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Analyse des facteurs de blocage de l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel au Sénégal: analyse de la perception des acteurs socioéducatifs de la commune de Fatick

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par Pape Samba Gueye
Université Gaston Berger de Saint-Louis Sénégal - Master 2 2010
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE GASTON BERGER DE SAINT-LOUIS
UFR DES LETTRES ET SCIENCES HUMAINES
SECTION DE SOCIOLOGIE

Mémoire de Master 2

PARCOURS : FAMILLE ET EDUCATION

THEME : EDUCATION FORMELLE ET LANGUES NATIONALES

SUJET : les facteurs de blocage de l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel sénégalais : analyse de la perception des acteurs socioéducatifs de la commune de Fatick.

Présenté par : Sous la direction de :

Pape samba GUEYE Dr Fatou DIOP SALL

Chargée d'enseignement

pape_samba2005@yahoo.fr

Année académique 2010-2011

Dédicaces

Je dédie ce travail à :

Mes parents et ma famille qui m'ont tant encouragé et soutenu durant tout mon cursus scolaire et universitaire.

Aux regrettés Joseph KI-ZERBO et Cheikh Anta DIOP pour leur ferme dessein d'une éducation endogène basée sur les langues africaines.

Au regretté Ousmane SEMBENE pour avoir participé, dans son combat pour notre identité linguistique, à la création(1971) de la première revue mensuelle (kaddu) entièrement en wolof.

A tous les étudiants, chercheurs et politiques africains conscients que le devenir de l'Afrique est entre nos déterminations cognitives, patriotiques et citoyennes.

Remerciements

Mes remerciements vont d'abord à ma directrice de recherche, Madame Fatou DIOP SALL pour son attention fidèle et particulière qui n'est pas sans risque, à des recherches suivant des chemins mal balisés.

Je remercie tous les professeurs de la section - sociologie qui m'ont donné une formation sociologique sans remords.

Mes remerciements aussi à tous les professeurs de l'université Gaston Berger qui m'ont fait part de leurs remarques ou suggestions pour une bonne finesse de cette recherche.

Je remercie très sincèrement ma personne ressource, l'inspecteur Massamba DIEYE et sa famille, très insensibles aux dérangements de mes visites.

Je remercie ma famille qui, sans elle, je pourrai ne pas avoir l'occasion et la volonté de fréquenter la sphère de l'enseignement supérieur.

Mes remerciements loyaux vont enfin aux personnes-acteurs qui, consciemment ou inconsciemment ont participé à la réalisation de ce document.

LISTE DES TABLEAUX

Intitulés Pages

Tableau sur l'évolution de la population de la ville-prévisions . ...52

Tableau sur la répartition de la population par quartier .53

Tableau sur la population scolarisable 55

Tableau sur le taux de scolarisation

55

Tableau sur l'évolution des effectifs

56

Tableau sur le type d'infrastructures, statuts et effectifs(2008)

.57

Tableau sur la Répartition selon l'âge et le sexe

59

Tableau sur la Répartition selon l'ethnie et le sexe

60

Tableau sur la Répartition selon la catégorie socioprofessionnelle

. 61

Tableau sur la mesure de la volonté des PE sur l'introduction des LN à l'école

62

Tableau sur les considérations des LN dans le SEF par les PE

.64

Tableau sur les Types de causes de la non-introduction des LN dans le SEF selon les PE ....65

Tableau sur la relation entre la langue de l'ethnie et le choix de la LN à introduire dans le SEF .68

Tableau sur les compétences en LN des enquêtés 69

Tableau sur l'information sur les programmes d'introduction des LN dans le SEF au niveau
des PE 70

Tableau sur la Langue parlée dans les lieux de travail .70

Liste des acronymes et des abréviations

LN : Langue Nationale

SEF : Système Educatif Formel

PDEF : Programme Décennal de l'Education et de la Formation

P E : Parent d'Elève

CNREF : Commission Nationale de la Reforme de l'Education et de la Formation EGEF : Etats Généraux de l'Education et de la Formation

AOF : Afrique Occidentale Française

CITE : Classification Internationale Type de l'Education

GIE : Groupement d'Intérêt Economique

ROCARE : Réseau Ouest et Centre Africain de Recherche et Education

DPLN : Direction de la Promotion des Langues Nationales

IFAN : Institut Fondamental d'Afrique Noire

ADM : agence de développement municipal

SDAU : Schéma de développement et d'aménagement urbain

EMILE : Enseignement d'une matière pour l'intégration d'une langue étrangère PPF : Pour Parler Français

INEADE : Institut national d'étude et d'action pour le développement de l'éducation. DALN : Direction de l'alphabétisation et des langues nationales

UNESCO : Organisation des nations unies pour l'Education, la science et la culture OIF : Organisation internationale de la francophonie

CT : classe télévisuelle

CNT : classe non télévisuelle

ECB : école communautaire de base

ECE : école communautaire élémentaire

Sommaire

Dédicaces et remerciements

Liste des tableaux

Liste des acronymes et des abréviations

Introduction générale .... . 1

Première partie : cadre d'analyse théorique et démarche méthodologique 5

Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique 5

Chapitre 2 : démarches méthodologiques 39

Deuxième partie : présentation du champ de l'étude 46

Chapitre 3 : présentation de la commune de Fatick .46

Troisième partie : présentation des résultats obtenus .59

Chapitre 4 : analyses et exégèses des résultats de la pré-enquête .. 59

Conclusion générale : perspectives de recherche doctorale 82

Bibliographie générale 84

Table des matières 86
Annexes

Introduction générale

L'objet de notre recherche consiste à analyser les facteurs de blocage liés à l'introduction des LN1 dans le SEF2 au Sénégal. En d'autres termes, nous nous proposons de décrypter les « goulots d'étranglement », les facteurs ou les éléments empêchant l'introduction totale et formelle de nos langues dans le système éducatif.

De prime abord, nous nous sommes posé la question de savoir : qu'est ce qui fait que nos LN ne sont jusqu'à présent introduites à l'école formelle suivant toutes les politiques linguistiques et éducatives faites à leur égard ?

Le Sénégal, « indépendant » depuis cinquante ans a, à son sein une multitude de langues dites vernaculaires et une langue officielle. Son comportement éducatif et administratif reste depuis toujours déterminé par cette dernière, synonyme d'asphyxie pour les premières qui semblent être d'importants vecteurs de transmission de connaissance en matière d'Education et de Formation.

C'est dans ce sens que des politiques de codification et d'introduction des langues autochtones dans l'enseignement étaient entreprises depuis le début des indépendances par l'Etat du Sénégal. Ainsi, de la période des six(06) langues codifiées (1960-1971) jusqu'à celle de la massification avec dix neuf (19) langues codifiées (1971-2001), le Sénégal n'est pas encore parvenu à intégrer une seule langue déjà codifiée dans l'enseignement formel ; qu'il s'agisse dans l'enseignement élémentaire comme dans l'enseignement moyen- secondaire.

Dans les années 1977-1984, cette politique d'introduction était entreprise par une mise à l'essai des classes dites « télévisuelles et non télévisuelles ».Ces dernières consistaient à enseigner les LN en s'appuyant sur des émissions télévisées réalisées. Cependant, ce mode d'apprentissage et d'enseignement des LN sera sans suite puisqu'il connait des écueils dont les causes demeurent incertaines et imprécises à l'endroit des populations.

Par ailleurs, dans les années 2000, plusieurs années après les conclusions des EGEF, une nouvelle relance des « classes expérimentales » a été entamée pour introduire formellement les LN dans l'enseignement élémentaire. Mais aussi, cette deuxième et dernière tentative est remise aux calendes grecques pour plusieurs motifs dont certaines recherches ont montré.

1 Langue Nationale

2 Système éducatif formel

En effet, notre problème de recherche consiste à analyser les blocages structurels liés à

l'introduction de nos langues dans l'enseignement primaire formel dans un contexte lesdites langues sont, pour la plupart usitées informellement dans tous les secteurs et
instances éducationnels et administratifs sénégalais. Sous ce rapport, notre objectif est de
déterminer et d'analyser les facteurs de blocage afin que les politiques antérieures soient plus
revues, sérieuses et renforcées. Nous voulons par ailleurs, éveiller les `'consciences
scientifiques» sur la dynamique d'un enseignement via nos LN afin qu'elles puissent
analyser scrupuleusement l'enjeu de nos valeurs linguistiques pour un développement
socioéducatif capable de nous enraciner dans nos us et de nous permettre ensuite de s'ouvrir
au monde.

C'est pourquoi notre hypothèse principale de recherche est posée comme suit : La velléité politique linguistique de l'Etat du Sénégal (des décideurs politiques), conséquence des représentations sociales des LN par la société sénégalaise et de la reproduction de la violence symbolique linguistique hélas, véhiculée par l'administration coloniale, constitue un facteur de blocage pour l'introduction des LN dans l'éducation formelle.

Par ailleurs, les causes de cette non-introduction ne sont pas uniquement liées à des problèmes socioculturels, économiques ou didactiques, mais aussi elles sont dues à une velléité politique linguistique des décideurs politiques sénégalais qui constitue aussi la résultante de la violence symbolique linguistique des temps coloniaux et des représentations sociales actuelles des LN par la société sénégalaise elle -même.

Ensuite, les parents ne refusent aucunement ce projet d'enseignement bi-plurilingue.

En effet, pour la vérification de nos conjectures de travail nous avons entrepris une démarche qualitative et quantitative pour comprendre, analyser et interpréter les discours de certains socioprofessionnels de l'éducation (enseignants, inspecteurs de l'éducation, syndicalistes de l'enseignement, parents d'élève, les élus locaux etc.) de la commune de Fatick.

La commune de Fatick qu'est notre cadre de recherche est dans le département de la région situé à 42 kilomètres de la région de Kaolack et à 62 kilomètres du département de Mbour (région de Thiès).La commune, à l'instar du reste du Sénégal est déterminée par la présence de plusieurs langues locales /nationales(sérère, wolof, peulh, maninka etc.) et son

comportement éducationnel de base reste marqué uniquement par le truchement de la langue française même si quelques écoles élémentaires privées franco-arabes y ont vu le jour.

En effet, notre étude s'articulera autour de trois grands axes pour répondre à ses préoccupations. Elle part du cadre d'analyse théorique à l'analyse et l'exégèse des résultats de l'enquête, via la démarche méthodologique.

Toutefois, cette étude comme toute autre n'est pas réalisée sans difficultés. Celles-ci sont d'ordre épistémologique et méthodologique.

La complexité du fait étudié nous a conduit dans des difficultés épistémologiques et méthodologiques dans la mesure où l'introduction des LN dans l'enseignement élémentaire formel constitue une problématique dont les orientations pour sa réalisation sont le plus souvent souples et inconséquentes.

D'abord, le thème a un caractère sensible et préoccupant :sensible dans le fait qu'il laisse remarquer des valorisations particulières au niveau de certaines langues vernaculaires au détriment des autres par nos enquêtés , préoccupant parce que nombres de sénégalais n'ont ni la volonté ni la conviction que ce fait soit un objet d'étude ou une question de recherche .Estil nécessaire de signaler le désaveu de certains intellectuels qui, après sollicitation de notre part pour leurs suggestions sur le thème , affichent leur désintéressement presque total?

En outre, d'autres difficultés sont notées durant notre observation par rapport au discursif de nos cibles qui s'enlisaient dans un amalgame redondant et permanant entre scolarisation en LN et alphabétisation.

Par ailleurs, se posait la difficulté de joindre nos cibles ou encore celle de les faire parler du fond des choses en vue de démasquer leur points obscures ou codés. Il faut aussi rappeler que la relation d'enquête n'était pas du tout facile à établir dans la mesure où la quasi-totalité de nos répondants avait un âge très avancé que nous, d'ou la présence d'une certaine pudeur de poser le débat et d'insister sur les non dits.3

Enfin, nos outils méthodologiques malgré leurs valeurs astucieuses n'ont pas suffit pour saisir tous les tenants et aboutissants de la quintessence du problème posé.

3 Nous faisons référence à la pudeur (kérsa en wolof) qui constitue un élément de socialisation très fondamental dans la société sénégalaise. Le « kérsa »est une attitude parmi certaines règles de politesse plus souvent adoptées par le moins âgé à l'égard du plus âgé.

Mais, quelles que délicates qu'elles eussent été, ces difficultés ont été contournées en adoptant quelques modalités de résolution afin d'apporter des éléments de réponse à notre objet de recherche. Il s'agissait plus particulièrement de canaliser nos enquêtés dans le vif de notre sujet.

Première partie : cadre d'analyse théorique et démarche méthodologique

Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique

I-1.Construction de l'objet de recherche

L'éducation est un leitmotiv pour toutes les sociétés humaines dans la mesure où elle se reproduit sans cesse et produit des réalités sociales spécifiques au groupe où elle est menée. Durkheim en disait ceci : « c'est l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et de sa société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim, Education et Sociologie (1922)).Par l'éducation, l'homme approfondit ses connaissances sur son environnement et transforme le savoir ainsi acquis en aptitudes professionnelles, donc en capacité de maitrise sur ses propres conditions matérielles d'existences.4 Par elle, l'homme est capable de retracer son passé, de revitaliser son présent et d'orienter son futur. C'est à ce titre que stipule depuis 1948 la déclaration universelle des droits de l'Homme :

« Toute personne a le droit à l'éducation .L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental. L'enseignement élémentaire est obligatoire. L'enseignement technique et professionnel doit être généralisé, l'accès aux études supérieures doit être ouvert en pleine égalité à tous en fonction de leur mérite.

L'éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect du droit de l'homme et des libertés fondamentales. Elle doit favoriser la compréhension, la tolérance et l'amitié entre toutes les nations et les groupes raciaux ou religieux, ainsi que le développement des activités des Nations Unies pour le maintien de la paix.

Les parents, ont par priorité, le droit de choisir le genre d'éducation à donner à leurs enfants. » (Article 26).

4 Abdoulaye NIANG, 2007, « la jeunesse africaine et le changement social » in Regard sur la jeunesse en Afrique subsaharienne, presse universitaire de Laval.

En effet, cette dernière maxime semble être inexistante dans la plupart des pays africains qui, par leurs politiques éducatives et de formation, incitent les populations à se conformer, parfois contre leur gré au système éducatif formel au moyen de la langue de l'ancienne métropole au détriment des langues maternelles (nationales ou locales).

Ainsi, Gerti HESSELING rappelle les propos de GREGERSEN5 :

« On parle beaucoup actuellement de violations des droits de l'homme. Mais il me semble qu'une des violations les plus fondamentales de ces droits est d'imposer à ceux quiveulent s'instruire l'utilisation d'une autre langue que la leur (...) on peut avancer de

nombreux arguments pour soutenir que l'enseignement dans la langue maternelle doit - ou devrait - constituer un droit fondamental »6.

Ce qui laisse voir un forçage de système aux populations qui devraient orienter leur choix selon les modalités et les capacités linguistiques appropriées à leur contexte socioculturel. C'est dire qu'il existe un déphasage entre le système éducatif africain et son contexte socioculturel dans la mesure où l'expertise africaine s'affirme difficilement par le biais des langues empruntées voire imposées. C'est à ce titre que beaucoup de chercheurs africains, depuis les indépendances, ont eu le sentiment voire le sacerdoce de repenser le statut des langues africaines, leur considération, leurs impacts sur le comportement socioéducatif africain.

La question des LN d'Afrique comme medium de transmission de connaissance dans l'enseignement formel est une problématique qui implique le continent dans son ensemble. Depuis la colonisation jusqu'à nos jours les pays africains sont marqués par une hybridité linguistique concernant d'une part les langues des colons (britannique, portugais, français..) et d'autre part les langues endogènes ou locales. Ainsi, depuis les indépendances beaucoup de chercheurs et de penseurs africains ou africanistes ont un réel sentiment de procéder à une sensibilisation pour un recours à nos langues sans lesquelles il n'y aura point de repères vers le progrès scientifique ou économique. Cependant, cette situation tant souhaitée est remise aux calendes grecques. A la fin de la colonisation, la plupart des pays africains ont compris que le recours aux langues autochtones africaines peut constituer un enjeu majeur pour le comportement éducatif, socioculturel et économique de l'ensemble des pays de l'Afrique.

5 GREGERSEN (1977) :203

6 Gerbi HESSELING, 1985, Histoire politique du Sénégal. Institutions, droit et société. Editions KARTHALA, p327.

Pour ce faire, il requiert donc pour certains d'incorporer en fond les LN dans le SEF, pour d'autres il nécessite d'adopter un système éducatif basé sur les langues nationales.

Dans les années 1990, cette perspective est soulevée par Joseph KI ZERBO lorsqu'il mentionne : « l'éducation est une fonction de reproduction et de dépassement social indispensable au progrès de tout pays. Quand cette fonction est abolie, il se produit un dépérissement profond dans le métabolisme de base de la société. C'est le cas en Afrique, où l'école, au lieu de reproduire les sociétés à un niveau supérieur contribue à les mettre en pièces détachées. L'appareil éducatif, au lieu d'être un moteur, est une bombe à retardement qui, compte tenu de la flambée démographique, épuise les ressources économiques sans contre partie suffisante, désintègre les structures sociales et stérilise les cultures »7.voilà donc comment KI ZERBO a analysé l'école africaine dans son ensemble qui, vu son déphasage avec nos réalités sociales, ne reflète guère notre identité socioéconomique.

Au Sénégal, depuis l'indépendance des politiques sur les LN ont été, avec contraste, avancées en vue de leur `'promotion» dans le système éducatif. Dans cette optique, l'Etat s'engage dans une perspective de consolidation de l'unité nationale, de construction nationale et ambitionne de prendre en charge l'ensemble des impératifs politiques et socio éducatifs (`'Etat -providence») en vue de l'instauration d'un `'Etat fort».

Sur le plan éducatif, l'Etat sénégalais avait jugé suffisant au moment de son accession à l'indépendance l'héritage colonial d'un enseignement prétendu moderne avec un taux de scolarisation satisfaisant. Il omettait cependant la valeur du contenu de l'école prise sous l'angle socioculturel avec ses impacts dans la société, en reproduisant les valeurs de l'école coloniale dont le dessein était d'effacer progressivement les cultures sociales des colonisés. En effet, comme le pense Abdou SYLLA, l'Etat a manqué au début des indépendances :« Une politique éducative définissant de manière précise les principes et les finalités (....) de l'école sénégalaise, un plan de développement de l'école qui détermine avec précision les phases de son développement avec des projections à court, moyen et long terme(...) ; il était remarquable que l'école nationale sénégalaise post indépendante soit une simple excroissance, un appendice de l'école française ».8

L'analyse de SYLLA suggère que les LN étaient hors programme en ce qui concerne leur
insertion dans l'enseignement dans la mesure où l'élite politique sénégalaise a préféré

7 KI ZERBO(J), 1990, Eduquer ou périr, éd l'Harmattan.

8 Sylla. A, 1992, « L'école : quelle réforme ? »in Sénégal, trajectoire d'un Etat, Dakar, CODESRIA.

maintenir l'enseignement au moyen de la langue occidentale. Mais ce n'est qu'à partir des contestations de Mai 1968 que l'exigence de réforme de l'école se note.

Dans le domaine linguistique, des programmes de revitalisation ou de promotion des LN ont vu le jour avec notamment les décrets de transcription. En 1968 , le décret n°68-871 relatif à la transcription des LN a été abrogé puis remplacé par celui du 21 mai 1971(n°71-566) et complété par le décret n°72-702 du 16 juin 1972. Cette abrogation est le fruit des suggestions adressées au chef de l'Etat par les linguistes, grammairiens ou simples particuliers. Cependant, malgré cet engouement, nos langues restent davantage au plus bas niveau à l'échelle planétaire. Comment en sommes-nous arrivés à ce stade ?

Cette interrogation si lapidaire nous permet de faire recours à un diagnostic situationnel des LN depuis la période coloniale jusqu'à nos jours.

La colonisation est un processus de domination politique, d'exploitation économique et d'assimilation culturelle. En Afrique, ce processus était en partie assuré par les colonisateurs qui orientaient leur politique de domination et d'assimilation le plus souvent sur la sphère culturelle dont le point de départ constitue l'imposition de leur langue. Ainsi l'Afrique francophone était plus exposée à cette forme de politique coloniale (le `'direct rule'').Cette période de l'expansion française, appelée par KI-ZERBO, « l'âge d'or des étrangers », consistait en une mainmise par les colons sur l'économie, les structures politiques, la culture et l'éducation. En effet, la société africaine colonisée connaît une hiérarchisation mettant en oeuvre deux classes sociales :''les citoyens'' et les `'indigènes''.Les premiers étaient favorisés par rapport à leur statut social et intellectuel. C'est le cas par exemple des natifs de quatre communes du Sénégal (Saint Louis, Gorée, Dakar et Rufisque) qui ont la « citoyenneté française ».

L'éducation ou plutôt l'enseignement des peuples africains colonisés demeure oppressif dans la mesure ou le système éducatif était inégalement réparti et asservissait les valeurs africaines. L'enseignement laïque avait été c rée par Faidherbe. Il est organisé en A.O.F par l'arrêt de 1903 prévoyant l'école de village, l'école régionale et l'école urbaine pour les fils de citoyens. L'enseignement professionnel était donné à l'école Pinet-Laprade de Gorée. L'école normale et l'école primaire supérieure de Saint-Louis (école Faidherbe) deviendront le premier lycée d'Afrique noire, suivi par le cours secondaire Van Vollenhoven de Dakar. Le contenu de cet enseignement fait partie intégrante du système colonial. Il s'agit d'éviter que l'enseignement des indigènes ne devienne un instrument de perturbation coloniale d'où le malthusianisme

culturel, les programmes tronqués sacrifiant la culture générale et l'histoire africaine authentique. Les petits wolofs apprenaient à connaître leurs « ancêtres les gaulois » et les Toucouleurs récitaient des leçons présentant EL-Omar comme sinistre agitateur. Les langues africaines sont prohibées dans ces écoles et leur utilisation entraine la mise à genoux dans un coin avec les oreilles d'ânes...9 Rappelons nous du fameux « symbole » à l'école primaire qui en guise de punition pour l'élève qui parlerait sa langue maternelle ou toute autre LN. Il était symbolisé soit par un gros os, soit par un gros bois pour montrer ou faire savoir à la communauté que cet élève n'a pas les aptitudes à manier le français ;et ça devenait une vexation pour ce dernier. Par conséquent, la langue française demeurait à l'égard des colonisés francophones `'une contrainte sociale» suivant la conception durkheimienne dans la mesure où, ces derniers étaient libres de ne pas parler le Français mais ils ne pouvaient pas faire autrement au sein de l'école ou de l'administration. Est-il inutile de rappeler que la langue française est imposée à toute l'Afrique francophone sous domination coloniale qui durera plusieurs années ? Il nous est possible alors de rappeler le processus d'aliénation, de substitution et d'institutionnalisation des langues occidentales au détriment des langues autochtones africaines.

Les premiers Européens à fréquenter la région furent les portugais qui, en 1444, atteignent l'embouchure du Sénégal et l'archipel du cap -vert. Ce fut le début des relations commerciales avec les Européens. Les portugais s'installèrent à Gorée, une petite ile à trois kilomètres au large de Dakar, qui, pendant très longtemps, constituera l'entrepôt principal de la traite négrière. Après 1600, les portugais furent chassés par les hollandais et les français, ces derniers dominèrent vers 1700 le commerce de la région côtière. Un premier comptoir français, fortifié, fut installé en 1959 sur l'île de Ndar, à l'embouchure du fleuve Sénégal : ce fut la ville de Saint-Louis fondée par Louis Caullier, agent de la compagnie du Cap-Vert et du Sénégal, en hommage au roi de France, Louis XIV, alors souverain régnant. Malgré la rivalité franco-britannique et de nombreux conflits à la fin du XVIIème siècle et durant tout le XVIIIème siècle, l'influence française s'étendit dans toute la région, hormis la Gambie. Après une brève occupation britannique (1758-1779 et de 1809-1814), le Sénégal redevint français.

Le général Louis Faidherbe (1818-1889) fut nommé gouverneur du Sénégal en 1854.Il
entreprit la réunification du pays10 en repoussant les Toucouleurs à l'Est du Haut Sénégal
(1855-1863), rejeta les maures au nord du fleuve, puis en 1858 il annexa le pays des wolofs (à

9 Ki-Zerbo, 1978, op.cit, pp 441-442

10 Le pays était divisé en petits royaumes rivaux.

l'époque : Yolofes).De retour à Saint-Louis, il décida de relier cette ville au Cap-Vert. En 1895, le Sénégal devint officiellement une colonie française administrée depuis Saint-Louis.

Après la seconde guerre mondiale, une assemblée territoriale fut crée au Sénégal, Léopold Sédar Senghor, l'un des députés du parlement français, domina la vie politique locale du pays. Le français avait été choisi comme langues officielle durant toute la colonisation française. Donc, force nous est de comprendre que durant toute la période coloniale, les langues africaines en général et sénégalaises en particulier n'avaient guère d'envergure. Et la politique coloniale a fortement contribué à l'effacement de nos langues dans les secteurs administratifs de l'époque.

En effet, quelle est la situation de nos LN dans un Sénégal indépendant ?

Le Sénégal obtint son indépendance le 18 juin 1960 après une éphémère fédération sénégalomalienne. À ce moment, le Sénégal, comme tous les Etats africains francophones nouvellement indépendants, a choisi le français comme langue officielle. Cette clause constitutionnelle signifiait que le français devenait la langue de présidence de la république, de l'assemblée nationale, de l'administration publique, des cours de justice, des forces armées et policières, de l'enseignement à tous les niveaux, de l'affichage, des medias etc. Les dirigeants ont ainsi privilégié la langue qui leur parait la plus immédiatement disponible et opérationnelle. Toute la politique linguistique écrite du Sénégal, à cette époque tenait essentiellement de l'article1 de la constitution qui faisait du français la langue officielle. Par conséquent, le français prenait toute la place dans l'espace politique et socio -économique.

Cependant, le français demeure une langue étrangère parlée par 15% à 20% des sénégalais et par 1% à 2% des sénégalaises. Il est la langue maternelle d'une minuscule élite tout au plus 0,2% de la population du pays.11Ainsi, se demander pourquoi le Sénégal compte un si fort taux d'analphabètes en langue française, revient à se rappeler que 55% des jeunes sénégalais vivent dans les régions rurales et que très peu d'entre eux fréquent l'école ;les enfants étaient considéraient comme des bras supplémentaires aux travaux champêtres. C'est ce qui pourrait expliquer que 80% à 90% des jeunes ne parlent pas français. Par ailleurs, 82% des sénégalais vivant en milieu rural ne savent ni lire ni écrire aucune langue.

La politique linguistique du Sénégal peut être caractérisée en deux volets : d'une part,
promouvoir les principales LN pour en faire des langues de culture, d'autre part, maintenir le

11 Sources : internet ( www.google.com).

français comme langue officielle et comme langue de communication internationale. D'ailleurs l'article 1 de la constitution du 7 janvier 2007 le reconnaît officiellement.

Jadis, Léopold Sédar Senghor, dans le décret de 1971, rappelait que la langue officielle est le français et aussi comme langue d'enseignement car, selon lui, vouloir faire des langues nationales un instrument efficace pour l'enseignement des sciences et des techniques peut constituer un retard au rendez-vous de l'An 2000.

Plus tard, en 1991, la loi n°91-22 du 16 février définit les principes généraux de l'Education nationale mentionnés dans l'article 6 qui stipule :

1-« L'Education nationale est sénégalaise et africaine : développant l'enseignement des langues nationales, instruments privilégiés pour donner aux enseignés un contact vivant avec leur culture et les enraciner dans leur histoire, elle forme un sénégalais conscient de son appartenance et dans son identité ».

2-« Dispensant une connaissance approfondie de l'histoire et des cultures africaines, dont elle met en valeur toute les richesses et les apports au patrimoine universel, l'Education nationale souligne les solidarités du continent et cultive le sens de l'unité africaine ».

3-l'Education nationale reflète également l'appartenance du Sénégal à la communauté de culture des pays francophones, en même temps qu'elle est ouverte sur les valeurs de civilisations universelles et qu'elle inscrit dans les grands courants contemporains ,par là, elle développe l'esprit de coopération et de paix avec les hommes ».

Nous remarquons en effet, l'hybridité de la politique linguistique du Sénégal via cet article nuancé. Qu'en est-il en réalité ? Autrement que revêt l'éducation sénégalaise face au développement des langues de l'ancienne métropole ?

Nous savons évidement que dans la plupart des pays africains comme au Sénégal, la langue du colon reste toujours officielle. Selon les recherches, seulement six(6) pays ont officialisé leur langue autochtone. Il s'agit de l'Ethiopie (amharic), de la Somalie (somali), de la Tanzanie (kiswahili) du Burundi (kirundi), du Rwanda (kinyarwanda) et du Centre-Afrique (sango).Pour sa part, le Mali est doté de plus de huit mille (8000) centres d'alphabétisation répartis en six mille cent treize (6113) villages dont les alphabétisés participent dans les efforts de développements de leurs milieux (relevés pluviométriques, traitements des champs, enregistrements des décès et des naissances etc. Il a aussi mis à l'épreuve une « Pédagogie

Convergente »(PC) qui consiste à commencer à enseigner en LN tout en introduisant progressivement le Français. Par ailleurs, le Sénégal reste loin eu égard à cette volonté de promouvoir nos langues dans les instances administratives et socio-économiques.

Quelle est la politique linguistique menée par le Sénégal depuis son indépendance jusqu'à maintenant ? Quelles perceptions ont les penseurs dans le domaine des LN? Comment sont analysées les LN par rapport à leur introduction dans le SEF sénégalais ?

Ces interrogations ci-dessus requièrent de faire le tour de la question en revisitant l'ensemble des théories ou écrits faits sur le domaine de ces dites langues. Cela nous permettra en outre de positionner la cadre actuel des choses.

I-2.Position du problème de recherche

Par l'usage de leur langue beaucoup de pays africains se sont communiqués pour se libérer de la colonisation. Ainsi, depuis ce moment certains des penseurs africains remarquent la nécessité, la pertinence et l'éminence d'un recours aux langues africaines ; c'est-à-dire leur prise en compte pour une analyse sociolinguistique ou de leur adoption dans un système d'enseignement durable. Pour ce faire tant d'analyses théoriques sont effectuées depuis longtemps par la communauté des scientifiques africains afin de montrer le déphasage existant entre nos langues officielles et l'identité des sociétés africaines.

Notons des penseurs qui ont élaboré des théories générales pour une éducation endogène africaine s'appuyant sur les langues africaines. A cela, rappelons la vaillante préoccupation de KI-ZERBO lorsqu'il fait savoir que l'Education endogène est absente en Afrique. En d'autres termes, la crise de la société et de l'économie est fondamentalement une crise culturelle. Les cultures doivent être évolutives préparant le changement dans les perceptions, les concepts, les valeurs, les progrès scientifiques et techniques que les sociétés doivent s'approprier et intégrer au point de devenir à leur tour créatrices de ces domaines. S'il veut vivre, notre continent doit considérer qu'il doit entrer dans le `'temps de l'Education» dont il faut redéfinir la finalité et le rythme en procédant à une réflexion permanent entièrement tendue vers la recherche d'un mieux-vivre pour le plus grand nombre. Le système

d'enseignement africain d'aujourd'hui, inadapté et élitiste, alimente la crise en produisant des inadaptés économiques et sociaux et en dédaignant des pans entiers de la population active. Pour ce constat, il parle de `'déculturation linguistique» faite par les politiques scolaires coloniales.

Ainsi ,cette posture de KI-ZERBO est bien comprise par Abdoulaye NIANG12 qui le cite dans son article `'l'Afrique dans la renaissance africaine»(2009), lorsqu'il confesse que : « nous devons, nous même, essayer d'inventer nos modèles ; nos concepts et nos stratégies d'attaque... il nous faut faire confiance à nous face aux confiscations qui nous menacent et risquent de compromettre nos efforts »13.En d'autres termes, il est obligatoire, nécessaire et possible pour le continent africain, par le truchement de ses propres outils linguistiques, de s'affirmer et de s'auto affirmer au fronton de la communauté scientifique mondiale.

Comprenant la pensée de KI-ZERBO nous remarquons qu'il montre que le type d'Education formelle faite en Afrique, au moyen des langues des ex puissances coloniales, constitue un retard pour les sociétés africaines dans la mesure où il favorise des impacts nocifs sur la culture et la société :l'école arrache trop souvent les jeunes à leur milieu social, elle aggrave fréquemment les inégalités sociales et contribue à l'effacement des cultures autochtones.

Tout compte fait l'analyse de KI-ZERBO sur la situation linguistique de l'Afrique dans le cadre éducatif était globale pour toute l'Afrique. Il ne prend pas, par ailleurs, en compte les facteurs qui peuvent empêcher sa réalisation.

Par ailleurs, au Sénégal depuis très longtemps des analyses ont été au rendez-vous concernant la problématique des LN. Au moment même de l'occupation coloniale Lat Dior (1842-1886) dixit en wolof : « massuma sopp ku naan bonsuur » (« je n'ai jamais aimé ceux qui disent bonjour »).Ces propos du grand résistant sénégalais laissent comprendre l'opiniâtre refus de l'oppression culturelle voire linguistique par nombres d'africains.

En outre, nous pouvons noter les théories de Cheikh Anta DIOP qui a tant cogité sur la sociolinguistique des pays africaines et le choix unique d'une LN officielle au Sénégal, et plus tard une langue unique pour toute l'Afrique. Ainsi, il s'est focalisé sur les valeurs du wolof et de son avantage en ce qui concerne son introduction dans les champs de formation. Sur ce, il fustige la politique velléitaire de l'Etat du Sénégal eu égard à la non prise en

12 Abdoulaye NIANG est professeur de sociologie à l'université Gaston Berger de Saint-Louis(Sénégal)

13 Ki- ZERBO, 1992, la natte des autres. Pour un développement endogène en Afrique, paris, Karthala, 494p

considération des LN dans le SEF et de la réticence dans le cadre des choix théoriques et politiques qui se concrétise par l'absence d'une méthodologie d'alphabétisation clairement définie.

En effet, que faire suivant cette situation malencontreuse de nos LN?

A cette interrogation, en découlent des éléments de réponse à travers la conception de Cheikh Anta Diop pour qui, il est nécessaire et idoine de développer les LN. A ce titre, il rappelle : « il est plus efficace de développer une langue nationale que de cultiver une langue étrangère ; un enseignement qui serait donné dans une langue maternelle permettrait d'éviter des années de retard dans l'acquisition de la connaissance. Très souvent l'expression étrangère est comme un revêtement étanche qui empêche notre esprit d'accéder au contenu des mots qui est la réalité. Le développement de la réflexion fait alors place à celui de la mémoire. (...).On pourrait objecter la multiplicité des langues en Afrique Noire .On oublie alors que l'Afrique est un continent au même titre que l'Europe, l'Asie, l'Amérique, or sur aucun de ceux-ci l'unité linguistique n'est réalisée ; pourquoi serait-il nécessaire qu'elle le fût en Afrique ? ».14.Ainsi, la volonté de C.A.DIOP est de voir les écoles africaines en générale et sénégalaises en particulier dispenser ses enseignements au moyen des LN sans lesquelles le développement de l'expertise africaine est sans lendemain meilleur. C'est ce que l'Etat sénégalais depuis la décolonisation `' veut concrétiser» dans ses politiques de `'promotion des LN» ou `'d'introduction des LN dans le SEF».

Par ailleurs, Abdou Sacor MBOUP 15 accorde une place déterminante aux LN par rapport à l'acquisition et à la transmission du savoir. « L'école africaine aurait tout à gagner à faire la promotion des langues nationales, non à des fins d'une simple alphabétisation s'adressant plutôt à l'adulte, mais comme un véritable instrument », prêche l'éducateur, qui soutient que l'enfant doit d'abord apprendre à lire, à compter et à écrire dans sa langue maternelle avant d'apprendre une langue étrangère. Selon lui « L'apprentissage d'une langue étrangère ne devrait, dès lors, intervenir qu'entre 9 et 10 ans, c'est-à-dire dès que l'enfant sera capable de dépasser son égocentrisme dès les premiers moments de scolarité ».16

Quid en réalité de l'usure constatée de nos LN par rapport à la vie éducative ?

14 Cheick Anta DIOP, 1979, Nations, Nègres et Cultures, Tome 2, Présence Africaine, P415 15 Inspecteur de l'Education

16Idrissa SANE, « Système éducatif sénégalais : Une réforme ancrée sur les valeurs africaines préconisée », Le Soleil Multimédia.

En procédant à l'analyse historique de l'éducation formelle au Sénégal, nous convoquons Moussa DAFF17, lorsqu'il fait l'économie de la situation qui s'inscrit en quatre périodes :

Première période : 1830-1965.

L'enseignement était exclusivement axé sur le Français. Il était de type normatif avec ce qu'on peut appeler la méthode directe. Même si à partir de 1960 d'autres orientations étaient possibles, le Sénégal a maille à partir avec le système éducatif colonial.

Deuxième période : 1965-1980

Cette période est marquée par la mise en oeuvre de la méthode PPF ainsi que la codification de certaines LN suivie par les premières expériences des classes bilingues.

Troisième période : 1981-1991

Cette période marque la suppression de la méthode PPF par la CNREF lors des EGEF afin d'insister sur l'enseignement des LN dans les programmes scolaires.

Quatrième période : 1991...

Ce moment constitue le début des activités de l'INEADE .En 1998, le ministère de base et des langues nationales a initié une reforme des curriculums tentant enfin de répondre à l'exigence de l'enseignement des LN mais aussi à l'émergence d'un enseignement du français avec un statut de langue seconde.

L'école sénégalaise est marquée par l'enseignement du français. Ce dernier débute à l'âge de six ans ou sept ans pour les écoles publiques laïques et à l'âge de trois ans pour les écoles privées confessionnelles catholiques et protestants .Le Français constitue la langue d'enseignement pour toute la durée des études. Par ailleurs, il faut noter la forte présence de d'autres langues dans l'enseignement secondaire et universitaire au détriment de nos langues ; d'où le point de rappeler que nos LN sont absentes au niveau de l'éducation formelle.

Dans le rapport du 06 juin 1984 remis au Président de la République, la CNREF (commission nationale de la reforme de l'éducation et de la formation) expose 906 pages la politique générale de l'éducation et ses propositions concernant d'une part le personnel de l'école et d'autre part les moyens de» l'école nouvelle».Cette nouvelle politique générale de l'école a

17 M.DAFF, « l'aménagement linguistique et didactique de la coexistence du français et des langues nationales au Sénégal »l(1998)

consacré son chapitre 7 à l'introduction des LN dans le système éducatif. Elle visait une école nationale démocratique, conçue et fonctionnant dans l'intérêt du peuple, ouverte sur la vie...il s'agit entre autres un cycle fondamental qui reçoit les enfants de 03 à 16 ans suivant une éducation préscolaire et de l'enseignement polyvalent, l'enseignement moyen général obligatoire et gratuit qui prend en compte l'apprentissage de la langue du milieu, l'enseignement des mathématiques, de l'Art, de la religion etc.18

Ses Etats généraux dont la CNREF est chargée de finaliser, ne seront appliqués qu'en 1995- 1996.Cependant, le chapitre qui consistait à introduire les LN dans l'enseignement formel est laissé en rade, or certaines langues étaient déjà transcrites pour leur éventuelle insertion dans le système d'enseignement.

Toujours, on note des décrets abrogeant les uns les autres en vue de faire des LN des « langues de culture » ou des medium de transmission de connaissance à l'école de base.

A l'occasion de la 29éme semaine nationale de l'alphabétisation le décret n° 85-1232 du 20 novembre 1985 a été revu, complété et mis à jour lors des ateliers des 7et 8 septembre 2004.L'objectif était de faire des LN des langues de culture et, par la même occasion de donner plus de moyens et d'efficacité à l'éducation la modernité et aux efforts de développement. Ce qui requiert que ses langues soient écrites, introduites dans le système éducatif et utilisées dans la vie officielle et publique.19

Ce présent décret atteste que le wolof (parlé par plus de 50 % des sénégalais) par exemple,
régisse tous les attributs linguistiques pour être utilisé dans l'enseignement dans la mesure il est doté dés lors d'un alphabet (27 lettres dont 21 consonnes et 6 voyelles), d'une

phonologie, de noms et ses déterminants, de verbes et ses modalités, de dérivations et de composition ,ainsi que des signes et des ponctuations dont l'ensemble est illustré par un texte fidèlement traduit en français.(Cf. Rapport de présentation du décret 2005-992).

Par ailleurs, l'historique de l'essai de l'enseignement bilingue ou plurilingue au Sénégal se présente comme suit :

1978 : les classes télévisuelles (CTV) et non télévisuelles (CNTV).

18 Papa Mangoné BASAL, 98-99, « La crise de l'éducation au niveau du moyen-secondaire : causes et situation des responsabilités. Quelles perspectives de reforme pour la ville de Saint-Louis, » mémoire de maitrise.

19 Décret n° 205 992 du 21 octobre 2005, relatif à l'orthographe et la séparation des mots en wolof, journal officiel du Sénégal, Dakar 25 octobre 2005.

Elles constituent la première expérience d'introduction des LN dans le SEF. 1987 : les classes pilotes

Cette période est déterminée par la mise en oeuvre des classes dites pilotes à la suite des EGEF. Par l'ouverture de ces classes pilotes, l'Etat entendait « traduire en actes concrets les décisions populaires des Etats généraux et les conclusions de la CNREF » (M.LOUM, Directeur de la reforme en éducation au Sénégal, Le Soleil du 08 octobre 1987 in les langues de scolarisation dans l'enseignement fondamental en Afrique subsaharienne francophone. Le cas du Sénégal de M.NDIAYE et M.DIAKITE).

1995 : les écoles communautaires de base (ECB)

Crées par les communautés villageoises, ou par les associations locales de quartier, le plus souvent en partenariat avec des ONG, ces dites classes ont été implantées sous l'impulsion du ministère de l'éducation de base et des langues nationales à partir de 1995 à la suite du colloque de Saint Louis. Pour une durée de quatre ans (04 ans), elles accueillent des enfants et adolescents âgés entre neuf( 09) et quatorze(14) ans non scolarisés ou déscolarisés ,dont les conditions de vie étaient précaires et rendaient difficile une fréquentation de l'école publique formelle.

2002 : les écoles communautaires élémentaires (ECE)

Crée en 2002 par la fondation Education et Santé, ces écoles sont implantées dans les localités de Thiès et de Kédougou .Le schéma d'introduction des LN dans ces écoles est identique à celui du système formel. En effet, accueille les élèves à l'âge de six ans (06 ans) et sept ans (07 ans) qui reçoivent durant six ans le même programme d'enseignement que dans les écoles expérimentales publiques bilingues, avec en suppléant, une formation aux métiers du milieu tels que le jardinage, l'horticulture etc.

La nouvelle dénomination d' « écoles communautaires élémentaires rurales », est donnée à ces écoles en début 2010, vient délimiter leurs lieux d'implantation aux zones rurales.

2002 : mise à l'essai de l'introduction des LN à l'école élémentaire.

En 2002 la DPLN devenue DALN a été chargée de mettre en oeuvre un nouveau programme
d'introduction des LN à l'école élémentaire. En juillet de la même année, toutes les
dispositions techniques et stratégiques étaient mises en place pour assurer un démarrage

effectif en octobre 2002.En effet, le début s'est effectué avec cent cinquante cinq (155) classes test avec les six (06) premières langues codifiées (Diola, Malinké, Puular, Sérère, Soninké et Wolof).

En effet, sous l'appui de la Banque mondiale, de l'UNESCO et de l'OIF ces classes expérimentales démarrent pour la période 2002-2008.Cependant, la constitution de 1971, relative à la codification des six premières LN ci-dessus, fut revue en 2001.Ce qui élargira l'éventail des langues codifiées, d'où des LN. Ainsi, douze (12) nouvelles LN voient le jour(le hassaniya ; le balante, le mancagne, le noon, le manjanque, le jalunnka etc.).

Par ailleurs, le gouvernement sénégalais avait annoncé qu'au plus tard en 2003, l'ensemble des dispositifs sera mis en place pour que les LN soient réellement introduites à l'école. Un plan d'action a été élaboré posant les premiers jalons de cette introduction dans le système. Ainsi neuf(09) LN suffisamment codifiées devraient être enseignées »bientôt» à l'école. L'introduction entière des LN à l'école de base fait partie des objectifs du PDEF.

En conséquence, tant de décrets, de programmes et d'essai sur les langues vernaculaires sénégalaises se sont succédés de 1968 à 2005, mais leur absence dans l'enseignement primaire, moyen- secondaire voire universitaire demeure toujours une triste réalité dont les motifs sont à rechercher dans la totalité de la structure sociale sénégalaise. Cela revient à poser ces suivantes interrogations :

Comment expliquer cette absence de concrétisation malgré ces nombreuses politiques linguistiques, d'analyses théoriques, scientifiques et expérimentales axées sur les LN ? Comment expliquer l'absence d'une ou des LN dans l'enseignement formel où elles sont davantage usitées informellement?

A ces interrogations, des chercheurs ont présenté une panoplie de facteurs de blocage qui semblent être sur la voie de notre objet d'étude. Il s'agit en substance des facteurs de blocage socio- culturels et politico- didactiques analysés comme suit :

Selon l'argumentaire de certains penseurs la langue maternelle ne peut pas être vecteur de transmission de connaissance à l'école dans la mesure où c'est une trivialité d'apprendre ce que l'on a déjà assimilé. En effet, les déclarations de ce type sont notées : « La majorité des parents n'approuvent pas que l'on enseigne à l'école une langue (sa langue maternelle) que

l'on parle déjà. En effet 80% des sénégalais analphabètes veulent apprendre le français pour avoir une bonne situation ».

Cette analyse ci-dessus prend pour facteurs de blocage les déterminations familiales et sociales en ce qui concerne « la réussite » ou le « prestige social » dont « garantie » en quelque sorte l'enseignement formel via le français.

Toutefois, il est plausible de remarquer que ces positions antérieures aient négligé d'autres facteurs qui empêchent la concrétisation des politiques d'introduction des LN dans le SEF. Sur ce, d'autres chercheurs se sont focalisés sur la situation multilingue du pays et de ses localités.

Par ailleurs, le plurilinguisme pris en compte dans le système éducatif formel peut constituer une source de blocage dans la mesure où l'introduction de la majorité des langues dans ledit système requiert sa mutation profonde sans conteste. « Un enseignement intensif des langues sénégalaises entrainerait une reforme complète et trop coûteuse du système d'enseignement » ; arguent certains. Dans son article Dominique ROLLAND rappelle que : « Des expériences nombreuses ont été menées pour introduire les langues nationales à l'école. Elles se sont heurtées à des résistances considérables : difficultés d'élaboration de matériel didactique, de conceptualisation (....) »20En d'autre termes les causes du blocage de l'introduction des LN dans l'enseignement sont à rechercher dans l'élaboration d'un cadre linguistique regroupant toutes les normes éducatives tant sur le plan pédagogique que sociopolitique.

En effet, l'hétérogénéité linguistique du pays est perçue par certains comme un blocage majeur des perspectives d'une reforme éducative prenant en compte les LN dans la mesure où pour changer le système il faudra réunir d'énormes ressources économiques afin de permettre des outils didactiques considérables et permanents. Ce qui permettra de rompre « l'insuffisance didactique » des langues sénégalaises en ce qui concerne le travail de codification et de transcription en vue de les redynamiser. C'est dans ce sillage que d'aucuns signalent que par exemple : « les recherches terminologiques en wolof qui ne sont pas achevés et devant être élaborés en quantité de manuels et grammaires scolaires, dictionnaires monolingues, études sociolinguistiques sur les variétés du wolof et les recherches terminologiques dans les autres langues sont à peine amorcées »

20 Dominique ROLLAND, Français langue étrangère ou français langue seconde : un grand écart, juillet, 2000.

Cependant, les analyses ci-dessus axées sur le volet économico didactique omettent la dimension politique qui peut constituer un éminent élément de blocage. A ce titre, d'autres chercheurs ont relancé le débat en s'attaquant aux politiques et à leurs conduites face cette problématique. Les compétences discursives et théoriques des acteurs politiques par rapport à la politique éducative d'introduction des LN dans le SEF seraient en déphasage avec les actions notées sur le terrain. En tout cas c'est la perception et l'analyse de certains selon qui, la non- introduction est liée à une réticence et à une pusillanimité du coté des décideurs politiques. Ce qui ne manquera pas de noter des fustigations acerbes à leurs égards.

Dans ce cadre, Souleymane GOMIS21 sur ses remarques sur le statut de la langue française dans les écoles sénégalaises et sur le comportement politique sur la problématique des LN dans l'éducation formelle , réagit à travers ces propos : « Alors on s'interroge sur la réelle volonté des politiques et des intellectuels ,bien qu'ils connaissent les limites de l'usage du français dans l'enseignement pour la transmission des valeurs culturelles locales, ils ne décident pas à joindre à cette langue du colonisateur certaines langues nationales dans la formation du jeune citoyen »22 En d'autres termes ,le français comme langue officielle voire de l'administration connait des limites notoires concernant la dimension socialisatrice, culturelle, économique et politique que peuvent avoir nos langues dans certaines instances de la vie sociale. Ainsi, quel rôle peuvent jouer nos langues dans ces instances que nous venons de nommer ? A cette interrogation une panoplie de réponses peut être donnée par nombres d'intellectuels et politiques mais, la phase pratique reste toujours asphyxiée voire anesthésiée. Sous ce même registre S.GOMIS ajoute : « beaucoup de discours d'hommes politiques sénégalais portaient déjà cette volonté de prise en compte des langues nationales. Mais jamais la classe politique n'a réussi à dépasser cette étape du discours pour arriver à concrétiser l'idée d'enseignement des langues nationales ».

Au demeurant, la carence de la hardiesse pratique des politiques par rapport à l'entrée des LN dans les programmes scolaires se justifie selon eux par un souci d'équité linguistique. C'est- a -dire introduire toutes les langues du territoire sénégalais dans l'enseignement formel ou marquer totalement leur non- existence dans le système dans le but de permettre l'unité nationale par le truchement de la langue française. A ce titre, Lilian KESTELLOT ne cache pas son interprétation des faits lorsqu'il dit : « la seule réponse que les décideurs politiques sénégalais affichent et qui reste purement politique consiste toujours à dire que le choix du

21 Professeur de sociologie à l'université Cheikh Anta DIOP de Dakar

22 Souleymane GOMIS, 2003, La relation famille-école, l' Harmattan, pp99.

français permet d'éviter des tensions entre les différentes composantes linguistiques de la nation sénégalaise ». Cependant, comment réaliser cette unité par le biais de la langue de ceux qui nous ont désunis en traçant arbitrairement nos frontières géographiques et linguistiques ? A cette interrogation, rappelons nous des propos du chanteur Tiken Jah FACOLY lorsqu'il dit : « ils ont partagé Africa(...) une partie de l'empire mandingue se trouvant chez les wolof, une partie de l'empire mossie l'empire mandingue se trouvant chez les wolof, une partie de l'empire mossie se trouvant dans le Ghana, une partie de l'empire soussou se trouvant dans l'empire mandingue, une partie de l'empire mandingue se trouvant chez les Mossie (...) ».Cette analyse empirique de l'artiste -compositeur nous permet d'être prudent avec l'analyse des politiques consistant à chercher les blocages dans la configuration sociopolitique et sociolinguistique des pays africains.

En effet, nous sommes convenus que la perspective d'introduire dans l'enseignement formel une ou des LN paraît bien périlleuse voire laborieuse. Ainsi, ces facteurs de blocage ont un soubassement politique du fait que les politiques longtemps énoncées ou élaborées ne sont pas encore traduites en acte par les décideurs étatiques. En effet, ces précédentes analyses s'inscrivent en partie dans la voie de notre objet de recherche.

Axées sur le plan politique, ces analyses trouvent toute leur véracité analytique. Cependant, elles omettent une dimension qui est essentielle dans notre problématique de recherche. Elles n'ont pas su prendre en compte le facteur-représentation des LN par rapport à l'enseignement formel marqué par l'usage des langues extra sénégalaises. En effet, comment décrire les représentations individuelles et collectives (représentations sociales) à l'égard des LN au Sénégal ? Constituent-elles un facteur de blocage pour l'introduction des LN dans le SEF ? En outre, les représentations sociales des LN ne déterminent-elles pas la pusillanimité des décideurs politiques vis-à-vis de leur introduction dans le SEF ?

C'est face à ces interrogations que je me propose, en déconstruisant et en complétant les thèses antérieures, de rechercher les véritables causes de la non- introduction des LN dans l'enseignement élémentaire formel après l'échec des classes dites « expérimentales »23 mises en oeuvre dans le but d' actionner cette politique d' introduction .

En effet, sous l'aiguillon de nos hypothèses de recherche qui constitueront le fil conducteur de notre objet d'étude, nous chercherons à décrypter les préoccupations signalées plus haut.

23 Une classe expérimentale est une classe bilingue(en expérimentation depuis 2002 au Sénégal) consistant à enseigner la langue officielle et la langue du territoire.

Pour ce faire, les préoccupations et interrogations de notre travail seront sous-tendues par une question spécifique de recherche.

I-3. Question spécifique de recherche

Comment expliquer les blocages de l'introduction d'une ou des LN dans l'enseignement élémentaire formel au Sénégal, nonobstant toutes les politiques linguistiques et éducatives entreprises depuis la fin de la colonisation jusqu'à nos jours ?

I-4.Intérêt du sujet

Notre réflexion sur ce thème n'est pas une construction ordinaire. Elle doit être une participation pour l'avancement de la science. Etant donné que les sciences sociales, la sociologie surtout, se proposent de comprendre et d'expliquer l'activité sociale, alors il serait intéressant pour nous, de se départir des pensées naïves pour mieux se rendre compte des enjeux de l'Education formelle par rapport aux LN.

Ainsi, travailler sur ce sujet peut permettre à l'intelligentsia de la société sénégalaise en particulier et africaine en général d'avoir un aperçu sur les facteurs qui galvaudent les langues africaines et leur participation formelle et scientifique aux secteurs administratifs.

Du reste, cette étude peut susciter de futures recherches capables de mieux cerner les goulots d'étranglement que connaissent les LN africaines pour leur prise en compte dans le SEF.

Cette question qui se pose aujourd'hui en termes complexes, mérite compréhension, explication et éventuellement solutions. Dés lors, notre étude n'atteindra son enjeu que lorsqu'elle réussi à répondre cette triple exigence. Cette dernière est une des raisons les plus valables pour justifier l'intérêt scientifique et social que porte notre étude.

I-5. Motivations

La langue est souvent le giron d'une identité socioculturelle. Sans une langue bien définie et clairement nourrie grâce à son enseignement et son apprentissage, il est quasi impossible de s'imposer scientifiquement sur la scène internationale. Ainsi, pour ne pas assister à « l'extinction » de nos LN comme le cas du grec, du latin, du basque... à l'heure actuelle, nous sommes motivé à décrypter les facteurs qui pourront permettre cet éventuel risque.

De prime abord, nous avons constaté que la sociologie de l'école au Sénégal est moins préoccupée par les LN, de ce fait l'accent de ladite discipline est porté le plus souvent sur des préoccupations d'ordre démocratique (l'éducation pour tous)tout en omettant la culture endogène que devrait asseoir le système via l' insertion des LN a son sein. C'est pourquoi nous ambitionnons de faire une sociologie de l'école nouvelle ou une sociologie des LN à l'école en posant comme point de départ l'analyse des facteurs de blocage de ses dernières dans le SEF.

En outre, la plupart des intellectuels africains et notamment sénégalais sont pessimistes eu égard au pragmatisme de nos langues dans un système éducatif formel dans la mesure où, à travers certains comportements, nombres de sénégalais manifestent une croyance de l'inefficacité de nos langues. C'est ce qui fait que les politiques linguistiques de l'Etat tant décrites ne sont guère poursuivies intensément.

En fin, notre motivation se justifie par ailleurs, dans le fait que le Sénégal à l'heure actuelle incorpore dans son système d'enseignement secondaire et universitaire formel plus d'une dizaine de langues occidentales (anglais, espagnol, portugais...) en omettant les siennes. En effet, on note même l'émergence de l'enseignement de la langue chinoise dans certains temples de savoir.24

C'est dans ce sillage que nous nous proposons de saisir les causes efficientes de l'absence d'une ou des LN dans l'éducation formelle afin que mes résultats obtenus puissent être pris en compte par les décideurs politiques afin de pouvoir résoudre durablement les écueils de ce programme d'introduction des LN à l'école.

24 Nous voulons dire l'Enseignement gratuit de la langue chinoise à l'université Gaston Berger de Saint-Louis, années académiques 2009-2010,2010-2011.

I-6.Objectifs de recherche

Notre travail cherche à :

-Déterminer et analyser les facteurs qui empêchent le Sénégal d'introduire les LN dans le SEF.

-Faire part aux chercheurs et politiques des dits facteurs afin qu'ils s'investissent dans une logique d'action et de résolution pragmatique et durable.

- Déterminer des stratégies d'introduction et de maintien des LN dans le système éducatif sénégalais.

1-7.Hypothèses de la recherche

L'usage du français comme langue d'enseignement dans les écoles du Sénégal de la colonisation jusqu'à nos jours, est demeurée un instrument administratif d'un poids décisif. L'ensemble de l'appareil étatique reste régi par des textes en français : « le français demeure la langue privilégiée de la diplomatie et de la politique sénégalaise : c'est la langue de l'autorité, celle de l'Etat » précise P.DUMONT

Ainsi, pour être bien considéré ou se valoriser dans certains milieux administratifs socioprofessionnels, il faudrait faire « preuve d'une bonne élocution en français ».Certains sénégalais continuent à croire que la bonne maitrise de la langue française est synonyme `'d'éveil'', de `'progression'' ou de `'civilisation''25.

C'est à cet état de fait et de croyance que mon objet de recherche s'oriente en partant des hypothèses ci-dessous :

25 Souleymane GOMIS, 2003, op.cit, p18.

Hypothèse principale

-La velléité politique linguistique de l'Etat du Sénégal (des décideurs politiques), conséquence des représentations sociales des LN par la société sénégalaise et de la reproduction de la violence symbolique linguistique hélas, véhiculée par l'administration coloniale, constitue un facteur de blocage pour l'introduction des LN dans l'éducation formelle.

Hypothèse secondaire

-Les parents d'élève en tant qu'acteurs socioéducatifs ne sont pas contre l'enseignement des LN à l'école mais sont mal informés sur les programmes et politiques éducatifs mis en oeuvre par l'Etat.

En effet, dans la perspective de vérifier nos hypothèses nous nous proposons par le biais de l'empirie de recueillir la conception des acteurs professionnels et socioéducatifs tels que les inspecteurs de l'enseignement, les actuels et anciens enseignants, les parents d'élèves, les chefs d'établissement, les maitres expérimentateurs, les membres de syndicat de l'enseignement, les élus locaux (maire, conseillers régionaux etc.).

I-8.Analyse conceptuelle

Cette partie sera le point de procéder à une définition des concepts de nos hypothèses qui font l'objet de notre étude. Qu'est ce que conceptualiser ? WEBER l'a définit par sa finalité : le but du concept, c'est de dominer la réalité par la pensée, un enjeu soumis à conditions, mais aussi exposé à l'échec. Il s'agit de comprendre ; non seulement d'expliquer par la (ou les)causes(s)prochaine(s), mais de rassembler à un tout indicatif tous les signes qui contribuent à « faire sens », en signifiant pour commencer la fin par rapport à laquelle s'ordonnent tous ces signes26. En effet, notre étude cherchera à éclairer les concepts suivants : Education formelle, politique linguistique, reproduction, violence symbolique linguistique et représentation sociale.

*Education formelle

Le mot éducation vient du latin « e-décerne » qui signifie conduire à partir de ; c'est-à-dire tirer d'un état pour conduire à un autre.

Pris dans son sens le plus large, le terme `'Education» recouvre toute activité visant à transmettre à des individus l'héritage collectif de la société où ils s'insèrent .Son champ de compréhension inclut tout autant la socialisation du jeune enfant par la famille, la formation reçue dans des institutions ayant une visée éducative explicite (écoles, mouvement de jeunes) ou dans le cadre de groupements divers (associations sportives, culturelles, des mass-médias etc.

L'activité éducative est une réalité immanente à la nature humaine. C'est par elle que l'homme cherche à léguer à sa progéniture la somme de ses expériences indispensable à sa survie, ses techniques professionnelles, ses convictions morales et religieuses, les convenances sociales, ses aspirations, ses espérances.27

Selon DURKHEIM, elle est : « l'action exercée par les générations adultes sur celles qui ne
sont pas encore mûres pour la vie sociale. Elle a pour objet de susciter et de développer chez

26 D.DELEULE et alii, 1990, Le commentaire de textes de philosophie. Psychologie. Sociologie, NATHAN, p156- 157.

27 Assane SYLLA, 1994, La philosophie morale du wolof, publié avec le concours de la coopération belge-2e édition IFAN, p 1167.

l'enfant un certain nombre d'états physiques, intellectuels et moraux que réclament de lui et de sa société politique dans son ensemble et le milieu spécial auquel il est particulièrement destiné » (Durkheim, Education et Sociologie (1922).

Par ailleurs, lorsqu' elle est suivie du qualificatif `'formel», elle devient alors un champ plus spécifique et restreint. Ainsi, l'éducation formelle concerne plusieurs niveaux et types d'enseignement. Elle est composée de l'éducation préscolaire, de l'enseignement élémentaire, de l'enseignement moyen et secondaire général, de l'enseignement technique et de la formation professionnelle et de l'enseignement supérieur.

A chacun de ces niveaux, on retrouve à côté de l'enseignement public, un enseignement privé. De même, l'éducation spéciale occupe une place de plus en plus importante dans le système.

Pour sa part, la Classification Internationale Type de l'Education (CITE) définit ainsil'éducation formelle : « enseignement dispensé dans le système des écoles, des collèges, des
universités et d'autres établissements éducatifs formels. Ils constituent normalement une
`'échelle» continue d'enseignement à plein temps destinés aux enfants et aux jeunes,
commençant en général entre cinq et sept ans et se poursuivant jusqu'à vingt ou vingt cinq
ans...
»28.

Appelée également `'scolaire», l'éducation formelle a pour cadre une organisation nationale relevant du domaine de l'Etat. Elle est dispensée dans les institutions dûment mandatées (écoles) par des professionnels (formés et rémunérés par l'Etat), selon un processus pédagogique déterminé (objectifs, contenus, méthodes et outils)

Les principales caractéristiques de l'éducation formelle sont :

*l'unité et la normativité : l'éducation formelle est prédéfinie dans un cadre législatif applicable pour tous sur l'ensemble du territoire national ;

*la hiérarchisation des enseignants(en programme et cycles) et des entités éducatives suivant une organisation verticale ;

*la cohérence et la permanence des enseignants à travers des programmes et des cycles allant du préscolaire à l'enseignement supérieur ;

28 CITE, 1997, UNESCO, p41.

*le paradigme d'une éducation gratuite, égalitaire, globale et universelle : l'éducation formelle s'adresse à tous les citoyens « scolarisables », elle est censée leur offrir des chances égales de réussite et d'intégration sociale à travers un enseignement prenant en compte les besoins essentiels d'éducation et de formation.29

Cependant, il semble plausible pour nous, d'évoquer succinctement pour plus de distinction les caractéristiques de l'éducation non formelle qui permettent de mieux se rendre compte des deux concepts. Pour sa part, l'éducation non formelle se passe dans le cadre extrascolaire, intègre tous les âges et ne suit pas nécessairement une `'échelle».

Le secteur de l'éducation non formelle comprend l'alphabétisation, les écoles communautaires de base etc.

*Politique linguistique

Par politique linguistique, il faut comprendre selon HALAOUI comme étant « la conception théorique qui préside à la réalisation des actions entreprises ou à entreprendre sur la langue » (HALAOUI, 2003 :7).Elle désigne alors une orientation qui sous-tend l'ensemble des activités qui caractérisent ou favorisent l'utilisation de la langue. Elle apparaît ainsi comme une dimension de l'aménagement linguistique considérée comme plus large puisqu'il intègre la totalité des actions de l'homme sur une langue.

La politique linguistique du Sénégal, à l'instar de celle de beaucoup de pays africains, n'est pas clairement définie. Mais, la nature des débats et des activités menées dans le cadre de promotion des langues nationales, permettent de la classer dans le groupe des politique de « facilitation de communication ». (HALAOUI, 1991, 2002,2003 :9).30

Ainsi, dans l'esprit de notre étude la définition qu'en donne André BATTANA nous parait
plus plausible. Selon lui la politique linguistique consiste à « toute action des décideurs

29 DIOUF (A) et Alli, Dakar, Mars 2001, L'Education non formelle au Sénégal. Description, évaluation et perspectives, UNESCO

30 Yéro Dia Abdoulaye BOUSSO et alii, 2008, « l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel .Entre medium de communication et outils d'apprentissages scolaires »p8.

politiques et administratifs en vue de la réglementation de l'utilisation des langues en présence sur le territoire national »31

Sous ce rapport, la politique linguistique apparaît à notre égard comme la capacité d'une synergie de la volonté et des moyens mobilisée en vue de développer une langue sur le plan socioéducatif. Par elle, la langue peut se hisser au rang des langues traductrices de sciences et par là de se maintenir face à `'la guerre des langues».

*Violence symbolique linguistique

Le concept de symbolique a en anthropologie une acception restreinte et un sens large. Dans son acception restreinte ou spécialisée, il sert à qualifier des oeuvres de cultures qui ont pour caractéristiques d'être pourvues d'une valeur perçue comme immédiatement expressive : mythes, rites, croyances, etc.

Dans son acception large le symbolique renvoie donc à ce processus constitutif de l'état de culture qu'est l'attribution de sens au monde. Chaque société sélectionne des significations ; chacune classe, réunit, oppose et hiérarchise les objets de la réalité selon la manière propre qui est à la fois le cadre d'intelligibilité qu'elle se donne de la communication entre ses membres.

Au sens sociologique, il importe de mentionner la conception bourdieusienne de la `'violence symbolique» .P. BOURDIEU, le théoricien du « structuralisme constructiviste » entend souligner que la capacité des agents en position de domination à imposer leurs productions culturelles et symboliques joue un rôle essentiel dans la production des rapports de domination.

Ainsi, il définit la violence symbolique comme « la capacité à faire méconnaitre l'arbitraire de ces productions symboliques, et donc de les faire admettre comme légitimes ».Dit autrement, il peut représenter un « mécanisme premier d'imposition des rapports de domination .Elle renvoie à l'intériorisation par des agents de la domination sociale inhérente à la position qu'ils occupent dans un champ donné et plus généralement à leur position

31 André BATTANA, 1995, « problématique d'une politique linguistique : le cas du Burkina Faso »in Les politiques linguistiques, mythes et réalités, UREF, 351pp.

sociale. Cette violence est infra-consciente et ne s'appuie pas sur une domination intersubjective (d'un individu sur un autre) mais sur une domination structurelle (d'une position en fonction d'une autre) »Cette structure qui est fonction des capitaux possédés par des agents fait violence car elle est non perçue par les agents .Elle est source d'un sentiment d'infériorité ou d'insignifiance qui est uniquement subi puisque non objectivé.

La violence symbolique euphémise les rapports de force qui se donnent à voir comme irréductibles dans la société .La légitimation est un masque qui cache la dimension arbitraire du pouvoir. Il ya domination symbolique toutes les fois qu'un dominé accepte de croire qu'il est juste, bon et nécessaire que les détenteurs de certaines caractéristiques factuelles dominent les autres. Pour qu'une domination soit durable, il faut qu'elle se transforme en contrat, en échange réciproque, en consensus qui maintient la violence physique à l'horizon des rapports sociaux. Autrement dit, la reconnaissance est toujours aussi une méconnaissance ...de l'arbitraire. Le consentement des dominés implique une forme de cécité qui fait voir l'arbitraire comme légitime. On fait adopter des représentations pour en censurer d'autres.32

Dans l'esprit de notre problématique de recherche, en référence au concept de « violence symbolique » décrit par BOURDIEU nous y conjuguons l'adjectif « linguistique »dans la perspective de décrire la manière dont nos langues sont confrontées à une violence symbolique consciente ou/ et inconsciente. En effet, cette domination symbolique apparait comme légitime du fait qu'elle est acceptée et n'étant généralement pas sur la sellette. Elle continue de déterminer notre système éducatif dans sa globalité.

Ainsi, nous entendons par violence symbolique linguistique l'attitude des acteurs et agents sociaux sénégalais qui consiste à légitimer la domination des valeurs linguistiques occidentales au détriment des nôtres en considérant que ces dernières ne peuvent aucunement être génératrices de connaissances via l'enseignement formel. Cette vision arbitraire des acteurs sociaux sénégalais ne s'inscrit dans aucune logique palpable mais se forge à partir d'imagination ou de représentation. On peut dire qu'elle se base sur des idées toutes faites voire sur des clichés sociaux. Cet imaginaire collectif : « les langues occidentales valent plus que les nôtres » est tellement ancré dans la conscience individuelle et collective des sénégalais. De ce fait, nous concevons juste, bon et nécessaire de faire primer ou de

32 Pascal BALANCIER et alii, 2008, Epistémologie de la sociologie. Paradigmes pour le XXI e siècle, de boeck, sous la direction de Marc JACQUEMEAIN et Bruno FRERE, p196.

privilégier, sans en avoir pleinement conscience, la langue occidentale au détriment des nôtres.

En effet, ces jugements de valeur existant depuis la période coloniale ne cessent de se perpétuer tant sur le plan national comme international. Rappelons l'affirmation de L.V.THOMAS lorsqu'il dixit : « les négres sont des primitifs (...)L'africain n'a pas de langue mais tout au plus des idiomes ou des dialectes ,pas d'histoire mais à la rigueur des chronologies ,pas d'art mais seulement un folklore...Il n'est pas capable de science ou de philosophie, son seul savoir était magique ou empirique ;ni de morale puisqu'il obéit, singulièrement à celle du sexe »33

Cette sournoise et insultante pensée de L.V.THOMAS continue de dominer certaines mentalités africaines qui, sans fondement pensent que nos langues sont loin d'être des vecteurs de développement et de progrès socioéducatifs.

*Reproduction

Selon BOUDON et BOURRICAUD dans Dictionnaire critique de la sociologie, le concept de reproduction dans son acception sociologique est dû à MARX. Les processus économiques qualifiés par MARX de processus de reproduction simple sont caractérisés par la constance de la reproduction et de la stabilité des relations de production : les individus sont remplacé dans le temps mais le système se reproduit à l'identique. Un processus est dit par MARX de reproduction élargie lorsque la production est croissante mais que l'organisation économique ou les rapports de production demeurent stables : la production augmente, mais les relations entre les classes comme les relations des individus à l'intérieur des clases (par exemple la concurrence entre les capitalistes) demeurent constante34.Cependant, MARX a orienté le concept de reproduction sous l'angle économique. Ce qui lui confère une dimension réductionniste qui nous oblige à revisiter d'autres conceptions.

33 L.v.THOMAS, 1974, « acculturation et nouveaux milieux socioculturels en Afrique Noire », Bulletin de l'IFAN, série B, T.XXXI, p172.

34 Boudon et Bourricaud, 1982, Dictionnaire critique de la sociologie, PUF, pp500-504.

Par ailleurs, la conception bourdieusienne semble plus adéquate pour notre problématique dans la mesure où il a opéré une analyse socioéducative de la reproduction prenant en compte le facteur enseignement.

Selon lui, la reproduction sociale est « le principe qui dévoile l'illusion de l'indépendance et de la neutralité des structures sociales ». Elle légitime un arbitraire culturel, reproduit la structure de la distribution du capital culturel et met à nu les contradictions qui affectent le système d'enseignement présentant les agents à la fois comme produits et reproducteurs des structures. La reproduction de la domination s'effectue par le biais de la violence symbolique, c'est à dire la capacité à faire méconnaître l'arbitraire de ces productions symboliques, et donc à les faire reconnaître comme légitimes.

En effet, la reproduction consiste dans l'esprit de notre étude à la répétition permanente et incalculée du système d'enseignement légué par nos maitres d'hier(les colonisateurs).Ce système demeure oppressif et anesthésiant en ce qui concerne nos identités intellectuelles et culturelles dans la mesure où nos valeurs culturelles ne peuvent être traduites et interprétées que par nos valeurs linguistiques.

*Représentation

L'expression « système de représentation » désigne d'une manière générale l'ensemble des idées et des valeurs propres à une société. Ces données traitées par la sociologie comme des réalités autonomes existant indépendamment de ce les psychologues appellent des « représentations » ou des « images » mentales .Toute société élaborait ainsi plusieurs systèmes de représentations spécialisées : du cosmos, de la totalité sociale, de la magie et de la sorcellerie, etc. Dans l'esprit des individus, de tels systèmes ne sont présents que de façon généralement incomplète et particulièrement conscient : on parlera de représentations collectives, qui témoignent d'attitudes intellectuelles du groupe et non de dispositions mentales individuelles. Cette conception antipsychologique a principalement été défendue par DURKHEIM et par ses continuateurs.35Le théoricien de l'holisme méthodologique pour qui les représentations collectives sont extérieures aux consciences individuelles, les conçoit

35 Bonté -Izard, 2000, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, QUADRIGE /PUF, pp 626-627.

comme un « effet passif et souvent déformé de ce monde par le biais des pratiques dont elles seraient une reproduction simulée »36

Il s'agit donc d'un concept plus large que celui d'attitude car l'attitude ne permet qu'un positionnement par rapport à un seul objet. La représentation sociale, par ailleurs, fonctionne comme un `'système d'interprétation régissant notre relation au monde et aux autres, orientant et organisant les conduites et les communications sociales».Elle fonctionne comme un système cognitif (avec ses interprétations affectives, sociales et normatives) d'interprétation et d'action sur le monde. Les représentations sociales d'un groupe prennent appui sur la mentalité du groupe, c'est-à-dire reliées à son système de valeurs et à sa vision du monde. `'Une représentation s'inscrit toujours dans un cadre de pensée préexistant»

Une représentation sociale est le résultat de la transformation d'une série d'expérience concrètes vécues en une sorte de `'théorie spontanées» à propos des expériences. Cette `'théorie spontanée' est le résultat d'une sélection des informations, dune `'neutralisation» de certaines d'entre elles (c'est-à-dire, de transformation en choses concrètes).

Les représentations sociales interviennent ensuite dans la perception de la réalité en proposant des schémas touts- faits. Elles sont alors à l'origine de préjugés. Elles exercent sur tous les membres du groupe une influence qui les poussent à adopter la représentation sociale dominante et, plus s'y conformer, lorsque cette représentation sociale concerne leur identité.37

Dans un autre angle, JODELET en dira : « c'est une forme de connaissance, socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d'une réalité commune à un ensemble social. Egalement désignée comme `'savoirs de sens commun'' ou encore `'savoir naïf'', `'naturel'', cette forme de connaissance est distinguée, entre autre, de la connaissance scientifique »38

Par ailleurs, les représentations sociales apparaissent comme un ensemble symbolique exerçant une influence effective sur les groupes et leurs conduites .Dans une perspective quasi similaire que celle de JODELET, J.M.SECA, la notion de représentation sociale est analysée comme un « système de savoirs pratiques (opinions, images, attitudes, préjugés, stéréotypes, croyances) générés en partie dans des contextes d'interactions interindividuelles

36 Denise JODELET, 1994, Les représentations sociales, Paris PUF.

37 Alex MUCCHIELLI, 2001, La psychologie sociale, Hachette, p92-93.

38 Denise JODELET, op.cit.1994, pp36-37.

ou/et intergroupaux »39.En d'autres termes, la représentation sociale est comprise comme une organisation sociale des pratiques immatérielles d'une société donnée. Elle peut être également un point d'arrivée après un long travail de perception réalisé par l'interrelation des membres du groupe social par rapport aux données environnementales ou contextuelles.

En effet, à supposer que ces deux définitions soient pertinentes parmi tant d'autres, elles s'inscrivent en substance dans la logique de notre problématique de recherche. A ce titre, nous concevons que le terme `'représentation» désigne tout simplement un ensemble de comportements psychiques ou mentaux collectifs et/ou individuels à priori qui orientent la façon de voir ou de considérer les choses (de se les représenter) par un agent social. Elle peut être selon le comportement du groupe, une bonne ou mauvaise représentation qui peut être sous-tendue par le contexte sociohistorique de ce groupe. C'est pour dire, par exemple comment le sénégalais individuellement ou /et les sénégalais collectivement perçoivent les langues nationales par rapport au système éducatif formel et leurs comportements moraux qu'ils entretiennent à l'égard d'elles après un contexte marqué par la colonisation.

Ainsi, comme nous le savons bien, cette période de la vie des sénégalais plus que jamais marquée par une politique d'acculturation entreprise par l'envahisseur ou l'usurpateur (les colonisateurs) constitue un contexte fort par rapport aux représentations sociales de nos objets matériels et immatériels longtemps affaiblis par le pouvoir de la domination mentale ou symbolique des colonisateurs.

39 J.M.SECA, 2002, Les représentations sociales, ARMAND COLLIN.

1-9.Construction du modèle d'analyse

Selon Jean Michel BERTHOLOT : « il ne peut avoir en sciences sociales de constations fructueuses sans l'élaboration d'un cadre théorique de référence »40

Par ailleurs, un fait social doit être « conquis, construit et constaté », voila trois instances que la sociologie en particulier et la science en générale ne peuvent aucunement laisser en rade. En effet après avoir conquis notre fait, il est alors le moment de le construire. C'est ce qui fera l'objet de cette partie. Il nécessite, en substance, de mobiliser nos hypothèses de recherche à travers les schèmes d'intelligibilité du social en vue de mieux les cerner. Pour ce faire, grâce à la nature de notre étude, nous nous referons aux schèmes causal et herméneutique.

1-9-1. le schème causal

Comme le précise, en substance, DURKHEIM dans Les règles de la méthode sociologique(1895) : la cause déterminante d'un fait social doit être recherchée parmi les faits sociaux antécédents .En d'autres termes, le fait social s'explique par le fait social c'est-à-dire qu'un fait de société doit être expliqué par un autre fait de société. Donc ce schème causal a pour but de faire ressortir les relations de causalité, les rapports d'indépendance ou d'interdépendance d'un phénomène particulier à un autre.

Sa formule mathématique est : :(ApB)=B= É(A)). Elle s'explique ainsi :

A est la cause de B et l'on ne puisse avoir B sans A qui est chronologiquement et logiquement antérieur à B.

Appliqué à notre objet, nous aurons :

A= velléité politique linguistique de l'Etat du Sénégal ou des décideurs politiques due aux représentations sociales et à la violence symbolique linguistique.

40 Berthelot, 1990, L'intelligence du social, paris, PUF, p39.

B= blocages de l'introduction des LN dans l'enseignement formel.

Ainsi, la non-introduction des LN dans l'enseignement formel (B) est produite par un fait qui lui est antérieur, à savoir un manque de volonté politique linguistique des décideurs politiques de l'Etat du Sénégal causé par les systèmes de représentation et la reproduction de la violence symbolique linguistique (A).

En effet, nous pouvons envisager que la cause déterminante des blocages de l'introduction des LN est en grande partie liée à l'absence d'une politique linguistique ferme et durable de l'Etat du Sénégal qu'est une résultante des représentations sociales des LN et de la violence symbolique linguistique.

1.9.2. Le schème actanciel

Le schème actanciel veut rendre compte d'un phénomène en se référant aux actions et aux intentions d'un agent, d'un acteur social, d'un individu. Les valeurs de référence, les visions du monde, les logiques et stratégies d'action, les décisions des individus ou groupes sont convoquées comme principes explicatifs. Les acteurs y sont reconnus dans leur rationalité comme dans leur subjectivité.

Sa forme logique est la suivante ;

A p B) = (B € S, S {? a?? e} ?B ?S)

? a = ensemble des acteurs

?e = ensemble des effets de leurs actions

B = la résultante des comportements des acteurs impliqués

S= une situation, un champ ou un système d'action.

Cette forme logique signifie qu'un ensemble d'acteurs adopte des comportements individuels ou collectifs dont l'agrégat produit un phénomène émergent (B) qui à son tour rétroagit sur le système.

Appliqué à notre objet nous aurons :

? a =ensemble des décideurs politiques et des sénégalais en général

?e = représentations sociales des LN et violence symbolique linguistique à travers la société sénégalaise

B= politique timorée et blocage de l'introduction des LN à l'école. S = système éducatif formel (SEF)

La violence symbolique linguistique et la représentation sociale de LN chez les sénégalais (?e) produisent des comportements velléitaires chez les décideurs politiques (? a) concernant les politiques linguistiques de ces dites langues. Ces comportements rétroagissent à son tour sur le SEF(S) dont la résultante constitue la non- introduction des LN dans ce dit système(B).

1.9.3. Découpage conceptuel

CONCEPTS

DIMENSIONS

INDICATEURS

OUTILS DE

COLLECTE

Représentation sociale

Individuelle

-- Perception des LN

--Avoir des pensées

négatives sur elles :

LN est égale à un retard par rapport aux connaissances du monde.

Entretien formel et

informel

collective

politique linguistique

Locale

--Faire aimer les LN

en s'appuyant sur les medias.

-- faire vivre la

langue par le biais

d'activités scolaires

favorisant son

utilisation.

--véhiculer la langue

sur la scène
internationale à partir

des moyens
technologiques modernes

Guide d'entretien + questionnaire

Nationale

internationale

Violence

symbolique
linguistique

Scolaire

--Les apprenants et

enseignants du
système formel actuel reconnaissent(en

méconnaissant) que
nos LN ne peuvent

nullement être

introduites dans les
programmes scolaires.

--Manque de

confiance de la société par rapport à l'efficacité des LN dans la formation des jeunes élèves et de

leur devenir
professionnel.

Entretien + Questionnaire + Analyse de textes

Social

Chapitre 2 : démarches méthodologiques

« Les faits sociaux consistent en représentation » mais « il faux traiter les faits sociaux comme des choses »41.Pour ce faire donc, il nécessite d'élaborer une méthodologie pour le traitement de ces faits. Ainsi, le fait de définir une méthodologie est un principe unanime à toutes les sciences sociales à l'instar de la sociologie. Ces dernières se caractérisent par une pluralité de méthodes et l'utilisation de chacune d'entre elles est guidée par la nature de l'objet à étudier.

En effet, en raison de la complexité du phénomène que nous voulons étudier en voulant saisir son sens que lui donnent les acteurs, nous nous sommes inscrits à la fois dans une perspective de recherches qualitative et quantitative.

Celles-ci vont être le point d'un ensemble d'entretiens formels, informels et d'entretiens directifs (administration de questionnaires) au après des personnes ciblées.

Ce travail a connu plusieurs moments tels que la phase exploratoire, les entretiens flottants, semi directifs et directifs etc.

2-1.Etape exploratoire

Cette phase a été le point de deux moments forts. Il s'agit de l'étude documentaire et de l'enquête.

Notre recherche documentaire qui consistait, essentiellement, à analyser la production livresque portant sur notre thème. Dans ce contexte, nous avons recouru alors aux ouvrages généraux, aux thèses et mémoires d'étude, aux revues, aux sources électroniques les plus souvent conseillés par notre encadreur. Nous avons exploré notre objet par le biais de la culture locale (jeux radiophoniques sur /avec les langues nationales, téléfilms, etc.) Ou /et des émissions (débats) radiophoniques ou télévisées insistant sur le thème.

41 COMBESSIE.J.C, 2001, La méthode en sociologie, éditions La Découverte, 3èm édition, p3 (Cit.de DURKHEIM dans Les règles de la méthode sociologique, 1895)

Le but de ce premier moment était de parcourir la pluralité des théories sur le thème et de pouvoir ensuite nous positionner à égard de notre préoccupation. Et, c'est après une période consistante sur tout ceci que nous avons procédé à la pré-enquête.

Cette dernière consiste à des entretiens exploratoires que nous avons faits auprès des personnes qui réfléchissent sur le thème.

C'est ainsi que nous nous sommes reprochés fréquemment et avons échangé des idées avec un inspecteur de l'éducation de la région qui a été notre personne ressource. Ceci nous a permis de mieux préparer nous entretiens empiriques proprement dits.

2-1.1.Etude documentaire

Pour que cette étude soit inscrite dans les règles scientifiques, nous avons eu recours à une recherche documentaire qui consistait essentiellement à analyser la production livresque portant sur le thème. Nous avons ciblé des ouvrages généraux, des thèses et mémoires d'études, des rapports d'études publiés par certains organismes ou services administratifs de l'Etat du Sénégal concernés par la question.

Le but de cette étude documentaire était de se construire une première représentation et de déterminer avec plus de précision les lignes de forces de notre travail.

Elle consistait en plus d'avoir un aperçu assez global sur la question pour une approche multidimensionnelle capable de mieux expliciter les principaux aspects relatifs à notre problématique. De facto, la durée de l'étude documentaire peut être assimilée à celle de notre travail car elle est achevée qu'au terme de l'étude. C'était en quelque sorte des aller et retour entre la lecture et l'empirie. En effet, ces lectures ont plus souvent guidé notre pré-enquête.

2-1-2. Les outils de collecte de données

2-1.3.L'enquête

Elle consiste en des entretiens exploratoires réalisés auprès des personnes ressources. Lesquelles sont témoins du comportement du système éducatif sénégalais pendant au moins une décennie. C'est ainsi que nous nous sommes rapprochés de Massamba DIEYE et Pape NDIAYE qui sont respectivement inspecteur de l'éducation et enseignant en retraite. Ainsi, ces personnes nous ont permis de mieux peaufiner nos pistes d'enquête. Cette posture

méthodologique, conjuguée à la recherche documentaire a permis de retenir une problématique définitive et de mieux préciser et vérifier nos hypothèses de recherche.

2.2. Les entretiens

Cette étape consiste l'empirie au niveau de notre champ d'étude qui est la commune de Fatick pour la collecte des informations. Elle s'est déroulée sous divers procédés à savoir le recours aux entretiens semi directif, flottant, le questionnaire etc.

Concernant les entretiens semi directifs, nous avons pris le soin de les faire en se basant sur des thèmes de recherche moyennant un guide d'entretien. Ce dernier nous a permis de canaliser notre cible, en s'appuyant souvent sur des blagues, des effets de halo et /ou des relances afin qu'il parle avec aisance de ce qu'il pense sur la question.

Sous un autre angle, nos entretiens flottants ou informels se sont passés suivant une perspective d'observations dissimulées dont les moments forts ont été autour du tour du thé, devant le téléviseur et dans la rue par des séries de contingence d'interactions avec tiers personnes. Celles-ci comportaient le plus souvent d'enseignants de notre génération ou de mes anciens professeurs ou maitres qui n'hésitent pas à m'indexer des pistes d'enquête. C'est ce que d'aucuns appellent l'enquête par « boule de neige ».

En effet, ces stratégies tant citées nous ont permis d'établir un climat de confiance avec nos cibles par le fait que nous sommes mis en rapport (les enquêtés et moi) par des doyens de l'enseignement.

Une fois ce climat de confiance établi, nous nous sommes arrangé à prendre rendez-vous avec la cible pour que la situation d'enquête réponde aux critères de subtilité.

2.2.1. Les entretiens semi-directifs

Une fois les cibles repérés, nous nous sommes muni d'un guide d'entretien comme outil d'enquête. Ce dernier est structuré suivant un ensemble de thèmes qui animera le moment de l'entrevue. Notons aussi que les entretiens semi-directifs étaient des entretiens armés ; c'est- à- dire par l'utilisation d'appareil enregistreur qui nous permet de mieux saisir l'intégralité du discours du répondant.

2.2.2. Les entretiens informels

Conscients du fait que l'objectivité recherchée n'est pour la plupart logée dans les discours officiels, il nous était ingénieux de recourir à ce type d'entretien, pour assouvir notre désir de recherche des logiques profondes des blocages de l'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel.

Ces entretiens consistaient à des discussions non averties et spontanées résultantes de questions dissimilées posées au tour du thé ou lors des occasions similaires.

Les lieux de causerie habituelle ou de fréquentation routinière (« banc diaxlé »)42 avec des enseignants, étudiants et autres, ont servi d'espace de réalisation de ces discussions non structurées.

Par ailleurs, le devant de la boutique « Sunu shop »43 gérée par un enseignant en retraite, sis au quartier HLM 1 a abrité beaucoup de nos causeries informelles sur les LN et de leur prise en compte dans l'enseignement formel.

2.2.3. Le questionnaire

Le questionnaire en tant qu'entretien directif est adopté dans une recherche en vue de déterminer une relation de causalité entre des faits étudiés. Il nécessite en amont des données quantitatives mises en exergue par l'utilisation des statistiques.

En effet, dans le cadre de notre recherche nous avons usité cet outil dans le but de mesurer le degré de la volonté chez les parents d'élèves concernant l'introduction des LN dans le SEF, puisque de moult déclarations politiques arguent que ces dits « parents n'aiment pas l'enseignement bilingue »44.

Par ailleurs, l'usage d'un entretien directif se justifie aussi par la volonté de ressortir la relation de causalité entre l'engagement politique et la politique d'introduction des LN dans le SEF.

42 Autrefois, des bancs publics fréquentés par des personnes `'étonnées», les chômeurs le plus souvent.

43 « Sunu » veut dire notre en wolof et « shop » signifie boutique en anglais

44 Propos de Kalidou DIALLO, ministre de l'Education sur le plateau de Wal fadjri lors de l'émission « Dinè ak diamono » du 29 juillet 20 10 qui avait pour thème : système éducatif ! L'heure du bilan.

2.2.4. L'analyse de textes

Cette technique est le moment de faire recours aux données qualifiées de « seconde main ».Elle consiste à faire l'analyse et l'interprétation des textes tirés des discours politiques, chercheurs ou de la société civile.

2.3 Échantilonnage et choix des zones d'enquête

Compte tenu de la carence de coût financier, d'insuffisance de temps et de la difficulté de lister tous les acteurs à interroger (tout professionnel de l'éducation de la commune) afin de s'offrir une base de sondage fiable, j'ai opéré la technique que j'appelle l'enquête idéaltypique45.Celle-ci est le lieu d'un choix porté sur des professionnels de l'éducation devenus des prototypes, de par leur ancienneté dans le système éducatif ou en vertu de leur réflexion sur question des LN. En effet, dans chaque quartier nous y avons choisi trois (3) ou (4) acteurs types idéaux qui représenteront l'ensemble de la population.

Effet, notre échantillon est composé de : Vingt (20) questionnaires administrés aux PE

Vingt(20) guides d'entretien réalisés au niveau des autres acteurs socioprofessionnels de l'enseignement élémentaire (inspecteurs, syndicalistes, enseignants, élus locaux etc.).

Plus d'une quinzaine d'entretien informel fait avec les acteurs précédemment cités.

45 Nous sommes inspiré dans ce cas par la théorie wébérienne de `'l'idéal- type».

2.4. Modalité de transcription et d'analyse des données

Ce sous titre consiste à exposer la manière dont nous avons traité les résultats de notre enquête et de décliner quelle technique nous avons usité pour analyser ces dits résultats.

2-4-1.Classification des données

Pour être traitées, nos données empiriques ne pouvaient qu'être regroupées en catégories. Ainsi, leur classification est indispensable. Comme l'a enseignée G. MACE, cette étape consiste à « classer les faits à l'intérieur de catégories préalablement déterminées par les références empiriques »46

Ainsi, la référence à cet enseignement nous a permis de mesurer le poids de chaque dimension sur le terrain. En effet, la vérification de nos hypothèses s'est faite à partir de la grille thématique issue de cette classification.

Par conséquent, pour une exploitation efficace des discours des enquêtés, nous avons fait usage de l'analyse de contenu.

2.4.2. L'analyse de contenu

Cette technique est utilisée pour étudier les motivations ou les intentions manifestes des acteurs concernés par un phénomène à travers leur discours. « Elle permet de décrire objectivement, systématiquement et quantitativement le contenu manifeste des communications (entretiens, discours, articles etc.) ».(BERELSON, 1971).

Par ailleurs, elle a servi à la description et à l'interprétation des récits produits par nos répondants en vue d'y extraire la quintessence.

En outre, elle nous a permis d'avoir une idée de la rationalité et des logiques d'actions des professionnels de l'éducation choisis dans nos enquêtes.

Ainsi, un premier travail consiste à élaborer une grille d'analyse adéquate à l'ensemble des entretiens réalisés pour se rendre compte des tendances catégorielles dominantes. Cela fut le moment de se focaliser sur la prépondérance de certaines idées.

De ce fait, suivant les stratégies préconisées par A.MUCHIELLI, il a été le moment de ranger
d'abord les discours en questions des catégories retenues. A cet effet, des unités thématiques

46 Gordon MACE, 1991, « Guide d'élaboration d'un projet de recherche », Laval, PUL, 2éd, p21.

servant de grille d'analyse, ont été définies pour noter la fréquence avec laquelle certaines idées apparaissent. Il s'agit : De l'insuccès des classes expérimentales.

Introduire les langues nationales dans le système éducatif formel : y a t-il une volonté politique réelle ?

Entre absence de formation, motivation des maitres en LN et faible élaboration de supports didactiques.

La représentation sociale de la langue officielle versus celle des LN.

Deuxième partie : présentation du champ de l'étude

Chapitre 3 : présentation de la commune de Fatick

3.1. Caractéristiques physiques.

La commune de Fatick, capitale régionale et départementale est située à l'intersection de la route nationale N°1 et de la route départementale N°61.Elle se situe à 42 km de Kaolack, à 62 km de Mbour, à 82 km de Gossas et de Guinguinéo et à 25 km de Foundiougne. La région occupe donc une position centrale et stratégique dont le développement influe sur les trois régions centrales de Kaolack, Diourbel et Thiès.

Fatick est limité au nord par la communauté rurale de Niakhar, au Sud et à l'Ouest par la communauté rurale de Diouroup et à l'Est par le bras de mer ; le sine.

D'une superficie de 7935 km2, avec une population respectivement de 639100 et 692700 habitants en 2001 et en 2004, la ville est bâtie sur les bords du sine qui, à l'origine a été déterminant dans la définition de ses fonctions. Avec les années de sécheresse, le sine rejoint le Saloum au niveau de Foundiougne après de nombreuses sinuosités, se présente aujourd'hui comme une vallée asséchée ou viennent s'accumuler chaque année les eaux de pluie.

Cette situation géographique constitue une contrainte physique à l'évolution spatiale de la ville dont le site originel est entouré de zones inondables.

A l'intérieur de la ville, avec l'urbanisation progressive et la sécheresse, la plupart des zones marécageuses a tendance à dissiper.

Cependant certains endroits dans le Peulgha, le Darel et le Loganém, demeurent toujours des zones de prédilection des eaux stagnantes.

Par ailleurs, les tannes (sols nus salés) occupant une grande partie dans la ville, constituent aussi un facteur limitant à l'urbanisation et à l'agriculture.

Au nord de la route nationale, l'urbanisation s'est faite autour des services des eaux et forêts et des travaux publics avec la mise en pace du sous quartier `'Saigon».

En effet, l'intégration de Poukhoum comme quartier de la commune ouvre également des perspectives d'extension.

3.2. Historique et organisation de la commune

3.2.1. Aspects historiques

L'histoire de Fatick se confond avec celle du royaume du sine dont Diakhao, situé à 15 km, était la capitale .Le peuplement de la contrée par les sérères venus du Fouta Toro remonterait au 12éme et 13éme siècle, et serait antérieur à l'envahissement de la zone au 16éme siècle par les guerriers Mandingues venus du Gabou, dans l'actuelle Guinée Bisseau.

Fatick est lié au mythe de Val Pal NDIAYE .Ce dernier venu du Diolof s'installa à un lieu dénommé « Jugamen » sur la rive droite du fleuve sine. Contemporain du Bour sine Wagane A MASSA, ce dernier lui accorda un droit de fait sur les terres d'une partie de l'actuelle commune de Fatick. Le village d'origine a été brûlé en 1859 par Pinet LAPRADE après la défaite du Bour.

La région a joué un rôle important dans la vie du royaume du sine .En effet, elle sera la résidence du Diaraf Thiagoune NDIAYE, commandant la zone allant de Fatick à Palmarin.

Fatick a aussi été le lieu sacré du culte de Mindiss47 qui se déroulait régulièrement en présence du Bour sine, ce jusqu'à la conquête française de 1859.C'est à cette date, à la suite des combats du 25 mai sur l'actuel site du marché centre, que l'emprise française sur le royaume fut effective .Alors, la localité de Fatick fut cédée en pleine souveraineté à la France en 1888.

L'intérêt de Fatick aux yeux de l'administration coloniale résidait dans le fait que la région était une position stratégique .En effet, ,la position géographique idéale en faisant un port sur le bras de mer ;le sine ,constituant aussi une porte d'entrée pour la France dans le royaume ,pour y asseoir solidement sa domination tant sur le plan économique, socio -politico culturel, administratif...C'est donc à partir de 1888 que l'escale de Fatick commença à s'organiser comme un véritable centre dont le développement s'appuyait sur la production d'arachide avec la présence de quartier Maisons de fleuve.

47 Ancêtre totémique et mythique de la région de Fatick

A cette période, l'Escale comptait environ 1608 habitants répartis des trois quartiers `'indigènes» (ndiaye-ndiaye, Loganém, Ndouck) et dans le quartier commercial appelé Escale. Les maisons commerciales tenues pour l'essentiel par des Européens, n'étaient que des succursales des comptoirs de Foundiougne .Le commerce qui a contribué à la promotion des divers métiers (manutention des arachides, commerce de détails, artisanat), traitant déjà trois à quatre mille tonnes d'arachides évacuées vers Niam Diarokh à l'embouchure du Saloum.

En 1891, la signature du traité de protectorat entre le Bour sine ;Macké Ndiaye et la France et le transfert du poste du commandant français de Niakhar à Fatick en 1898, ont été des étapes décisives dans la promotion des fonctions administratives, politique et économiques de la cité de Fatick. Alors, fut construite la résidence du commandant français.

Le rapprochement de l'autorité coloniale en vue de la protection des négociants des européens, et la position de l'escale sur le fleuve ont largement contribué au développement de la ville. C'est ainsi qu'une esquisse d'urbanisation et de modernisation fut lancée avec :

-l'ouverture en 1903 d'un bureau de poste ;

-l'ouverture d'une école primaire élémentaire en 1908 ;

-la création d'un dispensaire ;

La création d'un dispensaire de l'enceinte de la résidence du commandant ; -la création en 1911 d'un premier lotissement.

Puis, successivement, des mesures législatives et juridico-politiques vont marquer l'évolution de l'organisation et le mode de gestion de la ville.

-l'arrêté du 31 décembre 1917 du gouvernement général de l'AOF créant la commune mixte de Fatick en même temps que Foundiougne, Kaolack et Gossas. Ce statut est maintenu jusqu'en 1957.

-le décret du 17 Août 1957 érigea Fatick en commune de moyen exercice.

-la ville accède au statut de commerce de plein exercice en Février 1960 avec l'élection d'un conseil municipal au suffrage universel.

-en1984, avec la création de région et l'élection de la ville en chef lieu de région, Fatick devient commune à statut spécial à l'instar des autres capitales régionales du pays ;

- à partir de 1990, la commune retrouve le statut de droit commun avec la suppression du statut spécial.

3.2.2. Organisation de la ville

La commune compte officiellement huit (08) grands quartiers car l'érection du neuvième(Poukhoum) n'est pour le moment qu'un village satellite situé dans la communauté rurale de Diouroup.

La présentation des quartiers selon le rapport de l'ADM s'est conçue comme suit : *Le quartier Escale :

Il est le noyau originel de la ville. Le premier lotissement en damier a été réalisé en 1911.Le quartier couvre une superficie de 65,2hectares dont 23,2 pour l'habitat, 31,4 pour la voirie et les espaces libres et 11,6 pour les équipements. Il a une faible densité de population qui s'explique par la présence de plus de 3 /5 des équipements de la ville.

*Le quartier de Ndouck :

Il fait parti du noyau originel et traditionnel de la ville. Il constitue en fait le prolongement du quartier Escale vers le Nord. Son extension ne peut se faire que vers la zone de Saïgon. Moyennement équipé qu'Escale, il couvre une superficie de 93,7 hectares dont 4,1 hectares occupés par les équipements, 33,5 hectares par l'habitat et 56,6 hectares par la voirie et les espaces libres.

*Le quartier Loganém

L'évolution spatiale de ce quartier traditionnel peut être considérée comme définitive. C'est le prolongement de l'Escale vers l'Ouest. Sa superficie est de 30,4 hectares et est occupé par l'habitat 14, 8 hectares, les équipements (1,2hectares) et la voirie et les espaces libres (14,4hectares).Il présente la plus forte densité de population à cause de son ancienneté, de son sous -équipement et de l'occupation quasi intégrale de son périmètre.

*Le quartier Ndiaye -ndiaye 1 :

Il est constitué d'un tissu ancien et de son extension réalisée dans le lotissement de Fatick 1 : son évolution est bloquée au sud par les tannes et est compromise au sud -ouest par les verges et la présence de sources d'eau douce .Sa superficie de 51,5 hectares .L'habitat occupe les 25,6 hectares, les équipements (0,9hectares), la voirie et les espaces libres (25hectares).

*Le quartier Ndiaye-ndiaye 2 :

Un quartier traditionnel dont la seule possibilité d'extension au sud est bloquée aussi par les tannes, il couvre une superficie de 24,1 hectares .C'est un quartier dortoir (habitat 9,1 hectares) et les équipements sont de 0,9 hectare.

*Le quartier de Peulgha :

Sa partie ancienne constitue l'extension de Ndouck et de Loganém, la zone récente est en cours d'occupation. Le quartier connait des problèmes d'inondation durant les saisons de pluies. Selon les limites considérées comme définitives, sa superficie est de 82,3 hectares dont 4,4 hectares d'équipements sont réalisés.

*Le quartier Darel :

Il constitue la zone d'extension naturelle actuelle et future de ville. Dans sa configuration actuelle, son tissu urbain n'est pas encore bien défini. Les limites esquissées donnent une superficie de 78,8 hectares dont 2,4 hectares d'équipements réalisés.

*Le quartier Darou Salam :

Il présente les mêmes caractéristiques que le quartier Darel. L'esquisse de son périmètre donne une superficie de 198 hectares. Il devra abriter le second pôle d'équipements de la ville dont 10,4 hectares sont déjà occupés.

3.3 Les données de la commune

3.3.1. Les données géographiques

Le périmètre commercial défini par le décret de février 1960 couvrait une superficie de 1582 hectares environ. Les extensions qui ont marqué l'évolution de la ville ont poussé les autorités municipales à repousser les frontières de la commune qui atteint actuellement une superficie de 9000 hectares.

La commune est située au Centre -Ouest du Sénégal 30 kilomètres des îles du Saloum et à 60 kilomètres de la station balnéaire de Mbour-saly Portugal. Bâtie sur les bords du sine (bras de mer qui lui a donné son nom), la ville se trouve sur la nationale°1 à 157 kilomètres de l'Est de Dakar, 42 kilomètres à l'Ouest de Kaolack et 60 kilomètres du Nord de la Gambie. La chronique et la salinité des eaux de surface ont vu les zones marécageuses asséchées être remplacées par des sols salés ou tannes.

La structure urbaine de Fatick est caractérisée par son manque d'homogénéité. L'absence de cohérence avec le SDAU de 1974, montre un tissu urbain en faible densité. La ville compte huit quartiers et peut être divisée en trois parties :

-villages très anciens regroupant les quartiers de ndiaye -ndiaye 1, et 2, Escale, Loganém et Ndouck ;

-les lotissements les plus récents(1992) : Peulgha, Darel et Darou Saloum ; -les lotissements inoccupés.

L'occupation de l'espace en est lui même disparate. C'est ainsi les zones périphériques donnent l'impression d'un aménagement mi-urbain, mi-rural avec l'existence de grands vides à l'intérieur du tissu urbain des quartiers.

Cette commune exerce une faible polarisation pour les communautés environnementales qui sont plutôt tournées vers Kaolack (enseignement, santé, services, commerce écoulement des produits agricoles etc.).

Les paysans urbains de cette commune sont marqués par une habitation peu dense dans un environnement de savane de mangrove et des tannes sur les berges du sine.

Les conditions géographiques sont favorables à différentes activités économique :

Agriculture, arboriculture, pèche extraction du sel qui est l'une des principales sources de revenues de la commune.

3.3.2. Aspects démographiques

La population de Fatick est assez faible par rapport à son statut de capitale régionale. Sa population est passée de 18416 habitants au recensement général de la population et de l'habitat(RGPH) de 1988 à 23149 pour celui de 2002, soit une augmentation de 4433 habitants en quatorze ans (14 ans).

La population de la commune est estimée en 2003 à 4500 habitants et est composée majoritairement des sérères, de wolofs et de peulhs. Le tableau ci-dessous permet de suivre l'évolution de la ville. De 7190 habitants en 1961, la population est passée à 3 /4 en 1988.Ce qui consacre à la population un taux de tendanciel estimé à 5,4%.En quarante ans la population de la commune a triplé deux fois de suite.

1976

1988

Taux.1976/1988

1997

2002

2007

2012

9478

20491

5,2%

32450

40990

51033

65775

Tableau d'évolution de la population de la ville-prévisions. Sources : projection de la direction de la prévision et de la statistique.

La répartition de la population en 1997 en groupes d'âges est la suivante :

48% pour les enfants de 0 à 4 ans ; 29% pour les jeunes de 15 à 35 ans, 23% pour les adultes de plus de 35 ans.

Les immigrants proviennent beaucoup plus de Kaolack, pour les migrations récentes soit 8,3% de la population urbaine, c'est aussi la destination de prédilection des Fatickois, soit 3,1% des habitants de al ville.

La répartition par sexe donne 11051 hommes et 12098 femmes.

La répartition d'habitants par quartier est la suivante :

Quartiers

Effectifs en 2002

Effectifs en 1998

Darel

2254

_

Darou Salam

1976

_

Escale

1845

2423

Logandém

2446

3025

Ndiaye -ndiaye 1 et 2

5025

4229

Ndouck

4846

4339

Peulgha

4757

4400

Tableau sur la répartition de la population par quartier

3.3.3. Les données socio-économiques et culturelles

La commune de Fatick est administrée par un conseil municipal de quarante (40) membres élus, avec à leur tète le maire. La population active représente 16200 habitants, soit 47,6 % des petits commerçants, 23% de travailleurs du secteur primaire ,19% d'employés de l'administration, 12% d'artisans et 0,4% d'actifs du secteur du transport.

Dans la plupart de ces activités, les femmes sont en première ligne .A travers leurs GIE, elles interviennent dans divers domaines d'activités financières sur fonds propres ou par des intermédiaires. Mais la modicité des moyens dont elles disposent limitent leur contribution.

En effet, il n'existe pas à Fatick ni d'entreprises importantes ni d'industries à fort de main d'oeuvre. Les principales unités industrielles sont fermées .Les établissements touristiques sont pratiquement inexistants ou non fonctionnels. La capacité hôtelière est estimée à 08 lits.

Cependant la ville dispose d'une gamme de services et d'équipements nécessitant un dimensionnement. Ce qui permettant de jouer un pleinement son rôle de capitale régionale et de pôle d'intègre spatiale, économique et social par rapport à son environnement.

L'eau douce n'est accessible qu'à une partie de la population, sans compter les difficultés
liées aux conditions d'hygiènes plutôt défectueuses qui caractérisent sa commercialisation.

L'autre partie de la partie ne dispose que d'eau saumâtre, chargée de quantité excessive de sel et de fluor. Les conséquences de sa consommation sont d'ordre dentaire et cardiovasculaire.

La bonne occupation des quartiers (nouveaux lotissements) devrait aller de pair avec une réelle politique de salubrité, d'aménagement d'espaces verts et d'assainissement de la commune de son ensemble.

Par ailleurs, le réseau culturel compte sur un piètre équipement : une grande mosquée, une église, un centre culturel, quatre dancings, un stade de deux cent places seulement, un parcours sportif etc.

Jadis très animée sur le plan culturel, Fatick, malgré la diversité des coutumes, les activités culturelles sont quasi inexistantes : pas de théâtre, pas d'ensemble instrumental, pas de cinéma, pas de salle de conférence.

Sur le plan ethno linguistique, on note la présence en très grande partie de sérères. Mais, se trouvent aussi les autres ethnies comme les peulhs, les wolofs, les diolas etc.

L'insuffisance des infrastructures sportives, la vétusté et l'inadaptation des locaux constituent des obstacles pour le développement du sport dans la commune. Le besoin d'organiser la jeunesse de Fatick est réelle pour permettre une éclosion de ses potentialités sportives et de hisser le sport fatickois au sommet.

3.3.4. Les données éducatives (avant 2008)

L'éducation dans la commune de Fatick concerne les secteurs suivants :

-l'éducation de base formelle (le préscolaire et l'élémentaire) et informelle (essentiellement composée de l'alphabétisation).

-l'enseignement moyen-secondaire
-l'enseignement technique féminin

En effet, le préscolaire présente une faible couverture, passé de 187 à 307 soit une progression de 120 enfants en quatre ans.

L'élémentaire constitue un million important du système éducatif de la commune. Le nombre total de classes est 72 avec un ratio de 65 élèves par classe, soit 4641 élèves dont 2240 filles. Le taux de scolarisation se situe autour de 80% avec 53% de garçons et 47% de filles.

Le privé compte 12 classes avec une ration de 32 élèves par classes, soit 389 élèves dont 183 filles.48

En effet, les enseignements élémentaires délivrés au niveau de la commune sont, à l'instar des autres communes du pays, axées sur la langue française. Ce qui permet de noter le non présence des LN dans les écoles élémentaires et moyen-secondaires de la commune.

Population scolarisable

Année

1998

1999

2000

2001

2002

Garçons

2079

2086

2178

2273

2374

Filles

1837

2003

2091

2184

2280

Total

3916

4089

4269

4457

4654

Taux de scolarisation

Année

1999

2000

2001

2002

2003

Garçons

126,11%

134,18%

133,74%

127,54%

123,33%

Filles

137,12%

134,34%

132,71%

128,70%

119,86%

Total

131,28%

134,26%

133,23%

128,11%

121,63%

48 Sources : audit urbain, organisationnel et financier de la commune de Fatick/ groupe NDETEC-SA.

Evolution des effectifs

Année

1999

2000

2001

2002

2003

Garçons

2622

2799

2913

2899

2928

Filles

2519

2691

2775

2811

2733

Total

5141

5490

5688

5710

5661

Ces tableaux ci-dessus nous donnent l'occasion de remarquer la carence en classes spéciales dans la commune de Fatick ne couvre que 13,9% sur le taux national estimé à 30%.

Le secteur de l'alphabétisation connaissait un dynamisme certain avec l'intervention de différents programmes y afférent, cependant son émoussement est actuellement notoire.

Au niveau du moyen -secondaire, on note un déficit de mobilier scolaire, une insuffisance des moyens alloués, une quasi inexistence d'équipements informatiques, une pénurie de manuel et de matériel didactiques et une très faible implication des collectivités limant les possibilités d'amélioration de la qualité de l'enseignement. Le lycée de la commune est l'un des lycées du Sénégal qui forment moins de scientifiques.

A ce niveau aussi il faut signaler le non implication des LN dans ledit système contrairement à la présence de plusieurs langues extra continentales depuis plusieurs décennies. Nous voulons faire référence aux enseignements de l'Arabe, de l'Espagnol ou de l'Allemand dans les programmes scolaires.

Par ailleurs, le taux d'abandon est un phénomène jouant négativement sur le taux brut de la scolarisation et à terme sur l'objectif de l'Etat d'assurer « l'éducation pour tous ».Ce taux d'abandon concernant les deux sexes est plus remarquable chez les filles dont les causes efficientes se résument en terme de manque de moyens, de difficultés d'hébergement des élèves venant du rural dépourvu pour la plupart d'enseignement moyen-secondaire et l'inadéquation des structures scolaires au maintien des filles à l'école.

3.3.5. Les données éducatives (2008)

Type d'infrastructures, statuts et effectifs(2008)

Posons le tableau suivant opéré par l'inspection d'académie de Factice pour se rendre compte des variations infrastructurelles et d'effectifs que connait l'éducation formelle de la commune de Fatick.

Structure

Type

Publique

Privé

total

garçons

filles

Total

 

Elémentaire

224

12

236

32293

32115

64408

 

Ecole de 3é type

 

12

12

451

350

801

Total

IDEN /Fatick

 

224

24

248

32744

32465

65209

 

Elémentaire

215

2

217

17498

17195

34693

 

Ecole de 3è type

0

0

0

0

0

0

Sources : Inspection d'académie de Fatick

Par rapport à l'éducation, en 2008 la région dans son ensemble compte 97 structures de prise en charge de la petite enfance. (Maternelle, case des touts petits, garderies)(Contre 85 en 2007) ,665 écoles d'enseignement élémentaire, 74 collèges d'enseignement moyen ,10 établissement d'enseignement général dont 8 lycées, 7 centres de formation professionnelle.

Le taux brut de scolarisation qui était de 77,49% en 2006 est passé de 88% en 2007 puis à 106,8 en 2008.La région de Fatick à un taux d'alphabétisation de l'ordre de 34,4% selon la RGPH (recensement général de la population et de l'habitat).Il est plus élevé chez les femmes (50,3%) que chez les hommes (36,4%).

Selon les dernières statistiques on compte au niveau régional 59 centres d'animation et de lecture pour un effectif de 1530 apprenants et 20 écoles communautaires de base pour un effectif de 430 apprenants.

Concernant l'enseignement élémentaire, les écoles publiques de la région sont passées de 583
en 2006 à 625 en 2007 et à 665 en 2008.Dans la même l'effectif des élèves a connu une
progression en passant de 118655 élèves en 2006,126372 élèves en 2007 à 127479 en 2008.49

Par ailleurs, l'enseignement élémentaire communal, enregistre un nombre important en matière d'effectif, d'infrastructure et de genre.

49 Situation économique et sociale de la région de Fatick, Agence nationale de la statistique et de la démographie(ANSD), édition 2008.

Troisième partie : présentation des résultats obtenus Chapitre 4 : analyses et exégèses des résultats de l'enquête

4.1. Aperçu sur l'enquête

Dans cette partie il est question de faire le compte rendu des donnés quantitatives et qualitatives obtenues sur le terrain et de pouvoir les analyser sociologiquement pour mieux visibiliser le comportement du fait étudié. Pour ce faire, nous présenterons des tableaux qui mettront en exergue les croisements de variables telles que le sexe, l'âge, les perceptions sur les LN, la catégorie socioprofessionnelle des acteurs socioéducatifs etc. Dans la suite nous allons en effet, interpréter nos investigations dans le but de vérifier nos hypothèses de recherche.

Notre questionnaire a été administré aux acteurs socio éducationnels notamment les PE en se basant sur un échantillon de 20 personnes comportant des hommes et des femmes dont la tranche d'âge se situe entre vingt (20) et plus de soixante(60) ans.

4.1.1. Présentation par identification sociologique des PE50 *

Tableau 1 : Répartition selon l'âge et le sexe

Age

20 -30

31-40

41-50

51-60

60 ou plus

Total

Sexe

 
 
 
 
 
 

Homme

00

03

06

01

03

13

Femme

01

00

03

01

02

07

Total

01

03

09

02

05

20

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

Le tableau ci-dessus met en exergue l'âge et le sexe des personnes enquêtées(les PE). Elles sont en effet, au nombre de vingt(20) dont treize (13) hommes et sept (07) femmes. L'âge moyen des personnes interrogées est de quarante sept (47) ans. Ce qui permet d'affirmer en substance que ces derniers ont une connaissance ou expérience sur le fonctionnement du SEF du fait de leur statut de PE. En effet, nous nous permettons de dire dans l'esprit de notre

50 Parent d'élève

recherche que : Le PE est un membre de la société qui peut être à la fois actif et passif par rapport à la vie de l'école .C'est un individu-acteur social qui a sa perception et son action à donner ou à faire sur l'enseignement par rapport à ses orientations, son fonctionnement et ses reformes. Il a, susceptible d'avoir ou avait des agents éducatifs (apprenants) sous sa responsabilité et sous sa tutelle. En effet, le PE n'est pas obligatoirement le parent ou le tuteur qui assiste aux réunions de l'établissement ou participe aux activités élaborées par l'association des PE, mais il peut être passif tout en ayant sa vision par rapport aux données éducatives de sa localité ou de sa société.

*Tableau 2 : Répartition selon l'ethnie et le sexe

Ethnie

sexe

Sérère

Wolof

Peulh

Autres

Total

Homme

05

03

04

01

13

Femme

05

01

01

00

07

Total

10

04

05

01

20

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

Notre démarche quantitative n'a pas manqué de prendre en compte la dimension genre au niveau des PE en la mettant en corrélation avec la dimension ethnique. Ainsi, cette dernière constitue un élément fort en ce qui concerne le choix et la conception des PE sur la problématique des langues ou de la langue d'enseignement.

Par ailleurs, la configuration ethnique et linguistique plurielle de la commune da Fatick, comme partout dans le pays, nous amène et nous oblige à procéder à un diagnostic dèmolinguistique de nos résultats. Notre enquête au niveau des PE a fait ressortir généralement ces trois appartenances ethnolinguistiques : les sérères, les wolofs et les peulhs. En effet, le tableau montre que la majorité des enquêtés appartienne à l'ethnie sérère et par conséquent la langue sérère constitue leur langue maternelle. Nous avons eu : dix (10) sérères dont cinq(05) hommes et femmes, quatre(04) wolofs dont trois (03) et une (01)

femme, cinq(05) peulhs dont quatre (04) hommes et une 01 femme.51En effet, cette analyse socio ou ethnolinguistique de nos données nous permettra plus tard de décrypter les déterminants socioculturels ou multilinguistiques (s'ils existent) sur les facteurs de blocage de l'insertion des LN à l'école élémentaire formelle.

*Tableau 3 : Répartition selon la catégorie socioprofessionnelle

Catégorie socioprofessionnelle

Fonctionnaire de l'Etat

Travailleurs du secteur privé

Travailleurs du secteur informel

Sans activité

Total

Effectifs

14

00

04

02

20

Pourcentage

70 %

0%

20%

10%

100%

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

Notre entretien directif constitue en outre, le moment de repartir les répondants en fonction de leur catégorie socioprofessionnelle. En effet, soixante dix pour cent (70 %) des PE interrogés sont des fonctionnaires de l'Etat contre vingt pour cent (20 %) et dix pour cent (10%) qui sont respectivement dans le secteur informel et des non travailleurs.

51 Nous avons mis en exergue seulement les ethnies ou LN dominantes dans notre questionnaire. Celles qui ne sont pas fortement représentées sont mises dans la rubrique « Autres ».

*Tableau 4 : mesure de la volonté des PE sur l'introduction des LN à l'école

Position

Pour

Contre

Tacite

Total

Effectifs

19

01

00

20

Pourcentage

95 %

05 %

00%

100%

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

« Ce sont les parents qui n'aiment pas l'introduction des langues nationales à l'école » : disait plus d'une fois le ministre de l'Education nationale, Kalidou DIALLO dans certains medias sénégalais. Cette affirmation du ministre nous a poussé à vouloir diagnostiquer la conduite des PE face à la problématique d'introduction des LN dans le SEF. Les parents sontils contre un enseignement bilingue (français +LN) à l'école ? Voila la question à laquelle tente de répondre notre démarche quantitative en essayant de mesurer le sentiment des PE sur l'enseignement de nos langues dans les programmes scolaires.

Ainsi, sur vingt (20) PE enquêtés, dix neuf (19 %) approuvent l'introduction des LN dans le système éducatif .En valeur relative, ils constituent quatre vingt quinze pour cent (95 %) des répondants.

Cependant, cet accord n'est pas sans raison dans la mesure où la justification de cette volonté est sous tendue par des arguments de ce type : « parce que cela permet la connaissance de toutes nos valeurs (enracinement) et l'ouverture s'en suivra » ; « c'est un point positif dans la mesure où nos enfants deviennent performants surtout dans les domaines scientifiques » ; « permet à l'élève d'avoir une plus grande connaissance et une plus nette maitrise des apprentissages » ; « permet une bonne communication entre les enseignants et les apprenants, permet une bonne compréhension des enseignements, c'est dans sa langue nationale que l'enfant a une meilleure compréhension des apprentissages » ; « mieux on utilise sa propre langue, plus on est à l'aise dans les autres langues. Ça permet aussi la sauvegarde des valeurs culturelles propres » ; « peut permettre une mobilisation sociale autour de nos valeurs nationales » ; « permet une amélioration des résultats scolaires ». (Enquête de terrain, commune de Fatick, avril 2011). La problématique de l'enseignement bilingue à l'école intéresse les PE. Ces discours témoignent une volonté ô combien déclamée par les PE par rapport au projet d'introduction des LN dans le SEF. En effet, l'utilisation des LN dans les programmes scolaires permettrait

au moins deux choses : le développement cognitif rapide des jeunes apprenants et leur endoculturation-rèenculturation » 52 par rapport à leurs environnement et valeurs culturels. En effet, les parents sont conscients que la transmission de connaissances n'est facile que si le moyen linguistique utilisé émane de sa propre culture. Si nous sommes d'avis avec cet argumentaire, il serait alors pertinent de dire que le choix et le comportement éducatif d'un pays doivent avoir une relation avec son comportement socioculturel. C'est dans ce sens que KI ZERBO parlait d'Education endogène pour le continent africain. Comment analysons - nous les pléthoriques dictons et proverbes en LN très souvent utilisés dans la vie sociale sénégalaise sans qu'ils puissent avoir accès au SEF de base ? L'absence de ces proverbes et dictions dans le SEF est la résultante de l'absence des LN dans ce dit système. Intitule de rappeler que l'essai de leur traduction ou leur équivalence en langues occidentales trahirait en substance leur sens et par là, les apprenants pourraient en amont ignorer le vrai sens et le contexte culturel des codes sociaux mis en exergue par ces styles linguistiques. Par conséquent, ces mediums de transmission de connaissances mis en oeuvre dans l'enseignement élémentaire formel, auraient comme atouts la compréhension des cours qui corsera ensuite les résultats scolaires. A supposer que ces arguments soient pertinents, nous confessons que ce projet d'introduction des LN à l'élémentaire conduirait à un double succès qui se range, entre autres, dans le domaine cognitif et socioculturel.

En effet, par le biais de notre questionnaire les PE n'ont pas passé sous silence leur ferme dessein à l' égard de l'accueil des langues maternelles des jeunes sénégalais à l'école formelle.

En conséquence, sont fausses et aberrantes les thèses qui affirment que les parents n'aiment pas l'introduction des LN dans le SEF. Ces dernières s'inscrivent soit dans une perspective de tromper l'opinion publique en usant du pseudo- refus des parents, soit qu'elles sont le fruit d'une politique mal définie dont la communication publique/sociale n'est pas bien formulée ou entreprise. Si les parents n'ont pas manqué de montrer leur désapprobation par rapport aux réformes linguistiques de l'école, c'est parce que la couverture communicationnelle n'était pas assurée par l'Etat. Beaucoup de nos enquêtés chargés de piloter les classes expérimentales ont eu à déplorer ce manque d'information à l'égard des parents. Ainsi, la majorité d'entre eux ne sait pas comment doivent se passer les reformes de l'école et les programmes qui s'y passent ou qui y sont envisagés. De ce fait, certains parents n'ont pas su accueillir le

52 Selon le professeur Gora MBODJ, les termes endoculturation et rèenculturation constituent le processus de retour et de recours à sa culture après une phase d'acculturation ou d'assimilation culturelle vécue.

projet de l'enseignement bilingue ou multilingue à l'école puisqu'ils le considéraient comme anodin par rapport au système classique. En somme, le tableau qui suit montrera l'enthousiasme des parents face l'introduction des LN dans les programmes scolaires.

*Tableau 5 : considérations des LN dans le SEF par les PE

Considérations

Très bonne

Bonne

Très mauvaise

Mauvaise

Non précis

Total

Effectifs

13

07

00

00

00

20

Pourcentage

65%

35%

00%

00%

00%

100%

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011

Ce tableau ci-dessus témoigne d'une interrelation par rapport au tableau 4. Ainsi, décrire et analyser le comportement des acteurs socioéducatifs (les PE) face à une éventuelle réforme linguistique de l'enseignement élémentaire, revient à s'interroger sur les perceptions ou considérations par rapport à l'insertion des LN dans les enseignements de l'école formelle. Par ailleurs, à travers les réponses collectées au niveau des PE, les considérations des LN dans le SEF sont bonnes voire très bonnes. En effet, soixante cinq et trente cinq pour cent (65 % et 35%) des parents interrogés estiment qu'il serait bon d'introduire les LN dans le système d'enseignement actuel.

Cependant, notre enquête quantitative ne décèle pas de mauvaises considérations venant des PE par rapport à la mise en oeuvre des LN dans le SEF. Formellement, ces acteurs socioéducatifs déclarent être consentants à un système d'enseignement bilingue. En effet, le tableau 5 nous fait remarquer que sur vingt répondants il n'y en a aucun qui fait preuve de mauvaises considérations sur l'introduction de nos langues dans le système éducatif actuel.

En somme, la majorité des parents considère l'enseignement bilingue comme un atout pour le développement des instances éducationnelles et socioculturelles. En effet, cette conduite formellement exprimée par les PE dans le questionnaire est-elle toujours le cas dans les discours formels ou/et informels de la réalité sociale?

*Tableau 6 : Types de causes de la non-introduction des LN dans le SEF selon les PE

Causes

Politique

Economique et

didactique

Multilinguisme social

Autres

Sans réponse

Total

Effectifs

12

03

02

00

03

20

Pourcentage

60%

15%

10%

00%

15%

100%

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

La connaissance empirique durable et certaine sur le système d'enseignement de la plupart des PE nous a permis d'évaluer leurs perceptions sur les facteurs de blocage c'est-à-dire les faits qu'ils estiment être les causes de la non introduction des LN à l'école élémentaire formelle. En d'autres termes, la connaissance des parents du mode de fonctionnement, des reformes et des politiques linguistiques sur l'éducation formelle nous permet de faire une analyse sur la vision ou la compréhension sociale des blocages de l'enseignement de nos langue à l'école formelle.

Selon les données de l'enquête, les déterminants politiques, économico didactiques et multilingues ont été signalés par les répondants. En effet, la majorité des parents déclarent le manque de détermination politique comme un facteur de blocage fondamental. Par ailleurs, pusillanimité des politiques est ainsi mentionnée par l'enquête : sur les vingt (20) PE, douze (12) soutiennent l'aspect politique comme le premier facteur qui empêche d'introduire nos langues à l'école. En valeur relative, ils constituent soixante pour cent (60%) des enquêtes. Dans ce même ordre d'idée, les illustrations faites par les parents sur la question de la velléité politique sont sous tendues par des propos de ce genre : « les expériences entamées ne sont jamais arrivées à terme » ; « les politiques portent plus de considérations aux projets d'enseignement d'un autre pays qu'à l'introduction des langues nationales » ; « le SEF sénégalais se fonde sur la volonté et les orientations des bailleurs de fonds » ; « chaque année on nous parle de l'introduction des LN dans le SEF.je pense que ça ne se produira pas car nous vivons une nouvelle système de

colonisation »53 ; « le gouvernement n'a pas mis les moyens » ; « depuis qu'on a lancé l'idée ,on constate un manque de suivi de la part des autorités » ; « si l'Etat voulait l'introduction des langues à l'école ,il y aurait mis les moyens » ; « est ce que le gouvernement aime ça » ; « les finalités éducatives dépendent des décideurs ».(Enquête de terrain, commune de Fatick, Avril 2011).

Les parents interrogés dans notre enquête ayant un niveau d'instruction élevé, moyen ou faible et même ceux qui sont sans niveau ont conscience des blocages de l'enseignement bilingue au Sénégal dus, selon la majorité d'entre eux à une carence de traduction en actes concrets des projets, programmes et politiques éducatifs. Lorsque nous analysons les propos des PE, la responsabilité des politiques est mise en exergue par des concepts comme : décideurs, Etat, autorité, gouvernement, bailleurs de fonds. En effet, ces concepts mis en rapport causal avec les blocages de l'introduction signifieraient que ces types- idéaux nommés par les répondants, constituent en amont le noeud du problème. Pour les parents, les acteurs ou agents cités n'ont pas su et pu s'engager à fond afin de concrétiser les politiques théoriquement élaborées depuis des décennies.

Ainsi, par rapport au comportement timoré des politiques, certains PE ne manqueront pas de signaler l'influence de la politique étrangère sur les orientations éducatives sénégalaises. L'introduction des LN dans le système éducatif est-elle ralentie, déconseillée ou « interdite » par les grandes puissances qui financent en partie « notre Education nationale » ? En tout état de cause, nous ne sommes pas aptes à apporter une réponse à cette interrogation dans la mesure où certaines de ces puissances interviennent même sur la mise en oeuvre d'un enseignement bilingue au Sénégal.54Comment comprendre donc l'intervention de ces anciennes puissances « dèculturatrices » dans notre politique éducative et linguistique ? En effet, nous tenterons d'y apporter des réponses dans nos futures recherches.

Cependant, d'autres enquêtés ont axé leurs réponses dans le domaine économico didactique et plurilingue. Contrairement à la vision précédente, celle-ci n'est pas très bien représentée ou prise en compte par les PE. Seul quinze pour cent (15%) et dix pour cent (10%) soutiennent respectivement les facteurs économiques et multilingues comme les blocages premiers liés à ce projet d'enseignement des LN à l'école. En valeur absolue, ils constituent seulement trois

53 Dans le souci de respecter la méthode de transcription des réponses des enquêtés, nous nous sommes nullement engagés à corriger certaines fautes ou erreurs d'orthographe ou grammaticales.

54 Le projet EMILE (première édition 2010-2011) financé par World Vision dans le département de Fatick pour l'enseignement du sérère dans certaines classes des écoles élémentaires formelles.

(03) et deux (02) parents qui soutiennent cette thèse : les facteurs de blocage sont à rechercher dans le comportement économique et socioculturel de l'Etat du Sénégal.

Ainsi, le contexte de dépendance économique de notre pays fait que le système éducatif est anéanti et ne parvient pas en retour à se doter de moyens pour la réalisation de ses entreprises élaborées. Ils utilisent des propos de ce type pour justifier leur vision : « les langues nationales qui ont été introduite l'ont été avec beaucoup de difficultés faute de support, de matériel et de formation continuée et de suivi » ; « parce que se serait difficile de payer des enseignants en wolof, sérère ; peulh etc. ». (Enquêtes de terrain, commune de Fatick, Avril 2001).

En outre, selon la configuration sociographique et sociolinguistique du pays certains la considère comme un facteur de blocage à ne pas négliger. En effet, ces facteurs sévissent dans l'espace intra et extra scolaire dans la mesure où certains comportements linguistiques de la vie sociale sont transposés dans le milieu éducatif. Ceci peut être remarqué dans les propos suivants avancés par certains répondants : « Certains enseignants sont mal à l'aise dans cette LN » ; « problème de cohésion nationale ». (Enquêtes de terrain, commune de Fatick, Avril 2001).

En somme, ces dernières remarques sont en amont rangées dans le système de représentation sociale que les sénégalais font des LN par rapport à une historique linguistique marquée par la domination de la langue française. En effet, cette situation sera prise en compte dans notre analyse et interprétation des entretiens que nous aurions à réaliser.

*Tableau 7 : relation entre la langue de l'ethnie et le choix de la LN à introduire dans le SEF

Ethnie

LN

préférée

Sérère

Wolof

Peulh

Autres

Total

Sérère

09

01

00

00

10

Wolof

00

03

01

00

04

Peulh

01

02

02

00

05

Autres

00

01

00

00

01

Effectifs

10

07

03

00

20

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

Nous avons dans notre recherche jugé opportun de ressortir la relation qui existe entre langue de l'ethnie des PE et leur choix ou préférence de la LN pour l'éducation de leurs enfants. Dans la mesure où le facteur multilinguisme social est prononcé comme un élément lié à la non introduction des LN dans les programmes scolaires, il serait pertinent de mesurer et d'analyser le comportement des sénégalais (surtout des PE) face au plurilinguisme par rapport à l'éducation formelle. Ainsi, dans le tableau 7 il apparait clairement que la langue maternelle ou ethnique est primée sur toutes les autres par les répondants. En effet, sur dix (10) PE appartenant à l'ethnie sérère, les neuf(09) prônent pour l'enseignement de la langue sérère, trois (03) PE de l'ethnie wolof sur quatre (04) préfèrent en premier l'introduction du wolof et sur cinq (05) parents de l'ethnie peulh, deux(02) recommandent la langue peulh contre deux (02) sont pour le wolof et un(01) seul pour le sérère. En effet, la justification du choix des enquêtés est à rechercher dans leur appartenance socio ethnique et non dans la logique des faits. C'est que nous appellerons plus tard la tendance à l'ethnocentrisme de la société sénégalaise.

En effet, seul un(01) PE sérère, par ailleurs maitre expérimentateur, donne la priorité au wolof dans la mesure où, selon lui la langue wolof regorge des richesses techniques et sémantiques qui rendent facile la transmission de connaissance, par exemple les dictons et proverbes largement partagés par tous les groupes ethniques sénégalais.

En conséquence, cet ethnocentrisme peut être qualifié d'aveugle ou d'irrationnel dans le fait que même les agents qui s'y adonnent n'ont, pour la plupart, pas de compétences formelles (écriture ou lecture) sur leurs langues d'appartenance ethnique. Le tableau suivant mettra en exergue ce que nous venons d'aborder.

*Tableau 8 : compétences en LN des enquêtés

Capacités

Lire seulement

Ecrire seulement

Lire et

écrire

Ni lire ni

écrire

Total

Effectifs

02

00

13

05

20

pourcentage

10 %

00%

65%

25%

100%

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

La compétence linguistique ou pour parler comme BOURDIEU le « capital

linguistique »constitue un indicateur éminent concernant la politique de promotion des langues et le sens donné à la langue par la société où elle est parlée. Ainsi, à travers notre enquête nous remarquons que la société sénégalaise n'est pas en reste pour ce qui est de l'écrire et de la lecture des LN. Notre tableau ci -dessus montre que sur vingt (20) PE, les treize (13), soit soixante cinq pour cent (65%) déclarent être en mesure de lire et d' écrire leur langue maternelle. Par contre vingt cinq pour cent (25%), soit cinq sur vingt (5 /20) des répondants ne savent ni lire ni écrire leur langue maternelle.

Par ailleurs, le capital linguistique en LN existant chez la plupart des PE peut s'expliquer par un contexte sociohistorique bien déterminé. En effet, pendant les premiers moments des indépendances et un peu plus tard dans les années 1990 avec la redéfinition de nouvelles politiques linguistiques, le Sénégal s'était inscrit sur les bases d'une politique dynamique de promotion des LN. Cette politique était sous tendue par ce qu'on appelé l` alphabétisation. Cette dernière consiste à enseigner la lecture et l'écriture d'une langue aux adultes et aux adolescents qui n'ont pas été scolarisés. Cependant, au Sénégal cette alphabétisation était aussi ouverte aux personnes instruites ou scolarisées en français mais qui ne le sont pas en langue nationale.

C'est dans ce sillage que la quasi-totalité des PE interrogés fait parti de la génération qui a eu à se doter des attributs linguistiques plus soutenus que les générations actuelles.

*Tableau 9 : information sur les programmes d'introduction des LN dans le SEF au niveau des PE

PE

PE informés

PE non informés

Total

Effectifs

12

08

20

Pourcentage

60%

40%

100%

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

L'existence des programmes ou projets d'un enseignement bilingue ou multilingue n'a jamais été non connue par les populations sénégalaises. La grande majorité des parents ou des acteurs socioéducatifs est plus ou moins consciente de l'idée sur les reformes linguistiques élaborées par l'Etat du Sénégal. Ainsi, ce qui reste à savoir ou à mentionner c'est la non- connaissance totale ou suffisante de ces programmes. En effet, nos enquêtes nous ont permis de remarquer que la plupart des PE argue avoir connu les projets mis en oeuvre par l'Etat. Par ailleurs, soixante pour cent (60%) des PE disent être informés(être ou courant) des programmes qui ont eu lieu en ce qui concerne l'introduction des LN dans le SEF ,soit douze (12)sur un total de vingt(20) PE. Cependant, quarante pour cent(40) des PE ignorent l'existence de la mise en oeuvre des programmes d'enseignement bilingue, soit huit (08) PE sur un total de vingt (20).A rappeler, que certains PE déclarent être au courant de ces programmes tout en se versant dans un amalgame : ils cofondent l'introduction des LN dans les programmes scolaires avec les programmes d'alphabétisation que nous avons récemment explicités.

*Tableau 10 : Langue parlée dans les lieux de travail

Langue

LN

Français

LN et Français

Total

Effectif

14

05

01

20

Pourcentage

70%

25%

05%

100%

Sources : enquêtes de terrain dans la commune de Fatick, Avril 2011.

Il existe un déphasage entre la langue de l'administration qui est l'officielle et les langues
locales/nationales et parfois dites vernaculaires qui sont communément utilisées dans les

interactions sociales, professionnelles ou interpersonnelles à l'enceinte de tous les secteurs et services administratifs formels du pays (écoles, institutions judiciaires etc.).C'est dans ce sillage que nous nous sommes intéressé à ressortir le comportement et le choix linguistiques des sénégalais par rapport au comportement de la langue officielle optée par l'Etat du Sénégal. A ce titre, nous décrirons à travers le tableau 10 la relation existante entre langue officielle et LN dans les instances administratives par rapport aux lieux de travail. En effet, dans les données obtenues soixante dix pour cent (70%) soit quatorze (14) sur vingt (20) répondants utilisent les LN pour communiquer dans leur lieu de travail. Par ailleurs, ces chiffres peuvent être illustrés clairement par les remarques faites sur ce sujet lors de nos observations : dans un de nos lieu d'investigation ; l'école élémentaire Darel 2 dont le directeur faisait parti des maitres expérimentateurs des classes bilingues (2002-2010), nous avons pu assister à trois scènes qui mettent en exergue le problème que nous venons d'exposer :

D'abord, une réunion du corps professoral tenue en LN plus exactement en Wolof a attiré notre attention. Même le directeur dans notre entrevue n'a pas manqué de nous signaler le fait dans le but de mentionner l'incontournable recours aux LN dans les lieux de travail formel: « tu as vu toi-même tout à l'heure, on faisait notre réunion en wolof » disait-il. (Observations sur le terrain, commune de Fatick, Avril 2011).

Ensuite, une enseignante qui répondait au téléphone devant ses élèves n'a pas échappé à l'automatisme linguistique déterminé par la langue maternelle. Nous entendîmes ces propos : « allô !ca va. Nanga deff ? (...) mala raw (....) Ana sèn waa keur(...) naka ligguèy bi nak (....) ah diam rek (.....) ». (Observations sur le terrain, commune de Fatick, Avril 2011).

Nous avons pu remarquer en fin, des discussions permanentes entre collègues de l'école. Ainsi, les enseignants échangeaient des propos par le biais des LN, soit en wolof, soit en sérère.

En somme, lorsque nous poussons l'analyse de ces faits jusqu'à son terme nous dirons que les LN sont plus représentées et plus usitées que le français dans les instances administratives formelles. Ainsi, au Sénégal nous passons d'une période d'interdiction des LN à un moment de laisser parler au sein des secteurs ou services administratifs. La première période remonte

au temps de la colonisation et quelques années après l'indépendance où l'usage des LN dans les lieux formels de travail (par exemple dans les bureaux) était formellement et symboliquement proscrit. Par ailleurs, dans le deuxième moment (de nos jours) la ligne de démarcation qui existait entre LN et langue officielle est franchie. Il n'existe quasiment plus de limite en ce qui concerne l'usage d'une LN ou de la langue officielle dans les services administratifs formels. En conséquence, l'usage exclusif du français est noté dans des cas rares.

Selon les données obtenues, seuls vingt cinq pour cent (25%), soit cinq sur vingt (5/20) des répondants utilisent seulement le français dans le leur lieu de travail. En revanche, seuls cinq pour cent (5%) des enquêtés déclarent utiliser à la fois langue officielle et langue (s) nationale (s).

En somme, d'après nos enquêtes la langue officielle, constitutionnellement comme medium de communication dans les services administratifs formels, est fortement engloutie par les LN à travers les interactions des acteurs socioprofessionnels. Ce fait s'explique t-il par un refus de parler la langue d'autrui ? L'habitus linguistique agit-il en permanence dans les lieux de travail ?

4.2. Synthèse générale des résultats collectés

Cette partie constitue le moment de faire le point sur les données du terrain afin de procéder à leur analyse et interprétation sociologiques pour visibiliser le fait étudié. Ainsi, dans le cadre de notre étude il nous est important de recourir à l'herméneutique des acquis empiriques dans le but de décoder les sens caché du fait.

Notre observation s'est faite au niveau des acteurs socio-éducatifs (inspecteurs, enseignants, syndicalistes, parents d'élèves, élus locaux ...) de la commune de Fatick. En effet, ces derniers, témoins des temps forts du système éducatif, sont mieux placés à discourir sur le comportement lié aux politiques de non ou d'introduction des langues nationales dans l'enseignement élémentaire formel. Pour ce faire donc, leurs réponses seront de haute facture en ce qui concerne leur analyse et interprétation.

En effet, les résultats obtenus sont divers et variés. Nous pouvons même dire qu'ils sont d'ordre structurel dans la mesure où les blocages notés s'inscrivent dans une transversalité ; c'est-à-dire un blocage est susceptible d'être repéré dans un ou d'autres facteurs de blocage énoncés dans nos hypothèses .Ce qui nous a permis dans le cadre de l'analyse de contenue de les interpréter sous forme de thèmes.

4.2.1. De l'insuccès des classes expérimentales

Mises en application en 2002(après les conclusions des EGEF de 1981), les « classes expérimentales » sont des classes bilingues consistant à l'enseignement du français et des certaines LN d'un territoire donné. Les classes expérimentales étaient reparties dans tous les départements du pays dont l'objectif consistait, entre autres, à converger vers la formalisation de l'introduction des LN dans l'enseignement élémentaire.

Selon le schéma directeur de la DPLN sur l'expérimentation des LN dans l'enseignement élémentaire, cent cinquante cinq (155) classes dans les onze régions du Sénégal.55Il prévoyait également l'introduction des cent cinquante cinq (155) tous les deux (2) ans. Officiellement, le nombre de sites d'expérimentation fonctionnels n'est pas connu. Mais selon un rapport de

55 Période des onze régions au Sénégal

la Banque mondiale, il devrait y avoir quatre cent soixante cinq(465) classes la rentrée 2006, alors que la première cohorte devrait entre en fin de cycle primaire en juin 2008.56

En effet, elles étaient au nombre de 15 dans le département de Fatick, (01 classe en wolof, 01 classe en mandingue ,02 classes en puular et 11 classes en sérère). Les facteurs bloquants étaient d'ordre divers.

De la gestion politique jusqu'aux mesures d'accompagnement didactique, via la carence communicationnelle au niveau des populations (parents d'élève), receveuses du projet, les freins ont été transversalement notoires.

Cependant, souligner ou décrire les contraintes concernant le dynamisme que devraient connaître ces classes expérimentales, point de départ pour l'introduction et la formalisation des LN à l'école , constitue en amont le décodage ou l'analyse des facteurs de blocages notés à ce niveau. Ces dites classes expérimentales mises en oeuvre pour une nouvelle relance du projet d'introduction des LN dans le primaire, ont constitué un autre moment de banqueroute.

En ce sens, notons la confession d'un de nos enquêtés, un inspecteur de l'éducation chargé des classes bilingues : « là aussi c'est une expérience qui rapidement, a été pratiquement abandonnée même si, dans quelques zones des gens ont eu tant bien que mal à le faire. Elle n'est plus ce qu'elle devrait être. Nous par exemple à Fatick, nous avons pratiquement abandonné cette année, nous avions cinq classes dans cinq villages différents qui fonctionnaient jusqu'à l'année passée mais, en raison de plusieurs difficultés nous avons été amenés à les laisser tomber. Maintenant c'est fini, on a arrêté» (P.FAYE, commune de Fatick, avril 2010.) En d'autres termes, l'expérience de ces classes qui se devaient d'accompagner et de favoriser l'introduction formelle des LN dans le SEF, a été bloquée, entre autres, par un manque de suivi politico- technique voire sociopolitique.

En effet, ces propos de notre répondant signalent tout simplement l'insuccès du programme d'expérimentation navigué pendant huit années (2002-2010) dont l'objectif final était l'introduction des LN dans l'enseignement élémentaire formel.

Sous ce rapport, il est lieu de signaler que les motifs d'un tel échec sont à rechercher dans plusieurs cadres dont les paragraphes suivants permettront de mettre en exergue.

56Yéro DIA Abdoulaye BOUSSO et ali, l'introduction Programme de subventions ROCARE pour la recherche en éducation, l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel : entre medium de communication et outils d'apprentissage scolaires, éduction 2008, p37.

4.2.2. Introduire les LN dans le SEF : y a t-il une réelle volonté politique?

En cette année, le Sénégal à l'instar de beaucoup de pays africains, a passé cinquante ans « sans domination coloniale ».Donc, il est libre de choisir ses orientations socioéducatives en vue de redorer le blason de son système éducatif et de ses identités linguistiques. A ce titre, nous ne manquerons de nous demander si les décideurs ne s'inscrivent pas dans une logique de perpétuation du SEF hérité à l'organisation coloniale dont le but était en substance d'assouvir nos capacités linguistiques en les écartant de leur mode d'organisation éducative. Avec « une vérité de la Palice », il convient de noter qu'au vu et au su de tout le monde l'élite politique a maille à partir avec le système de `' l'ex pouvoir colonial».

Par ailleurs, des « classes télévisuelles » (1979-1984) aux « classes expérimentales » (2002- 2010), le Sénégal n'est encore parvenu à introduire même pas une seule LN dans le système éducatif (formel) de base. Quelle part de responsabilité ont les décideurs politiques sur cette problématique ? A cette interrogation, nos investigations nous permettent d'en avoir une analyse plus pertinente.

Logiquement, nous savons que si les décideurs avaient le ferme dessein de formaliser une, des ou les LN dans le système ça aurait été déjà traduit en acte dans la mesure où il est incompréhensible et impossible d'avoir mené un véridique combat pendant plusieurs décennies sans en avoir des résultats considérables. Ainsi, l'histoire nous a renseigné sur tant de projets et programmes de ce genre qui font retour à la case de départ du à des conduites timorées ou pusillanimes notées au niveau des structures sociopolitiques et institutionnelles.

Par ailleurs, il sied de reconnaitre qu'introduire une, des ou les LN n'est nullement irréalisable .Combien d'autres projets sont réalisés à des fins quasiment non sociétaires ?

Un des enquêtés a pu confesser : « il y a un manque d'engagement politique parce que sil'Etat voulait introduire les langues, il l'aurait fait. Par exemple, il a réalisé et inauguré la statue de la Renaissance » (Anonyme, commune de Fatick, avril 2010).

Par ailleurs, cette carence d'engagement est analysée, en d'autres termes comme le fruit d'un « secret d'état » qui fait que nos langues ne peuvent être insérées dans les programmes des écoles élémentaires formelles.

Tout compte fait, c'est l'avis d'un ancien éducateur en retraite qui laisse entendre : « je ne sais pas pourquoi les langues nationales ne sont pas introduites dans l'enseignement (...), peut être c'est une raison d'Etat » (M. LY, commune de Fatick, avril 2010.)

En d'autres termes, la « raison d'Etat » évoquée par notre répondant, s'analyse comme une silencieuse velléité d'engagement à l'endroit de nos décideurs politiques dans la mesure ces derniers ne se donnent pas le sacerdoce de viabiliser les projets d'éducation linguistique qu'ils murmurent depuis des décennies.

A supposer que cette interprétation soit juste, il nous est alors permis de citer A.SYLLA57 lorsqu'il rappelle les propos d' Iba Der THIAM ,ministre de l'éducation nationale(1983-1988) disant : « Jean COLLIN, ancien secrétaire général de la Présidence de la République ,considérait l'école nouvelle comme une utopie et a bloqué le texte sur la loi d'orientation .Il n'aimait pas la promotion des langues nationales ,raison pour laquelle il a systématiquement saboté mon programme »(Le Témoin ,30 juillet 1990 :2).Autrement ,les déterminants politiques du blocage de la promotion ou de l'enseignement des LN sont à rechercher, entre autres ,au niveau macro et micro de la configuration et de la posture sociopolitique des différents membres de l'Etat du Sénégal. A rappeler que c'est le sentiment nationaliste qui devait primer sur tout, la majorité des politiques sénégalais transpose et exige leurs déterminations socioculturelles ou ethniques dans les intérêts nécessaires pour le progrès.

Dans un autre sillage, la pusillanimité de l'Etat par rapport aux facteurs de blocage de la politique d'introduction des langues véhiculaires à l'école s'explique par le fait que le non suivi des politiques linguistiques est une réalité bien existante. Généralement au Sénégal, les politiques élaborées et théoriquement bien formulées connaissent dès leur début un enthousiasme sans faille de la part des politiques comme de celle de la société en générale. Mais, au bout de quelques temps se note un ralentissement allant jusqu'à l'abandon du projet.

Rappelons certains propos de certains de nos enquêtés : « l'Etat n'a pas du tout suiviparce que les conclusions même de l'évaluation (des classes expérimentales) n'ont pas été exploitées (...) bon, il n'y a pas un engagement ferme de la part de l'Etat, c'est vraiil y a l'option politique mais il n'y a pas d'accompagnement ». (Enquêtes, commune de Fatick Avril 2010).

57 A.SYLLA, op.cit.pp 390.

Ces propos s'inscrivant dans la même longueur d'onde mettent en exergue la grande part de responsabilité de l'Etat sénégalais face à ce problème socioéducatif. Leur responsabilité se situe entre autres dans l'inexistence d'une politique de maintien et de suivi-évaluation qui permettra de préparer les éventuels écueils dont les conséquences pourront éclore des sentiments d'utopie, de scepticisme, de pessimisme ou d'irréalité à l'endroit de la société.

En effet, cette remarque tant clamée est, par ailleurs, sous-tendue par la passivité de l 'Etat eu égard à la formation d'enseignants en langues nationales, à leur mobilité professionnelle et à l'élaboration de supports didactiques.

4.2.3. Entre absence de formation de maitres en langues nationales et faible élaboration de supports didactiques : quelle est la responsabilité de l'Etat du Sénégal ?

Si nous partons toujours des classes expérimentales, les facteurs de blocages de l'introduction des LN dans l'élémentaire formel, sont à rechercher par ailleurs sur le plan professoral et didactique. Mise en corrélation avec la volonté politique stérile de l'Etat, la carence d'accompagnement de ressources humaines et de matériels pédagogiques ou didactiques, constitue un des facteurs de blocage les plus remarquables. En d'autres termes, la politique d'introduction des LN, une fois mise théoriquement en oeuvre, devait avoir comme substrat la formation d'un personnel qualifié et bien équipé. Cependant, la conduite d'une politique timorée s'est encore notée à ce stade dans la mesure où les maitres expérimentateurs étaient arbitrairement mis en fonction avec une quasi absence de matériels et de supports didactiques. Nous pouvons même dire qu'ils se débrouiller, en usant de leurs compétences discursives ou de leurs habitus linguistiques tirés de leur socialisation, pour transmettre des connaissances. Comment la débrouillardise peut être au service de l'excellence ? En effet, notre analyse poussée plus loin nous permet d'illustrer avec ces suivants propos extraits du discours de certains de nos répondants mettant en exergue cette problématique :

« L'Etat a mis la charrue avant les boeufs dans la mesure où il y a une absence d'investigation préalable pour savoir quelle langue introduire dans quelle localité », « il y a une carence de maitres formés du fait de la non généralisation de la formation, de son accélération », « il ya des problèmes de supports, de matériels didactiques(support en calcul et en lecture)d'accompagnement .Il y a des livres au programme par exemple `'le référentiel de compétence» traduit en wolof, en sérère...(les six premières langues

codifiées) mais depuis que le ministère de la structure des langues nationales a commencé à codifier d'autres langues, il s'est posé un problèmes d'équité( ...).On a traduit certains livres comme `'Sidi et Rama» en mettant `'Sidi ak Rama»,et on s'est rendu compte que c'était pas ça, on devrait prendre des textes purement locaux du vécu quotidien des élèves »(enquêtes de terrain, commune de Fatick, Avril 2010).

Selon les discours ci-dessus et lorsque nous poussons notre analyse jusqu'à son terme, force nous est de dire que la politique de l'Etat d'introduire les LN à l'école est velléitaire sur toutes les dimensions et structures requises pour une bonne politique éducative. Ainsi, c'est une lapalissade d'admettre que l'accompagnement didactique ou pédagogique et technique (la formation de professionnels en la matière) est en grande partie le rôle et le devoir de l'Etat en l'occurrence les décideurs.

Certains de nos répondants n'ont pas manqué de dire que : « Le gouvernement prend cette introduction à la légère dans la mesure où les enseignants (expérimentateurs) suivaient une formation de trois (03) jours ». (Enquêtes de terrain, commune de Factice, Avril 2011).

Ces propos s'inscrivant toujours dans la problématique de la formation des enseignants en LN par rapport aux classes expérimentales bilingue, permettent de répondre à l'interrogation soulevée très haut. Evidement, l'absence de formation sérieuse ne pourrait jamais être au service de l'excellence.

De même, il est à noter que la politique économique que devrait connaitre ces expériences n'est pas été au rendez-vous.

En somme, les décideurs politiques ont en grande partie manqué de mettre au concret les mesures d'accompagnement didactique et technique indispensables. L'absence ou la faible dotation en matériels d'apprentissage et en ressources humaines constitue un facteur de blocage pour cette politique d'introduction tant clamée depuis plus de quatre décennies. Ainsi, ces manquements sont à rechercher au niveau des pouvoirs publics dans la mesure où leur engagement silencieux est urbi et orbi constaté. Ainsi, restent à savoir le pourquoi et comment de ce désengagement permanant. En effet, la pusillanimité des politiques face à l'introduction des LN dans le SEF est-elle le fruit du système de représentation ou de la domination symbolique de ces dernières ? Ou bien est-elle par ailleurs, une volonté aveugle de reproduire le système de l'oppresseur socioculturel(les colonisateurs)?

4.2.4. La représentation sociale de la langue officielle versus celle des LN

La domination du terrain linguistique par le français est le fruit d'un long processus opéré par l'administration coloniale. Depuis cette période jusqu'à nos jours, l'imaginaire collectif sénégalais considère en somme que nos langues sont loin d'être vecteur de promotion intellectuelle et sociale. Nos langues sont, tout au moins, représentées par la société comme des langues qui, en usage dans l'enseignement, constituent un facteur de régression socio intellectuelle. La société sénégalaise, dans son symbolisme linguistique, a le sentiment que seulement la langue officielle et les langues extra africaines peuvent être des médiums d'enseignement formel. Cette croyance intériorisée en la société et extériorisée par ellemême, est sans doute véhiculée et manifestée par des propos de ce type : «il ya des parents qui disaient : j'ai pas inscrit mon enfant à l'école pour qu'il apprenne le wolof ou le sérère », « à Fatick le problème se pose autrement ;beaucoup d'enseignants refusent ,en tout cas on a l'impression, de parler la langue du milieu qui est le sérère ou en tout cas ils ne font pas beaucoup d'effort pour comprendre la langue et la parler (...) ,il y a aussi le rejet des parents :il y en a certains qui trouvent que la promotion de leur enfant va se faire non pas par la langue maternelle mais par la langue française ;ils se disent qu'ils n'ont rien à gagner en apprenant cette langue »(P.FAYE, inspecteur de l'éducation chargé des classes bilingues dans le département de Fatick)

Ces propos éclairants de certains de nos enquêtés sont en général tirés des écueils liés aux classes expérimentales. Ils nous permettent de faire le point sur l'ancrage des valeurs linguistiques occidentales dans la conscience individuelle et collective sénégalaise. Ainsi, la représentation sociale des LN se situe à deux niveaux : au niveau des parents d'élève et des enseignants. Les premiers déclarent avoir détesté un enseignement en langue maternelle. Mais lorsque nous pousser notre analyse un peu plus loin, nous verrons que la détestation exprimée n'est qu'une justification qui permet de taire la domination symbolique des langues occidentales. En d'autres termes, les langues extra africaines ont dominé les mentalités sénégalaises dans la mesure où elles sont synonymes de promotion sociale, d'éveil et de culture mondiale. Pour leur part, les derniers n'ont guère l'envie et le devoir identitaire de vouloir transmettre la connaissance via nos langues. A ce stade, sont affectés les enseignants d'un sentiment de déculturation et de déculturés dèculturateur. En fait, nous avons

l'impression que la clôture de la promotion linguistique58 des LN a vue le jour au Sénégal. Cette clôture semble y être une croyance fortifiée voire une idéologie. Combien de fois avons-nous entendu ces suivantes expressions lors de mes observations : « Mais boy ! Est- ce que si on introduit les langues nationales à l'école, est-ce que ça ne va pas appauvrir le système éducatif ? ». (Enquête informelle, commune de Fatick, décembre 2010).

Voilà une interrogation à laquelle ceux même qui la posent ou la suggèrent n'y apportent pas d'arguments et preuves convaincants dans la mesure leurs dires constituent en effet, un simple mauvais sentiment voire un sentiment utopique de haute facture.

Cette attitude de clôture en l'endroit des enseignants se prouve par les réponses tirées d'un inspecteur de l'éducation, sis au pole régional et de formation de Fatick (PRF) qui confesse : « il y a un manque de volonté de la part de certains enseignants chargés des classes bilingues du fait que d'aucuns, à l'absence de contrôle d'inspecteurs, enseignaient seulement en français (...) ,au Sénégal on a tenté une fois ,on a abandonné, puis une deuxième fois et on a abandonné et maintenant tout le monde a peur de recommencer, c'est ça... rire... ». (M.BA, commune de Fatick, Avril 2010).

Cette clôture de la promotion linguistique est caractérisée en grande partie par la « peur de recommencer », c'est-à-dire l'absence d'enthousiasme ou d'audace par rapport aux politiques linguistiques mises en rapport avec l'enseignement élémentaire formel.

Cependant, au moment de cette clôture, est notée une certaine volonté affichée de recourir aux valeurs de la langue de l'ethnie. Mais, il se trouve que cette volonté est contrastée avec une trop grande référence à celles de l'Occident. C'est ce que nous appelons le paradoxe de l'occidentalocentrisme et de l'ethnocentrisme de la société sénégalaise.

Par occidentalocentrisme, nous voulons montrer l'utilisation et la légitimation permanentes des valeurs linguistiques occidentales par la société sénégalaise. Ainsi ces valeurs qui se présentent comme de bons prêts - à -porter ne font aucun objet de diagnostic préalable. En fait, c'est l'attitude de concevoir que tout ce qui est bien doit venir de l'Occident, ou tout ce qui y est venu est bien. Il constitue le centre du monde, son dénominateur commun ou son noyau dont le contournement est impossible. Cela revient à remarquer que le marché

58 Nous voulons dire par cette expression que la société sénégalaise semble clore le débat sur la promotion de nos langues dans les secteurs éducatifs dans la mesure où, on ne peut plus, selon certaines fausses croyances, faire d'elles des langues de science ou de développement socioéducatif.

linguistique est dominé par l'Occident avec ses langues. Est-il nécessaire de rappeler les valeurs accordées à la langue française dans et par la société sénégalaise ? Comment comprendre l'attitude de certains individus qui se contentent à toutes les occasions de rappeler ou de corriger certaines erreurs ou fautes de français ? Qu'en est-il avec les fautes commises en LN ?

Paradoxalement, l'importance tant accordée aux langues extra sénégalaises, n'exclut pas ce que nous appelons l'ethnocentrisme. Ce concept est différent de celui de l'ethnicité qui peut être défini comme la manière dont les acteurs sociaux pensent les divisions et les inégalités sociales en termes d'appartenance et de différenciation ethniques. Dans le sillage de notre recherche, l'ethnocentrisme désigne la conduite de l'acteur social à faire valoir ses valeurs ethniques (linguistiques) au détriment des autres. Cet ethnocentrisme est le plus souvent soustendu par la langue de l'ethnie qui marque chez certains un élément de repère ou d'identité. Au Sénégal, cet ethnocentrisme est mis en oeuvre par concurrence ou par rivalité avec les autres langues nationales mais se heurte (l'ethnocentrisme) face aux langues extra africaines. Il n'est pas rare de voir, par exemple un sérère ou un peulh s'irriter parce que son frère ethnolinguistique ne communique pas avec lui par le truchement de leur langue ethnique.

En effet, nous avons pu remarquer dans nos observations que l'ensemble des enquêtés, pour discourir sur les blocages de l'introduction des LN dans l'élémentaire formel, ne se focalisaient que sur les valeurs de leur langue ethnique. C'est ce qui nous permet de pousser notre analyse pour arguer que la volonté de chacun à vouloir primer, parfois uniquement sa langue ethnique(cf. tableau 7) , constitue en grande partie un argument de taille pour les décideurs politiques à consolider leurs dires mettant en exergue le plurilinguisme comme principal obstacle sur le choix des LN à introduire dans le SEF et pour la mise en application d'une langue sénégalaise comme langue officielle.

Conclusion générale : perspectives de recherches doctorales

En somme, cette étude dont l'objet consiste à analyser les facteurs de blocage de l'introduction des LN dans l'enseignement élémentaire formel nous a permis d'aboutir à un certain nombre de résultats.

Rappelons que le Sénégal, à l'instar des autres pays d'Afrique, a longtemps entrepris la bataille de la promotion linguistique qui se traduit par un essai d'utilisation des LN comme médium de communication sociale et outils d'apprentissage scolaire dans l'enseignement fondamental .Cependant, cette vision, présente depuis les indépendances dans les politiques éducatives et linguistiques de l'Etat du Sénégal, n'est jusque là appliquée ou traduite en actes concrets. Les motifs de cet insuccès sont d'ordres divers dont s'est consacrée notre étude afin de les visibiliser et de les analyser.

Notre question de recherche était de savoir : Comment expliquer les blocages liés à l'introduction des LN dans le SEF sénégalais, nonobstant toutes les politiques linguistiques entreprises depuis la fin de la colonisation jusqu'à nos jours ?

Pour ce faire, nous avons, par un truchement empirique réussi à répertorier quelques blocages majeurs parmi lesquels il faut noter:

De prime abord, il faut reconnaitre qu'il ya une absence de volonté à l'endroit des décideurs politique qui sont passifs à suivre les projets ou programmes d'introduction des langues nationales dans l'élémentaire formel. Il ya dans ce cas rien d'autre qu'un comportement velléitaire à l'endroit des décideurs. Cette politique timorée est due aux représentations sociales que les sénégalais font des LN.

Ce blocage tantôt cité constitue une résultante de la(mauvaise) représentation sociale de nos langues qui sont considérées comme des éléments de régression tant dans le domaine de la promotion sociale que dans celui du développement intellectuel. Il est également le reflet de la reproduction de la domination linguistique favorisée par les colonisateurs par rapport à nos langues. En conséquence, les sénégalais ont du mal à accepter un système scolaire linguistiquement égalitaire. Cependant, il faut rappeler que ces représentations et cette violence détectées par l'enquête qualitative se perdent ou ne s'affichent pas facilement lorsqu'il s'agit d'enquête quantitative.

En effet, après l'analyse des données obtenues il apparait que nos hypothèses de départ sont confirmées mais il faut signaler que d'autres facteurs de blocages sont découverts. Cependant, les blocages sont d'ordre structurel mais ils sont toujours déterminés par les facteurs majeurs qui ont constitué nos hypothèses.

La non- présence de nos langues dans l'enseignement formel est interprétée comme une carence de volonté politique qui peut être considérée comme la cause de deuxième degré dont les représentations sociales et la violence symbolique linguistique constituent les causes efficientes.

Cependant, il faut reconnaitre que ses deux facteurs sont producteurs de d'autres facteurs de blocages tels que la formation de maitres et l'élaboration de supports didactiques en LN, la désinformation des parents d'élève par rapport aux projets d'enseignement bi-plurilingue etc.

Par ailleurs, notre hypothèse secondaire qui consistait à vérifier si les parents refusent ou non l'enseignement des LN dans les programmes scolaires, s'est quantitativement confirmée dans la mesure ou, la majorité des PE interrogés acceptent que leurs enfants apprennent leur langue maternelle ou locale.

En fin, pour une sociologie critique rappelons que notre étude est loin d'être scientifiquement parfaite dans la mesure où elle décèle des insuffisances et imperfections théoriques, méthodologiques, empiriques et épistémologiques. Cependant, des recherches futures sont projetées dans le but de corriger certains biais et d'intégrer d'autres éléments qui sembleront éminents.

Dans notre perspective de recherche doctorale nous envisageons d'étudier la dynamique et la portée pédagogique de l'enseignement des sciences sociales en langues africaines en Afrique subsaharienne et australe : le cas du wolof au Sénégal et du swahili en Tanzanie. En effet, ce choix porté sur cette problématique n'est pas parti de rien. Si nous nous donnons cet objet de recherche c'est parce que les deux pays et les deux langues sont actuellement dans une posture quasi particulière par rapport aux autres pays et langues africains. Au Sénégal, plus de quatre vingt pour cent (80 %) de la population sont locuteurs en wolof, ce qui fait que ce dernier est largement utilisé dans les services administratifs publics et privés. Pour sa part, la Tanzanie, à l'instar de très peu de pays africains, a opté le swahili comme langue officielle qui commence à avoir une tournure internationale notamment grâce à sa médiatisation.

Bibliographie générale

1- Alain GRAS, 1974, sociologie de l'éducation. Textes fondamentaux.

2- Joseph KI ZERBO, 1990, Eduquer ou périr, éd L'harmattan, 116p

3- Section Maison d'Afrique, Francophonie et néo-colonialisme. Le combat linguistique dans la lutte de libération du peuple sénégalais. Paris, Août 1979.

4- Armelle MABON, 2000, L'exemple de l'Afrique occidentale française et du front populaire la veille des indépendances. L'Harmattan, 196p

5- Banque mondiale, l'éducation en Afrique sub-saharienne : pour une stratégie d'ajustement, de revitalisation et d'expansion.

6- BELLONCLE (C), 1984, La question éducative en Afrique noire, paris Karthala.

7- HAZOUNE, (A. T), 1988, l'Afrique, un avenir en sursis, Paris l'Harmattan.

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10- Cheick Anta DIOP, 1979. Nations nègres et cultures. De l'antiquité nègre égyptienne aux problèmes culturels de l'Afrique noire d'aujourd'hui. Troisième édition, TOME II, Présence Africaine.

11- Christian ROCHE, 2001, Le Sénégal à la conquête de son indépendance 1939-1960, Editions KARTHALA, 286p.

12- Joseph KI-ZERBO, 1978, Histoire de l'Afrique noire, HATHIER Paris, 731p.

13- René DUMONT, 1993, Pour l'Afrique, j'accuse, Librairie PLON, 488p.

14- Cheick Anta Diop, 1960, Les fondements économiques et culturels d'un état fédéral d'Afrique noire, Présence africaine, 124p.

15- Muriel DARMON, 2007, La socialisation, Armand Colin, 127p.

16- Momar. C.DIOP et Mamadou DIOUF, 1990, Le Sénégal sous Abdou DIOUF, éditions KARTHALA ,436P.

17- CODESRIA (sous la direction de Momar Coumba DIOP), 1992, Sénégal. Trajectoires d'un Etat ; KARTHALA ,500p

18- Tableau de bord de la situation sociale du Sénégal, édition 2000.

19- Dominique COLAS, 1994, Sociologie politique, Presse Universitaire de France ,564P

20- Jean-Léopold DIOUF, 2003, Dictionnaire wolof-français et français -wolof, Edition KARTHALA ,591p

21- Gill FERREOL et ali, 1995, Dictionnaire de sociologie, 2é édition, Armand Colin, 315p.

22- BONTE et IZARD, 1991, Dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie, QUADRIGE /PUF ,830p.

23- Gerti HESSELING, 1985, Histoire politique du Sénégal. institution, droit et société, éd KARTHALA, 437p.

24- El hadji Mamadou NGUER, « le français comme langue officielle : véritable facteur de blocage au développement du Sénégal » dans le journal AL BICHRU, n°17, février 2008.

25- Marie DURU-BELLAT et Agnès VAN ZANTEN, 1999, sociologie de l'école, Armand Colin ,252p.

26- Jean-Claude COMBESSIE, 2001, La méthode en sociologie, 3e éd, La découverte, paris, 123p.

27- Raymond BOUDON, 1969, Les méthodes en sociologie, PUF, 126p

28- Yéro DIA Abdoulaye BOUSSO et ali, « l'introduction des langues nationales dans l'éducation formelle. Entre medium de communication et outils d'apprentissages scolaires », Programme de subventions ROCARE pour la recherche en éducation /ERNWACA research grants programme, édition 2008, 37p.

29- Emmanuel seyni NDIONE et ali, 1994, Réinventer le présent. Quelques jalons pour l'action, éd ENDA Graf sahel collections de recherches populaires, 131p.

30- P.BOURDIEU, 2002, Questions de sociologie, Editions de Minuit, 269p.

31- Papa Mangoné BASAL, 1998-1999, « la crise de l'éducation au niveau du moyensecondaire : causes et situations des responsables. Quelles perspectives de reforme pour la ville de Saint-Louis », mémoire de maitrise.

32- Caroline JUILLART et Louis -jean CALVET, 1995, Les politiques linguistiques, mythes et réalités, UREF, 351pp.

33- Pascal BALANCIER et alii, 2008, Epistémologie de la sociologie. Paradigmes pour le XXI e siècle, de boeck, sous la direction de Marc JACQUEMEAIN et Bruno FRERE, 224pp.

Web graphie

http:// www.fr/ annees/ me 1998.htm

http:// www.Sénéweb.com

http: //www.au-Sénégal.com/ decouvry/ cart/-sen htm

http: // www. interieur.gouv.sn: Site official du Ministère de l'intérieur du Sénégal. www.pambazuka.org/fr/categiry/features/610501

www.sudlangue.com

www.dialangue.com

Microsoft® Encarta® 2009 [DVD]. Microsoft Corporation, 2009

Table des matières

Dédicaces et remerciements

Liste des tableaux

Liste des acronymes et des abréviations

Introduction générale

1

Première partie : cadre d'analyse théorique et démarche méthodologique

.. 5

Chapitre 1 : cadre d'analyse théorique

. 5

I-1.Construction de l'objet de recherche

5

I-2.Position du problème

. 12

I-3.Question spécifique de recherche

22

I-4.Intérêt du sujet

.22

I-5.Motivations

23

I-6.Objectifs de recherche

24

1-7.Hypothèses de la recherche

24

I-8.Analyse conceptuelle

26

1-9.Construction du modèle d'analyse

35

1-9-1. le schème causal

35

1.9.2. Le schème actanciel

37

1.9.3. Découpage conceptuel

38

Chapitre 2 : démarches méthodologiques

39

2-1.Etape exploratoire

.39

2-1.1.Etude documentaire

40

2-1-2. Les outils de collecte de données

40

2-1.3.L'enquête

40

2.2. Les entretiens

..41

2.2.1. Les entretiens semi-directifs

. 41

2.2.2. Les entretiens informels

41

2.2.3 Le questionnaire

.42

2.2.4. L'analyse de textes

43

2.3 Échantillonnage et choix des zones d'enquête

.43

2.4. Modalité de transcription et d'analyse des données

44

2-4-1.Classification des données

44

2.4.2. L'analyse de contenu

44

Deuxième partie : présentation du champ de l'étude

46

Chapitre 3 : présentation de la commune de Fatick

.46

3.1. Caractéristiques physiques

46

3.2. Historique et organisation de la commune

. 47

3.2.1. Aspects historiques

47

3.2.2 Organisation de la ville

. 49

3.3 Les données de la commune

51

3.3.1. Les données géographiques

51

3.3.2. Aspects démographiques

52

3.3.3. Les données socio-économiques et culturelles .53

3.3.4. Les données éducatives avant 2008

3.3.5. Les données éducatives en 2008

Troisième partie : présentation des résultats obtenus

.54 .57 59

Chapitre 4 : analyses et exégèses des résultats de l'enquête

. 59

4.1. Aperçue sur l'enquête

59

4.1.1. Présentation par identification sociologique

59

4.2. Synthèse générale des résultats collectés

..73

4.2.1. De l'insuccès des classes expérimentales

73

4.2.2. Introduire les LN dans le SEF : y a t-il une volonté politique réelle ?

.75

4.2.3. Entre absence de formation de maitres en langues nationales et faible élaboration de
supports didactiques : quelle est la responsabilité de l'Etat du

Sénégal ? ..77

4.2.4 La représentation sociale de la langue officielle versus celle des LN ..79

Conclusion générale : perspectives de recherche doctorale .82

Bibliographie générale 84
ANNEXES

I-Guide d'entretien

> Guide d'entretien- anciens enseignants
Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système

d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

> Guide d'entretien - enseignants

Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système

d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

> Guide d'entretien-inspecteurs de l'éducation

Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système

d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

> Guide d'entretien-syndicalistes de l'enseignement Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système

d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

> Guide d'entretien -chefs d'établissement

Thème 1 : blocages et politique linguistique de l'Etat

Thème 2 : blocages et massification des langues occidentales dans le système

d'enseignement

Thème 3 : blocages et plurilinguisme de la société sénégalaise

Thème 4 : blocages et mesures d'accompagnement (finance, matériels didactiques...)

Questionnaire (Destiné aux parents d'élève)

Bonjour ! Je m'appelle pape samba GUEYE, je suis étudiant en cinquième année de sociologie à l'université Gaston Berger de saint- Louis. Je travaille actuellement dans le cadre de mon mémoire de Master 2 sur les facteurs de blocages de l'introduction des langues nationales dans le système éducatif formel. C'est le motif de la délivrance de ce questionnaire au prés de vous. En effet, nous pensons en tant que parent d'élève, vous êtes très bien apte à nous fournir des éléments de réponse fiables afin que nous puissions mieux cerner notre objet de recherche. Sur ce, nous saluons votre volonté à participer à l'élaboration de cette étude scientifique.

SECTION 1 : Identification sociologique

1- Nom et prénom :

2-Age :

1. 20- 30

2. 31-40

3. 41 - 50

4. 51- 60

5. 61 ou plus

3-Sexe :

1. Masculin 2. Féminin

4-Ethnie :

1. sérère

2. wolof

3. peulh

4. diola

5. mandingue

6. soninké

7. autres

Précisez

5-Religion : 1. Musulman 2. Chrétien 6-Niveau d'étude :

1. primaire

2. secondaire

3. supérieur

4. sans niveau

5. autres

Précisez .

7-Catégorie socioprofessionnelle:

1. fonctionnaire de l'Etat 2. privé 3. Sans activité 3. autres

Précisez

SECTION 2 : caractéristiques sociolinguistiques

1- Quelle langue parlez-vous le plus au sein de votre famille?

2-Quelle LN59 maitrisez -vous bien ?

Wolof

Sérère

Peulh

Autres Précisez .

3-savez-vous lire dans cette langue ? OUI NON

4-savez-vous écrire dans cette langue ? OUI NON

5-Quelle LN parlez-vous le plus en dehors de chez vous ? Wolof sérère peulh

autres

Précisez

4-Quelle langue parlez-vous au lieu de votre travail ? Wolof sérère

Peulh autres

Précisez

SECTION 3 : connaissance des reformes éducatives prenant en compte les LN 1-Connaissez-vous des programmes pour l'introduction des LN à l'école ?

OUI NON

Si oui citez-en un ou plus

2-Ces programmes continuent-ils toujours d'avoir lieu ? OUI NON NRP

Si non pourquoi ? Cochez deux raisons parmi les suivantes

59 Langue nationale

- Manque de moyens financiers

- Manque de suivi technique

- Délaissement par les populations

- Manque de volonté politique

SECTION 4 : système de représentations et introduction des LN dans l'enseignement formel

1-Selon vous les LN60 peuvent-elles être introduites dans le SEF61 ?

OUI NON NRP

Pourquoi ?

2-Selon vous, introduire les LN dans le SEF est-elle ?

BONNE TRES BONNE MAUVAISE TRES MAUVAISE

Pourquoi

3-Selon vous les LN ont-elles la même valeur que le français, l'anglais ou l'arabe ? OUI NON NRP

Pourquoi ?

4-Aimeriez-vous que vos enfants apprennent une LN à l'école ? OUI NON

5-Quelle langue souhaiteriez-vous quelle soit ?précisez :

Pourquoi

6-Selon vous quelle est la cause efficiente de la non-introduction des LN dans le SEF ? - Manque de volonté politique

- problème socioculturel ou multilingue

61 Système d'enseignement formel

- Cause économique et didactique

Autres

précisez

7-Qu'est ce qui justifie votre réponse

SECTION 5 : Généralités

1-Quel discours tenez-vous sur les politiques linguistiques entreprises par le Sénégal depuis les années 1960 ?

2-Quel jugement portez-vous sur l'absence des LN dans le SEF sénégalais ?

3-quel regard avez-vous sur le multilinguisme au Sénégal par rapport au SEF ?

4-Selon vous quelles sont les solutions pour introduire les LN dans le SEF ?

Je vous remercie de votre participation et de votre patience !!!

II-Données demolinguistiques du Sénégal

Ethnie

Langue
maternelle

Affiliation
linguistique

Population

Pourcentage

Wolofs

wolof

famille nigéro-

4 422

520

42,0

%

congolaise

 
 
 
 
 
 
 

Peuls (Fulacunda)

peul

famille nigéro-

1 455

000

13,8

%

congolaise

Sérères

sérère

famille

1 126

200

10,7

%

nigéro-

congolaise

Toucouleurs

peul (tho)

famille

833

800

7,9

%

nigéro-

congolaise

Mandingues

mandingue

famille nigéro-

566

000

5,3

%

congolaise

Peuls (Fulbe Jeeri)

peul

famille nigéro-

450

000

4,2

%

congolaise

Mancagnes

mancagne de
l'Ouest

famille nigéro-

359

335

3,4

%

congolaise

Jola

diola fogny

famille nigéro-

339

610

3,2

%

congolaise

Soninkés (Sarakolés)

sonimké

famille nigéro-

217

220

2,0

%

congolaise

Lebou

wolof

famille nigéro-

140

000

1,3

%

congolaise

Futa Jalon

peul

famille nigéro-

100

000

0,9

%

congolaise

Balanta

balanta

famille nigéro-

82

841

0,7

%

congolaise

Mandjaques

Mandjaque

famille

70

200

0,6

%

nigéro-

congolaise

Bambara

bamanankan

famille nigéro-

60

820

0,5

%

congolaise

Capverdiens

kriolu

créole

55

000

0,5

%

portugais

Soussous

soussou

famille nigéro-

28

443

0,2

%

congolaise

Mossi

mòoré (mossi)

famille nigéro-

25

000

0,2

%

congolaise

Jahanka

jahanque

famille nigéro-

24

217

0,2

%

congolaise

Mankanya

mancagne

famille nigéro-

23

500

0,2

%

congolaise

Bainouks

bainouk-
gunyaamolo

famille nigéro-

20 700

0,1 %

congolaise

Français

français

langue

20 000

0,1 %

romane

Yalunka (Jalonkés)

jalonké

famille nigéro-

14 375

0,1 %

congolaise

Konyagi

conhague
(wamei)

famille

14 000

0,1 %

nigéro-

congolaise

Bandials

bandial

famille nigéro-

9 000

0,0 %

congolaise

Bassari

bassari

famille nigéro-

7 850

0,0 %

congolaise

Khassonkés

khassonké

famille

6 635

0,0 %

nigéro-

congolaise

Badyara

badjara
(pajade)

famille

6 500

0,0 %

nigéro-

congolaise

Bediks

bassari du
Bandeba

famille nigéro-

5 400

0,0 %

congolaise

Créoles anglais

créole

créole anglais

4 200

0,0 %

 

Papels

papel

famille nigéro-

4 200

0,0 %

congolaise

Zenaga

zenaga

chamito-

1 896

0,0 %

sémitique

(berbère)

Portugais

portugais

langue

1 700

0,0 %

romane

Cobiana

cobiana

famille

400

0,0 %

nigéro-

congolaise

 
 
 

10 496 562

100 %

Sources : Lois linguistiques: le décret présidentiel no 71566 du 21 mai 1971; la loi no 91-22 du 16 février 1991 portant orientation de l'Éducation nationale, mise à jour du 27 mai 2009.

III-Position de la région de Fatick dans le Sénégal

Sources : carte réalisée par un camarade géographe






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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway