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La relation maà®tre disciple dans le monachisme primitif, d'après les écrits de Jean CASSIEN

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par Isabelle PEREE
Université de Strasbourg - Master 2009
  

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VI. Description de l'ancien et situation dans l'Eglise.

Le Père du désert apparaît comme un homme libre, fidèle à l'Ecriture et au Christ,

attaché à l'ascèse et pratiquant la charité sans mesure. Socrate de Constantinople décrit Macaire d'Alexandrie comme quelqu'un d'avenant.

« ...souriant à l'égard de ceux qu'il rencontrait et (qui) plaisantait avec les jeunes qu'il initiait à l'ascèse 66. »

Sur le plan physique, on dépeint certains Pères comme étant petits et glabres à cause de la rigueur ascétique. Cassien nous fait une belle description d'un vieillard de Panéphysis qu'il s'en va visiter avec Germain. (Coll. 21)

Pallade décrit Abba Paphnuce comme quelqu'un d'illettré, qui récitait les divines Ecritures de mémoire et qui ne possédait qu'une seule tunique. Sérapion, lui, était bon lettré, nous dit Pallade. S'agit-il des Pères qu'a visités Cassien ? On ne le sait, mais ceux-ci, lettrés ou non, ont généralement une connaissance aiguisée des Ecritures qu'ils citent de manière courante et selon les circonstances lorsqu'eux-mêmes, parfois, tombent à cours d'argument devant une question difficile. Etre « illettré » ne signifie pas nécessairement analphabète mais peut aussi vouloir dire que certains anciens n'étaient pas instruits dans la sagesse profane même s'ils possédaient une sagesse spirituelle 67. Toutes les réponses aux questions humaines se trouvent dans l'Ecriture et les anciens s'en inspirent pour prier, aider ou encore pour enseigner. Les Pères reçoivent des personnes venues de loin et les guérissent au nom de Dieu.

66 Socrate de CONSTANTINOPLE in « Histoire ecclésiastique. » (T. IV-VI.) SC.477. Cerf 2004.

67 Athanase d'ALAXANDRIE in « Vie d'Antoine » SC 400 Cerf. 1994.

Ainsi Macaire qui libère une « si grande quantité de démoniaques qu'il est impossible d'arrêter un chiffre68 », ou qui guérit une jeune fille paralysée depuis de nombreuses années en lui faisant des onctions vingt jours durant avec de l'huile sainte avant de la renvoyer chez elle69. Ces miracles, même s'ils n'ont aucune preuve historique, nous démontrent que les méthodes de guérison font toujours référence au Christ, les Pères ne s'attribuent aucun miracle, ils opèrent sans aucune prétention. Il s'agit bien du Christ qui accomplit l'oeuvre par leurs mains. Paul le Simple raconte qu'Abba Antoine, Père des moines souvent cité par les anciens, s'adresse au démon en l'interpellant fermement :

« Tu sors ou je vais le dire au Christ ! 70»

Cette parole veut dire que le Christ était présent dans chaque geste de la vie quotidienne et que les Pères se reportent à son exemple et à sa parole. Certains miracles ressemblent à ceux du Nouveau Testament, ainsi le moine Elie qui menait une vie très sainte, raconta que manquant de pain, il pria et en trouva trois en rentrant dans sa cellule. Même après en avoir donné aux hôtes qui étaient vingt, il en resta encore dont il fit usage pendant vingt-cinq jours. Ces anecdotes sont-elles historiques ou composées en vue de l'édification des jeunes moines ? Personne ne le sait, mais il est sans doute question ici d'une leçon de charité : n'est-ce pas parce que Elie voulait nourrir ses frères moines (comme le Christ ses disciples et la foule) que les pains se multiplièrent ? Le miracle n'est-il pas le fruit de l'intention ? Le moine se situe dans une dynamique de foi et c'est sans doute le message que cette anecdote veut faire passer. La foi entraîne le miracle. Pour les Pères, les pauvres le sont à cause de l'injustice des hommes, ainsi les oeuvres de charité et de miséricorde, dira Abba Moïse « (...) sont nécessaires en cette vie tant que règne l'inégalité des conditions. » (Coll. 1)

Les anciens aiment se citer entre eux. Les plus zélés servent de modèles à la formation des commençants. C'est Abba Antoine, la référence par excellence des Pères que ceux-ci citent le plus souvent, mais il y a d'autres exemples, comme Piamun qui fait référence à Paphnuce (Coll. 18.) Le moine, nous l'avons déjà dit, fait « profession » au désert dans tous les sens du terme. Abba Moïse explique ce qu'est cette profession du moine : une carrière et pas seulement un voeu. (Coll.1) Le Père du désert travaille à la pureté du coeur comme un laboureur moissonne son champ ou un soldat prend les armes. Sa fin n'est autre que le Royaume de Dieu. La spiritualité du désert semble forte et on verra quelquefois les anciens

68 PALLADE in «Histoire lausiaque» S0 n°75. Bellefontaine 1999

69 Ibid.

70 Ibid.

pratiquer l'ironie, comme Abba Piamun, (Coll.18) afin de susciter le questionnement chez leurs frères. La sentence monastique est toujours exprimée de manière équivoque, son intention est de susciter le questionnement chez le disciple.

Le statut des Pères du désert est vocation. Les anciens sont « présence » au désert et leur sagesse est principalement inspirée de l'expérience. Le moine vit au désert et il y reste physiquement, certes, mais le désert est dans l'Eglise et le moine en est le témoin à sa façon. On peut observer que pour des solitaires que l'on penserait rustres, leur sociabilité est grande et principalement tournée vers les plus faibles. Si la propre clôture de l'anachorète est celle du corps, la priorité de certains tend vers la charité et c'est en cela que l'on reconnaît l'ancien comme un disciple du Christ. Le moine part du principe que pour convertir le monde et alléger sa souffrance, il doit d'abord se convertir lui-même. La fin du moine est de vivre dans le Royaume de Dieu, son but est la « pureté du coeur » sans laquelle il serait impossible d'atteindre cette fin considérée comme la « céleste récompense ». La pureté du coeur est donc le terme unique de l'action du moine et de ses désirs. (Coll.1) « Le Père du désert a le don pneumatique de convertir les coeurs », dit Festugière71.

On observe incontestablement que plusieurs anciens parmi ceux qu'interroge Cassien sont imprégnés de culture grecque. Socrate est connu d'Abba Chérémon qui se livre à une comparaison édifiante entre le philosophe et le moine du désert.

Les philosophes grecs « se retiennent uniquement de consommer leurs passions, en se faisant violence ; mais le mauvais désir et la volupté du vice ne sont point bannis de leur coeur. » ( Coll. 13)

Abba Chérémon se servait de cet exemple, parfaitement intégré, pour instruire Cassien et Germain sur la différence entre chasteté (pureté du coeur) et continence (abstinence sexuelle.)

Dans le discours d'Abba Nestéros, il est question d'herméneutique où l'ancien se livre à un véritable cours sur la science spirituelle, détaillant avec beaucoup de verve les trois genres de celle-ci : la tropologie, l'allégorie et l'anagogie. (Coll.14) Cassien nous informe effectivement que ce moine est d'une « science consommée » et son second discours sur les charismes divins nous le confirmera. (Coll.15) Certains Pères ne manquent pas d'humour, ils gardent leur calme, ne perdent pas contrôle devant l'adversité, sachant à tout propos, trouver réponse à toute question posée, ce qui nous conforte dans l'idée qu'ils peuvent être empreints d'une culture raffinée.

71 A-J. FESTUGIERE in « Les moines d'Orient« in « Historia Monachorum in Aegyto ». Cerf 1964.

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