CONCLUSION GENERALE
Afin d'appréhender le rattachement des Burkinabé
de l'étranger à leur pays d'origine et leur apport au
développement du Burkina Faso, il est apparu nécessaire
d'analyser tout d'abord les causes de l'émigration burkinabé
depuis la colonie de Haute-Volta. Deux raisons se dégagent
principalement :
- les causes historiques liées au fait colonial et
à la mise en place de politiques néocoloniales après les
indépendances ;
- les causes économiques liées à la
recherche du bien-être financier et matériel.
Une troisième cause mérite aussi d'être
évoquée : les raisons psycho-sociales de l'aventure.
Au vu de ces motivations pour l'émigration, une
question se pose : les Burkinabé de l'étranger sont-ils
rattachés à leur pays d'origine ? C'est l'objet de la
première partie de cette étude.
Deux hypothèses se dégagent :
- il existe un rattachement des Burkinabé de
l'étranger à leur pays d'origine ;
- à l'opposé, on note une absence de rattachement
chez d'autres.
~ Les cas de rattachement
Au vu de critères objectifs, il a été
démontré que des Burkinabé de l'étranger sont
rattachés à leur pays d'origine et par voie de conséquence
forment une diaspora entendue comme une « communauté
d'expatriés qui préservent une identité commune,
qui ont gardé des références et des pratiques
renvoyant à leur pays d'origine malgré la dispersion et qui sont
en relation collective ». La relation collective se traduit par
l'existence d'associations de Burkinabé de l'étranger. Il a
été démontré que les références et
les pratiques se traduisent par un rattachement aussi bien affectif pour autant
qu'il se manifeste par l'usage courant ou non de la langue, la consommation de
mets d'origine
burkinabé et apparentés, l'habillement, la
famille, etc. que matériel. Dans ce dernier cas, le rattachement se
manifeste par des retours périodiques ou non au Burkina, la possession
d'éléments physiques comme des terrains, immeubles, fermes et des
intérêts économiques comme des activités
génératrices de revenus, etc. Le rattachement peut, en plus du
comportement, être justifié par la nationalité.
~ Les cas de non rattachement
Il ressort que des supposés Burkinabé ont du mal
à justifier leur appartenance à la société
burkinabé, problème d'identification lié soit à
l'assimilation à la population d'accueil, soit à l'absence de
documents administratifs. Il est apparu des cas où des individus
n'entretiennent de lien ni avec le Burkina Faso, ni avec la communauté
burkinabé étrangère alors que la législation du
pays d'accueil ne les reconnaît pas comme nationaux. Ce n'est qu'à
la survenance d'événement malheureux que les
intéressés reconnaissent leurs origines. Il convient alors
d'inviter les pouvoirs publics à travailler à amener tous les
Burkinabé de la diaspora à s'intéresser au Burkina Faso
par des motivations diverses.
L'une des preuves d'attachement que les Burkinabé de la
diaspora portent à l'égard du Burkina, c'est leur contribution au
développement. La deuxième partie de cette étude pose
comme hypothèse que les Burkinabé de l'étranger apportent
substantiellement à l'économie burkinabé à travers
notamment le rapatriement de leur épargne. Cet aspect a
été cerné en étudiant l'incidence de
l'épargne rapatriée sur des agrégats
macroéconomiques assez significatifs comme la consommation finale
privée et l'investissement. On retient que les Burkinabé de
l'étranger, en même temps qu'ils contribuent à
élever le niveau de vie des ménages par leur assistance
financière en particulier pendant la période de soudure,
s'impliquent dans la production nationale par la création et la gestion
d'entreprises de tailles variées et soutiennent l'action de l'Etat par
la construction d'infrastructures socio-économiques et des dons
divers.
Cependant, à la confrontation avec d'autres indicateurs,
on relève que l'apport des Burkinabé de l'étranger au
développement n'est pas optimal et peut donc
être amélioré. Comparé en effet
avec leur effectif, on note qu'un Burkinabé de l'étranger
contribue moins au PIB du Burkina qu'un résident et que l'épargne
qu'il rapatrie est inférieure à celle qu'un étranger
résidant au Burkina renvoie à son pays d'origine. Par rapport
à l'apport d'autres diasporas, on note la faiblesse de celui de la
diaspora burkinabé à l'économie nationale. On en conclut
donc que cette contribution est en deçà de l'optimum. La question
est de savoir ce qu'il faut faire.
La réponse à cette question n'est pas si simple
mais pourrait se résumer à ceci : raffermir ou renforcer le
rattachement des Burkinabé de l'étranger à leur pays
d'origine c'est améliorer leur apport au développement. Cela
interpelle les pouvoirs publics à s'intéresser autant aux
Burkinabé de l'étranger qu'aux Burkinabé de
l'intérieur, ce qui peut se traduire par un accroissement de
l'encadrement juridico-politique et institutionnel des ressortissants
burkinabé résidant à l'étranger et de leur suivi.
Il faudrait aussi élaborer une politique claire de gestion de
l'émigration.
~ Le renforcement de l'encadrement et du suivi des
Burkinabé de l'étranger
Les Burkinabé de la diaspora accusent à tort ou
à raison les autorités burkinabé de les ignorer au profit
d'intérêts politiques en nouant et en promouvant des relations
amicales avec des pays qui leur sont hostiles (Côte d'Ivoire, Libye...).
Ainsi, après les meurtres, les expulsions (très souvent abusives)
et la spoliation de Burkinabé de la Côte d'Ivoire, de la Libye, du
Gabon, de la Guinée Equatoriale, etc., force est de constater que l'Etat
burkinabé n'a à ce jour déposé aucune plainte en
vue de la protection des intérêts de ses ressortissants, ce qui
fait dire à plus d'un que l'Etat ne s'intéresse aux
Burkinabé de l'étranger que quand il s'agit de leur demander de
soutenir le développement du Burkina en accroissant leurs
investissements. En effet, l'Etat ne laisse percevoir aucun signe qu'il les
défendrait à chaque occasion et en tout temps. Cette attitude de
«prédateur» n'est pas sans susciter la
méfiance des Burkinabé de la diaspora qui préfèrent
agir là où se trouvent leurs intérêts.
Les autorités pourraient agir plus politiquement en
envisageant la création d'un ministère des Burkinabé de
l'étranger qui se chargerait des questions y afférentes mais
aussi des questions de migration internationale. Près d'une dizaine de
millions de Burkinabé résidant hors des frontières
nationales, le jeu en vaut la chandelle. Ce ministère aura plus de
moyens d'action et de poids politique que le CSBE. Il s'attaquera aux questions
telles que :
- la protection et la défense des droits des
Burkinabé victimes de violence à l'étranger comme c'est le
cas en Côte d'Ivoire;
- le vote des Burkinabé de l'étranger ;
- la réinsertion des Burkinabé rapatriés
;
- le projet MIDA (Migration et développement en
Afrique),
- etc.
Les accords internationaux que le Burkina a signés
(annexe 2) ou pourrait signer avec d'autres Etats en matière
d'encadrement des Burkinabé de l'étranger seraient plus efficaces
s'ils s'accompagnaient de suivi régulier. Le ministère pourrait
jouer un rôle dans ce sens.
Le ministère en charge des Burkinabé de
l'étranger pourra aussi travailler à améliorer les
processus de rapatriement de l'épargne et sa canalisation vers des
investissements productifs. Déjà, le projet MIDA est une
initiative à soutenir. Exécuté en partenariat entre
l'Organisation Internationale des Migrations (OIM) et le Burkina, c'est un
projet qui vise à mettre en rapport l'expertise et le savoir-faire de la
diaspora avec les besoins de formation, d'apprentissage et d'investissements
identifiés au niveau national.
Le ministère en charge des Burkinabé de
l'étranger pourrait également jouer un rôle
d'assistance-conseil et de guide pour les candidats éventuels à
l'émigration.
~ La gestion de l'émigration
L'une des questions les plus récurrentes est de savoir
si l'émigration constitue un facteur ou un frein pour le
développement national, ce qui pose en même temps l'urgente
nécessité pour le Burkina de se doter d'une politique nationale
migratoire aux orientations claires. L'important est de maximiser les effets
positifs de la migration et d'en atténuer les effets négatifs.
Pour ce faire, il est nécessaire que le pays dispose de statistiques
assez précises sur les flux migratoires avant d'envisager une gestion de
ces effectifs. D'aucuns proposent la création d'un observatoire national
des migrations.
La politique migratoire, tout comme toute politique publique,
se doit d'être objective et non complaisantes. En clair, elle pourrait
proposer la mise en place de conditions de rétention de la population
sur le territoire national et donner des informations plus ou moins
précises sur les pays d'émigration.
Il conviendrait mieux de chercher à retenir la
population au Burkina par la mise en place de conditions favorables à la
prospérité et à la promotion de la jeunesse. Et comme le
dit Nazi KABORE dans son ouvrage Comment devenir riche,
même s'il est difficile de prospérer au Burkina du fait de
l'austérité de la nature, cela n'est pas impossible en
témoignent les expatriés qui sont venus y faire fortune. Le
Burkina étant un pays pauvre, tout est à construire et donc
l'entrepreneuriat est à privilégier et à accompagner mieux
que la création d'emplois. Seulement l'entrepreneuriat ne s'enseigne
pas, il s'accompagne à travers un environnement viable et
prospère. Par ailleurs, un peuple bien éduqué est un
peuple qui peut se prendre en charge, un peuple entreprenant et donc
auto-suffisant. Mais si le peuple manque d'éducation de qualité
alors que les conditions (exogènes) de son épanouissement sont
créées, on attirera des investisseurs étrangers qui
assujettiront à terme la population résidente. Dans ce cas, on
privilégie la politique d'emploi à la politique
d'entrepreneuriat, d'où l'intérêt pour les pouvoirs publics
d'envisager la gestion de l'émigration doublement sous le moyen et le
long terme.
Les retombées de l'émigration ne doivent pas
éblouir le décideur public de sorte à lui faire perdre
de vue les problèmes que celle-ci pose. De plus, si les
conditions permettent l'émigration massive des jeunes,
il y aura fuite des cerveaux et le développement sera de plus en plus
compromis. C'est pourquoi il faut non seulement mettre l'accent sur la
formation et la spécialisation, mais aussi instituer un système
de valorisation de la main-d'oeuvre qualifiée.
En résumé, il convient à la fois d'encadrer
les populations déjà émigrées et de
décourager les candidats éventuels à
l'émigration.
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