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Presse congolaise et son financement

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par PASSI BIBENE
Senghor dà¢â‚¬â„¢Alexandrie - Master 2013
  

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4 Quelques pistes pour renforcer la qualité et indépendance des média 

À travers ce chapitre seront exposés un idéal et non une recette toute faite grâce à laquelle la situation de la presse écrite congolaise pourrait s'améliorer. En clair, il s'agit ici d'une esquisse de pistes de solutions pour aider les organes d'information congolais à aller vers une autonomie financière, à trouver un modèle économique pour se viabiliser économiquement. Ainsi, une action doit être envisagée à deux niveaux, à savoir du côté des pouvoirs publics et du côté des promoteurs des médias.

4.1 Théorisation

« Des médias libres et indépendants sont un instrument important du développement. Ils favorisent une évolution positive en ce qui concerne les pratiques économiques et sociales, la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption et l'accès aux services sociaux essentiels [...].»102(*). À notre sens, l'importance de l'indépendance de la presse ne réside pas seulement dans le développement économique, mais également dans la stabilité sociale. Raison pour laquelle le développement des médias de la société civile peut constituer un motif d'espoir pour une information neutre et dépassionnée. Cependant, il convient de définir et circonscrire les contours de ce qu'on entend par indépendance de la presse et/ou du journaliste.

Forgée par la philosophie libérale anglaise au XVIIIe siècle, la liberté de la presse s'appuie sur trois piliers essentiels : l'indépendance d'un média par rapport à l'État, le pluralisme de l'information et l'autonomie financière d'une entreprise médiatique (Oloyode 2005, p.102). Sous cet angle, une presse libre correspond à une presse privée qui ne dépend pas financièrement ou économiquement de l'État. En 1991 à Windhoek, l'Unesco avait, dans l'article 2 de sa déclaration, approuvé cette vision libérale de la liberté de presse en précisant qu'une presse indépendante est « une presse sur laquelle le pouvoir public n'exerce ni emprise politique ou économique, ni contrôle du matériel et des équipements nécessaires à la diffusion des journaux, magazine et périodiques ». Consacré au pluralisme médiatique, l'article suivant (Art.3) définit la presse pluraliste comme « la suppression des monopoles de tous les genres et l'existence du plus grand nombre possible de journaux, magazine et périodiques reflétant l'éventail le plus large possible des points de vue de la communauté ». Aujourd'hui toutefois, le champ de cette indépendance ne se limite plus à la seule opposition au pouvoir politique. Une liberté vis-à-vis du cordon de la bourse des lobbies économiques complète la définition de l'indépendance des médias et l'élargit aux différentes contraintes (économiques et sociales) auxquelles les chevaliers de la plume sont souvent soumis.

Au regard de ce prologue, l'indépendance de la presse congolaise et de ses acteurs n'est pas chose évidente pour deux raisons principales. D'abord, pour un journaliste professionnel qui ne « tire pas l'essentiel de ses revenus de l'exercice de son métier »103(*), l'intégrité morale n'est pas garantie. Car une indépendance d'esprit pour un journaliste passe par un salaire décent qui le met tant soit peu à l'abri du besoin. Ensuite, quelle que soit la bonne volonté des journalistes ou des éditeurs, le modèle économique construit sur le « per diem » ou celui ayant la publicité comme principale source de financement expose malheureusement aussi bien l'éditeur que les chevaliers de la plume et du micro à une dépendance, pour des raisons économiques, vis-à-vis des principaux annonceurs ; en l'occurrence, les institutions publiques et les sociétés de téléphonie mobile. Or, comme nous l'avons vu supra, certaines entreprises privées craignent de s'afficher dans les médias dits de l'opposition (ou indépendants) pour ne pas être taxées de soutien à l'opposition. Dès lors, l'indépendance à l'égard des pouvoirs publics n'existe plus. C'est en fait l'indépendance dans la multidépendance. On peut simplement parler d'une indépendance d'esprit dont les contours définitionnels et l'effectivité sont des questions d'éthique individuelle.

Car, « la presse est entièrement dépendante de forces extérieures »104(*). Cette conception cadre avec la démonstration faite par Jérémie Nollet, en référence à la théorie de la double dépendance des médias [aux pouvoirs politiques et économiques] de Patrick Champagne, quand il soutient que « le journalisme doit ses conditions d'existence (et donc une partie de ses modalités de fonctionnement) aux champs politiques et économiques (et donc à leurs logiques) : l'indépendance gagnée sur l'un des deux l'étant très souvent au prix d'une dépendance accrue à l'autre ».105(*) Dans le cas du Congo, le champ politique est presque indissociable du champ économique étant donné que le secteur économique est sous développé, faisant des milieux politiques des potentiels pouvoirs économiques.

En réalité, malgré « l'indépendance » proclamée des médias sous les termes de liberté d'expression et/ou pluralisme de l'information, les pouvoirs publics tiennent toujours la presse entre leurs mains, puisqu'ils peuvent la priver de subsides sans toutefois demander la fermeture ou la suspension d'un titre. Ce qui sous-entend que la situation pléthorique dans laquelle patauge la presse congolaise, outre mesure, profite au pouvoir public. Cette pléthore de titres peut paradoxalement se révéler dangereuse en ce que chaque nouveau titre représenterait une menace au pluralisme de l'information (plutôt que le contraire), donc à la démocratie. Ainsi, le pluralisme médiatique de notre presse comporte des dangers qui lui sont propres. Ce qui signifie que le fait qu'il existe plusieurs journaux ne garantit pas nécessairement le pluralisme de l'information qu'il convient de distinguer du pluralisme médiatique. Par exemple, il existait bel et bien un pluralisme médiatique entre 1963 et 1990, mais cela n'a nullement occasionné le pluralisme de l'information. Exerçant le monopole de l'information, le parti-Etat avait en même temps le monopole de la vérité : l'information officielle relayée par tous les médias de l'époque était considérée comme vérité officielle. Et cette pratique peut donc s'exercer au mépris de la clause de conscience.

La clause de conscience

Considérée comme la garantie par excellence de l'indépendance professionnelle du journaliste vis-à-vis de son employeur, la clause de conscience est le premier levier susceptible de libérer le professionnel de la presse du joug patronal. Grâce à cette disposition offrant au journaliste la possibilité de quitter une rédaction lorsqu'une nouvelle orientation éditoriale heurte sa conscience ou sa morale, chaque professionnel, théoriquement, peut se prévaloir d'une indépendance ou autonomie d'esprit106(*). Seulement, comment soutenir et tenir pareille insoumission quand il est établi que le journaliste est avant tout un être humain, c'est-à-dire, un être appartenant à une race, une ethnie, un clan, une confession religieuse ou une religion ; un père (une mère) de famille, ou du moins un être ayant une sensibilité politique/idéologique et/ou un être soumis à des pressions sociales, économiques voire familiales ? Si le journaliste peut se placer au-dessus de toutes ces forces extérieures, comment doit-il en revanche réagir au devoir de subordination que lui impose le droit du travail ?

Il convient de bien situer le lien de subordination, indique Jean Marie Tchakoua en distinguant d'un côté l'idée selon laquelle un contrat de travail suppose la subordination du salarié à son employeur et, de l'autre l'inaliénabilité de la liberté du journaliste dans l'exercice de son métier. D'où l'on retient de sa conclusion qui se fonde sur « une liberté dans ou malgré la subordination »107(*), que ces deux contraintes ne sont pas inconciliables. L'interdépendance entre ces différentes variables n'est pas à notre avis de nature à dédouaner le journaliste du poids de toutes les sources de pression. Dans un article consacré à la Crise de l'indépendance de la presse au Congo108(*), Nadège Ela pose un diagnostic intéressant en distinguant des journalistes employés du secteur public et ceux du secteur privé.

«Dans le premier cas, les professionnels de la communication sont des fonctionnaires et des apparentés, donc soumis au statut de tout employé de l'État. En l'absence de toute autre législation protégeant sa liberté de conscience, il obéit aux injonctions de son employeur - l'État - propriétaire de son outil de travail et détenteur du cordon de la bourse. Jusqu'à ce jour, la démocratie n'a pas constitué à ce sujet une garantie. Bien au contraire, le contrôle des médias d'État s'est toujours renforcé. La politisation des communicateurs n'est pas désaccélérée, le traitement "orienté" de l'information reste de mise, la tendance à la légitimation de la pensée unique, celle des partis au pouvoir et des lobbies a toujours été forte. Le pluralisme s'est sitôt rétréci au bénéfice de "l'idéologie dominante" du régime en place : ici toute "bonne" vérité est officielle. » Ce qui expliquerait, en partie, pourquoi la plus grande partie de sujets traités par la presse congolaise porte sur la couverture des activités institutionnelles (voyages du chef de l'État, des ministres, députés, sénateurs ; séminaires de renforcement de capacité à gauche et coupure d'un ruban symbolique à droite) tant dans les médias publics que privés.

Pour le cas du secteur privé, l'influence des milieux politiques est plus qu'avérée par le fait que les acteurs politiques représentent environ plus de la moitié des commanditaires ou promoteurs des entreprises/organes médiatiques. L'universitaire Nadège Ela affirme d'ailleurs que la création d'un organe n'a, ici, jamais été innocente. Ceci est d'autant plus vrai qu'on assiste souvent à la mise en ondes de nouvelles stations de radio télédiffusion et à la publication de nouveaux périodiques à la veille des échéances électorales.

La piste de l'indépendance de la presse congolaise se referme finalement sur une impasse dont l'issue serait la voix de la neutralité, de l'objectivité ou de l'impartialité.

* 102 Luc Grégoire, économiste principal, PNUD, «Pourquoi le bon journalisme est indispensable au développement», journée mondiale de la liberté de la presse (2005)

* 103 Articles 3 et 19 de la Convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC.

* 104 Michael Schudson, Le Pouvoirs des médias; Paris, 2001; P.253

* 105 Sous la direction de Ivan Chupin et Jérémie Nollet, Journalisme et dépendances, Paris, 2006; P.16

* 106 C'est la formule de la Convention collective cadre des journalistes de l'espace CEEAC; Art.14

* 107 Convention collective cadre des journalistes dans l'espace CEEAC, document édité avec l'appui de l'OIF; Brazzaville, Décembre 2008;p.76

* 108 In Le Creima N°11 de 2006, La crise de la liberté de la presse au Congo, p.3

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