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La spéculation est-elle rentable ?

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par JB TANQUERAY
Université Paris Dauphine - M2 Recherche106 Macroéconomie et finances internationales 2007
  

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5.3.2 Bruit des teneurs de marchés (market-makers)

Comme surligné dans la partie précédente les teneurs de marchés sont comme tout-puissant. Détenant 90% du volume quotidien28 sur les marchés des changes, ils constituent l'agent privilégié par excellence. Ils ont la quasi-mainmise sur la liquidité et connaissent les transactions de tout le monde. Ils sont juge et partie, c'est-à-dire dépositaire d'un stock de devises pour satisfaire leurs clients mais aussi spéculateur exploitant son avantage informationnel.

27 SARNO L., TAYLOR M., op. cit

28 Op. Cit. Si les teneurs de marchés (reported dealers) représentent 53% des transactions quotidiennes, ils sont la contreparties des autres types d'intervenant sur les marchés.

Ainsi, s'ils acceptent de traiter, c'est précisément parce qu'ils ne partagent pas les mêmes convictions que leurs contreparties. En outre, quand bien même ils peuvent être d'accord sur les niveaux de valorisation : les motivations à réaliser une transaction ne sont nécessairement pas les mêmes. Ce peut être par exemple l'aversion au risque.

Là où les modèles classiques définissent la détermination du prix d'équilibre comme un résultat direct de la confrontation de la demande pour un actif risqué de deux agents, un informé et un faiseur de bruit, la microstructure met au contraire en évidence que l'obtention de l'information privée est concomitante au processus transactionnel : elle résulte d'une interaction continue entre les convictions privées, le volume et la volatilité29.

Par conséquent le double rôle des teneurs de marché vient alors créer une forme d'externalité informative qui se concrétise dans les prix au gré de leur aversion au risque (incitation notamment à traiter conformément au principe de Grossman « incomplete equitization of risks ») et de leurs poids sur les marchés30. Ceci constitue une opportunité supplémentaire pour la spéculation : au lieu d'un jeu de pouvoir a priori entre informés et non informés, il s'agit de profiter de l'interaction entre agents de marché comme a tenté de le faire Soros et ce, de manière très profitable.

Néanmoins ils sont fragmentés et ne sont pas agrégés les uns aux autres tel le commissaire-priseur walrassien. Ceci vient accroître le bruit que ces intervenants suscitent. Comme l'induit Lyons, les cotations faites par ces intervenants ne sont pas à l'équilibre : elles sont porteuses, d'une part, de leur aversion au risque comme le démontre la persistance d'une prime de risque sur les taux de change, d'autre part, de leur propension à effectuer une forme de rétention d'information.

29 LYONS L. Op. cit

30 Op. cit

En outre celles-ci sont aussi influencées par un intérêt clientèle. Conformément à un rapport de la Banque centrale suédoise31, les cotations faites dépendent aussi de la qualité et du pouvoir de négociation de la contrepartie et de la volonté à maintenir une bonne relation avec cette dernière. Bien que se compensant sur des clients moins affectionnés, cette pratique crée une disparité supplémentaire profitable à certains groupes de spéculateurs dans le cadre de transactions intra-journalières.

5.3.3 Volatilité et volume des ordres

Ce point reste un élément d'achoppement avec les modèles classiques de taux de change d'équilibre. Il est en réalité une des conséquences pratiques de l'hétérogénéité des agents, de leurs croyances et de la dimension privée des certaines informations. Ces dernières se révèlent de manière progressive. De ce fait les agents réagissent au fur et à mesure qu'elle devient connue. Cela alimente précisément la volatilité des marchés des changes. C'est d'ailleurs dans ce cadre que les analyses dites techniques et considérées comme polluantes car augmentant la volatilité, ont été initialement développées : tel un indicateur avancé conçu précisément pour identifier les changements de comportement des investisseurs et ainsi tenter de différencier l'existence d'informations privées, des mimétismes et autres anticipations adaptatives comme extrapolatives répandues chez les agents32.

31 AKRAM, DAGFINN et SARNO, << Arbitrage in the Foreign Exchange Market: turning on the Microscope », Swedish Institute for Financial Research (Riksbank), 2000

32 BENASSY-QUERE A., LARRIBEAU, McDONALD, << Models of Exchange Rate Expectations: Heterogeneous Evidence from Panel Data », CEPII, 1999

Cette dernière s'identifie donc plus à un effet météorite plus qu'à une vague de chaleur. Elle est concomitante à l'incertitude des agents. Plus précisément au lieu qu'elle apparaisse telle une vague de chaleur, la volatilité tombe tel un météorite au moment où les informations se révèlent. Cette volatilité connaît d'ailleurs des faits stylisés quand des mauvaises nouvelles arrivent sur les marchés comme lorsque ces derniers ouvrent, concentrant le plus grand nombre d'intervenants actifs au même moment. C'est plus exactement lorsque les anticipations de trajectoire de taux de change se trouvent bousculées dans leurs fondements (généralement une nouvelle information sur les fondamentaux économiques) que la volatilité augmente subitement33. Celle-ci est naturellement constante de par le processus de révélation d'information élaboré par Lyons mais s'accroît plus substantiellement en cas de nouvelles adverses. Ces dernières modifient profondément l'aversion au risque des agents induisant des réactions en chaîne34.

En revanche, il n'est pas évident de déterminer si ces niveaux de volatilité sont dus à une compréhension efficiente des informations ou à des facteurs liés au bruit de marché. Il est évident que les stratégies d'investissement fondées sur la captation de tendance ou des niveaux accrus de liquidité répondant à une motivation autre que la spéculation mais l'exécution simplement facilitée, viennent amplifier les niveaux de volatilité. Néanmoins, ces derniers apparaissent aussi liés de manière évidente aux mouvements des écarts de taux d'intérêt que la spéculation magnifie, particulièrement en période de faibles volumes selon Carlson et Oslen35.

Parallèlement la spéculation a besoin de cette volatilité pour vivre. Si ce jeu est macroéconomiquement à somme nulle --ce que gagne l'un est ce que perd l'autre- elle est au niveau microéconomique une condition sine qua non pour spéculer donc maintenir une liquidité sur les marchés et mieux contribuer au transfert des risques. Elle est un indicateur de l'intensité de l'activité, de sa tendance et du niveau d'aversion au risque. Reflétant les changements de volume et l'orientation des transactions, elle constitue un indicateur facilitant la mise en place de certaines stratégies : sa constance et son caractère chaotique offre une plus grande discrétion de paris. Spécialement ceux intégrant les produits optionnels dont la volatilité est un élément positif de revalorisation.

33 SARNO, TAYLOR op. cit

34 KINDLERBERGER Op. cit

35 Op. cit

C'est pourquoi certaines stratégies spéculatives comme celle déclinée par Soros se concentre sur ces phénomènes micro-structurels préférant l'appréciation plus régulière de la volatilité à celle des grands fondamentaux révélés ponctuellement avec un retard au-moins trimestriel.

En réalité, seule une coordination crédible des politiques monétaires facilitant l'ancrage des anticipations dans une seule direction semble venir baisser cette volatilité et ainsi contrarier le flux spéculatif. Rivés sur le même horizon, toute vue divergente apparaît suspicieuse : elle est jugée comme infondée et les marchés n'évoluent plus car les autorités monétaires, fortes de leur crédibilité, constituent le seul indicateur pertinent. Sinon, elle profite du bénéfice du doute, contrariant l'aversion au risque entraînant des réactions plus irrationnelles.

Par conséquent l'approche microstructurelle permet de mieux mesurer le processus de révélation des informations sur le marché. Celui-ci est constant, progressif. Conjugué à des techniques d'investissement ou des besoins de liquidité générateurs de bruit, il explique les niveaux soutenus de volatilité au jour le jour. Seuls une variation du nombre d'intervenants au marché, un chocs informatif ou une modification de paramètres d'évaluation des changes (nommément les variations d'écarts de rendement des taux), viennent amplifier les niveaux de volatilité. En outre cette volatilité contribue à stimuler micro-économiquement la spéculation.

Le contexte favorable à la spéculation s'identifie donc à la conjonction de deux éléments : l'accès à une information privilégiée tant sur les marchés que sur les facteurs de valorisation des taux de change dont plus particulièrement les mouvements sur les différentiels de taux, et la capacité de pouvoir mettre ses ordres en place au bon moment en fonction des niveaux de volatilité.

Par ailleurs une question reste en suspend : qu'est-ce qui amène un spéculateur à exprimer ses anticipations de marchés en paris réels ? Nous abordons là toute la relation entre prise de risque, compréhension des marchés et fondement des anticipations. En effet, si nous venons d'identifier le contexte qui incite à spéculer, il nous manque le chaînon permettant de transformer une information en anticipation puis en prise de positions en monnaie sonnante et trébuchante. C'est toute la dimension de la maximisation du ratio de Sharpe.

6 ANTICIPATIONS, RATIONNALITE DES AGENTS ET REALITE DE LA PRISE DE RISQUE

La précédente partie a permis d'identifier les conditions plus favorables à la spéculation, stimulant cette dernière. Au-delà des conditions de fonctionnement des marchés et de l'accès à l'information, un élément constant mentionné à plusieurs reprises revient systématiquement, celui des anticipations. Comme évoqué, celles-ci sont de quatre natures : extrapolative, adaptative, régressive ou une synthèse des trois précédents. Elles ont fait l'objet de plusieurs études qui ont mis à jour leur hétérogénéité36. Mais pourquoi ne sont-elles pas nécessairement traduites en paris spéculatifs actifs ?

Cette partie a pour but d'identifier ce frein qui se résume tout simplement à la prise de risque effective voire à une navigation à très courte vue. Les spéculateurs sont contraints dans leur risque en raison de leur fonction objectif, maximiser leur ratio de Sharpe en sus des règles prudentielles applicables aux institutions bancaires et financières de marché.

En outre, dans un contexte de recherche de l'information privilégiée rentable, comment une bulle peut-elle perdurer et se solder par sa simple explosion ? Jusqu'à quel niveau un spéculateur peut s'opposer au marché ? Soros lui-même ne jouait-il pas plusieurs scénarii à la fois pour se protéger des mouvements qu'il considérait chaotiques de ces derniers ?

Nous étudions en conséquence les modèles de marché à bruit de la finance comportementale avant de s'intéresser aux apports de la finance cognitive.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus