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Apprentissage implicite de régularités: Mise en évidence d'une différence d'apprentissage entre tâches motrices continues et discrètes

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par Stéphanie Chambaron Ginhac
Université de Bourgogne - Doctorat 2005
  

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UNIVERSITE DE BOURGOGNE - UFR DE SCIENCES HUMAINES

Département de Psychologie

Laboratoire d'Etude des Apprentissages et du Développement

CNRS - UMR 5022

Apprentissage implicite de régularités :

Mise en évidence d'une différence d'apprentissage entre tâches motrices continues et discrètes

Thèse de Doctorat

De l'Université de Bourgogne

Mention Psychologie

Présentée par Stéphanie CHAMBARON - GINHAC

Sous la direction de Pierre PERRUCHET

Membres du Jury :

Axel CLEEREMANS,

Maître de Recherches FNRS, Université Libre de Bruxelles,

Rapporteur

Pierre PERRUCHET,

Directeur de Recherches CNRS, Université de Bourgogne, Dijon,

Directeur de thèse

Bernard THON,

Professeur des Universités, Université Paul Sabatier, Toulouse,

Rapporteur

Annie VINTER,

Professeur des Universités, Université de Bourgogne, Dijon,

Président

09 Décembre 2005

à Jules

Remerciements

La thèse constitue une expérience intense, passionnante et marquante. Je tiens à remercier en tout premier lieu mon directeur de thèse Pierre PERRUCHET grâce à qui cette

« grande aventure » a été des plus agréables à vivre. Il a su me laisser libre de mes orientations tout en étant présent chaque fois que j'en ai eu besoin, que ce soit pour me fournir une idée importante au moment où j'en manquais ou bien pour me rassurer lorsque je doutais.

Il a su aussi me convaincre de faire certains choix qui ne me plaisaient pas a priori ou d'abandonner certaines formulations auxquelles je tenais dans nos articles. Il y est parvenu même si je suis un peu (beaucoup) têtue et je l'en remercie car, aujourd'hui, je le sais, il avait raison ! Enfin sa grandeur scientifique et sa gentillesse ont été pour moi de véritables atouts. Merci pour toute cette énergie, ces idées, ces intuitions. Je souhaite à tous les thésards d'avoir

le même encadrement et la même interaction que ceux dont j'ai bénéficié et qui ont rendu ces trois années de travail formidables à vivre.

Je tiens à remercier Axel CLEEREMANS de l'Université Libre de Bruxelles et Bernard THON de l'Université Paul Sabatier de Toulouse pour l'intérêt qu'ils ont porté à ce travail en acceptant d'en être rapporteurs.

Je remercie également Annie VINTER qui, au-delà de la participation à ce jury de thèse, a toujours été disponible pour me donner des conseils pertinents chaque fois que j'en eu besoin.

Cette thèse a été réalisée au sein du Laboratoire d'Etude de l'Apprentissage et du Développement (LEAD) UMR 5022 CNRS de Dijon. Je tiens à remercier son directeur, le Professeur Emmanuel BIGAND de m'avoir accueillie pendant ces trois années de thèse et pendant cette année d'ATER.

ii Remerciements

Mes plus grands remerciements vont bien évidemment à Dominique, mon mari. Ta

tendresse m'a toujours portée et ta finesse intellectuelle m'a fourni un cadre de vie extrêmement stimulant. J'ai même envie de dire que tu as « co encadré » cette thèse tellement

tu m'as entourée. Tu m'as soutenue pendant mes périodes de doutes, et tu m'as prodigué des encouragements répétés. Pour tout cela et pour ces années passionnantes, du fond du coeur : MERCI !

Après avoir remercié son papa, je tiens bien évidemment à remercier notre fils, Jules.

Ce petit bébé formidable a vu le jour le jour au début de ma deuxième année de thèse. Sa joie

de vivre a été un véritable stimulant au quotidien. C'est vrai que ça n'a pas toujours été facile

de jongler entre les couches et les biberons d'un côté et la préparation des cours et la rédaction d'articles de l'autre, mais au final, avec de l'organisation, tout se fait ! Jules, ta tendresse et

ton innocence m'ont permis de travailler avec plus de courage et de persévérance. Merci mon p'tit bonhomme !

La réalisation de cette thèse n'aurait pas été possible sans le soutien moral et affectif de mes parents Je les remercie de m'avoir donné un environnement (familial et matériel) idéal dans mon enfance et de m'avoir enseigné les valeurs essentielles (humilité, honnêteté et passion) avec lesquelles j'ai toujours essayé d'aborder mon travail scientifique. Merci Maman et Papa d'avoir su (parfois péniblement) me comprendre dans les moments les plus difficiles et de m'avoir toujours fait confiance. Sachez que je vous suis et que je vous serai toujours très reconnaissante.

Merci à mes indispensables ami(e)s qui ont su être là aux bons moments en me prêtant une oreille toujours attentive, en étant patients même si parfois mes préoccupations étaient à des années lumière des leurs, en supportant mes baisses de régime et m'encourageant toujours. Votre amitié m'est très précieuse et je tiens à vous dire par ces quelques lignes mon sincère et profond attachement. Merci : Marion (toujours en première ligne dans les bons comme les mauvais moments !), Steph, Alex, Myriam, Lydia, Jérôme et Virginie, Youyou, Marie

Claude (alias GTB) et bien sûr Lulu et Colette

Merci à Arnaud avec qui j'ai partagé mon bureau pendant une année. Tu as su être là pour répondre à mes questions scientifiques mais également quand mon moral n'allait pas trop... Ta gentillesse est vraiment à la hauteur de tes qualités scientifiques !

Remerciements iii

Merci également à Sandrine notre secrétaire, qui a énormément de travail au sein du

laboratoire mais qui a toujours du temps à m'accorder pour résoudre mes « soucis »

administratifs.

Merci également à Monsieur Guyot pour sa bonne humeur quotidienne. Je garde dans

un coin ma tête quelques citations : « petit lundi mais grande semaine », « un bureau bien rangé est signe d'un esprit dérangé ! ».

Je ne peux pas terminer ces remerciements sans penser à ceux qui sont partis trop tôt et

qui je le sais, auraient été fiers de moi ... Vous aviez commencé le début de l'aventure avec moi et aujourd'hui, je ne vous oublie pas...

TABLE DES MATIERES

Introduction générale............................................................................................................... 1

Première partie : Revue de littérature ................................................................................... 5

Chapitre 1 L'apprentissage implicite ..................................................................................... 7

1.1 Le phénomène d'apprentissage implicite : une origine hétérogène ........................... 7

1.2 Des définitions et des points de vue divergents ....................................................... 11

1.3 Vers un consensus relatif concernant les situations traditionnelles d'apprentissage implicite................................................................................................................................ 14

Chapitre 2 Apprentissage implicite de séquences motrices................................................ 19

2.1 Contrôle moteur et apprentissage : théories cognitives vs théories dynamiques ..... 19

2.1.1 Selon l'approche cognitive ............................................................................... 20

2.1.2 Selon l'approche dynamique ............................................................................ 24

2.1.3 Sur le plan expérimental................................................................................... 26

2.2 L'apprentissage moteur implicite : brève revue de littérature.................................. 28

2.3 Des résultats difficilement compatibles avec ceux obtenus en apprentissage implicite................................................................................................................................ 31

Deuxième partie : Réanalyse de la littérature sur l'apprentissage moteur implicite et réinterprétation expérimentale ............................................................................................. 35

Chapitre 3 Commentaires sur les travaux de Shea et al. (2001) ........................................ 37

3.1 Qu'est ce qui est vraiment appris de manière incidente ? ........................................ 38

3.2 Des tests post expérimentaux qui ne sont pas appropriés ........................................ 39

vi Table des matières

Chapitre 4 Apprentissage d'un segment répété dans une tâche de poursuite continue .. 43

4.1 Expérience 1 ............................................................................................................. 44

4.1.1 Méthode............................................................................................................ 45

4.1.2 Résultats ........................................................................................................... 51

4.2 Expérience 2 ............................................................................................................. 54

4.2.1 Méthode............................................................................................................ 55

4.2.2 Résultats ........................................................................................................... 55

4.3 Expérience 3 ............................................................................................................. 58

4.3.1 Méthode............................................................................................................ 58

4.3.2 Résultats ........................................................................................................... 59

4.4 Discussion sur les expériences 1, 2 et 3 ................................................................... 61

4.5 Expérience 4 ............................................................................................................. 64

4.5.1 Méthode............................................................................................................ 64

4.5.2 Résultats ........................................................................................................... 65

4.6 Discussion sur l'expérience 4................................................................................... 71

4.7 Conclusion sur la deuxième partie ........................................................................... 73

Troisième partie : Différence d'apprentissage entre tâche continue versus discrète ....... 75

Chapitre 5 Variations autour d'une tâche de TRS ............................................................. 77

5.1 Présentation des expériences .................................................................................... 77

5.2 Expérience 5 ............................................................................................................. 80

5.2.1 Méthode............................................................................................................ 80

5.2.2 Résultats ........................................................................................................... 81

5.3 Expérience 6 ............................................................................................................. 83

5.3.1 Méthode............................................................................................................ 84

5.3.2 Résultats ........................................................................................................... 86

5.4 Expérience 7 ............................................................................................................. 88

5.4.1 Méthode............................................................................................................ 88

5.4.2 Résultats ........................................................................................................... 89

5.5 Discussion sur les expériences 5, 6 et 7 ................................................................... 90

5.6 Expérience 8 ............................................................................................................. 92

Table des matières vii

5.6.1 Méthode............................................................................................................ 93

5.6.2 Résultats ........................................................................................................... 94

5.7 Expérience 9 ............................................................................................................. 95

5.7.1 Méthode............................................................................................................ 96

5.7.2 Résultats ........................................................................................................... 97

5.8 Expérience 10 ........................................................................................................... 99

5.8.1 Méthode.......................................................................................................... 101

5.8.2 Résultats ......................................................................................................... 104

5.9 Discussion sur les expériences 8, 9 et 10 ............................................................... 116

5.10 Conclusion sur la troisième partie .......................................................................... 118

Quatrième partie : Discussion générale ............................................................................. 119

1. Vers une remise en cause des travaux antérieurs portant sur l'apprentissage moteur implicite.......................................................................................................................... 120

2. Variations autour d'une tâche de TRS et persistance de l'apprentissage implicite ... 123

Bibliographie......................................................................................................................... 129

Introduction générale

Peut on apprendre inconsciemment ? Notre vie quotidienne comporte bon nombre d'exemples de situations dans lesquelles le comportement des sujets est influencé par des connaissances auxquelles ils ne peuvent pas accéder consciemment et pour lesquelles ils

« savent plus de choses que ce qu'ils peuvent en dire ». C'est le cas pour l'acquisition de la langue maternelle, pour l'adaptation aux lois physiques, pour la sensibilité aux règles musicales ou bien pour l'apprentissage d'habiletés en général. Beaucoup d'habiletés séquentielles semblent être acquises sans encoder des règles verbalisables, ni même sans développer de connaissances conscientes sur l'information présente dans l'environnement. Ce type d'apprentissage est qualifié d'implicite. Selon Perruchet & Gallego (1997), l'apprentissage implicite désigne un mode d'adaptation par lequel le comportement d'un individu apparaît sensible à la structure d'une situation, sans que cette adaptation ne soit imputable à l'exploitation intentionnelle de la connaissance explicite de cette structure. Il ne s'agit pas d'affirmer que toute connaissance explicite est absente, mais seulement de

2 Introduction générale

souligner le fait que l'adaptation comportementale ne repose pas sur l'exploitation

intentionnelle de cette connaissance. Cette définition renvoie à un phénomène dont nous avons tous l'expérience, celle qui consiste à s'adapter à une situation complexe sans que l'on parvienne à comprendre les racines et les raisons de cette adaptation (Perruchet & Nicolas,

1998).

Le cadre général des travaux de recherche présentés dans cette thèse se situe au confluent de deux domaines de recherche. Le premier est celui de l'apprentissage implicite, centré sur des connaissances ou des savoir-faire dont il est difficile de faire état au travers du langage, et dont l'acquisition s'opère dans des conditions relativement indépendantes des intentions de l'apprenant. Le second domaine est celui du contrôle et de l'apprentissage moteur, dont l'objet d'étude se définit par le fait que le comportement implique des coordinations sensori-motrices relativement subtiles. Par suite de contingences historiques,

ces deux domaines sont restés longtemps séparés, alors même que leur intersection définit un champ d'étude de première importance : celui des apprentissages moteurs implicites. En explorant la littérature, il ressort que les recherches relatives à chacun de ces deux domaines sont particulièrement abondantes, alors que celles ayant trait au domaine particulier de l'apprentissage moteur implicite demeurent beaucoup plus restreintes (Pew, 1974, Magill & Hall, 1989; Wulf & Schmidt, 1997 ; Shea, Wulf, Whitacre & Park, 2001).

L'objectif principal des travaux de recherche présentés dans ce mémoire de thèse est d'apporter des éléments de réponse à la question suivante : quels sont les conditions et les éléments nécessaires à l'existence d'un apprentissage implicite de séquences motrices ? Cette interrogation intéresse aussi bien les psychologues travaillant dans le domaine sportif (et étudiant les phénomènes d'apprentissage moteur) que ceux travaillant dans le domaine cognitif (et étudiant les phénomènes d'apprentissage implicite). C'est pourquoi, le présent travail vise à étudier les apprentissages moteurs implicites, en tirant parti des connaissances et des outils méthodologiques développés dans chacun des deux champs de recherches concernés. La situation expérimentale qui sert de support aux travaux réalisés dans cette thèse

est une situation dans laquelle un sujet doit pister, à l'aide d'un périphérique quelconque (souris, joystick, stabilomètre,...), une cible qui se déplace sur un écran d'ordinateur de manière continue. Bien que le déplacement de la cible apparaisse aléatoire, une part de celui-

ci est en fait déterminée par une fonction complexe constituant une séquence de mouvements

Introduction générale 3

répétés, dont le sujet ignore l'existence. Dans ces conditions, une partie de l'amélioration des

performances du sujet avec la pratique de la tâche est due à l'exploitation de régularités dont

le sujet n'est pas informé. La question spécifique qui est au centre de ce travail est la suivante : les individus sont ils capables d'apprendre inconsciemment des régularités présentes dans un mouvement continu ?

La contribution expérimentale de ce travail va porter sur la réalisation de tâches motrices continues et discrètes. Schmidt (1988) a proposé un système de classification des habiletés reposant sur des critères de continuité, opposant un comportement moteur au déroulement continu, à une action brève et bien définie. A une extrémité de ce continuum, se trouvent les habiletés discrètes qui sont souvent des mouvements de courte durée, avec généralement, un début et une fin bien identifiable (par exemple, lancer une fléchette). A l'autre extrémité de la dimension, se trouvent les habiletés continues qui n'ont ni début ni fin particuliers, le comportement se prolongeant sur plusieurs minutes (par exemple, courir). Les données obtenues lors de nos différentes expériences révèlent qu'il est très difficile, voire impossible, de mettre en évidence l'existence d'un apprentissage implicite de régularités dans une tâche continue. A contrario, un tel apprentissage s'obtient aisément dans une tâche discrète, même lorsque celle-ci subit différentes modifications.

Dans la première partie de ce travail (chapitres 1et 2), il s'agit de passer en revue la littérature sur l'apprentissage implicite et celle sur l'apprentissage moteur implicite afin de voir si les résultats obtenus dans les situations conventionnelles d'apprentissage implicite peuvent se généraliser aux situations d'apprentissage implicite de séquences motrices. La seconde partie (chapitres 3 et 4) présente d'abord une réanalyse de la littérature sur l'apprentissage moteur implicite puis quatre expériences aboutissant à une réinterprétation expérimentale des travaux disponibles sur l'apprentissage implicite de tâches motrices continues. Dans la troisième partie, il s'agit d'examiner la différence d'apprentissage qui existe entre les tâches continues versus discrètes, au travers de six expériences. Enfin, une discussion générale clôt cette thèse en revenant sur les résultats recueillis et en envisageant

des perspectives de recherche futures.

Première partie : Revue de littérature

Chapitre 1

L'apprentissage implicite

L'apprentissage implicite, en général expliqué comme l'habileté à apprendre sans conscience, a fait l'objet de nombreuses investigations depuis une trentaine d'années.

Dans ce premier chapitre, nous allons tout d'abord définir l'origine de ce phénomène en présentant les principaux paradigmes d'étude. Ensuite, nous présenterons les différentes approches de l'apprentissage implicite en soulignant la divergence des définitions et des points de vue proposés. Les opinions ne s'accordent pas toujours sur la manière dont les connaissances peuvent être apprises et influencer le traitement à l'insu des sujets dans les différentes situations expérimentales qui ont été étudiées. Pour finir, nous montrerons que la littérature sur le domaine, bien qu'hétérogène, laisse quand même émerger un consensus relatif concernant les résultats obtenus avec les différentes méthodes d'étude, à savoir, la formation de « chunks » et la forte corrélation qui existe entre performance et connaissance explicite de la situation.

1.1 Le phénomène d'apprentissage implicite : une origine hétérogène

Le domaine de l'apprentissage implicite représente aujourd'hui un corps de recherches important et unifié. Des ouvrages entiers sont dédiés à cette thématique (e.g. Cleeremans,

1993a ; Berry & Dienes, 1993 ; Berry, 1997 ; Stadler & Frensch, 1998). Cependant, il ne faut

8 Chapitre 1 : L'apprentissage implicite

pas oublier pour autant l'origine quelque peu hétérogène et morcelée de ce domaine de

recherche. En effet, les travaux relatifs à l'apprentissage implicite dérivent en fait de trois domaines de recherche distincts.

Reber, en 1967, est le premier auteur à avoir utilisé le terme d' « apprentissage implicite » pour décrire des processus d'acquisition qui, selon lui, se produisent de manière passive et automatique. Ses travaux sont en prise directe avec ceux des linguistes et psycholinguistes Miller et Chomsky, portant sur les grammaires à états finis. Dans une tâche standard de grammaire artificielle (AGA), les sujets doivent tout d'abord mémoriser une série

de chaînes de quelques consonnes. Chaque chaîne est engendrée à partir d'une grammaire

miniature qui définit l'ordre possible des lettres (cf. Figure 1.1).

Séquences grammaticales

TPTS TPPTXXVS VXVPS

Séquences non grammaticales

XPTS TPTPS

Figure 1.1: La figure représente un exemple de grammaire artificielle (adaptée de Reber, 1967).

Chaque passage d'un noeud de la grammaire à l'autre, depuis l'entrée jusqu'à la sortie, produit la lettre associée à l'arc reliant les deux noeuds. Cette procédure permet de générer une série de séquences grammaticales. Les séquences non grammaticales ne respectent pas les transitions de

la grammaire.

A l'issue de cette phase d'étude, les sujets sont informés que les chaînes étudiées jusque

là étaient engendrées par une grammaire, et que maintenant, ils vont devoir essayer de dissocier, parmi un ensemble de nouvelles chaînes, celles qui respectent et celles qui violent

les règles de cette grammaire. Les résultats principaux, répliqués à de nombreuses reprises, montrent que la performance dans cette tâche de classification est supérieure au niveau du hasard bien que les sujets soient incapables de justifier leurs décisions et/ou de décrire précisément les règles de la grammaire (Reber, 1976 ; Reber & Lewis, 1977 ; Reber & Allen,

Le phénomène d'apprentissage implicite : une origine hétérogène 9

1978). Sur la base de cette dissociation observée entre performance et rapports verbaux, Reber

a défendu l'idée que l'apprentissage de grammaires artificielles est implicite.

La seconde source de littérature concernant l'apprentissage implicite se rencontre à la

fin des années soixante dix avec les travaux de Broadbent (1977), plutôt orientés vers des applications ergonomiques. Dans son paradigme appelé « tâche de contrôle de systèmes dynamiques » (CSD), les sujets apprennent à contrôler un environnement simulé par ordinateur (e.g. une usine de production de sucre, Berry & Broadbent (1984); un service de transports urbains, Broadbent, Fitzgerald & Broadbent (1986). La tâche consiste en général à interagir avec l'environnement en manipulant certaines variables en entrée (par exemple, le nombre d'ouvriers de l'usine de sucre) afin de maintenir le niveau de sortie du système à un niveau constant (par exemple, la quantité de sucre produit). Le comportement du système obéit à une équation inconnue des sujets qui permet de calculer à chaque interaction le niveau

de sortie en fonction des valeurs données en entrée. En général, ces études montrent que la capacité des sujets à contrôler le système augmente avec la pratique de la tâche bien qu'ils ne puissent pas répondre précisément aux questionnaires post-expérimentaux utilisés pour déterminer leurs connaissances explicites. Dans l'ensemble, les résultats obtenus à l'aide de

ce paradigme suggèrent que, dans certains cas, la performance dépend de connaissances acquises implicitement.

Enfin, la troisième source d'inspiration concernant les travaux sur l'apprentissage implicite se situe au confluent des recherches sur le rôle de l'attention dans la mémoire et de l'acquisition d'habiletés sensori-motrices. Cette fois, il s'agit d'utiliser une tâche d'apprentissage de séquences. Dans le paradigme, initialement décrit par Nissen & Bullemer (1987), la phase d'entraînement est constituée par une tâche de temps de réaction sériel (TRS). Dans cette situation, les sujets doivent réagir à l'apparition de chaque élément d'une séquence composée généralement de stimuli visuels (cible). A chaque essai, la cible apparaît dans l'une des différentes positions possibles alignées horizontalement sur un écran d'ordinateur et la tâche des sujets consiste à appuyer le plus rapidement et le plus précisément possible sur la touche d'un clavier correspondant spatialement à sa position. A l'insu des sujets, la séquence de stimuli répond à certaines régularités. Différentes versions de la tâche

ont été explorées. La majorité des auteurs (e.g. Nissen & Bullemer, 1987) ont utilisé une séquence de stimuli constituée par la répétition d'un patron séquentiel (comprenant en général

une dizaine d'éléments) alors que dans d'autres études (e.g. Cleeremans & McClelland,

1991), la séquence était générée à l'aide d'une grammaire artificielle similaire à celles utilisées dans les études d'AGA. La mesure de l'apprentissage dépend de la structure de la séquence utilisée (cf. Figure 1.2).

Temps de réaction Temps de réaction

Séquence aléatoire

Séquence répétée

Changement

de séquence

Blocs Blocs

Figure 1.2 : Mesure de l'apprentissage de séquences dans deux versions de la tâche de temps de

réaction : comparaison entre séquence répétée et séquence aléatoire (en haut à gauche) et modification de la séquence (en haut à droite). Chaque figure représente l'évolution du temps de réaction en fonction des blocs d'entraînement.

Dans le cas d'une séquence répétée, une technique consiste à comparer la performance des sujets entraînés sur cette séquence répétée à celle d'un groupe contrôle entraîné sur du matériel aléatoire (e.g. Frensch & Miner, 1994). L'apprentissage de la séquence devrait permettre aux premiers sujets de répondre plus rapidement que ceux du groupe contrôle. Une autre possibilité consiste à remplacer la séquence répétée par une autre séquence ou par du matériel aléatoire au cours de la tâche de TRS. Si les sujets ont appris la séquence, la suppression du patron séquentiel devrait provoquer une augmentation du temps de réaction (e.g. Reed & Johnson, 1994, Shanks, 2003). Dans l'ensemble, les résultats obtenus dans ces différentes situations indiquent que les sujets acquièrent des connaissances sur la structure de

la séquence qu'ils ne peuvent décrire verbalement.

La majorité des résultats expérimentaux relatifs à l'étude de l'apprentissage implicite

ont été recueillis à l'aide de ces trois paradigmes. Cependant, d'autres situations

expérimentales ont été associées à ce domaine de recherche. Il s'agit notamment de

l'apprentissage de probabilités (e.g. Reber & Millward, 1971) qui étudie la capacité des sujets

à anticiper la position d'un signal lumineux pouvant apparaître dans deux positions possibles. Dans cette tâche, la probabilité d'apparition des stimuli n'est pas aléatoire mais peut dépendre d'éléments présentés jusqu'à 50 essais auparavant. Ces études montrent qu'après une pratique intensive de la tâche, la performance tend à refléter la distribution des stimuli bien que les sujets ne puissent identifier le stimulus présenté au-delà du cinquième essai précédent (Millward & Reber, 1968). D'autres auteurs (Lewicki, 1986; Chun & Jiang, 1999) ont, quant

à eux, utilisé le paradigme d'apprentissage de covariations. Dans cette tâche, les sujets sont confrontés à un environnement visuel complexe composé de différents éléments. Chun & Jiang (1999) ont montré que l'apprentissage d'associations de paires d'éléments améliorait la recherche ou la reconnaissance d'une cible bien que les sujets ne soient pas capables d'identifier ces covariations.

1.2 Des définitions et des points de vue divergents

La description des paradigmes d'étude esquissée ci-dessus met en évidence la diversité des tâches utilisées pour étudier ce phénomène. Etant donné les différentes approches expérimentales utilisées, il est bien difficile de donner une définition générale de

« l'apprentissage implicite ». En effet, cette notion demeure fort imprécise et la définition du phénomène ne fait pas l'objet d'un consensus, ce qui se traduit par la coexistence de multiples significations pour le même concept. Frensch (1997) a listé pas moins de onze définitions de l'apprentissage implicite. Voici quelques unes d'entre elles : pour Berry & Broadbent (1988),

« learning may be implicit, when people are merely told to memorize the specific material presented, but nevertheless learn about the underlying rules », pour Cleeremans & Jiménez (1996), « implicit learning should designate cases where some knowledge is (1) acquired without intention to learn ..., and (2) capable of influencing behavior unconsciously ». Pour Perruchet (1988), l'apprentissage implicite peut être défini comme «un mode d'adaptation dans lequel le comportement d'un sujet apparaît sensible à la structure d'une situation, sans que cette adaptation ne soit imputable à l'exploitation intentionnelle de

la connaissance explicite de cette structure ».

En fait, ce qui est important de noter dans les différentes définitions proposées pour

qualifier l'apprentissage implicite, c'est que l'accent est mis sur l'aspect incident ou inconscient de la phase d'apprentissage. Autrement dit, l'apprentissage se fait à l'insu du sujet

et la connaissance acquise est difficilement accessible à la conscience, et/ou difficilement exprimable verbalement. L'intérêt se porte sur l'acquisition de connaissances « complexes », comme par exemple l'apprentissage de structures complexes de règles.

De plus, au-delà des divergences concernant la définition même du concept d'apprentissage implicite, nous allons voir que les auteurs ont également des points de vue différents concernant l'interprétation du phénomène. Le point de vue « abstractionniste » défendu par Reber (1967) suppose que l'apprentissage implicite est sous tendu par des mécanismes inconscients d'abstraction de règles, déclenchés lorsque le sujet est confronté à

un matériel complexe qui décourage la découverte et l'utilisation de règles simples, rendant alors inopérants les mécanismes conscients d'apprentissage. Autrement dit, l'idée initiale défendue par Reber est que, lors d'une tâche de grammaire artificielle, l'apprentissage correspond à l'acquisition incidente (non intentionnelle) de connaissances inconscientes sur la structure abstraite du matériel. Seulement, cette position « abstractionniste » va être contredite

par Brooks (1978) puis par Brooks & Vokey (1991). En effet, selon ces auteurs, les sujets ne feraient pas d'induction mais au contraire « mémoriseraient » des exemplaires d'items entiers

en mémoire épisodique. Ces auteurs défendent donc une position « exemplariste » selon laquelle, c'est cette connaissance stockée en mémoire qui permettrait au sujet de décider qu'un item présenté en phase de test est grammatical ou non, ceci en le comparant avec l'exemplaire mémorisé lors de la phase d'étude. Proche à certains égards de ce point de vue exemplariste (apprentissage d'items et non des règles), le point de vue « fragmentariste » proposé par Perruchet (1994) s'en distingue principalement par le fait que, cette fois, l'accent n'est plus mis sur la mémorisation d'exemplaires entiers appris lors de la phase d'étude mais plutôt sur l'apprentissage de fragments d'items (généralement des bigrammes ou des trigrammes, souvent appelés « chunks ») présentés au moment de la phase d'étude. Par la suite, Perruchet & Pacteau (1990) vont faire évoluer cette position fragmentariste en précisant que la fréquence d'apparition des bigrammes ou des trigrammes (les rendant ainsi plus ou moins saillants) constitue l'élément le plus important lorsque les sujets doivent classer des chaînes de lettres en fonction de leur grammaticalité.

Au-delà des nombreuses définitions et des différents points de vue proposés pour définir

le phénomène d'apprentissage implicite, il existe un autre débat concernant la nature des connaissances (explicites/ implicites) acquises par les sujets. Une explication possible à cette divergence est à chercher du côté du paradigme employé puisqu'il semble que la nature des processus d'apprentissage et des connaissances acquises dépende fortement de la tâche utilisée. Dans cette perspective, plusieurs auteurs ont défendu l'idée selon laquelle le paradigme d'apprentissage de séquences (tâche de TRS) serait particulièrement bien adapté à l'étude de l'apprentissage implicite (Cleeremans & Jiménez, 1998). D'après Cleeremans (1993b), ce paradigme présente l'avantage d'offrir des conditions d'apprentissage réellement incidentes. En effet, dans une situation de temps de réaction, des connaissances relatives à la structure de la séquence ne sont pas nécessaires pour effectuer la tâche. Par conséquent, rien n'incite les sujets à tenter de découvrir des régularités dans le matériel. Outre cet aspect, le choix du test post expérimental utilisé pour mesurer les connaissances va aussi conduire à des considérations divergentes selon les auteurs. Dienes & Berry (1997) proposent d'évaluer si les sujets disposent de métaconnaissances sur les connaissances acquises au cours de l'apprentissage. En d'autres termes, ils veulent évaluer si les sujets ont appris quelque chose à propos de la structure complexe du matériel. Jacoby (1991) propose quant à lui d'évaluer la capacité des sujets à contrôler leurs connaissances afin de déterminer s'ils peuvent y accéder consciemment. Cependant, Shanks & St. John (1994) viennent remettre en question l'utilisation des rapports verbaux comme indicateur de connaissances explicites. En effet, selon eux, l'utilisation des rapports verbaux ne remplit pas les critères d'information et de sensibilité. Le critère d'information porte essentiellement sur la nature des connaissances acquises par les sujets au cours de la tâche. Ce critère est atteint lorsque les connaissances à la base de l'amélioration de la performance correspondent à celles que l'expérimentateur cherche

à mesurer dans la phase de test des connaissances explicites. Le critère de sensibilité concerne, quant à lui, le niveau d'accès à la conscience des connaissances acquises. Il implique que la phase de description explicite de la tâche permette de détecter l'ensemble des connaissances conscientes qui ont pu influencer la performance des sujets. Faute de quoi, l'amélioration de celle-ci pourra être attribuée à l'acquisition de connaissances implicites simplement parce que la phase de description explicite de la tâche est moins sensible que la tâche elle-même à l'expression de l'information consciente. Finalement, Shanks & St. John (1994) remettent en question l'existence même du phénomène d'apprentissage implicite, ou

contestent l'idée selon laquelle la distinction implicite/explicite permet de rendre compte des

données expérimentales (Neal & Hesketh, 1997; Whittlesea & Dorken, 1993). Dans le même sens, Perruchet, Vinter & Gallego (1997b) affirment que si les processus d'apprentissage influencent le traitement de manière implicite, les connaissances acquises sont quant à elles systématiquement accessibles à la conscience.

En analysant l'ensemble des arguments formulés dans ce paragraphe, il est possible de résumer les divergences concernant la nature des informations apprises dans les différentes tâches d'apprentissage implicite en considérant qu'elles s'organisent principalement autour de deux axes : (1) un premier axe qui oppose un point de vue « abstractionniste » à un point de vue « fragmentariste », et (2) un second axe sur lequel on peut mettre en opposition des auteurs qui croient à la nature implicite de l'apprentissage et ceux qui estiment, au contraire, qu'il est inutile de faire appel à une quelconque connaissance implicite pour rendre compte de

la performance des sujets dans les tâches d'apprentissage implicite.

Finalement, ces différentes prises de position reflètent bien l'idée selon laquelle il est difficile de définir ce qu'est l'apprentissage implicite, du fait de la diversité des approches utilisées et des hypothèses proposées pour en rendre compte. Est il possible d'arriver à dégager un accord général de cette littérature ?

1.3 Vers un consensus relatif concernant les situations traditionnelles d'apprentissage implicite

Malgré la diversité des approches expérimentales utilisées pour étudier ce phénomène et malgré les différents points de vue émis par les auteurs au fil des années, la littérature sur l'apprentissage implicite tend quand même à laisser entrevoir un consensus relatif concernant

les résultats obtenus. En effet, comme le souligne Perruchet & Nicolas (1998), quel que soit le paradigme utilisé (tâche de TRS, tâche de contrôle ou tâche de grammaire artificielle), les résultats obtenus laissent apparaître la formation de chunks et l'existence d'une forte corrélation entre performance et connaissance explicite de la situation. Evidemment, il est toujours possible de trouver des arguments contradictoires mais comme nous allons le voir,

les données de la littérature semblent compatibles avec un tel point de vue.

Vers un consensus relatif concernant les situations traditionnelles d'apprentissage implicite 15

En considérant tout d'abord les situations d'apprentissage séquentiel, les résultats

indiquent que les temps de réaction des sujets dans une tâche de TRS s'améliorent au fil des essais, ce qui reflète à la fois l'effet d'un entraînement à ce type de tâche mais aussi les ajustements sensori-moteurs consécutifs à la pratique de la tâche. Mais le constat important

est que les temps de réaction des sujets confrontés à la séquence répétée diminuent davantage

et plus rapidement que ceux des sujets contrôles. Ces résultats ne semblent pas liés à la prise

de conscience de la répétition d'une même série. En effet, les sujets normaux prennent conscience de la répétition si une pratique suffisante leur est autorisée, mais l'amélioration des performances semble précéder cette prise de conscience. De plus, chez des sujets amnésiques, une amélioration comparable des performances peut être observée alors que ces sujets demeurent incapables d'évoquer la structure de la tâche. Toutefois, Shanks, Green & Kolodny (1994) ont remarqué que les différentes positions possibles de la cible ne sont pas également représentées dans les séquences répétées utilisées par Nissen & Bullemer (1987) et dans d'autres études antérieures. Cette caractéristique est suffisante pour rendre compte d'une différence de temps de réaction moyen, par rapport à une séquence aléatoire dans laquelle tous les essais sont également représentés. De plus, Perruchet et Nicolas s'opposent à l'interprétation conventionnelle selon laquelle « le fait que les sujets ne puissent pas verbaliser qu'une même séquence est continuellement répétée indique le caractère inconscient

de cette connaissance». Pour ces auteurs, une telle interprétation devient absurde car si l'amélioration des performances est due à l'apprentissage de la fréquence des événements isolés alors, rien ne permet d'inférer que la connaissance d'une répétition existe réellement. Selon eux, la question pertinente est plutôt de savoir si cette non équiprobabilité des cibles (responsable du changement comportemental) est perçue consciemment ou non par les sujets.

De nombreuses indications permettent de penser que l'amélioration des temps de réaction est due à la connaissance de quelques fragments de la séquence qui fournissent une connaissance approchée mais suffisante des règles séquentielles qui déterminent la séquence. Perruchet & Amorim (1992) ont montré que les sujets devenaient très rapidement capables de reconnaître

un certain nombre de fragments de la séquence utilisée et que ces fragments reconnus correspondaient exactement aux fragments de la séquence sur lesquels une amélioration des temps de réaction pouvait être observée. Finalement, Perruchet et Nicolas concluent que la connaissance de la règle qui structure la séquence n'est pas utile et que l'amélioration comportementale est due à des connaissances fragmentaires et spécifiques. De plus, ils

16 Chapitre 1 : L'apprentissage implicite

démontrent que ces connaissances ont des répercussions au niveau de la conscience que le

sujet a de la tâche.

Les tâches de contrôle, comme par exemple la tâche proposée par Berry & Broadbent

(1984) dans laquelle les sujets doivent contrôler la production d'une usine de sucre en variant

le nombre d'ouvriers, peuvent également aboutir à une interprétation similaire à celle fournie pour les tâches de TRS. A partir de leur étude, Berry et Broadbent ont montré que les relations entre la performance effective et la connaissance verbalisable étaient nulles, voire négatives. En effet, ils ont observé que les sujets qui assuraient le meilleur contrôle du système étaient ceux qui obtenaient les moins bons scores lors d'un questionnaire post expérimental portant sur les propriétés du système. Dès lors, les premières conclusions issues

de ces tâches de contrôle soutiennent l'idée selon laquelle le système cognitif serait capable d'abstraire inconsciemment les propriétés structurales de l'environnement. Seulement, des interprétations alternatives ont été proposées au fil des années concernant le statut de la connaissance. Marescaux (1997) a montré que les connaissances impliquées dans les performances sont explicites et non pas abstraites.

Concernant les situations standards de grammaire artificielle, l'interprétation initialement proposée par Reber (1967) reposait sur le fait que les sujets étaient capables d'abstraire inconsciemment la grammaire, c'est-à-dire que le sujet pouvait acquérir, lors de la phase d'étude, une connaissance dont la forme était isomorphe à celle de la grammaire à états finis. Seulement, cette conception abstractionniste va connaître un certain nombre de détracteurs. Brooks (1978) a été le premier auteur à proposer une conception différente. Selon

lui, les items présentés lors de la phase d'étude seraient simplement mémorisés, et lors du test,

la grammaticalité des items serait évaluée en fonction de la similarité entre l'item cible et un

ou plusieurs items mémorisés. Dès lors, nous passons d'une conception abstractionniste à une conception exemplariste. Cette évolution de point de vue va se poursuivre et conduire à une troisième catégorie d'interprétation, celle de Perruchet (1994) qui défend une position fragmentariste (cf.p.11). Cette dernière conception est en accord avec l'interprétation de Brooks selon laquelle les sujets ne feraient pas d'abstraction. Par contre, la différence entre

ces deux points de vue repose sur la nature des unités de traitement initiales et en particulier

sur leur taille. Dans l'interprétation de Brooks, les chaînes de lettres sont supposées être encodées de façon holistique tandis que pour Perruchet, les unités de traitement formées par

Vers un consensus relatif concernant les situations traditionnelles d'apprentissage implicite 17

les sujets correspondraient à des parties de chaîne, typiquement à des bigrammes ou des

trigrammes. Ce changement de conception nous conduit à nouveau à considérer les résultats

en termes de chunks (comme cela a été fait avec les tâches de TRS) et permet également de faire un rapprochement entre les performances et la connaissance verbalisable de la situation.

En effet, il est possible de montrer que la connaissance de petites unités de traitement

(bigrammes ou trigrammes) est consciente. Perruchet & Pacteau (1990) montrent que le taux

de reconnaissance explicite de ces petites unités apparaît suffisant pour rendre compte des jugements de grammaticalité.

Finalement, un consensus relatif semble émerger de l'ensemble des résultats obtenus dans les situations conventionnelles d'apprentissage implicite. En effet, qu'il s'agisse des études relatives aux tâches de grammaires artificielles, aux apprentissages séquentiels ou bien encore aux tâches de contrôle de système, on s'aperçoit que (1) l'information réellement utilisée par le sujet est accessible à la conscience et que (2) le sujet à tendance à traiter cette information de manière fragmentaire (formation de « chunks ») plutôt que dans sa totalité.

Chapitre 2

Apprentissage implicite de séquences motrices

Après avoir mis en évidence l'existence d'un consensus relatif concernant les résultats obtenus dans les situations prototypiques d'apprentissage implicite, la question est maintenant

de savoir si de tels résultats peuvent se généraliser à d'autres situations. Plusieurs tentatives

ont été faites ces dernières années, en employant les concepts et les méthodes relatifs à l'apprentissage implicite, afin de faire la lumière sur certains problèmes provenant d'autres domaines de recherche, tels que la segmentation du langage en mots (Perruchet & Vinter,

1998), l'apprentissage d'une seconde langue (Michas & Berry, 1994), la sensibilité aux rythmes (Salidis, 2001) et aux structures musicales (Tillman, Bharucha & Bigand, 2001), ou bien encore l'acquisition de régularités orthographiques (Pacton, Perruchet, Fayol & Cleeremans, 2001). Dans ce chapitre, nous allons nous intéresser à la mise en relation qui peut être faite entre la littérature sur l'apprentissage implicite et la littérature sur l'apprentissage moteur. Plus précisément, nous allons essayer de voir si les résultats obtenus dans le domaine

de l'apprentissage implicite sont applicables au domaine de l'apprentissage moteur, et plus particulièrement au domaine de l'apprentissage moteur implicite.

2.1 Contrôle moteur et apprentissage : théories cognitives vs

théories dynamiques

Les problèmes posés par l'acquisition d'une nouvelle habileté motrice sont complexes

et nombreux. Leur étude a certainement constitué, au cours du XXème siècle, un des domaines

de recherche les plus fertiles de la psychologie du sport (voir Williams, Davids & Williams

(1999) pour revue), mais aussi des sciences du mouvement humain, de la psychologie cognitive, de l'intelligence artificielle ou de la robotique. La raison est à la fois théorique et pratique; - théorique, car la découverte des principes par lesquels l'habileté se construit renseigne le chercheur sur les processus les plus fondamentaux de la motricité humaine; - pratique, car la connaissance de ces principes n'est pas sans conséquences sociales, éducatives

ou économiques.

Nous nous intéresserons, dans ce chapitre, au contrôle moteur et à l'apprentissage moteur selon deux grandes approches conceptuelles : l'approche cognitive versus l'approche dynamique. Nous verrons que ces deux approches se différencient par la place et le rôle qu'elles accordent aux structures mentales dans la production des habiletés motrices.

2.1.1 Selon l'approche cognitive

Définitions de l'apprentissage moteur

Les psychologues ont, de tout temps, essayé de fournir des réponses à la question :

« qu'est ce que l'apprentissage ? ». Les multiples définitions qui en découlent présentent des différences profondes entre elles qui sont dues, en grande partie, aux différentes positions théoriques adoptées par les auteurs. Cependant, malgré cette diversité, elles partagent en général un certain nombre de critères communs pour définir ce qu'est l'apprentissage. Pour

De Montpellier (1964), « l'apprentissage consiste en une modification systématique de la conduite en cas de répétition de la même situation ». Pour Reuchlin (1977), « il y a apprentissage quand un organisme placé plusieurs fois dans la même situation modifie sa conduite de façon systématique et relativement durable ».

De la même manière qu'il existe différentes définitions de l'apprentissage, nous allons voir qu'il existe également diverses définitions pour rendre compte de ce qu'est l'apprentissage moteur.

É Pour Paillard (1982), « l'apprentissage moteur résulte d'un processus actif d'adaptation ».

É Selon Famose (1983), « l'apprentissage moteur est un processus cognitif

appartenant au système nerveux, un processus interne qui permet à l'élève de modifier son comportement par rapport à une tâche pour laquelle il n'a pas de réponse adaptée ».

É Pour Schmidt (1993), « l'apprentissage moteur est un ensemble de processus qui associé à l'exercice et à l'expérience, conduit à des modifications relativement permanentes du comportement habile ».

Il faut noter que plusieurs notions communes émergent de ces trois définitions. Tout d'abord,

la notion de « processus » pour laquelle ces trois auteurs s'accordent à dire que l'apprentissage moteur est la résultante d'un processus interne dont la conséquence est la modification des conduites motrices. Ensuite, Schmidt et Famose associent l'apprentissage à

la notion « d'exercice ou de tâche ». Enfin, Famose et Paillard associent l'apprentissage à la notion « d'adaptation ». Chez Paillard, transparaît clairement l'idée que l'apprentissage n'existe que si le sujet déploie une activité d'adaptation.

Famose (1995) a proposé un certain nombre de critères pour définir l'apprentissage moteur, (1) l'apprentissage résulte de la pratique ou de l'expérience, (2) l'apprentissage n'est pas observable directement, (3) les modifications liées à l'apprentissage sont inférées à partir des modifications de la performances, (4) l'apprentissage implique un ensemble d'opérations

au niveau du système nerveux central, (5) le résultat de l'apprentissage est une capacité acquise pour la performance des habiletés motrices et (6) les changements dus à l'apprentissage sont relativement permanents et non transitoires.

Classification des habiletés

Selon Guthrie (1952), une habileté est une capacité (acquise par apprentissage) à atteindre des résultats fixés à l'avance avec un maximum de réussite et souvent un minimum

de temps, d'énergie ou les deux. Pour Famose (1985), une habileté motrice est un niveau de compétence ou de savoir-faire acquis par un pratiquant dans une tâche particulière ou dans un groupe limité de tâches.

L'objectif ici n'est pas de présenter l'ensemble des systèmes de classification des habiletés. Il s'agit simplement de montrer qu'il existe différents systèmes de classification

établis selon des critères particuliers. Schmidt (1993) distingue : (1) les habiletés ouvertes

versus fermées (cette distinction est fondée sur le caractère prévisible ou non de l'environnement), (2) les habiletés discrètes, continues et sérielles (cette distinction repose sur une organisation temporelle), (3) les habiletés cognitives et motrices (dans les premières, ce sont les activités de perception et de décision qui sont capitales pour la réussite, alors que pour les secondes, c'est la qualité du mouvement qui représente le facteur fondamental. Cette distinction s'appuie sur ce qu'il « faut faire » ou bien sur « comment le faire »).

Dans la suite de ce travail, nous nous intéresserons à la distinction faite entre habiletés continues versus discrètes. C'est pourquoi, nous allons insister sur cette façon de classer les habiletés selon leur organisation temporelle. Schmidt établit un continuum sur lequel il définit l'habileté discrète comme « un mouvement de courte durée qui a généralement un début et une fin bien identifiables ». Bon nombre d'illustrations de mouvements de ce type se rencontrent dans le domaine sportif (en football par exemple, avec le coup de pied ou bien en basket-ball avec le lancer franc) mais également en situation de laboratoire (avec les tâches de TRS utilisées par exemple par Nissen & Bullemer (1987) dans lesquelles les sujets doivent appuyer le plus rapidement possible sur une touche du clavier correspondant spatialement à l'apparition d'une cible sur l'écran d'ordinateur). A l'autre extrémité de la dimension, il place l'habileté continue pour laquelle « on ne peut pas identifier de façon précise et objective le début et la fin du mouvement ». Plus précisément, ces repères ne sont pas critiques pour l'exécution de la tâche. De nombreuses activités de la vie courante font appel à ce genre d'habileté (par exemple, courir ou mâcher du chewing-gum) et de manière expérimentale, il s'agit d'utiliser des tâches de poursuite (i.e tracking) dans lesquelles le sujet contrôle un levier, une manette ou tout autre dispositif, afin de suivre la trajectoire d'une cible qui se déplace. De plus, il faut savoir qu'entre les deux pôles de la dimension discrète-continue, se trouvent les habiletés dites « sérielles » que Schmidt définit comme « un groupe d'habiletés discrètes enchaînées les unes après les autres, pour former une action nouvelle, plus compliquée ». Chaque partie ou phase de la réponse est à la fois stimulus et réponse : une phase est la réponse au mouvement précédent et un stimulus pour le mouvement subséquent. Pour illustrer sa définition, il propose l'exemple de l'exécution d'un enchaînement en gymnastique.

Le fait de classer les habiletés en différentes catégories revêt toute son importance

puisque les principes sous-tendant chacune d'entre elles, ainsi que leur apprentissage, vont différer selon la catégorie à laquelle elles appartiennent.

Théories du contrôle moteur : point de vue cognitif

Les théories cognitivistes du contrôle moteur reposent sur le concept de programmation motrice dans lequel le programme moteur est une notion clé. Dans sa définition la plus stricte,

« un programme moteur est constitué d'une série d'instructions destinées à sélectionner les groupes musculaires, et à régler l'intensité et le timing de leur contraction et relaxation: le programme moteur est une structure centrale, organisée avant le déclenchement de la réponse motrice et permettant son exécution sans influence des réafférences » (Keele & Posner, 1968). Selon ces auteurs, l'étape de programmation consiste à définir toutes les caractéristiques du mouvement à l'avance, c'est-à-dire les muscles qui doivent participer à l'action, l'ordre dans lequel ces muscles doivent intervenir, la force musculaire de contraction, le minutage relatif et

la séquence de contraction, ainsi que la durée de chaque contraction. Si l'on considère ce point de vue, cela revient donc à dire que pour un mouvement balistique, le sujet apprend une séquence dans sa globalité. Seulement, un tel point de vue fait ressortir deux problèmes : le premier problème est celui du stockage : comment concevoir un système capable d'assurer le stockage et le rappel de milliers de programmes qui seraient alors constitués jour après jour

par le sujet (Schmidt, 1975) ? Le second problème est celui de la nouveauté (i.e de la généralisation): comment expliquer avec cette approche que le sujet soit capable d'effectuer

un mouvement nouveau ? Pour ces raisons, cette notion de programme moteur a été revue et modifiée par Schmidt (1975). Il actualise la notion de programme moteur en introduisant la notion de « programme moteur généralisé » (PMG) et va alors s'opposer à Keele. En effet selon Schmidt, il n'existe pas un programme pour chaque mouvement mais il existe un programme pour chaque classe de mouvement (par exemple, il existerait un programme pour marcher, un pour écrire, un pour saisir...). De plus, il ajoute que ces programmes seraient ajustables (par exemple, que l'individu marche vite ou lentement, ce serait toujours le même programme qui s'exécuterait). Il indique qu'il existe des invariants : il s'agit de tout ce qui ne change pas lorsque le sujet effectue un mouvement, c'est-à-dire les traits généraux à partir desquels pourra être générée une infinité de mouvements et des éléments paramétrables

adaptés aux exigences de la tâche : il s'agit de tout ce qui change pour effectuer un

mouvement, à savoir le membre à utiliser, l'amplitude, la distance, la direction et la vitesse du mouvement. Il ajoute également que la correction des erreurs d'exécution est possible grâce aux informations sensorielles et réafférentes. Au final, il précise que sa théorie est valable aussi bien pour des tâches mettant en jeu des mouvements complexes que des mouvements simples.

Pour résumé, les cognitivistes considèrent que la motricité est pilotée par des représentations construites au niveau central. Les théories cognitives sont appelées théories

« prescriptives » dans le sens où une instance extérieure au système effecteur planifie et ordonne la réalisation d'un programme.

2.1.2 Selon l'approche dynamique

Emergence d'une nouvelle approche : l'approche dynamique

D'un côté, le développement des sciences cognitives a conduit à l'élaboration de théories prescriptives de la motricité humaine, mettant l'accent sur le rôle joué par le système

de traitement de l'information dans la production, la régulation, et l'apprentissage du mouvement (e.g., Schmidt, 1988). De l'autre côté, le transfert dans le champ de la motricité (e.g. Kelso, 1984) de modèles issus de la synergétique (Haken, 1983) et de la théorie des systèmes dynamiques (Abraham & Shaw, 1983), associé aux travaux princeps de Bernstein (1967), a permis une exploration nouvelle et radicale des comportements moteurs, soulignant

le caractère émergent et auto organisé des coordinations motrices. Enfin, l'approche écologique de la perception et de l'action (e.g. Gibson, 1979), ayant largement mis en exergue

le rôle fondamental joué par l'action dans la structuration des énergies ambiantes stimulant nos récepteurs sensoriels, a, par là même, remis en question le rôle généralement attribué aux représentations dans la production et la régulation du mouvement.

Selon l'approche dynamique, l'apprentissage sera cette fois définit comme « le changement dans la dynamique des coordinations pour acquérir des solutions stables du pattern à apprendre » (Schöner, Zanone & Kelso ,1992).

Théories du contrôle moteur : point de vue dynamique

L'apparition, dans les années 1980, de l'approche écologique du couplage perception action et de l'approche des patrons dynamiques de coordination a provoqué une rupture épistémologique, théorique et méthodologique dans l'étude du contrôle et de l'apprentissage moteur. Plaçant la notion de coordination au centre de leur problématique, ces approches remettent en question les cadres théoriques classiques et jettent un regard nouveau sur la production des habiletés motrices complexes.

Alors que les théories cognitivistes considèrent que la réponse motrice est le reflet d'un traitement de l'information opéré par le système nerveux central, une toute autre approche est proposée par les théories dynamiques. Ces dernières mettent l'accent sur les processus d'auto organisation sous-tendant l'émergence des coordinations motrices et leur évolution au cours

de l'apprentissage. Elles résultent des travaux de recherche de Bernstein (1967) sur le contrôle moteur et de Kelso (1984 ; 1995) et Zanone & Kelso (1992) sur l'apprentissage moteur. Dans

le cadre de ces théories, le mouvement n'est plus la conséquence d'une commande motrice mais une propriété émergente, c'est-à-dire la conséquence de l'interaction entre différentes contraintes par lesquelles le mouvement se réalise. Newell (1985) a proposé l'existence de trois types de contraintes : l'environnement (forces externes, température, ...), l'organisme

(caractéristiques, motivation, ...) et la tâche (le but) (cf. Figure 2.1).

Tâche

Mode de coordination

Organisme Environnement

Figure 2.1 : Schéma représentant le concept de l'approche dynamique proposé par Newell (1985)

Ce sont les contraintes qui vont finalement donner un sens au mouvement. Selon ces

théories, l'apprentissage d'un mouvement implique la déstabilisation d'un état naturel de coordination vers un nouvel état contraint par la relation organisme -environnement - tâche.

En d'autres termes, l'apprentissage est considéré comme la conséquence de la déstabilisation d'un état de coordination originel vers un nouvel état que l'on cherche à restabiliser. Le mouvement n'est donc pas entièrement prescrit par le système nerveux comme le prétendaient

les théories cognitivistes. Ce sont les propriétés d'auto organisation qui permettent l'apparition de l'ordre dans les systèmes complexes.

2.1.3 Sur le plan expérimental

Il existe différentes tâches expérimentales permettant de mesurer l'apprentissage moteur. Nous pouvons citer, par exemple:

É des tâches de « pointage » dans lesquelles le sujet doit aller pointer le plus vite possible sur des cibles avec un stylet, une souris ou tout autre périphérique (Fitts,

1957 ; Delignières & Famose, 1992),

É des tâches de poursuite de cible dans lesquelles le sujet doit pister au moyen d'un joystick une cible qui se déplace (Magill & Hall, 1989, Wulf & Schmidt, 1997),

É des tâches de coordination dans lesquelles les sujets doivent apprendre à réaliser des coordinations complexes entre deux effecteurs (Zanone et Kelso, 1992 ; 1997)

Ainsi, ces différentes expériences permettent de montrer qu'un apprentissage moteur est reproductible en laboratoire. Cet apprentissage se traduit, par exemple, par une augmentation

de la précision des mouvements ou bien par une diminution du temps mis pour effectuer la tâche. Dès lors, il est essentiel de pouvoir mesurer précisément cet apprentissage et d'évaluer

les progrès aussi bien pour les effets expérimentaux d'apprentissage en laboratoire que pour

les effets pratiques des apprentissages sur le terrain ou en gymnase. Pour cela, l'utilisation de courbes de performance est de loin la manière la plus employée pour évaluer cet apprentissage (Schmidt, 1993). Ces courbes de performance sont des représentations graphiques de la performance des sujets en fonction du nombre d'essais. La loi de la pratique

dit que les progrès sont rapides au début et beaucoup plus lents par la suite. Toutefois, bon

nombre de problèmes potentiels apparaissent avec l'utilisation de ces courbes. Celles-ci ne

permettent pas d'observer quelle est la nature de l'apprentissage car elles ne sont qu'une représentation de la performance en fonction du nombre d'essais, ce qui n'apporte pas beaucoup d'informations sur l'apprentissage moteur en tant que tel. De plus, leur utilisation masque les effets interindividuels, ce qui donne l'impression que tous les sujets apprennent de

la même manière, ou que l'apprentissage est un processus progressif et continu. Par conséquent, ces limites conduisent à rester très prudent quant à l'interprétation de ces courbes.

Il semble donc plus approprié de travailler sur des tâches de transfert pour pallier tous ces points négatifs. Selon Piéron (1973), il y a transfert quand les progrès obtenus dans l'apprentissage d'une certaine forme d'activité, entraînent une amélioration dans l'exercice d'une activité différente plus ou moins voisine. De façon générale, l'acquisition d'une habileté favorise, par un effet de transfert, l'acquisition d'habiletés suffisamment analogues. Pour Schmidt & Lee (1999), il est possible d'estimer le transfert comme le gain (ou la perte) de compétences sur une tâche résultant de la pratique ou de l'expérience d'une autre tâche. Par exemple, la pratique du tennis permettrait une acquisition plus rapide du squash, au début. En situation de laboratoire, il est possible d'examiner, par exemple, si la pratique d'une tâche de pointage aura des effets (bénéfiques ou néfastes) sur une tâche de poursuite de cible, ou bien

si la pratique d'une tâche simple sera bénéfique à la pratique d'une tâche plus complexe. Des tests ultérieurs à la pratique peuvent également être utilisés pour évaluer l'apprentissage (par exemple, des tests de reconnaissance).

Il serait erroné de penser que l'apprentissage moteur repose uniquement sur des travaux

de « terrain » réalisés par des spécialistes travaillant dans le domaine des sciences du sport. Comme nous l'avons présenté au travers de ce chapitre, ce champ de recherche repose sur de nombreuses expériences de « laboratoire », qui intéressent à la fois les chercheurs du domaine sportif mais également des chercheurs d'autres domaines. Notre centre d'intérêt va porter sur des travaux qui traitent de l'apprentissage d'habiletés motrices, mais en se centrant tout particulièrement sur l'aspect incident de cet apprentissage. Dès lors, nous allons nous tourner vers ce qu'il convient d'appeler le champ de l' « apprentissage moteur implicite ».

2.2 L'apprentissage moteur implicite : brève revue de

littérature

Comme nous venons de le voir en passant en revue la littérature, il apparaît que les recherches relatives aux deux domaines de l'apprentissage implicite et de l'apprentissage moteur sont particulièrement abondantes tandis que celles ayant trait au domaine de l'apprentissage moteur implicite demeurent beaucoup plus restreintes (Pew, 1974; Magill & Hall, 1989; Wulf & Schmidt, 1997 ; Shea et al., 2001).

Qu'entend-on par « apprentissage moteur implicite » ? Pour Masters (1992), l'apprentissage moteur implicite « renvoie à l'acquisition passive d'un répertoire de mouvements, sans accumulation correspondante de connaissances ou de règles explicites et verbalisables. ». Pew (1974) a été le premier auteur à avoir utilisé une tâche de poursuite de cible (i.e tâche de tracking) pour démontrer qu'un apprentissage sans conscience des régularités dans le pattern de mouvements pouvait se produire. Dans son étude, les participants devaient suivre les déplacements d'un curseur sur un écran d'oscilloscope en manipulant une sorte de joystick. A chaque essai, le segment du milieu était toujours répété alors que le premier et le dernier segment étaient aléatoires. Toutefois, les sujets n'en étaient nullement informés. Après quatorze jours de pratique, les résultats indiquaient que les sujets s'amélioraient sur tous les segments, et que de surcroît, l'amélioration des performances était plus importante sur le segment répété comparativement aux segments aléatoires. De plus, un questionnaire post-expérimental indiquait que les participants n'avaient aucune conscience de

ces répétitions. De tels résultats ont été répliqués par Magill & Hall (1989) et par Wulf & Schmidt (1997), auteurs qui ont utilisé des tâches similaires. Dans leur étude de 1997, Wulf et Schmidt ont fait passer un test de reconnaissance aux sujets en plus de l'interview. Les données recueillies dans ce dernier test indiquent que les sujets ne sont pas capables d'identifier le segment répété à un niveau supérieur à ce que le hasard permettrait d'attendre.

Plus récemment, Shea et al. (2001) ont rapporté deux expériences sur l'apprentissage moteur implicite. Notre travail est en prise directe avec leurs deux expériences, ce qui justifie

le détail de celles-ci. En effet, ces travaux nous ont servi de base pour élaborer une nouvelle série d'expériences concernant le domaine de l'apprentissage moteur implicite. Dans leurs

L'apprentissage moteur implicite : brève revue de littérature 29

études, les participants devaient se déplacer sur la plate-forme d'un stabilomètre afin que

Position de la plate forme (°)

celle-ci soit en correspondance avec une cible qui se déplaçait sur un écran face à eux. Leur première expérience comprenait quatre sessions successives de pratique durant lesquelles les sujets réalisaient deux séries de sept essais de 75 secondes (cf. Figure 2.2).

Temps (s)

Figure 2.2: Exemple de pattern utilisé durant la phase de pratique de l'expérience de Shea et al.

(2001)

Chaque essai était divisé en trois segments de 25 secondes, mais les sujets n'en étaient

pas informés. La cible se déplaçait pseudo aléatoirement durant le premier (S1) et le dernier segment (S3), tandis que le segment du milieu (S2) était le même durant les quatre sessions. Durant la cinquième session, les sujets effectuaient un test de rétention dans lequel il apparaît que le segment répété S2 était pisté plus précisément comparativement aux segments aléatoires S1 et S3. Dans une interview ultérieure, aucun des participants n'a mentionné le fait qu'il puisse y avoir un segment répété, même lorsqu'ils étaient directement questionnés sur cette possibilité. De plus, lorsque l'expérimentateur révélait aux sujets l'existence de la répétition d'un segment et qu'il leur demandait de désigner lequel du 1er, 2ème ou 3ème segment était concerné, les réponses des sujets étaient données au hasard. Finalement, lorsque

ce segment répété était placé parmi des segments générés aléatoirement dans un test de reconnaissance à choix forcé, les sujets étaient incapables de le sélectionner avec une

probabilité supérieure à ce que le hasard permettrait d'attendre. Ces résultats répliquent ceux

obtenus par Pew (1974) et par Wulf & Schmidt (1997) dans une simple tâche de poursuite manuelle. En effet, ces auteurs avaient également observé que les sujets amélioraient sélectivement la précision de leur poursuite sur le segment répété, bien qu'ils ne soient pas conscients de la répétition de ce segment, ni de sa localisation à l'intérieur de l'essai dans les tests ultérieurs de rappel et de reconnaissance.

Dans l'expérience 2, Shea et al. (2001) ont utilisé la même tâche que dans l'expérience précédente. Cependant, cette fois, le segment du milieu (S2) était aléatoire tandis que S1 et S3 étaient les segments répétés, de plus, ces deux segments étaient identiques. Les auteurs ont manipulé les informations données aux participants concernant la structure de la tâche. La moitié des sujets était informée que le premier des trois segments de chaque essai (S1) était répété, alors que l'autre moitié était informée que la répétition concernait le dernier des trois segments de chaque essai (S3). Dans une interview ultérieure, seulement un des seize sujets a mentionné qu'un autre segment était répété, en plus du segment désigné durant les instructions. Ce résultat a permis de comparer les performances dans les conditions explicites versus implicites, sans qu'aucune confusion ne soit due à la position des segments répétés à l'intérieur de la séquence. Ces auteurs indiquent que les instructions explicites produisent de meilleures performances dans le début de la phase de pratique bien que ce ne soit pas significatif. Cependant, le pattern s'inverse au fur et à mesure de la pratique. En effet, à la cinquième session, dans le test de rétention, les erreurs sur le segment répété dont les sujets n'ont pas eu connaissance étaient significativement plus petites que celles obtenues sur le segment répété connu par les sujets. Les auteurs concluent à un effet néfaste des connaissances explicites sur la performance.

Ces études semblent fournir une démonstration apparemment simple de la possibilité d'apprendre inconsciemment la structure d'une tâche complexe. Il est maintenant intéressant

de voir si le consensus extrait précédemment des situations d'apprentissage implicite (à savoir

la formation de chunks et la forte corrélation qui existe entre performance et connaissance explicite de la situation) peut s'appliquer aux résultats issus d'expériences d'apprentissage moteur implicite.

2.3 Des résultats difficilement compatibles avec ceux obtenus en

apprentissage implicite

Nous voulons, dans un premier temps, savoir si dans les situations d'apprentissage moteur implicite, les participants apprennent des fragments de la séquence répétée ou bien s'ils apprennent celle-ci dans sa globalité. Wulf et ses collègues (Wulf & Schmidt, 1997; Shea

et al., 2001) suggèrent que les sujets apprennent le segment répété dans sa totalité. Or si l'on revient aux situations d'apprentissage implicite utilisant par exemple des tâches de grammaire artificielle, Perruchet (1994) et Reber & Lewis (1977) s'accordent à dire que les sujets n'apprennent pas des chaînes de lettres entières (souvent longues de 6 à 9 lettres) mais qu'ils apprennent plutôt de bigrammes ou des trigrammes de ces chaînes de lettres. La question de savoir si les sujets apprennent une séquence dans sa globalité ou bien des fragments de celle-

ci a été également intensivement étudiée dans les tâches de TRS conçues sur la base du paradigme de Nissen & Bullemer (1987). En effet, parmi toutes les situations d'apprentissage implicite, les études sur les TRS sont certainement les plus proches de la situation réalisée par Wulf et ses collaborateurs. Dans les situations de TRS, une cible apparaît dans des essais successifs à une position possible parmi quatre. Les participants sont invités à réagir à l'apparition de cette cible en appuyant sur une touche du clavier qui correspond spatialement à

la position de la cible sur l'écran. Sans que les sujets ne le sachent, la même séquence d'essais

(en général 10) est répétée dans toutes les sessions. Dans ces conditions, les participants montrent une amélioration fiable de leurs performances en comparaison avec les participants

à qui on a présenté une série produite aléatoirement. Comme le précise Rosenbaum, Carlson

& Gilmore (2001), ce résultat correspond étroitement aux résultats obtenus dans les tâches de poursuite continue. Cependant, en faisant cette comparaison entre tâche de TRS et tâche de poursuite, il ne s'agit pas de considérer que les tâches discrètes et les tâches de poursuite continue sont équivalentes d'un point de vue du contrôle moteur. Il est probable que les deux activités diffèrent (Adams, 1987) et, d'ailleurs, il est même possible que les tâches continues impliquant des mouvements du corps entier diffèrent de tâches continues utilisant des tâches simples (Wulf & Shea, 2004; Williams & Grbin, 1976). Le point clé n'est pas la composante perceptivo motrice impliquée dans la tâche, mais ce sont au contraire, les règles sous tendant

la situation. Dans les deux cas, les régularités sont appliquées comme une seule longue

répétition de séquence ou de segment (plus de quelques secondes). Cependant, il existe une

différence mineure, à savoir que le pattern de cible est cycliquement répété dans des études de TRS, alors qu'il est entremêlé de séquences aléatoires dans les études de Wulf et de ses collègues. Quelques études de TRS mixent séquences répétées et séquences aléatoires, et font état de résultats similaires à ceux obtenus en utilisant des répétitions continues (Meulemans, Van Der Linden & Perruchet, 1998; Stadler, 1993). Finalement, les conclusions issues des expériences utilisant des tâches de TRS indiquent que l'amélioration des performances des participants n'est pas due au fait qu'ils sachent qu'une longue séquence se répète de manière cyclique. Au contraire, dans ces situations, les participants deviennent sensibles à la fréquence des différentes cibles (comme l'indiquent les résultats obtenus par Shanks, Green & Kolodny,

1994) ainsi qu'à la fréquence de certains chunks (typiquement des petits fragments de deux ou trois essais). Bien qu'il y ait un débat considérable entourant la question de savoir si ces chunks sont disponibles dans les tests de rappel et de reconnaissance, l'idée selon laquelle les participants apprennent des petits chunks plutôt que la séquence entière reste pratiquement incontestée (Buchner, Steffens & Rothkegel, 1998; Perruchet & Amorim, 1992). Au contraire,

les résultats issus des situations d'apprentissage moteur implicite indiquent que les sujets apprennent la séquence répétée dans sa totalité.

Le second aspect qui nous intéresse à présent est de savoir si, dans les tâches de poursuite continue présentées précédemment, les sujets sont conscients ou non de l'existence d'un segment répété. Les conclusions fournies par Shea et al. (2001) indiquent qu'il existe un apprentissage sans connaissance explicite des régularités présentes dans une tâche motrice complexe. D'emblée de tels résultats viennent contraster avec ceux obtenus dans des tâches

de TRS. En effet dans les situations utilisant des tâches de TRS, la plupart des études rapporte une certaine quantité de connaissance explicite concernant les régularités présentes dans le matériel (Perruchet, Bigand & Benoit-Gonnin, 1997a; Shanks & Perruchet, 2002). Au contraire, les résultats issus des études portant sur la poursuite continue suggèrent que les participants ne sont pas conscients de l'existence de segments répétés. Pour preuve, les résultats de Shea et al. (2001), répliquant essentiellement ceux obtenus par Pew (1974) et par Wulf & Schmidt (1997), indiquent que les sujets améliorent sélectivement leur poursuite sur

le segment répété comparativement aux segments aléatoires, bien qu'ils ne soient pas conscients de l'existence de ce segment répété (ni de sa position à l'intérieur d'un essai) dans

les tests de rappel et de reconnaissance proposés suite à la phase de pratique. Seulement,

comme le disent Shanks & St. John (1994) : « Avant de conclure que les sujets ne sont pas

« conscients » de l'information qu'ils ont apprise et que cela influence leur comportement, l'expérimentateur doit pouvoir établir que l'information qu'il ou elle recherche dans les test de conscience est en effet l'information responsable des changements d'exécution1». Il est donc tout à fait possible de se demander si les tests post-expérimentaux de connaissance explicite utilisés par Wulf et ses collègues mesurent bien ce qu'ils prétendent mesurer. En effet, ces auteurs se basent sur une littérature relativement ancienne pour construire leurs tests (Reber,

1976; Lewicki, Czyzewska & Hoffman, 1987), littérature critiquée et améliorée depuis.

Au final, dans les situations dites d'« apprentissage moteur implicite », Wulf et collaborateurs suggèrent que les sujets apprennent (1) le segment répété dans sa totalité et (2) qu'ils ne sont pas conscients de la répétition de celui-ci au fil des essais. De tels résultats sont

en opposition avec les résultats robustes issus des situations prototypiques d'apprentissage implicite. En effet, nous avons vu précédemment (Cf. 1.3) que ces situations d'apprentissage implicite aboutissent à un consensus relatif selon lequel les participants apprennent l'information de manière parcellaire en formant des « chunks » et que les connaissances acquises sont accessibles à la conscience. L'intérêt, à présent, va donc être de comprendre et d'expliquer pourquoi il existe une telle contradiction entre les résultats obtenus dans ces deux domaines. En d'autres termes, nous voulons savoir pourquoi il y a un apprentissage implicite sans connaissances explicites concomitantes dans les situations d'apprentissage moteur implicite. Cela nous amène à nous poser les questions suivantes : est ce que les situations d'apprentissage d'habiletés continues constituent une classe à part d'apprentissage, ou bien, y

a-t-il dans ces situations un problème méthodologique aboutissant aux résultats que nous

connaissons?

1 « Before concluding that subjects are unaware of the information that they have learned and that is influencing

their behaviour, it must be possible to establish that the information the experimenter is looking for in the awareness test is indeed the information responsible for performance changes »

Deuxième partie : Réanalyse de la

littérature sur l'apprentissage moteur implicite et réinterprétation expérimentale

Chapitre 3

Commentaires sur les travaux de Shea et al. (2001)

Dans le chapitre précédent, nous avons examiné la littérature sur l'apprentissage implicite, en montrant que malgré une origine hétérogène du phénomène et des définitions et des points de vue divergents, il était tout de même possible d'aboutir à un consensus relatif concernant les résultats issus de ces situations d'apprentissage prototypiques. Nous avons également montré l'intérêt de diversifier cette littérature au delà de ses frontières d'origine. Le

but était de voir si les résultats obtenus dans le domaine de l'apprentissage implicite pouvaient

se généraliser à d'autres situations, et notamment aux situations d'apprentissage implicite d'habiletés motrices. Dans ce cas précis, nous avons vu qu'une telle généralisation semblait difficile. Les conclusions auxquelles aboutissent ces études sont différentes de celles auxquelles on aboutit lorsque l'on analyse des situations plus traditionnelles d'apprentissage implicite. D'où provient cette discordance observée dans les conclusions ?

Ce chapitre a pour but d'illustrer comment la prise en compte de la littérature récente conduit à remettre en cause certaines des conclusions formulées par Wulf et ses collaborateurs

au sujet de l'apprentissage implicite d'habiletés motrices. Nous allons essayer de comprendre

ce qui amène ces auteurs à conclure que, dans leurs expériences, les sujets ne sont pas conscients de l'existence d'un segment répété. Pour se faire, nous allons examiner le plan expérimental de leurs expériences ainsi que les tests post expérimentaux utilisés. Je vais reprendre certains des arguments que nous avons publiés (Perruchet, Chambaron & Ferrel- Chapus, 2003) et qui soulèvent l'existence de divers problèmes méthodologiques dans les travaux de Shea et al. (2001).

3.1 Qu'est ce qui est vraiment appris de manière incidente ?

Les études conventionnelles ont permis de formuler des conclusions robustes au sujet de l'apprentissage implicite. C'est pourquoi, il nous a paru intéressant d'examiner si de telles conclusions pouvaient se généraliser à de nouveaux cadres expérimentaux. Dans cette perspective, les études explorant l'apprentissage moteur implicite dans des tâches de poursuite continue (Pew, 1974; Exp. 1; ; Shea et al., 2001 ; Wulf & Schmidt, 1997) se révèlent d'un grand intérêt. Dans ces différentes recherches, les auteurs ont montré que les sujets étaient capables d'apprendre inconsciemment les régularités présentes dans le déplacement de la cible.

Bien que l'existence de l'apprentissage dans ce genre de situations ne soit pas surprenant compte tenu du parallèle que l'on peut faire entre les tâches de poursuite continue

et les autres situations d'apprentissage implicite, et particulièrement les tâches de TRS (Rosenbaum et al., 2001), il y a tout de même un point intriguant concernant les résultats obtenus dans les situations traditionnelles comparés à ceux obtenus dans les nouvelles situations. En effet, comme nous l'avons expliqué dans le chapitre précédent, dans les situations traditionnelles, la plupart des études font état d'une certaine quantité de connaissance explicite au sujet des régularités présentes dans le matériel, lorsque cette connaissance est mesurée par des tests post-expérimentaux (e.g. Dulany, Carlson & Dewey,

1984; Perruchet et al., 1997a; Shanks & St. John, 1994; Shanks & Perruchet, 2002). Au contraire, les études portant sur la poursuite continue de cible laissent apparaître des résultats différents. En effet, dans leur expérience 1, Shea et ses collaborateurs indiquent que, les sujets

ont sélectivement amélioré la précision de leur poursuite sur le segment répété, bien qu'ils ne soient pas conscients de l'existence de ce segment répété. Aucun participant ne mentionne l'existence d'une séquence répétée lorsqu'il est interrogé dans une interview suite à l'expérience. De plus, même lorsque l'expérimentateur demande aux sujets s'ils n'ont pas eu l'impression que « quelque chose » se répétait, ceux-ci répondent négativement et sont parfaitement incapables de reconnaître ce segment répété parmi d'autres segments aléatoires lors d'un test de reconnaissance à choix forcé. Dans leur deuxième expérience, ces mêmes auteurs ont manipulé l'information donnée aux sujets concernant la structure de la tâche (pour plus de détails, cf. p.34), en répartissant les sujets en deux groupes : un groupe de sujets est

« informé » de la répétition d'un segment dans la séquence et l'autre groupe n'est « pas

informé ». Ainsi, les auteurs prétendent comparer les performances des sujets dans une condition explicite (« groupe informé ») versus dans une condition implicite (« groupe non informé »). Comme nous l'avons mentionné précédemment, les auteurs en arrivent à la conclusion selon laquelle les informations explicites relatives à la structure de la tâche ont un effet néfaste sur la performance. En fait, il faut se demander si l'information qu'ils fournissent aux sujets dans la condition explicite est bien pertinente. En effet, afin de rendre valide la comparaison entre les deux conditions, l'information fournie au « groupe informé » doit concerner les régularités qui sont réellement exploitées dans les conditions d'apprentissage implicite. Si l'information donnée par l'expérimentateur concerne d'autres aspects de la situation, les différences de performance observées entre les deux conditions peuvent être attribuées aux différences dans le contenu de la connaissance plutôt qu'à la nature, implicite versus explicite, de la connaissance acquise. Cependant, Shea & al n'ont jamais considéré la possibilité que la différence qu'ils obtiennent entre « groupe informé » et « groupe non informé » puisse être due au fait que les deux groupes se soient focalisés sur des caractéristiques différentes de la tâche. Au lieu de cela, ils concluent au fait que la connaissance est explicite dans un cas et implicite dans l'autre.

Les commentaires que nous (Perruchet et al., 2003) avons apportés tendent à remettre

en question l'existence d'un apprentissage non conscient dans les tâches de poursuite continue. Les conclusions formulées par Shea et al. (2001) ne semblent pas fondées puisque

ces auteurs échouent à identifier ce que les participants apprennent vraiment de manière incidente.

3.2 Des tests post expérimentaux qui ne sont pas appropriés

Récemment, nous (Perruchet et al., 2003) avons suggéré que la divergence de résultats obtenue entre ces différentes recherches pourrait être due au fait que les connaissances mesurées par les tests post expérimentaux des tâches de poursuite continue ne correspondent pas aux connaissances qui sont responsables de l'amélioration des performances des sujets.

En fait, ces tests post-expérimentaux mesurent essentiellement deux aspects: (1) le fait que le même segment soit répété durant la phase de pratique et (2) la position de ce segment à

l'intérieur de la séquence globale (c'est-à-dire premier, deuxième ou troisième segment). Le

même constat peut être fait en observant les études de Pew (1974) et celles de Wulf & Schmidt (1997), bien que celles-ci utilisent un timing différent. Il semble donc que les caractéristiques structurelles que Wulf et ses collègues prétendent être apprises implicitement correspondent en fait aux caractéristiques mêmes qu'ils utilisent pour construire leur situation expérimentale. En procédant ainsi, ces auteurs s'appuient fortement sur les premiers travaux des investigateurs de l'apprentissage implicite. Par exemple, Reber, en 1967, disait que les participants apprenaient la grammaire à état fini en produisant des chaînes de lettres. Lewicki, Hill & Bizot (1988) utilisaient des tâches de temps de réaction séquentiel pour montrer que

les sujets apprenaient les règles sous tendant leurs séquences. De même, McGeorge & Burton (1989) prétendaient que les participants n'apprenaient que les chaînes régulières contenant le chiffre « 3 » ce qui correspond à la caractéristique cible de leur matériel.

Cependant, nous avons démontré que ni l'un ni l'autre des deux aspects mesurés par les tests post expérimentaux de Wulf et ses collègues n'étaient nécessaires pour que le sujet améliore ses performances. De plus, nous avons également souligné qu'aucun de ces aspects n'était appris dans les tâches classiques de TRS. En effet, dans les tâches de TRS, les participants acquièrent des connaissances sur des petits « chunks » (i.e fragments) composés

de 2 ou 3 essais (Buchner et al., 1998; Perruchet & Amorim, 1992). Cette interprétation s'applique aussi à d'autres paradigmes conventionnels utilisés en apprentissage implicite. C'est le cas par exemple pour les tâches de grammaire artificielle dans lesquelles les résultats indiquent que les sujets apprendraient essentiellement des bigrammes ou des trigrammes composants la chaîne de lettres (Perruchet, 1994; Reber & Lewis, 1977). Par conséquent, si une interprétation similaire devait s'appliquer pour des tâches de poursuite continue, alors les tests évaluant la connaissance explicite devraient étudier le rappel ou la reconnaissance de ces chunks plutôt que de se focaliser sur la nature du segment répété ou sur sa position au sein de

la séquence entière.

Finalement, les conclusions données par les auteurs travaillant sur le domaine de l'apprentissage moteur implicite n'apparaissent pas fondées puisque, d'une part, elles échouent à identifier ce que les participants apprennent vraiment de manière incidente et d'autre part, les tests post expérimentaux utilisés ne mesurent pas ce qu'ils prétendent mesurer réellement. Par conséquent, nous avons décidé de réanalyser ces études en nous basant sur

une littérature récente et en utilisant une méthodologie adéquate afin de voir si, dans ces

conditions, les sujets sont toujours capables d'apprendre inconsciemment les régularités présentes dans le déplacement continu d'une cible.

Chapitre 4

Apprentissage d'un segment répété dans une tâche

de poursuite continue

Les quatre expériences présentées dans ce chapitre reprennent le même protocole expérimental que celui utilisé dans les études de Wulf et collaborateurs. Toutefois, la mise en oeuvre de nos recherches s'effectue au moyen d'une tâche de poursuite continue de cible

(i.e tracking.) de cible sur écran d'ordinateur au moyen d'une souris, en lieu et place d'un joystick ou d'un stabilomètre. Les sujets ont pour tâche de poursuivre une cible qui se déplace horizontalement sur un écran d'ordinateur. Chaque essai est divisé en trois segments (S1, S2 et S3), avec le segment du milieu (S2) qui est répété durant toute la session tandis que le premier (S1) et le troisième (S3) segment sont générés aléatoirement. D'autres aspects diffèrent entre

nos études et celles de Wulf et collaborateurs, à savoir : le matériel utilisé, les paramètres des

temps de déplacement de cible ou bien encore le nombre d'essais d'entraînement. En effet, nous n'avons pas essayé de répliquer une expérience spécifique.

Dans une première série composée de trois expériences, nous avons exploré l'influence

de différents facteurs sur l'apprentissage moteur implicite en utilisant une séquence répétée propre à chaque sujet (expérience 1), en augmentant la longueur de la phase d'entraînement (expérience 2) et en manipulant la vitesse de déplacement de la cible (expérience 3). La quatrième expérience reprend quant à elle le même protocole que celui utilisé dans nos

premières expériences mais en utilisant cette fois une seule séquence répétée pour tous les

sujets, comme c'est le cas dans la plupart des études de Wulf et collaborateurs.

Deux hypothèses récurrentes vont être testées sur les quatre expériences présentées dans

ce chapitre. Tout d'abord, la première hypothèse vise à mettre en évidence un apprentissage moteur implicite dans une tâche de poursuite de cible continue. Cet apprentissage doit se traduire par une évolution différente des performances sur le segment répété comparativement

à celles obtenues sur les segments aléatoires, avec des performances meilleures sur les segments répétés. Par « meilleures performances », il faut entendre d'une part, que l'erreur de position entre le pointeur de la souris et la cible mouvante est minimisée sur les segments répétés, et d'autre part, que la mesure du temps pendant lequel le pointeur est situé à l'intérieur de la cible est quant à lui maximisé pour les segments répétés.

Afin de faciliter la compréhension, nous emploierons le terme « apprentissage » lorsqu'il s'agit de l'apprentissage de la séquence répétée, sinon nous utiliserons le terme d'« amélioration non spécifique » des performances pour désigner la part d'évolution commune aux segments répétés et aléatoires.

Alors que notre première hypothèse est directement testée à partir des mesures issues de

la phase de pratique, la vérification de notre seconde hypothèse porte quant à elle sur le test de reconnaissance. En effet, nous supposons que les sujets reconnaissent mieux le segment répété (déjà vu) comparativement à des segments aléatoires (jamais vus). Cela doit se traduire

par des scores, sur une échelle de reconnaissance, plus élevés pour les segments déjà vus comparativement aux segments jamais vus.

4.1 Expérience 1

Dans cette première expérience, nous avons utilisé un segment répété S2 propre à chaque sujet (contrairement à Wulf et collaborateurs qui utilisent un seul segment répété pour tous les sujets) afin de contrôler la complexité de la séquence répétée.

4.1.1 Méthode

Sujets

Dix-huit étudiants volontaires (15 filles et 3 garçons) de l'Université de Bourgogne inscrits en première année de Psychologie ont participé à cette expérience. Tous étaient droitiers et avaient une vision normale ou parfaitement corrigée. Aucun d'entre eux n'avait de connaissance préalable concernant la tâche. Ils n'étaient nullement informés du but de l'expérience.

Matériel

La présentation des stimuli, l'enregistrement du temps et des données sont implémentés

sur un ordinateur de type PC équipé d'un écran couleur de « 14 pouces » avec une résolution

de 1024 x 768 pixels. Les sujets sont assis face à l'écran, à une distance d'environ 65 cm. Un programme en C++, spécialement développé pour nos recherches, enregistre en temps réel les mouvements de la cible à une fréquence de 200 Hz et affiche celle-ci sur l'écran. La cible est

un rond bleu de 1 cm de diamètre (soit 40 pixels) qui se déplace horizontalement sur l'écran. Les sujets utilisent une souris optique pour pister la cible. Seuls les déplacements horizontaux

du pointeur de souris (un point noir de 5 mm de diamètre) sont permis. La souris est calibrée

de manière à ce que 1 centimètre de déplacement de la souris sur le tapis corresponde exactement à 6 centimètres de déplacement sur l'écran. La position du pointeur de souris est enregistrée à une fréquence de 200-Hz afin d'être utilisée dans des analyses ultérieures.

Stimuli

Dans l'étude de Shea et al. (2001), la cible se déplace selon un pattern composé de trois segments de durée identique de 25 secondes. Chaque segment est obtenu à partir d'une équation composée d'une série sinus cosinus de la forme suivante :

(i)= b0 + a1 sin () + b1 cos () + a2 sin (2) + b2 cos (2) +

a3 sin (3) + b3 cos (3) + a4 sin (4) + b4 cos (4) +

a5 sin (5) + b5 cos (5) + a6 sin (6) + b6 cos (6)

où (i) = 2 (i + )/(freq * tps) Avec :

É « freq » est la fréquence d'enregistrement des données, soit 40 Hz,

É « tps » est la durée d'un segment, soit 25 secondes,

Cette équation permet de calculer l'angle (i) du stabilomètre par rapport à l'horizontale. Les valeurs de (i) sont comprises dans l'intervalle [-15° ; +15°] afin que les sujets puissent rester en équilibre sur le plateau du stabilomètre sans chuter. Les coefficients

(a1 - a6) et (b1 - b6) du second segment sont tirés de Wulf & Schmidt (1997). Le coefficient final b0 est calculé de manière à ce que les valeurs maximales et minimales de l'angle (i) soient symétriques par rapport à zéro dans l'intervalle [-15° ; +15°]. De plus, un déphasage à l'origine est ajouté dans l'équation afin que le segment démarre et se termine avec une valeur de (i) = 0 (stabilomètre horizontal). Les coefficients utilisés pour ce second segment sont =35°, b0=-1.52, a1 = -4.0, b1 = 3.0, a2 = -4.0, b2 = -3.6, a3 = 3.9, b3 = 4.5, a4=0.0, b4

= 1.0, a5 = -3.8, b5=-0.5, a6 = 1.0 et b6 = 2.5.

Les coefficients du premier et du troisième segment sont, quant à eux, générés aléatoirement avec les critères suivants : (1) les coefficients sont des nombres compris entre -

5 et +5 et (2), il n'y a pas plus de 10% de différence entre les maxima (ou les minima) des courbes des trois segments. Ce dernier critère est employé pour vérifier qu'il ne se produit pas

de grands changements dans l'amplitude de la cible entre les différents segments. Comme pour le segment répété, le coefficient b0 et le déphasage à l'origine sont ensuite évalués de manière à ce que les segments soient parfaitement symétriques d'une part et débutent et finissent à l'origine d'autre part.

Enfin, pour garantir que les transitions entre les différents segments ne sont pas détectées par les sujets, Shea et al. (2001) ont rajouté un critère supplémentaire portant sur les pentes des segments : les pentes à la fin d'un segment et au début du segment suivant ne doivent pas être différentes de plus de 10 %. Ceci permet donc d'assurer des transitions

« douces » entre d'une part la fin du segment S1 aléatoire et le début du segment répété S2 et

d'autre part entre la fin de ce même segment répété S2 et le début du segment S3 aléatoire, rendant impossible la détection du segment répété.

Dans notre expérience, la cible se déplace horizontalement sur l'écran selon un pattern composé de trois segments de durée identique de 12 secondes. Pour chacun des segments, le déplacement de la cible est régi par une équation composée d'une série de sinus cosinus de la forme :

(i)= b0 + a1 sin () + b1 cos () + a2 sin (2) + b2 cos (2) +

a3 sin (3) + b3 cos (3) + a4 sin (4) + b4 cos (4) +

a5 sin (5) + b5 cos (5) + a6 sin (6) + b6 cos (6)

où (i) = 1.5 (i + )/ (freq * temps) avec freq=200Hz et tps=12s.

Comme précédemment, ces valeurs (i) sont comprises dans l'intervalle [-15; +15] mais correspondent ici à la position horizontale de la cible sur l'écran. Ainsi, la valeur -15 représente le bord gauche de l'écran, la valeur 0 représente le centre de l'écran et la valeur

+15 représente le bord droit de l'écran.

Chacun des trois segments (S1, S2 et S3) possède ses propres coefficients ai et bi. Cependant, les coefficients pour les segments aléatoires S1 et S3 diffèrent à chaque essai, tandis que les coefficients pour le segment répété S2 demeurent identiques au fil des essais pour un sujet donné (autrement dit S2 propre à chaque sujet). Les coefficients (a1 - a6) et (b0 -

b6) pour les trois segments sont calculés pour chaque sujet avant que l'expérience ne commence, selon les mêmes critères que ceux utilisés par Shea et al. (2001) c'est-à-dire (1)

les coefficients sont compris dans l'intervalle [-5 ;+5], (2) les maxima (et les minima) entre

les segments ne diffèrent pas plus de 10 %, (3) les courbes sont symétriques par rapport à l'origine (centre de l'écran). Par contre, nous avons modifié les critères de génération du déphasage afin de nous assurer que la séquence répétée ne puisse pas être repérable. En effet, l'équation proposée par Shea et al. (2001) possède une période de 2 ce qui entraîne qu'un segment (aléatoire ou répété) commence et finit toujours à l'origine, ce qui est potentiellement détectable. Dans notre cas, nous souhaitons que chaque segment puisse

commencer et finir à des positions différentes. En particulier, le début du segment aléatoire S1

et la fin du segment aléatoire S3 sont positionnés au centre de l'écran mais par contre le début

et la fin du segment répété S2 sont différents et positionnés aléatoirement sur l'axe horizontal.

Il est donc indispensable de modifier l'équation utilisée de manière à ce qu'elle ne soit plus périodique. Pour cela, nous utilisons seulement une partie (1.5 au lieu de 2 ) du signal périodique (i) afin de rendre la position de la cible à la fin d'un segment indépendante de sa position de départ

Enfin, une dernière contrainte a été rajoutée sur les pentes au début et à la fin des segments et en particulier du segment répété S2. Les pentes aux extrémités du segment répété sont égales à zéro, ce qui implique un changement de direction dans le déplacement de la cible aux frontières de S2.

La Figure 4.1 (présentée ci-après) est une illustration du déplacement de la cible lors de cinq essais consécutifs effectués par un même sujet. Nous pouvons remarquer que les segments aléatoires S1 et S3 sont tous différents les uns des autres tandis que le segment S2 est toujours identique et se répète durant les cinq essais. Tous les essais commencent (début de

S1) et se terminent (fin de S3) au centre de l'écran, c'est-à-dire à la position 0. Dans l'exemple présenté sur la figure ci-dessous, le segment répété S2 débute du côté gauche de l'écran (à la position -9.48), se termine du côté droit (à la position 4.40) respectant ainsi les conditions énoncées précédemment.

Procédure

Les participants voient un rond bleu (la cible) qui se déplace horizontalement sur l'écran d'ordinateur (le fond d'écran étant gris). Ils ont pour consigne de placer le pointeur de souris

le plus précisément possible au centre de cette cible et de la poursuivre. Ils ne sont pas informés de la présence d'un segment répété.

La phase de pratique comprend 12 essais de 36 secondes chacun, séparés par une pause d'environ 10 secondes. Chacun des essais est composé de trois segments de 12 secondes. Le premier (S1) et le troisième segment (S3) sont générés de manière aléatoire et diffèrent à chaque essai. Aucun de ces segments aléatoires n'est réutilisé au cours de l'expérience. Au

contraire, le deuxième segment (S2) est identique d'essai en essai pour un sujet donné, mais il

diffère pour chaque sujet (c'est pourquoi on parle de « S2 propre à chaque sujet »).

Bord gauche

de l'écran

Centre de

l'écran

Bord droit

de l'écran

-15 -10 -5 0 5 10 15

0

4

S1

8

12

16

S2

Temps (s)

20

24

28

S3

32

36

Figure 4.1 : Exemple de déplacement de la cible durant 5 essais consécutifs effectués par un même

sujet. Chaque essai est composé de deux segments aléatoires (S1 et S3) et d'un segment répété (S2)

d'une durée de 12 secondes chacun. L'axe horizontal représente la position de la cible sur l'écran

et l'axe vertical représente le temps

Après cette phase de pratique, les sujets font une pause de 2 minutes puis un test de

reconnaissance leur est proposé. Ce test de reconnaissance comprend 8 essais successifs. Parmi ces essais, se trouvent 4 segments aléatoires qui n'ont jamais été vus par les sujets en phase de pratique et 4 segments répétés déjà vus par les sujets. Ces quatre essais correspondent soit au segment répété S2 dans son intégralité, soit à 3 fragments de ce segment. En effet, un découpage du segment répété en trois fragments A, B et C est effectué. Dans l'exemple représenté sur la Figure 4.2, le segment répété S2 a été découpé en trois fragments A, B et C de durées respectives 4.26 secondes, 3.56 secondes et 4.18 secondes.

Bord gauche

de l'écran

Centre de

l'écran

Bord droit

de l'écran

-15 -10 -5 0 5 10 15

0

2 Fragment A

4

4.26

Temps (s)

6

7.82

8

10

12

Fragment B

Fragment C

Figure 4.2 : Représentation du déplacement de la cible sur l'écran sur le segment répété S2. Ce

segment d'une durée de 12 secondes est découpé en 3 fragments A, B, C

Ce découpage est obtenu selon le principe suivant : un premier découpage arbitraire en

3 parties de durée identique (4 secondes) est d'abord réalisé. Ensuite, un repérage des changements de direction est effectué autour de ces points afin d'affiner ce fractionnement. Ceci permet donc de faire coïncider les fragments A, B et C avec des mouvements complets

de durée approximativement égales.

Les sujets ont pour consigne d'observer, sur l'écran d'ordinateur, le déplacement de la cible bleue sans effectuer aucune poursuite. Après cette observation, ils doivent noter sur une échelle en dix points leur impression de « déjà vu » : la note 0 indique que le sujet est absolument sûr de ne jamais avoir vu ce déplacement; à l'opposé, le note 9 indique que le sujet est certain d'avoir déjà vu ce déplacement.

Recueil et analyse des données

Pour l'ensemble des expériences réalisées, les coordonnées de la souris et du centre de

la cible (avec une précision spatiale du pixel) sont collectées par l'ordinateur à une fréquence

de 200 Hz pendant la durée totale des essais.

Nous sommes intéressés aux deux variables dépendantes suivantes :

É La RMSE (Root Mean Square Error ou erreur quadratique moyenne) entre la position du pointeur de souris et la position réelle de la cible s'exprime en nombre

de pixels.

É Le temps sur cible, exprimé en pourcentage de la durée totale d'un essai, est défini comme le temps pendant lequel le pointeur de souris est situé à l'intérieur de la cible.

4.1.2 Résultats

Phase de pratique

La Figure 4.3 illustre l'évolution des deux variables dépendantes au fil des essais, permettant ainsi de comparer les performances obtenues sur le segment répété (en trait plein

sur la figure) par rapport à celles obtenues sur les segments aléatoires (en pointillés sur la

figure).

46

Répété

44 Aléatoire

42

40

38

36

RMSE (pixels)

34

32

30

28

e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12

Essais

56

54

52

Temps sur cible (%)

50

48

46

44

42

40 Répété

Aléatoire

38

e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12

Essais

Figure 4.3 : Evolution de la RMSE et du temps sur cible au fil des essais pour les segments répétés

et aléatoires dans l'expérience 1. Des valeurs faibles pour la RMSE et des valeurs importantes pour le temps sur cible traduisent les meilleures performances.

D'un point de vue descriptif, une amélioration des performances (diminution de la

RMSE et augmentation du temps sur cible) est observée au fil des essais. Cette amélioration

est très importante entre le premier et le deuxième essai, puis elle tend à se stabiliser par la

suite. De plus, les performances évoluent de manière identique sur les deux types de

segments, ce qui traduit une absence d'apprentissage de la séquence répétée.

La RMSE et le temps sur cible ont été soumis a une analyse de variance (ANOVA) 12 (nombre d'essais) X 2 (type de segments : répété vs. aléatoires). Pour le segment répété, la RMSE est calculée sur S2, tandis que pour les segments aléatoires, elle est calculée sur les segments S1 et S3.

L'analyse statistique effectuée sur ces données laisse apparaître un effet significatif des essais aussi bien pour la RMSE (F(11,187)=12.33; p<.001) que pour le temps sur cible (F(11,187)=6.76; p<.001), ce qui traduit une amélioration non spécifique des performances. Par contre, aucun effet significatif du type d'essai ne ressort (F(1,17)=.08; p=.779 pour la RMSE et F(1,17)=.11; p=.735 pour le temps sur cible), Enfin, aucun apprentissage de la séquence répétée n'existe car il ne ressort aucun effet significatif de l'interaction essais X type

de segment pour les deux variables (F(11,187)=.49; p=.904 et F(11,187)=.51; p=.896). Ces résultats indiquent donc que les performances des participants se sont améliorées au fil des essais de la phase de pratique. Cependant, ils n'ont pas pu tirer de bénéfice de la structure de

la répétition pour réaliser un apprentissage.

Test de reconnaissance

Dans le but de comparer le degré de reconnaissance porté par les sujets aux différents segments, nous avons moyenné d'une part les notes attribuées aux 4 segments répétés (vus) et d'autre part les notes attribuées aux 4 segments aléatoires (non vus). Une analyse de variance mettant en oeuvre le plan d'analyse S18 * T2 avec S représentant le nombre de sujets et T le type de fragment avec deux modalités (vus vs non vus) est réalisée.

La Figure 4.4 représente le degré de reconnaissance des segments vus et des segments non vus. Les moyennes des notes attribuées aux segments répétés (5.72) sont supérieures à celle des segments aléatoires (5.13). Cependant, l'analyse statistique effectuée ne révèle pas

de différence significative entre les différents types de segments : F(1,17) = 1.11 ; p=.307.

8

7.5

Degré de reconnaissance

7

6.5

6

5.5

5

4.5

4

3.5

3

Vus Non Vus

Type de segments

Figure 4.4 : Degré de reconnaissance des différents types de segments. Les barres d'erreurs

représentent l'écart type de la moyenne.

Finalement, le test de reconnaissance ne laisse apparaître aucun résultat significatif, c'est-à-dire que les segments répétés ne sont pas mieux reconnus que les segments aléatoires.

4.2 Expérience 2

Lors de notre première expérience, nous n'avons pas réussi à répliquer les résultats obtenus dans les études antérieures d'apprentissage moteur implicite. Ceci peut être dû à un certain nombre de causes, et une possibilité à explorer concerne la quantité de pratique. En effet, dans notre première expérience, nous avons employé seulement 12 essais d'entraînement par session, tandis que Wulf et collaborateurs ont entraîné leurs sujets pendant quatre jours (avec un nombre d'essais par jour allant de 14 dans l'étude de Shea et al. (2001), expériences 1 et 2, jusqu'à 120 essais dans l'étude de Wulf & Schmidt, 1997, expérience 2). Cette deuxième expérience reste similaire à l'expérience 1, sauf que cette fois, les sujets ont pratiqué la tâche de poursuite continue durant quatre jours consécutifs, avec 20 essais par jour.

4.2.1 Méthode

Sujets

Six étudiants volontaires de l'Université de Bourgogne (3 filles et 3 garçons) inscrits en filière informatique ont participé à cette expérience. Aucun de ces sujets n'avait participé à l'expérience précédente. Tous avaient une vision normale ou parfaitement corrigée.

Matériel, Stimuli et Procédure

Le matériel, les stimuli et la procédure sont identiques à ceux de l'expérience 1. Cependant, les participants sont maintenant entraînés pendant 4 jours consécutifs au lieu d'un seul jour. Chaque jour, la phase de pratique comprend deux séries de 10 essais (S1 aléatoire,

S2 répété, S3 aléatoire) de 36 secondes. Ces deux séries sont séparées par une pause d'environ

cinq minutes.

4.2.2 Résultats

Phase de pratique

Pour effectuer une analyse statistique sur l'ensemble des données de la phase de pratique, nous avons réduit le nombre de ces données en moyennant par jour. De manière identique à l'expérience précédente, l'analyse porte sur les mêmes variables dépendantes, à savoir la RMSE sur la position et le temps sur cible.

L'évolution de ces deux variables dépendantes au fil des jours est illustrée sur la Figure

4.5 ce qui nous permet de comparer les performances obtenues sur les deux types de segments. De manière identique à l'expérience 1, une amélioration non spécifique des performances s'observe au fil des jours. Celle-ci est quasi identique sur les segments répétés

et aléatoires, ce qui traduit, là encore, une absence d'apprentissage de la séquence répétée. De manière générale, la RMSE est plus faible que celle trouvée dans l'expérience 1 et le temps

sur cible est quant à lui plus élevé. Cette différence est vraisemblablement due à l'échantillon

de sujets impliqués dans ces deux expériences. En effet, l'expérience 1 (ainsi que les

expériences suivantes présentées ultérieurement) est réalisée par des étudiants de psychologie

alors que cette expérience est réalisée par des étudiants en informatique qui sont plus habitués

à utiliser la souris dans leur travail quotidien.

Le passage du premier jour au deuxième jour se caractérise par une amélioration des performances. Par la suite, celles-ci stagnent, voire diminuent, entre le deuxième et troisième jour. Enfin, une nouvelle amélioration, plus faible que la première, est observée entre le troisième et le quatrième jour.

21.0

20.5

20.0

Répété

Aléatoire

19.5

RMSE (pixels)

19.0

18.5

18.0

17.5

17.0

16.5

16.0

j1 j2 j3 j4

Jours

79

78

77

Temps sur cible (%)

76

75

74

73

72

71 Répété

Aléatoire

70

j1 j2 j3 j4

Jours

Figure 4.5 : Evolution de la RMSE et du temps sur cible au fil des quatre jours de pratique pour

les segments répétés et aléatoires dans l'expérience 2.

Le plan d'analyse utilisé est le suivant : S6 * J4 * T2 avec S le nombre de sujets, J le

nombre de jours de pratique et T le type de segment avec deux modalités (« répété » et

« aléatoire »).

D'un point de vue statistique, seul un effet significatif des jours de pratique ressort (F(3,15)=7.68; p<.002 pour la RMSE et F(3,15)=5.84; p<.007 pour le temps sur cible), ce qui indique que les participants ont amélioré leur exécution au cours de la pratique.

Par contre, il n'existe pas de différence de performances entre les deux types de segments (F(1,5)=1.14; p=.333 et F(1,5)=.40; p=.553). En effet, l'écart de performances entre

les segments répétés et aléatoires est minime (1 pixel d'erreur pour la RMSE et 1.5 % pour le temps sur cible environ). De même, l'interaction jour x type de segment n'est pas significative (F(3,15)=.20; p=.893 et F(3,15)=.55; p=.655), indiquant que la différence entre les segments répétés et aléatoires n'a pas augmenté au fil des jours. L'apprentissage de la séquence répétée n'est donc pas vérifié.

En conclusion, ces résultats montrent que notre échec, dans l'expérience 1, à répliquer

les résultats obtenus dans les études antérieures d'apprentissage moteur implicite n'était pas

dû à une quantité insuffisante de pratique.

Test de reconnaissance

Ce test de reconnaissance est identique à celui effectué dans l'expérience 1. Une ANOVA de la forme S6 * T2 est réalisée dans le but de comparer le degré de reconnaissance entre les segments répétés et aléatoires.

Les notes attribuées aux segments déjà vus sont légèrement supérieures (5.46) comparativement à celles attribuées aux segments aléatoires (5.17) comme l'illustre la Figure 4.6.

Cependant, l'analyse statistique effectuée ne révèle pas de différence significative entre

les différents types de segments : F(1,5)=1.17; p=.328 montrant une fois encore que les sujets sont incapables de reconnaître les segments qui leur sont présentés.

8

7.5

D egré de reconnaissance

7

6.5

6

5.5

5

4.5

4

3.5

3

Vus Non Vus

Type de segments

Figure 4.6 : Degré de reconnaissance des différents types de segments. Les barres d'erreurs

représentent l'écart type de la moyenne.

4.3 Expérience 3

Cette expérience explore l'influence des paramètres de temps. En effet, dans les études

de Wulf et collaborateurs, la durée d'un essai variait entre les expériences (15 s chez Wulf et

Schmidt, 1997, Exp. 2 ; 30 s chez Wulf et Schmidt, Exp. 1 ; ou bien encore 75 s chez Shea et

al. (2001), expérience 1 et 2). Dans nos expériences 1 et 2, nous avions fixé la durée d'un essai à 36 s. Cette troisième expérience reste semblable à l'expérience 1, sauf que la durée d'un essai a été raccourcie de 36 s à 15 s, et le nombre d'essais a été augmenté de 12 à 24.

4.3.1 Méthode

Sujets

Vingt-quatre étudiants en Psychologie (19 filles et 5 garçons) de l'Université de Bourgogne ont été recrutés pour cette étude. Aucun d'entre eux n'avait d'expérience antérieure avec la tâche. Tous avaient une vision normale ou parfaitement corrigée.

Matériel, Stimuli et Procédure

Le matériel, les stimuli et la procédure sont identiques à ceux utilisés précédemment ; sauf que cette fois, la durée totale de chaque essai est de 15 secondes. Les participants pratiquent la tâche de poursuite continue durant 24 essais par session.

4.3.2 Résultats

Phase de pratique

La RMSE moyenne est nettement plus élevée que dans les deux expériences précédentes, et le temps sur cible est quant à lui beaucoup plus faible. Le fait d'augmenter la vitesse de déplacement de la cible a vraisemblablement augmenté la difficulté de poursuite et ceci dans des proportions notables.

La Figure 4.7 illustre l'évolution de la RMSE et du temps sur cible au fil des 24 essais

de pratique. D'un point de vue descriptif, nous pouvons observer une amélioration des performances au fil des essais se traduisant par une diminution de la RMSE et par une augmentation du temps sur cible. Là encore, les performances évoluent de manière identique

sur les deux types de segments répété et aléatoire.

Une ANOVA avec le nombre d'essais (24) X le type de segments (répété vs. aléatoires)

est réalisée sur la RMSE et sur le temps sur cible. D'un point de vue statistique, un effet significatif des essais est observé pour la RMSE (F(23,529)=3.01; p<.001), et pour le temps

sur cible (F(23,529)=4.36; p<.001), traduisant ainsi une amélioration non spécifique des performances au fil des essais.

La précision de la poursuite semble être meilleure pour le segment aléatoire que pour le segment répété comme l'atteste la Figure 4.7. Ceci est ne va pas dans le sens de ce qui a pu être observé lors de nos expériences précédentes. Néanmoins, cette différence n'atteint pas le seuil de significativité (F(1,23)=1.42; p=.241 pour la RMSE et F(1,23)=3.25; p=.082 pour le temps sur cible) et ne change pas notablement au fil des essais, comme le prouve l'absence

d'interaction significative entre les essais et le type de segment (F(23,529)=1.39; p=.106 pour

la RMSE et F(23,529)=1.47; p=.073 pour le temps sur cible).

170

165

Répété

Aléatoire

160

155

RMSE (pixels)

150

145

140

135

130

125

120

e1 e3 e5 e7 e9 e11 e13 e15 e17 e19 e21 e23

Essais

15

Répété

14 Aléatoire

13

12

11

10

Temps sur cible (%)

9

8

7

6

e1 e3 e5 e7 e9 e11 e13 e15 e17 e19 e21 e23

Essais

Figure 4.7: Evolution de la RMSE et du temps sur cible au fil des essais pour les segments répétés

et aléatoires dans l'expérience 3.

Test de reconnaissance

Le plan d'analyse utilisé est le suivant : S24 * T2 avec S représentant le nombre de sujets

et T le type de segment avec deux modalités (vus vs non vus).

La Figure 4.8 indique que les moyennes des notes attribuées aux segments déjà vus

(5.96) sont supérieures à celles des segments non vus (5.18). Cependant, l'analyse statistique effectuée ne confirme pas cette observation. Aucune différence significative n'apparaît entre

les segments vus et les segments non vus (F(1,23)=1.84; p=.187).

8.5

8

Degré de reconnaissance

7.5

7

6.5

6

5.5

5

4.5

4

3.5

3

Vus Non Vus

Type de segment

Figure 4.8 : Degré de reconnaissance des différents types de segments. Les barres d'erreurs

représentent l'écart type de la moyenne.

4.4 Discussion sur les expériences 1, 2 et 3

L'expérience 1 a échoué à mettre en évidence une amélioration sélective de la précision

de poursuite sur le segment répété. Les expériences 2 et 3 ont prouvé que cet échec n'était pas

dû à une quantité insuffisante de pratique. En effet, aucun apprentissage n'a été observé que

ce soit en augmentant l'entraînement avec 4 jours consécutifs de pratique (expérience 2) ou bien en doublant le nombre d'essais dans une session (expérience 3). De plus, augmenter la vitesse de déplacement de la cible dans l'expérience 3 n'a pas donné de résultats plus satisfaisants. De façon générale, en mettant en commun les résultats issus de ces trois expériences, on s'aperçoit que la différence dans les performances entre le segment répété et

les segments aléatoires est tout à fait négligeable (différence moyenne de RMSE de

2.66 pixels soit moins d'un millimètre, et de 1.34 % pour le temps sur cible) et que les

performances ont tendance à être meilleures sur les segments aléatoires ; résultats qui vont à l'encontre de ce que nous supposions au départ. Par contre, les résultats issus des trois tests de reconnaissance, même s'ils ne sont pas statistiquement significatifs, indiquent que les sujets

ont tendance à mieux reconnaître les segments déjà vus (note moyenne de 5.71) que les segments aléatoires (note moyenne de 5.16).

Une différence entre nos expériences et les expériences réalisées antérieurement repose

sur l'effecteur impliqué dans les tâches. Nous avons utilisé une souris pour réaliser notre tâche de poursuite continue, tandis que les études antérieures utilisaient soit un levier manuel (Pew, 1974; Wulf & Schmidt, 1997) soit un stabilomètre (Shea et al, 2001). La littérature sur l'apprentissage moteur indique que les lois de l'apprentissage peuvent différer en fonction du système moteur impliqué dans la tâche. En particulier, Wulf & Shea (2002) ont montré que

les principes dérivés de l'étude d'habiletés simples ne se généralisent pas toujours à l'apprentissage d'habiletés plus complexes. Cependant, il parait difficile d'expliquer notre présent pattern de résultats en se basant uniquement sur cette dichotomie entre tâches motrices simples versus complexes. En effet, l'expérience utilisant le levier manuel a été conçue pour impliquer seulement un degré de liberté (flexion/extension du coude), propriété

qui la définit en tant que « tâche simple » si l'on se réfère aux travaux de Wulf & Shea. Au contraire, le stabilomètre employé par Shea & al se trouve exactement à l'opposé puisque sa commande exige de bouger le corps entier (il s'agit donc d'une « tâche complexe »). Il est donc possible de penser que la commande d'une souris constitue un intermédiaire le long de cette dimension de complexité entre tâches simples et complexes. Dans ce cas, l'argument consistant à dire que notre échec à obtenir un apprentissage implicite du segment répété serait

dû à l'emploi d'une souris ne tient pas, puisque selon Wulf et collaborateurs, un tel apprentissage se produit avec l'utilisation de périphériques renvoyant tantôt à une tâche simple (le levier) tantôt à une tâche complexe (le stabilomètre).

Une autre différence entre nos expériences et les expériences antérieures se situe dans le choix du segment répété. Nous avons utilisé la même fonction trigonométrique pour générer

le déplacement de la cible que celle utilisée dans les études de Wulf et collaborateurs. Cependant, alors que nous avons utilisé un ensemble différent de paramètres pour chaque sujet (S2 propre à chaque sujet), Wulf et collaborateurs ont employé un ensemble unique de

paramètres pour une expérience donnée (S2 identique pour tous les sujets). De plus, ce même

ensemble de paramètres a été employé dans plusieurs expériences (Wulf et Schmidt, 1997, Exp. 1, condition AMP ; Shea et al., 2001, expériences 1 et 2). Le fait d'utiliser un seul segment répété pour tous les sujets est une méthode discutable. En effet, il n'est pas exclu que

les segments répétés et aléatoires diffèrent en ce qui concerne leurs caractéristiques inhérentes. Dans la plupart des études sur l'apprentissage implicite, (dans les tâches de TRS,

par exemple Shanks et Perruchet, 2002), le choix d'une séquence répétée est contrebalancée entre les groupes, afin de s'assurer qu'aucune différence éventuelle dans la performance ne soit due aux caractéristiques spécifiques de la séquence répétée plutôt qu'à la répétition.

Le segment répété employé dans la plupart des études de Wulf et collaborateurs (ci- après désigné sous le nom de segment répété standard) n'est-il pas doté de caractéristiques particulières ? Nous savons que la difficulté de poursuite change en partie en fonction de la vitesse et de l'accélération de la cible. Nous avons calculé la vitesse moyenne (c'est-à-dire la dérivée première) et l'accélération moyenne (c'est-à-dire la dérivée seconde) de la cible pour

le segment répété standard. Ensuite, nous avons calculé les mêmes valeurs pour 10 000 séries aléatoirement produites, en utilisant les contraintes impliquées dans la génération de nos segments et de ceux de Wulf et collaborateurs. Nous constatons alors que seulement 22% des segments aléatoirement produits ont une vitesse moyenne égale ou supérieure à la vitesse moyenne du segment répété standard. De plus, seulement 15.95% des segments aléatoirement produits ont une accélération moyenne égale ou supérieure à l'accélération moyenne du segment répété standard. Ainsi, si on prend la vitesse et l'accélération de la cible en tant que mesures approximatives de la facilité de poursuite, il s'avère qu'il est plus difficile de pister plus de 80% des segments aléatoirement produits comparés au segment répété standard. Ceci suggère qu'au moins une partie de l'apprentissage mis en évidence dans les études antérieures

est dû au choix du segment répété.

Dans l'expérience 4, nous allons utiliser ce segment répété standard tout en conservant

la procédure générale employé dans l'expérience 1. Si nous parvenons à mettre en évidence une différence d'apprentissage entre les segments répétés et aléatoires dans ces conditions, ceci indiquerait qu'au moins une partie des résultats positifs obtenus antérieurement serait due

au choix d'un segment répété biaisé.

4.5 Expérience 4

Cette expérience a pour but d'explorer l'hypothèse selon laquelle une partie des démonstrations antérieures (Wulf & Schmidt, 1997 ; Shea & al, 2001) mettant en évidence un apprentissage implicite dans les situations de poursuite continue serait due à l'utilisation d'un segment répété qui serait plus facile à pister que la plupart des segments aléatoires.

Dans cette expérience, nous avons donc employé le même segment répété standard que celui utilisé dans la plupart de ces études, et ce pour tous les sujets (contrairement à nos expériences dans lesquelles le segment répété était propre à chaque sujet). En dehors de cette modification, la procédure générale demeure identique à celle utilisée dans les expériences 1,

2 et 3.

4.5.1 Méthode

Sujets

Vingt deux étudiants de Psychologie (18 filles et 4 garçons) ont été recrutés pour participer à l'étude. Les participants n'avaient pas d'expérience antérieure avec la tâche. Tous avaient une vision normale ou parfaitement corrigée.

Matériel, Stimuli et Procédure

Le matériel et les stimuli sont identiques à ceux employés dans l'expérience 1. La procédure est également identique à celle de l'expérience 1, avec une phase de pratique comprenant douze essais de 36 s, séparés chacun par une pause de 10 secondes. Cependant,

ici le segment répété est le même pour tous les sujets. Les coefficients pour ce segment (i.e le segment répété standard) sont ceux utilisés dans la plupart des études de Wulf et collaborateurs. Il s'agit de : b0=-1.52, a1 = -4.0, b1 = 3.0, a2 = -4.0, b2 = -3.6, a3 = 3.9, b3 =

4.5, a4=0.0, b4 = 1.0, a5 = -3.8, b5=-0.5, a6 = 1.0, b6 = 2.5 et =35°. La Figure 4.9 représente

le déplacement de la cible sur le segment standard répété en utilisant ces coefficients dans l'équation sinus cosinus décrite au paragraphe 4.1.1. De plus, ce segment répété est découpé

en trois fragments A, B et C comme nous l'avons déjà fait dans nos expériences précédentes.

Ces trois fragments sont utilisés lors du test de reconnaissance.

Bord gauche

de l'écran

Centre de

l'écran

Bord droit

de l'écran

Fragment A

3.72

Fragment B

8.33

Fragment C

12

Temps (s)

Figure 4.9: Représentation du déplacement de la cible sur l'écran calculé à partir du segment

répété standard utilisé par Wulf et collaborateurs. Ce segment d'une durée de 12 secondes est découpé en 3 fragments A, B et C.

4.5.2 Résultats

Phase de pratique

La Figure 4.10 illustre l'évolution de la RMSE et du temps sur cible au fil des essais, permettant ainsi de comparer les performances obtenues sur le segment répété par rapport à celles obtenues sur les segments aléatoires. Trois points principaux ressortent de cette figure.

Premièrement, les performances s'améliorent (diminution de la RMSE et augmentation

du temps sur cible) au cours des trois premiers essais puis restent stables durant les essais suivants. Deuxièmement, les performances sur le segment répété sont supérieures à celles obtenues sur les segments aléatoires. Troisièmement, cet écart de performances est présent dès le premier essai. Ce dernier point est inattendu dans la mesure où, tous les segments, qu'ils soient répétés ou aléatoires, sont construits de manière identique et devraient donc être

de complexité similaire. De ce fait, il aurait été logique d'obtenir des performances quasi

identiques lors du premier essai.

52

Répété

50 Aléatoire

48

46

RMSE (pixels)

44

42

40

38

36

34

32

e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12

Essais

54

52

50

Temps sur cible (%)

48

46

44

42

40 Répété

Aléatoire

38

e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12

Essais

Figure 4.10 : Evolution de la RMSE et du temps sur cible au fil des essais pour les segments

répétés et aléatoires dans l'expérience 4.

Une ANOVA est réalisée avec les essais (N=12) et le type de segment (répété versus

aléatoire) comme facteurs intra sujets. Cette analyse statistique vient conforter ces observations. Tout d'abord, un effet significatif des essais ressort pour les deux variables dépendantes (F(11,231)=3.59; p<.001 pour la RMSE et F(11,231)=4.54; p<.001 pour le temps

sur cible) avec une augmentation des performances, ce qui traduit une amélioration non spécifique des performances.

Plus important encore, la précision de la poursuite est meilleure sur le segment répété que sur les segments aléatoires dès le premier essai. La différence est significative (F(1,21)=26.83, p<.001 pour la RMSE et F(1,21)= 44.54; p<.001 pour le temps sur cible), et

la taille d'effet est grande (Eta carré partiel égal à 0.56 pour la RMSE et égal à 0.68 pour le temps sur cible). Cependant, cette différence n'augmente pas au fil des essais comme l'indique l'interaction non significative entre les essais et le type de segments (F(11,231)=0.59 ; p=.831 et F(11,231)= 1.44 ; p=.152).

Pour expliquer cette différence de performances entre les segments répétés et aléatoires constatée dès le premier essai, il paraît judicieux de faire une analyse plus détaillée permettant d'étudier les performances sur chacun des trois fragments A, B et C composant le segment répété, afin de les comparer avec celles obtenues sur les segments aléatoires. Ainsi, le plan d'analyse utilisé est : S22 * E12 * T4 avec S représentant les sujets, E le nombre d'essais et T le type de fragments avec quatre modalités (« fragment A », « fragment B », « fragment C » et

« segment aléatoire »). L'évolution de la RMSE et du temps sur cible pour les fragments répétés et pour le segment aléatoire est représentée sur la Figure 4.11.

Dès le premier essai, une différence importante apparaît entre le fragment C et les deux autres fragments ainsi qu'avec le segment aléatoire, tant sur la RMSE (erreur inférieure de 15

à 20 pixels pour le fragment C) que sur le temps sur cible (temps supérieur de 15 à 20 %). Par

la suite, les performances sur l'ensemble des fragments augmentent mais la différence initiale demeure approximativement constante jusqu'au dernier essai. Concernant les autres fragments, il ressort que les performances les meilleures sont d'abord obtenues sur le fragment A, puis sur le segment aléatoire et enfin que c'est le fragment B qui donne lieu aux moins bonnes performances.

55

Fragment A

50 Fragment B

Fragment C

45 Aléatoire

RMSE (pixels)

40

35

30

25

20

15

e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12

Essais

70

Fragment A

65 Fragment B

Fragment C

60 Aléatoire

Temps sur cible (%)

55

50

45

40

35

30

e1 e2 e3 e4 e5 e6 e7 e8 e9 e10 e11 e12

Essais

Figure 4.11 : Evolution de la RMSE et du temps sur cible au fil des essais pour les fragments A, B,

C et pour les segments aléatoires

Du point de vue statistique, nous retrouvons des résultats similaires à ceux obtenus lors

de la précédente analyse, puisque le segment répété est constitué de l'enchaînement successif des trois fragments A, B et C. De fait, un effet simple des essais est obtenu pour la RMSE (F(11,231)=3.7; p<.001) et pour le temps sur cible (F(11,231)=4.11; p<.001) ainsi qu'un effet simple du type de fragment (F(3,63)=56.72; p<.001 pour la RMSE et F(3,63)=137.69; p<.001 pour le temps sur cible). De plus, aucun effet significatif de l'interaction essais x type de fragment ne ressort ni sur la RMSE (F(33,693)=1.29; p=.126) ni sur le temps sur cible (F(33,693)=1.20; p=.204).

De plus, des comparaisons planifiées ont permis d'observer la différence de

performances entre les fragments répétés et les segments aléatoires. Il ressort que les résultats obtenus sur le fragment C sont significativement supérieurs à ceux obtenus sur le segment aléatoire, aussi bien pour la RMSE (F(1,21)=132.50; p<.001) que pour le temps sur cible (F(1,21)=225.93; p<.001). Ces résultats indiquent que le fragment C semble plus facile à pister. Une explication éventuelle réside dans la construction même de ce fragment. En effet, celui-ci est constitué uniquement de trois mouvements de faible amplitude.

Au vu de ces résultats, il est vraisemblable de penser que l'écart de performances entre

le segment répété et les segments aléatoires, mis en évidence dans la première analyse, soit dû principalement à la plus grande facilité du fragment C.

Test de reconnaissance

Le test de reconnaissance effectué est en tout point identique à celui effectué dans nos expériences précédentes. Une ANOVA S22 * T2 est réalisée dans le but de comparer le degré

de reconnaissance entre les segments répétés et aléatoires. Les notes attribuées aux segments

déjà vus sont largement supérieures (6.42) à celles attribuées aux segments aléatoires (5.15)

comme l'illustre la Figure 4.12.

8.5

Degré de reconnaissance

8

7.5

7

6.5

6

5.5

5

4.5

4

3.5

3

Vus Non Vus

Type de segments

Figure 4.12 : Degré de reconnaissance des différents types de segments. Les barres d'erreurs

représentent l'écart type de la moyenne.

Ceci est confirmé par l'analyse statistique effectuée. Celle-ci révèle une différence

significative entre les segments vus versus non vus: F(1,21)=5.52; p<.028 montrant que cette fois, les sujets reconnaissent mieux le segment répété standard que les autres segments aléatoires.

Afin d'affiner ces résultats, une analyse statistique supplémentaire est effectuée sur les fragments A, B et C (déjà vus) et les segments aléatoires (non vus). Le plan d'analyse est : S22

* T4 avec S représentant les sujets et T le type de fragment avec quatre modalités (A, B, C et

aléatoire). La Figure 4.13 indique que les fragments A et B sont les mieux reconnus. Les notes obtenues sur ces deux fragments sont bien supérieures à ce que le hasard permettrait d'attendre. Le segment aléatoire obtient une note proche du hasard, à savoir 5. A l'opposé, le fragment C est le moins bien identifié avec une note moyenne inférieure à tous les autres fragments.

10

9

Degré de reconnaissance

8

7

6

5

4

3

2

1

0

A B C Non Vus

Type de fragments

Figure 4.13 : Degré de reconnaissance des différents types de segments. Les barres d'erreurs

représentent l'écart type de la moyenne.

Les différences observées entre tous ces fragments se retrouvent du point de vue statistique (F(3,63)= 10.32; p<.001). De plus, des comparaisons planifiées révèlent un écart

Discussion sur l'expérience 4 71

significatif entre le fragment A et le segment aléatoire (F(1,21)=16.50; p<.001) et entre le

fragment B et le segment aléatoire (F(1,21)=12.81; p<.002). Par contre, aucun effet ne ressort entre le fragment C comparé au segment aléatoire (F(1,21)=0.91; p=.350).

Au final, le test de reconnaissance révèle que les fragments A et B sont « reconnus » puisque les notes attribuées à ces fragments sont bien supérieures aux notes du segment aléatoire. A l'opposé, la situation inverse se produit pour le fragment C. Il s'agit d'un fragment de faible difficulté donnant lieu à de très bonnes performances lors de la phase de pratique, mais qui n'est pas reconnu lors du test de reconnaissance.

4.6 Discussion sur l'expérience 4

En considérant d'une part les résultats issus des expériences 1, 2 et 3, et d'autre part les résultats de cette expérience 4, il apparaît de manière évidente que le choix du segment répété

est crucial. En effet, en utilisant un segment répété propre à chaque sujet (permettant ainsi de contrôler la complexité de la séquence répétée), nous ne sommes pas parvenus à mettre en évidence un apprentissage de la séquence répétée. A contrario, une différence importante de performances est obtenue entre les segments répétés et aléatoires dès lors que l'on utilise le segment répété standard employé dans la plupart des études de Wulf et collaborateurs. Cette différence est présente dès le premier essai de l'expérience, ce qui va dans le sens que ce segment répété standard est bien plus facile à pister, comme l'atteste l'analyse mathématique déjà effectuée au paragraphe 4.4, page 68.

Les résultats que nous obtenons dans cette expérience 4 répliquent ceux obtenus par Wulf et collaborateurs dans leurs expériences utilisant le segment répété standard. En effet, dans ces expériences, la taille de l'effet du segment était grande, tandis que l'interaction entre

le jour et le type de segments était plus faible ou même inexistante. Pour illustrer cela, la Figure 4.14 présente les RMSE calculées dans les expériences de Wulf et Schmidt (1997, expérience 1) dans la condition impliquant le segment répété standard (les valeurs sont tirées

de leur tableau 1). Aucune amélioration n'apparaît au fil des jours.

72 Chapitre 4 : Apprentissage d'un segment répété dans une tâche de poursuite continue

550

Répété

Aléatoire

500

RMSE

450

400

350

300

1 2 3 4

Jours

Figure 4.14 : Evolution de la RMSE sur 4 jours de pratique, tirée de l'expérience 1 de Wulf &

Schmidt (1997)

D'une manière plus générale, nous avons calculé des valeurs de l'Eta carré partiel comme mesure de taille d'effet sur les données de Wulf et Schmidt (1997, exp. 1), et nous avons obtenu .77 pour l'effet principal du segment, et .08 pour l'interaction (dans ce calcul, les données rassemblées sur les deux segments répétés différents sont mises en commun). Shea et

al. (2001) n'ont pas fourni l'information nécessaire pour calculer les tailles d'effet. Il est cependant important de noter que, malgré une interaction significative jour x type de segments dans leur première expérience, leur deuxième expérience a échoué à obtenir un effet semblable, bien que ces deux expériences aient suivi une procédure quasi identique. Ainsi, bien que l'on observe parfois une interaction significative entre jour et type de segments dans

les études de Wulf et collaborateurs, cette interaction n'apparaît pas comme un élément clé.

En conclusion, il semble fortement plausible que ce qui a été pris comme une évidence de l'existence d'un apprentissage dans la plupart des études de Wulf et collaborateurs pourrait,

au moins en partie, être attribué à l'utilisation d'un segment répété qui est particulièrement facile à pister dès le début.

Conclusion sur la deuxième partie 73

4.7 Conclusion sur la deuxième partie

L'objectif des travaux présentés dans ce chapitre était de mettre en évidence l'existence d'un apprentissage implicite d'une séquence répétée dans le cadre d'une tâche de poursuite continue. Pour ce faire, nous nous sommes basés sur les études de Wulf et collaborateurs, ce

qui nous a permis de réaliser deux séries d'expériences. Notre première série d'expériences reprend la même procédure que celle employée par Shea & al mais en utilisant un segment répété propre à chaque sujet. La deuxième expérience utilise un unique segment répété identique à celui employée dans la plupart des travaux de Wulf et collaborateurs.

Dans les expériences 1, 2 et 3, nous avons échoué à obtenir un apprentissage du segment répété. A l'opposé, les résultats de l'expérience 4 sont similaires à ceux obtenus par Wulf et collaborateurs. Toutefois, il ne s'agit pas de conclure à l'existence d'un apprentissage, puisque de tels résultats peuvent s'expliquer par le fait que le segment répété utilisé est plus facile à pister que les autres segments aléatoires.

Au final, notre réanalyse des travaux portant sur l'apprentissage moteur implicite a des implications plus larges. En effet, il ne s'agit pas seulement de dire que l'apprentissage dans

les tâches de poursuite continue est difficile, voire impossible à obtenir. Il faut se demander comment délimiter les situations dans lesquelles l'apprentissage est possible de celles dans lesquelles l'apprentissage ne l'est pas. Malgré un parallèle étroit qui peut être fait entre les tâches de poursuite continue et les tâches discrètes de temps de réaction sériel (TRS) (Rosenbaum & al, 2001), il semble que tirer avantage de la répétition d'un segment dans une tâche de poursuite continue soit considérablement plus difficile que de tirer avantage de la répétition de ce segment dans les tâches de TRS. Comment expliquer une telle différence d'apprentissage entre ces deux situations ? C'est justement la réponse que vont essayer d'apporter les expériences réalisées dans le chapitre suivant.

Troisième partie : Différence

d'apprentissage entre tâche continue versus discrète

Chapitre 5

Variations autour d'une tâche de TRS

5.1 Présentation des expériences

La difficulté à mettre en évidence un apprentissage moteur implicite dans des tâches de poursuite continue, largement illustrée dans le chapitre précédent, vient contraster avec l'apparente facilité avec laquelle cet apprentissage se produit dans les tâches discrètes de temps de réaction sériel (TRS). Dans ces tâches, les participants doivent appuyer le plus rapidement possible sur une touche du clavier correspondant spatialement à l'apparition d'une cible sur l'écran d'ordinateur. L'apprentissage semble apparaître rapidement, après l'apparition de quelques séquences seulement. Bien que certaines études (Nissen & Bullemer,

1987; Perruchet & Amorim, 1992) aient mis en évidence un apprentissage rapide, leurs conclusions sont à considérer avec précaution. En effet, dans ces études, une séquence répétée fixe est utilisée pour tous les sujets. Nous avons déjà adressé une critique méthodologique à

ce propos pour les études de Wulf et collaborateurs. Toutefois, des recherches réalisées plus récemment et mieux contrôlées confirment le fait que l'apprentissage dans les tâches discrètes

se produit rapidement. Par exemple, Perruchet et al. (1997a, Expérience 1) ont utilisé une séquence répétée différente pour chaque sujet et ils ont constaté que les temps de réaction pour les séquences répétées étaient relativement plus rapides que pour les séquences aléatoires, et ce, après 10 à 15 répétitions seulement.

L'objectif général des expériences réalisées dans ce chapitre est de répondre à la question suivante : qu'est ce qui fait que tirer bénéfice d'une répétition présente dans une

78 Chapitre 5 : Variations autour d'une tâche de TRS

tâche continue est bien plus difficile que de tirer bénéfice d'une répétition présente dans une

tâche discrète ? Il existe de nombreuses différences entre les tâches discrètes (i.e les tâches de TRS) et les tâches de poursuite continue, et certaines de ces différences pourraient sans doute expliquer qu'il y ait un apprentissage dans un type de situation et pas l'autre. Trouver la clé de cette divergence serait très utile pour comprendre les mécanismes d'apprentissage implicite. C'est pourquoi, l'objectif de ce chapitre est de cerner les différences qui existent entre ces deux types de tâches, afin de voir celle qui pourrait être responsable, selon le cas, de cet apprentissage ou de ce non apprentissage.

Notre stratégie va consister à reprendre une tâche de TRS classique. Il s'agit, d'une situation dans laquelle la mise en évidence d'un apprentissage implicite est toujours obtenue. Nous allons modifier progressivement différents paramètres de cette tâche standard afin de la rendre la plus similaire possible à une tâche continue (situation dans laquelle nous ne sommes pas parvenus à mettre en évidence cet apprentissage). Dès lors que nous n'obtiendrons plus d'apprentissage dans notre tâche de TRS, cela nous permettra d'isoler le facteur qui en est

responsable.

Nous allons tout d'abord nous intéresser à la construction même des séquences utilisées (expérience 5), afin de voir si la différence de résultats obtenue entre tâche continue et tâche discrète peut être due à une différence de procédure. Généralement, les séquences employées dans les tâches de TRS ne comportent pas d'aléatoire. En effet, la séquence répétée est cyclée

sur elle-même. Les études rapportées par Curran (1997), par Meulemans et al. (1998) ou par Stadler (1993) font cependant exception. En effet dans ces études là, des essais aléatoires sont mêlés à la séquence répétée à l'intérieur de chaque bloc d'apprentissage. Toutefois, la quantité d'essais aléatoires n'excède pas la quantité d'essais répétés. A contrario, si l'on examine la construction des séquences de la tâche de tracking utilisée par Pew (1974), par Wulf & Schmidt (1997) ou par Shea et al. (2001), on s'aperçoit que dans ces études, le segment répété

est entouré par deux segments aléatoires. Cette fois, la quantité « d'aléatoire » est donc plus importante que la quantité de « répété » (2/3 - 1/3). La première expérience va nous permettre

de voir si la difficulté à observer un apprentissage dans les tâches de poursuite continue pourrait être due à la méthode utilisée par Wulf et collaborateurs, à savoir le fait que le segment répété soit entouré par deux segments aléatoires de même longueur. En effet, il se peut que cela rende la répétition beaucoup plus difficile à détecter que dans les tâches de TRS.

Présentation des expériences 79

Pour le savoir, nous avons réalisé une tâche de TRS dans laquelle chaque séquence répétée est

entourée par deux séquences aléatoires de longueur identique, comme c'est le cas dans les études de poursuite continue. Autrement dit, nous avons remplacé les segments continus par des séquences discrètes, tout en conservant le même plan expérimental que celui utilisé par Wulf et collaborateurs.

Dans une autre expérience (expérience 6), nous allons examiner l'influence du périphérique sur l'apprentissage. Habituellement, les tâches de TRS sont réalisées grâce à un dispositif qui requiert l'utilisation d'un clavier. Les sujets voient apparaître une cible sur l'écran et ils doivent appuyer le plus rapidement et le plus précisément possible sur la touche

du clavier qui correspond spatialement à la position. Au contraire, les tâches de poursuite continue que nous avons effectué antérieurement sont quant à elles réalisées au moyen d'une souris. Afin de voir si le périphérique utilisé a un quelconque impact sur l'apprentissage, les sujets de l'expérience 6 vont réaliser une tâche de TRS standard en utilisant soit un clavier soit une souris.

Un autre aspect que nous devons examiner concerne la différence de précision requise entre les deux types de tâches. En effet, la précision semble être une caractéristique inhérente aux tâches de poursuite continue. Au contraire, aucune précision n'est exigée dans les tâches

de TRS. Notre septième expérience consiste donc à réaliser une tâche de TRS au moyen d'une souris, en utilisant une cible de petite taille sur laquelle les sujets vont devoir cliquer. Il s'agit

ici d'ajouter une contrainte de précision dans une tâche discrète, et de regarder quel est l'impact sur l'apprentissage.

Dans les tâches de TRS, le déplacement de la cible est dépendant du temps de latence de réponse des sujets. Au contraire, dans les tâches continues, la cible se déplace indépendamment du comportement du sujet. C'est pourquoi, nous avons modifié une tâche classique de TRS de manière à ce que la cible se déplace de manière « autonome ». Dans nos expériences 8 et 9, la cible apparaît sur l'écran pendant un temps prédéfini, puis disparaît pour apparaître à une nouvelle position. Les sujets doivent mettre le pointeur de souris sur la cible. Dans l'expérience 8, cette cible peut apparaître dans une des quatre positions possibles représentées à l'écran par des carrés, tandis que dans l'expérience 9, elle peut apparaître dans une position possible parmi huit, mais cette fois sans affichage de carrés à l'écran.

Enfin, la dernière expérience (expérience 10) présentée dans ce chapitre a pour objectif

principal de comparer simultanément les performances obtenues dans une tâche de TRS et dans une tâche de poursuite continue. Les sujets vont être explicitement informés de la présence d'une régularité dans la tâche qu'ils doivent réaliser, ceci dans le but de focaliser encore plus leur attention sur la détection de la séquence répétée.

5.2 Expérience 5

Cette expérience a pour but de voir si la difficulté que nous avons rencontrée antérieurement pour obtenir un apprentissage dans les tâches de poursuite continue pourrait être due au fait que, dans ces expériences, le segment répété est placé entre deux segments aléatoires. Il est possible de penser qu'une telle procédure pourrait empêcher la détection et l'exploitation des régularités. Afin de tester cette hypothèse, nous avons réalisé une tâche de TRS dans laquelle chaque séquence répétée est entourée par deux séquences de longueur identique générées de manière aléatoire, comme c'est le cas dans les études de poursuite continue telles qu'elles ont été réalisées par Wulf et collaborateurs.

5.2.1 Méthode

Sujets

Dix-sept étudiants en Psychologie (15 filles et 2 garçons) de l'Université de Bourgogne

ont été recrutés pour cette étude. Aucun d'entre eux n'avait d'expérience antérieure avec la tâche. Tous avaient une vision normale ou parfaitement corrigée.

Matériel

La présentation des stimuli, l'enregistrement du temps de réaction (TR) sont implémentés sur un ordinateur de type PC équipé d'un écran de « 14 pouces » avec une résolution de 1024 x 768 pixels. Quatre carrés de 5 cm de côté (soit 200 pixels de côté) indiquent la position potentielle d'un stimulus sur l'écran. Ces quatre carrés sont positionnés horizontalement au milieu de l'écran d'ordinateur et ils restent affichés tout au long de l'expérience. La cible (un rond bleu de 2.5 cm soit 100 pixels de diamètre) peut apparaître au milieu de chaque carré.

Stimuli et procédure

Les sujets sont assis face à l'écran, à une distance approximative de 65 cm. Ils ont pour consigne de répondre aussi vite et aussi précisément que possible à l'apparition de la cible dans une des quatre positions possibles à l'écran. Pour se faire, ils doivent appuyer avec l'index et le majeur de chaque main sur la touche du clavier qui correspond spatialement à la position de la cible dans un des quatre carrés présents sur l'écran. Il s'agit respectivement des touches « W », « C », « B » ou « , » sur un clavier de type AZERTY.

L'expérience comporte 8 blocs d'entraînement séparés par une pause auto contrôlée par

les sujets. Chaque bloc comprend sept séries de 36 essais. Chaque série débute par une séquence de 12 essais aléatoires, suivie par une séquence de 12 essais répétés et se termine par une nouvelle séquence de 12 essais aléatoires. A chaque essai, la cible est effacée immédiatement après que le sujet ait appuyé sur la touche correcte et une nouvelle cible après

un intervalle inter stimuli de 200 ms. Si les participants font une erreur, la cible reste affichée

à l'écran jusqu'à ce qu'ils appuient sur la bonne touche du clavier.

Chaque séquence de 12 essais, qu'il s'agisse d'une séquence répétée ou aléatoire, respecte les critères suivants : (1) deux stimuli ne peuvent jamais apparaître consécutivement

à la même position, (2) les stimuli apparaissent le même nombre de fois dans chacune des quatre positions (c'est-à-dire que chaque stimulus apparaît trois fois dans chacune des quatre positions dans une séquence de 12 essais). En outre, il n'y a aucune répétition à la jonction entre les séquences, de manière à ce qu'aucun indice saillant n'indique le changement qui se produit lorsque l'on passe d'une séquence aléatoire à une séquence répétée, et vice versa. Différentes séquences aléatoires sont générées automatiquement par un programme informatique, pour chaque bloc et pour chaque sujet. Une séquence répétée différente est choisie au hasard pour chaque sujet. La durée totale de l'expérience est d'environ 30 minutes.

5.2.2 Résultats

La Figure 5.1 illustre l'évolution du temps de réaction (TR) au fil des blocs, permettant ainsi de comparer les performances obtenues sur le segment répété (en trait plein sur la figure)

par rapport à celles obtenues sur les segments aléatoires (en pointillés sur la figure). D'un

point de vue descriptif, une amélioration des performances est observée au fil de blocs

(diminution du TR). De plus, il semble y avoir une différence d'évolution des performances entre les deux types de séquences.

500

480

Répété

Aléatoire

Temps de réaction (ms)

460

440

420

400

380

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8

Blocs

Figure 5.1 : Evolution du temps de réaction (TR) au fil des blocs de pratique pour les segments

répétés et aléatoires dans l'expérience 5. Des valeurs faibles pour le TR traduisent les meilleures performances.

La proportion moyenne d'erreurs étant très faible (0.11 %), cela rend toute analyse statistique sur les erreurs non pertinente. La moyenne des temps de réaction (TR) pour les réponses correctes a été calculée séparément pour les séquences répétées et aléatoires de chaque bloc. Une analyse de variance (ANOVA) est réalisée avec les variables Blocs (8) et Type de séquence (répétée vs aléatoire) comme facteurs intra sujets.

L'analyse statistique effectuée sur ces données laisse apparaître un effet significatif des blocs (F(7,112)=6.78; p<.001) qui indique le fait que les temps de réaction diminuent significativement durant la phase d'entraînement. Les temps de réaction sont significativement plus courts pour la séquence répétée que pour la séquence aléatoire (F(1,16)=22.49 ; p<.001). De plus, il y a une interaction significative blocs×séquences (F(7,112)=5.08; p<.001). Comme le montre la Figure 5.1, cette interaction est due au fait que

la différence entre séquences répétées et aléatoires augmente au fil des blocs. L'effet principal

de la séquence et l'interaction blocs×séquences sont relativement grands en taille puisque les

Eta carré partiel sont respectivement de 0.58 et 0.24.

De plus, des comparaisons planifiées ont permis de révéler une différence significative entre les séquences répétées et aléatoires sur le Bloc 2 (F(1,16)=21.63; p<.001). Sur le Bloc 1,

la différence entre les deux séquences est seulement marginalement significative (1,16)= 3.68, p=.07). Ces résultats confirment le fait que, dans les tâches de TRS, l'apprentissage apparaît après une faible quantité de pratique (Perruchet & Amorim, 1992; Perruchet et al., 1997).

5.3 Expérience 6

La littérature portant sur les tâches de TRS montre que ces tâches sont habituellement réalisées au moyen d'un clavier et que les sujets doivent réagir aussi vite que possible en appuyant sur la touche du clavier qui correspond spatialement à la position d'une cible sur l'écran. Le but de cette deuxième expérience est d'étudier l'influence du périphérique dans une tâche de TRS standard. La plupart des caractéristiques de procédure de cette expérience sont empruntées à l'étude de Shanks (2003). Les participants sont répartis aléatoirement en deux groupes. Dans le premier groupe, les sujets doivent cliquer aussi vite et aussi précisément que possible sur une cible (un rond bleu) qui apparaît dans un des quatre carrés affichés sur l'écran. Dans le second groupe, les sujets doivent réaliser une tâche de TRS classique au moyen du clavier.

Durant la phase d'entraînement (blocs 1 à11), la cible effectue toujours le même déplacement. Au bloc 12, un bloc de transfert est introduit, dans lequel la séquence régulière

est remplacée par une séquence de déplacements aléatoires. Pour finir, dans les deux derniers blocs (13 et 14), la séquence d'entraînement est réintroduite.

Nous faisons l'hypothèse que les sujets ne devraient pas apprendre de la même manière selon qu'ils utilisent la souris ou le clavier, voire même que l'utilisation de la souris devrait perturber leur apprentissage. Si tel est le cas, cela signifierait que le périphérique utilisé a une influence sur l'apprentissage.

5.3.1 Méthode

Sujets

Vingt étudiants (15 filles et 5 garçons) inscrits en première année de Psychologie à l'Université de Bourgogne ont participé à cette expérience. Tous étaient droitiers et avaient une vision normale ou parfaitement corrigée. Aucun de ces sujets n'avait participé aux expériences réalisées antérieurement et ils n'étaient pas informés du but de cette expérience.

Les sujets sont aléatoirement répartis en deux groupes : « groupe clavier » (n=10) et

« groupe souris » (n=10).

Matériel

La présentation des stimuli, l'enregistrement du temps de réaction (TR) et des données sont implémentés sur un ordinateur de type PC équipé d'un écran couleur de « 14 pouces » avec une résolution de 1024 x 768 pixels. Quatre carrés (5 cm x 5 cm) indiquent la position potentielle d'un stimulus. Ces quatre carrés sont positionnés horizontalement au milieu de l'écran d'ordinateur et ils restent affichés tout au long de l'expérience. La cible (un rond bleu

de 2.5 cm de diamètre) peut apparaître au milieu de chaque carré.

Stimuli

Les séquences de stimuli utilisées dans cette expérience sont les mêmes que celles utilisées par Shanks (2003). Ils s'agit des séquences d'entraînement et de test suivantes : A=1-

2-1-3-4-2-3-1-4-3-2-4 et B= 4-2-4-3-1-2-3-4-1-3-2-1 où 1-4 représentent des positions possibles de la cible sur l'écran. Ces séquences sont structurellement identiques et sont reliées

par la transformation 1Æ4. De plus, un contre-balancement de position et de fréquence d'apparition est effectué pour ces séquences. Chaque position (par exemple 1, 2, 3, 4) se produit trois fois dans chaque séquence de 12 essais, et chaque transition possible (par exemple 1-2, 1-3, 1-4, etc.) se produit une fois. Mais à un niveau de trois (ou plus) positions consécutives, les deux séquences diffèrent. Reed & Johnson ont donné à ces séquences de trois positions le nom de SOCs (second order conditionnal.). Cela renvoie au fait que, la

prochaine position de la cible dans la séquence de mouvements peut être prédite à partir des

deux dernières positions. Par exemple, dans la séquence A mentionnée ci-dessus, 1-2 est toujours suivi par 1, alors que dans la séquence B, il est toujours suivi par 3.

Procédure

La procédure utilisée ici est identique à celle utilisée par Shanks (2003). L'expérience

est composée de 14 blocs d'entraînement de 96 essais, durant lesquels tous les participants sont exposés à une tâche de TRS standard à quatre possibilités d'apparition de la cible. Durant

les blocs 1 à 11, la cible se déplace selon la séquence SOC A (i.e 1-2-1-3-4-2-3-1-4-3-2-4).

Au bloc 12 (qui est le bloc de transfert), la séquence SOC B est utilisée (i.e 4-2-4-3-1-2-3-4-1-

3-2-1). La séquence SOC A est réintroduite sur les deux derniers blocs 13 et 14. Une augmentation du temps de réaction sur le bloc 12 comparé aux blocs 11 et 13 indique que les sujets ont acquis des connaissances sur la structure de la séquence d'entraînement. Un contre- balancement est effectué à l'intérieur de chaque groupe de sujets : pour la moitié des sujets, la séquence SOC A représente la phase d'entraînement et la séquence SOC B représente la phase de transfert et pour l'autre moitié des sujets, c'est l'inverse.

A chaque essai, la cible (un rond bleu de 2.5 cm, soit 100 pixels de diamètre) apparaît

au centre d'un des quatre carrés affiché sur l'écran. Les participants ont pour consigne de réagir aussi vite et aussi précisément que possible: - en cliquant sur la cible, pour les sujets assignés au « groupe souris », - en appuyant sur la touche du clavier qui correspond spatialement à l'apparition de la cible, pour les sujets assignés au « groupe clavier ». Les touches « W », « C », « N » et « , » (sur un clavier AZERTY) correspondent respectivement aux positions 1 à 4. Les sujets doivent appuyer avec le majeur et l'index de leur main gauche pour les positions 1 et 2 et avec le majeur et l'index de leur main droite pour les positions 3 et 4.

Chaque bloc d'essais commence avec la première position présente dans la séquence choisie, c'est-à-dire avec la position 1 pour la séquence SOC A ou avec la position 4 pour la séquence SOC B. Ensuite, la cible apparaît selon les séquences correspondantes au type de bloc. Une fois que le sujet a appuyé sur la touche du clavier qui correspond spatialement à la position de la cible sur l'écran ou qu'il a cliqué correctement sur la cible, celle-ci disparaît

puis après un délai de 200 ms, le stimulus suivant apparaît. Les latences de réponse sont

mesurées à partir du moment où la cible apparaît jusqu'à ce que la réponse correcte soit produite.

5.3.2 Résultats

La Figure 5.2 illustre l'évolution du temps de réaction (TR) au fil des blocs, permettant ainsi de comparer les performances obtenues dans la condition « clavier » et « souris » selon

la séquence SOC utilisée. Deux points importants ressortent de cette figure. Tout d'abord, nous pouvons observer une diminution importante du temps de réaction du Bloc 1 au Bloc 11, puis une forte augmentation de ce TR au Bloc 12 et enfin une nouvelle diminution, très importante, pour les deux derniers blocs 13 et 14. Une telle évolution est suivie par les deux groupes de sujets, quelque soit la séquence SOC utilisée. Toutefois, on peut noter que les TR

pour le « groupe souris » sont plus élevés que ceux du « groupe clavier ».

700

650

600

Clavier - Seq A

Clavier - Seq B

Souris - Seq A

Souris - Seq B

Temps de Réaction (ms)

550

500

450

400

350

300

250

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14

Blocs

Figure 5.2 : Evolution du temps de réaction au fil des blocs de pratique et du bloc de transfert selon le

périphérique (clavier / souris) et la séquence (SOC A / SOC B) utilisés dans l'expérience 6.

La variable dépendante mesurée pour les deux groupes de sujets est le temps de réaction

(TR, en ms). Une analyse de variance (ANOVA) est réalisée avec les variables Groupe

(clavier vs souris) et Séquence (SOC A vs SOC B) comme facteurs inter sujets et la variable

Blocs (14) comme facteur intra sujets.

Premièrement, cette analyse ne révèle aucune différence entre les séquences SOC A et SOC B utilisées (F(1,16)=.79; p=.391). Un tel résultat s'explique par le fait que ces séquences sont construites de la même manière et que, par conséquent, elles sont de difficulté identique. Deuxièmement, le facteur Groupe approche quant à lui le niveau conventionnel de significativité (F(1,16)=3.53; p=.073). Les temps de réaction sont plus courts pour le « groupe clavier » comparativement au « groupe souris ». Cette différence peut s'expliquer par le fait que les sujets assignés au « groupe souris » doivent, dans un premier temps, déplacer la souris afin d'atteindre la cible puis cliquer sur celle-ci, ce qui leur prend plus de temps qu'un simple appui sur une touche de clavier. Troisièmement, un effet significatif des Blocs est obtenu (F(13,208)=16.38, p<.001) : les TR diminuent tout au long de la phase d'entraînement (Bloc

1-11), ils atteignent les valeurs les plus hautes durant la phase de transfert (Bloc12), enfin, ils diminuent à nouveau sur les deux derniers blocs (Blocs 13 et 14) comme c'était le cas dans la phase d'entraînement. Il est important de remarquer que les performances suivent une évolution parallèle entre les deux groupes et pour les deux séquences (cf. Figure 5.2). En outre, on peut noter qu'aucune interaction n'est significative, excepté l'interaction Groupe × Blocs (F(13,208)=2.19, p<.011). Cet effet pourrait refléter une différence d'apprentissage entre les deux groupes. Toutefois, une telle interprétation ne tient pas lorsque l'on fait des analyses plus approfondies. En effet, ce résultat est principalement dû au fait que les participants du « groupe souris » apprennent plus rapidement que les autres durant les premiers blocs de pratique. Mais par la suite, les performances des deux groupes suivent la même évolution, et ce même durant la phase de transfert.

De plus, nous avons moyenné les temps de réaction sur les Blocs 10, 11, 13 et 14 et nous avons réalisé une ANOVA sur le Groupe (clavier vs souris) comme variable inter sujets

et sur les Blocs (Bloc 12 vs moyenne des Blocs 10, 11, 13, 14) comme variable intra sujets. Cette analyse indique que la variable Groupe approche du seuil de significativité (F(1,

18)=4.40, p<.051). Les temps de réaction sont plus élevés pour les sujets du « groupe souris », pour les mêmes raisons déjà décrites dans l'ANOVA précédente. D'autre part, l'analyse révèle un effet principal des Blocs (F(1,18)=40.75, p<.001). Les temps de réaction sont significativement plus importants durant la phase de transfert (Bloc 12), ce qui atteste bien du

fait que les sujets ont implicitement appris la séquence présentée en phase d'entraînement. De

plus, les performances des deux groupes de participants s'améliorent de manière tout à fait identique, comme l'indique l'absence d'interaction Groupe ×Blocs (F(1,18)=0.64, p=.434).

Ces résultats ne sont pas consistants avec nos attentes. En effet, les sujets sont capables d'apprendre les régularités aussi bien en utilisant un clavier qu'une souris. Par conséquent, le périphérique ne semble pas avoir d'influence sur l'apprentissage dans une tâche de TRS.

5.4 Expérience 7

L'expérience 6 nous a permis de montrer l'existence d'un apprentissage implicite d'une séquence dans une tâche de TRS que les sujets utilisent un clavier ou une souris. Au-delà de

la mise en évidence d'une « équivalence » entre ces deux périphériques, l'utilisation de la souris va nous permettre de manipuler d'autres variables que nous n'aurions pas pu manipuler

en utilisant un clavier. C'est pourquoi, cette septième expérience ainsi que les expériences suivantes seront réalisées au moyen d'une souris.

Une autre différence que nous allons examiner entre les tâches de poursuite continue et

les tâches discrètes de TRS concerne la précision. En effet, dans les tâches de poursuite continue réalisées antérieurement, les sujets doivent positionner très précisément le pointeur

de souris à l'intérieur d'une cible qui se déplace constamment, tandis que dans les tâches de TRS classiques, l'accent est surtout mis sur la rapidité de réponse des sujets. Par conséquent, nous avons décidé d'introduire une contrainte de précision dans une tâche de TRS standard,

en utilisant une cible de petite taille (dix fois plus petite que celle utilisée dans l'expérience précédente). Les sujets ont pour consigne de cliquer sur cette petite cible lorsqu'elle apparaît dans une des quatre positions possibles affichées sur l'écran.

5.4.1 Méthode

Sujets

Vingt étudiants de Psychologie de l'Université de Bourgogne (17 filles et 3 garçons) ont participé à cette expérience. Il s'agit de sujets différents de ceux qui ont participé aux

expériences précédentes mais qui ont des caractéristiques similaires : sujets droitiers ayant

une vision normale ou parfaitement corrigée.

Matériel, Stimuli et Procédure

Le matériel, les stimuli et la procédure sont identiques à ceux utilisés dans l'expérience précédente. Seulement, dans cette expérience, la cible est un rond bleu de 0.25 cm de diamètre (soit 10 pixels) au lieu de 2.5 cm (soit 100 pixels). Compte tenu de l'équivalence entre les séquences SOC A et SOC B que nous avons démontrée dans l'expérience 6, nous ne ferons passer cette expérience que sur une seule séquence SOC (SOC A en l'occurrence).

5.4.2 Résultats

La Figure 5.3 illustre l'évolution du temps de réaction (TR) au fil des blocs d'entraînement et de transfert. On peut remarquer que les TR diminuent au cours des Blocs 1

à 11, puis ils augmentent de façon drastique pendant le bloc de transfert (Bloc 12) et qu'enfin,

ils retournent à leur niveau le plus bas sur les deux derniers blocs.

1400

1350

1300

1250

1200

Temps de réaction (ms)

1150

1100

1050

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14

Blocs

Figure 5.3 : Evolution du temps de réaction au fil des blocs de pratique et du bloc

de transfert dans l'expérience 7.

Une première ANOVA est réalisée avec les Blocs (14) comme facteur à mesures

répétées. Il en ressort un effet significatif des Blocs (F(13,247)=16.24, p<.001). Les TR diminuent tout au long de la phase d'entraînement (Bloc 1-11), puis augmentent brutalement durant la phase de transfert (Bloc12), avant de chuter sur les deux derniers blocs (Blocs 13 et

14). Il s'agit du même pattern d'évolution que celui observé dans l'expérience précédente.

Afin d'évaluer l'apprentissage implicite, nous avons calculé la moyenne des temps de réaction des blocs 10, 11, 13 et 14, et nous avons réalisé une seconde ANOVA avec les Blocs (Bloc 12 vs moyenne des Blocs 10, 11, 13 et 14) comme variable intra sujets. L'effet principal des Blocs (F(1,19)=15.65, p<.001) indique qu'il existe une différence significative

de performance entre le bloc de transfert et les autres. Ce résultat fait écho à celui obtenu dans l'expérience précédente. Il vient confirmer notre hypothèse selon laquelle les sujets apprennent les régularités présentes dans le déplacement de la cible.

Finalement, les données issues de cette septième expérience montrent que le fait d'introduire une contrainte de précision (une cible de petite taille) dans une tâche de TRS n'altère en rien la présence d'un apprentissage implicite.

5.5 Discussion sur les expériences 5, 6 et 7

Une comparaison entre les performances obtenues dans les tâches de poursuite continue

et les performances obtenues en utilisant les paradigmes conventionnels de TRS suggère que l'apprentissage est plus difficile à obtenir dans les situations continues que dans les situations discrètes. L'expérience 5 avait pour objectif d'étudier si cette divergence entre ces deux situations pouvait être due à une différence dans la procédure. En effet, dans les tâches classiques de TRS, la séquence répétée est continuellement cyclée, alors que dans les tâches

de poursuite continue telles que nous les avons explorées, le segment répété est entouré par un grand nombre d'essais aléatoires. Les résultats obtenus dans notre première expérience montrent qu'une amélioration sélective des performances est obtenue lorsque l'on modifie la procédure d'une tâche de TRS standard et que l'on mêle la séquence répétée au milieu de séquences aléatoires. Des études antérieures (Curran, 1997; Meulemans et al., 1998; Stadler,

1993) ont également mis en évidence un tel apprentissage lorsque la séquence répétée était

Discussion sur les expériences 5, 6 et 7 91

entourée par des essais aléatoires, mais dans leurs expériences, le nombre d'essais aléatoires

était plus faible que celui utilisé dans notre expérience.

Les expériences 6 et 7 se sont quant à elles focalisées sur des différences, en terme de paramètres, qui existent entre tâches continues et tâches discrètes. L'expérience 6 a étudié l'influence du périphérique utilisé (clavier versus souris) sur les performances dans une tâche classique de TRS. Les périphériques d'entrée sont des outils qui permettent au sujet d'interagir avec le système. Un bon périphérique doit posséder plusieurs critères, comme une vitesse de déplacement aisée, une bonne précision, des caractéristiques ergonomiques évitant une fatigue trop rapide de l'utilisateur, ainsi qu'un apprentissage d'utilisation rapide. Pour classer les différents périphériques existants, il existe dans la littérature une taxonomie établit selon différents critères. Dans l'ordre chronologique, nous trouvons les approches proposées

par organisé (1983), Mackinlay, Card & Robertson (1990) et Lipscomb & Pique (1993). Les classifications de ces différents auteurs permettent de clarifier les différences et les similitudes

qui existent entre des périphériques tels que la souris, le joystick, la tablette graphique et le stylet, l'écran tactile,.... Cependant, il ne ressort de ces taxonomies aucune donnée concernant

les propriétés du clavier. Les résultats de notre seconde expérience indiquent que les sujets apprennent de la même manière les régularités présentes dans la séquence qu'ils utilisent un clavier ou une souris pour répondre à l'apparition de la cible sur l'écran. Toutefois, nous avons noté que les sujets assignés au groupe « souris » obtiennent des temps de réaction un peu plus élevés que les participants du groupe « clavier ». De tels résultats peuvent s'expliquer par le fait que les sujets utilisant la souris doivent d'abord la déplacer afin d'atteindre la cible puis cliquer dessus, ce qui leur demande un peu plus de temps. Cependant, leurs performances suivent le même pattern d'évolution que celui des sujets utilisant un clavier. Par conséquent, les résultats de l'expérience 6 invalident notre hypothèse puisque nous nous apercevons que les sujets apprennent de la même manière quel que soit le périphérique utilisé.

Une autre différence que nous avons notée entre les tâches de poursuite continue et les tâches de TRS concerne la précision requise dans chacune d'entre elles. En effet, généralement, les tâches de TRS sont définies comme des « tâches de vitesse » dans lesquelles les sujets ont pour consigne de réagir à l'apparition d'une cible en appuyant aussi vite que possible sur une touche du clavier qui correspond spatialement à la position de la

cible sur l'écran. Au contraire, dans les tâches de poursuite continue, l'important est que les

sujets positionnent le pointeur de souris le plus précisément possible à l'intérieur d'une cible mouvante. Afin de tester ce paramètre, une contrainte de précision a été introduite dans une tâche standard de TRS : les sujets devaient positionner le pointeur de souris sur une cible de petite taille pouvant apparaître dans une des quatre positions possibles sur l'écran et cliquer dessus afin de la faire disparaître. Le fait que la cible soit de petite taille forçait les participants à être précis. De ce fait, ils devaient à la fois être rapides et précis, comme c'est le

cas dans une tâche de poursuite continue. Malgré l'ajout de cette contrainte de précision, les résultats indiquent une augmentation des temps de réaction sur le bloc de transfert suivie par

un retour des temps de réaction à leurs niveaux les plus bas sur les deux derniers blocs, ce qui reflète l'apprentissage de la séquence. Là encore, notre hypothèse est invalidée puisque l'apprentissage implicite est préservé, même si une contrainte de précision est ajoutée à une tâche classique de TRS.

Le but principal des recherches effectuées dans le présent chapitre est de comprendre pourquoi les sujets sont capables de tirer bénéfice de la répétition de la structure dans une tâche discrète alors qu'ils en sont incapables dans une tâche continue. Par conséquent, le fait d'être capable, implicitement, de localiser les régularités dans une situation mais pas dans une autre n'est pas simplement dû à des différences dans la méthode ou dans les paramètres. C'est pourquoi, dans les expériences qui suivent, nous allons nous focaliser plus sur la nature des tâches elles-mêmes, afin de trouver une explication à cette divergence.

5.6 Expérience 8

Dans les expériences 8 et 9 présentées ci-dessous, nous avons modifié une tâche standard de TRS de manière à la rendre encore plus similaire à une tâche de poursuite continue, telle que nous avons pu en réaliser dans nos expériences présentées antérieurement. Cette fois, nous nous focalisons sur le contrôle du déplacement de la cible, car celui-ci est bien différent d'une tâche à l'autre. En effet, dans une tâche de TRS, le mouvement de la cible

est dépendant de l'exactitude de la réponse du sujet et surtout, il est dépendant du temps de latence des réponses du sujet. A contrario, dans la tâche de poursuite continue, la cible se déplace indépendamment du comportement du sujet. Le déplacement de la cible est

parfaitement synchrone : la cible se déplace selon un algorithme qui calcule sa position à une

période constante de temps. De ce fait, la réponse des sujets n'a pas d'impact sur son déplacement. Par conséquent, nous avons décidé de modifier une tâche standard de TRS de façon à ce que la cible se déplace de manière « autonome », afin de voir en quoi cela peut avoir un impact sur l'apprentissage. Pour se faire, la cible (un rond bleu) apparaît dans un des quatre carrés présents sur l'écran, elle reste affichée pendant un temps prédéfini, puis elle disparaît pour apparaître à une nouvelle position. Cette fois, les participants doivent donc positionner le pointeur de souris sur la cible, et lorsque celui est correctement positionné, la cible change de couleur (elle devient rouge).

Une autre différence, que l'on peut mentionner entre ces deux types de tâches discrètes/continues, concerne la variable dépendante mesurée. Dans les tâches de TRS, ce sont toujours les temps de réaction qui sont mesurés, tandis que dans les tâches continues, ce sont des mesures de précision qui sont traditionnellement effectuées : mesure du temps sur cible ou mesure de l'erreur quadratique moyenne (RMSE). Dans les deux expériences qui suivent, nous avons utilisé le temps sur cible comme variable dépendante pour notre tâche de TRS modifiée.

Notre objectif est donc d'étudier l'existence d'un apprentissage implicite dans une tâche

de TRS avec un déplacement de cible rendu « autonome ».

5.6.1 Méthode

Sujets

Vingt étudiants de première année de Psychologie de l'Université de Bourgogne (18 filles et 2 garçons) ont été recrutés pour participer à cette expérience. Aucun d'eux n'avait participé aux expériences précédentes. Tous étaient droitiers et avaient une vision normale ou parfaitement corrigée.

Matériel, Stimuli et Procédure

Le matériel et les stimuli sont identiques à ceux utilisés dans l'expérience 7. La procédure diffère uniquement par le fait que cette fois, la cible reste affichée sur l'écran pendant un temps prédéfini de 600ms, avant de disparaître pour réapparaître ensuite à une nouvelle position, et ceci indépendamment de la réponse du sujet.

5.6.2 Résultats

En observant la courbe de performance sur la Figure 5.4, nous constatons une amélioration régulière du temps sur cible tout au long de phase d'entraînement (Blocs 1 à 11).

De plus, la phase de transfert (Bloc 12) est caractérisée par une chute très importante des performances. Enfin, on s'aperçoit que le temps sur cible revient à son niveau initial sur les

deux derniers blocs (Blocs 13 et 14).

300

280

260

Temps sur cible (ms)

240

220

200

180

160

140

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14

Blocs

Figure 5.4 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des blocs de pratique et du bloc de transfert

dans l'expérience 8. Des valeurs importantes pour le TC traduisent les meilleures performances.

Ces observations sont confirmées par un effet significatif des Blocs (F(13,247)=19.23,

p<.001) lorsqu'on réalise une analyse de variance (ANOVA) sur le temps sur cible avec la variable Blocs (14) comme facteur intra sujets.

Pour mesurer la connaissance de la séquence, nous avons moyenné les temps sur cible des Blocs 10, 11, 13 et 14 et nous avons réalisé une ANOVA avec la variable Blocs (Bloc 12

vs Blocs « moyennés ») comme facteur intra sujets. Cette ANOVA révèle un effet principal des Blocs (F(1,19)=21.18, p<.001). Le temps sur cible est significativement plus faible sur le bloc de transfert (Bloc 12) que sur les quatre blocs moyennés. Ceci indique clairement que les sujets avaient implicitement appris les régularités présentes dans le déplacement de la cible durant la phase d'entraînement, et qu'ils sont perturbés par l'introduction d'une nouvelle

séquence durant la phase de transfert.

Finalement, les résultats obtenus viennent mettre en évidence l'existence d'un apprentissage implicite dans une tâche de TRS, même lorsque le déplacement de la cible est indépendant de la latence de réponse des sujets.

5.7 Expérience 9

Les résultats obtenus à l'expérience 8 montrent que l'apprentissage apparaît même lorsque la cible se déplace de manière « autonome » dans une tâche de TRS. Même si nous avons modifié une tâche de TRS standard pour la rendre plus similaire à une tâche de poursuite continue, il reste encore une différence fondamentale entre les deux types de tâches.

En effet, dans les tâches de poursuite continue, il existe une infinité de positions potentielles, alors que dans les tâches de TRS, la cible ne peut apparaître seulement que dans une des quatre positions clairement affichées sur l'écran. Par conséquent, dans cette expérience, nous avons décidé d'augmenter le nombre de positions possibles d'apparition de la cible : nous passons de 4 à 8 positions. De plus, aucun carré indiquant le lieu d'apparition de la cible n'est affiché sur l'écran. Ainsi, les sujets sont incapables de visualiser précisément à quel endroit peut apparaître la cible et donc, ils ne savent pas avec exactitude combien il existe de positions potentielles d'apparition. En procédant ainsi, nous rendons la tâche de TRS la plus semblable possible à une tâche de poursuite continue. Il s'agit maintenant de savoir si

l'apprentissage implicite va se produire dans une situation de TRS où le déplacement de la

cible est devenu plus « continu ».

5.7.1 Méthode

Sujets

Vingt étudiants inscrits en première année de Psychologie (16 filles et 4 garçons) ont été volontaires pour participer à cette expérience. Ils n'en connaissent pas le but et n'ont pas participé aux études précédentes. Tous ces sujets sont droitiers et ont une vision normale ou parfaitement corrigée.

Matériel

Le matériel est le même que celui utilisé dans les expériences précédentes, excepté que cette fois, il n'y a plus de carrés affichés sur l'écran pour indiquer les endroits d'apparition de

la cible.

Stimuli et procédure

Des blocs de 88 essais sont présentés à tous les sujets. Chacun des blocs commencent

par quatre cibles aléatoires. Puis une séquence de 16 positions est répétée cinq fois. Enfin, chaque bloc se termine par quatre nouveaux essais aléatoires.

Un programme informatique permet de trouver un ensemble de séquences répétées qui doivent respecter les conditions suivantes. Premièrement, une nouvelle cible est autorisée à apparaître uniquement juste à droite ou juste à gauche de sa position précédente (c'est-à-dire que la position 4 est toujours suivie soit par la position 5, soit par la position 3). Il s'agit d'une propriété importante à respecter puisqu'elle rend la séquence générée plus « continue » que dans les expériences précédentes dans lesquelles l'apparition de la cible pouvait être suivie

par n'importe laquelle des trois autres positions. Deuxièmement, le choix d'une des deux positions possibles d'apparition de la cible n'est pas complètement aléatoire. Une probabilité

de 70% a été arbitrairement choisie pour privilégier la continuité du déplacement de la cible

(c'est-à-dire que la séquence 2-3-4 est suivie par 5 dans 70% des cas). Une telle contrainte

permet d'éviter un certain nombre de petits mouvements. Troisièmement, les séquences sont générées de manière à ce que 6 positions parmi les 8 possibles apparaissent au moins une fois. Ainsi, cela garantit une représentation quasi complète des différentes positions sur l'écran.

Par exemple, la séquence S= 3-4-5-6-5-4-3-2-3-2-1-2-1-2-3-4 respecte les trois conditions mentionnées précédemment. Cependant, on peut remarquer que ces séquences de

16 positions ne sont pas contrebalancées en ce qui concerne la position et la fréquence de transition comme c'était le cas avec les séquences SOC utilisées dans les expériences 6 à 8. Par exemple dans la séquence S ci-dessus, la position 2 apparaît quatre fois, la position 5 apparaît deux fois et la position 8 n'apparaît jamais dans cette séquence. Pour éviter des biais potentiels, nous avons ajouté une contrainte supplémentaire en ce qui concerne la génération

de la séquence de transfert. Cette séquence est en effet construite à partir de l'ensemble des positions utilisées dans la phase d'entraînement. Par conséquent, la séquence de transfert est seulement une permutation de la séquence d'entraînement, respectant la première condition présentée précédemment. Par exemple, la séquence de transfert T=1-2-3-4-5-6-5-4-3-2-1-2-3-

4-2 est donc dérivée à de la séquence S.

Tous les participants effectuent 14 blocs d'entraînement de 88 essais. Durant les blocs 1

à 11, la séquence répétée est utilisée pour définir le déplacement de la cible. Le bloc 12 représente le bloc de transfert. Aux blocs 13 et 14, la séquence d'entraînement est réintroduite. Afin d'éviter tout biais, les séquences sont différentes pour chaque sujet.

5.7.2 Résultats

D'un point de vue descriptif, nous constatons que le temps sur cible pour les blocs qui contiennent la séquence répétée (c'est-à-dire les Blocs 1 à11 et 13 et 14) est plus important comparativement au Bloc 12 qui contient la séquence aléatoire. Nous observons également que les participants améliorent leurs performances tout au long de la phase d'entraînement puis qu'il y a une chute de celles-ci lors de la phase de transfert (cf. Figure 5.5).

380

360

340

Temps sur cible (ms)

320

300

280

260

240

220

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14

Blocs

Figure 5.5 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des blocs de pratique et du bloc de transfert

dans l'expérience 9.

Cette observation est confirmée par l'ANOVA réalisée sur la variable Blocs (14) comme facteur à mesures répétées, qui révèle un effet principal des Blocs (F(13,247)=17.91, p<.001). Il s'agit du même pattern d'évolution que celui observé dans l'expérience précédente.

Une seconde ANOVA est réalisée afin de comparer les temps sur cible entre la phase de transfert (Bloc 12) et les quatre blocs qui l'entourent (Blocs 10, 11, 13 et 14). Un effet principal des Blocs (F(1,19)=42.52 ; p<.001) indique qu'il existe une différence de performance significative entre le bloc de transfert et les autres : les temps sur cible sont considérablement plus faibles sur le bloc de transfert. Le fait d'introduire une nouvelle séquence perturbe fortement les sujets, comme c'était le cas dans l'expérience précédente.

Les résultats de cette expérience 9 indiquent que l'apprentissage implicite continue à se produire même lorsque le déplacement de la cible dans une tâche de TRS est rendu plus

« continu ».

5.8 Expérience 10

Jusqu'à présent, les résultats obtenus sur les différentes tâches de poursuite continue réalisées dans le Chapitre 4, ne parviennent pas à mettre en évidence un apprentissage implicite du segment répété. A contrario, toutes les expériences réalisées dans le présent chapitre, et utilisant une tâche de TRS plus ou moins modifiée, révèlent clairement l'existence d'un tel apprentissage. En effet, l'introduction de diverses modifications dans une tâche de TRS standard (introduction de séquences aléatoires, changement de périphérique, ajout d'une contrainte de précision, déplacement « autonome » de la cible) n'empêchent pas l'apparition d'un apprentissage implicite de la séquence répétée.

L'objectif de cette expérience est de comprendre si l'échec à obtenir un apprentissage moteur implicite dans les tâches de poursuite continue relève d'un problème d'apprentissage

en tant que tel, ou plutôt d'un problème de performance.

En supposant qu'il s'agisse d'un problème d'apprentissage, il est possible de penser que

la réalisation d'une tâche de poursuite continue implique un volume d'informations à traiter

qui est bien plus élevé que celui impliqué dans une tâche discrète de TRS. Par conséquent, cela rendrait la détection et l'extraction de l'information pertinente bien plus difficiles à effectuer dans ce type de situations continues. Pour pallier cette difficulté, la solution envisagée dans cette dernière expérience est de changer les conditions expérimentales de la tâche de poursuite continue afin de faciliter la détection de la séquence répétée. Pour cela, les sujets réalisant la tâche de poursuite vont uniquement pratiquer sur une seule et même séquence qui se répète tout au long de l'expérience (comme c'est le cas dans une tâche de TRS classique). En plus, ils vont être explicitement informés, dès le début de la tâche, de la présence de la séquence répétée, afin de focaliser encore plus leur attention sur cette régularité. Parallèlement, la même démarche est appliquée à la tâche de TRS : les sujets sont informés de la présence d'une régularité concernant l'apparition de la cible sur l'écran.

Une autre possibilité est de supposer que cet échec à obtenir un apprentissage implicite dans les tâches de poursuite continue relève plus d'un problème de performance. Dans ce cas,

si nous obtenons un apprentissage de la séquence répétée dans la tâche de TRS mais pas dans

la tâche de poursuite, ceci indique que le fait d'informer explicitement les sujets de l'existence

d'une répétition n'est pas bénéfique dans le cas d'une tâche continue. Il est donc possible de

penser que l'échec à obtenir un apprentissage implicite dans les tâches continues reflète plus

un problème de performance ou de mesure de cette performance qu'un problème d'apprentissage. Autrement dit, il est tout à fait possible que les sujets perçoivent les régularités mais qu'elles ne leur servent à rien dans la performance. Au contraire, si nous obtenons un apprentissage de la séquence répétée aussi bien en discret qu'en continu lorsque

les sujets sont au courant de la présence d'une répétition, cela signifie que l'information donnée aux sujets leur a permis de détecter et d'apprendre les régularités. Ainsi, l'absence d'apprentissage dans les tâches continues réalisées antérieurement indique que, sans information explicite, les sujets ne semblent pas capables d'extraire l'information pertinente leur permettant de repérer la régularité.

Nous allons donc de comparer l'évolution des performances obtenues par les sujets dans

ces deux conditions expérimentales. De plus, par souci méthodologique, deux groupes contrôle supplémentaires sont créés. Les sujets du premier groupe de contrôle réalisent une tâche de poursuite continue sur des segments totalement aléatoires, alors que ceux du second groupe effectuent une tâche de TRS sur des séquences aléatoires.

Au final, cette expérience va nous permettre de comparer les performances des sujets dans les quatre situations suivantes :

É tâche continue, comprenant un même segment répété, pour laquelle les sujets sont informés de sa présence,

É tâche continue, comprenant uniquement des segments aléatoires différents les uns des autres, pour laquelle aucune information n'est donnée aux sujets,

É tâche discrète, comprenant une même séquence répétée, pour laquelle les sujets sont informés de sa présence,

É tâche discrète, comprenant uniquement des séquences aléatoires différentes les unes des autres, pour laquelle aucune information n'est donnée aux sujets.

5.8.1 Méthode

Sujets

Vingt-huit sujets (22 filles et 6 garçons) inscrits en première année de Psychologie ont participé volontairement à cette expérience. Aucun de ces sujets n'avait participé aux études antérieures. Tous avaient une vision normale ou parfaitement corrigée.

Les participants sont aléatoirement répartis en 2 groupes de 14 sujets, selon la nature des informations qui leur sont données lors de l'exécution des taches de poursuite et de TRS.

Matériel

Pour les deux tâches discrètes et continues proposées aux sujets, la présentation des stimuli, l'enregistrement des données (temps sur cible dans les deux cas) sont implémentés

sur un ordinateur de type PC équipé d'un écran couleur de « 14 pouces » avec une résolution

de 1024 x 768 pixels.

Concernant la tâche de poursuite de cible, le matériel est identique à celui employé lors

de l'expérience 1 (cf. paragraphe 4.1, page 47). Un logiciel est chargé de calculer la position

de la cible, de l'afficher sur l'écran et d'enregistrer les mouvements du pointeur de la souris à une fréquence de 200 Hz.

Concernant la tâche de TRS, le matériel est similaire à celui utilisé lors de l'expérience

8 (cf. paragraphe 5.6, page 93). Quatre carrés sont positionnés horizontalement au milieu de l'écran d'ordinateur et restent affichés tout au long de l'expérience. La cible peut apparaître

au milieu de chaque carré pendant un temps prédéfini de 600ms, avant de disparaître pour réapparaître ensuite à une nouvelle position, et ceci à un rythme indépendant du comportement du sujet. Un programme informatique est chargé d'afficher la cible, de mesurer

le temps sur cible et d'enregistrer les données pour un traitement ultérieur.

Stimuli

Concernant la tâche de TRS, des séquences comprenant 12 essais sont générées automatiquement par le programme en reprenant la plupart des critères utilisés par Shanks (2003). En effet, chaque position de la cible parmi les quatre possibles apparaît trois fois dans

la séquence de 12 essais. De plus, toutes les transitions possibles sont représentées une seule fois (par exemple 1-2, 1-3, etc.). Par contre, les transitions de second ordre diffèrent toutes pour deux séquences distinctes. A titre d'illustration, dans les séquences « 1 - 3 - 4 - 3 - 1 - 2 -

3 - 2 - 4 - 2 - 1 - 4 » et « 4 - 3 - 2 - 1 - 2 - 4 - 1 - 3 - 1 - 4 - 2 - 3 », nous constatons que dans la première séquence, « 1 - 3 » est suivi par « 4 » tandis que dans l'autre séquence « 1 - 3 » est suivi par « 1 ».

Les stimuli utilisés pour la tâche de poursuite continue sont générés à partir de la série sinus cosinus employée dans les expériences décrites dans le Chapitre 4. Cependant, au lieu d'employer des essais composés de 3 segments (c'est-à-dire un segment répété entouré par deux segments aléatoires), nous utilisons uniquement un seul segment (soit aléatoire, soit répété) par essai. Afin de faciliter l'enchaînement des essais et de ne pas faire apparaître de discontinuités, chaque essai débute et se termine toujours au centre de l'écran (en se servant

ici de la période entière de la fonction sinus cosinus).

Procédure

L'expérience débute par une tâche de poursuite continue comprenant 14 blocs de 4

segments, d'une durée de 9 secondes par segment. Les participants doivent poursuivre la cible

qui se déplace horizontalement sur l'écran au moyen de la souris. Lorsqu'ils positionnent correctement le pointeur de souris à l'intérieur de la cible, celle-ci change de couleur et devient rouge. Au sein d'un bloc, les quatre segments s'enchaînent sans interruption. Une pause, autogérée par les sujets, sépare l'ensemble des blocs. A la fin de cette première tâche,

les sujets sont soumis à un test de reconnaissance comprenant 6 segments (3 déjà vus et 3 complètement nouveaux). Ils doivent indiquer, sur une échelle de 0 à 9, leur degré de reconnaissance.

Par la suite, ces mêmes sujets réalisent une tâche de TRS comprenant 14 blocs de 4

séquences de 12 essais. Durant un essai, la cible reste affichée à l'écran pendant une durée prédéfinie de 600 ms, puis disparaît, avant de réapparaître 200 ms plus tard dans une autre position. Il s'agit, pour les sujets, de réagir aussi rapidement que possible à l'apparition de la cible sur l'écran en positionnant le pointeur de souris à l'intérieur de celle-ci. Là aussi, la cible change de couleur dès que le pointeur de souris est correctement positionné. Les blocs de 48 essais sont séparés les uns des autres par une pause gérée par les sujets. Après avoir réalisé cette tâche de TRS, un test de reconnaissance composé de 6 séquences de 12 essais (3 séquences vues et 3 séquences non vues) est proposé aux participants.

Afin de tester l'impact de l'information donnée aux sujets, deux groupes distincts sont constitués :

É Dans le premier groupe, les sujets réalisent une tâche de poursuite continue comprenant uniquement des segments aléatoires pendant les 14 blocs de pratique. Ensuite, ils effectuent une tâche de TRS composée de la répétition d'une même séquence, dont ils sont explicitement informés. Cette séquence est présentée du bloc

1 au bloc 12. Au bloc 13 (bloc de transfert), une nouvelle séquence est présentée. Finalement, la séquence répétée est réintroduite lors du dernier bloc (bloc 14).

É Inversement, les sujets du second groupe effectuent tout d'abord la tâche de poursuite continue composée, cette fois, d'un segment répété dont ils connaissent l'existence dès le début. Ce segment répété est présenté aux sujets pendant les 12 premiers blocs. Il est remplacé au bloc 13 par un segment aléatoire avant d'être réutilisé au bloc 14. Dans un second temps, les participants réalisent la tâche de TRS

ne comprenant ici que des séquences aléatoires différentes, présentées pendant les

14 blocs de l'expérience.

Dans la suite de ce travail, nous parlerons de « condition aléatoire » pour se référer à toute tâche (poursuite continue ou TRS) s'effectuant sur des segments ou séquences aléatoires pour lesquels les sujets ne reçoivent aucune information. A l'opposé, nous emploierons le terme « condition répétée » lorsqu'il s'agit d'une tâche s'exécutant sur un même segment ou

sur une même séquence répétée pour lesquels les sujets ont été informés de la présence de cette répétition.

Le tableau ci-dessous résume la procédure employée dans cette expérience.

Condition continue

Groupe 1

Groupe 2

Non informé

Bloc 1 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 2 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 3 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 4 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 5 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 6 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 7 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 8 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 9 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 10 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 11 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 12 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 14 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Test de Reconnaissance

3 segments vus et 3 segments non vus

Informé

Bloc 1 Répété Répété Répété Répété

Bloc 2 Répété Répété Répété Répété

Bloc 3 Répété Répété Répété Répété

Bloc 4 Répété Répété Répété Répété

Bloc 5 Répété Répété Répété Répété

Bloc 6 Répété Répété Répété Répété

Bloc 7 Répété Répété Répété Répété

Bloc 8 Répété Répété Répété Répété

Bloc 9 Répété Répété Répété Répété

Bloc 10 Répété Répété Répété Répété

Bloc 11 Répété Répété Répété Répété

Bloc 12 Répété Répété Répété Répété

Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 14 Répété Répété Répété Répété

Test de Reconnaissance

3 séquences vues et 3 séquences non vues

Informé

Bloc 1 Répété Répété Répété Répété

Bloc 2 Répété Répété Répété Répété

Bloc 3 Répété Répété Répété Répété

Bloc 4 Répété Répété Répété Répété

Bloc 5 Répété Répété Répété Répété

Bloc 6 Répété Répété Répété Répété

Bloc 7 Répété Répété Répété Répété

Bloc 8 Répété Répété Répété Répété

Bloc 9 Répété Répété Répété Répété

Bloc 10 Répété Répété Répété Répété

Bloc 11 Répété Répété Répété Répété

Bloc 12 Répété Répété Répété Répété

Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 14 Répété Répété Répété Répété

Test de Reconnaissance

3 segments vus et 3 segments non vus

Non informé

Bloc 1 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 2 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 3 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 4 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 5 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 6 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 7 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 8 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 9 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 10 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 11 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 12 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 13 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Bloc 14 Aléatoire Aléatoire Aléatoire Aléatoire

Test de Reconnaissance

3 séquences vues et 3 séquences non vues

Condition discrète

5.8.2 Résultats

Jusqu'à présent, dans les tâches continues réalisées antérieurement, l'apprentissage du segment répété était mesuré au moyen d'analyses statistiques portant sur une comparaison de performances entre segments répétés et aléatoires au fil de la pratique. Dans ce cas, l'apprentissage doit se traduire par une évolution différente des performances sur les deux

types de segments. A l'opposé, dans les tâches de TRS présentées précédemment, cet

apprentissage était mesuré en introduisant un bloc de transfert aléatoire après une longue phase de pratique de la séquence répétée. Ici, l'apprentissage se manifeste par une diminution drastique des performances sur le bloc de transfert comparativement aux blocs adjacents.

L'expérience réalisée ci-dessus nous permet de comparer ces deux mesures de l'apprentissage au sein de chaque tâche. Premièrement, ceci nous conduit à évaluer l'apprentissage dans une tâche de TRS en comparant l'évolution des performances sur les deux types de séquences présentés tout au long de la phase de pratique. Deuxièmement, cela nous offre également la possibilité de mesurer l'apprentissage dans la tâche de poursuite en introduisant une séquence aléatoire de transfert.

Quelle que soit la tâche réalisée par les sujets, la variable dépendante mesurée est le temps sur cible. Dans le cas de la tâche de poursuite continue, le temps sur cible est mesuré

sur toute la durée d'un segment (c'est-à-dire 9 secondes). Concernant la tâche de TRS, la durée d'apparition d'une cible à l'écran est de 600 ms. Le temps sur cible correspond ici à la durée pendant laquelle le pointeur de souris se trouve sur cette cible. De part la nature même des tâches, on s'attend à ce que le temps sur cible soit plus long pour la poursuite continue comparativement à la tâche de TRS. Cependant, nous nous intéressons ici aux variations du temps sur cible en fonction de la pratique et du transfert et de fait, la mesure absolue du temps

sur cible n'est donc pas informative en tant que telle.

Phase de pratique pour la tâche de poursuite

Une première analyse de variance (ANOVA) est réalisée sur le temps sur cible, avec la variable Blocs (14) comme facteur intra sujets, sur les données issues du groupe de participants effectuant la tâche de poursuite dans la condition « aléatoire ».

En observant la courbe de performance sur la Figure 5.6, nous constatons qu'il n'existe aucune évolution majeure du temps sur cible au fil des 14 blocs de pratique. Cette observation

est confirmée par une absence d'effet significatif des blocs (F(13,169)=.91; p=.544). Ce résultat s'explique naturellement par le fait que, dans cette condition expérimentale, les sujets sont en permanence soumis à des stimuli aléatoires et ne peuvent en aucun cas apprendre quoi

que ce soit. Dès lors, il est inutile de comparer les résultats obtenus sur le bloc 13 de transfert

avec ceux obtenus sur les deux blocs 12 et 14 qui l'entourent.

6000

5500

Temps sur cible (ms)

5000

4500

4000

3500

3000

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14

Blocs

Figure 5.6 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des blocs de pratique et du bloc de transfert

dans la tâche de poursuite continue, selon la condition aléatoire, dans l'expérience 10.

A l'opposé, nous pouvons nous attendre à ce que les sujets du second groupe, effectuant

la tâche de poursuite dans la condition « répétée », obtiennent d'une part, des performances croissantes tout au long de la phase de pratique, et d'autre part, soient perturbés par l'introduction d'une séquence aléatoire au bloc de transfert. Nous observons une telle tendance sur la Figure 5.7 qui laisse apparaître une légère amélioration des performances sur

les douze premiers blocs de pratique suivie d'une faible diminution du temps sur cible sur le bloc de transfert. Les performances augmentent à nouveau sur le dernier bloc, atteignant le niveau qu'elles avaient sur le bloc 12.

Une ANOVA identique à la précédente (S14 * B14) est réalisée sur le temps sur cible pour ce groupe. L'amélioration observée au fil de la pratique se confirme par la présence d'un effet significatif des Blocs (F(13,169)=3.59; p<.001). Ce résultat laisse penser qu'il existe un apprentissage de la séquence répétée. Afin de s'en assurer, nous avons réalisé une deuxième ANOVA avec la variable Blocs (Bloc 13 de transfert vs Blocs 12-14 moyennés) comme

facteur intra sujets. Toutefois, malgré la tendance observée, cette ANOVA échoue à atteindre

le seuil de significativité (F(1,13)=3.19; p=.097).

6000

5500

Temps sur cible (ms)

5000

4500

4000

3500

3000

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14

Blocs

Figure 5.7 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des blocs de pratique et du bloc de transfert

dans la tâche de poursuite continue, selon la condition répétée, dans l'expérience 10.

Ces résultats ne laissent pas apparaître un apprentissage du segment répété dans la tâche

de poursuite continue en condition aléatoire, alors qu'une tendance tend à se manifester en condition répétée. Ainsi, la première méthode d'évaluation de l'apprentissage ne donne pas de résultats concluants. La deuxième méthode consistant à comparer les performances des deux groupes de sujets tout au long des 12 blocs de pratique nous conduit-elle à la même conclusion ?

La Figure 5.8 illustre l'évolution du temps sur cible au fil des blocs, permettant ainsi de comparer les performances obtenues dans les deux conditions expérimentales (répétée / aléatoire). Premièrement, nous constatons, dans la condition répétée, une faible amélioration des performances au fil des 12 blocs de pratique, alors que les performances restent stables dans la condition aléatoire. Deuxièmement, les temps sur cible sont légèrement plus élevés lorsque les sujets se trouvent dans la condition « répétée » comparativement à la condition

« aléatoire ».

6000

5500

Aléatoire

Répété

Temps sur cible (ms)

5000

4500

4000

3500

3000

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12

Blocs

Figure 5.8 : Evolution du temps sur cible au fil des blocs de pratique dans la tâche de poursuite

continue selon les conditions (répétée / aléatoire) dans l'expérience 10.

Une ANOVA est réalisée avec les variables Groupe (répété vs aléatoire) comme variable inter sujets et sur les Blocs (12) comme variable intra sujets. L'existence d'un effet significatif des blocs (F(11,286)=2.85, p<.001) confirme l'amélioration des performances au

fil de la pratique. Cependant, l'analyse échoue à atteindre le seuil de significativité aussi bien pour le facteur Groupe (F(1,26)=1.42 ; p=.243) que pour l'interaction Groupe x Blocs (F(11,286)=1.20; p=.283). Contrairement à nos attentes initiales, nous ne pouvons donc pas conclure à l'existence d'un apprentissage du segment répété, bien qu'il existe une tendance à une évolution différente des performances selon la condition.

Test de reconnaissance pour la tâche de poursuite

L'objectif de ce test est de comparer le degré de reconnaissance des sujets sur différents segments qui leur sont présentés. Dans chacune des deux conditions expérimentales

(« aléatoire » et « répétée »), trois segments déjà pratiqués (vus) et trois nouveaux segments aléatoires (non vus) sont présentés aux participants. Dans la condition « répétée », les segments déjà vus correspondent à l'unique segment qui a été répété durant la phase de pratique. Dans l'autre condition, les segments déjà vus sont en fait trois segments aléatoires

différents tirés au hasard parmi l'ensemble des segments aléatoires utilisés tout au long de la

phase de pratique (i.e. chacun de ces segments a donc été vu une seule fois par les sujets).

Pour comparer le degré de reconnaissance attribué aux différents segments, nous avons moyenné les notes données aux trois segments vus et aux trois segments aléatoires, ce qui nous permet de réaliser l'ANOVA suivante : S14 * T2 avec S représentant le nombre de sujets

et T le type de segments avec deux modalités (vus vs non vus). Cette analyse est effectuée sur

les deux groupes de sujets ayant participé à l'expérience. Dans la condition « aléatoire », les deux types de segments obtiennent des notes voisines de 5 (respectivement 5.11 pour les segments vus et 5.09 pour les non vus) alors que, dans la condition « répétée », les notes attribuées aux segments déjà vus sont largement supérieures (8.02) à celles données aux segments non vus (2.19). Ceci est illustré sur la Figure 5.9 ci-dessous.

Segments Vus

9 Segments Non vus

Degré de reconnaissance

8

7

6

5

4

3

2

1

0

Aléatoire Répétée

Condition

Figure 5.9 : Degré de reconnaissance des différents types de segments, dans les deux conditions (répétée /

aléatoire) dans la tâche de poursuite continue. Les barres d'erreurs représentent l'écart type de la moyenne.

Ces observations sont confortées par l'analyse statistique qui ne révèle aucune différence significative entre les deux types de segments dans la condition « aléatoire » (F(1,13)=.001; p=.973). A contrario, il existe un effet significatif du type de segment pour les sujets dans la condition « répétée » (F(1,13)=136.78; p<.001).

Ces résultats prouvent que les sujets sont parfaitement capables de reconnaître le

segment répété présenté parmi d'autres segments puisqu'ils y attribuent des notes très élevées. Cependant, nous nous trouvons face à un paradoxe, puisque les résultats obtenus lors de la phase de pratique ne révèlent aucun apprentissage du segment répété, alors que ceux issus du test de reconnaissance indiquent la présence de cet apprentissage. Ceci nous amène donc à supposer que les régularités sont bien perçues par les sujets (puisqu'elles sont reconnues) mais qu'elles ne leur sont pas utiles pour améliorer significativement leurs performances.

Phase de pratique pour la tâche de TRS

De manière identique aux analyses réalisées précédemment pour la tâche de poursuite continue, nous effectuons une première ANOVA avec le facteur Blocs (14) comme variable intra sujets sur les données recueillies pour les sujets effectuant la tâche de TRS dans la condition « aléatoire ».

300

250

Temps sur cible (ms)

200

150

100

50

0

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14

Blocs

Figure 5.10 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des blocs de pratique et du bloc de transfert

dans la tâche de TRS, selon la condition aléatoire, dans l'expérience 10.

La Figure 5.10 illustre l'évolution du temps sur cible tout au long des 14 blocs constituant la phase de pratique, dans la condition « aléatoire ». Nous n'observons aucun

changement important des performances. Ce constat se confirme avec une absence d'effet

significatif du facteur Blocs (F(13,169)=.75; p=.716) pour les mêmes raisons que celles expliquées dans la tâche précédente. Les sujets effectuant la tâche de TRS, dans la condition

« aléatoire », sont incapables d'accroître leurs performances tout au long de la phase de pratique (le temps sur cible moyen est de 103.45 ms pour une cible affichée pendant 600 ms à l'écran).

Un pattern de résultats opposés s'observe pour la condition « répétée ». En effet, nous constatons sur la Figure 5.11 une augmentation régulière du temps sur cible du bloc 1 au bloc

12. L'introduction du bloc de transfert entraîne une dégradation très importante des performances. Finalement, le temps sur cible revient à un niveau plus important sur le dernier

bloc, lorsque la séquence répétée est à nouveau présentée aux sujets.

300

250

Temps sur cible (ms)

200

150

100

50

0

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12 b13 b14

Blocs

Figure 5.11 : Evolution du temps sur cible (TC) au fil des blocs de pratique et du bloc de transfert

dans la tâche de TRS, selon la condition répétée, dans l'expérience 10.

Une ANOVA identique à la précédente (S14 * B14) vient confirmer ces observations par

la présence d'un effet significatif des blocs (F(13,169)=11.31; p<.001). Partant d'un niveau initial de performances quasi identique à celui observé dans la condition « aléatoire » (temps

sur cible de 108.6 ms), le temps sur cible atteint son maximum (271.7 ms) à la fin de la phase

de pratique, puis chute de manière drastique (119.7 ms) sur le bloc de transfert pour retrouver

un niveau intermédiaire (177.2 ms) sur le dernier bloc.

Dans cette condition, l'apprentissage de la séquence répétée par les sujets ne fait aucun doute, et il se trouve confirmé par les résultats d'une seconde ANOVA S14*B2 avec S représentant le nombre de sujets (14) et B représentant les blocs (Bloc de transfert 13 vs moyenne des deux blocs 12 et 14 adjacents). Un effet significatif du facteur Bloc est présent (F(1,13)=25.80; p<.001), confirmant une différence de performances sur le bloc de transfert (119.7 ms) comparativement aux blocs adjacents (224.4 ms en moyenne).

Cette première méthode consistant à introduire un bloc de transfert après une longue phase de pratique laisse clairement apparaître l'existence d'un apprentissage de la séquence répétée. Nous allons maintenant vérifier si nous aboutissons aux mêmes conclusions en comparant les performances des sujets tout au long des 12 blocs de pratique dans les deux conditions « répétée » et « aléatoire ».

300

Aléatoire

Répété

250

Temps sur cible (ms)

200

150

100

50

0

b1 b2 b3 b4 b5 b6 b7 b8 b9 b10 b11 b12

Blocs

Figure 5.12 : Evolution du temps sur cible au fil des blocs de pratique dans la tâche de TRS selon

les conditions (répétée / aléatoire) dans l'expérience 10.

D'un point de vue descriptif, nous pouvons observer sur la Figure 5.12 que les sujets partent d'un niveau initial de performances quasi identique dans les deux conditions

expérimentales. Par la suite, les performances des sujets dans la condition « répétée »

évoluent de manière ascendante tout au long de la pratique alors que celles des participants dans l'autre condition tendent à stagner. On peut noter la présence d'un écart de performances important dès le deuxième bloc de pratique.

Une ANOVA est effectuée avec les variables Groupe (« répété » vs « aléatoire ») comme facteur inter sujets et sur les Blocs (14) comme facteur intra sujets. Cette analyse statistique révèle à la fois un effet simple du facteur Groupe (F(1,26)=34.37; p<.001) et du facteur Bloc (F(11,286)=7.14; p<.001) ainsi qu'une interaction significative Groupe x Bloc (F(11,286)=7.02; p<.001). Ces trois résultats combinés confirment ceux obtenus précédemment, à savoir qu'il existe un apprentissage de la séquence répétée puisque les performances sur les 2 types de séquences évoluent de manière radicalement différente selon

la condition. De plus, des comparaisons planifiées ont permis de mettre en évidence une différence significative entre les conditions « répétée » et « aléatoire » sur le bloc 2 (F(1,26)=10.06; p<.004) alors que sur le bloc 1, il n'existe pas de différence entre les deux (F(1,26)=0.48; p=.492). Une fois encore, ces résultats confirment le fait que l'apprentissage se manifeste après une faible quantité de pratique dans les tâches de TRS.

Test de reconnaissance pour la tâche de TRS

Lors de ce test de reconnaissance, trois séquences vues et trois séquences non vues sont présentées aux participants dans chacune des deux conditions expérimentales. Le traitement des données collectées est identique à celui effectué précédemment dans la tâche de poursuite continue. La comparaison du degré de reconnaissance attribué aux différentes séquences est évaluée au moyen d'une ANOVA avec le Type de séquences (Vues vs Non Vues) comme facteur intra sujets. La Figure 5.13 illustre les principaux résultats obtenus pour les deux types

de séquences à la fois dans la condition « aléatoire » et dans la condition « répétée ».

Les participants dans la condition « aléatoire » attribuent des notes moyennes proches

de la valeur 5, à savoir 5.71 pour les séquences vues et 4.83 pour celles totalement aléatoires. Par contre, nous constatons un écart important entre les notes attribuées aux deux types de séquences pour les sujets placés dans la condition « répétée ». En effet, les séquences déjà

vues lors de la phase de pratique obtiennent un score moyen relativement élevé de 6.83 alors

les séquences aléatoires se voient attribuer un score moyen très faible de 1.6.

9 Séquences vues

Degré de reconnaissance

8 Séquences non vues

7

6

5

4

3

2

1

0

Aléatoire Répétée

Condition

Figure 5.13 : Degré de reconnaissance des différents types de séquences, dans les deux conditions

(répétée / aléatoire) dans la tâche de TRS. Les barres d'erreurs représentent l'écart type de la moyenne.

Les résultats de l'analyse statistique viennent renforcer ces observations : aucun effet significatif du type de séquences n'apparaît dans la condition « aléatoire » (F(1,13)=1.46; p=.248) alors que cet effet est fortement significatif dans la condition répétée (F(1,13)=44.93; p<.001).

Au final, ces résultats prouvent une fois de plus l'existence d'un apprentissage dans le

cas d'une tâche de TRS. Tout d'abord, cet apprentissage a été mis en évidence dès le début de

la phase de pratique puis, lors de l'introduction du bloc de transfert. Les résultats obtenus lors

du test de reconnaissance viennent renforcer la preuve de cet apprentissage, puisque les sujets sont capables de reconnaître parfaitement la séquence répétée parmi d'autres séquences aléatoires.

Comparaison de la reconnaissance entre la tâche de TRS et la tâche de poursuite

continue

Les résultats issus des tests de reconnaissance effectués précédemment ont montré que

les sujets sont capables de reconnaître les séquences et les segments déjà vus lors de la phase

de pratique, dans la condition répétée. Toutefois, les analyses réalisées jusque là ne permettent pas de savoir si la reconnaissance est meilleure dans une tâche ou dans une autre. Afin de répondre à cette interrogation, nous avons réalisé une comparaison de la reconnaissance entre

la tâche de TRS et la tâche de poursuite continue, dans la condition répétée. Cette comparaison est illustrée sur la Figure 5.14 qui montre qu'il existe une légère différence entre

la tâche continue et la tâche discrète, aussi bien pour les segments vus que pour ceux non vus. Quel que soit le type de segment, les scores obtenus en reconnaissance sont supérieurs dans le

cas de la tâche continue.

10

Degré de reconnaissance

9 Tâche continue

8 Tâche discrète

7

6

5

4

3

2

1

0

Vu Non Vu

Type de séquence / segment

Figure 5.14 : Degré de reconnaissance dans les tâches discrètes et continues selon la nature de la

séquence / segment utilisé. Les barres d'erreurs représentent l'écart type de la moyenne.

Une ANOVA de la forme S14 <T2> * N2 avec T représentant le type de tâche (continue / discrète) et N représentant la nature de la séquence ou segment utilisé (vue / non vue) est effectuée. Un effet quasi significatif du type de tâche (F(1,26)=4.1125 ; p=0.052) est obtenu,

indiquant qu'il y a une tendance à obtenir une meilleure reconnaissance dans la tâche continue

comparativement à la tâche discrète. Nous retrouvons un effet significatif de la condition (F(1,26) = 142.92 ; p<.001) prouvant, une fois de plus, que les sujets reconnaissent mieux les séquences / segments déjà vus. Par contre, nous n'obtenons pas d'interaction significative type de tâche x nature de la séquence (F(1,26) = 0.4488 ; p = 0.508). Ce résultat nous amène à conclure que les sujets reconnaissent de la même manière, les séquences / segments déjà vus dans la tâche discrète et dans la tâche continue.

5.9 Discussion sur les expériences 8, 9 et 10

Une différence majeure entre les tâches de TRS et les tâches de poursuite concerne la nature même du déplacement de la cible. En effet, dans les tâches de poursuite continue, la cible se déplace indépendamment du comportement du sujet alors que dans les tâches classiques de TRS, le mouvement de la cible est dépendant du rythme de réponse des sujets. Dans les expériences 8 et 9, nous avons modifié une tâche de TRS standard afin que la cible

se déplace de manière « autonome », c'est-à-dire de façon à ce qu'elle soit indépendante de la latence de réponse des participants. Dans l'expérience 9, nous avons en plus augmenté le nombre de positions possibles d'apparition de la cible (passant de 4 à 8 positions) avec la volonté de nous rapprocher encore plus d'une situation continue dans laquelle il existe une infinité de positions possibles. De plus, aucun carré n'était affiché sur l'écran afin que les sujets ne puissent pas visualiser les endroits possibles d'apparition de la cible. Par conséquent,

ils ne pouvaient pas connaître précisément le nombre de positions potentielles de la cible. L'objectif était de voir si un apprentissage implicite continuait à se manifester après de telles modifications. Pour cela, nous avons mesuré le temps sur cible. Un apprentissage doit se traduire par une chute importante du temps sur cible sur le bloc de transfert comparativement aux blocs de pratique qui l'entourent. Les résultats obtenus dans l'expérience 8 montrent que

les sujets apprennent sans difficulté, même lorsque la cible se déplace de manière

« autonome ». Dans le même sens, les résultats issus de l'expérience 9 indiquent que l'apprentissage implicite continue à se manifester même si le déplacement de la cible est devenu plus « continu ». L'absence d'indications quant à l'apparition potentielle de la cible ne perturbe pas les participants. Finalement, les résultats de ces deux études indiquent que les

Discussion sur les expériences 8, 9 et 10 117

sujets sont capables d'apprendre implicitement les régularités présentes dans le déplacement

de la cible, même lorsque celui-ci ne respecte plus un rythme d'apparition discret, et tend à être perçu comme une tâche « continue ».

L'expérience 10 avait pour objectif de savoir si l'échec à obtenir un apprentissage moteur implicite dans les tâches de poursuite continue était dû à un problème d'apprentissage

en tant que tel ou bien s'il s'agissait d'un problème de performance ou de mesure adéquate de cette performance. Afin de départager ces deux explications, nous avons soumis les sujets d'un premier groupe expérimental à une tâche de poursuite dans laquelle la cible se déplaçait

de façon totalement aléatoire durant toute l'étude. Les participants n'en étaient nullement informés. Puis, ils effectuaient une tâche de TRS composée uniquement par la répétition d'une même séquence. Cette fois, ils étaient informés, dès le début de la tâche, de la présence

de cette régularité. A contrario, les participants d'un second groupe expérimental étaient, quant à eux, soumis aux conditions inverses. Ils réalisaient d'abord une tâche de poursuite dans laquelle la cible se déplaçait toujours selon le même segment répété. Ils en étaient informés dès le début. Ensuite, ils enchaînaient en réalisant une tâche de TRS dans laquelle la cible se déplaçait de manière totalement aléatoire, mais aucune information ne leur était donnée.

Les résultats obtenus mettent en avant deux situations différentes d'apprentissage de la séquence répétée. Premièrement, dans le cas de la tâche de TRS, les résultats laissent clairement apparaître un apprentissage de la séquence répétée très tôt dans la phase de pratique, qui se confirme par la suite lors de l'introduction du bloc de transfert et lors du test

de reconnaissance ultérieur. L'obtention d'un apprentissage dans cette situation reste conforme aux résultats issus des expériences 8 et 9 réalisées précédemment. Deuxièmement, dans le cas de la tâche de poursuite continue, les conclusions à formuler restent plus nuancées

en raison des résultats contradictoires obtenus. En effet, les résultats issus de la phase de pratique ne permettent pas de conclure à la présence d'un apprentissage de la séquence répétée puisque d'une part, les performances des sujets n'évoluent pas favorablement au fil de

la pratique et d'autre part, qu'elles ne sont pas perturbées par l'introduction d'une séquence aléatoire sur le bloc de transfert. A contrario, les résultats obtenus sur le test de reconnaissance mettent clairement en évidence l'existence d'un apprentissage puisque les notes attribuées aux segments déjà vus sont très largement supérieures à celles données aux

118 Chapitre 5 : Variations autour d'une tâche de TRS

segments aléatoires. De tels résultats tendent à indiquer que les régularités présentes dans le

déplacement de la cible sont bien perçues par les sujets, mais qu'elles ne leur sont pas utiles pour accroître leurs performances.

5.10 Conclusion sur la troisième partie

L'objectif général de cette troisième partie était de comprendre pourquoi il semble si facile de tirer avantage de la répétition d'un segment dans une tâche de TRS, alors que l'apprentissage d'une répétition dans une tâche continue est considérablement plus difficile. Pour cela, nous avons modifié une tâche de TRS standard afin de la rendre la plus similaire possible à une tâche de poursuite continue, ce qui nous a conduit à réaliser deux séries de trois expériences. Dans la première série (expériences 5, 6 et 7), les modifications portaient principalement sur les paramètres utilisés dans la tâche de TRS (introduction d'aléatoire, choix du périphérique et ajout d'une contrainte de précision). Dans la deuxième série (expériences 8, 9 et 10), c'était la nature même de la tâche de TRS qui était modifiée (déplacement « autonome » de la cible, déplacement « continu » de la cible).

Dans tous les cas, les résultats mettent en évidence un apprentissage de la séquence répétée quelles que soient les modifications introduites dans la tâche de TRS. De plus, une comparaison directe entre les performances obtenues sur une tâche de poursuite continue et celles obtenues sur une tâche de TRS a été effectuée dans l'expérience 10. Dans cette dernière, les sujets étaient informés de la présence d'une répétition. Dans ce cas, les résultats obtenus sur la tâche de TRS révèlent, une fois de plus, un apprentissage très net de la séquence répétée dès le début de la phase de pratique. Par contre, dans le cas de la tâche de poursuite continue, les sujets semblent avoir appris, toutefois, l'indice utilisé dans la phase de pratique (le temps sur cible) n'est pas révélateur de l'existence d'un apprentissage. En effet, c'est le test de reconnaissance qui va permettre de révéler cet apprentissage qui n'était pas apparu auparavant.

Quatrième partie : Discussion générale

Dans le cadre du présent travail de recherche, nous nous sommes intéressés à l'apprentissage implicite de régularités dans des tâches motrices continues et discrètes. Nous avons tout d'abord effectué une réanalyse des travaux portant sur les quelques études existantes dans le domaine de l'apprentissage moteur implicite, et plus particulièrement, sur

les travaux réalisés par Shea & al (2001). Ceci nous a conduit à mettre en évidence, d'une part, l'existence de problèmes méthodologiques dans ces études, et d'autre part, la présence d'un biais potentiel dans les expériences de Wulf et collaborateurs, pouvant expliquer le fait que ces auteurs obtiennent un apprentissage implicite dans leur tâche de poursuite de cible. Nous en sommes arrivés à la conclusion selon laquelle, il était bien difficile d'obtenir un apprentissage implicite dans une tâche continue. Dans un second temps, nous avons cherché à comprendre pourquoi il était plus facile de tirer bénéfice d'une répétition dans une tâche discrète que dans une tâche continue. Pour se faire, nous avons modifié une tâche de TRS classique en introduisant différentes modifications (nouveau périphérique, contrainte de précision, déplacement autonome et continu de la cible). Notre but était de rendre cette tâche

120 Discussion générale

discrète la plus similaire possible à une tâche continue afin de voir si l'apprentissage implicite

continuait à se manifester avec de telles modifications. Il s'agissait pour nous, d'arriver à isoler le facteur responsable selon les cas de cet apprentissage ou de ce non apprentissage.

Cette discussion générale est divisée en deux sections principales, dans lesquelles nous reviendrons sur les principaux résultats que nous avons obtenus et sur leurs implications.

1. Vers une remise en cause des travaux antérieurs portant sur l'apprentissage moteur implicite

Nous avons d'abord réalisé trois expériences (expérience 1, 2 et 3) en suivant la conception des études de Wulf et collaborateurs, mais employant un segment répété différent pour chaque sujet, afin de faire en sorte que, sur l'échantillon entier, les caractéristiques des segments répétés et aléatoires conduisent à une difficulté de poursuite identique. Dans ces conditions, les sujets ont échoué à apprendre. Il peut y avoir plusieurs explications non exclusives à cet échec. En effet, il existe de nombreuses différences procédurales entre nos expériences et les études antérieures. Par exemple, dans nos expériences, les participants utilisent une souris pour poursuivre la cible, tandis que le matériel employé dans les expériences précédentes était un levier ou un stabilomètre. La taille du déplacement de la cible est également différente, ainsi que d'autres détails paramétriques. Néanmoins, il y a une autre explication potentielle à ce non apprentissage du segment répété. Dans la plupart des expériences de Wulf et collaborateurs, le même segment répété est employé pour tous les participants. De plus, la vitesse de déplacement et l'accélération de la cible dans ce segment répété se sont avérées être inférieures à celles utilisées dans les segments aléatoires. Par conséquent, ces caractéristiques ont pu rendre ce segment particulièrement facile à pister. A l'appui de cette hypothèse, une grande différence entre les segments répétés et aléatoires a été observée dans l'expérience 4, lorsque nous avons utilisé le segment répété standard impliqué dans la plupart des études de Wulf et collaborateurs. Il est important de noter que cette différence d'apprentissage entre segments répétés et aléatoires a été obtenue dans les mêmes conditions que celles mises en oeuvre dans nos premières expériences et qui menaient jusque

là à des résultats nuls. Il ne s'agit pas de prétendre que les différences procédurales et paramétriques entre nos études et celles de Wulf et collaborateurs sont sans conséquence.

1. Vers une remise en cause des travaux antérieurs portant sur l'apprentissage moteur implicite 121

Mais il s'agit de montrer que nos échecs initiaux pour répliquer les résultats des études

antérieures sont principalement dus au contrôle effectué pour la sélection du segment répété, comme l'attestent les résultats obtenus dans l'expérience 4. Autrement dit, l'apprentissage implicite obtenu dans les tâches de poursuite continue antérieurement réalisées serait dû à un biais dans la sélection du segment répété qui serait particulièrement facile à pister, comme nous l'avons expliqué dans la discussion de notre expérience 4, page 71.

Nous ne prétendons pas que l'apprentissage d'un segment répété dans une tâche de poursuite continue est impossible. Il ne s'agit pas non plus de dire que tous les résultats rapportés par Wulf et collaborateurs sont peu concluants du fait d'un biais méthodologique potentiel. En effet, une exception possible se trouve dans l'étude de Wulf et Schmidt (1997, expérience 2). Dans cette expérience, les segments étaient générés par une fonction plus simple que celle utilisée dans les autres expériences (les six derniers termes de l'équation produisant les composantes de hautes fréquences étaient supprimés). De plus, la durée d'entraînement était particulièrement élevée (quatre jours de pratique avec 120 essais par jour). Les propriétés mathématiques de la séquence répétée ainsi générée sont loin d'être optimales. En effectuant une analyse mathématique identique à celles réalisées précédemment (voir la discussion des expériences 1, 2 et 3, page 61), nous montrons que seulement 25.68% des segments aléatoirement produits ont une vitesse moyenne égale ou supérieure à la vitesse moyenne du segment répété, et que seulement 37.82% des segments aléatoirement produits

ont une accélération moyenne égale ou supérieure à son accélération moyenne. Là encore, il

est vraisemblablement plus facile de pister le segment répété que les segments aléatoires. Cependant, par opposition avec les autres expériences des mêmes auteurs, la différence de précision dans la poursuite entre segments répétés et aléatoires a significativement augmenté durant les quatre jours d'entraînement. Ces résultats laissent entendre que dans cette expérience, il existe un véritable apprentissage de la séquence répétée. Toutefois, la preuve de

cet apprentissage n'est pas complètement fondée étant donné que ce segment répété semble plus facile à pister.

Après avoir réalisé nos différentes expériences et examiné les résultats issus de la littérature sur l'apprentissage moteur implicite, nous en arrivons à la conclusion selon laquelle, l'apprentissage dans des tâches de poursuite continue est plus difficile à obtenir que

ce que peuvent suggérer les études réalisées par Wulf et collaborateurs (Chambaron, Ginhac,

Ferrel-Chapus & Perruchet, sous presse).

Partant de cette conclusion, il est intéressant de voir quel est le rapport entre l'amélioration des performances et la connaissance explicite de la structure à apprendre. Shea

et al. (2001) indiquent que l'apprentissage dans des tâches de poursuite continue se produit indépendamment de la connaissance consciente des répétitions. Un tel résultat est en désaccord avec la conclusion tirée des tâches de TRS et des autres situations d'apprentissage implicite. Nous (Perruchet, Chambaron & Ferrel-Chapus, 2003) avons suggéré que cette différence d'apprentissage entre ces différentes situations pouvait s'expliquer par la manière dont était mesurée la connaissance consciente (i.e explicite) dans les études de Wulf et collaborateurs. Cette hypothèse n'est pas infirmée dans la contribution expérimentale actuelle. Elle peut s'appliquer, par exemple, à l'expérience 2 de Wulf & Schmidt (1997) dans laquelle

ces auteurs montrent que les sujets sont capables d'apprendre inconsciemment les régularités présentes dans le déplacement de la cible. Cependant, il s'avère que les conclusions de Wulf et collaborateurs peuvent être remises en question à un autre niveau. En effet, si les répétitions n'ont aucune influence sur l'amélioration des performances motrices, alors le fait de ne pas avoir de connaissance explicite au sujet de ces répétitions devient un résultat insignifiant. Il

n'y a donc aucune raison de s'attendre à une identification explicite du segment répété si les meilleures performances obtenues sur ce segment sont principalement dues au fait qu'il est plus facile à pister que les segments aléatoires, et ce, dès le début. Par conséquent, l'apparente dissociation entre performance et connaissance explicite, révélée dans les études de Wulf et collaborateurs, a la même origine que la plupart des autres dissociations mises en évidence dans le domaine de l'apprentissage implicite durant les trois dernières décennies. Cela provient en fait d'un ensemble de problèmes méthodologiques dans les mesures de la performance et/ou dans les mesures de la connaissance explicite. En effet, les études sur l'apprentissage moteur implicite entreprises par Wulf et ses collègues (Wulf & Schmidt,

1997 ; Shea et al., 2001) représentent une bonne illustration des problèmes méthodologiques

qui auraient pu être évités si ces auteurs s'étaient basés sur une littérature relative à l'apprentissage implicite plus récente.

2. Variations autour d'une tâche de TRS et persistance de l'apprentissage

implicite

La dernière série d'expériences (Expériences 5 à 9) met en évidence l'existence robuste d'un apprentissage implicite quelles que soient les modifications introduites dans une tâche standard de TRS. Dans l'expérience 5, nous avons réalisé une modification de procédure dans

la tâche elle-même. En effet, nous avons effectué une tâche de TRS en utilisant une séquence répétée placée entre des essais aléatoires. Il s'avère que la méthode que nous avons employée présente un avantage important comparé aux méthodes classiquement utilisées pour mesurer l'apprentissage dans les tâches de TRS. Dans la méthode standard, l'apprentissage est seulement évalué à la fin de la phase de pratique en mesurant l'effet néfaste (généralement, une forte augmentation du temps de réaction) que produit l'introduction d'un bloc de transfert. Dans des articles plus récents, le bloc de transfert est présenté après une phase de pratique relativement longue (e.g., 96 répétitions dans Shanks, 2003), ce qui suggère que l'apprentissage dans les tâches de TRS nécessite un grand nombre de répétitions pour se manifester. La méthode que nous avons utilisée ici, nous permet d'observer l'apprentissage au

fil du temps, ce qui rend alors possible la génération de courbes d'apprentissage. Nos résultats révèlent deux phénomènes importants. Premièrement, une amélioration sélective des performances semble se produire très tôt durant la phase d'entraînement. Ce résultat est conforme aux résultats obtenus par quelques études qui s'intéressaient directement à cet aspect (Perruchet & Amorim, 1992; Perruchet et al., 1997). Deuxièmement, la différence qui existe entre les séquences aléatoires et répétées continue à augmenter durant toute la phase de pratique. De manière générale, les résultats obtenus dans cette expérience ne cherchent pas à invalider l'utilisation d'un grand nombre d'essais d'entraînement, mais ils suggèrent que ce

qui est observé dans la plupart des études de TRS correspond à une quantité importante de

« surapprentissage », et ne peut donc pas se généraliser aux premières parties de l'apprentissage.

Dans l'expérience 6, nous avons examiné l'influence du périphérique utilisé dans une tâche de TRS, afin de voir quel était son impact sur l'apprentissage. Classiquement, les tâches

de TRS sont réalisées au moyen d'un dispositif nécessitant l'utilisation d'un clavier. Les sujets ont pour consigne de positionner l'index et le majeur de chaque main sur les touches du

clavier qui correspondent spatialement aux positions potentielles de la cible sur l'écran, et

d'appuyer aussi rapidement que possible sur la touche correcte dès que la cible apparaît. L'utilisation de ce type de matériel implique une association directe stimulus- réponse. En effet, l'usage du clavier entraîne inévitablement l'existence d'une correspondance directe entre une position sur l'écran et un mouvement spécifique. Dans ce cas, il est possible de se demander si l'apprentissage observé dans ce genre de situation n'est pas dû à la présence de cette association. C'est pourquoi, le fait d'utiliser une souris, en lieu et place d'un clavier, va nous permettre de « rompre » cette liaison stimulus-réponse. L'utilisation d'une souris ne correspond pas à mouvement unique, puisque pour atteindre une position au moyen de ce périphérique, tout dépend de l'endroit d'où l'on vient (par exemple, si le curseur est du côté droit de l'écran et que la cible apparaît à gauche, il va falloir déplacer la souris vers la gauche pour atteindre la cible). Par conséquent, le fait d'utiliser une souris n'implique pas l'existence d'une liaison directe entre une position affichée à l'écran et un mouvement particulier, (comme c'est le cas avec l'utilisation d'un clavier). Nous voulons observer si l'apprentissage continue quand même à se manifester dans ces conditions. Il s'agit d'une expérience novatrice car, à notre connaissance, c'est la première fois qu'une tâche de TRS est réalisée au moyen d'une souris. Les sujets avaient pour consigne de cliquer aussi vite que possible sur une cible

qui apparaissait à l'écran, afin de la faire disparaître. Les données indiquent que les temps de réaction des sujets utilisant la souris sont légèrement plus élevés que ceux des sujets utilisant

le clavier. Cette différence s'explique par le fait que les participants de la « condition souris » doivent dans un premier temps déplacer le périphérique afin d'atteindre la cible, puis cliquer dessus, ce qui leur prend plus de temps que d'appuyer sur une touche de clavier. Les résultats obtenus indiquent clairement que les sujets sont capables d'apprendre les régularités présentes dans la tâche que ce soit en utilisant un clavier ou une souris. Finalement, le fait de montrer une « équivalence » entre ces deux périphériques, pour une tâche de TRS, va nous permettre

de dépasser certaines contraintes qui étaient liées à l'utilisation d'un clavier. En effet, il est désormais possible d'envisager de faire des tâches de TRS avec un nombre plus important de positions potentielles et également avec différents agencements de ces positions sur l'écran,

ce qui n'était pas commode, voire impossible, avec l'utilisation d'un clavier (du fait de la limite physique imposée en terme de positionnement possible des doigts). De plus, l'utilisation de la souris permet de manipuler d'autres variables, comme la précision ou la nature du déplacement de la cible. C'est ce que nous avons examiné dans nos expériences 7, 8

et 9. Là encore, les résultats nous montrent que, quelle que soit la modification introduite dans

la tâche de TRS, l'apprentissage implicite continue à se manifester.

Apprentissage dans les tâches discrètes vs absence d'apprentissage dans les tâches continues : un problème d'anticipation ?

Notre stratégie qui consistait à transformer une tâche de TRS standard afin de la rendre

la plus similaire possible à une tâche continue nous a permis d'obtenir des résultats significatifs d'apprentissage dans tous les cas. Il nous reste maintenant à expliquer pourquoi

un tel apprentissage semble si facile à obtenir dans une tâche discrète alors qu'il est tellement difficile à mettre en évidence dans une tâche continue.

Une première supposition que nous pouvons faire consiste à penser que, dans les tâches

de poursuite continue, le sujet ne peut pas anticiper à cause des contraintes de la tâche. En effet, il doit faire en permanence des micro mouvements d'ajustement afin de se positionner

le plus précisément possible sur la cible qui est en perpétuel mouvement. Ainsi, il est possible

de supposer que le sujet se focalise tellement sur ces micro mouvements d'ajustement qu'il ne prête pas d'attention à la forme générale du mouvement. Une telle hypothèse a été testée dans une expérience complémentaire non rapportée dans le corps de cette thèse. L'objectif de cette expérience était d'expliquer l'échec à obtenir un apprentissage dans une tâche de poursuite continue en supposant que le pistage moteur était trop compliqué (car le focus attentionnel se portait sur les micro mouvements d'ajustement), ce qui ne permettait pas de traiter l'information à un niveau global. Les sujets étaient répartis en deux groupes : un « groupe acteur » dans lequel ils effectuaient, en phase de pratique, une tâche de poursuite identique à celle présentée dans notre expérience 1, et un « groupe observateur » dans lequel ils observaient uniquement le déplacement de la cible sur l'écran sans effectuer aucun pistage (ce

qui constituait la phase de pratique). Les deux groupes étaient ensuite soumis à un test de reconnaissance. Quel que soit leur groupe d'appartenance, les sujets réalisaient ce test de reconnaissance dans la même modalité que celle utilisée lors de la phase de pratique. Nous nous attendions à ce que les sujets du groupe « observateur » obtiennent de meilleures performances que ceux placés dans le groupe « acteur » car ces premiers devaient uniquement observer le déplacement de cible sans effectuer aucun pistage moteur et donc ne devaient pas être « gênés » par une focalisation sur des micro mouvement d'ajustement. Toutefois, les

résultats obtenus dans cette expérience ne vont pas dans ce sens. En effet, aucun apprentissage

en observation n'est obtenu.

Une seconde supposition consiste au contraire à penser que, dans une tâche de poursuite continue, le sujet peut anticiper mais que cela ne lui sert à rien pour améliorer ses performances. Deux cas de figures sont à envisager lorsque l'on émet une telle hypothèse.

Premièrement, il est possible de penser que les ralentissements et les accélérations présents dans le déplacement de la cible permettent au sujet de prédire les changements de direction (par exemple : la cible part du centre de l'écran, se déplace vers la droite puis ralentit à l'approche du changement de direction, et accélère ensuite d'autant plus que le prochain changement de direction est éloigné). Il est possible que ce genre d'information rende inutile l'utilisation de la régularité. Dans un mémoire de DEA conduit sous ma co- direction (Buczaga, non publié), nous avons mis en place une expérience dans laquelle la vitesse de déplacement de la cible a été modifiée, de manière à être constante, rendant ainsi tout changement de direction impossible à anticiper grâce aux accélérations et aux décélérations de la cible. Les sujets réalisaient cette expérience au moyen d'une souris. Celle-

ci était placée sur un dispositif de forme arrondie permettant au sujet d'effectuer un mouvement en arc de cercle d'environ 45° (comme c'était le cas dans l'expérience de Pew,

1974). Pour cela, les participants positionnaient leur coude sur un plateau tournant qui leur permettait de faire pivoter aisément leur avant bras. L'utilisation d'un tel dispositif et d'une souris permettait de se rapprocher du dispositif expérimental utilisé par Wulf & Schmidt (1997). De plus, dans notre expérience, un cache était positionné devant la main des sujets de manière à masquer l'amplitude des mouvements effectués. Ils effectuaient une phase de pratique suivie d'un test de reconnaissance. Les résultats obtenus ne laissent pas apparaître d'apprentissage. Finalement, il est donc peu probable que les informations fournies par les accélérations et/ou les ralentissements de la cible, dans les tâches de poursuite continue telles que nous les avons réalisées jusqu'à présent, empêchent le sujet d'utiliser la régularité, puisque lorsque celui-ci se trouve dans une situation dans laquelle la vitesse est maintenue constante entre deux changements de direction, il ne manifeste aucun apprentissage de la régularité. Les résultats issus du test de reconnaissance indiquaient que les sujets n'étaient pas capables de reconnaître les segments déjà vus.

Deuxièmement, nous constatons que, dans les situations continues, le sujet peut être

parfaitement informé de la présence de la répétition sans pour autant être capable d'améliorer

ses performances au point d'aboutir à un apprentissage. Par contre, nous observons qu'il est parfaitement capable de reconnaître les séquences qu'il a déjà vues parmi des séquences aléatoires. Les résultats obtenus dans l'expérience 10 l'attestent. Ceci nous amène donc à penser qu'un apprentissage latent peut se produire dans les tâches continues. En effet, dans

ces situations, l'apprentissage semble non perceptible immédiatement dans la performance. Les sujets semblent avoir appris, mais, l'indice utilisé (le temps sur cible) n'est pas révélateur. C'est le test de reconnaissance qui va permettre de révéler un apprentissage qui n'était pas apparu auparavant. Ceci nous amène à reprendre la distinction classique entre performance et apprentissage. La performance motrice représente le comportement observable du sujet durant l'exécution d'une tâche. Elle est évaluée à l'aide de critères bien précis (par exemple, le nombre de paniers réussi au lancer franc en basket, ou bien le nombre de fois où un sujet clique correctement sur une cible). L'apprentissage fait pour sa part référence à un changement permanent de la performance (ou de l'aptitude à effectuer certaines tâches ou certains mouvements) résultant de la pratique. Si l'on tient compte de cette distinction, la performance observée durant une pratique n'est pas nécessairement un bon indicateur de l'apprentissage réalisé par un sujet.

La précision d'anticipation est-elle la même dans les deux types de tâches ?

Un autre aspect important à considérer concerne la capacité des sujets à anticiper les changements de direction de la cible. Une précision d'anticipation suffisante est nécessaire pour permettre un apprentissage dans la tâche de poursuite. La qualité de précision exigée n'est pas la même selon ce que l'on cherche à mesurer. En effet, pour améliorer sa performance, il faut être capable d'anticiper très exactement, très précisément à la fois le moment et l'endroit où la cible va changer de direction. Au contraire, il semble tout à fait probable de pouvoir reconnaître des séquences en ayant seulement une vision plus

« grossière » du trajet effectué par la cible. C'est exactement ce que reflètent les résultats obtenus dans les diverses expériences de poursuite réalisées tout au long de cette thèse. Nous

ne sommes jamais parvenus à mettre en évidence un apprentissage du segment répété alors

que les résultats issus des différents tests de reconnaissance tendent à montrer une

reconnaissance du segment déjà vu (cf. Chapitre 4).

Nous nous apercevons qu'au contraire des tâches de poursuite continue, une tâche de TRS (quelles que soient les modifications introduites) reste une tâche dans laquelle la précision d'anticipation requise est bien plus faible à la fois sur le plan spatial et sur le plan temporel. En effet, dans ce type de tâche, du point de vue spatial, le nombre de positions potentielles de la cible est limité (alors qu'il est infini dans une tâche continue). Du point de vue temporel, la durée d'apparition de la cible à l'écran ainsi que l'intervalle inter stimuli sont fixes impliquant une périodicité très précise des changements de direction (alors que le rythme des changements de direction n'est pas constant dans une tâche continue). Ce rythme imposé et constant facilite la précision d'anticipation dans les tâches de TRS, rendant plus facile la traduction d'une connaissance dans la performance motrice. Nous avons vu que dans toutes les expériences de TRS présentées dans le Chapitre 5 nous sommes parvenus sans difficulté à mettre en évidence l'existence d'un tel apprentissage. Toutes ces expériences reposent sur le même rythme régulier d'apparition de la cible (à savoir une durée d'apparition

à l'écran de 600 ms et un intervalle inter stimuli de 200 ms). Il serait intéressant de tester si ce rythme d'apparition a un réel impact sur la précision d'anticipation et donc sur l'apprentissage. Une idée consisterait à réaliser une tâche de TRS dans laquelle l'intervalle inter stimuli serait variable, allant par exemple de 200 à 800ms, impliquant que les participants ne pourraient plus prédire « exactement » mais « à peu près » l'instant d'apparition de la cible à l'écran. Il serait judicieux d'envisager une telle perspective dans des travaux futurs.

Bien qu'il ne soit pas possible aujourd'hui de fournir une réponse unanime pour expliquer la différence d'apprentissage existant entre les tâches continues et les tâches discrètes, l'ensemble des travaux réalisés au travers de cette thèse a cependant largement contribué à délimiter plus clairement un certain nombre de situations dans lesquelles l'apprentissage est possible de celles dans lesquelles il ne l'est pas. Dans le même temps, ces travaux constituent un apport dans la littérature restreinte de l'apprentissage moteur implicite

et enrichissent le débat « discret / continu », en ouvrant la voie vers de nouvelles perspectives

de recherche.

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