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Le processus de légitimation du jeu vidéo


par Germain Bridoux
Sciences-po Lille - M2 - Stratégie et Communication des Organisations 2019
  

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MÉMOIRE DE RECHERCHE

Le processus de légitimation du Jeu Vidéo
Parcours et enjeux d'un dixième art.

1

Sciences-po Lille, année universitaire 2017-2018.

Master 1 - SGO/CPC

Germain Bridoux, sous la direction de Monsieur Julien Boyadjian

2

Sciences po Lille de Lille n'entend donner aucune approbation ni improbation aux thèses et
opinions émises dans ce mémoire de recherche. Celles-ci doivent être considérées comme
propres à leur auteur.

J'atteste que ce mémoire de recherche est le résultat de mon travail personnel, qu'il cite et
référence toutes les sources utilisées et qu'il ne contient pas de passages ayant déjà été utilisés
intégralement dans un travail similaire.

3

Remerciements

Je tiens à remercier mon directeur de mémoire, Monsieur Julien Boyadjian, pour m'avoir
accompagné tout au long de la construction et de la rédaction de ce mémoire de recherche. Ses
conseils m'ont été précieux.

Merci également à monsieur Romain Sephy et monsieur François Frimat pour avoir accepté les
entretiens. Nos discussions ont été d'une grande aide.

Merci également à ma famille, pour son soutien, sa patience et sa compréhension.

Enfin, je tiens à remercier Audrey, mes amis et le Collectif du 26 pour avoir créé des moments
de discussion, de concertation et de rédaction indispensables à l'émergence d'idées nouvelles
et à la rédaction d'un travail de cette ampleur.

4

SOMMAIRE

Page de garde 1

Remerciements 3

INTRODUCTION 5

Partie 1 : Parcours du Jeu vidéo : des bornes d'arcade au débat sur « l'artisticité ». 14

I) L'art dans le jeu vidéo : parcours, évolution et réflexions historiques. 14

II) Le jeu vidéo est-il un art ? Le débat épique. 25

Partie 2 : La légitimation du Jeu Vidéo comme "Dixième Art" : Enjeux et acteurs. 36

I) La légitimation du Jeux Vidéo : la création d'une nouvelle dynamique 36

II) Une perspective globale : un enjeu au-delà du dixième art. 48

Partie 3 : Processus de légitimation dans les nouveaux medias 56

I) La légitimation du cinéma : un cas d'école pour le jeu vidéo. 56

II) Le parcours de légitimation : un processus normé et automatique ? 61

CONCLUSION 69

Bibliographie 72

Annexes 79

Table des matières 109

5

INTRODUCTION

"L'art n'est légitimé que par comparaison et la comparaison ne peut se faire qu'avec ce qui est déjà légitime ». Marcel Duchamp

o Définition de l'objet d'étude.

« Mais, Mario, comment reconnais-tu que c'est un jeu ? Ta définition est parfaitement circulaire : un jeu vidéo est un jeu dans lequel on joue avec de la vidéo, me dis-tu. Mais quelle vidéo ? Et comment savoir à coup sûr que nous avons affaire à un jeu ? Par quels critères objectifs et infaillibles ? C'est là justement la question à laquelle nous n'arrivons pas à répondre, sans tourner en rond. ».

C'est ce dialogue fictif entre Mario (personnage du jeu Super Mario Bros sur la console NES) et Socrate qui sert de prologue au livre La Philosophie des Jeux Vidéo de Mathieu Triclot1. Le jeu vidéo est intrinsèquement lié à la notion de jeu, de ludique. Le jeu est protéiforme, son étude est transdisciplinaire. Les définitions du jeu sont aussi nombreuses que les domaines qui le considèrent comme un objet d'étude : "Activité inférieure, non adaptée au réel comme l'est le travail" (P. Janet), "Activité consistant dans la reproduction d'actions actuellement inutiles, mais qui, dans le passé de l'histoire de l'humanité, ont été des travaux." (St Hall), "Activité mettant en jeu une fonction sans qu'une fin particulière soit poursuivie (Bühler et Carr) et permettant à l'enfant de réaliser son moi quand il ne peut le faire par une activité sérieuse." (Claparede). Elles s'accordent sur un point : le jeu est une activité qui se déroule dans un temps et un espace défini, le jeu obéit à un ensemble de règles et le jeu peut s'affranchir de liens avec la réalité. En ce sens, le jeu vidéo pourrait se comprendre comme un jeu d'images, une activité ludique inutile, sans fin particulière.

Cependant les définitions données au jeu vidéo peuvent l'affranchir du jeu. Le joueur de jeu vidéo obéit à un ensemble de règles, mais toutes ne sont pas connues du joueur, seul le

1 Mathieu Triclot, Philosophie des jeux vidéo, La Découverte, coll. Poches Sciences, 2017, 304p.

6

concepteur de jeu les choisis et les connait pour mener à bien le processus de développement. Il faut également noter que le jeu vidéo ne s'affranchit pas complètement du lien avec la réalité pour se situer dans l'imaginaire puisque l'interaction avec la console ou l'ordinateur fait conserver un lien physique obligatoire avec la réalité. Grace à ses différences de fond et de forme majeures, le jeu vidéo peut donc se percevoir tantôt comme un sous-champ du jeu, tantôt comme un dépassement de celui-ci. Force est de constater que le jeu et le ludique ne sont pas au débat pour accéder au rang d'art. Ils sont analysés tantôt du point de vue de la culture ou des moeurs, tantôt du point de vue cognitif ou psychologique.

Héritier du jeu, le jeu vidéo est un nouvel objet qui se détache de son aîné. L'apparition du jeu vidéo comme objet culturel est lié à la démocratisation des ordinateurs personnels. Les premiers jeux sont des programmes développés dans les instituts de recherche informatique (comme le Massachussetts Institute of Technology, MIT). Le terme « jeux vidéo » n'apparait que dans les années 1970, quand ils sont distribués en grande surface et accessibles à un public large. Le jeu vidéo se développe d'abord sur des bornes d'arcade payantes, les parties sont à durée limitée et les jeux ne présentent qu'un intérêt limité. C'est le magazine Tilt, qui apparait en 1982 en France, qui rassemble une communauté de joueurs. Le jeu vidéo dépasse alors la sphère marchande pour proposer une réflexion sur lui-même et sur les loisirs ou la culture en général. C'est à cette période (fin des années 1980 - milieu des années 1990) que sont produites les premières analyses sur ce nouveau medium qui plaident pour en faire un objet d'études à part entière. Seulement, la difficulté de séparer le jeu vidéo du « jeu » et de la « vidéo » cantonne les recherches à le lier à d'autres medias ou à d'autres champs de recherche (comme la psychologie, les sciences cognitives, les sciences technologiques ou même le marketing).

Le jeu vidéo est alors défini, soit d'un point de vue « essentialiste » comme l'ensemble des dispositifs ludiques électroniques basés sur un principe d'interaction (Mathieu Tricot, Samuel Coavoux, Vincent Berry), soit d'un point de vue « social » comme « ce à quoi joue la personne dont on dit qu'elle joue aux jeux vidéo »2. Le jeu vidéo se réduit donc par ces définitions aux jeux sur consoles, sur ordinateur voire sur téléphone mobile. Ces deux définitions se rejoignent dans

2

7

l'analyse proposée par les Game Studies. Les Game Studies sont un champ de recherche pluridisciplinaire consacré à l'étude du jeu. C'est dans la revue scientifique Game Studies lancée en 2001 par Espen Aarseth que les Game Studies ne s'intéressent non plus au jeu « traditionnel » mais également aux jeux vidéo.

o État de la recherche.

L'apparition des consoles dites de « Cinquième Génération »3 (Playstation et Nintendo 64 entre autres) attire un public de joueurs de plus en plus large. La portée sociale et culturelle du jeu vidéo le place alors comme un objet de recherche valable et la recherche sur le jeu vidéo s'institutionnalise avec la multiplication des articles scientifiques anglophones. Pourtant, dans le champ de l'étude, les Game Studies restent une catégorie critiquée pour la polarisation qu'elle apporte au débat. Loin de considérer le jeu vidéo comme un objet d'étude à part entière, celui-ci est toujours lié aux débats sur le jeu et le ludique. Les études sur le jeu vidéo se limitent à ceux auxquels les chercheurs jouent ou qu'ils étudient, sans prendre en compte les réalités de la communauté de joueurs. Le biais le plus courant dans l'analyse sociale des jeux vidéo est l'intérêt grandissant (parfois quasi-autarcique) pour les MMORPG 4 . A ce propos, Mathieu Triclot, philosophe qui travaille sur le jeu vidéo, répond dans un entretien au journal Libération le 13 juin 2016 :

« Je pense que les MMORPG ont été aussi importants dans la légitimation des jeux vidéo [...] parce que ça permettait de dire : ah mais regardez, en fait, ces pauvres joueurs, avachis devant leurs écrans, ils sont sociaux, ils sont sociables, ils sont pas désocialisés, ils ont des sociabilités en ligne. Alors vous imaginez c'est génial, si vous êtes sociologue, vous pouvez aller étudier les sociabilités en ligne, c'est cool. Alors que c'était une pratique CSP+, ultra minoritaire parmi toutes

3 On situe le début de cette génération 1993 avec la console Saturn et la fin en 2006 avec la maitrise de la 3D sur Playstation 2. Un historique complet est disponible en Annexe 1.

4 MMORPG : « Massively Multiplayer Online Role-Playing Games », ou « jeu de rôle en ligne massivement multijoueur » en français. Neverwinter Night (1991, AOL) est considéré comme le premier et World Of Warcraft (1994, Blizzard Entertainment) comme le plus connu.

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les pratiques, mais elle a joué un rôle symbolique extrêmement important dans le discours de légitimation autour des jeux.»

Et aussi

« Samuel Coavoux avait fait une revue de littérature en regardant les jeux cités dans les articles des games studies. [...] Il comparait les jeux cités effectivement dans la littérature aux jeux réellement pratiqués... Et on voit qu'il y a un écart juste absolument considérable, et qu'en réalité les chercheurs étudient, sous les noms d'études de jeux vidéo, étudient leurs propres pratiques. ».

La recherche sur les jeux vidéo semble donc osciller « analyse sociale » coupée d'une réalité des pratiques et un débat éternel, quasiment intrinsèque. Ce deuxième débat, c'est celui qui anime les Game Studies depuis leur fondation. Il oppose deux approches du jeu, et donc du jeu vidéo. La première, c'est l'approche dite « narratologique » : le jeu vidéo est d'abord un ensemble d'hypertexte5. Il devrait être analysé du point de vue de sa narrativité, analysé comme « la combinaison entre une intrigue « programmée » et matérielle et l'expérience de cette intrigue par le joueur»6. La deuxième est l'approche « ludologique » : le jeu vidéo serait d'abord une pratique ludique dans un temps, un espace et avec des règles définies et cette pratique ludique a une dimension sociale et des effets sur le joueur. La recherche est longtemps restée polarisée entre ces deux approches, jusqu'à la constitution du jeu vidéo comme un objet de recherche à part entière, sous-champ qui s'écarte des Game Studies. La littérature grise (tests de jeux vidéo7, articles amateurs, réflexions de joueurs...) ne prenant que très peu part au débat ludologie/narratologie, le jeu vidéo est de plus en plus considéré comme un medium spécifique. Il répond à la fois à des logiques narratologiques et ludologiques mais aussi à des logiques autres, loin de ce débat bipolaire8. Le consensus est trouvé parmi les chercheurs dans les appellations

5 Technique ou système permettant, dans une base documentaire de textes, de passer d'un document à un autre selon des chemins préétablis ou élaborés lors de la consultation (Larousse, 2018).

6 Marc Marti, « La narrativité vidéoludique : une question narratologique », Cahiers de Narratologie, numéro 27, 2014.

7 Un exemple de test du jeu vidéo Journey (Thatgamecompany, 2012) est fourni en Annexe 3.

8 Voir les travaux de Sebastien Genvo sur la ludologie narrative et le numero de la revue Ludologie de mai/juin 2018.

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« ludologie narrative » ou « narration ludique »9. Une fois l'objet défini, cadré, les recherches sur le jeu vidéo transcendent cette ancienne question. C'est la communauté de joueurs et le corps de métier des travailleurs du jeu vidéo qui recentre le débat sur les notions de gameplay, de gamefeel ou de gamedesign10. Une définition consensuelle est trouvée dans les travaux de Gonzalo Frasca :

« Le jeu vidéo inclus toute forme de logiciel informatique de divertissement, qu'il soit à base de textes ou d'images, utilisant une plateforme électronique, comme un ordinateur personnel ou une console, impliquant un ou plusieurs joueurs dans un environnement physique ou en réseau »11.

Encadré 1: Gameplay, Gamefeel, Gamedesign.

Le Gameplay, le Gamefeel et le Gamedesign sont trois termes anglo-saxons qui font référence à la création d'un jeu vidéo ou aux sensations procurées par celui-ci. Les termes ne sont pas traductibles en français. Le gameplay désigne les éléments d'une « expérience vidéo-ludique », c'est-à-dire le ressenti du joueur quand il s'adonne au jeu vidéo. Il est parfois traduit par « jouabilité » bien que ce terme dénature un peu le propos (ce n'est pas parce qu'un jeu est « jouable » qu'il propose une expérience). Le gamefeel est un terme popularisé par Steve Swing et regroupe les aspects mineurs ou majeurs d'un jeu (temps de réponse du medium, ambiance sonore, images par seconde...) qui rend la sensation de jeu intangible, unique et tactile. Enfin, le gamedesign est le processus de création et de mise au point des règles, des niveaux et autres éléments constitutifs du jeu dans un ensemble cohérent et interactif. Les trois termes sont différents et participent tous les trois à créer ou penser une spécificité du jeu vidéo.

o Enjeux et but du mémoire de recherche.

Ce mémoire de recherche se situe dans la continuité des recherches d'Alain et Fréderic Le Diberder. La réflexion qu'ils opèrent dans Qui a peur du jeu vidéo ? (La Découverte, Paris, 1993)

9 Voir par exemple pour cette résolution : Alexandre Béland-Bernard, Narration ludique ou ludologie narrative : réconciliation de la ludologie et de la narratologie dans le discours universitaire sur le jeu vidéo, particulièrement en ce qui concerne le jeu de rôle. Masters thesis, Concordia University, 2007.

10 Voir Encadré 1.

11 Gonzalo Frasca, « Ludology Meets Narratology : Similitudes and Differences between (Video) Games and Narratives», Ludology, Disponible en ligne : www.ludology.org/articles/ludology.html, traduction par nos soins.

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a fait date. Ce fut la première fois que des chercheurs associaient les jeux vidéo au dixième art. De la même manière, les recherches sur la spécificité du jeu vidéo portés d'abord par les travaux sur le Game Design de Chris Crawford12 et sur le Game Feel par Steve Swink13 permettent de définir une certaine spécificité du jeu vidéo dans le champ de l'art ou des médias.

Les travaux qui définissent le jeu vidéo non plus comme une pratique mais comme un objet culturel, un objet d'étude, dépassent ce qui avait été fait par les Game Studies. La question est maintenant de savoir si, une fois accepté comme un objet de recherche valable et comme un objet culturel transgénérationnel, le jeu vidéo pourrait être considéré comme un art. Pour Marcel Mauss l'objet d'art, par définition, est celui reconnu comme tel par un groupe14. Ce mémoire de recherche s'intéresse donc à savoir comment se positionne la communauté qui s'est constituée autour du medium vidéoludique par rapport à la question de l'art, pour savoir si la définition de l'art par Marcel Mauss s'applique ici. Ensuite, si la notion d'art regroupe des idées d'esthétique (A. Baumgarten, Aesthetica) ou d'interaction (comme analysée par Gérard Genette15). Il faut comprendre où se situe le jeu vidéo dans cette catégorisation. Notre analyse ne cherche pas à définir le jeu vidéo par rapport à la philosophie de l'art. Il nous faut cependant recontextualiser et définir les conditions d'accès aux arts légitimes pour comprendre le processus qui se joue. Il s'agit aussi d'expliquer ce que représenterait une consécration pour le jeu vidéo, pour ses acteurs, son industrie, ses travailleurs ou ses joueurs. Une pratique qui acquiert des lettres de noblesse subit forcement une transformation dans sa manière d'être et de se produire : il faut dévoiler ce que cela représente pour le jeu vidéo.

Par l'explication de son histoire mise en comparaison avec le cinéma, il est possible de comprendre le « parcours de légitimation » qui se met à l'oeuvre dans le jeu vidéo, medium plutôt récent par rapport aux autres arts déjà adoubés (voir Annexe 1). C'est ce parcours (ou processus) de légitimation qui est au coeur de ce mémoire de recherche. Ici, le mot « légitimation » se

12 Chris Crawford, The Art Of Computer Game Design, McGraw-Hill/Osborne-Media, Berkeley, 1984. 113p.

13 Steve Swink, Game Feel: A Game Designer's Guide to Virtual Sensation, CRC Press, 2008.

14 Marcel Mauss, Manuel d'ethnographie [Cours professé entre 1926-1939], Payot, Paris, 1971.

15 Gérard Genette, L'OEuvre de l'art, Paris, Seuil, coll. poétique, 1994.

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comprend au sens de « consécration » ou de « adoubement ». Pierre Bourdieu définit le légitime comme :

« Un mot technique du vocabulaire sociologique que j'emploie sciemment, car seuls des mots techniques permettent de dire, donc de penser, de manière rigoureuse, les choses difficiles. Est légitime une institution, ou une action ou un usage qui est dominant et méconnu comme tel, c'est-à-dire tacitement reconnu. »16.

Le duo méconnaissance-reconnaissance pourrait s'appliquer au cas du jeu vidéo. Le mot « légitimation » est ici à prendre dans l'expression « legitimation and recognition » (« Légitimation et reconnaissance ») qui décrit l'acceptation générale par la société, les institutions et les champs de la recherche et de la philosophie d'une forme d'expression ou de création comme artistique. Notre travail de recherche s'inscrit donc à la fois dans la continuité de l'article de Felan Parker « an Art World For Artgames »17, qui fait état des prérequis à un jeu vidéo (ou au jeu vidéo de manière générale) pour être reconnu comme une forme d'art. L'article relate également le processus qui s'engendre quand le débat autour de la légitimation s'engage. Les travaux de Mathieu Triclot sur la Philosophie des Jeux Vidéo (2011, La Découverte) ont également un écho particulier, ils expliquent les raisons qui incitent la communauté vidéoludique à se lancer dans un tel débat. Travail qui fait date et qui reviendra également plusieurs fois pendant notre mémoire : Qui a peur des jeux vidéo ? De Alain et Fréderic LeDiberder (1993, La Découverte), réédité plus tard sous le titre L'Univers des jeux vidéo, et qui intitule pour la première fois un chapitre : « le jeu vidéo comme dixième art ». À travers l'évolution du jeu vidéo et grâce aux débats et aux intérêts qui animent les différents acteurs du milieu, pouvons-nous rendre compte d'un processus de légitimation ?

16 Pierre Bourdieu, Homo academicus, Paris, Les Éditions de Minuit, coll. « Le sens commun », 1984, 302 p.

17 Felan Parker, «An Art World For Artgames», Loading..., Simon Fraser University, 2013, 59 p.

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o Considération méthodologique et présentation du plan.

Ce travail est en partie la compréhension de l'avancée des recherches sur le jeu vidéo, doublé d'une réflexion pour définir un parcours de légitimation général, qui sera mis à l'épreuve avec une analyse de l'évolution du cinéma. Deux entretiens viennent appuyer les considérations sur l'avancement actuel du processus de consécration, et sur les enjeux du champ de la recherche : un entretien avec Romain Sephy, graphiste et Game Designer chez Ankama Production et un entretien avec François Frimat, philosophe de l'art et professeur à l'université de Lille III. Ces deux entretiens servent à cerner les réalités et les enjeux actuels des acteurs de l'industrie et du débat sur le jeu vidéo comme dixième art. Ils sont mis en comparaison avec des articles de journaux, des reportages, des notes d'intention de studios de développement...L'Agence Française pour le Jeu Vidéo (qui sera dénommé AFJV tout au long de ce travail) ayant refusé d'accorder un entretien, sa position vis-à-vis du débat sera considérée en fonction de ses actions sur le terrain et de sa prise de parole dans l'espace public et dans la communauté vidéoludique (à travers la littérature grise à disposition, notamment les notes, les articles, les déclarations et autres compte-rendus). Il en va de même pour le ministère de la culture ou le Fond d'aide à la Création de Jeu Vidéo. Pour la traduction, les termes spécifiques anglo-saxons dont la transcription en français dénaturerait le sens resteront inchangés, les extraits traduits le seront toujours par nos soins, dans le cas contraire, le traducteur sera identifié en note de bas de page. En accord avec les travaux précédents, les différents jeux vidéo seront référencés comme ceci : Nom du Jeu (Studio de développement, Année de Sortie).

Dans une première partie, le but est de présenter le parcours du jeu vidéo, sa spécificité et sa réflexion sur lui-même. Il s'agit de le positionner sociologiquement et "philosophiquement", en tant qu'objet d'étude mais aussi par rapport au contexte actuel de consommation et de création. Il faut également démontrer que le jeu vidéo a un parcours suffisamment spécifique pour se démarquer des autres arts, mais assez similaire pour prendre la suite du cinéma.

L'objectif de la deuxième partie est de comprendre les forces et les acteurs qui entrent spécifiquement en jeu dans ce processus de légitimation. Il faut montrer le point de vue du

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"milieu de l'art" (musée, exposition, réflexion), de celui de la "communauté" (Joueurs, développeurs, designers, modes, passionnes), de celui de la recherche, des pouvoirs publics... Ces milieux répondent à des motivations différentes, mais qui ont parfois des intérêts convergents.

La troisième et dernière partie a pour but d'expliquer que tous les nouveaux medias, les nouvelles pratiques, impliquent forcément un débat de fond (parfois politique, philosophique) sur leur place en tant qu'art et répondent donc à un processus de légitimation, qui pourrait être défini comme général et inéluctable.

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984