rapports sociaux sont ce que nous traduisons ici sous les vocables de « codes écologiques » et codes de « projets sociaux ».

Les « codes écologiques » reflètent la diversité biologique d'une part, et d'autre part, ils expriment la nature cosmique ou biologique des règles animal, végétal, minéralogique, astrologique, etc. Ils constituent un « des multiples canaux culturels [qui] donnent dès l'enfance à connaître une collection assez stéréotypée d'animaux qui constituent le premier cycle du savoir zoologique »149(*). Les codes de « projets sociaux » sont sous-tendus par le jeu perpétuel et constant de manipulation et de déformation sociales de la réalité écologique aboutissant ainsi à de véritables significations sociales c'est-à-dire à de véritables « leçons de choses ».

Quelques exemples empruntés à nos corpus de terrain suffisent pour l'attester, à l'exemple du conte «kughu i muendu wenda fudu ne nzahu »150(*). Ce conte s'adresse à une personne à qui l'on a fait du bien et qui ne s'est pas rendu compte du bien qu'on l'a fait même si ce bien n'est pas visible et qu'il n'a pas l'air de s'en souvenir. Et elle croit plutôt que c'est lui qui vous a fait du bien alors qu'au fond dès le départ, de part votre morphologie, votre manière de parler ou d'être, c'est vous qui aviez été le meilleur garant de son succès. L'éléphant n'aurait jamais pu soulever un autre éléphant sur son dos donc Dieu a bien fait que la tortue soit plus petite que l'éléphant et c'est ce qui a fait que l'éléphant ait pu le porter et parvenir à poursuivre leur voyage.

Un autre exemple est celui tiré des proverbes suivants : « Bisasaku bia bondisi kari bia bondugi ka mu mukakela nzahu »151(*). Ce proverbe nous apprend que lorsqu'un homme vient à fonder une grande famille, lorsqu'il est le responsable de la famille, tous les problèmes qui vont survenir au sein de celle-ci sont sous sa responsabilité, parce qu'il en est le chef. Cette pensée renvoie au sens de la responsabilité du chef de famille. Les singes qui font tomber les branches mortes ici, représentent les éventuels problèmes que les personnes (progéniture) qui sont sous le contrôle du chef de famille peuvent créer. Le deuxième proverbe « Ayenu nzahu akubeli si bukanu dubila »152(*), est une variante du proverbe français « ce n'est pas le jour du marché qu'on nourrit le coq ». Chez les Bisir, ce proverbe est un conseil à tout homme qui entreprend une tache. Il faut lorsqu'on s'engage dans une entreprise, prévoir tout le matériel pouvant être utile, nécessaire à l'obtention des résultats escomptés.

A travers la culture orale gisir, on constate que les ressources animales en particulier l'éléphant, sont dotées de qualités humaines : on les imagine parlant un langage humain, bâtissant des cases et des villages, vivant en famille, se mariant, échangeant des biens, etc. En définitif, ce jeu de projection social du monde humain sur le monde animal se révèle éminemment propre à penser en retour le premier car, « aux traits de leurs comportements, écologiques réels correspondent les caractères sociaux qu'une communauté leur confère, selon des projets sociaux précis »153(*). Et c'est aussi dans cette optique Radcliffe Brown note que : « l'univers de la vie animale est représentée sous forme de relations sociales, comme celles qui prévalent dans la société des hommes »154(*).

Dans la société gisir, les codes de « projets sociaux » se déploient comme un ensemble de valeurs éthiques et morales, comme un cours théorique et pratique de stratégies sociales sous-jacentes à la vie individuelle et communautaire en matière de gestion et de cohésion sociale entre l'ensemble des catégories sociales : aînés et cadets, hommes et femmes, pères et fils, etc. Pour les Bisir, l'éléphant symbolise plusieurs qualités humaines telles que la force, la grandeur d'esprit, etc. En effet, l'éléphant dégage une importance dans l'expression des valeurs sociales qui sont au fondement des attitudes et comportements (pouvoir-dire, pouvoir-faire, savoir-faire, savoir-être, savoir-vivre) qui doivent être préférés et valorisées par la communauté. Ainsi, il est conseillé par exemple d'avoir un grand coeur afin de supporter et d'assumer toutes les responsabilités des membres de votre famille comme l'éléphant supporte toutes les branches mortes que les singes font tomber sur son dos (cf. proverbe n°1). Car un homme qui aspire à être un chef de famille doit s'attendre à assumer les conséquences des actes qui seront posés par sa progéniture. De même, avant de se lancer dans une entreprise il faudrait s'assurer de vos propres capacités à la réussir comme l'éléphant qui avait avalé la noix du Poga oleosa parce qu'il comptait sur ses capacités physiques à l'expulser. 

3.7 Eléphant et anthroponymie

L'anthroponymie se définit comme l'étude des noms de personnes. Le nom est un des aspects fondamentaux de la personne qui fonde son identité et détermine sa personnalité. F. N'sougan Agblemagnon (1984) note que « le nom, plus qu'un symbole, est un signe vivant représentant la personne et en tenant lieu. C'est pourquoi le nom, dans ces conditions, a droit aux égards que la personne elle-même. Il n'est pas seulement l'ambassadeur de la personne en cause, il est cette personne elle-même »155(*). Le nom fait donc partie de l'individu.  Dans la société gisir, le nom est traduit par « dina » tandis que le surnom se dit « kumbu » c'est-à-dire le nom qu'on se donne soi-même. Le nom n'est pas un élément neutre car il existe un éventail varié de principes qui président à l'attribution du nom. En d'autres termes, l'anthroponymie gisir ne sert pas uniquement à identifier un individu. Elle va au-delà de la personne nommée pour exprimer des faits sociaux, des croyances religieuses ou des idées philosophiques. N'sougan Agblemagnon (1984) dans une étude sur les Eve du Togo note que : « la fonction du nom dans cette société n'est pas seulement de numéroter les individus, mais d'exprimer une crainte, de marquer une date, de conjurer un sort, de remercier la Providence, de caractériser un évènement »156(*). Il existe donc une pluralité de noms chez les Bisir qui traduit des origines ou qui sont censés rappeler les circonstances particulières : noms de naissance, noms de mortalité infantile, noms d'initiés, noms de croyances religieuses, noms d'après le rang ou le sexe, noms de plaisanterie, noms particuliers à ancêtre, etc. « Ne prend pas n'importe quel nom qui veut ; ne change pas de nom qui veut, n'importe comment et n'importe quand »157(*), dira N'sougan Agblemagnon.

Ainsi, Tsana est le nom attribué à une jeune fille orpheline ou abandonnée. Ce nom s'applique aussi aux hommes orphelins. Mais pour se distinguer de la femme, il s'accompagne d'un autre nom. On aura par exemple Koumba tsana. En cela le nom « d'origine concrète, ne fait pas que nommer ; il explique. C'est plus qu'un signe. Il devient une figuration symbolique. Il illustre en résumant. En ce sens, il est vrai de dire qu'il révèle l'être »158(*). Le règne animal offre souvent une nomenclature privilégiée pour dénoter le système anthroponymique chez les Bisir. Comme le note Mukumbuta Lissimba159(*), « la nature compte une proportion importante de noms se référant à la faune et la flore de la forêt équatoriale, de même qu'à divers minéraux et phénomènes naturels ». Les noms empruntés à la nature, particulièrement à la faune mentionnent pour la plupart d'entre eux, des espèces animales utiles du point de vue des pratiques fétichistes et totémiques. Ce sont des noms dotés d'une véritable "efficacité symbolique". Ainsi, on retrouve des noms tels que Magena (panthère), Nzigou (chimpanzé), Mboma (python), Nzahu (éléphant), etc.

Cependant, chez les Bisir le nom Nzahu qui signifie éléphant en gisira, est un nom de jumeaux. La gémellité est un phénomène qui occupe une place spéciale au sein des « ethnocultures » du Gabon. Dans son ouvrage Histoire de la famille gabonaise, Raymond Mayer a fait état des règles d'attribution des noms chez les jumeaux. Le principe général est que « (...) ce sont en effet les jumeaux eux-mêmes, qui assimilés à des génies, qui viennent en rêve imposer les noms à donner »160(*). C'est dans cet esprit que Hilarion Matoumba nous a confié que : « Mfoubou et Nzahou (...) ne sont pas des noms donnés aux gens du dehors, ils viennent avec eux-mêmes les jumeaux. Lorsqu'une femme accouche les jumeaux, ces enfants font deux, trois ou quatre jours, ils iront communiquer aux gens qui sont à l'extérieur de la maison leurs noms. Et ces personnes viennent dire que les enfants ont dit qu'ils s'appellent tel et tel ».

Dans la société Eve, comme dans d'autres sociétés africaines, nous dit N'sougan Agblemagnon, les jumeaux sont d'abord caractérisés et identifiés par leur nom. En effet, dans la société gisir, les jumeaux sont considérés comme des « génies » et de ce fait, ils doivent porter des noms des génies. Dans le monde animal l'éléphant est considéré comme un génie et de ce fait, il est attribué comme nom aux jumeaux. Selon Hilarion Matoumba, « l'éléphant chez les gisir un jumeau. Ils sont nés à deux : l'éléphant et l'hippopotame. L'hippopotame et l'éléphant sont des jumeaux. L'hippopotame est le grand frère. Les jumeaux sont des personnes qui sont comme des génies »161(*). Cependant, pour perpétuer la mémoire d'un parent jumeau dont le nom était Nzahou, il peut arriver que ce nom soit porté par une personne qui n'est pas jumelle.

3.8 Système totémique et interdits alimentaires liés à l'éléphant

Le système totémique qui est une mise en correspondance entre la série culturelle et la série naturelle, sert à exprimer un phénomène local : solidarité de la communauté, classique qui se manifeste par l'observation des règles révélatrices de stratégies sociales. Il s'agit ici des interdits notamment les interdits alimentaires. Pour Raymond Mayer (2002), « l'interdit alimentaire est à la fois un signe d'appartenance à un clan, et le signe d'une alliance mythique privilégiée avec un animal, vue dès lors comme un animal secourable, même si ces dispositions ordinaires sont loin d'être aussi inoffensives »162(*). En parlant du peuple gisir Kabou Mbemeni Jean Pierre nous apprend que : « L'éléphant constitue un totem pour certains clans. Le premier clan qui utilise l'éléphant comme totem, c'est le clan Gimondu, lequel clan avait deux totems principaux : l'éléphant et le léopard. L'éléphant pourquoi ? L'éléphant c'est le « grand boussolier », c'est le bulldozer, il creuse la route. Lors de la grande migration, les Gimondu ont sans doute suivi la piste d'un éléphant pour les amener jusqu'au lieu où ils se sont établis »163(*).

C'est dans cette optique que les Bisir du clan gimondu ne chassent pas l'éléphant parce qu'il leur aurait servi de guide dans leur mouvement migratoire. Depuis lors, il est leur totem. Par contre, il leur est permis de consommer la viande de l'éléphant à l'exception, des « bibusi »164(*). cette exception peut s'expliquer par le fait que « la connexion entre un individu d'une part, et, de l'autre, une plante, un animal ou un objet, n'est pas générale : elle affecte généralement certaines personnes »165(*). Par contre, nous dit notre informateur, chez le clan Bupeti, on n'observe aucune quelconque prescription alimentaire.

Toutefois, l'éléphant demeure à la fois leur totem et leur protecteur. Il précise que « L'éléphant était le village, c'est le symbole de la cité et quand tu es dans la cité, tu es à l'abri de tous les dangers qui peuvent te guetter. C'est pourquoi les personnes qui avaient pour fétiche l'éléphant avalait tout le village lorsque la nuit tombait, parce qu'il n'y pas une bête qui surpasse l'éléphant la force et fureur. Le seul totem qui n'était pas consommé chez les gimondu c'était seulement le leopard parce que l'homme gisir ne consomme pas le léopard »166(*). Au regard des rapports sociaux que la société gisir entretient avec l'éléphant et en particulier les membres des clans Gimondu et Bupeti, nous pouvons dire que dans ce cas, l'animal totémique devient comme le notait Léa Zame Avezo'o (1998), « un être proche avec qui on entretient dorénavant des rapports de solidarité. Il va donc s'instaurer entre ces deux catégories d'êtres vivants [l'homme et l'animal] un lien affectif qui garantit le respect de cet interdit »167(*). Cependant, bien que l'éléphant aucune une place importante dans l'univers culturel des Bisir, il est également source de rapports conflictuels entre les populations et les experts de la protection de la faune et l'Etat représenté par les agents des eaux et forêts locaux.

3.9 Présentation du type de conflit

Les conflits sont de plusieurs ordres mais en général, on en distingue cinq types : le conflit d'ordre relationnel, le conflit d'ordre factuel, le conflit d'intérêt, le conflit d'ordre structurel et le conflit de valeur. Parmi ces différents types de conflits, nous allons, pour notre part, nous intéresser aux conflits liés aux ressources naturelles c'est-à-dire aux conflits d'intérêts. Les ressources naturelles sont constituées d'éléments de richesse du milieu. C'est l'ensemble des potentialités naturelles (ressources foncières, forestières, fauniques, halieutiques,...) ou artificielles (cultures agricoles) qu'offre le milieu. Et les conflits d'intérêts procèdent des désaccords et des différends sur l'accès, le contrôle et l'utilisation des ressources naturelles. Les différends naissent également en cas d'incompatibilité des intérêts et des besoins des uns et des autres, ou de négligence des priorités de certains groupes d'utilisateurs dans les politiques, programmes et projets.

Ces conflits d'intérêts sont une caractéristique inévitable de toutes les sociétés. Mais ces conflits n'opposent pas seulement les acteurs humains entre eux. Il en est qui portent sur la faune sauvage et ayant des répercussions sur les activités des projets de conservation. Il existe ainsi des difficultés de conciliation d'usage entre la faune sauvage et les agriculteurs. Ces derniers sont victimes de la déprédation de leurs cultures vivrières par les éléphants. Mais au Gabon, l'éléphant figure depuis 1989 sur l'annexe 1 de la CITES, donc des animaux intégralement protégés. Son abattage expose les contrevenants aux sanctions prévues par la loi. Les ressources privées appartenant aux populations doivent-elles être abandonnées à des utilisateurs « protégés par la loi ». Le problème mis en relief dans notre zone d'étude concerne donc les dégradations provoquées par les éléphants sur les cultures et l'abattage de cet animal par les villageois.

3.10 Le règlement du conflit : les battues administratives et la légitime défense

Au Gabon, le seul mode de règlement du conflit hommes-éléphants prévu par la loi est l'abattage administratif et en cas exceptionnel, la légitime défense. Selon l'IUCN168(*) (2001), les conflit hommes-éléphants se définissent comme étant  tout contact des deux espèce qui a pour conséquence tous effets négatifs sur la vie sociale, économique ou culturelle des humains, la préservation de l'éléphant ou l'environnement. L'abattage administratif est rendu possible par la loi 016 /2001 portant code forestier en République Gabonaise qui édicte entre autres de nouvelles règles d'aménagement des forêts et de la faune sauvage.

Cette loi en son article 196, stipule que : « A la suite des dégâts causés aux cultures par certaines espèces, l'administration des eaux et forêts peut, après enquête et dans les conditions fixées par voie réglementaire, autoriser les battues ou tout autre moyen de lutte à l'intérieur d'une zone délimitée. IL en est de même pour la lutte contre les animaux blessés ou malades. En cas l'abattage, l'administration des eaux et forêts récupère les dépouilles et les trophées. La viande est laissée aux populations locales ». Quand à la légitime défense, elle est autorisée par l'article 171 et définie par l'article 172 de la même loi. L'article 172 définie la légitime défense comme l'acte de chasse prohibé pratiqué dans la nécessité immédiate de sa défense, de celle d'autrui, de son propre cheptel domestique ou de sa récolte.

Dans les localités telles que Mandji, pour obtenir une autorisation de battue administrative, nous explique Jules Olago169(*), les populations adressent des plaintes soit au Préfet soit au chef du cantonnement des eaux et forêts. Celles qui sont adressées au préfet sont par la suite transmises au chef cantonal des eaux et forêts. Puis les agents des eaux et forêts procèdent à un constat de terrain, sur les sites des dégâts. A la suite de ce constat, un procès- verbal de constatation des dégâts est rédigé par les eaux et forêts. Ensuite, une copie de ce procès-verbal et de la plainte est envoyée chez le préfet qui se charge de les transmettre au Gouverneur de la Province de la Ngounié. Ces mêmes documents sont transmis également à l'inspection provinciale des eaux et forêts par ses collaborateurs locaux.

Et sur avis de l'Inspecteur provincial des eaux et forêts, le Gouverneur de province délivre des autorisations de battues administratives. Ces autorisations de battues administratives indiquent le nombre des bêtes à tuer et la durée de validité. Sous le contrôle de l'adjoint au chef cantonal des eaux et forêts de Mandji, M. Jules Olago, nous avons relevés 23 plaintes déposées sur leur table par les populations du département de Ndolou de 1994 à 2006. Parmi ces 23 plaintes, 10 proviennent de Mandji. Cependant, la quasi totalité des personnes ayant déposées des plaintes ont déclaré n'avoir reçu aucune suite. Certaines personnes, bien qu'ayant conduits à des constats sur le terrain par les agents des eaux et forêts n'ont pas reçu des autorisations de battue par l'administration.

Par contre, celles qui les ont reçu, n'ont pas pu rendre effective leur battue par manque d'arme appropriée ou par manque de chasseurs assermentés. De plus, après abattage, la viande des animaux abattus est laissée à la population, mais les produits d'ivoire sont récupérés par l'administration. Cependant, ce mode de règlement du conflit ne satisfait pas les populations. Premièrement, la lenteur du temps de réaction après dépôt d'une plainte, est considéré comme étant le plus grand problème, car les agents des eaux et forêts arrivent sur les lieux longtemps après que les éléphants aient quitté les cultures endommagées par manque de moyen de locomotion.

Deuxièmement, les délais qui s'écoulent entre le dépôt d'une plainte, l'obtention de l'autorisation de battue et l'intervention sont souvent longs. Troisièmement, il se pose souvent le problème de la récupération de l'ivoire par les agents des eaux et forêt au nom de l'Etat. Pour les populations locales, les pointes d'ivoire issues de ces battues leur reviennent de droit parce que les armes et les balles utilisées leur appartiennent. Ce mécontentement des populations face à la récupération des pointes d'ivoire par les agents des eaux et forêts est reconnu par Jules Olago quand il dit : « Mais les populations ne sont jamais d'accord avec cette mesure, elles se sentent souvent lésées parce que ce sont eux qui achètent les munitions, qui trouvent le fusil et le chasseur. Et les cultures détruites sont à eux »170(*).

En plus, ce sont elles-mêmes qui se chargent de satisfaire le chasseur. A cet effet, Jean Pierre Profizi (1999), reconnaît que l'un des problèmes qui se pose aux battues administratives est « la question du paiement du chasseur professionnel qui viendra procéder à la battue et qui désire se dédommager avec les « pointes », alors que le service forestier veut les récupérer au nom de l'Etat ! »171(*). Donc la récupération des pointes d'ivoire par les eaux et forêts au nom de l'Etat est la véritable pierre d'achoppement du conflit entre les populations et l'administration des eaux et forêts.

Ainsi, face à la lenteur de la procédure, aux plaintes n'ayant pas eu de suite favorable et à la récupération des produits d'ivoire par les agents des eaux et forêts, les populations locales se font justice elles mêmes en prenant le risque d'affronter les animaux, et pouvoir ainsi s'approprier à la fois la viande et, surtout les pointes. Les réponses non favorables aux plaintes des populations qui désirent des battues administratives et la soif de se faire justice est reconnu par le préfet de Mandji quand il dit : « (...) je transmets chez le gouverneur à Mouila pour obtenir une autorisation de battue. Mais depuis lors aucune suite n'a été donnée aux correspondances. Ce qui fait que les populations abattent les éléphants sans faire des déclarations»172(*).

Nous ne pouvons déterminer le nombre de battues non autorisés mais nous pouvons être tenté de dire qu'il y a un danger qui guette les éléphants. En effet, les habitants ne veulent pas vivre avec un tel problème, quel qu'en soit la réelle ampleur, sans agir. Cet agir peut s'illustre par la découverte fortuite d'une pointe d'éléphant que nous avons effectuée dans un campement sur la route de Yeno lors de nos visites de champs comme le montre la photo n°10.

Photo n°10 : pointe d'ivoire trouvée dans un campement abandonnée sur la route Mandji-Yeno.

(Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007).

On peut distinguer sur cette photo, une rondelle de bois sur un espace dégagé sur laquelle se trouve une pointe d'ivoire d'environ 20 à 25 cm, autour de laquelle, on observe quelques herbes. Au regard de la taille de cette pointe d'ivoire, il semble que celle-ci provient d'un éléphanteau. Ce qui reconforte l'idée selon laquelle, les populations dans leur lutte contre les incursions des éléphants s'apprennent à n'importe quelle éléphant peu importe sa taille, son sexe ou son âge. Selon Frédéric Marchnd (1999), quel que soit le passé des interactions entre les hommes et les éléphants dans une zone, la confrontation n'est jamais exempte de danger, pour les uns comme pour les autres.

Cette soif de se faire à tout prix justice face à l'indifférence de l'administration à l'égard des plaintes des populations est également exprimée par Bas Huijbregts dans l'extrait de discours suivant : « A cause de leurs cultures qui sont détruites les villageois ont une perception négative des aires protégées parce que au Gabon il n'existe pas encore de mesures d'accompagnement par rapport aux éléphants quand ils détruisent les cultures. Donc ils se font tirer dessus. Même s'ils ne meurent pas mais ils sont blessés. Mais tuer les éléphants n'est pas une solution durable »173(*). Cependant, que ce soit de manière légale ou illégale, certains gestionnaires de faune comme Bas Huijbregts pensent que abattre des éléphants n'est pas une solution durable. Pour Frédéric Marchand (1999), si cette méthode donne à court terme une relative satisfaction aux populations humaines touchées, elle semble toutefois inefficace sur le moyen et long terme dans la mesure où les problèmes resurgissent parfois dans les mois suivant l'intervention.

Aussi, compte tenu des délais qui s'écoulent entre le dépôt d'une plainte et l'intervention, « les animaux abattus sont souvent sélectionnés au hasard et ne sont généralement pas ceux qui ont occasionnés les dégâts »174(*).De ce point de vue, l'éléphant responsable des dégâts ne peut pas être identifié et un autre est souvent tué à sa place « symboliquement » pour apaiser la colère des populations locales. Mais aucune preuve tangible ne permet d'affirmer que l'abattage d'un éléphant a un effet réellement dissuasif sur le reste du troupeau175(*). La réaction des autres éléphants peut être de changer des zones d'attaque plutôt que d'arrêter d'attaquer les cultures. Par conséquent, il importe aux autorités en charge de la faune de trouver d'autre forme de résolution du conflit hommes-éléphants. Et à cet effet, nous consentons avec Allogo constant quand il dit : « Si nous avons pris conscience qu'il faut protéger nos animaux, notre patrimoine naturel, il faut que nous trouvions des solutions. La solution facile au Gabon c'est la battue administrative or cette solution n'est pas durable. La solution durable est celle d'assumer nos responsabilités. Si nous estimons que nous nous engageons à protéger notre patrimoine animal parce que celui-ci est important sur le plan national alors il faut une solution nationale, il faut que les gens assument leurs responsabilités »176(*).

Et Jean Pierre Profizi estime pour sa part qu' « il faut donner un espoir à ces agriculteurs qui veulent profiter du fruit de leur travail, tout en évitant bien sur que réapparaissent les grands massacres d'autrefois. Il faut surtout éviter de « laisser filer » la situation qui aboutirait à renforcer des comportements irresponsables d'abattage sans merci de ces magnifiques occupants des forêts gabonaises »177(*). Cependant, nous constatons que la prise en compte des plaintes des populations relatives aux dégâts causés par les éléphants dans leurs champs est négligeable. Nombre d'entre eux pensent que les populations exagèrent l'ampleur des dégâts à l'exemple de M. Allogo Constant qui pense que : « Les récoltes sont moindres mais ils arrivent quand même à trouver des compensations. Ils font autre chose en dehors des plantations. Généralement les éléphants piétinent les cultures et prendront quelques régimes de bananes à leur passage et dans d'autres endroits, les dégâts sont fictifs, les gens dramatisent. Les éléphants font partie des espèces intégralement protégées mais il y a l'utilisation des battues administratives. Les populations en tuant l'éléphant sont sûr qu'elles auront de la bonne viande et des défenses à vendre »178(*).

Toutefois, même si des exagérations sont commises, le problème est réel. Il cause de tensions et du mécontentement entre les villageois et les autorités administratives locales d'une part et entre eux et les responsables de la CBG qui sont chargés de l'exécution du plan d'aménagement de la faune dans la région. Il a été reconnu dans le rapport d'activités annuel 2002 de l'Inspection provinciale des eaux et forêt de la Ngounié que « l'abondance des éléphants détruisant les cultures vivrières inquiètent les populations qui ne cessent de solliciter les décisions de battues administratives »179(*). De plus, aucune enquête n'a démontré la pratique d'un trafic d'ivoire à Mandji.

La lecture des discours de certains acteurs de la protection de la faune et celle de la Loi relative à l'exploitation de la faune donne l'impression que la protection des éléphants passe avant celle des hommes y compris leurs intérêts. C'est pourquoi les populations n'hésitent pas à accuser l'administration de protéger les animaux et de ne pas les aider à protéger leurs cultures comme en témoigne Charlotte Kassou quand elle dit : « Je ne sais pas la raison pour laquelle ils défendent de tuer les éléphants, qu'ils mangent que la nourriture des gens. Cela voudrait dire que les éléphants vivent et que les hommes meurent ? Regarde un tel problème où les gens doivent mourir avec famine. Nous cultivons maintenant pour l'éléphant, qu'il soit en vie et nous-mêmes, nous devrons mourir »180(*).Or comme le note Serge Bahuchet et al. (2000), « il ne peut y avoir une gestion saine de l'environnement tropical sans un épanouissement des êtres humains qui en vivent. (...) L'homme, dans quelque milieu que ce soit, est capable de gérer convenablement son milieu, pourvus qu'il dispose de bonnes conditions sociales, politiques et économiques »181(*). A la suite de Serge Bahuchet et al., il convient de dire que l'on ne peut donc protéger les animaux sans protéger les hommes y compris leurs intérêts. Ce problème est donc un sujet important pour la planification d'un plan de gestion de la chasse qui est censé être basé sur la collaboration entre la CBG, les eaux et forêts et la population locale.

En effet, le regard des autorités en charge de la protection de la faune est plus attendrissant envers les éléphants. Tout d'abord, en ce qui concerne les battues administratives, l'article 201 du code forestier précise que dans le cadre de la gestion de la faune sauvage, l'administration des eaux et forêts peut faire appel à des lieutenants de chasse pour (notamment) participer aux battues administratives à la suite des dégâts importants ou répétés causés aux cultures vivrières. Or l'administration des eaux et forêts n'a jamais envisagé cette possibilité. Les battues administratives sont toujours exécutées par les populations locales elles-mêmes qui prennent tous les risques. Ensuite, non seulement elles déterminent le nombre de bêtes à abattre mais également la durée de validité.

Or l'éléphant est animal qui parcourt des longues distances et qui apparaît dans les champs à des périodes bien déterminées notamment entre (septembre-octobre) et entre (février-avril) et se repli puis revient effectué des raids sporadiques. Ce qui revient à dire que s'il revient détruire les cultures d'une personne ayant obtenu une autorisation une semaine ou un mois après l'expiration de la durée, l'autorisation de battue devient nulle. Même si dans un secteur voisin il a été signalé la présence d'éléphants, la personne qui détient une autorisation de battue ne peut pas intervenir car celle-ci est individuelle, elle ne se prêtre pas.

A l'exception des villages où les décisions de battues sont communautaires, à Mandji, elles sont individuelles. Enfin, cette procédure exige des personnes qui parviennent à obtenir des autorisations de battues, la recherche d'un chasseur qui a un permis de chasse et pourvu d'un permis de port d'arme, mais également expérimenté. L'exécution d'une battue administrative doit s'opérer avec un fusil approprié de grande chasse du type 458 qui doit être assuré. Et la chasse ne doit pas s'effectuer au-delà de 5km du site des dégâts. En conséquence, nous remarquons qu'il y a peu de volonté de la part des autorités pour trouver une solution durable à ce conflit. Tout leur intérêt est viré vers la protection de l'éléphant dans la mesure où il constitue une richesse exploitable à préserver.

Tuer un éléphant à cause de la protection des cultures vivrières des populations locales, c'est gaspiller une ressource de valeur. C'est pourquoi d'aucuns comme Aurélien Mofouma disent que : « L'intérêt économique d'une entité comme le Rapac ne réside pas dans les produits de l'éléphant comme l'ivoire et autres. Notre intérêt économique est perçu dans l'écotourisme parce qu'un éléphant peut rapporter plus d'argent à un pays par rapport à un éléphant mort. Un touriste qui vient observer un éléphant et qui paie par exemple 5000 francs l'entrée, fait rentrer beaucoup d'argent »182(*). Il ajoute que : « (...) si les éléphants sont devenus trop nombreux, ils menacent le milieu, on peut organiser des battues administratives mais en ce moment dans le cadre des battues de la chasse sportive. Avec le tourisme, l'abattage d'un éléphant c'est un ou deux millions et le compte est bon pour tout le monde. Le touriste lui, il gagne la gloire et le prestige d'avoir abattu un éléphant puis le film et le trophée, la viande est donnée aux populations et l'administration l'ivoire et les un ou deux millions. Or lorsqu'un braconnier tu un éléphant,La viande est abandonnée, les pointes d'ivoire sont vendues à 50000 francs. Au niveau économique c'est du gâchis. Nous pensons que la nature a une valeur que l'homme peut exploiter pour le bénéfice de l'administration et les populations environnantes »183(*). Au regard de ces discours, nous nous accordons avec Arnaud Sournia qui note que : « les dégâts sur culture constituent également un argument de poids en faveur du maintien du commerce de l'ivoire, ce qui pourrait expliquer que les autorités ne semblent pas pressés de résoudre le problème »184(*). C'est pour ces raisons à notre avis, que l'exploitation de la faune sauvage est gérée au niveau des autorités provinciales. Le pouvoir institutionnel des autorités départementales en matière de gestion de la faune est dérisoire. Ainsi, les populations locales ne sentent pas le reflet de leur volonté dans la gestion mise en place par les agents des eaux et forêts de Mandji, il est compréhensible d'observer une réaction de rejet de leur part vis-à-vis des éléphants.

Selon Ronald Orenstein (1993), lors de la septième réunion de la conférence des membres de la CITES le 11 octobre 1989 à Lausanne en Suisse, un vote avait eu lieu sur la proposition du transfert de l'éléphant d'Afrique de l'Annexe II à l'Annexe I, amendée par la Somalie devant les délégués de quatre-vingt onze pays et plusieurs observateurs. Au cours de ce vote, soixante-seize (76) pays avaient voté pour et onze (11) avaient voté contre plus quatre (4) abstentions. Parmi les pays qui ayant voté contre figurait le Gabon. En effet, d'après Ronald Orenstein (1993), l'UICN et le WWF proposèrent un compromis qui aurait laissé les éléphants du Zimbabwe, du Botswana et de l'Afrique du Sud à l'Annexe II mais qui aurait imposé un moratoire de deux ans sur le commerce.

Pendant, ce temps, quelques pays de l'Afrique Centrale, comme le Gabon, annoncèrent que, si les Etats d'Afrique australe devaient recevoir un traitement de faveur simplement parce qu'ils étaient proches du Zimbabwe, ils demanderaient également une exemption. Si nos interprétations sont exactes, le vote du Gabon contre l'inscription de l'éléphant en Annexe I montre son désir de vouloir continuer à vendre son ivoire. En effet, d'après Samuel Engone-Bilong (corpus n°21, séquence n°4), le Gabon possède de nos jours un grand stock d'ivoire. Et depuis 2001, il a été attribué au Gabon un quota annuel d'exportation, cautionné par la CITES, de 150 trompes d'ivoire (75 animaux) provenant de trophées acquis conformément à la loi185(*).

3.11 Les activités forestières et pétrolières

Les activités forestières et pétrolières sont l'une des causes des dommages causés aux cultures par les éléphants. Comme l'indique nos cartes n°3, n°5 et n°6, plusieurs compagnies pétrolières et forestières dont la CBG est la plus importante opèrent dans et en périphérie de la région de Mandji. Cependant, les activités de ces entreprises ont un impact parfois négatif sur l'environnement et en particulier sur le sol, les cours d'eau, les espèces floristiques, le climat, la faune, et le bien-être social. Pour notre part, nous allons nous intéresser uniquement sur les effets induits sur la végétation, la faune et le bien être social. Selon Daniel-Yves Alexandre (1999), « le régime alimentaire des éléphants de forêts africaines (Loxodonta africana aucun) est constitué, pour une part appréciable, de fruits, surtout ceux des arbres. L'animal ne dédaigne pratiquement aucun fruit, mais il a ses préfères »186(*). Et parmi ses préférés identifiés dans notre zone d'étude, nous avons ceux de : Irvingia gabonensis (mwiba), Panda aleosa (poga), du Baillonella toxisperma (moabi), Piptadenia africana Hook. (meduka), Dacryodes buettneri (mesigu), etc.

Il mange ces fruits en fonction de leur fréquence dans le milieu, mais il peut rechercher activement ceux qu'il apprécie le plus. Or ces arbres sont intensivement exploités à des fins commerciales. Les rapports d'activités de l'Inspection des eaux et forêts de la province de la Ngounié, mentionnent que la production des exploitants forestiers s'élevait à 142158,244m3 pour l'Okoumé et l'Ozigo et à 56305,24m3 pour le bois divers en 2004. Cette année, la production a été concentré à Mouilla, Fougamou, Mandji et Ndendé. Mandji occupait le premier rang avec 125270,028m3. En 2005, la production forestière était de 36774,008m3 pour l'Okoumé, l'Ozigo et de 29512,274m3 pour le bois divers.

Le rapport 2005 indique la production forestière avec 66286,282m3 est très marquée par les sociétés forestières comme « CBG ; EGG ; IFL et SONE BOIS » qui à elles seules produisent la plus grande quantité de bois de la province. Signalons que les Sociétés CBG et EGG opèrent à Mandji. Cette année, la production forestière de Mandji a occupé le 2e rang avec 21195,287m3 derrière Fougamou avec 24916,633m3. Bien que ces données n'expriment pas de manière objective la part du volume des espèces telles que le Moabi, l'Ozigo et autres appétées par les éléphants, elles montrent quand- même que l'exploitation du bois divers est assez importante dans la région de Mandji. Et c'est à ce titre que Paul Marie Louga dit : « qu'il s'agisse de l'Okoumé ou des bois divers très prisés sur le marché international des bois tropicaux, ils sont intensivement exploités dans la région de Mandji »187(*).

Cette intensification de l'exploitation des bois d'oeuvre autres que l'Okoumé a été rendu possible par le fait que le Gabon a vu « ses exploitations de grumes diminuées de plus de 10% et de près de 25% pour l'Okoumé en 2004 »188(*).En effet, selon le PFBC, le Gabon est le plus grand exportateur de grumes de la région, principalement l'Okoumé, et le 3e plus grand exportateur de l'OBIT. Cependant le secteur de l'exportation de grumes a subi une succession de crises depuis 1998. Celles-ci ont pour origine le mode d'organisation de la filière, une fiscalité qui freine la compétitivité, les voies de transport et la concurrence de pays à main d'oeuvre et à fiscalité plus avantageuses. De ce point de vue, bien que l'Okoumé demeurait l'essence prépondérante, une diversification des essences exportées en grumes s'imposait. Elle s'accentue du fait des plans d'aménagement rendus opérationnels, mais aussi de la possibilité d'exportation de grumes pour certaines essences dont la commercialisation est interdite sous cette forme depuis d'autres pays notamment le Cameroun : moabi, bossé, iroko, douka, acajou, sapelli,etc.

Aussi, le secteur bois s'est caractérisé par un premier semestre 2005 favorable. La production des grumes, toutes essences confondues, a progressé de 4,7% par rapport à la même période un an auparavant. Cette production est dominée par celle des bois divers. On note ainsi une inversion de tendance de l'okoumé, qui historiquement représentait la plus grande partie de la production gabonaise, en faveur des bois divers. La production de bois divers a augmenté de 22% entre juin 2004 et juin 2005, alors que pendant la même période, celle de l'Okoumé reculait de près de 11%. Cependant dans les zones de l'aire de répartition d'éléphants au Gabon, l'exploitation intensive du Moabi et autres essences exploitables dont les fruits servent à l'alimentation des éléphants, est l'une des causes de la destruction des cultures vivrières par les éléphants comme le témoigne Jules Olago189(*) en ces termes : « Dans le département l'exploitation forestière est intensive et parmi les espèces exploitées, il y a des espèces telles que le moabi, l'acajou, le douka. Or les éléphants se nourrissent des fruits de ces arbres. La rareté de ces espèces fait que les éléphants descendent vers les villages ». En effet, tous nos informateurs sont d'avis que l'exploitation de ces essences est l'une des raisons pour laquelle les éléphants se rabattent dans les champs des populations. La destruction d'un certain nombre d'arbres et d'autres formes de vie est indubitablement une conséquence directe et inévitable de l'exploitation forestière. Outre l'exploitation abusive de certaines essences, l'exploitant forestier est aussi responsable du déséquilibre et de la destruction de l'habitat naturel des éléphants.

Carte5 : Situation de l'exploitation forestière dans la zone écologique du CAPG (WWF-Gamba, 2004)

L'exploitation d'une forêt nécessite la construction d'un certain nombre d'infrastructures : campements, réseaux routiers, parcs à bois, pistes, etc. Le réseau routier est composé de routes principales et secondaires qui sont utilisées par les grumiers pour transporter le bois depuis les parcs à bois en forêt. La présence d'un réseau routier, même bien conçu entraîne par ailleurs comme conséquence indirecte une fragmentation du massif forestier à diverses échelles. Puis une fois les accès assurés, les opérations liées à l'abattage et à la sortie des grumes jusqu'aux parcs à bois en forêt vont aussi détruire ou endommager une partie de la végétation. La percée des engins à travers la forêt, détruit l'habitat naturel des animaux et accentue le déplacement de ces derniers vers les zones de stabilité (savane et périphérie des villages).

Dans ces déplacements, les éléphants provoquent la dégradation des cultures des populations. Ensuite, toutes les équipes qui parcourent la forêt font généralement beaucoup de bruit, en particulier lorsqu'elles utilisent les engins à moteur et perturbent la faune. C'est dans cette logique que Paul Marie Louga dit que: « les engins motorisés, par les bruits qu'ils produisent ameutent les animaux et ces nuisances sonores constituent une véritable source de traumatisme qui nuit à l'équilibre de la faune »190(*). Les auteurs de l'ouvrage, Les forêts du Bassin du Congo : Etat des forêts 2006 admettent qu'en dépit du manque d'études rigoureuses sur les impacts de l'exploitation forestière sur la faune, « il est probable que les perturbations liées a la présence humaine et au bruit sont peu dommageables pour la faune sauvage tant celle-ci à la possibilité de bouger des zones perturbées vers des zones plus tranquilles »191(*). Elie Hakizumwami (2005) de préciser que « L'exploitation forestière et minière menacent également l'intégrité des populations d'éléphants gabonais et de leurs habitats, car elle entraîne le braconnage de cette espèce et les migrations d'éléphants vers les zones où ils sont mieux sécurisés. Les éléphants deviennent de plus en plus rares dans les zones forestières exploitées par certaines sociétés forestières probablement à cause de la dégradation de leurs sources alimentaires résultant du déboisement ou de la fuite des bruits des tronçonneuses et d'autres engins utilisés dans l'exploitation forestière »192(*).

Mais pour Sally Lahm (1994, cité dans Halford Thomas et al., 2003), l'augmentation de l'agressivité de l'éléphant (et des conflits) est due à l'installation des conduites, des routes etc. qui coupent les couloirs de migrations et perturbent leur comportement. Tout comme l'exploitation forestière, celle des gisements pétroliers a également des conséquences sur la faune. Cependant, de la même manière que l'exploitation forestière, celle du pétrole dans ses activités de prospection et de forages, influence le comportement écologique des animaux et partant, des éléphants. Au cours des campagnes sismiques, il est fait usage régulier des feux et des dynamites dans les zones marécageuses.

Elles sont également accompagnées de bruit causé par le personnel. Les activités de forages quant à elles, utilisent aussi un équipement motorisé et des installations électriques à grande intensité dans la mesure où celles-ci s'effectuent 24h/24h. Ainsi, toutes ces activités sont donc une source de stress pour les animaux qui sont obligés de se déloger de leurs habitats pour s'installer ailleurs en particulier vers les villages. Mais leur installation dans ces nouveaux espaces causent souvent du tord aux populations en occasionnant la destruction de leurs cultures.

Cette idée est soutenue par Allogo Constant qui pense que : « A cause de la présence de ces engins les éléphants se déplacent et vont s'installer là où on ne les voyait pas avant mais ils vont causer du tord aux populations qui exploitent ce milieu. Une fois les engins disparus, ils reviennent mais ils auront déjà causés du tord. Mais ils vont avoir des problèmes pour se réadapter dans leur ancien environnement parce que lorsqu'ils y étaient, ils avaient déjà développé certaines habitudes alimentaires. Ils ne vont plus trouver de moabi, ils vont avoir des problèmes pour se familiariser donc ils sont obligés de retourner là où ils étaient ou aller ailleurs mais là bas ils vont causer du tord »193(*).Ce scénario est le même dans les zones où s'effectuent les activités pétrolières. Toutefois, étant donné que les installations pétrolières y demeurent pendant des longues périodes, ces animaux vont se familiariser avec celles-ci y compris avec la présence humaine. La conséquence immédiate de cette situation est vécue surtout par les populations car s'étant familiarisé avec les installations électriques des compagnies pétrolières, les éléphants n'auront plus peur des feux et des lumières des lampes placées dans les champs. C'est d'ailleurs ce que nous dit Mboula Yakouya Adolphe : « Ces éléphants se sont familiarisés avec les lumières électriques de Rabi, tu peux allumer les lampes dans la plantation, ils n'ont plus peur, ils vont y pénétrer »194(*).

3.12 Les causes socioculturelles et naturelles

Les relations entre les humains et les éléphants sont très complexes. Les éléphants dévastent les champs de cultures et tuent parfois les personnes. Ils sont pour cette raison, à la fois craints et détestés. Cependant malgré les dégâts qu'ils causent aux hommes, les éléphants sont étrangement attirés par l'homme. Pour Akogo-Mvogo G. (1994 cité dans Elie Hakizumwami, 2005), les Bakwele, les Bagombo, les Pygmés Baka du Cameroun et les Pygmés Aka de la République Centrafricaine croient que les personnes peuvent se transformer en éléphants. En effet, un facteur culturel important existe dans les conflits homme-éléphants : la superstition. Beaucoup des gens croient que les hommes se transforment en éléphants nuisants. Dans notre zone d'étude, cette idée est énormément répandue. Nos informateurs à Mandji à l'exemple de Mboula Yakouya Adolphe (corpus n°13 séquence n°3) y compris les administratifs en particulier, le préfet de Mandji (corpus n°16 séquence n° 2) ont reconnu qu'il y a des gens qui se transforment en éléphants pour détruire les champs de culture des autres. C'est à ce titre que nous rejoignons Elie Hakizumwami (2005) qui disait que « Certaines communautés humaine croient que certaines personnes se réincarnent en éléphant. Ainsi, le problème des dévastations des champs agricoles prend une dimension supérieure, les gens étant persuadés que la destruction des récoltes serait le résultat d'une malveillance à l'égard de tel ou tel fermier »195(*).

A Mandji, cette destruction des cultures d'autrui, par des personnes qui se transformeraient en éléphant est le fait parfois des sentiments de jalousie et de haine que les uns nourrissent à l'égard des autres. Cependant, pour Mboumba Camille, il ne s'agirait pas d'emblée de jalousie, de haine ou de malveillance mais plutôt de l'incapacité des détenteurs (maîtres) des "éléphants du village" à les nourrir. Dans l'univers culturel gisir, l'éléphant occupe une place de choix dans les pratiques liées à la protection contre les attaques mystiques et celles de la chasse à l'éléphant mais également dans les méthodes de protection des cultures vivrières. Ces pratiques donnent lieu à la détention d'un éléphant à qui l'on va confier un certain nombre de missions. Cependant, ces "éléphants du village" sont comme tous les autres éléphants naturels. Ils aspirent aux mêmes besoins notamment celui de se nourrir. Selon Nicolas Manlius et Pierre Pfeffer (1999), un éléphant consomme quotidiennement 150 à 280 kg de matière végétale. Et la difficulté éprouvée par les propriétaires de ces "éléphants du village" est celle de pouvoir les nourrir à l'échelle individuelle sachant qu'ils doivent se nourrir eux-mêmes ainsi que leurs familles.

De ce fait, ne pouvant pas nourrir leurs "éléphants du village", ils leur laissent la latitude d'aller se nourrir dans les champs des autres. Outre ces raisons d'ordre culturel, la déprédation des cultures à Mandji est liée aussi à des causes naturelles. D'après Jules Olago, « Il y a certaines saisons où les espèces végétales dont se nourrissent les éléphants comme le moabi ne produisent pas assez de fruits. Certaines saisons, il y a plus de fruits en forêt et d'autres pas assez donc la quantité de nourriture devient insuffisante pendant ces saisons pour les éléphants.  Le moabi par exemple, est un arbre qui donne les fruits tous les deux ans » 196(*). Or les fruits du moabi sont l'un des plus favoris des éléphants. Ce qui revient donc à dire que pendant les périodes où les moabi ne produisent pas, alors les éléphants se rabattent sur d'autres fruits et les cultures vivrières des populations locales. Par ailleurs, selon Bas « Les éléphants qui causent les dégâts sont parfois parmi les plus vieux. Lorsque l'éléphant vieilli, les cinq dents de l'arrière se détruisent parce qu'ils mangent des aliments durs. Et au bout d'un certain âge, il a mal et ne peut plus consommer des aliments durs. Donc il va développer une préférence pour les aliments doux. Et cultures vivrières constituent des aliments doux pour lui »197(*). L'un des critères de choix du site agricole est la présence des points d'eau. Cela s'explique d'ailleurs par les noms des sites agricoles comme Ovingui, Douengui, Doubandji, Mouréri, Tamba, qui sont des noms des cours d'eau. Du fait de la distance qui sépare les villages et les sites agricoles, les populations érigent toujours des campements à proximité des points d'eau afin de se désaltérer et de préparer les aliments. Selon Perrine Mawouiri198(*), « Les gens font des plantations non loin des points d'eau parce que si tu faits un campement pour venir y séjourner, tu auras besoin d'eau pour préparer et boire. Tu ne pourras pas venir travail s'il n'y a pas d'eau à proximité. L'homme ne peut rester sans eau parce que si une personne s'évanouit vas-tu le réanimer avec quoi ? Moi je fais toujours mes plantations là où il y a un peu d'eau parce que l'eau est précieuse. Dans le campement il peut arriver qu'une personne tombe malade et on ira pas au village chercher de l'eau. On a besoin d'eau pour boire et préparer. Quand on travaille on doit toujours boire l'eau même s'il y a un peu de vin. Là où nous sommes il y a des rivières et les marécages ».

Or d'après Steeve Blake (2002), « les marécages sont un habitat important pour les éléphants tout au long de l'année mais plus particulièrement durant les périodes sèches. » il y ajoute que : « à certains endroits, les éléphants sont fréquemment rencontrés en très forte concentration dans les zones de terre ferme à proximité immédiate des marécages »199(*). Donc les points d'eau sont des zones par excellence des éléphants. Les éléphants en se déplaçant à la recherche des points d'eau, peuvent rencontrer des cultures. Les dommages aux cultures sont également influencés par un type de végétation où l'on rencontre des arbres tels que le douka. Dans la recherche de certains fruits, leur découverte peut coïncider avec celle d'un champ comme le montre la photo n°11.

L'image ci-dessus a été prise également lors de nos enquêtes de terrain sur la route Mandji-Yeno. Cette photo montre la présence d'un arbre appelé douka (Piptadenia africana Hook..) que les Bisir appellent muduka, entouré d'herbes et derrière lequel, nous apercevons les branches d'un autre arbre. Au premier plan et devant ce douka, nous avons une jeune tige de manioc. A gauche de cette tige de manioc, nous observons des jeunes feuilles de manioc et à droite, nous voyons des herbes.

La présente image met en évidence certains paramètres environnementaux qui sont à l'origine de la présence des éléphants dans les champs. En effet, le douka est un arbre dont les fruits sont très appréciés par les éléphants. Cet arbre étant dans le champ, la découverte de celui-ci va amener les éléphants à s'attaquer aux les cultures qui s'y trouvent.

Photo 11 : un douka dans une plantation sur la route Mandji-Yeno.

(Cliché MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA, le 08 mai 2007).

3.13 Les Causes socio-économiques et politiques

Certaines causes du conflit hommes-éléphants dénoncés par les populations de Mandji sont liées aux conditions socio-économiques et politiques. Comme nous l'avons déjà mentionné plus haut, la région de Mandji, est une région productrice de pétrole et de bois. Selon Paul Marie Lounga (1999) l'exploitation forestière a porté ses fruits dans la région de Mandji depuis 1987 avec la découverte du champ pétrolifère de Coucal et en 1991 avec celui d'Avocette, suivi du gisement Nziembou-Diguégui en 1996. Cependant, les populations ont le sentiment de ne pas bénéficier ou de ressentir les retombées de ces activités dans leur vie quotidienne. Elles estiment avoir vécu depuis longtemps dans une situation d'autarcie et de dénuement qui n'a pas facilité leur développement. De ce fait, elles ont le sentiment d'avoir été abandonnées par les pouvoirs publics sans raisons justifiées alors que leur terroir produit des richesses. Ce sentiment d'abandon ressenti par la population est reconnu par Bas dans cet extrait de discours: « L'une des raisons est que les populations se sentent délaissées par l'administration centrale qui ne se préoccupe pas de leurs problèmes quotidiens. Les gens manquent d'hôpitaux, d'écoles, d'eaux, de routes,... et ils les voient seulement pendant les campagnes électorales pour faire les promesses qu'ils ne réalisent pas et les ONG, elles pendant les campagnes de sensibilisations sur la protection. Donc ils trouvent l'éléphant comme la clé où ils greffent tous leurs plaintes. Les plaintes sur les éléphants ne sont que la manifestation de tous leurs problèmes non résolus puisqu'il y a d'autres animaux qui ravagent mais ils ne font pas de problèmes »200(*).

En effet, les populations attendent un changement de leurs conditions sociales. Elles se plaignent des routes enclavées, du manque criard d'équipement et des médicaments dans les dispensaires, de la cherté des produits de première nécessité mais également, elles réclament des meilleures conditions d'enseignement pour leurs enfants et de l'implantation d'une antenne de télévision et biens d'autres choses. Ces plaintes sont mentionnées ici par Camille Mboumba quand il dit : « Voyez-vous comment ces gens là nous traitent-ils ? Veulent-ils nous voir mourir ou vivre ? Ce sont eux qui profitent de l'argent et des avantages du pétrole et du bois et lorsque les éléphants viennent dévaster nos champs, ils nous disent de ne pas les tuer. Comment va-t-on résoudre un tel problème ? Les prix chez les maliens et chez les mauritaniens ne sont pas abordables (...) Regarde notre route, lorsqu'il pleut elle se coupe. Dans notre dispensaire il n'y a pas de médicaments. Lorsqu'une personne tombe malade, elle ne fait soigner soit Mouila soit à Lambaréné (...). Nous n'avons pas de télévision ici, nous ne pouvons pas suivre les évènements du pays ceux qui en ont ne suivent que les évènements des autres pays. Nous ne savons pas ce que font les gens que nous élisons ici tous les jours et nous, nous souffrons à cause de leurs éléphants »201(*).

Le mécontentement de leurs conditions sociales actuelles est exprimé à travers le conflit hommes-éléphants. Dans la mesure où les cultures détruites sont leurs biens légitimes, les populations estiment avoir le droit d'exprimer leur désagrément. Dans leurs discours, on voit bien qu'elles dénoncent les mauvaises conditions de vie qui sont les leurs dans l'espoir que l'administration centrale réagira favorablement à leurs préoccupations. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles, nous avons remarqué l'exagération de l'ampleur des dégâts par certaines personnes. Car elles pensent que l'administration va les dédommager. Ce type de comportement a été reconnu par Mahamame Halidou Maïga (1999) dans une étude sur les relations Hommes éléphants menée au Gourma Malien. L'auteur révèle que « Les populations exagèrent faciles les dégâts dans l'espoir d'être dédommagées »202(*).

Le niveau de dégâts perçu par les villageois est beaucoup plus élevé que les dégâts effectifs quand ceux-ci sont objectivement mesurés. A Mandji, nous avons enregistré quelques cas à l'exemple de celui de Nguimbety Nzinzi Jean Claude qui nous a rapporté que toutes ses plantations avient été dévastées par les éléphants. Cependant, lorsque nous avons pris attache avec sa femme pour aller faire un constat sur les lieux, nous avons été déçu de ne constater que les dégâts occasionnés par les éléphants ont été le fait d'un simple passage des éléphants sur le champ en piétinant quelques maniocs. Par ailleurs, la définition des objectifs et des activités menées dans le cadre des projets de la gestion durable de la faune s'est généralement faite sans impliquer les populations locales. La quasi-totalité de la population locale de Mandji ne sait même pas pourquoi on leur interdit de ne plus abattre les éléphants. Cette définition ne tient pas compte des aspirations des populations locales. Ce qui en définitive crée un fossé entre l'administration et elles. Ce fossé se fait remarquer par l'usage dans leur discours des expressions telles que « batu benu » (vos gens), « yawu » (eux), « batu bagu » (tes gens), « batu bana » (ces gens là), « nzahu tsiawu » (leurs éléphants), « bane bawu » (leurs enfants). L'usage récurrent de ces termes est le signe de la non-implication et de la non-prise en compte des populations locales. Ces termes nous laissent entendre également que les éléphants sont la propriété exclusive de l'Etat et témoigne le manque d'implication des populations. Celles-ci ne se sentent pas concernées. Cette attitude des populations locales vis-à-vis de l'administration a également été soulignée par Jean Profizi (1999) dans son article « Trop d'éléphants au Gabon ? »203(*) dont le premier sous- titre «  Emportez vos enfants les éléphants » est révélateur.

Jean Profizi (1999) dans cet article, nous rapporte qu'en mars 1996, le chef du village Mambi dans la Nyanga avait répondu à une délégation du ministère gabonais des eaux et forêts sur une question relative à la santé de la forêt qui les entoure et sur les mesures qu'ils désireraient voir prendre pour leur permettre de continuer, ainsi que leurs enfants, à profiter de la forêt et si possible, d'améliorer leur sort, que : « Vous les Eaux et Forêts reprenez vos enfants les éléphants, vous nous interdisez de les chasser, d'accord, on respect. (...) Mais prenez-les dans la brousse, emmenez-les et gardez-les, chez vous. Sinon il faudra bien qu'on désobéisse à l'Etat et que la chasse reprenne...»204(*). De telles réactions sont manifestées par les populations locales de Mandji à l'exemple de celle de Camille Mboumba qui dit : « Cependant, s'ils disent seulement de ne pas tuer les animaux, lorsque les gens seront dépassés par les dégâts des éléphants, ceux qui possèdent des moyens les abattront (...) s'ils veulent que leurs enfants soient protégés, qu'ils viennent établir des limites pour les garder pour que les gens ne partent plus là où ils sont».205(*) En effet, au Gabon, comme dans beaucoup de pays en voie de développement, la première préoccupation des hommes est leur survie, et non pas la conservation de la faune sauvage telle que conçue actuellement par le pouvoir institutionnel.

Les hommes et les animaux partagent la terre, et des animaux comme les éléphants sont considérés par les premiers comme une menace à leur survie et gênent leurs objectifs de développement. C'est dans cette optique que Camille Mboumba dit : « « l'éléphant est un animal qui embête les gens avec leurs cultures, il peut lui aussi être brimer pour qu'il ne soit plus ici»206(*). Mais le processus peut être enrayé si toutefois la faune sauvage, y compris les éléphants, sont économiquement rentable pour les populations locales. En effet, une meilleure acceptation de la présence d'éléphants ne s'avère possible qu'à partir du moment où l'animal constitue une source substantielle de revenus pour les villageois. L'aboutissement à une cohabitation pacifique entre l'homme et l'éléphant passe par la valorisation économique de l'éléphant au profit des populations locales. 

La faune sauvage doit être comme le souligne Tchamie Thiou Tanzidani Komlan207(*), un patrimoine national et, à ce titre, elle ne doit pas être la propriété exclusive de l'Etat qui tire seul profit du tourisme et de la chasse autorisée. Ainsi, pour n'avoir toujours pas, à leur avis, bénéficié des retombés de la croissance économique du pays à l'époque des vaches grasses, les populations de Mandji estiment avoir le devoir de profiter de l'exploitation des ressources naturelles conformément aux prescriptions du droit coutumier et aux pratiques traditionnelles jusque là observés. De l'Etat, elles ne récoltent que des proscriptions légales qui leur annoncent des privations de jouissances des « ressources reçues de leurs ancêtres ». Et d'après Camille Mboumba « Ce sont eux qui profitent de l'argent et des avantages du pétrole et du bois et lorsque les éléphants viennent dévaster nos champs, ils nous disent de ne pas les tuer »208(*). Ainsi, à cause de la privation des retombées du pétrole exploité dans leur région, les populations de Mandji ont « depuis 1993 connu près d'une demi-douzaine de mouvements d'humeur qui émaillé les relations entre elles et les sociétés pétrolières opérant dans la région. Cette hargne récurrente puise ses racines dans la conjugaison d'un certain nombre d'évènements (...) vécus par les populations comme de véritables frustrations liées notamment au fait que ces derniers estiment ne pas profiter de l'exploitation des ressources tirées du sol et du sous-sol de Ndolou »209(*).

Cette série de crise déclenchée depuis 1993 se poursuit de nos jours et le dernier date de décembre 2004 qui a fait deux morts et plusieurs blessés. Etant donné que des conflits liés aux ressources naturelles ont déjà eu lieu dans la région, il serait impératif de chercher des solutions aux problèmes de la déprédation des cultures vivrières car le conflit homme éléphant dans la région existe bel et bien même et pourrait dégénérer à un moment donné. Et c'est là l'un des intérêts de ce travail.

3.14 Abandon des pratiques agricoles endogènes

Dans l'espace culturel gisir, chaque clan ou chaque lignage a son domaine forestier. Celui-ci était une propriété collective et, seuls, les membres du clan avaient le droit de s'y établir, de l'exploiter et d'y circuler librement. L'exploitation de ce domaine forestier chez les Bisir se faisait sur la base à la fois familiale et sociale. Le groupe familial représentait l'élément de travail permanant de l'unité de production mais le recours à la société d'entreaide était souvent indispensable. Cette société d'entreaide était un groupe de travail qui rassemblait au niveau de chaque lignage ou clan, selon des critères donnés, un certain nombre de personnes, en vue de l'exécution d'une tâche de production précise. Cependant, l'introduction de l'économie monétaire a sérieusement perturbé le schéma traditionnel d'organisation de la production. En juxtaposant à une économie du besoin une économie de profit, elle a entraîné l'éclatement des sociétés d'entreaide.

Celles-ci se constituaient désormais moins sur la base du lignage que sur la base de rapports d'affinité multiples. Elles deviennent des unités d'intervention groupant un ensemble de personnes ayant décidé de mettre leur force de travail en commun pour la louer à qui en a besoin sous forme de contrat de type salarial. Cet éclatement des sociétés d'entreaide va donner donc naissance à l'individualisation des unités traditionnelles de production même si le domaine agricole demeure toujours collectif.Ainsi, les unités de production étant devenues individuelles, lors des incursions des éléphants dans les champs, les opérations de lutte contre les animaux prédateurs s'effectuent également de manière individuelle. Ce qui revient à dire comme le souligne Sally Lahm (1996, cité dans Halford Thomas et al., 2003) que l'abandon des pratiques communautaires de l'agriculture remplacées par les approches plus individualistes concentre les dégâts sur l'individu et non plus sur la communauté. Or si la production se faisait encore de manière collective, les mesures de lutte devaient être également communautaires et plus efficaces. De plus, du fait des regroupements administratifs des villages, plusieurs familles ont abandonné leurs terres. Et pour survivre dans leur nouvel espace, elles ont du s'approprier des terres sur la base du principe du premier occupant, loin des terres des autochtones. Ce qui explique alors que les champs des uns et des autres soient éloignés. Mais cet éloignement favorise les incursions des éléphants dans les champs. Par ailleurs, pour lutter contre la déprédation des cultures par les éléphants, les Bisir avaient un certain nombre de pratiques rituelles qu'ils opéraient mais celles-ci sont presque abandonnées. Les quelques rares personnes qui les utilisent sont souvent taxées de sorciers.

3.15 Eloignement des champs et croissance démographique

Selon les données du recensement de la population de 1993, la population rurale de la région de Mandji était estimée à 2187 individus et celle dite urbaine comptait près de 1776 habitants. Cependant, si l'on tient compte du nombre des villages dont le nombre d'habitants a périclité ou ceux qui ont totalement disparus tels que Kanana, Meli et Guikolou mais également de l'émergence des nouveaux quartiers dans la ville de Mandji tels que « Plein-air » ou la Cité Mpira, l'on est en droit de soutenir que ces données ne font plus autorité aujourd'hui. Pour Paul Marie Lounga (1999), depuis l'année du dernier recensement beaucoup de personnes enregistrées dans les villages voisins de la ville s'y sont installées de manière significative et définitive. Ce qui revient à dire que ces données ne sont plus d'actualité.

En effet, cette hypothèse est soutenue par le nombre de villages qui ont présentement périclité ou ont totalement disparu. La disparition de ces villages ou le rétrécissement du nombre de leurs habitants a favorisé une croissance démographique au niveau de la ville de Mandji. D'ailleurs cela est visible par l'agrandissement sans précédent de la ville avec l'émergence des nouveaux quartiers comme Plein-air, cité Mpira et la cité Forextra. Cependant, cette croissance relative de la population pose un problème de terres cultivables.

D'après M. Tshiunza et E. Tollens (1997), « la pression démographique conduit généralement à une raréfaction des terres cultivables ; celle-ci peut-être absolue ou relative. Elle est absolue lorsqu'il y a encore de nouvelles terres cultivables disponibles mais situées loin des habitations des paysans. Dans ce dernier cas, les paysans ont la possibilité soit de continuer à cultiver, tout en réduisant la durée de la jachère, les terres proches de leurs habitations, soit d'ouvrir des nouveaux champs loin de chez eux. Ouvrir des nouveaux champs est plus avantageux du point de vue de la fertilité des sols spécialement dans les systèmes de production où les paysans ne comptent que sur la jachère pour améliorer la fertilité des sols »210(*). Comme le montre notre carte n°1, la ville de Mandji a été érigée sur une plaine. Ce qui revient à dire que les terres cultivables les plus proches non seulement, elles ne sont pas nombreuses mais également ce sont celles où les règles d'appropriation sont les plus strictes. Aujourd'hui, du fait de plusieurs années de culture et de la diminution du temps de la jachère, ces terres ne sont plus fertiles et la production devient de plus en plus faible.

De ce point de vue, les populations sont contraintes de s'éloigner davantage de la ville en quête de terres plus fertiles car les champs éloignés sont généralement sujets à des longues périodes de jachère ; celles-ci permettent la restauration de la fertilité naturelle des sols. Cependant, l'exploitation des champs éloignés présente un certain nombre de désavantages. D'après Simons S. (1986, cité dans M. Tshiunza et E. Tollens 1997), le premier désavantage lié à l'exemple des champs éloignés est le temps de marche supplémentaire pour atteindre et en revenir ainsi que pour transporter les récoltes. A Mandji, outre le transport des récoltes sur les longues distances, c'est surtout le temps de marche supplémentaire qui pose le plus problème car il empêche aux paysans de mettre en place chaque soir les mesures de prévention contre les incursions des éléphants dans la mesure où les champs ne sont pas situés à proximité des villages. Cela revient à dire que si une personne n'est pas au campement, elle ne peut mettre tout le dispositif de prévention en place. En effet, hormis la mise en place d'une clôture, l'idéal est d'allumer les feux et les lampes chaque soir. Or les populations ne peuvent pas effectuer ces longues distances chaque jour en aller et retour.

Un autre inconvénient est celui lié à l'occupation des territoires. Au regard du manque de terres cultivables proches des habitations, les populations aménagent parfois sur des sites déjà colonisés par les éléphants ou propices à leur présence. C'est pourquoi Barnes Richard (1996, cité dans Halford Thomas et al., 2003) note que l'une des causes du conflit est l'augmentation de l'étendue géographique de l'agriculture notamment dans les zones où les éléphants se trouvent ; elle peut s'expliquer par l'augmentation de la démographie et par l'appauvrissement des terres périphériques aux villages et la recherche de terres plus fertiles.

3.16 Espaces protégés et interdiction de la grande chasse

La ville de Mandji et certains villages font partie intégrante de la CFAD de Mandji de la CBG. Ce plan d'aménagement prévoit la mise en place d'un plan de gestion de la faune ; et pour y parvenir, la CBG a depuis 2005 entrepris des échanges avec le WWF. Celles-ci ont abouti à un appui du FFEM (Fonds français pour l'Environnement Mondial) au WWF dans le cadre du programme initiative pour le patrimoine mondial forestier en Afrique Centrale (CAWHFI) afin d'appuyer techniquement l'administration de la CBG dans la mise en oeuvre de ce plan de gestion de la faune211(*). C'est ainsi que dans cette CFAD, la CBG réglemente tout transport de chasseurs, d'armes à feu et de gibiers. Elle a également procédé à la fermeture des routes et la destruction des points d'exploitation non utilisés. Et avant cette période, en 2002 l'Etat gabonais a crée 13 parcs nationaux dont celui de la Moukalaba-Doudou comme en témoigne la carte n°5. La présence de ces espaces et celle de la CFAD de la CBG favorisent la recrudescence de la population animalière et notamment celle des éléphants qui trouvent en ces lieux des refuges de sécurité.

C'est dans cet esprit que Jules Olago dit que « Mandji est à l'intérieur de la CFAD de la CBG tout comme les villages Yeno, Masana, Petit-village, carrefour Rabi et Peny1 et dans ces zones la chasse est presque interdite. C'est qui fait la population animalière à augmenter et n'ayant plus de quoi se nourrir, les éléphants se rabattent sur les champs des populations »212(*). Et Bas213(*) de dire : « C'est un problème répandu partout en Afrique où il y a l'éléphant. Au Gabon, le problème se pose le plus là où il y a des aires protégées à proximité des populations et il en résulte parfois des conflits entre les populations et les responsables de l'administration ». Aussi reconnaît-il que : « Les éléphants sont devenus très nombreux, la population d'éléphant est en bonne santé au Gabon ». Cette croissance de la population des éléphants a aussi été rendue possible par l'interdiction de la chasse dans les aires protégées (article 259 Code forestier) mais également à cause de l'interdiction de la grande chasse au gabon. Cette interdiction favorise la recrudescence de la population animalière dans les espaces protégés. Et parmi les facteurs qui sous-tendent le conflit entre les humains et les éléphants, Barnes et al. (1996)214(*) citent le  confinement des éléphants dans les aires protégées où ils se trouvent parfois en surpopulation. En effet, depuis 1981 la grande chasse a été interdite sur toute l'étendue du territoire gabonais par le décret présidentiel n° 000115/PR/MAEFDR. Ce décret a été renforcé à partir de 1989, date à laquelle le Gabon a inscrit l'éléphant sur l'annexe 1 de la CITES. Cette inscription s'est soldée au début de l'année 1990 par l'interdiction du commerce interne de l'ivoire au Gabon dans l'optique de diminuer l'intensité du braconnage de l'éléphant et le flot d'ivoire gabonais vers l'étranger. De plus selon, les nouvelles dispositions en matière de politiques environnementales, le code forestier en son article 215, interdit la chasse dans les aires protégées. Ces dispositions ont donc favorisé davantage la croissance de la population des éléphants. Et nous nous accordons avec Jean Pierre Profizi (1999) quand il dit : « la «  grande chasse » a été interdite au Gabon comme dans la plupart des pays africains. Tout cela a produit la situation actuelle : des populations d'éléphants en expansion générale exerçant une pression sur les cultures qui devient insupportable pour les villageois »215(*).

Dans la même optique, Claude Augée Angoué, dans une étude réalisée à la Lopé, affirme que : « les dispositions prises par les populations locales pour protéger leurs champs ne peuvent plus faire face aux dégâts causés par la concentration d'animaux dans les aires protégées, notamment celle des éléphants d'Afrique protégés par l'interdiction de la grande chasse au Gabon depuis le début des années quatre vingt »216(*). A la suite de Jean Pierre Profizi et de Claudine Angoué, nous nous accordons à dire que « le problème se serait aggravé depuis que des lois plus strictes relatives à la chasse et à la protection des espèces ont été introduites, en particulier dans le cas des éléphants »217(*). De ce point de vue, l'augmentation de la population d'éléphants à Mandji expliquerait leur présence récurrente tant en saison sèche qu'en saison de pluies dans les champs des populations locales dans la mesure où les dégâts s'échelonnent pendant toute l'année. Même si les incursions en saison de pluies sont plus importantes, mais celles enregistrées en saison sèche ne sont pas négligeables.

Selon les populations, traditionnellement il y avait deux périodes au cours desquelles, les incursions des éléphants se produisaient. Les premières incursions se déroulent entre septembre et octobre et les secondes s'effectuaient entre mars et mai. Cependant, selon nos informateurs, les éléphants n'ont plus de période préférentielle. Ils interviennent dans les champs à n'importe quel moment. Par ailleurs, la recrudescence de la population d'éléphants peut également s'expliquer par la perte de la crainte de l'homme du fait qu'ils ne se sentent plus en danger face à lui. Cette perte de la crainte de l'homme a été favorisée par sa protection. Et parmi les facteurs inhérents au conflit hommes-éléphants, Kangwana (1995)218(*), retient la perte de la crainte de l'homme due à sa protection et à la lutte contre le braconnage dont l'espèce bénéficie inhérente à son inscription sur la liste CITES. En effet, l'une des causes retenues par les populations est celle de l'interdiction de la chasse à l'éléphant. D'après Adolphe Mboula Yakouya, « Ils sont devenus nombreux c'est pas pour rien, c'est parce que les blancs ont toujours défendu de les tuer. Ces éléphants sont devenus aussi plus nombreux parce qu'ils se sont beaucoup reproduits, c'est un animal qu'on ne tue pas beaucoup puisqu'il est protégé. On le tue que par moment »219(*). Marianne Courouble pour sa part, affirme qu' « en Afrique australe, les éléphants se reproduisent à un taux de 5 à 6%, ce qui donne 3500 éléphants de plus chaque année. »220(*)

3.17 Impacts des éléphants sur les hommes

Les conflits hommes éléphants sont entre autres l'une des conséquences des nouvelles politiques environnementales. En effet, l'impact des politiques environnementales sur les activités socio-économiques traditionnelles a fait l'objet de plusieurs rapports à la demande des organismes de protection de l'environnement. A l'exemple de ceux de Sally Lahm (1994 ; 1996), Languy Marc et Moussounda Nzamba P. (1996), Languy Marc (1996) et Blaney S. et al. (1998). A propos de ces rapports, Claudine Augée Angoué note dans une étude menée sur les populations de la réserve de la Lopé, qu' « ils ont souvent mis l'accent sur la déprédation des cultures par les animaux (éléphants, mandrills et rongeurs) et les moyens d'y faire face, sans pour autant remarqué que les conditions de développement entraînées par les activités de protection et de conservation de forêt peuvent nuire au bon fonctionnement de la société rurale»221(*).

Les problèmes de conflits entre les hommes et les éléphants bien que localisés au Gabon, causent préjudices aux populations locales affectées. A Mandji, nous avons remarqué comme l'avait également remarqué Claudine Augée Angoué que « les dispositions prises par les populations locales pour protéger leurs champs ne peuvent faire face aux dégâts causés par la concentration d'animaux dans les aires protégées, notamment celle des éléphants d'Afrique protégés par l'interdiction de la grande chasse au Gabon depuis le début des années quatre-vingt. Du fait de l'accroissement de la population animalière qui annule les efforts entrepris par les femmes et des difficultés éprouvés par celles-ci à changer le comportement socio-économique. (...) »222(*). Ainsi, ne pouvant plus faire face aux incursions des éléphants, certaines familles victimes des dégâts causés par les éléphants, ont abandonné des plantations entières cultivées comme nous l'apprend Diawou Marie Augustine dans cet extrait de corpus : « Moi j'étais à Luba, j'ai abandonné ce secteur à cause des éléphants il y a deux ans. Il n'y a plus des gens, ceux qui restent, on les comptes. Moi je suis parti à Dubandzi les autres sont partis sur la grande route de Yeno. J'ai encore tenté à Dubandzi. La saison sèche au cours de laquelle je suis passé à Dubandzi ils ont dévasté ma plantation, cette saison je n'ai plus débroussé, on a seulement fait un jardin »223(*).

Cette conséquence explique le rapprochement des champs près des terres situées à proximité des villages, zone souvent composées de terres appauvries par plusieurs décennies de cultures sur brûlis. Les parcelles arables sont devenues exiguës et la jachère n'est plus suffisante pour régénérer les sols. A cet égard, la productivité s'effondre et les villageois s'appauvrissent. Cet état d'appauvrissement est le fait qu'aujourd'hui, l'agriculture demeure la principale activité traditionnelle génératrice de revenus pour les familles à côté de la chasse qui se pratique de moins en moins à cause des nouvelles lois relatives à l'exploitation de la faune sauvage. Nous avons également constaté que les villageois victimes de dégâts rencontrent des difficultés économiques et financières suite aux dégâts. Plusieurs d'entre eux n'ont pas, ou peu, eu de revenus de la saison agricole et ont manqué d'argent et d'aliments de base pour organiser leurs cérémonies rituelles en conséquence et pour préparer la saison agricole suivante. En effet, chaque femme, à chaque début de saison agricole, compte toujours sur son ancien champ pour récolter les plants qui vont servir à la culture du nouveau champ. Mais également aux revenus issus de celui-ci pour satisfaire défricheurs et abatteurs. Or si tout le champ a été dévasté par les éléphants, elle se retrouve sans moyens pour aménager son nouveau champ. Aussi, les dégâts causés par les éléphants, plongent les populations dans une situation d'insécurité alimentaire les entraînant ainsi à changer certaines de leurs habitudes alimentaires mais également les relations entre elles et les populations urbaines. Cette situation d'insécurité alimentaire a été reconnue par Elie Hakizumwami (2005) qui soulignait déjà que « l'assistance aux populations locales à mieux maîtriser les conflits de cohabitation entre les hommes et les éléphants contribuerait à limiter les dégâts que causent ces animaux et à éviter l'insécurité alimentaire qui résulterait de ces dégâts »224(*). Aujourd'hui, nombreuses sont, les familles qui survivent qu'avec de la nourriture achetée. C'est ce constat que nous fait partager Kassou Charlotte quand elle dit : « Je connais plusieurs familles ici qui ne vivent qu'avec de la nourriture qu'elles achètent. Or si une personne n'a plus de nourriture, elle souffre, elle a la famine, elle ne vit qu'en quémandant chez les autres et en achetant. Or la nourriture que l'on quémande ne peut nourrir la famille parce que si je quémande aujourd'hui, demain je ne pourrais pas aller quémander et pour acheter, il faut avoir l'argent »225(*).

Or au regard des prix d'achat, il n'est pas souvent évident aux familles d'offrir à leurs familles une nourriture de bonne qualité de manière régulière et en quantité suffisante. Ce qui amène les femmes à recourir à l'entraide alimentaire. Cependant, dans la société traditionnelle gisir, une femme qui passe son temps à demander à d'autres la nourriture est considérée comme une femme paresseuse. Voilà pourquoi l'on a observé que malgré les dégâts que les éléphants causent dans leurs champs, les femmes redoublent d'efforts pour faire d'autres champs. Car pour éviter d'être taxé de paresseuse par les autres femmes, vaut mieux avoir une plantation détruite par les animaux que ne rien avoir du tout. Cependant, ce comportement modifie leur rapport à l'environnement. En effet, traditionnellement, l'agriculture pratiquée par les populations de Mandji est une agriculture itinérante sur brûlis dont les superficies des champs s'étendent de deux à trois hectares, basée sur un système où des terres anciennes cultivées sont mises en repos pour y être exploités de nouveau après une période de 5 à 6 ans pendant que de nouvelles terres sont mises en culture. Cependant, le constat fait sur le terrain révèle que la tendance est plutôt à une agriculture de conquête, où de plus en plus de nouvelles terres sont colonisées et les anciennes laissées à l'abandon.

Aussi, pour tenter d'échapper aux dégâts causés par les éléphants, les femmes ont adopté l'habitude de faire 2 ou 3 grandes plantations dans des secteurs différents avec l'espoir que si l'une d'entre elles est détruite, elles pourront survivre avec les autres, ainsi nous précise Diawou Marie Augustine dans le segment de corpus suivant : « Certaines personnes qui ont des moyens font désormais deux ou trois plantations parce que si les éléphants viennent dévaster une d'entre elles, elles peuvent survivre avec le reste. D'autres, font des très grandes plantations de cette manière si les éléphants viennent la dévaster, ils ne finiront pas toutes les cultures en une seule nuit»226(*). D'autres femmes par contre, optent pour la réalisation d'une seule plantation mais avec une dimension assez importante de 5 à 7 hectares avec l'espoir également que si une partie de la plantation est détruite, elles peuvent se nourrir avec l'autre partie comme en témoigne Perrine Mawouiri quand elle souligne que : « Cette année j'ai fait une seule grande plantation (...) cette plantation, je l'ai divisé. Une partie j'ai mis les tubercules, le manioc. L'autre partie, je n'ai mis que la banane puis entre les bananiers, j'ai mis les taros blancs et rouges, les ignames, les aubergines, les tomates, le tabac, le piment, l'oseille (...) de cette manière même s'il mange une partie je pourrais survivre avec l'autre »227(*). Cependant, ce comportement nuit à l'environnement dès lors que des nouvelles terres sont de plus en plus exploitées. Ces conflits ont également un impact important sur la psychologie des populations et en particulier sur celle des femmes. Une fois que la présence des éléphants a été identifiée dans un secteur où elles ont des plantations, elles n'hésitent pas à les abandonner à cause de la peur que suscite cet animal. Ce sentiment de peur qui anime les populations est exprimé par Germaine Bibalou dans le fragment de texte suivent : « J'ai une plantation qui a été dévasté par les éléphants dont nous n'avons même pas goûté une seule nourriture, même une patate douce n'a pas été goûtée pendant l'année 2002. Je l'avais faite au village qu'on appelait Maniani. Une fois que j'avais fini de cultiver, les plantes commençaient à produire. Mais nous n'étions que deux femmes dans le campement (...) toutes les autres ne restaient pas au campement qu'au village donc les éléphants étaient devenus plus menaçants parce qu'il n'y avait pas des gens pour les chasser dans tout le secteur. Les éléphants ne s'éloignaient plus et puis nous avons pris peur, nous sommes rentrées au village. Et les éléphants ont tout détruit, elle était comme cette cours, même une bouture de manioc, on ne pouvait plus en trouver.»228(*).

D'ailleurs, nous avons constaté que les gens ne peuvent plus rester dans leurs champs au-delà de 15h car à partir de 17h, les éléphants font leur entrée dans les champs. Cette peur engendre un autre coût social qui réside dans la baisse du rendement du travail dans la journée dès lors que les gens ne peuvent plus travailler dans leur champ en toute quiétude. Certaines personnes ont cédé au découragement. Ce découragement a un grand impact sur les jeunes générations de femmes qui sont appelées à perpétuer la pratique agricole comme en témoigne Diawou Marie en disant : « Regarde même Mimi qui voulait commencer à apprendre à faire sa propre plantation l'année dernière, est découragée à cause des éléphants or si moi je meurs comment va-t-elle faire avec les enfants ? Il faut qu'elle apprenne à faire les travaux d'une femme »229(*).

3.18 L'impact des dégats pendant la saison sèche et la saison de pluie

Comme nous l'avons dit précédemment, les éléphants peuvent attaquer les cultures à la fois en saison des pluies et en saison sèche, avec quand même des préférences pour certaines périodes dans les saisons. Dans notre zone d'étude, l'endommagement des cultures, pendant ces deux saisons, a un impact très différent sur la vie des populations locales. Pendant la saison des pluies, de septembre à novembre, les populations s'adonnent intensivement à la culture des arachides, maïs, canne à sucre, taro, igname, patate douce, tubercule et banane. La mise en culture peut parfois se poursuivre de janvier jusqu'en mars. La période de septembre à octobre correspond également au moment de la récolte, c'est la période où les cultures des anciens champs arrivent en maturité. Au cours de cette période, non seulement les éléphants s'attaquent aux cultures mûres qui sont dans les anciens champs mais également à celles qui sont encore jeunes dans les nouvelles plantations.

Ces cultures qui sont attaquées par les éléphants au moment de la mise en culture même si elles sont rarement et complètement détruites, les populations considèrent ces dégâts comme très lourdes de conséquences car elles comptent sur ces cultures pour se nourrir pendant la saison sèche. Les attaques de ces jeunes cultures, accroît le travail des femmes qui sont obligées de reprendre la mise en culture en la prolongeant jusqu'en décembre. Les incursions des éléphants dans les champs de février en avril correspondent au moment où les cultures sont en état de croissance intermédiaire si elles n'ont pas subies des attaques en septembre et octobre. Mais si elles ont subies des attaques entre septembre et octobre, et que la mise en culture a été refaite, les éléphants les trouvent en état de croissance jeune. Ces cultures pluviales représentent les principales récoltes vivrières d'une année donc lorsqu'elles sont détruites, c'est la sécurité alimentaire de toute une année qui est menacée. Pendant la saison sèche, les mois de juin et juillet correspondent au moment de la récolte de certaines cultures telles que les taros, les tubercules et les ignames. Par contre le manioc et les bananes sont dans un état de croissance intermédiaire si elles n'ont pas subies de dégâts. Donc pendant la saison sèche, non seulement les éléphants continuent d'attaquer les cultures lorsqu'elles parviennent en maturité mais également celles qui ont un age intermédiaire. Cependant, la saison sèche est la période par excellence des cérémonies traditionnelles donc l'une des conséquences c'est le manque d'aliments de base pour les organiser.

3.3. L'Impact des hommes sur les éléphants 

Tout l'impact du conflit hommes éléphants n'est pas seulement ressenti par les humains. Les éléphants connaissent également des pertes. Selon une information de Intégration Régional Information Net Works, rapportée par Melissa Groo, dans le territoire de Rutshum, à l'Est de la République Démocratique du Congo, de février à avril 2005, huit (8) éléphants ont été abattus par des militaires à cause de la dévastation des cultures. Dans notre zone d'étude, les conflits hommes éléphants provoquent la colère des communautés envers les éléphants, à cause de l'impact négatif qu'ils peuvent avoir sur leur vie. D'après Camille Mboumba, « (...) les Bisir tuaient les éléphants à cause de la destruction des cultures vivrières qu'ils occasionnaient. Lorsque les éléphants devenaient menaçants, ils faisaient appel à un chasseur parce que à cette époque on voyait les éléphants rarement »230(*). Une telle colère peut nuire à la conservation des éléphants, et pousse les populations à tuer les éléphants ou à fermer les yeux sur leur braconnage par vengeance pour les dégâts causés. C'est d'ailleurs, cette colère qui explique les discours du type : «Moi si j'achète ma carabine, je peux souvent abattre les éléphants et les défenses je les vendrais. Hormis cela, l'éléphant est un animal qui embête les gens avec leurs cultures, il peut lui aussi être brimer pour qu'il ne soit plus ici »231(*).

En plus, dans la conception des populations de Mandji, il y a une idée très répendue selon laquelle, si un éléphant, peu importe son sexe ou sa taille, même un éléphanteau est abattu ou blessé, le troupeau abandonne de fréquenter le site où un des leurs a été touché . C'est dans ce sens que Charlotte Kassou nous dit que : « mais celui qui vient détruire les cultures des gens, c'est celui là qu'on doit abattre. Il faut en abattre parce que si un chasseur abat un éléphant à proximité de la plantation, tu peux demeurer même pendant un an les autres ne reviennent pas parce qu'ils sentent l'odeur de leur congénère »232(*). Cette idée amène certaines personnes exacerbées par des dégâts à prendre souvent des risques d'affronter les éléphants. C'est ainsi que Boulikou Albert nous rapporte que : « Moi ici, j'ai failli faire mourir la famille de famine. J'ai été obligé de les retrouver à la plantation. Je les ai patienté pendant trois jours. Le troisième ils sont venus, je me suis caché derrière un gros tronc d'arbre et j'ai tiré sur un d'entre eux dans l'obscurité »233(*). D'autres par contre procèdent à la pose des pièges. Cependant, malgré ce sentiment de vengeance qui anime les populations vis-à-vis des éléphants, la population d'éléphants n'est pas du tout menacée à Mandji.

Nombreuse sont les personnes qui admettent que l'on ne peut abattre tous les éléphants à cause des dégâts qu'ils occasionnent à leurs cultures car l'éléphant est une espèce indispensable, c'est un « gisiemu » chez les Bisir c'est-à-dire quelque chose de précieux. Par contre certains sont d'avis pour abattre uniquement les éléphants responsables des dégâts. Mais à Mandji rares sont les personnes qui sont détentrices d'une arme de grande chasse. Car celles- ci ne sont pas à la portée des populations locales du fait de leurs prix et ceux des fournitures (balles) qui sont inaccessibles pour elles. Selon la responsable de Safari Gabon, une arme de type calibre 375 (4 coups) de grande chasse coûte 1.196.120. FCFA. De plus, les dispositions relatives à la grande chasse ne sont pas souvent à la portée des populations. Selon l'article 163 de la loi 0016/2001, nul ne peut chasser au Gabon s'il n'est détenteur d'un permis de chasse ou d'une licence de chasse. Cependant, les permis de chasse ne peuvent être délivrés qu'aux détenteurs d'un permis de port d'arme (article 165). Quant à l'achat d'une arme, celui-ci nécessite la présentation d'un permis d'achat d'arme délivré par le Ministère de l'Intérieur, de même que celui des munitions qui demande un bon d'achat. Toutes ces dispositions ne favorisent pas une grande possibilité aux populations de pratiquer la chasse à l'éléphant. Toutefois, Jules Olago nous a signalé des cas d'abattage illégal d'éléphants dans la zone. Mais il précise que « Les éléphants même s'ils sont abattus par les populations de manière clandestine, c'est pas à but de braconnage ou commercial en vendant les pointes mais c'est juste pour la protection de leurs cultures et pour la viande »234(*). Les quelques rares fusils de grande chasse appartiennent aux cadres du coin ou sont l'objet d'une donation par les hommes politiques de la localité.

Mais, même si nous relevons l'existence des telles armes à Mandji, le manque criard des chasseurs professionnels et des fournitures de chasse notamment celles des balles freinent les populations à assouvir leur vengeance. L'achat des balles se fait exclusivement à Libreville et le prix d'une balle est de 8.665 FCFA soit 173.300 FCFA la boîte de 20 cartouches selon la responsable de Safari gabon. Or selon Albert Boulikou (corpus n°2, séquence n°3), pour procéder à une partie de chasse à l'éléphant, il faut au minimum cinq balles sinon plus. Cette attitude clémente des populations à l'égard des éléphants et le manque de moyens nous amène à soutenir l'assertion de certains experts de la faune qui disent qu'«  au Gabon, la faune sauvage est abondante et aucune espèce n'est en danger »235(*).

Conclusion

Notre recherche a porté sur les rapports Hommes, cultures vivrières et éléphants chez les Bisir de Mandji. En d'autres termes il s'agissait d'analyser les rapports de l'homme à l'éléphant par rapport à la déprédation des cultures vivrières. Au terme de cette recherche, la construction de notre objet d'étude nous a permis de découvrir les différents aspects du modèle culturel de l'éléphant chez les Bisir mais également les facteurs sur lesquels reposent la destruction des cultures vivrières par les éléphants. Ces rapports nous ont amené à analyser les logiques auxquelles répond le conflit entre les populations de Mandji et les gestionnaires de la faune par rapport à la destruction des cultures par les éléphants. Cependant, la problématique que nous avons développée dans ce mémoire s'est focalisée principalement sur la question relative aux critères sur lesquels reposent les rapports Homme/éléphants dans la société gisir. A cette question principale, nous avons greffé celle liée à la causalité des incursions des éléphants dans les champs.

L'objet de la recherche est l'analyse des rapports de l'homme gisir à l'éléphant par rapport à la destruction des cultures vivrières. Pour analyser ces rapports, une hypothèse centrale a été formulée. Celle-ci stipule que les rapports Homme/éléphants dans la société gisir reposent sur les représentations sociales et culturelles que les Bisir se font de la faune sauvage et de l'éléphant en particulier. Par rapport au terrain, cette hypothèse semble être vérifiée. En effet, les résultats mettent en évidence que ces représentations sociales et culturelles sont celles qui définissent la pratique de la chasse à l'éléphant, les techniques de protection des cultures contre les incursions des éléphants, certaines assises du pouvoir politique, la protection contre les attaques mystiques et certains projets sociaux. Par rapport à l'hypothèse secondaire, celle suppose que les causes des incursions des éléphants dans les plantations sont dues à un changement dans l'utilisation du territoire par l'homme, à un changement dans l'écologie comportementale due à une intervention humaine et aux changements observés dans les comportements sociaux chez les populations locales.

Le changement de l'utilisation de l'espace par l'homme s'explique par la destruction des habitats des éléphants par les sociétés d'exploitation forestière et pétrolière et par l'éloignement des champs dû à la croissance démographique. Toutefois, nous pouvons retenir l'exploitation forestière et minière comme facteur explicatif des causes des incursions des éléphants dans les champs de cultures. Par contre, la croissance démographique ne semble pas avoir un effet sur l'éloignement des champs. C'est le type d'écosystème (savane) sur lequel a été érigé la ville de Mandji qui pousse les villageois à s'éloigner pour rechercher les terres cultivables. Aussi, au regard de la non disponibilité des nouvelles données sur le dernier recensement, il serait aléatoire d'établir un rapport immédiat entre la croissance démographique et la compétition spatiale entre les hommes et les bêtes.

Par ailleurs, la création des zones abondantes en végétation secondaires par les activités humaines dont l'exploitation forestières et l'agriculture sont appréciées par les éléphants, ce qui explique leur présence permanente dans la région. Le changement dans l'écologie comportementale due à une intervention humaine passe par l'interdiction de la grande chasse au Gabon, par la protection de l'éléphant vu son inscription en annexe 1 de la CITES et par la création des aires protégées. La conjugaison de ces facteurs induisent une perte de la crainte de l'homme chez les éléphants du fait de la diminution de la chasse et favorise leur reproduction. Cette intervention humaine augmente l'agressivité des éléphants et des conflits due à l'installation des conduits, des routes, etc. par les sociétés forestières et pétrolières qui coupent leurs couloirs de migrations et perturbent leur comportement. Par ailleurs, nos résultats montrent également que la création des aires protégées (CAPG et CFAD) favorisent le confinement des éléphants dans ces espaces protégés où les éléphants se trouvent en surpopulation. Par contre les changements observés dans les comportements sociaux chez les populations se fondent sur l'abandon des techniques de protection endogènes, sur l'abandon des pratiques communautaires de l'agriculture remplacées par des approches plus individualistes concentrant ainsi les dégâts sur l'individu et non plus sur la communauté et sur la diminution de la tolérance face aux dégâts due à l'appropriation de la forêt par l'Etat et les interdictions de chasse. Cette diminution de la tolérance des dégâts causés par les éléphants est aggravé également par le sentiment d'abandon que les populations manifestent vis-à-vis de l'Etat qui se soucie guère de l'amélioration de leurs conditions de vie et du fait de ne pouvoir bénéficier des retombées pétrolières et du bois exploités dans leur région.

La question des rapports de l'homme à la nature et en particulier à la faune a été abordée par plusieurs auteurs. Pour confronter la théorie au terrain nous avons particulièrement sollicité les travaux de Claude Lévi-Strauss (1962), Philippe Descola (1986), Bodinga-Bwa-Bodinga et Van der Veen (1995), Raymond Mayer (2004), et Sabine Rabourdin (2005). Lévi-Strauss, a analysé les rapports des « sociétés primitives » à leur milieu immédiat. Il note que pour ces sociétés, « un animal peut à lui seul, devenir un outil conceptuel très complexe et complet »236(*). Philippe Descola (1986), quant à lui nous explique dans une étude sur les Achar237(*), que les Hommes entretiennent avec la nature des rapports égalitaires, en intégrant l'environnement à leur vie sociale. Les relations sociales du groupe humain et ses formes de communication s'étendent d'une certaine manière aux éléments de la nature.

Bodinga-Bwa-Bodinga et Van der Veen dans une étude linguistique sur les évia du Gabon, analysent l'influence du monde animal dans l'expression des valeurs morales de ce peuple. Ils soutiennent que « le comportement de tel animal est jugé exemplaire et l'Homme est invité à le suivre. Le comportement de tel autre animal sert à dévoiler certaines qualités jugées négatives, dangereuses ou néfastes, donc à éviter ou à abandonner »238(*). Raymond Mayer (2000), admet pour sa part qu' « il n'y a pas d'animaux naturels ; il n'y a que des animaux culturels, car chaque animal occupe une position spécifique dans l'entendement et le comportement des Hommes »239(*). Dans cette même lancée, Sabine Rabourdin (2005), a montré que dans les sociétés modernes, le monde culturel de la société humaine et le monde naturel de la société animale sont deux univers nettement séparés (...) alors que dans les sociétés traditionnelles, certaines communautés attribuent à de nombreuses plantes ou animaux, (...), des caractéristiques qui relèvent des rapports humains et sociaux. Parmi ces théories, nous avons essentiellement tenu compte de celle de Lévi-Strauss.

Au terme de notre étude, cette théorie a trouvé une application par rapport à notre terrain. En effet, Claude Lévi-Strauss, indique que « les individus eux-mêmes ont parfois le sentiment aigu du caractère « concret » de leur savoir, et ils l'opposent vigoureusement à celui des blancs»240(*). L'homme blanc voit à un animal qu'un être biologique qui suscite admiration et curiosité et que l'on peut soumettre à une étude, etc. mais pour l'indigène c'est un « tout ». Et Le modèle de nos gestionnaires de la faune sauvage est issu d'une conception typiquement occidentale, qui fait l'impasse sur les valeurs d'usage de la faune pour les populations vivant à son contact. Dans la conception occidentale, l'éléphant, est entre autres, une source de revenu, un produit de grande beauté, de solidité et de prestige. Pour un touriste, qu'il soit chasseur ou visiteur, l'éléphant est un trophée à emporter par le fusil ou la photo, etc. or chaque animal occupe une position spécifique dans l'entendement et le comportement des hommes même si le comportement confine parfois à une attitude d'indifférence.

En effet, dans la conception des Bisir, outre le fait qu'il soit une source de protéines animales, l'éléphant revêt une dimension symbolique importante. Il est le symbole du pouvoir, du partage, du prestige et de la grandeur. En même temps, il est aussi un totem, un guide et un protecteur. Et Lévi-Strauss (1962), illustre ce point de vue en mentionnant que « (...), l'animal, le totem, ou son espèce, ne peut être saisi comme entité biologique ; par son double caractère d'organisme (...) l'animal apparaît comme un outil conceptuel aux multiples possibilités, pour « détotaliser » et pour « retotaliser » n'importe quel domaine situé dans la synchronie ou la diachronie, le concret ou l'abstrait, la nature ou la culture »241(*). A cet effet, nous accordons avec Raymond Mayer (2004), il souligne que « ...un animal n'est pas vu de la même manière suivant les sociétés humaines dans lesquelles il se trouve, et au voisinage desquels se trouve son écosystème »242(*). Aussi ajoute-t-il, qu'« il est nécessaire de connaître l'axiologie particulière de chaque « ethnoculture » vis-à-vis des animaux avant d'y envisager une intervention exogène. Car à l'intérieur d'un même territoire, les attitudes vis-à-vis d'une même espèce animale peuvent changer ». Ainsi au regard des rapports aussi différents que les uns et les autres entretiennent avec le monde animal et parfois radicalement opposés, l'auteur vient à conclure qu' « il n'y a pas d'animaux naturels : il n'y a que des animaux  culturels. A la taxinomie des animaux correspond aussi une taxinomie des comportements »243(*).

Ainsi, dans le même élan que ces auteurs, notre préoccupation s'est appuyée sur l'analyse du modèle culturel de l'animal dans la société gisir de Mandji au Gabon. Pour y parvenir, nous avons procédé à une enquête fine de terrain à Mandji. Notre échantillon d'étude a été composé de vingt quatre (24) personnes dont douze (12) femmes et douze (12) hommes que nous avons rencontrés à Mandji. Les participants à l'étude ont été sélectionnés parmi les hommes et les femmes pratiquant l'agriculture, vivant à Mandji et partageant le même contexte socioculturel, majeurs et volontaires dont l'âge variait entre 90 et 34 ans. Parmi les douze (12) hommes, on compte trois (3) administratifs dont le préfet du département de Ndolou-Mandji et deux (2) agents du Cantonnement des Eaux et Forêts de Mandji.

Le nombre d'informateurs a été déterminé selon les moyens dont nous disposons, le caractère volontaire de la participation, l'intérêt et la disponibilité réels des enquêtés à fournir des informations pertinentes et la gestion des rencontres dans les différents quartiers de notre site de recherche. Toutefois, nous avons sollicité l'aide de certaines personnes dont l'infirmière major du centre médical de Mandji pour obtenir les données sur les personnes victimes des dégâts corporels et des décès issus des confrontations avec la faune sauvage et des amis étudiants originaires de la contrée. L'aide de ces derniers consistait à agir comme intermédiaire en expliquant le bien-fondé de l'étude à leurs parents chez qui, nous nous présentions avec quelques présents. Aussi, très utile a été l'apport de notre père. En effet, le sujet de la déprédation des cultures vivrières par les éléphants est un sujet très sensible qui suscite chez certains la passion et des suspicions et en même temps qui fâche. Pour y arriver, après avoir localisé nos potentiels informateurs, nous nous rapprochons de notre père pour avoir des informations sur eux et pour qu'il nous explique les liens de parenté qui nous lient. Et généralement, c'est au nom de ces liens de parenté que nous nous rapproché de certains d'entre eux. Comme l'indique notre plan de la ville de Mandji, les différents informateurs retenus dans cette étude ont été abordés dans les quartiers suivants : Sangala, Guignounga, Château, Digouema, Siévanou, Guikolou, Plein-air, Cité Mpira et Miguebi.

Sur le terrain, la démarche retenue a été l'entretien semi directif qui a consisté à recueillir des données sur les opinions liées aux causes des incursions des éléphants dans les champs, sur les conséquences et l'ampleur des dégâts et sur la perception et la signification de l'éléphant dans la société gisir mais également sur les moyens et les techniques de protection des cultures. Nous avons commencé notre travail de terrain de manière informelle en décembre 2006 à Mandji, lors de nos vacances de fin d'année. C'est à partir du 28 avril 2007 que nous avons entamé notre travail de terrain à Mandji. Ce travail s'est déroulé en deux phases. La première s'est effectuée du 28 avril au 10 mai 2007 et la seconde du 01 août au 03 septembre 2007. Outre les informateurs de Mandji, nous avons également étendu notre enquête à Libreville du 17 octobre au 05 novembre 2007 auprès de deux (2) agents du Ministère en charge de la faune et auprès de quatre (4) responsables des institutions et ONG chargées de la protection de la nature notamment du WWF, de l'ECOFAC, du RAPAC et l'UICN. Aussi, avons-nous sollicité l'aide du responsable d'un magasin de vente de fournitures de grande chasse (Safari-gabon) pour évaluer les prix des armes de grande chasse et des munitions.

Du point de vue méthodologique, les données récoltées n'ont pas permis de saisir certaines pratiques telles que les usages alimentaires et thérapeutiques. Cette situation a limité l'identification des usages traditionnels de l'éléphant chez les gisir. Aussi, la faible taille de l'échantillon ne permet pas une bonne lecture de l'ampleur des dégâts à l'échelle communautaire. Au regard des résultats fournis par notre terrain, nous ne saurions dire que le cas analysé chez les Bisir de Mandji soit généralisable à l'ensemble des Bisir du gabon. Toutefois, en tenant compte de la configuration physique et socioculturelle de l'ensemble du département, ces résultats peuvent se vérifiés dans tout le département de Ndolou. Mais celles-ci méritent d'être vérifiées ailleurs. Aussi, est-il nécessaire d'entreprendre des investigations approfondies sur l'impact des conflits hommes-éléphants afin de saisir avec précaution les menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire des populations sachant que le Gabon demeure encore un pays auto insuffisant sur la plan alimentaire.

Sources documentaires

1. Sources orales

Bamani Jeannine, 34 ans, agricultrice, clan Buviligambu, quartier Sangala. Entretien réalisé le 30 août 2007 sur L'organisation du travail agricole, la faune sauvage et les cultures vivrières et sur les interdits alimentaires se rapportant à l'éléphant. Durée : 49mn.

BIBALOU Germaine, 62 ans, agricultrice, clan Bumuedi, quartier Sievanou. Entretien réalisé le 05 mai 2007 sur L'organisation et la périodicité du travail agricole et sur des dégâts et les paramètres environnementaux. Durée : 36mn.

BOULIKOU Albert, 81 ans, ancien chasseur d'éléphant, clan Bumombu, quartier Sievanou. Entretien réalisé le 09 août 2007 sur Les conceptions et les attitudes des gisir vis-à-vis de l'éléphant, les moyens et les techniques endogènes de protection des cultures, la chasse à l'éléphant et sur les paramètres environnementaux. Durée : 1h 20mn.

DIAHOU Marie Augustine, 67 ans, agricultrice, clan Bupeti, quartier Miguebi. Entretien réalisé le 31 août 2007 sur La faune sauvage et les cultures vivrières, les causes et l'ampleur des dégâts, la périodicité agricole et celle des dégâts et enfin sur les moyens et les techniques de protection des cultures contre les éléphants. Durée : 47mn.

IWANGOU Léonce, Préfet du Département de Ndolou-Mandji. Entretien réalisé le 03 mai 2007 sur Les causes et les conséquences de la déprédation des cultures vivrières des populations par les éléphants et la gestion de ce problème suite aux plaintes des populations. Durée : 32mn.

KABOU MBEMENI Jean Pierre, 59ans, agriculteur, clan Bubuka, quartier Château. Entretien réalisé le 09 août 2007 sur La conception de l'éléphant et le totémisme chez les Bisir. Durée : 1h 10mn.

KASSOU Charlotte, 52 ans, agricultrice, clan Bumbamdinga, quartier Château. Entretien réalisé le 04 mai 2007 sur La faune sauvage et les cultures vivrières et sur les causes et l'ampleur des dégâts puis sur les techniques de protection. Durée : 57mn.

KOUMBA Elisabeth, 69 ans, agricultrice, clan Buviligambu, quartier Yabunga-Diguema. Entretien réalisé le 07 mai 2007 sur L'organisation agricole et sur les paramètres environnementaux. Durée : 30mn.

KOUMBA MOUITY Magloire 51 ans, Chef de Cantonnement des Eaux et Forêts. Entretien réalisé le 28 août 2007 sur Les causes des incursions, la provenance des éléphants et sur la politique de résolution du conflit hommes-éléphants Durée : 40mn.

MATOUMBA Hilarion, 75 ans, chasseur d'éléphants et agriculteur, quartier Miguebi. Entretien réalisé le 31 août 2007 sur La signification de l'éléphant dans le culte des jumeaux et l'origine du patronyme Nzahou et sur les moyens et les techniques de protection des cultures contre les éléphants et la chasse à l'éléphant. Durée : 43mn.

MAWOUIRI Perrine, 53 ans, agricultrice, clan Mombi, quartier Sievanou. Entretien réalisé le 05 mai 2007 sur La conception de l'éléphant dans les rites féminins et sur la périodicité des activités agricoles. Durée : 27mn.

MAYAOURI Robert, 54ans, agriculteur clan Bubuka, quartier Yabunga Diguema. Entretien réalisé le 07 mai 2007 sur Les causes des incursions des éléphants et sur le comportement alimentaire des éléphants. Durée : 1h 17mn.

MBOKI Jeanne, 77ans, agricultrice, clan Buviligambu, quartier Cité Mpira. Entretien réalisé le 29 août 2007 sur Les interdits alimentaires liés à l'éléphant et sur la périodicité agricole et celle des maraudes des éléphants. Durée : 30mn.

MBOUMBA Camille, 60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du bweti ndéya, quartier Plein-air. Premier entretien réalisé le 24 août 2007 sur La conception de l'homme gisir face à l'éléphant, les techniques de chasse traditionnelles, et sur les moyens et les techniques endogènes de protection. Durée : 1h 04mn. Deuxième entretien le 27 août 2007 sur Les conceptions de l'éléphant chez l'homme gisir mais également sur les causes, l'ampleur des dégâts et enfin sur la perception des conflits. Durée : 46mn.

MBOULA YAKOUYA Adolphe, 48 ans, agriculteur et maître du bwiti, clan Bubuka, quartier Sangala. Entretien réalisé le 08 mai 2007 sur La conception de l'éléphant chez le gisir, les moyens et les techniques endogènes de protection des champs et sur les causes de la déprédation des cultures par les éléphants. Durée : 40mn.

MOUMBANGOU Marie Augustine, 54 ans, agricultrice, clan Bundombi, quartier Yabunga Diguema. Entretien réalisé le 07 mai 2007 sur Les moyens et les techniques de protection des cultures contre les éléphants, la faune sauvage et cultures vivrières, les revenus agricoles et sur l'ampleur des dégâts puis sur la périodicité agricole et celle des dégâts. Durée : 1h 30mn.

MOUGOULA Robert, 53 ans, agriculteur et gardien de champs, clan Bupeti, quartier Château. Entretien réalisé le 08 mai 2007 sur Les paramètres environnementaux, les moyens et les techniques de protection et sur la périodicité agricole et celle des dégâts. Durée : 34mn.

MOUNDOULI Pauline, 70 ans, agricultrice, clan Buviligambu, quartier Cité Mpira. Entretien réalisé le 29 août 2007 sur La faune sauvage et les cultures vivrières, les causes et l'ampleur des dégâts et sur la périodicité agricole et celle des dégâts. Durée : 1h 37mn.

NGUIMBETY NZINZI Jean Claude, 59ans, agriculteur, clan Buviligambu, quartier Sangala. Entretien réalisé le 21 août 2007 sur La faune sauvage et les cultures vivrières, les paramètres environnementaux, les causes, l'ampleur des dégâts et sur les moyens et les techniques de protection des cultures contre les éléphants. Durée : 30mn.

NGUINDENDI Jean Baptiste 75 ans, clan Bundombi, agriculteur et ancien chasseur d'éléphant, quartier Gikolou. Entretien réalisé le 08 mai 2007 sur Les paramètres environnementaux, les moyens et les techniques de protection et sur la périodicité agricole et celle des dégâts. Durée : 50mn.

NIVOU Marcelline, 90 ans, agricultrice clan Bumuedi, quartier Sangala, agricultrice, mère initiatrice des cultes ngubi, mugulu et mabandji. Entretien réalisé le 02 septembre 2007 sur Les rapports entre l'éléphant et les rites traditionnels féminins et sur le rite Ngubi. Durée : 40mn.

NZAHOU Hélène, 67 ans, agricultrice, clan Bululu, quartier Sangala. Entretien réalisé le 15 août 2007 sur l'organisation et le coût du travail agricole, La faune sauvage et les cultures vivrières, les causes, l'évaluation et l'ampleur des dégâts et sur les conceptions. Durée : 1h.

OLAGO Jules, 29 ans, Chef-adjoint du Cantonnement des Eaux et Forêts. Premier entretien réalisé le 03 mai 2007 sur La gestion de la déprédation des cultures par les animaux sauvages, l'ampleur des dégâts, les battues administratives. Durée : 1h 40mn. Deuxième entretien le 04 mai 2007 sur Les origines des incursions des éléphants et les solutions au problème. Durée : 1h 30mn.

YAMBOKA Jeannette, 77 ans, agricultrice, clan Buviligambu, quartier Cité Mpira. Entretien réalisé le 29 août 2007 sur Les interdits alimentaires liés à l'éléphant et sur la signification de l'éléphant dans les rites traditionnels. Durée : 41mn.

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TCHAMIE Thiou Tanzidani Komlan (1996), Aires protégées au Togo : nécessité d'une redéfinition des stratégies de conservation et de protection de la faune in : LE FLAMBOYANT, n°39, pp.12-15.

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3. Textes et lois

Anonyme, 2001. Loi N° 016/01 portant Code Forestier en République Gabonaise. 64 p.

Décret n°000115/PR/MAEFDR du 03 février 1981 portant protection de la faune.

4. Sources Internet

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BLAKE Stephen, Système de surveillance à long terme de l'abattage illégal des éléphants : Forets d'Afrique Centrale : Rapport final sur les relevés démographiques d'éléphants (2003- 2004), Rapport de WCS, Mars 2005, 135 p. [En ligne]. Disponible sur World Wide Web: « http://www.wcsgabon.org/Gibier/Bushmeat_Meeting/Documents/WCS_(2005)_SYSTEM_DE_SURVEILLANCE_A_LONG_TERME_DE_L_ABATTAGE_ILLEGAL_DES_ELEPHANTS.pdf », Consulté le 26 février 2007.

LAINE Nicolas, des éléphants et des hommes : approche anthropologique des relations homme/éléphant en Inde, [En ligne]. Disponible sur World Wide Web: « http://www.ajei.org/files/M2Laine.pdf », Consulté le 26 février 2007.

5. Sources cartographiques et Schéma

Carte n°1 : Parfait NDONG ONDO, LAGRAC, Université Omar Bongo, 2007.

Carte n°2 : Jean Bertrand Armel MOUVIOSSI, LAGRAC, Université Omar Bongo, 2007.

Carte n°3 : Stéphane LE-DUC YENO, WWF-Gamba, 2007.

Carte n°4 : Stéphane LE-DUC YENO, WWF-Gamba, 2006.

Carte n°5 : Stéphane LE-DUC YENO, WWF-Gamba, 2004.

Schéma : Parfait NDONG ONDO, LAGRAC, Université Omar Bongo, 2007.

6. Sources photographiques et iconographiques

Photo couverture : ONGOGNONGO Prince

Photo 1 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA

Photo 2 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA

Photo 3 : BIPAKILA Pascal

Photo 4 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA

Photo 5 : ONGOGNONGO Prince

Photo 6 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA

Photo 7 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA

Photo 8 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA

Photo 9: ONGOGNONGO Prince

Photo 10: MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA

Photo 11 : MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA

Figure : Albert Jeannin

Annexes

Discours des locaux

Récit244(*) n°1 de Boulikou Albert245(*) sur La chasse à l'éléphant

1- Barele babokanga Nzahu tsina basabanga netu mumu berambugilanga gu Lastrouville, yetu bisira guaya duse guaya mbara yawu babanga ne mugisiawu unengugula munombu. Pabe maruganga mumu, ba sundilanga mbu tsiefi. Tsiefi tsini ba kubalonga misiru mia labini nzahu. La yawu bakuendanga ne betsige. Tsiawu nzahu be veranga ne mekongu, La nzahu pasi maboku, batu bekuenda gosasa, pungi yawu beni bekubonganga, be bonganga bekusumbisa, bakudinga tsika.

1- Les chasseurs qui les tuaient n'étaient pas parmi nous, ils revenaient de Lastrouville, nous les bisir nous avons appris à faire la chasse avec eux. Ils avaient un rite qu'on appelait munombu246(*). Lorsqu'ils arrivaient ici ils descendaient chez les chefs. Ces chefs les montraient les forêts où l'on rencontre les éléphants. Et ils partaient accompagnés des autochtones à leur poursuite. Ils les tuaient avec les flèches. Une fois les éléphants tués, les gens du village prenaient la viande et eux-mems récupéraient les pointes qu'ils vendaient.

2- Mebeni dzibanga murele nzahu, murele a uneni unzahu, pa ukaro boka gibulu gina niuru tsiagu sikidzi dikengi. Mbara gu ndiayu wamulegili pa ama regila gukuena ukurina veveni, esi mwiri nenana ubedze kusuema mbara gu yandi agarugi ne buvembe esi use goberuga la yandi ama kuvioga. La gu warinili, usa rinili gu wome, bute buagu bugabi nagu gudikake mbara pa wome uma kuganga ne votsu yandi bedze kudila. (...) pasi waveri nzahu use gabi taga nandi. menu dze veranga neva verili ba mbatsi, menu ni veranga kapene sept metre, huit metre si ni kuvere (...) menu ni bokilanga tujur ka gumuru. (...)Menu ni be bokanga ka niangu dibeti viaviavi ka niangu. Gere waromuboka sirplace wamuveri gu mbami, pasi sanana, ukumuverilila gu tsugu diru, gu mukeka, mukeka urega mba vana wabembi murima.

2- Moi-même je fus un chasseur d'éléphant, un grand chasseur. lorsque tu veux tuer cet animal tu dois être en forme. Quand tu le chasses, s'il arrive qu'il te voit le premier tu dois fuir et te cacher même derrière un gros arbre parce que s'il te poursuit avec méchanceté, même si tu tombes il va te dépasser. Et quand tu fuies, tu ne dois pas le faire avec la peur, ton fusil doit être avec toi à la main parce que si tu fuies en ayant peur, il peut t'avoir (...) lorsque tu tires sur un éléphant, tu ne dois pas être trop loin de lui. Moi je ne tirais pas comme certains, je les tirais à sept ou huit mètres (...) je les tuais toujours par la tête (...) je les tuais toujours la journée et non la nuit. Si tu veux le tuer sur place, tu le vises au front, au-dessus de l'oreille, ou au niveau de première côte pour atteidre le coeur.

3- Menu vava mbe ni ka bokitsi tsapale ne dzala. Niku rambuga vava guberagusenu guna gu giambi. Niku be kekisa ne tsufu reru, a imurenu be kuruga, ni ku sueme gu dzime mukoga uneni, ni kuvera imosi gutsiediviseme.

Avana usa boki gumugangu nyama nzo unzahu, waboki gu gusandza gusandza. (...) Gukielu gusandza gu giamba pabe mugamba, gutsie musiru gu divisama usa bendze kusala, waboki ka iwalabi gu gusandza. (...) Nzahu yasalu, nzahu waboku guburele batu bekuse sasa, duke dinga tsike ne pungi (...). Pasi uka gwendi gu burela bu nzahu wagwendi ne masani me ranu pasi masa kulu pasi unamoni wabegi esi digumi.

3- Moi ici, j'ai failli faire mourir la famille avec la faim. J'ai été obligé de les retrouver à la plantation. Je les ai patienté pendant trois jours. Le troisième ils sont venus, je me suis caché derrière un gros arbre et j'ai tiré sur un d'entre eux dans l'obscurité.

En ce moment tu ne tues pas pour la viande ou les défenses, tu tues pour les chasser de la plantation. S'ils sont en troupeau dans la brousse en pleine nuit, tu ne peux pas choisir, tu ne tues que celui que tu voies. L'éléphant qu'on choisit, c'est un éléphant qu'on tue au cours d'une chasse pour la viande et pour avoir l'argent avec les défenses (...). Lorsque tu va à la chasse à l'éléphant tu apporte au moins cinq balles sinon une dizaine.

4- Be kidzungu, botsu be mandji be maguda vana gudia di bandu guvanda. Wagwendi gu mutu wavandi nzahu (...) aga ku vandilili nzahu dibeti ne pundu igu kusuega. Nzahuina ire gnoya iwaduari. Aga kuvegi mwe dibumba, dibumba dina nzahu, la dia gwe ne gwenda nagu bambani, digu tsie pengiagu. Memosi panga, la pangeni igabi ne dibumba, dibumba dina, nzahueni. Avana esi wagulu indiayu waveri esi ise ranga ne buvembe asa kudengi mbara asalabi mutu agalabi ka nzahu nandi. tumba durangu du nzahu du yandi aga kuvegi, uya duviosisi. Pasi ase ku vagala waboki nzahu iranu pa si maduka iranu, indiayu wakuboka neyoni, vana uma kosumbisa nzahu ina yakuboki.

4- On les fabriquait, tous ceux de Mandji sont morts à cause des fétiches. Tu pars chez une personne qui sait « féticher » l'éléphant (...) il te fabrique un éléphant mystique pour te cacher. Cet éléphant est comme une chemise que tu portes. Il te donne un dibumba247(*), ce fétiche c'est l'éléphant qui marche avec toi dans un sac. Parfois c'est une chênette qui a pour médaillon le dibumba et ce dibumba c'est l'éléphant en question. En ce moment même si celui que tu veux abattre est méchant, il ne peut pas t'avoir parce qu'il ne te voit pas comme un homme, il ne voit q'un éléphant comme lui. Cependant tu ne dois pas excéder le nombre d'éléphant à abattre qu'il te donne. S'il te dit que tu abattras cinq éléphants, si tu atteint les cinq, celui que tu abattras encore est celui qu'il ta fabriqué, en ce moment tu te vends, cet éléphant te tue.

5- Mbili be tsibe muna, tumba be magwida, be se bokungu ka ne nzahu, gere giliba, gere giegina dzayabi (...). Mbatsi menu dze veranga negu nenga, dzabanga ne divanda tumba dze sisa mba bimaga mbe biaranga (...) mefimba nia gwendi gu musiru gu burele budzusu, dza gwenda ne buta bu nzahu, ka bugegi, nia susuli ka, ni vaganga adikutsie, nzahu iku nevave ne vana (...) Nzahu tsina si mevanda, si bedze vevila vika, pa ama benguna ne si musiru, ayvama potegeni ne be mbatsi, be mbatsi guandi besa mukuani, besa musandzi, ba gaya konga. Ne tsiotsu tsina sia gone ne guyanga biamba bi be mbatsi mbara wisi tsiotsu asa bedze itunganga. La pa imanianguga la ika gone gwenda gone guya biamba bibe mbatsi, dibandu ba bemani ne guboka. Pa uma ivera, gilimba gineni, mutu uvanda iyoni. Yandi gwandi ne gu dimbegene ne gubele.

5- Ils étaient nombreux ici mais ils ont succombé, ils se faisaient tuer par les éléphants, si c'est l'oubli, si c'est quoi je ne sais pas (...). heureusement pour moi j'abattais avec l'apprentissage, je n'avais pas de fétiche mais j'ai laissé parce que les faits surprenants devenaient trop (...) parfois je vais en brousse pour une autre chasse, je n'apporte pas de carabine seulement le calibre 12, je vois surgir de nulle part un éléphant au moment où je réagi, il est non loin de moi. (...).

Ces éléphants mystiques peuvent se promener seuls, s'ils rencontrent ceux de la forêt, ils se mélangent avec eux, ils ne les chassent pas, ils ne les briment, ils mangent ensemble. Ce sont tous ces éléphants qui dévastent les champs des autres parce que le propriétaire ne peut pas tous les jours l'amarrer. Et quand il se détache, il va dévaster les champ des autres c'est pour cette raison qu'on les extermine.

Ce récit de Boulikou Albert nous apprend qu'à l'origine le peuple gisir ne pratiquait pas la chasse à l'éléphant avec le fusil, il aurait appris cette pratique il y a quelques années, avec des chasseurs qui seraient venus de Lastrouville. En période d'incursions d'éléphants dans leurs champs, les hommes gisir faisaient appel à ces chasseurs. Ce récit nous apprend également que l'éléphant n'est pas une bête facile à abattre. Sa chasse nécessite un apprentissage et surtout beaucoup de courage. C'est donc la combinaison de l'apprentissage et du courage qui sont des conditions de base pour devenir un chasseur d'éléphant. Ainsi, quiconque osait s'aventurer à cette chasse mettait sa vie en péril. Cependant, certains passent par une pratique mystique qui consiste à l'acquisition d'un éléphant mystique à la demande du chasseur à un nganga et c'est cet éléphant mystique qui protège le chasseur lorsqu'il est au milieu des vrais éléphants de forêt. En ce moment le chasseur et la bête forment une même entité.

Mais l'inconvénient de cette pratique est que le nganga donne au chasseur un nombre limité de bêtes à abattre et lorsqu'il a fini d'abattre le nombre de bêtes qui lui a été attribué, s'il s'avise à en abattre une autre, celle-ci le tuera. De plus, cet éléphant mystique est comme une bête domestique qui doit se nourrir et que l'on peut attacher comme un maître attacherait son chien à un poteau. Mais comme elle doit se nourrir, c'est en ce moment qu'il dévaste les champs des autres personnes. Aussi, du discours de notre informateur, il y a deux types de chasse à l'éléphant. La première chasse vise la viande et la vente des pointes d'ivoire et dans ce cas, le choix de la bête à abattre s'impose, il s'agit d'atteindre le mâle dominant. La deuxième chasse a pour objectif la protection des cultures et dans ce dernier cas, aucun choix de la bête à abattre n'est de rigueur. Le chasseur tire sur n'importe quel bête même sur un éléphanteau, pourvu qu'un d'entre eux soit touché même s'il ne meurt pas. Car une fois que l'un d'entre eux a été blessé ou tué, le troupeau cesse de fréquenter ce milieu pendant une longue période, considéré désormais par eux comme hostile.

Récit248(*) n°3 de Diawou Marie Augustine249(*) sur La nature et les signes de reconnaissance des animaux responsables des dégâts et sur les conséquences de ces dégâts

1- Menu dzibanga gu luba, ni masise dilandi dine gu kielu nzahu guku mipume mi beyi. guse ga batu, batu gune be karangu ka gurangu. ni mavioga gu dubandzi be mbatsi be ma vuduga gu dubandzi beku gu dzila neni igi yenu dza gwenda. Mangala ini maviogila gu dubandzi baya giamba, ayiyi dzaku sola, du makaka ka kangi ne vane be tsiya. Du tsibanga gu dubandzi gune digumi dibegetu ne begetu de siamunu. Yetu botsu du ma vaduge guna (...) Dibandu dwa rinilila, nzahu dwa rina.

1- Moi j'étais à Luba, j'ai abandonné ce secteur à cause des éléphants il y a deux ans. Il n'y a plus des gens, ceux qui restent on les compte. Moi je suis parti à Dubandzi les autres sont partis sur la grande route de Yeno. La saison sèche au cours de laquelle je suis passé à Dubandzi ils ont dévasté ma plantation, cette saison je n'ai plus débroussé, on a seulement fait un jardin. Même celle là, ils ont dévasté. Nous étions seize femmes à Dubandzi. Nous sommes toutes sorties de là-bas. La raison pour laquelle nous avons fui c'est les éléphants.

2- Muati vava bene ngudu tsiawu bakavagingi biamba ka bi beyi bireru mbara esi nzahu atsiya gi mosi be gudengana ne bia sali. Memosi mutu akusola ka giamba gineni gineni mba esi nzahu aseruga guse guya besa gumana giotsu mu dibeti di mosi. Kila nesi Mimia mbe pakila guvaga giandi giamba ne mupuma vioga amabusa ka gukielu nzahu a menu pa nimafu aguvagilitsie ne bane fo kanengi guvaga bi diandzu bi mugetu.

2- Certaines personnes qui ont des moyens font désormais deux ou trois plantations parce que si les éléphants viennent dévaster une d'entre elles, elles peuvent survivre avec le reste. D'autres, font des très grandes plantations de cette manière si les éléphants viennent la dévaster, ils ne finiront pas toutes les cultures en une seule nuit. Regarde même Mimi qui voulait commencer à apprendre à faire sa propre plantation l'année dernière, est découragée à cause des éléphants or si moi je meurt comment va-t-elle faire avec les enfants ? il faut qu'elle apprenne à faire les travaux d'une femme.

3- A gu dubandzi diambu diranga gweni gune mimioli. ne mupuma uwu bema duvega dzala viagunu ne nzahu (...) Mbeka tsibisi, ne be kambi bemuna bepakila mbetsi mumu tumba minioli ne nzahu yawu re beranga. Minioli begaye bigongu mume gaya, beku gomba muri gombi gombi la gigongu gina gisaku benda. Nzahu yandi agaya bigongu, mipala, malanga, agaye biotsu. Nziya yawu bese gaya bayudzi ka guyudza, bapasi miaga ka gupasa. Mbeka nziya asapaga gusandza pa umaboka imosi ne votsu asakuruga.

3- À Dubandzi le problème qui se pose le plus là-bas c'est les criquets. Cette année ils nous ont donné plus de faim que les éléphants (...) certes les hérissons, les porcs-épics, les antilopes sont présents, ils ont commencé depuis longtemps mais les criquets et les éléphants, ce sont eux qui ravagent le plus. Les criquets mangent le manioc au niveau des feuilles, ils grattent les plants du manioc et ce manioc ne peut plus se développer. L'éléphant lui, il mange le manioc, la banane, les taros, il mange tout. Quant aux gorilles, eux, ils ne consomment rien, ils font seulement le désordre, ils détruisent les bananiers. Mais ils ne sont pas difficiles à chasser, il suffit d'en tuer un seul, ils ne viendront plus.

4- Gugu yabe gibule gise gwingene gu giamba dimbu me tambi ne dugengi duandi. Kambi dwa labi ne ga gone tabulile bigongu. nzahu ane giandi giyitsi, agatsari gutsara agarubuli ane gone bendza bi gubendza. Si timbu giandi ka marufi mawu. Nzahu agavagi agayi aganiaki, merufi mana wameragunu me muna mu yandi ase viogila. Minioli dwa gone baragunu be mune, tsibisi munongu.

4- C'est par les empreintes des pattes et l'odeur que nous reconnaissons l'animal qui vient dévaster la plantation. L'antilope cheval on le reconnaît à partir des plants de manioc cassés. L'éléphant a sa manière de consommer, il piétine les cultures, les déracine et brise certains endroits. Un autre signe ce sont leurs crottes. L'éléphant pendant qu'il consomme, il rejette les crottes et ces crottes, on les retrouve sur les endroits par lesquels il est passé. Les criquets on les retrouve sur les plantes, les aulacodes, c'est la même chose.

Le présent récit met en évidence la nature des animaux prédateurs des cultures vivrières des populations mais également les signes par lesquels les populations les reconnaissent et les conséquences liées aux dégâts causés par ces animaux. Il montre en effet, que l'éléphant est l'animal qui cause le plus de dégâts dans les champs. Outre l'éléphant, il y a aussi d'autres espèces telles que les aulacodess, les athérures, les gorilles et les criquets qui détruisent les cultures. Mais un accent particulier est mis sur l'éléphant par rapport à la quantité des cultures détruites, il consomme quasiment tout. Le discours de cette informatrice, nous apprend que c'est en fonction des empreintes, de l'odeur et des excréments que les populations reconnaissent les animaux responsables des dégâts. Mais également par la façon de prélever les cultures. Les aulacodes et les althérures broutent le manioc au niveau des racines et des tiges et lorsque le manioc n'est pas encore en maturité, il se brise et ne se développe plus. Les criquets s'apprennent également au manioc. Ils le broutent au niveau des tiges et des feuilles et il ne peut plus se développer aussi. L'éléphant quant à lui, déracine, brise et piétine les cultures. Par contre le gorille n'est pas friand des cultures des hommes, il vient uniquement détruire les bananiers comme s'il s'agissait d'un jeu. Au regard de tant de dégâts, certaines femmes ont cédé au découragement en abandonnant des plantations entières dans certaines zones agricoles pour aller s'installer ailleurs. Ce découragement a également affecté les jeunes filles qui sont appelées à apprendre la pratique de l'agriculture et de la perpétuer de génération en génération.

Récit250(*) n°4 de Mboumba Camille251(*) sur La conception de l'éléphant chez les Bisir

1- Agu ginombi, ka batu be ne disinda ne me sami mawu ba bokingi nzahu beku bonganga pungi beku sumbisanga, avana umalaba musumbu u nzahu. Menu pasi ni masumba karabine yami, ni bedze bokanga nzahu, si pungi tsina, ni ku sumbisanga.

1- Dans la tradition, il n'y a que les gens qui ont le courage et leur munition qui abattent les éléphants et prennent les défenses pour vendre en ce moment tu vois l'intérêt de l'éléphant. Moi si j'achète ma carabine, je peux souvent abattre les éléphants et les défenses je les vendrais.

2- Nzahu aga bongulilu gisiemu ka ne batu bavandi. Gu tsibilanga bivunda gurege, be vanda nzahu gu gubonga busisi, ne diduma be kugoba. Be mbatsi be ku kurina, baku baki mbami nzahu mbara usa bedza gengesena ne mbami nzahu ana busisi.Nzahu gibulu gine busisi gine woma. Pa uma gulu gutsibanga gi vunda mumu gitsibanga ne busisi ndimbu atsibanga ne nzahu. Pa aga gwingini gu misu me batu, la batu botsu mbia. Gu tsibanga muati tsiefi si vandanga busisi bu nzahu. La aga gwendi mbu comanda, la comanda nana aga mulu busisi, aga mueni re mundumba mutu (...).Be bokanga nzahu diambu di gumana biguya. Pasi nzahu si maranga mu biamba, baku nenga murele nzahu mba gurege nzahu asa labananga gi gumbi giotsu. (...) nzahu yandi agalodzi tsile pa mutu amatsiemuga gu musiru agabingi ka muanda nzahu mba mianda mi nzahu mia vudugi ka gu batu. Pasi mutu amavanda nzahu igusuega digumba diandi, asabambili. Aga yabegenu ka ne batu badiandzi biguya biawu. Mutu wamusurumi ka nganga. Mesiga ne gu mbu mitangani ne gu ginombi, nzahu asa bokungu, atsibanga protection ibatu.

2- Il n'y a que les gens qui « fétichent » qui prennent des bisiemu252(*) sur l'éléphant. Les anciens « fétichaient » l'éléphant pour avoir l'influence et la grandeur et la renommée. Pour que les autres aient peur de toi, on te faisait une scarification au front pour avoir l'influence car personne ne peut fixer le front d'un éléphant. L'éléphant est un animal influent et qui engendre la peur. Quand tu attends qu'une personne fût influente ici, cela veut dire qu'il avait l'éléphant. Lorsqu'il arrive au milieu des hommes, il attirait toute leur attention. Il y avait certains notables qui avaient « fétiché » l'influence de l'éléphant.

Quand il va chez l'autorité administrative, celle-ci se sentait influencée et le considère comme un homme respectable (...).

Ils tuaient les éléphants à cause de la destruction des cultures vivrières qu'ils occasionnaient. Lorsque les éléphants devenaient menaçants, ils faisaient appel à un chasseur parce que à cette époque les éléphants ne se montraient pas à tout moment. (...) l'éléphant est celui qui montre le chemin.

Lorsqu'une personne se perd en brousse, elle suit seulement les pistes de l'éléphant car celles-ci mènent toujours vers le village. Lorsqu'une personne fétiche un éléphant pour protéger sa famille, les enfants et les femmes, il ne leur dit. On le reconnaîtra qu'à partir des plaintes des propriétaires des plantations détruites. La personne qui le découvre c'est le nganga. Hier, que ça soit chez les blancs modernes ou chez nous il n'était pas question de tuer l'éléphant parce que l'éléphant était une protection.

3- Pa umalaba mutu una gilanga gi nzahu giandi agagangi gere muandzu gu dikake, wa mu protege. Gilanga gina gileme gi nzahu, wa mu protegi. Yandi aga suemeni gu gari nzahu. Mutu dibeti agarondi mu binga aga ragunu ka gilanga gi nzahu. Esi bisi bwiti muati be ne mioni. Ugulaba nima y bwiti une woni ne guvagala agasuemili gu gari nzahu dzo yandi re gasuemisi batu be gu dzimandi. Ne migitsa miotsu migegi mi begetu basuemi ka gu nzahu (...). Gu gere pa mutu agago gongila mundumbe, ba beganga pungi nzahu mu tsombu mbara mugetu aku goba gu misu me batu. Pa sa gukiela ina, nzahu gibulu gia kuani ka batu biguya, yandi guandi a bedzu gukuanu re ayusugi mumu. (...) pa ndiayu umavegu nyama idibeti gu ndosi timbu nyama idibeti uya ibonga.

3- Lorsque tu vois un homme avec la queue de l'éléphant qu'il tient comme un chasse-mouche à la main, celle-ci le protège. Lui, il se cache dans l'éléphant. Un sorcier qui le cherche ne trouvera que cette queue. Même certains bwitistes en possèdent. Lorsque tu vois un chef de fil du bwiti avec une queue d'éléphant, cela veut dire qu'il cache son corps dans un éléphant et protège tous les autres membres qui sont derrière lui. Même dans tous les rites féminins, on ne se cache que dans l'éléphant (...).

Autrefois, lorsqu'une personne va épouser chez un notable, il apporte des défenses d'éléphant dans la dot pour que la femme ait du poids devant la société.

Hormis cela, l'éléphant est un animal qui embête les gens avec leurs cultures, il peut lui aussi être brimer pour qu'il ne soit plus ici. (...). Si dans un rêve, on te donne de la viande de l'éléphant, il ne faut pas en prendre, c'est de la chaire humaine. 

En suivant le présent discours, on se rend compte que l'éléphant dans la société gisir est perçu comme un protecteur et un guide. Il protège des attaques mystiques. Et en général ce sont des initiés du bwiti et des rites traditionnels féminins qui en sont détenteurs. Dans le bwiti, le symbole de cette protection est la possession de la queue de l'éléphant par l'un des chefs de fil. L'éléphant est également un guide dans la mesure où en cas de perte dans la forêt, il suffit de suivre les traces de l'éléphant car celles-ci mènent toujours vers les hommes. Ce discours, nous apprend également que l'éléphant symbolise la grandeur, le respect et l'influence. Autrefois, lorsqu'un homme allait épouser dans une famille d'un grand notable, la dot était constituée d'une pointe d'ivoire. Cette pointe d'ivoire symbolisait la grandeur de la femme. Elle devait avoir du poid dans son foyer.

Récit253(*) n°5 de Mboumba Camille254(*) sur La perception de l'éléphant au regard des dégâts qu'il occasionne

1- Ubedza nyambila re batu bagu bayabi re nzahu givava giagulu o agalabi ka gulabe sa diambu dimosi. Nzahu gu yandi agalabi murimandi wa fasi mekulegeni o wavatsie ? Sa mambu me beyi. A nzahu ne guyudzanga batu biguya, musiru negune gu du gayila, gu musiru negune dua vagili kepagere diambu, nzahu gu musiru negune aga vagili kepagere mue diandi biambu. Ayawu guse vagala yenu du yaku gue musiru tsagalanu yenu gu dimbu, nzahu buandi bulongu musiru yenu batu gu dimbu, batu bana bedze guse dulongala yetu gu dimbu duguyilanga nana duyakugwenda musiru (...). Anyani Nyambi gu yandi kidze bulongu, nzahu, miri aregila gu kidze gie ? Mbara o duyaboka nzahu mba nzahu agaya milunda akona buranga bibunda dikengi. Gu yandi agayi milunda, agayi gu dzala yandi, nyambi amulonga biguya biandi ne bina. Gere agagone niaka bikone buranga, yawu bayabili tsie ? (...). A megembi, gu yandi aga niakili, aga buri giandi megembi ? Poga ba buringia ? Mba yetu, dwa labingi nzahu pa amaniaka mbili merufi, ugulaba dilinga di poga tsi yandi atsiya, si sabendi. Dugulaba nzahu amayi meduka, mbura iyandi aga goniakila, ugulabe mbili medouka ma bolili vana, me sabendi mba muotsu gu yandi aga niakili dualabi bi yandi agayi dusalabi mirwiliga re nzahu aniaka vava muri giagi aka bendi. Mbeka gu giamba pa amayi teri ama gwenda gu musiru amaniaka, ugulaba mburina yabendi biriri bi teri tsina sa miri gu musiru. Adina di miri gie mi yandi aga vari mi yandi agaye ? Mba duse betsi laba gu marufi mandi dukulaba di tungi di mukumi, di moabi, di muduka. Mba mbe yawu ba miburi, Mandji yotsu mbe ibasa kane miabi ne meduka. Ayawu ba yabilitsi tsie re nzahu aganiaki nana ? Mbeka merufi me nzahu me fumie. Ubedza bega merufi me nzahu gu dimbu uku vara kapagere givaru vana giabendi avana niayabi. Sa biyawu bavari gu musiru dzakutisi (...)

1- L'éléphant détruit les cultures des gens or c'est en brousse où nous nous nourrissons, où nous faisons tous nos besoins mais c'est aussi en brousse où l'éléphant fait ses besoins.

Qu'ils viennent nous dire de ne plus aller en brousse et de rester au village et que la brousse est le monde de l'éléphant. Mais peuvent-ils venir nous montrer comment allons-nous nous nourrir sans plus aller en brousse (...).

Lorsque Dieu a crée le monde, entre l'éléphant et les arbres qu'a-t-il crée en premier ? parce qu'ils disent qu'il ne faut plus tuer l'éléphant parce qu'il consomme des fruits pour produire des grumes. Or lorsqu'il consomme ces fruits, il les consomme pour satisfaire sa faim et Dieu a dit que ces fruits sont ses aliments. Si vraiment en déféquant il fait pousser des arbres, comment le savent-ils ? (...). Pourquoi ne fait-il pas aussi pousser les noix du Poga oleosa qu'il consomme ? parce que lorsque l'éléphant dépose ses crottes, nous voyons des tas de noix de Poga oleosa qui ne poussent pas.

Nous voyons des tas des fruits du douka qui pourrissent dans les crottes des éléphants et qui ne poussent pas. Nous n'avons jamais vu des arbustes qui se sont développés parce que l'éléphant aurait déposé ses crottes à cet endroit. Toutefois, dans les plantations, lorsqu'il consomme les concombres et quand il dépose ses crottes, nous voyons des feuilles des fruits qu'il a mangés et non des arbres. Quels sont les noms des arbres consommés par l'éléphant qu'il cultive ? parce que nous n'avons jamais vu dans ces crottes un arbuste de l'okoumé, du moabi ou du douka.

S'il produit réellement des arbres, dans ce cas tout Mandji devait se remplir de moabi et de douka. Comment savent-ils que ce sont les éléphants qui ont produit tel arbre ? c'est vrai que les crottes de l'éléphant sont un fumier. Tu peux apporter des crottes d'éléphant au village et planter n'importe quelle culture, elle va se développer et ça nous le savons. Mais ce qu'il plante en brousse, nous ne maîtrisons rien.

2- Nesi gu yawu bemakidza mburawu igu suega bibulu gu rabi ne muotsu ne muotsu, bibulu bina pasi bia burena bisa kunanga bulongu ? Kaba bekidzi mbura ne fil igwingisa bibulu biawu biotsu gi gumbi gina mutu wago biboka guna aku ne musosu la vana batu be bedza guvaga biamba biawu bi gubungula bane bawu bekia vagi lekol. Tumba pabe masila kakere duyaboka bibulu, batu pabe makibe wulaba gikeneni gi nzahu, aba ne ngudu beguboka (...) Pabarondi re bane bawu babi protege bese kidza mbura tsi limite sigu be bandekena mba batu be kole ku gwenda muna. La yawu guandi beyadala gu mbugetu (...) Gu tsielu CBG gu reserve gune, gusa guambili buta, gusa labini buta. Tumba negu ngendza bibulu bina bia tsageni ka guna bi savudugia ? Ne nzahu aga gwendi miendu mi ragame abedze guse guya mumu agugabuga mbara guna, yawu beni beyabi dubedza go suema gugu mbara guna besagulu kumbula, agune besalabi kepagere diambu. Tumba yawu besa bedza tsagana ka guna mbara CBG be matabula miri miawu miotsu, bene dzale guna, be gubinga tsielu tsi biguya (...) nonga berugi guse laba mba mbeka guguandisa bibulu tumba gilima begu dila nguba ibatu (...)

2- Même dans le cas où ils ont aménagé leur endroit à Rabi et partout ailleurs pour y mettre tous leurs animaux, ces animaux lorsqu'ils vont se reproduire, ne vont-ils plus se déplacer pour aller ailleurs ? donc il faut qu'ils aménagent un endroit avec des câbles pour y introduire tous leurs animaux et à partir de ce moment, la personne qui osera aller abattre l'une de ces bêtes aura un problème et les gens pourront faire leurs plantations pour nourrir leurs enfants qui vont encore l'école.

Cependant, s'ils disent seulement de ne pas tuer les animaux, lorsque les gens seront dépassés par les dégâts, ceux qui possèdent des moyens les abattront (...) s'ils veulent que leurs enfants soient protégés, qu'ils viennent établir des limites pour les garder pour que les gens ne partent plus là où ils sont. Et il faudrait que ces éléphants ne viennent plus aussi dans notre côté (...) du côté de la CBG, il y a une réserve là-bas et on n'y entend aucun coup de fusil, aucun fusil n'y pénètre.

Mais est-il vrai que ces animaux ne restent que là-bas, ils ne sortent pas de cet espace ? tel que l'éléphant, il parcourt des longues distances, il peut venir se nourrir ici et retourner parce qu'il sait que là-bas il est en sécurité, il ne court aucun danger. Malheureusement, ils ne peuvent pas rester que là-bas parce que la CBG a coupé tous les arbres à partir desquels ils se nourrissent. Ils ont faim par conséquent, ils vont se rabattre du côté où il y a des cultures. (...) il serait mieux qu'ils viennent voir parce que c'est bien beau de protéger les animaux mais il viendrait un temps où ces animaux subiront la colère des gens.

3- Ki laba ne batu bana baduvagilia yawu barondi yetu gufu o dubi monihu ? Doli ne meboti me petrola yawu beni ne guyanga Doli si mikumi yawu beni ne guyanga si nzahu pasi sia dumani biguya duyaboka A diambu dine di gwendila tsie ? mesumbu mbu be gusa ne mi moritani guranga (...) ki laba tsila yetu pa mfula ku yoni ne gutabuga. A gugu esi bilongu gu pitali bisandi. Pa mutu beli, aga gobugilu ka gu muila ne gu ndendi (...). Dusekanga ne televisi gugu, abane ne tsioni balabi ka mambu maviogi gu malongu me be mbatsi. batu be duavuru ne guvota vava wisi wotsu dusayabi me bavagi si yetu dukengi ka gukenga dibandu nzahu tsiawu.

3- Voyez-vous comment ces gens là nous traitent-ils ? veulent-ils nous voir mort ou vivant ? ce sont eux qui profitent de l'argent et des avantages du pétrole et du bois et lorsque les éléphants viennent dévaster nos champs, ils nous disent de ne pas les tuer. Comment va-t-on résoudre un tel problème ? les prix chez les maliens et chez les mauritaniens ne sont pas abordables (...).

Regarde notre route, lorsqu'il pleut elle se coupe. Dans notre dispensaire il n'y a pas de médicaments. Lorsqu'une personne tombe malade, elle ne fait soigner soit Mouila soit à Lambaréné (...). Nous n'avons pas de télévision ici, nous ne pouvons pas suivre les évènements du pays. Nous ne savons pas ce que font les gens que nous élisons ici tous les jours et nous, nous souffrons à cause de leurs éléphants.

4- Mireci miarugi mu melongu me be mbatsi, yetu mumu duburu ka ne timba, malanga, bigongu, mipala tumba bina re bigaya nzahu (...) yawu guandi esi be tsiya milunda mina pasi bese betsi guya biguya bina besagukuri tumba giyitsieni guandi gi sagiboti. Pa amaruga gu giamba guse guya mue giguya, aya esi mesina mebeyi me timba akone gwenda. Tumba pasi ase betsi pasa giamba gu gari asa gukuri. Avana pa amapasa gu gari amugese aku guse guyilegu?  Amunga giamba? (...) Nzahu aguya aganiaka, batu benu ne guvaganga agavari, agie asavarili bigongu, mbala bi agaya, nemune misungu agie bisabendili? Batu bana, mbeke gugandisa nzahu diboti tumba biguya biyawu beyaga, base guambila re nzahu imosi pasi ima gwingena gu giamba bedze peyanga tangu tsie. Nzahu pasi imagwingena gu giamba dukuvaga facture beku ruga bekuse peyi mbara nzahu isase boku (...)

4- Les riz viennent des pays des autres, nous chez nous, nous sommes nés avec les tubercules, les taros, le manioc, la banane mais ce sont ces aliments qui sont consommés par les éléphants (...). Ils peuvent consommer les fruits mais s'ils n'ont pas encore consommé ces cultures, ils ne peuvent pas se rassasier mais c'est leur façon de se nourrir qui n'est pas bonne. Lorsqu'il arrive dans une plantation, il ne peut pas se contenter de deux ou trois cultures de manioc et s'en aller, il faut qu'il consomme la moitié de la plantation pour qu'il soit rassasié.

Et en consommant la moitié, demain où viendra-t-il encore se nourrir ? et le propriétaire ? (...) l'éléphant pendant qu'il se nourrir, il défèque et vos gens dissent qu'il plante. Pourquoi ne plante-t-il pas le manioc, les ignames et les cannes à sucre qu'il consomme? c'est bien que ces gens défendent l'abattage des éléphants mais pour les cultures qu'ils dévastent, disent-ils combien peuvent-ils payer pour un éléphant qui pénètre dans une plantation ? lorsqu'un éléphant pénètre dans une plantation, nous établissons une facture et ils viennent la payer. (...)

5- Mbeke batu gu yawu bavagila duyaboka nzahu, batu be bedza gulu mba batu bene mirima, a nzahu murima mandi utsie uyandi gurinila agigi giguya gi mutu dzaguya mba nikole laba misosu. Negu ngedza dibedza guba mba niongu beyi, ireru guya, batu beguboka, pabe malaba beyavaga musosu. Pabe mavaga musosu batu botsu be gwenda gu yawu. Negu Mandji vava pasi bema boka nzahu pasi bema guse ganga mutu una gu bega gu dzugu, batu botsu begu rambuga begwenda reveranu batu botsu gudzugu (...) Migaga besa bedza guvera bulongu ne pundu gudzugu, begu vudusa mutu una, a nzahu guandi imamane gufu, esi bese vuru vera mutu una gudzugu, migaga besa guvagala bokanu mutu una mba seboka nzahu. Yawu dimbunga bavagi, barondi ka nzahu tsina bayingi biguya bi batu gube bungula gukielu pungi ne miri mi yawu bavari. Eaux et Forêt bakali nzahu, eaux et forêts yawu re bedenga musiru guandi agie aga gabilili musiru re guangaganu miri mba nzahu bagalili muna, agie baku gabilanga musiru ne batu guangaganu miri la nzahu bekuku gubanga ne dzala bekuku ruganga gu mimbu. Donc c'est faux bane dimbunga (...) A mutu ukidza buta bu karabine ne masani nie ? Mekidzu gugu vaga gie sa gugu boka nzahu ? Gie baku gandisila. Gere bavagila nzahu si saku boku be bongi karabina ne mesni be suegi, begandisi nzahu beyaku guyi biguya bibatu mu biamba. Mba force iyawu guandi babegi karabine mutu guandi yanditsieni nika sumbi karabine pa nzahu bemaruga guse mane biguya biami nia muboki.

5- Lorsqu'ils disent de ne plus abattre les éléphants, les gens peuvent comprendre parce qu'ils sont dotés de raison mais l'éléphant quant à lui, a-t-il une raison, peut-il décider ne plus dévaster les cultures des gens pour qu'il ne puisse pas avoir des ennuis ? parce que s'ils dévastent une fois, deux fois, la troisième fois les gens vont les abattre et s'ils le constatent qu'ils ne fassent aucun problème. S'ils en font, toute la population ira chez eux.

Tel qu'ici à Mandji, si une personne abat un éléphant et s'ils le mettent en prison, toute la population se présentera pour dire mettez nous aussi en prison (...) la loi ne peut pas mettre toute une population en prison, ils vont libérer cette personne puisque l'éléphant est déjà mort et ils ne pourront pas tuer cette personne parce qu'elle aurait abattu un éléphant. C'est de la démagogie que eux, ils font. Ils veulent seulement que ces éléphants consomment les cultures des gens, que les populations nourrissent ces éléphants à cause de leur ivoire et des arbres qui produisent. La forêt appartient aux Eaux et Forêts, pourquoi partagent-ils encore cette forêt pour couper les arbres alors que les éléphants se nourrissent de ces arbres et ils se retrouvent affamés et ils sont obligés de se rabattre dans les villages. Par conséquent ils font de la démagogie (...) qui avait fabriqué les armes et les munitions de la grande chasse ? ces armes et ces munitions ont été fabriquées pourquoi ? n'est-ce pas pour abattre les éléphants ? pourquoi défendent-ils encore cette chasse ? s'ils veulent que les éléphants ne soient plus abattus, qu'ils ne vendent plus les armes et les munitions, qu'ils disent aux éléphants de ne plus dévaster les cultures des gens dans les champs.

Parce que, tant qu'ils vont continuer à vendre les armes et les munitions, si les éléphants continuent également à détruire les champs, les gens seront tenter d'en payer pour les abattre.

6- Mutu nemenu, nzahu pa amaruga gu giamba giami, nya muboki, dzasuegi gusuege (...) pa beseruga guse paga misosu, pegianu disumbu di nzahu (...) nigu ipei tumba meguami biguya bina mandi bibedze gwenda de million mbara giamba ana mbili biguya tangu yafurni mefubu, c'est des millions, tangu yafurni gigongu ginduli, c'est des millions, tangu yafurni mbala, c'est des millions, tangu yafurni mipala, c'est des des millions (...) Nzahu imosi, pa imaboku guse guya biguya bibatu, pa imaya giamba gimosi pabe mafunda nya guvuli bisi tribunal duyatsu pera dzugu anua guvuli tangu tsei niki ipei menu guandi niku vagala peyanu biamba bitsiyu ne nzahu.

6- Une personne comme moi, si un éléphant vient dans ma plantation, je l'abattrai et je ne cacherai pas (...) s'ils viennent me chercher des ennuis, je leur dirai de me donner le prix de l'éléphant (...) et je payerai mais, de mon côté les cultures qui ont été dévastées peuvent coûter des millions parce qu'une plantation a plusieurs cultures.

La quantité fourni par les ananas vaut des millions, la quantité fourni par le manioc vaut des millions, la quantité fourni par les ignames vaut des millions, la quantité fourni par la banane vaut des millions (...) si nous abattons un éléphant parce qu'il est venu détruire les cultures des gens, s'ils nous entraînent dans les tribunaux, je dirai aux gens du tribunal qu'il est inutile de me mettre en prison, combien me demandez vous pour cet éléphant et je payerai le prix et je leur dirai de payer aussi toutes les plantations dévastées par les éléphants.

Ce récit de Camille Mboumba pose le problème de la responsabilité de l'administration par rapport à la gestion des éléphants et à l'aménagement du territoire mais également celui de la compensation des dégâts. Il dénonce le manque de certaines infrastructures sociales et remet en cause la capacité de l'éléphant à régénérer certaines essences forestières. D'après lui, les hommes étant dotés de raison sont prêts à accepter de ne plus abattre les éléphants. Mais il pose en retour une question aux responsables de la faune pour savoir si les éléphants eux, ils peuvent comprendre qu'il ne faudrait plus qu'ils touchent à leurs cultures pour éviter les problèmes entre les populations et les eaux et forêts. Par ailleurs il est inconcevable pour lui d'admettre que l'éléphant puisse à « accoucher » des arbres car dans la conception gisir, Dieu a crée les arbres avant les animaux. En outre, il met en garde les autorités face à la déprédation de leurs cultures par les éléphants.

En effet, à travers ce récit, on comprend aisément que les sentiments de rejet que les populations éprouvent face à l'éléphant sont dus à la non compensation des dégâts qu'il occasionne. La non compensation des dégâts risquerait d'augmenter l'abattage illégal des éléphants. Elles protestent contre l'interdiction de l'abattage des éléphants et réclament des dédommagements des cultures dévastées par les pachydermes. Cette protestation à l'égard de l'administration se lit par l'usage du pronom personnel pluriel « ils » qui est cité dans le texte près de quinze fois et des formules telles que « tes gens » ou « leurs enfants ». Pour les populations, il est inconcevable de protéger l'éléphant au nom d'une régénération de la forêt car selon elles, Dieu aurait crée les arbres avant les animaux par conséquent aucun animal ne peut être à l'origine du développement d'un quelconque arbre. Elles estiment en définitive que l'administration ne porte aucun intérêt pour la destruction de leurs cultures mais elle en porte par contre pour l'éléphant à cause de son ivoire.

Récit255(*) n°6 de Périne Mawouiri256(*) sur La périodicité des activités agricoles et sur le choix du site

1- Duapakili gusala mbura mwa d'avril- mai. Mwa de mai wagone sonda mburagu iwasolili giamba ukone labe musiru mbara mu mbura sia gwingini mamba nonga ukulabe ngendza gere guguba mamba gere mbura iboti. Avril ne mai ne vana wagone labe musiru gere gumamba. Pa umamana gukeba musiru mwa y juin ukukeba nyama ne biguya ne doli ukwenda gosolisa. Memosi wubedza gusola juillet uku guangisa la avant 17 août ukeniendza.

1- Nous commençons à choisir le site agricole à partir du mois d'avril- mai. En mai c'est là où on cherche l'endroit pour faire le champ, tu dois aller regarder la brousse parce qu'il y a des endroits qui s'inondent donc il faudrait savoir au préalable si l'endroit s'inonde ou c'est un bon site. Une fois que tu as trouvé le site, en juin tu cherches le poisson, la nourriture et l'argent pour la débroussage. Parfois tu peux débrousser en juillet tu faits abattre, avant le 17 août tu brûles.

2- (...) Pa dukavari dua pakili guvara miage ne septembre la timba malanga ne octobre pa mamba mare sunda ne mutamba si vana duku vara bivaru biotsu bigegi mbala bigongu mongu. ne octobre kuanga novembre ukia vari (...). Pasi use vura ne guvara avril ne mai wapakili gubuka timba malanga ma chinu. Ne mupuma uwu nzevaga giamba gimosi gineni (...) Giamba gina nzepasa agigi giari nzevara timba bigongu adina disimu nivara ka mipala si mupwasi si mipala nze vera melanga me poati ne me kira ni vera chinu mbala miniambi tomata talku nungu ne bukulu (...).

2- (...) Lorsque nous cultivons, nous commençons par les bananiers en septembre et le manioc, les taros en octobre lorsque l'eau est descendue avec la terre et là nous plantons toutes les autres cultures, les ignames, le manioc amer, la patate douce. D'octobre jusqu'en novembre tu ne faits que planter. (...).

Si tu cultives très tôt, entre avril et mai tu commences à récolter les tubercules et les taros. Cette année j'ai fait une seule grande plantation et je l'ai divisé. Une partie j'ai mis les tubercules, le manioc. L'autre partie, je n'ai mis que la banane puis entre les bananiers, j'ai mis les taros, les ignames, les aubergines, les tomates, le tabac, le piment, l'oseille (...).

3- Batu bavagi biamba mbura sataga ne mamba mbara pa uma vaga mupindi u ndiayu guse gubanga, uguba ne keri mamba me gulambilila ne me gunu. Usa bedze guse diandza mbura pasi gusa mambe beli. Mutu asa kambi ne mamba a mutu tabuga ugu mufuanga ne gie ? Menu nia vagi biamba biami gu mbure ine mamba beli. Gu mupindi mutu benza dimbegene ne gu bela, dusa gwe keba mamba gu dimbu. Du ne keri ne mamba me gunu ne gulamba. Pa dua dianzi du nonga gunu mamba nesi gu melamu. Agu duvu gu miemamba ne manga. (...) miaga pasi use vara ne septembre, miapakili gutsokema ne mai la si août ne septembre mikuèla. Pasi use mivara ne octobre, miatsokimi ne juin si octobre mi kagesu. Timba ne bigongu bayetsi ne mars si be kuroga. Mai ne juin ubedza gonevosula si septembre ne octobre si maguela. (...) malanga ne mongu yawu ba buri juin. Juin juillet kuanga août ka gone bukanga. Mbala abana bisi juillet ne août. Tumba ne malanga, ne mbala ne mongu dua bukisa avant octobre mbara pa si manu mamba sia yungi. (...) putu sia buri décembre ne janvier si pinda ne janvier fevie. (...) gu giamba giona givava gia regilu guya bukulu ne nungu duka melanga ne mbala ne mipala. Misungu pasi misivaru ne septembre ne octobre mia buri mai ne juin.

3- Les gens font des plantations non loin des points d'eau parce que si tu faits un campement pour venir y séjourner, tu auras besoin d'eau pour préparer et boire. Tu ne pourras pas venir travailler s'il n'y a pas d'eau à proximité. L'homme ne peut rester sans eau parce que si une personne s'évanouit vas-tu le réanimer avec quoi ? Moi je fais toujours mes plantations là où il y a un peu d'eau parce que l'eau est précieuse. Dans le campement il peut arriver qu'une personne tombe malade et on ira pas au village chercher de l'eau. On a besoin d'eau pour boire et préparer. Quand on travaille on doit toujours boire l'eau même s'il y a un peu de vin. Là où nous sommes il y a des rivières et les marécages. (...)

La banane, si elle se cultive en septembre, elle commence à s'incliner en mai et en août et septembre, elle arrive en maturité. Par contre, si elle est cultivée en octobre, elle s'incline au mois de juin et en octobre on la récolte. Le manioc et les tubercules commencent leur apparition en mars puis grossissent. Entre mai et juin tu peux commencer à gonevosula257(*). Ils arrivent en maturité entre septembre et octobre. (...) les taros et les patates douces arrivent en maturité entre juin et juillet. L'igname sa période de maturité se situe entre juillet et août.

Cependant, que ce soit les taros, les patates douces ou l'igname, on doit les déterrer avant octobre car si ces cultures consomment beaucoup d'eau, elles ne seront plus de bonne qualité. (...) le maïs produit entre décembre et janvier par contre l'arachide, c'est entre janvier et février. (...) dans une nouvelle plantation, les premiers aliments récoltables sont le piment et l'oseille puis les taros, les patates douces, les ignames puis la banane. Les canes à sucre, s'ils sont cultivés entre septembre et octobre, ils mûrissent entre mai et juin.

Ce récit de Perrine Mawouiri nous informe sur les différentes périodes des activités agricoles et sur les critères de choix d'un site. Les périodes des activités agricoles évoquées par notre informatrice sont celles qui vont de la localisation du site agricole à la récolte des cultures. Ces périodes s'étendent en général entre le mois d'avril et mai jusqu'en octobre de l'année suivante. Entre avril et mai, c'est la période du choix et de la localisation du site agricole. Le choix du site pendant cette période permet d'identifier si celui-ci absorbe ou pas de l'eau. Si au cours de cette période, l'on retrouve encore suffisamment de traces d'eau, cela voudrait dire que ce site n'est pas approprié à la mise en culture. Une fois le site choisi, le débroussage commence en général en juin et l'abattage débute en juillet. Le mois d'août est la période de mise en feu. Puis, intervient la mise en culture qui va de septembre jusqu'en novembre. Cette mise en culture débute avec la culture des bananiers puis, suivie de celle de tous les autres cultures d'octobre jusqu'en novembre parfois, elle peut s'étaler jusqu'en avril.

Toutefois, il peut arriver qu'en septembre les femmes puissent planter les bananiers et les autres cultures notamment les taros et les tubercules en même temps surtout en cas de famine et lorsque cette dernière n'a aucune réserve dans son ancien champ. A partir de ce moment, les tubercules et les taros cultivés en septembre peuvent être récoltés entre mars et avril. Dans le choix du site, il y a un certain nombre de critères qui sont retenus. Outre le fait qu'il n'y ait pas d'eau sur le site agricole, l'un des critères de choix d'un site est la présence d'eau potable. L'eau est un élément central dans l'activité agricole du fait de son caractère vital. Elle permet non seulement de se désaltérer au regard des efforts physiques que ce type de travaux nécessite mais également de préparer les aliments et de se soulager en cas de maladie. Elle est d'autant plus importante en cas d'implantation d'un campement. La primauté de ce critère d'eau s'explique par le fait que la grande majorité des sites agricoles à Mandji portent des noms des cours d'eau. Malheureusement ces milieux qui regorgent des points d'eau sont ceux qui sont le plus fréquentés par les éléphants.

Récit258(*) n°7 de Mboumba camille259(*) sur Les techniques endogènes de chasse

1-Gu rege, batu be bokanga nzahu ne mi rambu. Nzahu a ne murambuandi wa nengulu gilungu. Gilungu a rambungu, negu ndiayu nana, uke buru ne ketu, ketu ina aku bura bane, la uku ne bane be katsi, vana ukungu ne guramba gilungu. Pa uma gwenda gu musiru, uku tabula gikoga gi neni gi tsire, gi ku tungungu gu gari. La uke diandze dikongu di neni, (...) dikongu dine diku tobu gu gikoghe gine la uku baresi guyulu. La ndiabeni katsi ukwenda gune guyulu, la uku nienge mwane katsi la mwane nuna aku bandame vane, ndu la ndiayu ukuetile mamba, me kusunde kuanga kodu dikongu la mekusunda gu mukakele mwane katsi. Nzahu pa ama viogilili vane aga gwakilu ka gwakilu.

1-Avant, les gens tuaient les éléphants dans les pièges. L'éléphant a un piège qu'on appelle gilungu260(*). le gilungu se pratique que par une personne qui a des neveux. Lorsque tu vas en brousse, tu coupes un gros bois lourd que l'on amarre au milieu. Puis tu fabriques une grosse lance (...) cette lance on l'enfonçait dans le bois et on le suspendait.

Toi-même l'oncle tu montes et tu demandais au neveu de se courber et tu verses de l'eau qui passait par la pointe de cette lance et descendait sur le dos du neveu. lorsque l'éléphant passe par là, il se fait forcement attraper.

2- Murambuna umemungu ka ne mwane katsi mba pa gimasukumuga vane, gia sukumugi ka ndiayu mwane katsiandi, mba yandi bedze gufu guna asa ne musosu mba mwana, mwana katsiandi. yandi gilungu ase ramba asa bedze vaga ka pagere mwane. Ne tayandi aguvaga ayandi gilungu ase ramba.

2- Le droit à la pratique de ce piège ne se faisait qu'avec le neveu parce que si le bois tombe, ça ne tombera que sur le neveu parce que lui, s'il meurt l'oncle n'avait pas de compte à rendre puisque l'enfant qui est mort c'est son neveu. Lui c'est le gilungu qu'il a fait et il ne peut le faire avec n'importe quel enfant. Même son père ne dira que l'oncle c'est le piège qu'il a fait.

3- La udubila, be bukanga gidune gi neni gu muanda nzahu. La beku bonganga be bikoga bigegi bi gukubiga ne mutamba guyulu, usaguyabe gu givave gune. La gutsi guvara niobu.la gwarugi nzahu aku sakumuga guna la niobu tsina tsi kumutsoka la akuvakene gu gari. La vane guyabe muri beli mba pa gumabe muri beli aga katugi. Avave bese kanga ne guku ramba be kaveringi ka ne mate. Mirambu vave ka ne fil si neni si maruga ne mitangani.

3- Celui de dubila, ils creusaient une grande fosse sur la piste des éléphants. Ils prenaient des petits bois qu'ils mettaient de manière horizontale à la fosse et ils couvraient le tout avec de la terre, tu ne pouvais savoir qu'il y avait quelque chose à ce lieu. Et dans la fosse on plantait des sagaies.

Quand l'éléphant passera, il va tomber dans la fosse, les sagaies vont le pénétrer et il y restera coincé. Mais il ne faudrait pas qu'il est des arbres à côté parce que s'il y en a il peut sortir de la fosse. En ce moment ils ne font plus les pièges, ils les tuent avec les fusils. Les pièges sont faits maintenant avec les fils venus avec les blancs.

Notre huitième récit répond à la question de savoir comment autrefois les Bisir pratiquaient la chasse à l'éléphant. A cette question, Camille Mboumba nous apprend qu'ils pratiquaient cette chasse à base de deux types de pièges. Le premier piège était appelé gilingu. Il consistait à suspendre un gros bois à partir des grosses lianes, dans lequel était enfoncé une grosse lance, sur une piste d'éléphant. Mais pour pratiquer ce piège, il fallait obligatoirement être un oncle de famille notamment avoir des neveux. Car il y avait un rituel que l'oncle ne pouvait exécuter uniquement qu'avec un neveu et ce rituel était la condition sine qua non pour que le piège puisse attraper l'animal. Le rituel consistait à faire courber le neveu sous le gros bois suspendu dans lequel l'oncle avait enfoncé la lance et son neveu devait être centré sur la lance puis, l'oncle montait au niveau de ce bois et il versait de l'eau sur ce bois. Cette eau devait passer par la pointe de la lance et descendre sur le dos du neveu. Une fois ce rituel exécuté, aucun éléphant ne pouvait échapper.

Cependant, il se produisait parfois des accidents. Il y arrivait que l'oncle en montant pour verser de l'eau, que le bois tombe sur le neveu et ce dernier meurt. Mais chez les gisir, cette mort était jugée légitime. Ni le père, ni la mère de l'enfant n'avait le droit de contester l'oncle. Cela soutient l'idéologie lignagère dans les sociétés matrilinéaires où l'oncle a les pleins pouvoirs sur ses neveux et nièces notamment le pouvoir de vie et de mort. Le deuxième type de piège est le piège dubila. Celui-ci consistait à creuser une grosse fosse sur une piste d'éléphant dans laquelle on plantait des longues lances et on recouvrait le tout par des petits bois et des feuilles sur lesquelles on mettait de la terre. Mais aujourd'hui ces techniques de chasse ne sont plus pratiquées, elles ont été remplacées par les pièges à base de fil métallique et le fusil.

Récit261(*) n°8 de Mboumba camille262(*) sur Les pratiques « fétichistes » de la chasse à l'éléphant

1-Ke pagere mutu bedze gube murele nzahu, gi diandzu gi gunenga pasi murimagu udiola mbare nzahu sa botsu basindili nzahu. Bana ne buta agalabi nzahu, agarini, barunguli ka bibulu bi gegi. abana ne buta barungili guboka nzahu esi ne calibre 12. Burele bu nzahu agavengu tumba warenenge la si ukuvengu, mba nzahu si mevanda, mbara ubedze muvera usayabi la abedze mbambena nagu. Memosi waveri nzahu masani me siamunu, mane ne gereru la agagwendi. Mefimba pasi gu dimbu, gu batu ba kuvini, bedze goku kalugili mukuyi gu musiru ugulabe re nzahu, ugu muvera la uka gwendili mune. Gi gumbi gine pa ama gwenda gu musiru, pa ama benguna na nzahu, yandi beni agayabi nzahu iyi isa iboti. (...)

1-N'importe qui peut devenir chasseur d'éléphant, c'est un travail d'apprentissage il suffit d'avoir du courage parce que c'est pas tout le monde qui résiste de regarder un éléphant. Certains avec le fusil, s'ils voient l'éléphant, ils fuient, ils parviennent à tuer que les petits gibiers. D'autres arrivent à tuer l'éléphant même avec le calibre 12. la chasse à l'éléphant se donne mais tu dois d'abord apprendre puis on te donne pour pouvoir identifier un éléphant mystique parce que tu peux le tirer dessus sans le savoir or si tu le tires, il va s'attaquer à toi.

Parfois tu peux tirer un éléphant six à sept coups mais il part.

Quelquefois si au village tu as des détracteurs, ils vont se transformer en esprit malsain et se présenter à toi dans la forme d'un éléphant et lorsque tu tireras tu vas en pâtir. En ce moment lorsque le chasseur va en brousse et il rencontre un éléphant, il saura si cet éléphant est naturel ou pas. (...)

2- Guvere gu gunenga usane tangu, tumba guvere gu divanda, aga vegu durangu mba aga vegu nzahu. Nzahu gibulu gi neni gise lalabananga. Pasi umaboke nzahu, ukune diduma dineni. Pa uma goboke nzahu, ukuse gwambile gu dimbu, uku tabule gilanga giandi uku bega gu diumbu. Batu bagu bavagi milolu. Tumba gosase nzahu ina, bare viosanga tsufu beyi si imureu bekuanda gosasa nzahu ina. Tsisigeni begina munombu gu dimbu (...) dibeti ne pundu la makiela murela akugotsu tsigu, uku duara gibari gi musingi. Bagetu ne batu botsu ba gosasa nzahu beku mibiganga gu tsima ne nimbu kuanga gu mbura itsifilu nzahu.

2- La pratique de la chasse à partir de l'apprentissage n'a pas un nombre défini d'éléphants à abattre mais ceux qui tuent avec un fétiche ont un nombre défini parce qu'on te donne un éléphant. L'éléphant est un grand animal qui ne se voyait pas n'importe quand et n'importe comment. (...) les Bisir tuaient les éléphants à cause de la destruction des cultures vivrières qu'ils occasionnaient. Lorsque les éléphants devenaient menaçants, ils faisaient appel à un chasseur parce que à cette époque on voyait les éléphants rarement.

Lorsque tu parvenais à en tuer, tu avais une grande notoriété. Quand tu abattais un éléphant, tu venais annoncer au village, tu coupais sa queue et tu l'apportais au village. Quand tu arrivais au village, tes parents poussaient des cris de bénédiction. Mais pour aller dépéçer cet éléphant, ils pratiquaient d'abord le culte du munombu au village (...) pendant toute une nuit. Le lendemain, le chasseur était maquillé de kaolin rouge et porte la peau de la civette. Il se mettait en marche jusqu'à l'endroit où il avait tué l'animal et derrière lui venaient les femmes et les hommes qui partaient pour découper la bête en chantant.

3-Murele unzahu pasi agarondi gu vanda nzahu, aga guelaba nganga. Nganga memosi aga muvegi megumi me ranu me nzahu tsi yandi agaboki memosi kame nzahu la aku muvandila nzahu iyandi gubokilanga nzahu tsina. Agabi ne yandi nzahu. Pasi nganga ase muvega megumi me ranu memavu, yemosi yasali ina pasi ase iboka, yaboki yandi beni. Bana ba vandi ka divisema, negu vagala nesi ase gwingene gu gari nzahu, nzahu be sa mueni esi aga veri bagulu ka kumbula besa mueni. Abana basa ne durangu, ba boki ka guboka. Abana bavegu dimungi memosi mukudu bavegu ugu tunga mu dilungu (...) memosi dibumba di veru gu mungungu.

3-Le chasseur d'éléphant quand il veut faire les fétiches pour un éléphant, il va voir un nganga. Le nganga lui donne par exemple cinquante éléphants ou cinq cent éléphants qu'il doit abattre puis un éléphant à partir duquel il les tuera. Il possède son éléphant à lui. Si le nganga lui a donné cinquante éléphants, le dernier qui reste, si le chasseur l'abat, l'éléphant le tue lui-même.

Certains « fétichent » l'obscurité c'est-à-dire que même s'il pénètre au milieu des éléphants, ces éléphants ne peuvent le voir même s'il tire, ils entendent que la détonation du fusil mais ils ne le voient pas. Ces chasseurs là n'ont pas de nombre défini, il tue à volonté. Ceux-là, on leur donne parfois une corde pour attacher autour des reins ou un talisman à mettre dans une boîte.

4- Murele uvanda nzahu, pasi ama benguna ne murele nandi pasi yandi asa muene, murele una abedze muvera mbara yandi agalabi nzahu asayabi re mutu. Bifimba renane ba batsungugili ne lakcida si burela (...) tumba gere gufu, asa gafu wisie wamosi. Pa nzahu ina imafu gu musiru, yandi gu dimbu aku dimbegene negu bela guranga kuanga tsonu beyi la ne gufu. Tumba murele una nzahu, pa yandi ama regile gufu nzahu i yandi avanda ise gafu yasali gu musiru ne girwili gisega ne fumu (...) vane asegapage guboku esi ne calibre 12 ubedze muboka.

4- Le chasseur d'éléphant qui a pour fétiche un éléphant, s'il se rencontre avec un chasseur ordinaire, si le premier ne le voit pas en première position, le second peut le tirer dessus parce qu'il ne voit qu'un éléphant et il se sait pas que c'est un homme. C'est parfois de cette manière que surviennent les accidents de chasse et certains se blessent. Si c'est la mort, il ne meurt pas le même jour.

Si cet éléphant meurt en brousse, le propriétaire au village tombe gravement malade pendant deux semaines et il meurt. Mais ce chasseur vient à mourir le premier, l'éléphant qu'il a « fétiché » ne meurt pas, il reste en brousse comme un animal domestique sans maître (...) et en ce moment il n'est plus difficile à abattre, même avec un calibre 12, tu peux l'abattre.

Ce récit de M. Mboumba Camille répond à la problématique des pratiques « fétichistes » liées à la chasse à l'éléphant chez les Bisir. En suivant ce récit, notre informateur nous apprend que la chasse à l'éléphant peut se pratiquer par n'importe qui, pourvu qu'il ait du courage et qu'il apprenne la chasse. Le courage et l'apprentissage sont les conditions de base pour devenir un chasseur d'éléphant. Une fois ces conditions réunies, l'apprenti chasseur peut se présenter chez un « nganga » pour solliciter un un fétiche. Ces fétiches visent à identifier les éléphants naturels des éléphants mystiques dont la chasse est proscrite et de se protéger de l'agressivité des éléphants. Ces fétiches, sont de deux genres. Le premier consiste en la possession d'un éléphant mystique destiné à protéger le chasseur des éléphants étant donné que l'éléphant est un animal redoutable.

Et ce fétiche demande de la part du chasseur, le respect du nombre limité des éléphants à abattre qui lui aurait attribué le « ganga ». Le deuxième fétiche, est un fétiche d'invisibilité. Il permet au chasseur de se cacher sous une obscurité dans laquelle les éléphants ne peuvent le voir. Avec ce fétiche, il n'y a aucune condition, le chasseur peut tuer autant qu'il désire. Mais bien qu'ayant des chasseurs spécialisés, les Bisir n'abattait pas les éléphants n'importe comment. Ils étaient en général abattus pour défendre leurs champs. Aussi, étant donné que l'éléphant était un animal rare et considéré comme un génie, qui ne se montrait pas n'importe comment et n'importe quand, son abattage procurait du prestige et de la notoriété.

Récit263(*) n°9 de Germaine Bibalou264(*) sur Le comportement de l'éléphant dans les champs et l'ampleur des dégâts

1-Ni bedza guambila nzahu asa ne mwiri u yandi asa gaya, asa ne dugaya du yandi asa gaya. Nia labila ka sa gaya ka ditsotsu dietu didi, ne gurbanga, ne nungu. Sa bina biotsu ne bina bi yandi agaya. Muati miri agarubuli mesungumana akuyanga, agaya ne nguli mbari ne misogu, agapasi mbari. Bagayi tindi biotsu besa ne givava gi yawu basisi tindi guvagela mupala dilanga usa gulabe esi gibusi tindi timba gusandi umangila bigongu bi ndungu bi nduli memosi pasi utsibe ne melumbi aku bitsarila kana diadidi akone vioga aga gone bingilili timba ne malanga a mbala diambu ne pundu. Pa umalabe nzahu gorege gu giamba uvure gube ne gigongu ne timba yandi agaregili gubinga mbura imipala akubinga malanga ne mongu agaraculi ne mikoga miotsu ne mbala. Yandi aga regili gubinga ka bina lasi pa amamana guya bina biotsu lasi akwe bemba timba ne bigongu akurubula akuene bambulanga.

1-Je peux dire que l'éléphant n'a pas d'arbres qu'il ne consomme pas, il n'a pas de feuilles qu'il ne consomme pas. Je vois qu'il ne consomme pas seulement notre citronelle, le dartier et le piment. Mais tout le reste il consomme. Certains arbres, il enlève les écorces pour consommer, il consomme même les toutes nouvelles branches du palmier, il le déchire pour consommer le nguli265(*).

Ils consomment tout, il n'y a pas quelque chose qu'ils épargnent que ça soit la banane, les taros tu ne trouveras même pas la `racine-mère' moins encore les tubercules à l'exception du manioc amer. Parfois avec un peu de chance, ils les piétinent pour suivre les bananes, les taros, les ignames. C'est un problème.

Une fois les éléphants pénètrent dans une plantation, tu peux avoir le manioc, les tubercules mais il commence en premier par la banane, les taros les patates douces et les ignames qu'ils déterrent avec tous les troncs d'arbre. Il commence par ces cultures. Une fois qu'il a fini de tout consommer, il s'attaque aux tubercules et au manioc qu'il déracinent et jettent pêle-mêle dans la plantation.

2-(...) yawu barugi ka gusevaga dimbunga bapasi miaga gupasa. Ni maguyu giamba ne nzahu gise mangu giguya esi mongu ise mangu mupuma u 2002 nigivaga vava gu mwe dimbu bese ninganga Meniani. Tindi vana nimana guvara biguya biapakila guvega re dukubanga ka yetu begetu bebeyi gu mupindieni (...) mba be mbatsi botsu bese tsagenanga mupindi ka gu dimbu si nzahu mbe si maranga mba gusabanga batu begu sandzanga muna muotsu ka yetu bebeyi mbe duku guna. Nzahu mbe sise gaku gulu gusandzu re dukulu wome dukuvuduga gu dimbu. Si nzahu beku niamba biotsu gibe ka ne kane esi muri ugigongu use kulabananga. . Baraculi kuanga mikoga esi dingililu di giamba usabedza kudiyaba.

2- (...) J'ai une plantation qui a été dévasté par les éléphants dont nous n'avons même pas goûté une seule nourriture, même une patate douce n'a pas été goûtée pendant l'année 2002. Je l'avais faite au village qu'on appelait Maniani. Une fois que j'avais fini de cultiver, les plantes commençaient à produire.

Mais nous n'étions que deux femmes dans le campement (...) toutes les autres ne restaient pas au campement qu'au village donc les éléphants étaient devenus plus menaçants parce qu'il n'y avait pas des gens pour les chasser dans tout le secteur. Les éléphants ne s'éloignaient plus et puis nous avons pris peur, nous sommes rentrées au village. Et les éléphants ont tout détruit, elle était comme cette cours, même une bouture de manioc, on ne pouvait plus en trouver. On ne pouvait même plus retrouver l'entrée du champ, ils avaient déplacés les troncs d'arbres.

3-Barugungi dibeti ase gayi niangu (...) Nzahu gu musiru bagayi milunda begayi miduka miba tumba pasi una muri uyawu begayi bebeli ne giamba talanga begukuya giamba. Nemenu bese guya misungu miami mbara mbatsi unami giamba ndilu ane mwibe gu mbeka giamba giandi (...). Ne gugu guduvu gu muduka beli pa meduka mana mabonduga pa be magulu dzulu be me bingilila la vana beku bingilila guandi biguya. Gu miri mi beyi mi medouka mia bondugi ne miba mi bogu mi muna. Miemamba mi guna awu gitataba uyawu baboti bekuse guyilanga ne muemamba wa viosi tumba wa kamugi mangala. Motsu mana ma yawu babingilili.

3- Ils viennent la nuit, ils ne se nourrissent pas la journée (...) l'éléphant en brousse se nourri des fruits comme le douka, les mangues sauvages mais s'il y a un des arbres qui produit ses fruits à proximité de ta plantation, il faut savoir qu'ils vont te dévaster le champ.

Moi, ils sont venus dévaster mes cannes à sucre parce que celle qui la plantation à côté de la mienne avait un manguier sauvage à proximité de sa plantation (...). Là où nous sommes, il y a un douka à proximité. Ils sont attirés par cet arbre lorsque les fruits tombent. Mais en suivant les fruits, ils viennent aussi dans la plantation. Il y a aussi des cours d'eau. Il a celui qui ne tarit pas dans lequel ils viennent manger et un autre qui coule mais qui tarit en saison sèche. Ce sont toutes ces choses qu'ils suivent.

Ce récit répond à la question comment se comportent les éléphants dans une plantation et quelle est l'ampleur des dégâts causés. En suivant le discours de cette informatrice, nous nous rendons compte que les éléphants sont des animaux nocturnes, ils ne se nourrissent que la nuit. C'est donc la nuit qu'ils attaquent les cultures des populations. Dans ces attaques, les cultures les plus appétées par les éléphants sont la banane, les taros, les ananas, les cannes à sucre, les ignames et les patates douces. Une fois qu'ils ont fini de consommer ces cultures, ils s'attaquent aux tubercules. Le manioc amer n'est pas très apprécié par eux. Comme le manioc amer ressemble aux tubercules, ils le déterrent en croyant que c'est du tubercule. Mais après avoir constater l'amertume de cette culture, ils le déterrent et le jettent pêle-mêle dans la plantation.

Aussi, lorsque les éléphants sont à la recherche des fruits de certaines essences comme le douka, s'ils arrivent que ce douka soit à proximité d'une plantation, ils vont s'y rabattent. Par ailleurs, la peur que suscite l'éléphant pousse les femmes à abandonner leurs champs. Contrairement à d'autres prédateurs tels que les hérissons, les porcs-épics et les gorilles, les éléphants sont les plus destructeurs. Ils consomment tout y compris la mie du palmier et les écorces d'arbres. Les seuls aliments qui font exception sont le piment, la tisane et le dartier. Selon Madame Bibalou, certes les autres animaux détruisent aussi leurs cultures mais ils se limitent à la consommation de deux ou trois cultures dans une nuit et leur manière de consommer ne leur prive pas de nourriture. Par contre, c'est la manière de consommer des éléphants qui leur engendre la faim. Aussi, ajoute-t-elle le gorille est un prédateur exceptionnel. Il ne consomme rien de leurs cultures mais se réjouit de les détruire en déchirant uniquement les bananiers.

Récit266(*) n°10 de Marie Augustine Moumbangou267(*) sur La périodicité des incursions des éléphants dans les champs et sur les moyens et les techniques de protection

1- Gu Mandji vava usabanga nzahu viri nana menu nienda gosola biamba bibeyi gu Luba ne quatre vingt dix-huit (...) biyu biguya biotsu duse vaga mupindi. Si maranga veveni veveni ne deux mille (...) Nzahu asaga ne gi gumbi gu mutubu gu octobre wavari baguse racula bivaru veveni veveni nzahu agarangi mwa y mars. Ba rangi ne mwa y mars avril ne decembre mba decembre babingili mibe mi bogu beku guma mwa de mars avril ne mai avana beka gatuli maramba. Avana mars avril ne mai mutu ne mupindi si aku bandekena mupindi. Gurega nzahu ayibanga ne gi gumbi alabananga ne mars kuanga mai mba vana asega ne milunda mi guya gu musiru. baruganga guandi veveni veveni gumutabugilu mamba. Pa umalabe mutabugilu bavagela nzahu agabeli miyanga, vana ne gu yawu bagarugili lembe. tumba octobre kuanga decembre batu bare varanga tumba tsitsi si kavagi ndiayu wavari yandi agarugi guse rubula bi ndiayu usevara mesiga. Avava septembre ne octobre be muna, fevrier kuanga avril ne mai beku kuruga. Mangala gumutabulilu u mamba yawu kafua (...) decembre barugi mba babingilili mibe.

1- Ici à Mandji, il n'y avait pas d'éléphants de cette manière. Moi je suis allé faire deux plantations à Luba en 1998(...) nous avons consommé ces cultures sans ériger un campement. Ces éléphants sont devenus plus terribles en 2000 (...) L'éléphant n'a plus de période. En saison de pluie, en octobre, pendant que tu cultives, ils viennent déraciner les plantes mais ils sont plus terribles en mars.

Ils sont présents en décembre parce que à cette période ils suivent les mangues sauvages puis ils reprennent en mars, en avril jusqu'en mai et là c'est la période de gugatula maramba268(*). En mars, avril et mai, la personne qui a un campement doit y demeurer. Avant il y avait une période où les éléphants apparaissaient, c'était de mars jusqu'en mai parce que pendant cette période ils n'avaient plus de fruits en brousse. Ils venaient aussi dans les champs pendant la saison sèche au moment où les pluies cessent.

Lorsque les pluies cessent, on dit que nzahu agabeli miyanga269(*) , c'est là où ils viennent en masse. Mais en octobre jusqu'en décembre les gens avaient le temps de cultiver mais ceux-là, font, pendant que tu plantes, lui, ils viennent déraciner ce que tu as planté. A présent, entre septembre et octobre ils sont dans les champs puis de février en avril jusqu'en mai.

2- Gibilu gi ranga dua vagi dzietsi gone solanga musiru gukonduga giamba dukone sumbanga dzietsi ne bisi fuomu tsini. Gibilu mwanami esi una mue tosini doli wayi vudusi gu ivega boy chauffeur tsini guku begila du dzietsi uku ku peyi mutu ugone sola busola ina pa giamba gineni watsiemusi esi digumi di tosini. Ne ruvi tsisiga tsiotsu gubangisanga (...) giriri giotsu gi wagulu dzulu ukone tabulanga ne nungu la uku bikanga gu ruvi duna mba gu agarugi agabenguni ne dzulu ina la amagabuga. ne gasoil igone ne gwitilanga mu bisotsu. Pa ndiabeni uguna kol 17h 18h ukuvaga gibiki gina mba yandi agarugingi gi gumbi gi 20h (...) ne lambi tsina nonga si yatsima wavagi be ndagu nana tol mosi gu kodu giamba tol mosi gukodu giamba la sikungasa munu (...). Muati batu ne menu nya bukingi gi duna duke bangisa ruvi la duke bikanga mbunga tsi lotu si gulu, makadumba, gugerbanga, magayi me nungu, tindi giriri giotsu gi ne dzulu ne bina bi duaveri. Duabolingi guandi merufi mandi duke sulanga gu mamba la duke kone siganga mumiaga tumba gidiandzu gineni pa giamba gigineni mbara pa ama bingilili muaga pasi amagulu dzulu merufi mandi aguyabara miaga mina merufi mandi la amasisa tumba uyanoga ka mfula. Pa gumanoga mfula wakuse singa. Tumba pasi giamba gi gineni, ugabi ne gi diandzu giranga. Tumba uvuru guvaga mevunu motsu mana, ukudila bebiguya ka uvaga mupindi la uku keba mutu ugutsagala guna gugurara giamba. (...) mebeni ni marambuga vava gosudza plainte gu eaux et forets mupuma 2003 tumba ne buotsu ne mumu betse nyagula. Batu vava be mbili bese gosudza plainte tumba gu sa musumbu. Dibandu ne muni pasi nzahu ama kwiya giamba batu besa ku gwendanga gu mbu batu bana. (...) Memosi pasi bese ronda baguendi nagu golabilili mayilu me nzahu tumba gusa diambu dia vagu. (...) pasi bese kulu ngeba bakuvegi permisi i guboka nzahu muati ba kambilungu ka ne berela ou bien ne mesani mba vava mesani ma sumbilu ka gu Pungu. (...)

2- C'est un travail pénible, nous débroussons tous les bords de la plantation et nous faisons passer les fils métalliques que nous achetons avec les gens des chantiers. C'est un travail mon fils, même si tu as un peu d'argent en réserve tu es obligé de le sortir pour le donner au boy chauffeur pour qu'il t'apporte le fil métallique et tu paye une personne pour te débrousser les alentours du champs. Si la plantation est grande, tu peux dépenser jusqu'à cinquante mille francs. Et tous les soirs, il faut allumer le feu (...) tu coupes toutes les herbes qui sentent mauvais y compris le piment pour mettre au feu lorsqu'il aspire cette fumée, il retourne. Puis le gasoil pour verser dans le feu.

Lorsque toi-même tu es au campement, tu commences à faire ce feu entre 17h et 18h parce qu'il arrive souvent à 20h (...) puis on place des lampes sous des morceaux de tôles dans les coins de la plantation qui ne doivent pas s'éteindre (...). Certaines personnes comme moi, je creuse une fosse dans laquelle j'allume du feu et puis nous mettons les vieux pneus, l'ocimum gratissimum, le cassia alata les feuilles de piment et toute herbe qui sent mauvais. Nous prenons aussi ses crottes que nous écrasons dans de l'eau puis nous frottons sur les bananiers. Lorsqu'il s'approchent en sentant l'odeur de ses crottes, il croire que ces bananiers ce sont ses crottes. Seulement il ne faut pas qu'il pleuve. S'il pleut, tu viens encore frotter. Cependant, si le champ est grand, ce travail est pénible. Malgré tous ces procédés, pour espérer avoir un peu de nourriture, il faut ériger un campement et trouver une personne pour y rester pour surveiller.

(...) moi- même j'ai déposé une plainte aux eaux et forêts en 2003 mais jusqu'à présent je n'ai pas reçu de suite. Elles sont nombreuses ici, les personnes qui ont déposé des plaintes mais rien n'est fait. C'est pourquoi aujourd'hui même si les gens sont victime des dégâts, ils ne partent plus les voir. (...) parfois, ils vont avec toi voir les dégâts mais après rien n'est fait. (...) s'ils ont pitié de toi, ils te donnent une autorisation de battue mais certaines ne trouvent pas des chasseurs ou des balles car ces balles ne sont achetées qu'à Libreville. (...)

Ce récit de Madame Marie Augustine Moumbangou répond aux questions de savoir comment les populations Bisir protègent-ils leurs cultures et quelles sont les périodes des maraudages des éléphants? Selon cette informatrice, avant l'année 2000 les éléphants n'étaient pas assez nombreux à dévaster les cultures à Mandji. Ils apparaissaient épisodiquement au mois de décembre et entre le mois de mars et mai. Le mois de décembre correspond à la période où les éléphants sont à la recherche des mangues sauvages. La deuxième période allant de mars à mai est celle qui est dite gugatula maramba en gisir. C'est la période pendant laquelle les fruits en forêt se font rares ou se sont épuisés et pour survivre, les éléphants se rabattent vers les champs des populations.

C'est à partir de 2000 que les dégâts sont devenus de plus en plus nombreux et les éléphants attaquent les cultures à tout moment. Ils n'ont plus de périodes précises où ils apparaissent dans les champs. Toutefois, les dégâts sont plus réguliers après la petite saison sèche et entre février et mai. Et pour lutter contre ces dégâts, les populations procèdent à la mise en place des clôtures à base des fils métalliques. Ces clôtures sont érigées tout autour de la plantation sur unr zone tampon. A cette clôture, s'ajoute l'allumage des lampes et du feu quotidiennement. Dans ce feu, certaines femmes font brûler des vieux pneus, des feuilles de piment, l'ocimum gratissimum, le cassia alata et toute sorte d'herbes dont l'odeur est désagréable.

Récit270(*) n°11 de Kassou Chartotte271(*) sur Les conséquences, les solutions envisagées et les causes de la non fréquentation des campements

1- Nya yabi mbili famille vava sia vivri ka ne biguya bi gusumba. La si mutu pa asegandi ne biguya abedza gufu ne dzala, akala diguga aku ne dzala aka vivri ka gone nevonda mbu be mbatsi ne gusumba. La biguya biguvonda bisa bedza gubungula gifumba apa nya govonda ne muniwu mugesa dza bedza kugovonda la gugu sumba ukube ne doli.

1- Je connais plusieurs familles ici qui ne vivent qu'avec de la nourriture qu'elles achètent. Or si une personne n'a plus de nourriture elle peut mourir de faim, elle souffre, elle a faim (...), elle ne vit qu'en quémandant chez les autres et en achetant. Mais la nourriture que l'on quémande ne peut nourrir la famille parce que si je quémande aujourd'hui, demain je ne pourrais pas aller quémander et pour acheter, il faut avoir l'argent.

2-Tsayabi dibandu di yawu bakalila nzahu tsi yaboku bayingi ka biguya bi batu. vedire ke batu bafu nzahu re vivriya ? Kigengila dina diambua batu bafu ne dzala bekufu. Duvarilingi nzahu akuba moniwu yetu beni dufu ne mukenguna. (...) pa uma goboka guna ugabi ne misosu tumba nzahu pa imaruga gu giamba ibedzu boku tumba yetu dua ngengi vava adisani ne murela dugu mudilili gu ? ka mba batu beni besa vagi mukuti ne berela beni paga mbe batu botsu begu tsielu imosi beku gunga disumbu di mesani beku keba murela.

2- Je ne sais pas la raison pour laquelle ils défendent de tuer les éléphants, qu'ils mangent que la nourriture des gens. Cela veut dire que les éléphants vivent et que les hommes meurent ? regarde un tel problème où les gens meurent de faim. Nous cultivons maintenant pour l'éléphant, qu'il soit en vie et nous-mêmes, nous devrons mourir.

(...) Si tu vas l'abattre là-bas tu auras des ennuis mais s'il arrive dans ton champ il peut être abattu mais nous, nous souffrons parce que où allons nous trouver les balles et le chasseur ? c'est parce que les gens concernées ne se cotisent pas et puis les chasseurs sont difficiles à trouver sinon toutes les personnes qui sont dans un même secteur devraient se cotiser et chercher un chasseur.

3- Besa bedza guboka nzahu tsiotsu si gu musiru tumba nzahu yaguse mana batu biguya re yabokui. Yetu vava mefitsi netu, meboga netu, gu mandji vava gusa wisi gusa mukielu (...) Si sabedzu guboku tsiotsu mba nzahu gisiemu (...) Yetu gu mandji gugu gubokisa, bana netu adugu vivra tsie ? Batu besega kutsagana mupindi dibandu mbili mambu yetu baba dune bana dusa bedza gutsagana gu mupindi. (...) Bane besa ku guyanga biguya bieni doli si lekola girombililu ka gugu doli si taxi girombilu ka gugu la menu dza diandzi nia dili bedoli ka ne biguya bina.

3- Ils ne peuvent pas tuer tous les éléphants qui sont en brousse mais celui qui vient détruire les cultures des gens, c'est celui là qu'on doit abattre. Il faut en abattre parce que si un chasseur abat un éléphant à proximité de la plantation, tu peux demeurer même pendant un an les autres ne reviennent pas parce qu'ils sentent l'odeur de leur congénère. Nous ici, nous avons des décès et les retraits de deuil.

Ici à Mandji, il n'y a pas un jour où il n'y a pas de veillée. Nous ici à Mandji, nous avons des décès, nous avons des enfants, comment allons nous vivre ? (...) on ne peut pas les abattre tous parce que l'éléphant est un gisiemu272(*). Les gens ne restent plus dans les campements à cause de beaucoup de problèmes. Nous autres là, nous avons les enfants donc nous ne pouvons pas habiter au campement.

(...) Les enfants ne peuvent plus manger cette nourriture, l'argent de l'école du taxi vient d'ici or moi je ne travaille pas, je ne gagne un peu d'argent qu'avec ces cultures.

Ce récit de Madame Charlotte Kassou nous renseigne sur les conséquences, les causes de la non fréquentation des campements et sur des solutions envisagées par les populations elles- mêmes. Selon cette informatrice, les conséquences de la déprédation des cultures par les éléphants sont la faim et la perte des revenus. Cette situation a des répercussions sur le plan social dans ce sens que certaines femmes, pour nourrir leurs enfants sont obligées de mendier chez d'autres. Or la mendicité est très mal perçue dans la société gisir. Une femme qui mendie est considérée comme une paresseuse. Ce qui conduit donc les familles à être condamné à tout acheter. Cependant pour acheter, il faut avoir de l'argent. Ensuite, nous avons l'abandon des plantations entières et des campements du fait de la peur psychologique que les éléphants déclenchent chez les populations.

Tous ces efforts financiers et physiques consentis et qui sont annulés par les éléphants font que les populations puissent avoir des sentiments de rejet vis-à-vis des éléphants. Cependant, nous remarquons tout de même, une attitude assez conciliante. Les populations, malgré les dégâts que leur causent les éléphants, ne sont pas d'accord avec l'idée d'exterminer tous les éléphants. Ils admettent quand même que l'éléphant est une espèce importante par conséquent il ne peut être exterminé. Il y a là, un sentiment de d'attraction et de répulsion qui se manifeste. Toutefois, elles sont d'avis pour l'abattage des éléphants responsables des dégâts. Pour cela, elles envisagent comme solution, de se cotiser pour l'achat des munitions et le payement d'un chasseur.

Récit273(*) n° 12 de Hilarion Matoumba274(*) sur La signification de l'éléphant dans le culte des jumeaux et l'origine du patronyme Nzahou

1- Gu batu balugu nzahu, ndugina me mosi divasa. Gu batu ba buru batu be beyi, awuna agabi dine nzahu awuna mfubu. Mfubu ne nzahu. (...). Nduga si mavasa, si salugu gu yetu gukana, sia rugi nawu. Pa mugetu a mabure mavasa, bane bana bavane tsufu beya ireru inana ba go giambila nduga neguna mine metu niani ne niani. La batu beni guna bekuruga guse guambila bane baba mine mawu niani ne niani. La gu gifumba giagu pasi gu mutu ulugu nzahu, ndugina ubedze iluga mwanagu. (...).

1- Il y a des gens qui sont surnommés Nzahou. Parfois ce sont des jumeaux. Il y a des gens qui naissent à deux, l'un a pour nom Nzahou et l'autre Mfoubou. Mfoubou et Nzahou (...) ne sont pas des noms donnés aux gens du dehors, ils viennent avec eux-mêmes les jumeaux.

Lorsqu'une femme accouche les jumeaux, ces enfants font deux, trois ou quatre jours, ils iront communiquer aux gens qui sont à l'extérieur de la maison leurs noms. Et ces personnes viennent dire que les enfants ont dit qu'ils s'appellent tel et tel. Dans ton clan, s'il y a une personne qui était surnommé Nzahou, tu peux donner ce nom à ton enfant (...).

2- nzahu gu gisira divasa. beburu yawu be beyi nzahu ne mfubu. Mfuu re givunda. Mevasa batu bere migisi. Awuna akusala gu mamba nzahu akuruga gu disimu. Pa nzahu imaboku gu batu besa labilili di sasilu di nzahu mba nzahu divasa. Mutu u divasa asa bedza gwenda gu disalilu di nzahu ka ne batu bene migisi ne ngubi. Pabe magwenda golabe disasilu di nzahu abe ne migisi basumu auna ngubi agutabuga ne gubela. besa gayi nzahu, divasa.

2- L'éléphant chez les gisir un jumeau. Ils sont nés à deux : l'éléphant et l'hippopotame. l'hippopotame et l'éléphant sont des jumeaux. l'hippopotame est le grand frère. Les jumeaux sont des personnes qui sont comme des génies (...) L'un est resté dans l'eau et l'autre est monté à la berge. Lorsqu'un éléphant est abattu, il y a des gens qui n'assistent pas au dépeçage parce que l'éléphant est un jumeau. Une personne qui est jumelle ne peut pas aller au dépeçage de l'éléphant tout comme celle qui a des esprits tels que le ngubi.

Si elles s'y rendent, celles qui sont initiées vont rentrer en transe et celles qui ont le ngubi vont tombé malade. Ces personnes ne consomment pas la viande de l'éléphant.

Le nom Nzahou, est un nom réservé aux jumeaux chez les Bisir et son pendant est le nom Mfoubou. Nzahou en langue gisir signifie éléphant et Mfoubou est l'appellation gisir de l'hippopotame. Dans la tradition gisir, ces deux bêtes sont considérées comme des jumeaux. Si une femme vient à faire des jumeaux, si l'un des jumeaux a pour nom Nzahou, l'autre va s'appeler Mfoubou. Et ces enfants sont des frères de ces deux bêtes. Dans la mesure où ils incarnent leurs esprits. En conséquence, ils ne peuvent consommer la viande de l'une de ces bêtes et assister à leur dépeçage. Lorsqu'ils naissent, se sont eux-mêmes qui s'attribuent ces noms. Cependant, il peut arriver qu'une famille ait eu un grand parent au nom de Nzahou ou Mfoubou. Et pour perpétuer la mémoire de celui-ci, l'un des membres de la famille peut donner l'un de ces noms à son enfant.

Récit275(*) n°13 de Mboula Yakouya Adolphe276(*) sur Les causes de la déprédation des cultures par les éléphants et les moyens et les techniques endogènes de protection des champs.

1- Gurega bivunda bavaganga be kiligu. Kiligu divanda dia protegi giamba. Mutu uyabe ne gavagilu, avaganga mwe gimogu, agabi metsagana gu ditogu si aku kidzanga be mebumba me yandi aga veri bisiemu bi yandi beni agayabi. La makiela aku veganga begetu una diandi, una diandi. Dibumba dina mugetu aga divari gu dibandu di gisindu. Si aku kuega bingitsi. Uyalatena mukoga, uyaku nenga mbatsi mbile pasi ugu giamba pa mutu amaku nenga ne dina diagu uyaguagula. wa mu nengi gi nengitsi gi dzusu pasi sa nana, uku dukisa gu mukoga.

1- Autrefois les anciens faisaient des petits kiligu277(*). La personne qui connaît la pratique fait une petite veillée au cours de laquelle il reste assis sur une natte et il fabrique des talismans dans lesquels il met les bisiemu qu'il connaît lui-même. Et le matin, il remet à chaque femme son talisman. Ce talisman, la femme le plante sous une souche d'arbre. Puis il leur donnait des interdits.

Il ne fallait plus traverser les troncs d'arbre, appeler une personne quand tu es à l'intérieur de la plantation et si une personne t'appelle par ton nom tu ne dois pas répondre. Tu ne dois pas appeler une personne en ne citant son nom tu dois cogner sur un tronc d'arbre ou demander s'il y a des gens ou pas.

2- Pa mutu mavanda nzahu igu kale biguya biambi, memosi giamba giandi gise gayu ne nzahu kabe bi be mbatsi. ikone sandzanga be mbatsi gu giamba giandi. Memosi nzahu ina isa guya giamba giandi ka bibe mbatsi. Pa amamane ivanda yarugi guse guya gi guya gimosi gu giamba giandi gu yabisa fumu reni ku vava ne gu kedze.

Mitangani mivandingi nzahu pabe magwendanga zahu tsina sia salingi mune (...) dibandu sia funinnile. Re ne tsiogani si makukibe mbara sia burena mbili, gibulu gi sa boboku veveni mba gia gandisu guboku, gia boku ka mu bigumbi. Dibandu be karugili gu mbeka batu gone keba guyi.

2- Lorsqu'une personne « fétiche » un éléphant pour protéger sa plantation, parfois sa plantation n'est pas touché par les éléphants, il n'y aura que les plantations des autres. Cet éléphant va chasser les autres éléphants de la plantation de son maître. Une fois qu'il a fini de « féticher » son éléphant, cet éléphant vient consommer un aliment dans sa plantation pour dire au maître qu'effectivement désormais je suis sur les lieux.

Les blancs « fétichent » les éléphants et quand ils s'en vont, ces éléphants sont abandonnés ici (...) c'est pourquoi ils sont devenus nombreux. Ils sont devenus nombreux c'est pas pour rien, c'est parce que les blancs ont toujours défendu de les tuer. ces éléphants sont devenus aussi plus nombreux parce que ils se sont beaucoup reproduits, c'est un animal qu'on ne tue pas beaucoup puisqu'il est protégé. On le tue que par moment.

3- memosi akuenenga nzahu nandi gube bega gu giamba la bekuya biguya biotsu (...), muati batu be rari mipindi miawu pasi be magwingena gu dimbu, nzahu ne guya biamba biawu mbara bayabi re beku gu dimbu.

Nzahu tsina si magwiku ne lambi si kur si Rabi dibandu ubedze bangisa lambi gu giamba besa gakugulu wome bagwingeni gu gari giamba si nzahu tsina sia sobegena de tsi yawu bavandi si mimbu. Gi gumbigini besabanga ne mata, batu be giliganga biamba biayu ne kiligu (...) ne muni batu be mavuvisa mambu mana, be ma mebuse. Agu muamusa gukala nzahu yawu ndiayu uku mukalusi unzahu.

3- Il y a des gens qui se transforment en éléphants pour nuire aux autres, qui vont dans leurs plantations pour faire le désordre en consommant leurs cultures et en les détruisant. Parfois, il va faire appel aux autres éléphants de la forêt pour venir tout consommer (...), lorsque ceux qui gardent leurs campements se rendent au village, ces éléphants dévastent toutes leurs plantations parce qu'ils savent que les propriétaires sont au village.

Ces éléphants se sont familiarisés avec les lumières électriques de Rabi, tu peux allumer les lampes dans la plantation, ils n'ont plus peur, ils vont y pénétrer et ils se sont mélangés avec les éléphants du village. A cette époque, ils n'avaient pas de fusils, ils protégeaient leurs champs à partir de certaines pratiques (...) aujourd'hui les gens ont négligé ces pratiques, ils les ont refusé. Lorsque tu vas aider une personne avec ces pratiques pour chasser les éléphants, on dira que tu es celui qui se transforme en éléphant.

Ce récit répond à la question relative aux causes des dégâts dans les champs et à celle des moyens et des techniques endogènes de protection des cultures. Dans ce récit, Adolphe Mboula évoque plusieurs facteurs qui sont à l'origine des dégâts. Parmi ces facteurs, nous avons l'accroissement de la population d'éléphants qui est favorisé par l'interdiction de les abattre, l'abattage par les compagnies forestières des essences forestières appétées par les éléphants telles que le moabi, la présence des éléphants du village qui se seraient accouplés avec ceux de la forêts, la familiarisation des éléphants avec les installations électriques des compagnies pétrolières et forestières et l'abandon des pratiques endogènes de protection des cultures.

En effet, selon notre informateur, l'homme gisir possède un certain nombre de pratiques à partir desquelles, il protège ses cultures. Le kiligu consiste à protéger la plantation contre les animaux sauvages. Une autre pratique avait pour objectif d'obtenir un éléphant mystique chargé de protéger les cultures comme le ferait un chien de garde. Cet éléphant a pour mission de chasser les éléphants prédateurs du champ de son propriétaire et de les amener loin de l'espace agricole. Cependant, de nos jours, ces pratiques sont de plus en plus abandonnées, très peu, sont encore les personnes qui les font. Les rares personnes qui le font encore sont souvent suspectées d'être celles qui possèdent des éléphants du village par conséquent celles qui ravagent les cultures des autres.

Récit278(*) n°14 de Mboumba Camille279(*) sur L'éléphant et la tradition orale

1. Conte (kughu) : le voyage de la tortue et de l'éléphant (kughu i muendu wenda fudu ne nzahu)

1-fudu ne nzahu bane be tate Denzambi,

Denzambi banda asisa ne mbatsiandi Denzambi tundu, asisa mue dinuana guna. re wisi tate Denzambi banda aku ruma fudu ne nzahu mbu dina diandi gonunga dinuana diandi. re nzahu ugivunda ne guambila fudu, ka fudu wendi.

1-La tortue et l'éléphant, sont les enfants de père Denzambi. Denzambi du bas avait laissé une dette avec son ami Denzambi du haut. Un jour, père Denzambi du bas décida d'envoyer la tortue et l'éléphant chez son homonyme pour aller récupérer son dû. Et l'éléphant le grand frère, dit à la tortue, nous allons partir.

2-Ka bagwendi, bagwendi ka bakalabi ka yalala mune mwemamba tubu ne memba. fudu yanditsieni ho ! Ya nzahu avana mbili mamba nana duguviogili tsie ?

nzahu yanditsieni Heu ! aguduguvioli tsie, dusa gupoka ka mamba mana la duku panda gu disimu dina. fudu yanditsieni menu dzagurungula. nzahu ka panda gu dzimami vava, nzahu ka kututu, fudu ka garta gerta si nzahu ka ne gudala mwe mamba kuanga gu disimu dina. si fudu ya nzahu si dzudzio dumamana gukatuga muemamba. ah ! si sunda esi gutsira dze gulungu. ka fudu yanditsieni Ho ! ya nzahu giranga menu.

nzahu a giranga ndiayu tsie ? menu sara dze kunangula mbe samenu ndiayu mbe use rungula gukatula gidiba gigia ?

fudu yanditsieni ya nzahu giranga menu, giranga menu. sa melumbi giranga menu. avana mbe guvagala ndiayu use bela menu mbe dze rugula kunangula ?

kaba giranga menu, mba menu dziba mugegi, ndiayu umakiba menu. ngedza ndiyu use katusa menu melumbi menu re ni mwane mugegi, menu re nine meyuru magegi a mbe dziba ne ndiayu mbe use rugula gunangula ? giranga menu.

2-Ils marchent, ils marchent, soudain, ils voient devant eux une grande rivière pleine d'eau. La tortue dit : ho! grand frère éléphant comment allons traverser cette rivière pleine d'eau ?L'éléphant lui répondit : heu! mais comment allons passer, nous allons simplement traverser cette rivière et nous retrouver à l'autre rive. La tortue dit, moi je ne pourrais pas. L'éléphant lui dit tu va monter sur son dos.

Il s'agenouilla et la tortue monta. Puis, l'éléphant traversa la rivière. Arrivé à l'autre rive, la tortue dit à l'éléphant de le descendre car ils avaient fini la traversée de la rivière. L'éléphant répondit : ha descend maintenant, d'ailleurs je n'ai même pas ressenti de poids. Une fois descendu, la tortue dit à l'éléphant, oh grand frère, le meilleur c'est moi.

L'éléphant dit mais le meilleur c'est toi comment ? c'est moi qui t'ai soulevé si je ne l'avais pas fait, tu aurais pu traverser cette rivière ?

La tortue dit grand frère, le meilleur c'est moi, c'est moi meilleur. Heureusement que le meilleur c'est moi. Maintenant, si toi tu serais tombé malade aurais-je pu te soulever ?

Donc le meilleur c'est moi, parce que moi j'ai un petit poids et toi tu m'as dépassé. Il vrai que c'est toi qui ma fait traversé mais heureusement que j'ai petit poids, j'ai un petit corps parce que si j'avais été comme toi, tu aurais pu me soulever ? donc le meilleur c'est moi.

Ce proverbe s'adresse à une personne à qui l'on a fait du bien et qui ne s'est pas rendu compte du bien qu'on l'a fait même si ce bien n'est pas visible et qu'il n'a pas l'air de s'en souvenir. Et elle croit plutôt que c'est lui qui vous a fait du bien alors qu'au fond, dès le départ, de part votre constitution, de votre manière de parler ou d'être, c'est vous qui aviez été le meilleur garant de son succès. L'éléphant n'aurait jamais pu soulever un autre éléphant sur son dos donc Dieu a bien fait que la tortue soit plus petite que la tortue et c'est ce qui a fait que l'éléphant ait pu le porter.

1. Proverbes

1. « Bisasaku bia bondisi kari bia bondugi ka gu mu mukakela nzahu »

Traduction : les branches mortes que font tomber les singes, ne tombent que sur le dos de l'éléphant.

Lorsqu'un homme vient à fonder une grande famille, lorsqu'il est le responsable de la famille, tous les problèmes qui vont survenir au sein de celle-ci sont sous sa responsabilité, parce qu'il en est le chef. Ce proverbe renvoie au sens de la responsabilité du chef de famille. Les singes qui font tomber les branches mortes ici, représentent les éventuels problèmes que les personnes (progéniture) qui sont sous le contrôle du chef de famille peuvent créer.

2. « nzahu amina poga mba avaga gitu ne mugumbuandi »

Traduction : l'éléphant avait avalé la noix du Poga oleosa parce qu'il comptait sur ses capacités. 

Ce proverbe veut dire qu'il faut d'abord compter sur ses propres moyens avant de compter sur qui que ce soit. Il faut savoir respecter un contrat, un engagement. Ce proverbe est une variante du proverbe de Vauvenargues qui dit : « qui sait tout souffrir peut tout oser ».

3. « mugetu wakubusi disongi, nzahu ise ku gonga giamba »

Traduction: une femme qui te refuse en amour, est comme un éléphant qui a rodé autour de ta plantation sans y pénétrer.

Ce proverbe s'adresse à un homme qui aurait fait la cour à une femme sans pourtant réussir à la conquérir. Mais au lieu de regretter cet échec, il doit plutôt s'en réjouir car cette femme lui aurait occasionné des dépenses. Ce qui en définitif lui fait faire une économie forcée. Ce proverbe est l'équivalent du proverbe français : « A quelque chose malheur est bon ».

Les diverses manifestations de la vie animale (éthologie, morphologie, écologie, habitat, vie sociale, période d'activité, cycle reproductif, prédation, mode d'alimentation, couleur, odeur, cris spéciaux, etc.) ont, durant des siècles sinon des millénaires, exercé une sorte de fascination sur les facultés d'observation et l'imagination des peuples du monde bantu et, même temps, elles ont sollicité leur curiosité et leur sensibilité écologique. On observe fréquemment une projection du monde social sur le monde animal et vice versa. Ainsi que le notait Radcliffe Brown, « l'univers de la vie animale est représentée sous forme de relations sociales, comme celles qui prévalent dans la société des hommes »280(*).

Récit281(*) en français n°15 de Kabou Mbemeni Jean Pierre282(*) sur La conception de l'éléphant et le totémisme chez les bisir

1. L'éléphant constitue un totem pour certain clan. Le premier clan qui utilise l'éléphant comme totem, c'est le clan Gimondu, lequel clan avait deux totems principaux : l'éléphant et le léopard. L'éléphant pourquoi ? L'éléphant c'est le « grand boussolier », c'est le bulldozer, il creuse la route. Lors de la grande migration, les Gimondu ont sans doute suivi la piste d'un éléphant pour les amener jusqu'au lieu où ils se sont établis. Chez les Bupeti, ils avaient trois bêtes. Ils avaient l'éléphant, le léopard et l'aigle. L'éléphant était le village, c'est le symbole de la cité et quand tu es dans la cité, tu es à l'abri de tous les dangers qui peuvent te guetter. C'est pourquoi les personnes qui avaient pour fétiche l'éléphant avalait tout le village lorsque la nuit tombait, parce qu'il n'y a pas une bête qui surpasse l'éléphant la force. Le seul totem qui n'était pas consommé chez les gimondu c'était seulement le léopard parce que l'homme gisir ne consomme pas le léopard. L'éléphant était aussi le symbole du partage et de la générosité. Tous ceux qui avaient pour fétiche l'éléphant étaient des personnes qui avient des grandes familles, qui étient sollicités et généreuses. Parce que la viande de l'éléphant est une viande du partage.

2. Par contre, il était interdit à un gimondu de tuer la panthère ou l'éléphant. S'il le faisait, il tuait son propre ancêtre, il se tuait lui-même. Mais si pendant, les périodes de grande disette, un éléphant était abattu, une personne ne peut plus avoir plusieurs interdits alimentaires. C'est probablement pour cette raison que les gimondu consommaient l'éléphant à l'exception des bibusi283(*) elles-mêmes. L'interdit qui prévalait, c'était l'interdit commun à toute la communauté villageoise à l'exemple du léopard. L'éléphant avait une importance capitale. C'est le président de la forêt. L'animal qui fait le plus peur en brousse, c'est l'éléphant et non le lion ou la panthère. C'est l'animal que l'on évite le plus en brousse.

Récit284(*) n°16 de Monsieur Léonce Iwangou285(*) sur Les conséquences et la gestion des plaintes des populations sur la déprédation ces cultures vivrières par les éléphants

1. Lorsque je reçois les plaintes, je les transmets aux Eaux et Forêts qui eux, vont sur les lieux faire un constat. Ensuite, ils me ramènent la plainte accompagnée du procès-verbal du constat que je transmets chez le gouverneur à Mouila pour obtenir une autorisation de battue. Mais depuis lors aucune suite n'a été donnée aux correspondances. Ce qui fait que les populations abattent les éléphants sans faire des déclarations. Mais l'une de nos inquiétudes est que si nous délivrons des autorisations de battue, les gens vont abattre les éléphants en quantité et l'inconvénient c'est le risque de la disparition de l'espèce.

2. Les conséquences de cette situation sont la famine. L'autre conséquence où ce problème se fait plus ressentir, c'est la pénurie alimentaire. La preuve c'est que le marché n'est plus opérationnel puisqu'il n'y a pas de produits à vendre. Pendant la période de décembre, janvier et février, il était rare de voir une femme exposé même un seul paquet de manioc en vente. (...) mais sinon les villageois eux-mêmes savent pourquoi les éléphants détruisent leurs plantations. Ce sont eux-mêmes les responsables.

Ce discours du préfet de Mandji, évoque d'une part les causes et les conséquences de la déprédation des cultures vivrières par les éléphants et d'autre part la gestion des plaintes des populations relatives à la destruction de leurs cultures vivrières. Au titre des conséquences, on relève la famine et la pénurie alimentaire. Une fois que les populations se rapprochent de lui avec des plaintes, il les transmet au service des Eaux et Forêts départemental qui effectue des constats de terrain. Constat à la suite duquel, le service des Eaux et Forêts établit un procès-verbal de constatation qu'il joint à la plainte et renvoie le tout chez le préfet. A partir de ce moment, le préfet transmet le dossier chez le gouverneur pour solliciter des autorisations de battue administrative.

Malheureusement, ces sollicitations d'autorisations de battue administrative auprès du gouverneur ne sont quasiment pas agrées. Selon le préfet, les autorisations de battue ne sont pas délivrées à cause de la peur de la disparition de l'espèce. De ce point de vue, nous voyons aisément que l'attitude de l'administration consiste finalement à protéger les animaux au détriment des hommes. Cette attitude dont les populations ont conscience, poussent certain à procéder à des battues illicites et sans déclaration.

Récit286(*) n°17 de Jules Olago287(*) sur La démarche administrative en vue d'une autorisation de battue d'éléphant

1. Après le dépôt de la plainte chez nous, nous l'enregistrons puis nous allons sur le terrain pour faire le constat. Nous mesurons l'étendons des dégâts, nous prenons la mensuration des empreintes pour déterminer la taille et la structure du troupeau. Au retour, nous rédigeons un procès-verbal de constatation des dégâts. Nous déposons une copie de la plainte et une autre du procès-verbal chez le préfet qui les transmet chez le gouverneur. Nous de notre coté, nous envoyons aussi une copie de la plainte et du procès-verbal à l'Inspecteur provincial à Mouila. Puis le gouverneur délivre des autorisations de battue sur avis de l'Inspecteur provincial.

2. Cette autorisation a une durée déterminée. La durée peut être de trois semaines, un mois, deux ou trois mois et elle précise le nombre d'éléphants à abattre. Cette battue doit se dérouler dans un périmètre de 5kms par rapport au champ. Le chasseur doit avoir un permis de chasse, de l'expérience, un fusil approprié tel que le 458 qui doit être assuré. Après avoir abattu l'éléphant, le chasseur doit venir nous signaler, nous allons sur les lieux pour faire un constat de battue. Nous prenons la longueur des pointes, la hauteur au garrot, puis nous identifions le sexe. Et nous récupérons les pointes.

3. Mais les populations ne sont jamais d'accord avec cette mesure, elles se sentent souvent lésées parce que ce sont eux qui achètent les munitions, qui trouvent le fusil et le chasseur. Et les cultures détruites sont à eux. La délivrance des autorisations des battues administratives dépend de l'ampleur des dégâts. Mais tant qu'il n'y a pas de plaintes écrites aucune autorisation de battue ne peut être livrée. Les autorisations de battues délivrées, sont délivrées par canton ou par village. Un canton ou un village peut recevoir une autorisation pour trois ou quatre éléphants. Mais au niveau de la commune, les autorisations sont individuelles.

Ce récit de Jules Olago répond à la question de savoir quelle est la démarche entreprise pour obtenir une autorisation de battue administrative. Selon notre informateur, pour obtenir une autorisation de battue, il faut au préalable que les populations déposent des plaintes auprès du service des Eaux et Forêts ou auprès du préfet. Ce qui veut dire que les éléphants peuvent venir détruire les cultures jusqu'au niveau des jardins de case, tant qu'il n'y aura pas dépôt de plainte, il n'y aura pas d'autorisation de battue. Une fois la plainte déposée, un constat de terrain est effectué par les agents des Eaux et Forêts de Mandji. A la suite de ce constat, un procès-verbal de constatation faisant mention de l'ampleur des dégâts, est rédigé. Puis, une copie de la plainte et celle du procès-verbal sont transmises chez le préfet qui se charge de les envoyer chez le Gouverneur de province. Et le service des Eaux et Forêts départemental se charge lui-même de les transmettre chez l'inspecteur provincial des Eaux et Forêts également à Mouila. Après lecture du dossier par ces deux autorités administratives provinciales, le gouverneur délivre des autorisations de battue sur avis de l'inspecteur. Et l'inspecteur ne peut donner un avis favorable que si l'ampleur des dégâts est avérée.

Ces autorisations de battues lorsqu'elles sont délivrées, ont une durée déterminée qui peut aller de trois semaines à trois mois et elles précisent le nombre de bêtes à abattre. Et elles précisent également un certain nombre de critères de chasse à respecter. Tout d'abord le chasseur doit avoir un permis de grande chasse, un fusil de grande chasse approprié et qui est assuré et avoir de l'expérience. Ensuite, la chasse doit s'opérer dans un périmètre de 5kms de la plantation. Une fois la bête abattue, le chasseur doit aviser les responsables des Eaux et Forêts pour faire un constat de battue puis ils récupèrent les pointes d'ivoire et la viande est donnée à la population. Toutefois, il y a un cas d'exception qui ne nécessite pas la demande d'une autorisation de battue administrative. C'est le cas de légitime défense où un éléphant peut être abattu s'il est surpris dans une plantation.

Mais dans ce cas aussi, le chasseur doit le signaler également aux agents des Eaux et Forêts qui doivent faire un constat de battue, récupérer les pointes d'ivoire et donner la viande à la population. Cependant, les populations ne digèrent pas l'idée de voir l'administration des Eaux et Forêts récupèrer l'ivoire. Elles estiment que ces pointes devaient leur revenir dans la mesure où les cultures détruites sont les leurs, les munitions et le fusil leur appartiennent et se sont elles-mêmes qui se chargent de trouver le chasseur et de le contenter. Cependant, au regard de toutes ces exigences notamment au niveau de la limite de la durée, on se rend compte que l'administration gère les battues administratives de manière à ce qu'elles ne soient pas exécutées afin de protéger les animaux.

D'abord la démarche en vue de l'obtention d'une battue administrative est lente, ce qui exige une longue période d'attente. Ensuite, étant donné que les éléphants ont des périodes où ils maraudent le plus, il est fort probable qu'à la date de l'obtention de l'autorisation, les éléphants aient changé de secteur. Par conséquent votre autorisation sera nulle et sans effet puisqu'elle ne se prête pas et la battue ne peut se faire qu'aux alentours de votre champ. Enfin, en milieu villageois exigé d'un chasseur un permis de grande chasse alors que celui-ci a été consacré chasseur d'éléphant par les siens est un signe qui tend à ne vouloir l'exécution des battues des éléphants.

Récit288(*) n°18 de Jules Olago289(*) sur L'ampleur des dégâts et les origines des incursions

1. Nous recevons pas mal de plaintes et en général dans ces plaintes, ce sont les éléphants qui sont le plus cités parce que ce sont eux qui causent le plus de dégâts. L'éléphant met les plantations à nu, il mange tout. Il s'attaque le plus aux bananes, aux taros, aux ignames, à la patate douce, aux cannes à sucre, aux ananas, aux maniocs. Ils ravagent le plus en saison de pluie de septembre en octobre et entre février et mars jusqu'en mi-avril, après la petite saison sèche. En saison sèche ils sont moins envahissants. Pendant les deux saisons, ils dévastent toutes espèces confondues, en maturation ou pas.

2. Dans le département l'exploitation forestière est intensive et parmi les espèces exploitées, il y a des espèces telles que le moabi, l'acajou, le douka. Or les éléphants se nourrissent des fruits de ces arbres. La rareté de ces espèces fait que les éléphants descendent vers les villages. Mandji et certains villages se trouvent au sein des zones protégées. Mandji est à l'intérieur de la CFAD de la CBG tout comme les villages Yeno, Masana, Petit-village, carrefour Rabi et Peny1 et dans ces zones la chasse est presque interdite. C'est qui fait la population animalière à augmenter et n'ayant plus de quoi se nourrir, les éléphants se rabattent sur les champs des populations.

3. Il y a aussi le manque d'information et l'ignorance qui sont à l'origine de ce problème. Et un travail au niveau de la sensibilisation et de la vulgarisation de la loi qui doit être faite. Les populations ne connaissent pas leurs droits et elles agissent parfois en désordre. Au niveau de la protection des cultures, quand il s'agit d'abattre un éléphant, il faut abattre la femelle dominante parce que c'est elle qui conduit le troupeau vers les zones d'approvisionnement. La mâle dominant n'est là que pour la protection et la procréation. Or nos populations quand elles ont la possibilité et les moyens de tuer un éléphant, elles ont tendance à abattre que les mâles dominants.

4. Il y a certaines saisons où les espèces végétales dont se nourrissent les éléphants comme le moabi ne produisent pas assez de fruits. Certaines saisons, il y a plus de fruits en forêt et d'autres pas assez donc la quantité de nourriture devient insuffisante pendant ces saisons pour les éléphants. Le moabi par exemple, est un arbre qui donne les fruits tous les deux ans.

5. La conséquence la plus immédiate c'est la famine dont souffrent les populations. Ils sont aussi obligés de se déplacer vers d'autres sites agricoles en abandonnant les premiers champs. Les populations sont souvent en rogne parce qu'elles estiment qu'elles ne bénéficient pas des retombées des parcs, du bois qui est exploité chez eux. Ils pensent que l'administration seule bénéficie de la vente des pointes des éléphants alors que ces éléphants détruisent leurs cultures et ces cultures ne sont pas dédommagées par l'administration. Les éléphants même s'ils sont abattus par les populations de manière clandestine, c'est pas à but de braconnage ou commercial en vendant les pointes mais c'est juste pour la protection de leurs cultures et pour la viande.

6. Les éléphants qui ravagent les plantations des populations sont du type cyclotis dont la structure est composée de huit à dix éléphants. Ils proviennent des parcs, des aires protégées soient de Rabi ou de Gamba, de tout ce qui est espace protégé mais ces espaces ne sont pas matériels c'est-à-dire qu'il n'y a pas de barrières.

Ce récit de Jules Olago répond à la problématique des origines des incursions des éléphants dans les champs des populations mais également à celle relative à l'ampleur des dégâts. Pour cet agent du Cantonnement des Eaux et Forets de Mandji, les animaux les plus cités et qui causent plus des dégâts dans les plaintes des populations locales sont les éléphants. Ces pachydermes sont de gros prédateurs, ils mettent des plantations à nu en consommant tout. Parmi les espèces les plus attaquées par les éléphants, nous avons la banane, les taros, les ignames, les patates douces, les ananas, les cannes à sucre et les tubercules. Selon notre informateur pendant la saison sèche, ils sont moins envahissants. Mais leur période de prédilection est surtout la saison de pluie de septembre en octobre et de février jusqu'en mi-avril. Tout comme les autres informateurs, M. Jules Olago évoque entre autres comme origines de ces incursions, l'exploitation forestière et les zones protégées.

En effet, à en croire notre informateur, l'exploitation forestière dans la zone de Mandji est intensive. Et parmi les essences exploitées, figurent des essences telles que le moabi, le douka, ... dont les fruits sont aliments appétés des éléphants. Et la rareté de ces essences fait que les éléphants sont obligés de se ruer vers les villages. Une autre des raisons évoquées dans ce discours est la présence des zones protégées dans la région de Mandji et ses environs. Au titre de ces zones protégées, nous avons le CAPG dont les zones les plus proches de Mandji sont : le parc national de Moukalaba-Doudou, le Domaine de chasse d'Iguela et le Domaine de chasse de Ngové-Ndogo. De plus, Mandji et certains villages sont à l'intérieur de la CFAD de la CBG dans la quelle la chasse est pratiquée mais strictement réglementée. Par contre dans les autres zones la chasse est interdite. Cette prolifération des zones protégées favorise la recrudescence de la population animalière en particulier celle des éléphants. D'ailleurs notre informateur précise que c'est dans ces zones dont la chasse est interdite que proviennent les éléphants. Enfin, sont évoquées, les causes naturelles.

D'après Jules Olago, il y a des saisons où les fruits des essences dont se nourrissent les éléphants sont rares car une essence telle que moabi produit les fruits tous les deux ans. A cela, s'ajoute le culte de la battue du plus gros éléphant. En effet, les chasseurs, lorsqu'ils ont la possibilité d'abattre un éléphant, ils ont tendance à chercher à abattre le plus gros des éléphants en particulier le plus gros mâle. Or dans le cas de la protection des cultures, l'éléphant à abattre est la femelle dominante dans la mesure où c'est elle qui dirige le troupeau vers les points d'approvisionnement. Cependant, au titre des conséquences, Jules Olago dénonce la famine subite par les populations et l'abandon des plantations. Cette situation se traduit par le mécontentement des populations qui protestent de ne bénéficier des retombées des parcs et du bois exploité dans leur région.

2. Discours des ONG et des administratifs centraux

Récit290(*) n°20 de Bas Huijbregts291(*) sur Les causes et les conséquences de la destruction des cultures vivrières par les éléphants

1. C'est un problème répandu partout en Afrique où il y a l'éléphant. Au Gabon, le problème se pose le plus là où il y a des aires protégées à proximité des populations et il en résulte parfois des conflits entre les populations et les responsables de l'administration. Ici, les éléphants sont un peu de partout et on connaît très peu leur écologie et leur comportement.

2. Les éléphants sont devenus très nombreux, la population d'éléphant est en bonne santé au Gabon or la population humaine dans ces zones est faible, 60 % de la population est urbaine. Dans la zone du CAPG, la population des éléphants est à 10000 individus alors que celle des humains est estimée à 9000 habitants. Mais les éléphants ne détruisent pas expressément les champs des populations, ces champs sont situés sur leurs chemins. C'est rare que les éléphants mangent expressément les cultures des villageois. C'est lors de leurs déplacements qu'ils détruisent les cultures qu'ils trouvent sur leur passage.

3. L'une des raisons est que les populations se sentent délaissées par l'administration centrale qui ne se préoccupe pas de leurs problèmes quotidiens. Les gens manquent d'hôpitaux, d'écoles, d'eaux, de routes,... et ils les voient seulement pendant les campagnes électorales pour faire les promesses qu'ils ne réalisent pas et les ONG, elles pendant les campagnes de sensibilisations sur la protection. Donc ils trouvent l'éléphant comme la clé où ils greffent toutes leurs plaintes. Les plaintes sur les éléphants ne sont que la manifestation de tous leurs problèmes non résolus puisqu'il y a d'autres animaux qui ravagent aussi les cultures mais ils ne font pas de problèmes.

4. Les éléphants qui causent les dégâts sont parfois parmi les plus vieux. Lorsque l'éléphant vieilli, les cinq dents de l'arrière se détruisent parce qu'ils mangent des aliments durs. Et au bout d'un certain âge, il a mal et ne peut plus consommer des aliments durs. Donc il va développer une préférence pour les aliments doux. Et les cultures vivrières constituent des aliments doux pour lui. Aussi on se demande si l'éléphant n'a pas développé un goût particulier pour les produits agricoles dans les zones des conflits parce qu'on ne connaît pas assez bien leur comportement alimentaire, leur écologie. Très peu d'études ont été menées sur l'éléphant de forêt. Si nous avions des informations fiables sur eux, on pourrait prévenir les populations sur leurs mouvements.

5. Il est difficile de regrouper les populations et trouver un responsable pour la surveillance. Les plantations sont isolées et il est difficile dans ce cas de les contrôler et de les patrouiller. Il y a une différence entre la perception du problème et le problème réel. Ce sont les gens délaissés qui se plaignent le plus parce qu'ils pensent que le gouvernement va les aider. A cause de leurs cultures qui sont détruites les villageois ont une perception négative des aires protégées parce que au Gabon il n'existe pas encore de mesures d'accompagnement par rapport aux éléphants quand ils détruisent les cultures. Donc ils se font tirer dessus. Même s'ils ne meurent pas mais ils sont blessés. Mais tuer les éléphants n'est pas une solution durable.

Ce récit de M. Bas tente de répondre à la question des causes et des conséquences du conflit entre les hommes et les éléphants. Au titre des causes, il ressort que les éléphants sont devenus nombreux et ils se concentrent le plus dans les aires protégées. Et le problème se pose le plus chez les populations vivant à proximité des aires protégées. Etant en sécurité dans ces zones protégées, la population d'éléphant à augmenter, elle se porte bien par rapport à celle des humains. L'illustration la plus frappante est de la population d'éléphant du CAPG qui s'élève à 10.000 individus par rapport à celle des humains qui serait à 9.000 habitants. Cela prouve donc que les éléphants sont effectivement nombreux. Le manque d'informations objectives sur les éléphants d'Afrique en particulier ceux vivant au Gabon, serait à l'origine de ce conflit car aucune connaissance fiable n'est disponible sur l'écologie comportementale des éléphants. Bas se demande même si les éléphants n'auraient pas cultivé un goût particulier pour les cultures vivrières des populations. Selon M. Bas, ce sont également les éléphants vieillissants qui seraient en partie à l'origine des dégâts dans les champs des populations.

En effet, il semble que l'éléphant en vieillissant, perd ses molaires parce qu'il mange des aliments durs. Et au bout d'un certain âge, il a des douleurs et ne parvient plus consommer des aliments durs. Il va développer une préférence pour les aliments doux. Et les cultures vivrières constituent des aliments doux pour lui. De même, des causes sur l'occupation de l'espace sont également à mettre à l'actif de ce conflit car les populations font parfois leurs plantations sur les chemins des éléphants. Et dans leurs déplacements, ils rencontrent ces cultures et les dévastent. A cela s'ajoute, la dispersion des plantations. Les plantations sont souvent isolées les unes des autres. Ce qui rend difficile le contrôle et les patrouilles. Toutefois, il ressort aussi de ce discours que des raisons d'ordre socioéconomique sont à l'origine de ce conflit. Les populations se sentent délaissées et oubliées par l'administration centrale qui ne pensent à elles que pendant les moments de campagnes électorales et de sensibilisation sur la protection de l'environnement. Cet état de choses fait que les éléphants constituent l'élément sur lequel elles expriment tous leurs mécontentements.

Récit292(*) n°22 de Samuel Engone-Bilong293(*) sur Les causes et la politique de résolution

1. Malheureusement il n'existe pas des mesures alternatives dans notre pays en cas de dégâts. Et le fait qu'on dise que les défenses sont remises aux autorités, cela les embête parce que l'intérêt pour les villageois c'est de vouloir garder les pointes pour essayer de récupérer tout ce qu'ils auront dépensé en les vendant, puisque les balles et le fusil sont à eux. Donc ils veulent récupérer les défenses pour vendre l'ivoire.

2. Je pense que depuis que la chasse est fermée, la population d'éléphant ne fait que s'accroître. La chasse étant fermée la population d'éléphant ne peut qu'augmenter. Puisque les populations se plaignent de plus en plus, il faudrait dans ce cas revoir la situation. Par exemple il serait possible d'alterner la chasse à l'éléphant comme pour celle de la petite chasse. (...)

3. Pour le cas du surnombre des éléphants, c'est au Gabon de poser son problème à la CITES comme d'autre pays l'ont fait. Nous avons déjà un gros stock d'ivoire. Les administrations des Eaux et Forêts ne peuvent pas s'acheter des armes pour abattre les éléphants ou d'en donner aux populations. Nous, nous sommes là uniquement pour protéger la faune si cette faune disparaît, nous ne pouvons plus exister. Nous, on ne peut pas acheter les armes pour donner aux populations pour tuer les éléphants sinon notre administration n'a plus sa place.

Ce récit de M. Samuel répond à la question de savoir comment faire pour résoudre le problème de la déprédation des cultures par les éléphants et des causes du conflit entre les hommes et les éléphants. A la lecture de ce récit, notre informateur nous apprend que les causes de ce conflit sont le fait que les populations s'opposent à la décision qui consiste à récupérer les pointes d'ivoire par l'administration des Eaux et Forêts. L'ambition des populations est de les obtenir pour ensuite les vendre afin de pouvoir compenser les pertes de leurs cultures mais également les dépenses faites sur l'achat des munitions et du fusil. A cela s'ajoute l'accroissement de la population d'éléphants depuis la fermeture de la grande chasse. C'est pourquoi, étant en surnombre, il revient à l'Etat gabonais de poser ce problème à la CITES comme l'ont d'autres pays africains de l'aire de répartition des éléphants.

De ce point de vue, il nous semble que finalement l'administration veut gagner du temps afin que sa population d'éléphant soit décrétée en surnombre pour qu'elle puisse vendre son ivoire et autres dérivées de l'éléphant. Cependant, pendant ce temps, les populations subissent les dégâts causés dans leurs champs par les éléphants. Car comme nous explique M. Samuel, il n'existe aucune mesure alternative en cas de dégâts aux cultures. Et l'administration des Eaux et Forêts, nous dit notre informateur, « est là uniquement pour protéger la faune si cette faune disparaît, nous ne pouvons plus exister. Nous, on ne peut pas acheter des armes pour donner aux populations pour tuer les éléphants sinon notre administration n'a plus sa place ». Ce qui veut dire que l'administration ne se préoccupe pas des populations.

Récit294(*) n°23 de Mofouma Aurelien295(*) sur L'intérêt de la protection de l'éléphant et les causes du conflit homme-éléphant

1. L'intérêt économique qu'une entité comme le Rapac peut avoir, ne réside pas dans les produits de l'éléphant comme l'ivoire et autres. Notre intérêt économique est perçu dans l'écotourisme parce qu'un éléphant peut rapporter plus d'argent à un pays par rapport à un éléphant mort. Un touriste qui vient observer un éléphant et qui paie par exemple 5000 francs l'entrée, fait rentrer beaucoup d'argent.

2. Mais si les éléphants sont devenus trop nombreux, ils menacent le milieu, on peut organiser des battues administratives mais en ce moment dans le cadre des battues de la chasse sportive. Avec le tourisme, l'abattage d'un éléphant c'est un ou deux millions et le compte est bon pour tout le monde. Le touriste lui, il gagne la gloire et le prestige d'avoir abattu un éléphant puis le film et le trophée, la viande est donnée aux populations et l'administration l'ivoire et les un ou deux millions. Or lorsqu'un braconnier tue un éléphant, la viande est abandonnée, les pointes d'ivoire sont vendues à 50000 francs. Au niveau économique c'est du gâchis. Nous pensons que la nature a une valeur que l'homme peut exploiter pour le bénéfice de l'administration et des populations environnantes.

3. Pour résoudre le problème, la loi ne prévoit que la légitime défense et les battues administratives mais l'administration récupère les défenses d'ivoire mais les populations ne sont pas d'accord parce qu'elles pensent qu'elles peuvent les vendrent aux commerçants et avoir quelque chose. Ils veulent entendre dire qu'il faut tuer les éléphants parce que l'éléphant comporte un certain nombre d'enjeux économiques comme l'ivoire. Il y a des sous produits de l'éléphant qui sont un enjeu économique. La preuve est que quand les gens abattent les éléphants ils abandonnent la viande, ils ne prennent que les trophées, les poils, les ivoires et tout ce qui peuvent vendre.

4. C'est un problème récurrent dans toute la sous-région. Ils subissent les problèmes mais il faut les relativiser. Dans une étude menée à Mourindi, quand les gens posent les problèmes des éléphants, ils posent en même temps beaucoup d'autres problèmes qui interpellent l'administration générale. Ils posent à la fois le problème de la fermeture de la chasse, de la nature des armes, des hôpitaux, des écoles,...quelques fois, c'est une manière de s'adresser à l'administration. Ils vont les stocker parce que se sont des biens publics et puis chercher plus tard à obtenir une décision. Ils les stockent et en général ils finissent par les détruire. La vente est interdite.

L'intérêt pour la protection de l'éléphant au niveau du RAPAC, est un intérêt économique vu à partir de l'écotourisme. En effet, pour ce membre du RAPAC, un éléphant vivant rapporte plus d'argent à un pays par rapport à un éléphant mort. En effet, nous explique notre informateur, un touriste qui vient observer un éléphant paie son entrée et cela fait rentrer beaucoup d'argent au pays. Il est assez clair que pour les acteurs de la protection et de la conservation de la nature, l'éléphant est une espèce qu'il faut à tout prix protéger pour qu'elle rapporte des revenus à l'Etat. Et cela se voit quand M. Mofoubou estime qu'il faut effectivement abattre les éléphants en surnombre à la suite des battues administratives mais il précise que cela doit se faire dans le cadre de la chasse sportive.

Car la chasse sportive profite justement à l'Etat. Par contre lorsque un chasseur avec ou sans autorisation de battue, abat un éléphant dans le cas de la protection de ses cultures, cette battue ne profite pas assez à l'Etat à l'exception des pointes d'ivoire. Or un éléphant vivant fait rentrer des revenus à plusieurs niveaux. Tout d'abord par le payement des entrées dans les parcs, la prise des images et la chasse sportive. Ensuite, à l'issue de cette chasse sportive, les pointes sont récupérées par l'administration des Eaux et Forêts qui, dans les conditions normales peuvent être vendues.

Selon notre informateur, les causes de ce conflit sont à rechercher dans les enjeux économiques notamment l'ivoire que produit l'éléphant. Les populations désirent vendre l'ivoire qu'elles obtiennent des battues des éléphants cependant, l'administration des Eaux et Forêts exige qu'elles la lui restituent. Et naturellement elles protestent contre cette mesure. Aussi, ce conflit serait la manifestation de leurs mécontentements vis-à-vis de l'administration centrale qui ne parvient pas à trouver des solutions face à certains de leurs problèmes quptidiens.

Récit296(*) n°25 de Allogo Constant297(*) sur La perception de l'éléphant, les Causes et les mesures de résolution du conflit

1. Les gens font difficilement le rapport entre l'exploitation forestière, les essences exploitées, la vie des éléphants et celle des hommes. Dans certaines zones il y a une forte présence d'engins des sociétés forestières qui coupent du bois et surtout le moabi. A cause de la présence de ces engins les éléphants se déplacent et vont s'installer là où on ne les voyait pas avant mais ils vont causer du tord aux populations qui exploitent ce milieu. Une fois les engins disparus, ils reviennent mais ils auront déjà causés du tord. Mais ils vont avoir des problèmes pour se réadapter dans leur ancien environnement parce que lorsqu'ils y étaient, ils avaient déjà développé certaines habitudes alimentaires. Ils ne vont plus trouver de moabi, ils vont avoir des problèmes pour se familiariser donc ils sont obligés de retourner là où ils étaient ou aller ailleurs mais là bas ils vont causer du tord.

2. Les récoltes sont moindres mais ils arrivent quand même à trouver des compensations. Ils font autre chose en dehors des plantations. Généralement les éléphants piétinent les cultures et prendront quelques régimes de bananes à leur passage et dans d'autres endroits, les dégâts sont fictifs les gens dramatisent. Les éléphants font partie des espèces intégralement protégées mais il y a l'utilisation des battues administratives. Les populations en tuant l'éléphant sont sûr qu'elles auront de la bonne viande et des défenses à vendre.

3. Si nous avons pris conscience qu'il faut protéger nos animaux, notre patrimoine naturel, il faut que nous trouvions des solutions. La solution facile au Gabon c'est la battue administrative or cette solution n'est pas durable. La solution durable est celle d'assumer nos responsabilités. Si nous estimons que nous nous engageons à protéger notre patrimoine animal parce que celui-ci est important sur le plan national alors il faut une solution nationale, il faut que les gens assument leurs responsabilités.

Ce récit répond à la question quelles sont les causes des incursions des éléphants dans les champs des populations et que faire ? Selon Constant Allogo, les gens font difficilement le rapport entre l'exploitation forestière, les essences exploitées, la vie des éléphants et celle des hommes. Pour lui, la forte présence des engins des compagnies forestières et l'exploitation du moabi sont l'une des causes du dérèglement du comportement des éléphants. Ces derniers sont perturbés par la présence des engins et par l'absence du moabi. Pour survivre, ils sont obligés de se déplacer vers les villages. Et lorsque l'activité forestière arrive à son terme, les éléphants réintègrent leur milieu d'origine mais ayant développé certaines habitudes alimentaires notamment la consommation du moabi qu'ils ne vont plus retrouver, ils ont du mal à se réadapter. Ils sont alors contraints de revenir vers les villages. Donc, on observe un changement dans l'écologie comportementale de l'éléphant due à une intervention humaine. Une autre des raisons évoquées par M. Allogo est l'accroissement de la population des éléphants au niveau des parcs et dans leurs alentours. Dans ces espaces, les éléphants sont de plus en plus nombreux par souci de sécurité.

Au regard de ces déclarations, on voit bien que M. Allogo opte pour la défense des éléphants. Il reconnaît pourtant que les éléphants détruisent les cultures des populations et que la conséquence de cette destruction est la baisse de la récolte. Cependant, il admet que les éléphants ne sont pas les plus grands responsables des dégâts causés aux cultures. Généralement les éléphants piétinent les cultures et prennent quelques régimes de bananes à leur passage et à certains endroits, les dégâts sont fictifs du fait de la dramatisation des victimes. Aussi, pour lui, les éléphants ne sont pas trop nombreux. Ce sont les populations qui veulent justifier la délivrance des battues administratives qui les déclarent être trop nombreux dans l'espoir d'obtenir de la bonne viande et l'ivoire.

Toutefois, en suivant ce discours, M. Allogo lance un appel aux autorités administratives pour qu'elles assument leurs responsabilités vis-à-vis des dégâts que les éléphants causent aux populations. Car dit-il, si nous estimons que notre patrimoine animal est important, il nous revient à nous-mêmes les nationaux de prendre toutes les mesures nécessaires pour le conserver afin d'éviter que la colère des victimes s'abattent sur eux. Une solution durable à l'échelle nationale s'impose car les battues administratives ne sont pas une solution durable.

GUIDE D'ENTRETIEN

I. Identification de l'informateur

Lieu de l'enquête :........................ Date ....................................

Nom (s) et Prénom(s) : ..................................................................

Age : .....................Sexe : M F

Situation matrimoniale : Marié(e) ; Célibataire ; Autres

Village d'origine : ........................................................................

Clan : .......................................................................................

Lignage : ...................................................................................

Initié(e) : Oui Non

Rite initiatique : ..................................................................... ....

Lieu de résidence :........................................................................

Situation professionnelle :................................................................

Nombre d'enfants:.........................................................................

Secteur(s) agricole(s) actuel(s): .........................................................

Ancien(s) site(s) :.........................................................................

Nombre de plantations détruites :.......................................................

II. Populations locales

1. Organisation du travail agricole

Exécution des travaux des champs 

A qui appartiennent les terres sur lesquelles vous cultivez ?

Coût d'une production agricole et nombre de champs par an

Différentes espèces de plantes cultivées et cultures principales

Revenus agricoles

Superficie totale des champs

Techniques de mise en culture 

Les critères du choix du site

2. faune sauvage et cultures vivrières

Problèmes particuliers rencontrés avec les champs ?

Animaux à problème et espèce plus dévastatrice

Comportement des éléphants dans les champs

Signes de reconnaissance

3. causes, évaluation et ampleur des dégâts

Nature ou type de dégâts causés

Cultures les plus endommagées et superficie détruite

Connaissez-vous des personnes qui ont été blessées ou tuées par les éléphants ?

Causes des incursions des éléphants dans les champs

Conséquences de la déprédation des cultures

Aviez-vous déjà abandonné un site agricole à causes des éléphants ?

Aviez-vous déposé une plainte aux Eaux et Forets ?

4. Paramètres environnementaux

Localisation des sites agricoles et distance entre les champs et les habitations

Espèces forestières consommés par les éléphants

Présence de ces espèces et des points d'eau à proximité des champs

Provenance et fréquence des maraudages

Taille, structure et sexe des éléphants

5. Périodicité agricole et des dégâts

Période des activités agricoles

Période de mise en culture

Période de maturation des cultures

Périodes et moments des maraudages

Catégorie de cultures détruites à chaque période

6. moyens et techniques de protection des cultures contre les éléphants

Comment éloignez-vous les éléphants des plantations ?

Efficacité et inefficacité des techniques

Solutions envisagées

Aviez-vous déjà porté plainte pour la destruction de vos cultures ?

7. Conceptions et attitudes vis-à-vis de l'éléphant

Origine du patronyme Nzahou

L'importance de l'éléphant

Signification de l'éléphant dans les cultes

L'interdit alimentaire

L'éléphant dans la tradition orale

Cohabitation avec les éléphants

8. La chasse à l'éléphant

Outils et techniques de chasse

Consécration d'un chasseur d'éléphant

Les interdits liés à la chasse à l'éléphant

III- Acteurs de la protection de la faune

1. Administratifs locaux

Gestion de la déprédation des cultures par les animaux sauvages

Les populations se plaignent-elles de la destruction de leurs plantations par les animaux sauvages ?

Espèces concernées et la plus citée  

Plaintes enregistrées concernant la faune sauvage

Périodicité des plaintes et cultures citées

Démarche entreprise après dépôt d'une plainte

Sentiments des populations par rapport à la battue administrative

Attitudes des populations vis-à-vis de les éléphants

Nombre d'éléphants abattus légalement

Nombre d'éléphants abattus illégalement 

Evaluation et ampleur des dégâts

Nature ou type de dégâts causés

Cultures les plus endommagées et superficie détruite

Connaissez-vous des personnes qui ont été blessées ou tuées par les éléphants ?

Origines des incursions et solutions

Causes et conséquences des incursions des éléphants dans les champs 

Provenance des éléphants 

Situation géographique des compagnies forestières et minières

Espèces forestières exploitées et régime alimentaire des éléphants 

Localisation des sites agricoles

2. Administratifs de la direction de la chasse et de la faune et ONG

Conception de l'éléphant

Importance de l'éléphant

Intérêt de la protection de l'éléphant

Statut de protection et état de l'éléphant

Gestion de la grande chasse

Obtention d'un permis de grande chasse

Achat d'arme et de munitions

Etat de la grande chasse et du commerce des produits de l'éléphant

Animaux à problème et cultures vivrières

Aviez-vous connaissance de la destruction des cultures vivrières par la faune sauvage ?

Espèce la plus concernée

Nature des dégâts causés par les éléphants

Causes, conséquences et mesures de résolution

Quelles sont les causes de la déprédation des cultures par les éléphants ?

Quelles en sont les conséquences chez les humains et chez les éléphants ?

Politique de résolution du conflit

Mesures en cas de blessures et de mort d'hommes

Mesures en cas de dégâts aux cultures

Les battues administratives

Table des matières

Première partie : orientations de l'étude

Chapitre 1 : Orientations théoriques

1.1 Présentation de l'objet d'étude et zone d'enquête

1.2 Problématique et hypothèses

1.3 Objectifs de l'étude

1.4 Intérêt de l'étude

1.5 champ théorique de l'étude

1.6 Etat de la documentation

1.7 Les concepts

Chapitre 2 : Orientations méthodologiques

2.1 Pré-enquête

2.2 Enquête documentaire

2.3 Observations directes et guide d'entretien

2.4. Milieu d'enquête

2.4.1. Caractéristiques abiotiques

2.4.2. Caractéristiques biotiques

2.4.3. Présentation de la CFAD de Mandji

2.4.4. Les aires protégées

2.4.5 Le milieu agricole

2.5 La collecte

2.6 Difficultés rencontrées

2.7 Les résultats préliminaires

Deuxième partie : Nature des rapports Gisir à l'environnement

Chapitre 3 : Rapports Hommes/cultures vivrières

3.1. Besoin d'alimentation et de production

3.1.1. L'organisation des tâches et coût des activités agricoles

3.1.2. Types de champs et principales plantes cultivées

3.1.3. Techniques de mise en culture et maturation des plantes

3.2. Besoin de survie et de subsistance

3.3. Besoin de sécurité alimentaire

3.4. Fétiches et techniques de protection endogène

3.5. Les techniques de protection traditionnelles et conventionnelles

Chapitre 4 : Rapports Eléphants/cultures vivrières

3.4. Les cultures visées par les éléphants

3.5. Les profils types des cultures endommagées par les éléphants

3.6. Le comportement des éléphants dans l'attaque des cultures

3.7. Etat des lieux des sites agricoles après passage des éléphants

3.8. Les dégâts directs et autres biens

3.9. Décès et dommages corporels

3.10. Les dégâts indirects

Chapitre 5 : Rapports Hommes/éléphants

5.1. Conception de l'éléphant

5.2. L'éléphant dans les rites traditionnels

5.3. Eléphant et sorcellerie

5.4. Les techniques traditionnelles de la chasse à l'éléphant

5.5. Fétichisme et chasse au fusil

5.6. L'éléphant, proverbes et contes chez les Bisir

5.7. Eléphant et anthroponymie

5.8. Système totémique et interdits alimentaires liés à l'éléphant

5.9. Présentation du type de conflit

5.10. Le règlement du conflit : les battues administratives et la légitime défense

5.11. Les activités forestières et pétrolières

5.12. Les causes socioculturelles et naturelles

5.13. Les Causes socio-économiques et politiques

5.14. Abandon des pratiques agricoles endogènes

5.15. Eloignement des champs et croissance démographique

5.16. Espaces protégés et interdiction de la grande chasse

5.17. Impacts des éléphants sur les hommes

5.18. L'Impact des dégâts pendant la saison sèche et la saison des pluies

5.19. L'Impact des hommes sur les éléphants 

Conclusion

Références documentaires

Annexes

* 1 Province du su de la Ngounié.

* 2 Claude LEVI-STRAUSS, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 218.

* 3 Sébastien BODINGA-BWA-BODINGA et Lolke J., VAN der VEEN, Les proverbes evia et le monde animal : la communauté traditionnelle des evia (Gabon) à travers ses expressions proverbiales, Paris, L'Harmattan, 1995, p. 66.

* 4 Indiens d'Amérique du sud.

* 5 Raymond MAYER, « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'Homme n°5, Actes du séminaire sur « Les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes au Gabon », du 18 au 24 mai 1998 à Libreville, Gabon, Ed. LUTO, P.U.G, p. 48.

* 6 Habitants du Ladakh, région septentrionale de l'Inde.

* 7 Les animaux qui nous détruisent les cultures vivrières.

* 8 Les éléphants qui nous exterminent les cultures vivrières.

* 9 Paulin Kialo, Une double lecture de la forêt : Pové et Forestiers au Gabon, Mémoire de DEA, Libreville, Université Omar Bongo, 1999, p.19.

* 10 Georges Thierry Mangama, Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise, 2002, p. 12.

* 11 Georges Thierry Mangama, Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise, 2002, p. 12.

* 12 Roland Pourtier (1989), Le Gabon : Espace-Histoire-Société, tome 1, l'Harmattan, Paris, p. 70.

* 13 Jan Vansina, « Esquisse historique de l'agriculture en milieu forestier (Afrique Equatoriale) » in : Revue Scientifique et Culturelle du CICIBA, n°2, 1985, p. 9.

* 14 Richard Hoare, 1995, cité dans Halford Thomas et al., 2003.

* 15 Richard E. Hoare, 1999, cité dans Prince Ongognongo et al. 2006.

* 16 UICN-WWF, 1994 ; Mubalama, 2000.

* 17 Alfa Gambari Imorou S. et al., 2004.

* 18 Alfa Gambari Imorou S. et al., 2004.

* 19 Mama, 1998 cité dans Alfa Gambari Imorou S. et al., 2004.

* 20Mahamane Halidou MAIGA (1999), « Les relations homme/éléphant dans le Gourma malien» in : Le FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp. 20-26.

* 21 MARCHAND Frédéric (1999), « Les conflits entre homme et éléphants : quelles solutions ? » in : LE FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.16-18.

* 22 Okoumassou et Durlot, 2002, cité dans Alfa Gambari Imorou S. et al., 2004

* 23 Adama, 1997 cité dans Alfa Gambari Imorou S. et al., 2004.

* 24 Stéphane Le-Duc Yeno et al.,(2004-2006).

* 25 Claudine Augée Angoué, Valuing forest for conservation purposes, [En ligne]. Disponible sur : http://www.earthwatch.org/site/pp.asp?c=crLQK3PHLsF&b=479905 consulté le le 06 Mars 2007.

* 26 Inspection provinciale des Eaux et Forêts de la Ngounié, Rapport d'activité annuel, 2002.

* 27 Convention sur le Commerce International des espèces menacées de la faune et de la flore sauvage

* 28 Elie HAKIZUMWAMI (2005).

* 29 Jean Pierre, PROFIZI (1999), « Trop d'éléphant au Gabon », Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.18-19.

* 30 Jean Pierre PROFIZI (1999),  Trop d'éléphant au Gabon, Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.18-19.

* 31 Eléphants.

* 32 Un mouvement d'humeur des populations du village Fouanou, dans le Département de Ndolou (Mandji), situé près du gisement pétrolier de Panthère Nze, exploité par la société américaine Panafricanan Energy s'est soldé par deux morts et plusieurs blessés. Ce mouvement d'humeur trouve sa source dans le fait que les populations estiment ne pas profiter de l'exploitation des ressources tirées du sol et du sous-sol de leur terroir.

* 33Joris DAOU, « Anthropologie économique » [En ligne]. Disponible sur World Wide Web: «  www.candiulb.be/forum/index.php?act=attach&type=post&id=18459 », consulté le 23 novembre 2007.

* 34 Marcel Mauss (1905) cité dans KIALO Paulin, (2005), Pové et forestiers face à la forêt gabonaise : Esquisse d'une anthropologie comparée de la forêt, Thèse de doctorat, Université ParisV René Descartes, p. 303.

* 35Claude Meillassoux, 1984, cité dans KIALO Paulin, (2005), Pové et forestiers face à la forêt gabonaise : Esquisse d'une anthropologie comparée de la forêt, Thèse de doctorat, Université ParisV René Descartes, p.305.

* 36 Catherine Clément, Claude Lévi-Strauss, Paris, PUF, Coll. « Que-sais-je ? » 4è éd., 2003, p.85.

* 37 Claude Lévi-Strauss, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 5.

* 38 Patrick Mouguiama Daouda (1997), Collecte en linguistique et en ethnozoologie in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme n°4, Ed. du Luto, p.116.

* 39Claude LEVI-STRAUSS, (1962), Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, p.115.

* 40Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 5.

* 41 Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 218.

* 42 Philippe DESCOLA, (1986), La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, p.12.

* 43 Philippe DESCOLA, La nature domestique. Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, p. 12.

* 44 Philippe DESCOLA, (1986), La nature domestique : Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, p. 18.

* 45 Philippe DESCOLA, (1986), La nature domestique : Symbolisme et praxis dans l'écologie des Achar, p.60.

* 46 Raymond MAYER (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme n°5, Libreville, Ed. du LUTO, P.U.G, p.44.

* 47Raymond MAYER (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, p.46.

* 48 Raymond MAYER (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des Sciences de l'Homme n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, p.48.

* 49 Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La découverte, Coll. Armillaire, p.376.

* 50Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La découverte, Coll. Armillaire, p.64.

* 51Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie Paris, La découverte, Coll. Armillaire, p.67.

* 52Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, Coll. Armillaire, p.102.

* 53Bruno LATOUR (1999), Les politiques de la nature : Comment faire entrer les sciences en démocratie, Paris, La Découverte, Coll. Armillaire, p.280.

* 54 Philippe Descola, Anthropologie de la nature, p. 629.

* 55 Merleau-Ponty, 1974 cité dans Sandry Franck LEPEMANGOYE MOULEKA (2003).

* 56Sabine RABOURDIN (2005), Les sociétés traditionnelles au secours des sociétés modernes, Paris, Delachaux et Niestlé, p.33.

* 57Sabine RABOURDIN (2005), Les sociétés traditionnelles au secours des sociétés modernes, Paris, Delachaux et Niestlé, p.29.

* 58 Conflit Homme/éléphant.

* 59Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p. 51.

* 60Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p.196.

* 61 COLENO A., Protection des plantes, évolution, adaptation, proposition pour les cultures vivrières tropicales, in : Amélioration et protection des plantes vivrières tropicales, Journées Scientifiques du Québec 31 août-1er septembre 1987, Paris, Ed. John Libbey Eurotext, coll. Universités Francophones, pp. 91-101.

* 62Georges Thierry Mangama (2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar Bongo, 2002, p.33.

* 63Georges Thierry Mangama (2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar Bongo, 2002, p.33.

* 64Georges Thierry Mangama, (2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar Bongo, 2002, p.34.

* 65Georges Thierry Mangama (2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar Bongo, 2002, p. 20.

* 66Paul Marie LOUGA (1999), L'exploitation forestière dans l'économie de la région de Mandji, Mémoire de Maîtrise, Université Omar Bongo, p. 16.

* 67 Georges Thierry Mangama, (2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise, Libreville, Université Omar Bongo, p. 13.

* 68Georges Thierry Mangama (2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise de Géographie, Libreville, Université Omar Bongo, 2002, p.39.

* 69 Georges Thierry Mangama (2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise de Géographie, Libreville, Université Omar Bongo, 2002, p. 40.

* 70 Georges Thierry Mangama (2002), Analyse morphostructurale de la région de Mandji (Gabon), Mémoire de Maîtrise de Géographie, Libreville, Université Omar Bongo, p. 42.

* 71 Paul Marie LOUGA (1999), L'exploitation forestière dans l'économie de la région de Mandji, Mémoire de Maîtrise, Université Omar Bongo, p 14.

* 72Manassé-II MBA (2007), Chasse et exploitation forestière au GABON : Une analyse de la filière chasse au sein de la Concession forestière sous aménagement durable (CFAD) de la Compagnie des bois du Gabon (CBG) à Mandji, Rapport de stage, p.1.

* 73 Jardin situé à proximité du village.

* 74 Petit champ d'arachides.

* 75 Terrain déboisé où il n'y a qu'à brûler et sarcler.

* 76 Jean Brillat-Savarin (1974), cité dans OBENGA Théophile (1985), Traditions et coutumes alimentaires du Kongo au XVIIè siècle in : Muntu, n°3, pp. 17-37.

* 77 Mathieu MBOUMBA NZIENGUI  (1999), « Etude de la notion d'alimentation comme facteur du developpement physique et psychologique » in : L'alimentation, Revue Semestrielle de l'Institut de Recherches en sciences Humaines, n°6, vol. 6, p.44.

* 78 Roland POURTIER (1989), Le Gabon : Espace, Histoire et Société, Paris, l'Harmattan, tome 1, p. 215.

* 79 Charlotte Kassou, corpus n° 11, séquence n°3.

* 80 Jean Emile Mbot (1997), Quand l'esprit de la forêt s'appelait jachère in : L'esprit de la forêt : Terres du Gabon, Paris, Somogy Editions d'art, pp. 33-51.

* 81 Suite de plantations.

* 82 Tout grand terrain cultivé.

* 83 Perrine Mawouiri, corpus n°6, séquence n°2.

* 84 Gonevosula en gisira, c'est creuser un aliment tel que le tubercule qui en état de croissance intermédiaire de manière prudente.

* 85 Perrine Mawouiri, corpus n°6, séquence n°3.

* 86 Définition donnée par le Petit Robert.

* 87 Charlotte Kassou, corpus n° 11, séquence n°1.

* 88 Gérard AZOULAY et Jean-Claude DILLON (1993), La sécurité alimentaire en Afrique : Manuel d'analyse et d'élaboration des stratégies, Paris, Karthala, p. 127.

* 89 ALFA GAMBARI IMOROU Safouratou et al. (2004), Les conflits homme-éléphants (loxodonta africana) dans la zone cynégétique de la Djona (bénin) adjacente au parc régional du W : cas des villages d'Alfakoara in : CHARDONET Philippe, LAMARQUE François, BIRKAN Marcel (eds.), Actes du 6ème Symposium International sur l'Utilisation Durable de la Faune Sauvage : « La faune sauvage : une ressource naturelle », du 6 au 9 juillet 2004 à Paris, France, Tome 2, Game Wildl. Sci., pp.553-569.

* 90 Karl GRÖNING (1998) (dir.), L'éléphant : mythes et réalités, Cologne, Ed. Konemann, p. 159.

* 91Adolphe Mboula Y., corpus n° 13, séquence n°2.

* 92 Médecin et « devin » traditionnel.

* 93 Marie Augustine Moumbangou, corpus n°10, séquence n°2.

* 94 Marie Augustine Moumbangou, corpus n°10, séquence n°2.

* 95 Marie Augustine Moumbangou, corpus n° 10, séquence n°2.

* 96 Stéphane LE-DUC Yeno et al., Agriculture et comflits hommes/faune sauvage : synthèse des données collectées dans le complexe d'aires protégées de Gamba, Rapport WWF, avril 2004-septembre 2006, p. 12.

* 97 Marie Augustine Moumbangou, corpus n° 10, séquence n°2.

* 98 Frédéric MARCHAND (1999),  Les conflits entre homme et éléphants : quelles solutions ?  In : Le FLAMBOYANT, n° 50, pp.16-18.

* 99 Albert Boulikou, corpus n°2, séquence n°3.

* 100 Germaine Bibalou, corpus n°9, séquence n°1.

* 101 Ici, il s'agit du manioc « amer » à base duquel les Bisir fabriquent du manioc en bâton.

* 102 Barnes et al., 1991 cité dans Halford Thomas et al., 2003.

* 103 Barnes, 2005 cité dans Elie Hakizumwami, 2005.

* 104 Richard E.Hoare (2001), Un système de soutien aux décisions pour la gestion des situations de conflit hommes-éléphants en Afrique, UICN/SSC.

* 105 Marie A. Moumbangou, corpus n° 10, séquence n° 1.

* 106 Jules Olago, corpus n°18, séquence n°7.

* 107 Sally LAHM, (1994 ; 1996), cité dans Elie Hakizumwami, 2005.

* 108 Bas Huijbrights et al., 2003 cité dans Elie Hakizumwami, 2005.

* 109 Richard E.Hoare, Protocole de collecte de données et d'analyse des situations de conflits hommes-éléphants en Afrique, UICN/SSC.

* 110 Marianne Courouble, « Les enjeux de la conservation de l'éléphant en Afrique australe », Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp. 32-34.

* 111 Cité dans S. Alfa Gambari Imourou et al., 2004.

* 112 Nigel Leader-Williams (1996), Contrôle de l'application des lois et des activités illégales  in : KADZO KANGWANA (1996), L'étude des éléphants, Nairobi, AWF, pp.159-173.

* 113Elie Hakizumwami, (2005).

* 114Karl Groning, (1999).

* 115 Camille Mboumba, corpus n° 4, séquence n°2.

* 116 Mahamane Halidou Maiga, « Les relations homme/éléphant dans le Gourma malien», Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.20-26.

* 117 Camille Mboumba, corpus n° 4, séquence n°3.

* 118 Jean Pierre Kabou Mbemeni, corpus n° 15, séquence n°1.

* 119 Jean Pierre Kabou Mbemeni, corpus n° 15, séquence n°2.

* 120 Alain Penelon, 2003cité dans Elie Hakizumwami, 2005.

* 121 Ndogo 2000, cité dans Elie Hakizumwami, 2005.

* 122 Camille Mboumba, corpus n° 4, séquence n°3.

* 123 Jean Emile Mbot (1999), Esquisse d'une lecture anthropologique des écrits des français sur les peuples du Gabon de 1839 à 1952, p.78.

* 124 Elie Hakizumwami (2005), Elaboration de la stratégie régionale pour la conservation des éléphants en Afrique Centrale, WWF, p.

* 125 Camille Mboumba, corpus n°4, séquence n°2.

* 126 Raymond Mayer, (2002), Histoire de la famille gabonaise, Libreville, Ed. du LUTO, 2e éd., p. 51.

* 127Adolphe Mboula Yakouya, corpus n°13, séquence n°3.

* 128 Nicolas Manlius et Pierre Pfeffer, « L'éléphant d'Afrique », LE FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp.7-8.

* 129 Camille Mboumba, corpus n°4, séquence n°3.

* 130 Camille Mboumba, corpus n°7, séquences n°1 et n°2.

* 131 Rigobert Moukambi Pango (2003), Les Masangu et leur univers social, Ed. Raponda Walker, Libreville, pp. 97.

* 132 Jeannin Albert (1947), Les éléphants d'Afrique, Paris, Payot, p.155.

* 133 Rite lié à la chasse à l'éléphant que les Bisir pratiquaient autrefois et qu'ils auraient emprunté à un peuple de l'Ogooué Lolo.

* 134 Albert Boulikou, corpus n°2, séquence n°1.

* 135 Camille Mboumba, corpus n°8, séquence n°1.

* 136 Albert Boulikou corpus n°2, séquence n°2.

* 137 Albert Boulikou corpus n°2, séquence n°5.

* 138 Le dibumba est un talisman.

* 139 Albert Boulikou corpus n°2, séquence n°4.

* 140 Sandry Franck Lepemangoye-Mouleka (2003), Ethnozoologie du monde bantu : représentations, contextes d'usage et pratiques liés à l'écologie animale chez les Banzébi du Gabon, Mémoire de maîtrise, Université Omar Bongo, Libreville, p.113.

* 141 Jeannin Albert (1947), L'éléphant d'Afrique, Paris, Payot, Coll. Bibliothèque Scientifique, p.135.

* 142 Albert Boulikou corpus n°2, séquence n°4.

* 143 Véronique Daou Joiris, cité dans Christian Leclerc (1999), « De l'usage social de la foret tropical. L'exemple Baka du sud-est Cameroun » in : Ethnie-Document, Nature sauvage, nature sauvée ? écologie et peuples autochtones, vol. 13, n°24-25, p.88.

* 144 Camille Mboumba, corpus n°8, séquence n°3.

* 145 Karl Groning (1999) (dir.), L'éléphant : mythes ou réalités, Cologne, Ed. Konemann, p.330.

* 146 Camille Mboumba, corpus n°4, séquence n°2.

* 147 Karl Groning (1999) (dir.), L'éléphant : mythes ou réalités, Cologne, Ed. Konemann, p.330.

* 148 Jean Emile Mbot (1999), Esquisse d'une lecture anthropologique des écrits des français sur les peuples du Gabon de 1839 à 1952, p.389.

* 149 Marlène Albert-Llorca (1991), L'ordre des choses : les récits d'origine des animaux et des plantes en Europe, p.54.

* 150 Corpus n°15.

* 151 Corpus n°15.

* 152 Corpus n°15.

* 153 Jean Emile Mbot (1999), Esquisse d'une lecture anthropologique des écrits des français sur les peuples du Gabon de 1839 à 1952, p.399

* 154 Cité dans Lévi-Strauss Claude, 1962, Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, p. 130.

* 155 F. N'sougan Agblemagnon (1984), Sociologie des sociétés orales d'Afrique noire : Eve du sud Togo, Paris, Editions Silex, p.71.

* 156 F. N'sougan Agblemagnon (1984), Sociologie des sociétés orales d'Afrique noire : Eve du sud Togo, Paris, Editions Silex, p.73.

* 157 F. N'sougan Agblemagnon (1984), Sociologie des sociétés orales d'Afrique noire : Eve du sud Togo, Paris, Editions Silex, p.71.

* 158 Louis Vincent Thomas (1973), Le pluralisme cohérent de la notion de personne en Afrique Noire traditionnelle : la notion de personne en Afrique Noire, p.387.

* 159 Mukumbuta Lissimba (1997), Les noms de village dans la tradition gabonaise, p.15.

* 160 Raymond MAYER, (2002), Histoire de la famille gabonaise, Libreville, Ed. LUTO, 2e éd., p. 148.

* 161 Hilarion Matoumba, corpus n°12, séquence n°2.

* 162 Mayer Raymond, (2002), Histoire de la famille gabonaise, Libreville, Ed. LUTO, 2e éd., p.47.

* 163 Jean PierreKabou Mbemeni, corpus n°15, séquence n°1.

* 164 Femmes de pouvoir

* 165 Claude LEVI-STRAUSS, La pensée sauvage, p. 102.

* 166 Jean Pierre Kabou Mbemeni, corpus n°15, séquence n°2.

* 167 Léa Zame Avezo'o (1998), « La littérature orale comme outil pour une pédagogie sur l'environnement » in : Revue Gabonaise des sciences de l'homme n°5, Libreville, Ed. LUTO, P.U.G, p.209-213.

* 168 Cité dans ALFA GAMBARI IMOROU Safouratou et al. (2004), Les conflits homme-éléphants (loxodonta africana) dans la zone cynégétique de la Djona (bénin) adjacente au parc régional du W : cas des villages d'Alfakoara.

* 169 Jules Olago, corpus n° 16, séquences n° 1, 2 et 3.

* 170 Jules Olago, corpus n° 17, séquence n°3.

* 171 Jean Pierre Profizi, « Trop d'éléphant au Gabon », Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.18-19.

* 172 Léonce Iwangou, corpus n°, séquence n°

* 173 Bas HUIJBREGTS, corpus n°20, séquence n°5.

* 174 WWF France, 1997cité par Frédéric Marchand, « Les conflits entre homme et éléphants : quelles solutions ? », Le FLAMBOYANT, n 50, juin 1999, pp.16-18.

* 175 Richard E. Hoare 1995 cité par Frédéric Marchand, 1999.

* 176 Constant Allogo, corpus n°25, séquence n°4.

* 177 Jean Pierre Profizi, « Trop d'éléphant au Gabon », Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp.18-19.

* 178 Constant Allogo, corpus n°25, séquence n°3.

* 179 Inspection provinciale des eaux et Forêts de la Ngounié, rapport d'activités annuel 2002, p. 75.

* 180 Charlotte Kassou, corpus n°11, séquence n°2.

* 181 Serge BAHUCHET et al. (2000), Forêts des tropiques, Forêts anthropiques, sociodiversité, biodiversité, un guide pratique, Bruxelles, APFT, p.9.

* 182 Aurélien Mofouma, corpus n°23, séquence n°1.

* 183 Aurélien Mofouma, corpus n°23, séquence n°2.

* 184 Arnaud Sournia, « Les relations homme/éléphants au Zimbabwé : tentative de cohabitation homme/faune sauvage », Le FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp.29-31.

* 185 World Conservation Monitoring Centre, 2003 cité dans Groupe des Spécialistes de l'éléphant d'Afrique (2003), Rapport de situation de l'éléphant d'Afrique 2002 : une actualisation de la base de données de l'éléphant d'Afrique, commission pour la sauvegarde des espèces de l'UICN n°29. 

* 186 Daniel-Yves ALEXANDRE (1999), Eléphants et gestion forestière, LE FLAMBOYANT, n°50, pp.11-12.

* 187 Paul Marie LOUGA (1999), L'exploitation forestière dans l'économie de la région de Mandji, Mémoire de Maîtrise, Université Omar Bongo, p.66.

* 188 PFBC (2006), Les forêts du Bassin du Congo : Etat de Forêt 2006, p.98.

* 189 Jules Olago, corpus n°18, sequence n°2.

* 190 Paul Marie Louga (1999), L'exploitation forestière dans l'économie de la région de Mandji, Mémoire de maîtrise, Libreville, Université Omar Bongo, p. 67.

* 191 PFBC, Les forêts du Bassin du Congo : Etat des forets 2006, p. 109.

* 192 Elie HAKIZUMWAMI (2005), Elaboration de la Stratégie Régionale pour la Conservation des Eléphants en Afrique centrale, WWF, p.50.

* 193Constant Allogo, corpus n°25, séquence n°2.

* 194 Mboula Yakouya Adolphe, corpus n° 13, séquence  n°3.

* 195 Elie HAKIZUMWAMI (2005), Elaboration de la stratégie régionale pour la conservation des éléphants en Afrique Centrale, WWF, p 11.

* 196 Jules Olago, corpus n°18, séquence n° 5.

* 197 Bas Huijbregts, corpus n° 20, séquence n° 4.

* 198 Perrine Mawouiri, corpus n°6, séquence n°3.

* 199 Stephen Blake (2002), cité dans BLAKE Stephen (2005), Système de surveillance à long terme de l'abattage illégal des éléphants : Forets d'Afrique Centrale : Rapport final sur les relevés démographiques d'éléphants [En ligne]. Disponible sur World Wide Web «  http://www.wcsgabon.org/Gibier/Bushmeat_Meeting/Documents/WCS_(2005)_SYSTEM_DE_SURVEILLANCE_A_LONG_TERME_DE_L_ABATTAGE_ILLEGAL_DES_ELEPHANTS.pdf »,Consulté le 26 février 2007.

* 200 Bas Huijbregts, corpus n°20, séquence n°3.

* 201 Camille Mboumba, corpus n°5, séquence n°3.

* 202Mahamame Halidou Maïga, Les relations Homme /éléphant dans le Gourma Malien, Le FLAMBOYANT, n° 50, Juin 1999, pp. 20-24.

* 203 Jean Pierre Profizi, Trop d'éléphants au Gabon ?, Le FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp. 18-19.

* 204 Jean Pierre Profizi, Trop d'éléphants au Gabon ?, Le FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp. 18-19.

* 205 Camille Mboumba, corpus n°5, séquence n° 2.

* 206 Camille Mboumba, corpus n° 4, séquence n° 2.

* 207 Komlan Tchamie Thiou Tanzidani, Aires protégées au Togo : nécessité d'une redéfinition des stratégies de conservation et de protection de la faune, Le FLAMBOYANT, n°39, septembre 1996, pp. 12-15.

* 208 Camille Mboumba, corpus n°5, séquence n°3.

* 209 Jonas Moulenda, Après les incidents meurtriers survenus dans un village de Ndolou (Mandji), le gouvernement apaise les esprits in : l'Union, n°8681 du vendredi 3 décembre 2004, p.2.

* 210 M. Tshiunza et E. Tollens (1997), Effet de l'éloignement des champs sur la productivité du travail dans la culture du manioc en Afrique sub-saharienne in : TROPICULTURA, 15, 3, pp.123-126.

* 211 Josué Mve-Mba, Concession forestière sous aménagement durable de la CBG à Mandji-Ndolou : vers la mise en oeuvre d'un plan de lutte anti-braconnage, in : L'Union n° 9305 du jeudi 28 décembre 2006.

* 212 Jules Olago, corpus n°18, séquence n°3.

* 213 Bas Huijbregts, corpus n°20, séquence n°1.

* 214 Barnes et al.,(1996) cité dans HALFORD Thomas et al., (2003), Recensement et distribution des populations d'éléphants (Loxodonta africana cyclotis) dans la réserve de Mengame, Province du sud , Cameroun : un état de la situation comme base de réflexion pour une meilleure cohabitation entre l'homme et l'éléphant, Rapport technique n°3, The Jane Goodall Institue, p.57. 

* 215 Jean Pierre Profizi, « Trop d'éléphants au Gabon ? », Le FLAMBOYANT, n°50, juin 1999, pp. 18-19.

* 216 Claudine Augée ANGOUE, Valuing forest for conservation purposes [En ligne]. Disponible sur World Wide Web: «  http://www.earthwatch.org/site/pp.asp?c=crLQK3PHLsF&b=479905 », consulté le le 06 Mars 2007.

* 217 Complexe d'aires protégées de Gamba : plan directeur, WWF, programme pour Gamba, juin 2005, p.74.

* 218 Kangwana (1995), cité dans HALFORD Thomas et al., (2003), Recensement et distribution des populations d'éléphants (Loxodonta africana cyclotis) dans la réserve de Mengame, Province du sud , Cameroun . p 29. 

* 219 Adolphe Mboula Y., corpus n°13, séquence n°2.

* 220 Marianne Courouble, Les enjeux de la conservation de l'éléphant en Afrique australe, Le FLAMBOYANT, n° 50, juin 1999, pp. 32-34.

* 221 Claudine Augée Angoué, Valuing forest for conservation purposes, [En ligne]. Disponible sur : http://www.earthwatch.org/site/pp.asp?c=crLQK3PHLsF&b=479905 consulté le le 06 Mars 2007.

* 222 Claudine Augée Angoué, Valuing forest for conservation purposes, [En ligne]. Disponible sur : http://www.earthwatch.org/site/pp.asp?c=crLQK3PHLsF&b=479905 consulté le le 06 Mars 2007.

* 223 Marie Augustine DIAHOU, corpus n° 3, séquence n° 1.

* 224 Elie HAKIZUMWAMI (2005), Elaboration de la stratégie régionale pour la conservation des éléphants en Afrique Centrale, WWF, p.11.

* 225Charlotte Kassou, corpus n°11, séquence n° 1.

* 226Marie Augustine DIAHOU, corpus n° 3, séquence n° 2.

* 227 Perrine Mawouiri, corpus n° 6, séquence n° 2.

* 228 Germaine Bibalou, corpus n° 8, séquence n°2.

* 229 Marie Augustine Diahou, corpus n°3, séquence n°2.

* 230 Camille Mboumba, corpus n°8, séquence n°2.

* 231 Camille Mboumba, corpus n°4, séquence n°1 et 3.

* 232 Charlotte Kassou, corpus n°11, séquence n°3.

* 233 Albert Boulikou, corpus n°2, séquence n°3.

* 234 Jules Olago, entretien n°18, séquence n°6.

* 235 PFBC (2006), Les forêts du Bassin du Congo : Etat de foret 2006, p.134.

* 236 Claude, LEVI-STRAUSS, La pensée sauvage, Paris, Plon, 1962, p. 218.

* 237 Indiens d'Amérique du sud

* 238 Sébastien, BODINGA-BWA-BODINGA et Lolke J., VAN der VEEN, Les proverbes evia et le monde animal : la communauté traditionnelle des evia (Gabon) à travers ses expressions proverbiales, Paris, L'Harmattan, 1995, p. 66.

* 239 Raymond, MAYER, « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'Homme n°5, Actes du séminaire sur « Les formes traditionnelles de gestion des écosystèmes au Gabon », du 18 au 24 mai 1998 à Libreville, Gabon, Ed. LUTO, P.U.G, p. 48.

* 240 Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p.51.

* 241 Claude LEVI-STRAUSS, (1962), La pensée sauvage, Paris, Plon, p.196.

* 242 Raymond MAYER (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'homme n°5, Libreville, Ed. du LUTO, P.U.G, p.44.

* 243 Raymond MAYER (1998), « Des caméléons et des hommes» in : Revue Gabonaise des sciences de l'homme n°5, Libreville, Ed. du LUTO, P.U.G, p.48.

* 244 Récit collecté le 15 août 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 245Albert Boulikou, ancien chasseur d'éléphant, clan Bumombu, 81 ans, quartier Sievanou.

* 246 Rite lié à la chasse à l'éléphant que les Bisir pratiquaient autrefois et qu'ils auraient emprunté à un peuple de l'Ogooué Lolo.

* 247 Le dibumba est un talisman.

* 248Récit collecté le 31 août 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 249Marie Augustine DIAHOU, 67 ans, agricultrice, clan Bupeti, quartier Miguebi.

* 250Récit collecté le 24 août 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 251 MBOUMBA Camille, 60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du ndéya, quartier Plein-air.

* 252 Bisiemu est un mot gisir qui désigne les ingrédients à base desquels on fait soit un fétiche, soit un traitement dans la médecine traditionnelle.

* 253Récit collecté le 27 août 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 254 Camille MBOUMBA, 60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du ndéya, quartier Plein-air.

* 255Récit collecté le 05 mai 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 256 Perrine MAWOUIRI, 53 ans, agricultrice, clan Mombi, quartier Sievanou.

* 257 Gonevosula en gisira, c'est creuser un aliment tel le tubercule qui est en état de croissance intermédiaire de manière prudente.

* 258Récit collecté le 24 août 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 259Camille MBOUMBA, 60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du ndéya, quartier Plein-air.

* 260 Gilungu est le nom de l'une des techniques de piège à l'éléphant chez les gisir.

* 261Récit collecté le 24 août 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 262 Camille MBOUMBA, 60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du ndéya, quartier Plein-air.

* 263Récit collecté le 05 mai 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 264 Gerùaine BIBALOU, 62 ans, agricultrice, clan Bumuedi, quartier Sievanou.

* 265 Le nguli est le terme gisir qui désigne le coeur du palmier.

* 266Récit collecté le 07 mai 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 267 Marie Augustine MOUMBANGOU, 54 ans, agricultrice, clan Bundombi, quartier Yabunga Diguema.

* 268 Gugatula maramba désigne la période allant de mars jusqu'en mai où les éléphants sont en pénurie de fruits en brousse et pour survivre, ils viennent en force dans les champs des populations.

* 269Nzahu agabeli miyanga chez les gisir c'est la définition de la période qui correspond aux incursions des éléphants pendant la saison sèche.

* 270Récit collecté le 04 mai 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 271Charlotte KASSOU, 52 ans, agricultrice, clan Bumbamdinga, quartier Château.

* 272 Gisiemu est le pluriel de bisiemu.

* 273Récit collecté le 31 août 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 274 Hilarion MATOUMBA, 75 ans, chasseur d'éléphants et agriculteur, quartier Miguebi.

* 275Récit collecté le 08 mai 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 276 Adolphe MBOULA YAKOUYA, 48 ans, agriculteur et maître du bwiti, clan Bubuka, quartier Sangala.

* 277 Kiligu est un fétiche destiné à protéger les champs et l'action de faire un kiligu c'est gugiliga. Gugiliga c'est faire le kiligu.

* 278 Récit collecté le 27 août 2007, transcrit et traduit en français par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 279 Camille MBOUMBA, 60ans, clan Budombi, tradipraticien et maître initiateur du ndéya, quartier Plein-air.

* 280 Radcliffe Brown, cité dans LEVI-STRAUSS, Claude, 1962, Le totémisme aujourd'hui, Paris, PUF, p 130.

* 281 Récit collecté le 09 août 2007, transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 282 Jean Pierre KABOU MBEMENI, 59ans, agriculteur, clan Bubuka, quartier Château.

* 283 Ici, ce terme renvoie aux femmes de pouvoir.

* 284 Récit collecté le 03 mai 2007, transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA.

* 285 Léonce IWANGOU, Préfet du Département de Ndolou-Mandji.

* 286 Récit collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 03 mai 2007.

* 287 Jules OLAGO, 29 ans, Chef-adjoint du Cantonnement des Eaux et Forêts.

* 288Récit collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 04 mai 2007.

* 289 Jules OLAGO, 29 ans, Chef adjoint du Cantonnement des Eaux et Forêts.

* 290Récit collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le ??? octobre 2007.

* 291 Bas HUIJBREGT, 37 ans, Conseiller technique principal du projet WWF-Gamba.

* 292Récit collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 24 octobre 2007.

* 293 Samuel Engone-Bilong, 53 ans, Ingénieur des Eaux et forêts, chef de service chasse.

* 294Récit collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 14 novembre 2007.

* 295 Aurélien Mofouma, 39 ans, Ingénieur forestier, RAPAC.

* 296Récit collecté et transcrit par MOUKANIMAMBOU-BIPAKILA le 14 novembre 2007.

* 297 Responsable de l'UICN, Programme Régional de l'Afrique Centrale pour l'Environnement.






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