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Décrochage scolaire: du contrôle social aux logiques de solidarité entre les différents intervenants

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par Antonio Rizzo
Université catholique de Louvain  - Master en sciences de l'éducation 2010
  

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Chapitre 6 : Discussion sur le contenu de la méthode

1 Introduction

Au début de notre étude, nous avons élaboré un double objectif de recherche, à savoir : Le premier permettant de confirmer ou d'infirmer notre hypothèse de départ :

(1) Identifier les perceptions de la gestion du décrochage scolaire au sein de l'organisation des acteurs scolaires, communaux, judiciaires et issus du milieu associatif qui participent à la CAS et dégager les logiques de solidarité chez les différents acteurs.

Hypothèse de départ :

Les perceptions de la gestion du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des acteurs scolaire, communal, judiciaire et issu du milieu associatif sont influencées par l'organisation à laquelle ils appartiennent.

Le second, à titre exploratoire, permettant d'enrichir notre recherche :

(2) A titre exploratoire, identifier comment la CAS traite la diversité des organisations qui y participent et soulever l'influence de la CAS sur les perceptions du décrochage scolaire et les logiques de solidarité des différents acteurs afin d'enrichir notre recherche.

Pour répondre à notre premier objectif, nous allons faire ressortir d'une part, la diversité des différents acteurs appartenant à des organisations bien spécifiques et d'autre part, à partir d'un résumé sous forme de tableaux rendant compte des résultats de notre étude, procéder à une analyse d'interprétation.

Pour le second objectif, nous utiliserons le même procédé que le premier en proposant un tableau qui présentera les forces et les faiblesses de la Commission Accrochage Scolaire. Nous parlerons également de la légitimité de l'acteur communal qui gère cette Commission, ainsi que de la manière dont les acteurs qui y participent sont traités.

Après avoir répondu à nos objectifs de recherche, nous émettrons une critique sur notre méthode de travail ainsi que sur le cadre théorique proposé par Guy Bajoit. Enfin, nous clôturerons ce chapitre sur les perspectives de notre étude.

2 Résultats et interprétation des différentes perceptions de la gestion du décrochage scolaire des acteurs au sein de leur organisation

Les représentations de la gestion du décrochage scolaire véhiculées par les acteurs diffèrent selon l'organisation à laquelle ils appartiennent.

Sur un plan administratif, l'acteur scolaire va davantage contrôler l'absentéisme de l'élève tout en envoyant des cartes d'absences aux parents et classer les certificats médicaux ainsi que les mots d'excuses. Sur un plan préventif, l'école propose un sas d'écoute en partenariat avec le CPMS et les enseignants pour écouter le jeune et éviter le décrochage scolaire (on s'intéresse au bien-être du jeune). La surcharge administrative et le manque de personnel limite l'investissement des éducateurs dans le soutien des élèves en difficulté. Le CPMS veille à l'épanouissement du jeune mais il ne peut répondre à toutes les demandes des écoles vu le nombre important de dossiers, le manque de personnel et le manque de temps. Le décrochage scolaire est géré au niveau interne, encore faut-il que le jeune soit présent.

L'AMO reçoit les jeunes et les parents en fonction de leurs demandes et tente de développer l'esprit critique du jeune en le responsabilisant face à son comportement et son renvoi scolaire. Si le jeune n'est pas en accord avec la sanction, le service va collaborer avec le service Droits des Jeunes pour vérifier si la procédure a été respectée. La démarche auprès de Droits des Jeunes n'est pas appréciée auprès des écoles. Pour l'AMO, un directeur doit respecter les procédures de renvoi. Cependant, l'ASBL comprend la difficulté de l'école de gérer les élèves difficiles au sein de l'établissement.

Si le jeune a perdu son statut d'élève régulier, l'AMO l'accompagnera dans une démarche avec la DGEO pour réinsérer le jeune au sein de son école. Aussi, l'AMO collabore avec les CPMS afin de travailler, avec l'accord du jeune et de la famille, le retour à l'école dans de bonnes conditions et de sensibiliser les usagers à l'autorité parentale et aux questions de responsabilité. L'AMO propose également aux jeunes qui ont des difficultés avec l'autorité et les règles des activités inter-sportives. Le décrochage scolaire est traité avec l'accord du jeune (et sa famille) exprimant sa volonté d'accrocher à l'école. La difficulté est que généralement ces jeunes n'aiment pas l'école.

Pour le Service Jeunesse et Famille, le décrochage scolaire est une priorité, l'objectif étant
d'enrayer la problématique du décrochage scolaire et d'identifier les jeunes susceptibles de
glisser dans la délinquance. Le décrochage scolaire est ciblé comme un indicateur de la

délinquance. Le SJF se positionne comme un service de référence pour les écoles. Il contrôle les jeunes en rue et envoie des courriers aux écoles et aux parents pour signaler l'absentéisme. Le SJF prévient le jeune et la famille des sanctions éventuelles et, en fonction de la situation, les orientent vers des services d'aide sociale visant la réinsertion du jeune au sein de l'école et/ou vers des structures de soutien psychologique. Si la situation du jeune est problématique, un procès verbal peut être envoyé au Parquet pour des sanctions éventuelles. La gestion du décrochage scolaire s'effectue par un rappel de la loi, de l'obligation scolaire et des sanctions que le jeune et la famille risquent d'encourir. La surcharge de travail et le manque de personnel est un frein dans les suivis des dossiers et dans les contrôles en rue.

L'AAS se positionne à partir des ses objectifs stratégiques (diminuer le décrochage scolaire et le sentiment d'insécurité) comme un service de référence et un maillon qui centralise et coordonne le décrochage scolaire sur le territoire louvièrois en gérant la Commission Accrochage Scolaire. Cette Commission présente les acteurs traitant le décrochage scolaire, les nouvelles lois ou les Décrets qui traitent de la problématique et propose des outils et des pistes d'actions en concertation avec les participants pour diminuer le décrochage. D'une part, l'éducateur du service va à la rencontre des jeunes décrocheurs pour tenter de les ramener à l'école ; d'autre part, avec l'assistant social du service, il propose une écoute, un soutien, un accompagnement et une orientation vers les services pouvant venir en aide au jeune. La difficulté est qu'il est difficile de trouver une école qui intègre les jeunes ayant un comportement jugé problématique et qui ne respectent pas les normes scolaires. Le décrochage scolaire est géré avec le réseau que l'AAS a mis en place. L'AAS reçoit un nombre important de relais par la Police et le Parquet car ce sont eux qui reçoivent les plaintes et contrôlent des jeunes. Ensuite, l'AAS relaie vers les services locaux compétents pour insérer le jeune et éviter qu'il reste en rue.

Comme nous le constatons, les acteurs se distinguent selon les missions de leur organisation et leur réalité de terrain. L'école et le SJF s'inscrivent dans une logique de contrôle de l'absentéisme scolaire. Le contrôle se gère au sein de l'école et au niveau extra-muros par la Police et l'AAS, dans une certaine mesure138. Il existe une complémentarité dans la gestion administrative du décrochage scolaire entre les acteurs scolaire et judiciaire. Cependant, il

138La prévention du décrochage scolaire au sein des écoles est de la responsabilité de la Communauté française (l'acteur scolaire). En revanche, le travail de prévention en ce qui concerne les jeunes se trouvant en rue est de la responsabilité du Fédéral (Ministère de l'Intérieur, les acteurs judiciaire et communal). La collaboration entre les différents opérateurs est incontournable dans la mesure où ces jeunes sont sensés être - sous-contrôle- à l'école.

faut souligner le sentiment d'impuissance de l'école pour gérer ce type d'élève malgré les tentatives d'aides sociales. A contrario, l'AMO et le CPMS ne s'inscrivent pas dans une logique de contrôle mais de solidarité tenant compte des difficultés scolaires du jeune. L'AAS a une position plus ambiguë dans sa façon de gérer le problème : même si le service collabore avec un réseau d'aide sociale, il est l'intermédiaire de la police et du Parquet par rapport à certains dossiers - les échanges d'informations entre ces services peuvent influer sur leur gestion du dossier du jeune (n'est-ce pas une façon de contrôler la situation du jeune et de le sanctionner s'il ne respecte pas certaines démarches pour s'insérer dans les circuits socio- éducatifs ?).

Enfin, on retrouve une convergence quant aux limites des services et de la complexité de gérer la problématique du décrochage scolaire. Il est difficile de travailler seul pour soutenir les jeunes, cela demande de s'ouvrir aux autres organisations susceptibles d'apporter des réponses adaptées.

Les acteurs et les Décrets favorisant la collaboration :

L'acteur scolaire : Le directeur de l'école ne relève pas les Circulaires favorisant la collaboration autour du décrochage scolaire avec d'autres acteurs. L'éducateur se réfère à l'AAS et à la CAS pour expliciter les Décrets existants. Le CPMS reconnaît la Circulaire 1972 et s'en inspire (relais vers la DGEO, les équipes mobiles) 139.

L'acteur issu du milieu associatif : Le directeur de l'AMO souligne que malgré la multitude de décrets, on n'empêchera pas les gens de collaborer ou de ne pas collaborer entre eux. Selon lui, ce sont les gens qui décident en fonction de leur envie car, pour collaborer, il faut être plusieurs (ex : l'AMO ne peut pas travailler avec la Police ; cependant, si elle estime que cela est pertinent, la collaboration peut exister. L'AMO doit travailler avec les écoles ; néanmoins, si celles-ci ne veulent pas collaborer, l'AMO ne peut qu'accepter cette décision140).

L'acteur judiciaire : La collaboration est soutenue par la PLP 41 mais, selon l'agent de quartier, cela n'empêche pas les écoles de rester réticentes aux partenariats (ce sont les contacts qui génèrent les collaborations et non pas les Circulaires) 141.

L'acteur communal : C'est lui qui diffuse et explicite les recommandations et les textes légaux dans le cadre de la CAS.

139Annexe 3, acteur scolaire, p.9.

140Annexe 3, acteur issu du milieu associatif, p.28. 141Annexe 3, acteur judiciaire, p.44.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand