WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique

( Télécharger le fichier original )
par Camille Favre
Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007
  

Disponible en mode multipage

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Remerciements.

Je remercie toutes les personnes dont la participation a permis la réalisation de ce travail.

En particulier, j'adresse mes remerciements à mes directeurs, Mme Chaperon, M.Mange et M.Soulet, qui m'ont suivie et guidée dans cette réflexion personnelle.

Mes remerciements vont aussi aux documentalistes des différentes bibliothèques, pour leur aide et leur disponibilité dans mes recherches.

Je remercie enfin toutes les personnes dont les savoirs, les conseils, les relectures, les discussions, et qui par leurs soutiens et leurs présences m'ont permis de mener à bien ce travail et de l'enrichir sans cesse.

Sommaire

Introduction p.4

Partie 1 : retour sur la définition de la pin-up.

I. Une inscription dans l'histoire de l'art érotique traditionnel. p.12

1. Erotisme ou pornographie ? p.12

2. Une histoire de regard. p.17

3. Les références artistiques. p.20

II. Histoire des accessoires et des situations de séduction. p.26

1. Les accessoires de séductions. p.26

2. Mises en scène comparables. p.33

III. La Seconde Guerre Mondiale : l'âge d'or des pin-up. p.39

1. Le tatouage. p.39

2. Male Call, une bande dessinée pour soldat. p.42

3. Le Nose Art. p.45

IV. La pin-up : éthique de l'esthétique. p.50

1. La publicité. p.50

2. Les magazines féminins. p.54

3. Barbie, une pin-up en trois dimensions ? p.56

Partie 2 : la pin-up et son genre, les premières déclinaisons.

I. Les pin-up des autres pays. p.63

1. L'Allemagne et ses pin-up, symbole de renouveau économique. p.63

2. Les pin-up de Gino Boccasile. p.67

II. Un artiste particulier : Bill Ward. p.71

1. Le parcours artistique de Bill Ward. p.71

2. Les filles de Bill. p.74

III. Les beautés glamour. p.83

1. Définition des beautés glamour. p.83

2. Les artistes de beautés glamour. p.85

3. Les supports. p.88

IV. Quand les pin-up prennent vie. p.91

1. La photographie. p.91

2. Le cinéma. p.99

3. Leurs rôles. p.103

V. De la pin-up à la playmate. p.109

1. L'histoire excessive de Playboy. p.109

2. Les filles de Hugh Hefner. p.114

3. Dans la lignée des pin-up. p.119

Partie 3 : Nouvelles figures de la pin-up.

I. Un nouveau support pour de nouvelles pin-up : la bande dessinée. p.126

1. Un nouveau support : les comics books. p.126

2. Les bandes dessinées pour adultes. p.133

II. Quelques pin-up encore dans la presse masculine. p.146

1. Aslan et le magazine Lui. p.146

2. Les dessinateurs contemporains de pin-up. p.150

III. La pin-up désarticulée par, certains artistes contemporains. p.158

1. Les accessoires de séduction. p.158

2. L'érotisme innocent. p.161

3. Le corps féminin lisse et sain. p.166

Conclusion p.173

Annexes : Annexe 1 : Biographies des artistes du Nose Art. p.184

Annexe 2 : Biographies des artistes des glamour. p.193

Annexe 3 : Les références de Little Fanny Annie. p.205

Annexe 4 : Extrait de l'entretien avec Jean Yves Leclercq. p.234

Les sources. p.239

La pin-up, une histoire particulière au coeur de plusieurs histoires. p.248

1. Histoire de la culture populaire. p.248

2. Le sexe et le genre : au coeur du questionnement de l'histoire du corps et de la sexualité. p.259

3. La pin-up au centre de nouvelles histoires. p.267

Bibliographie. p.278

Glossaire. p.289

Table des matières. p.291

Introduction

L'histoire de la pin-up est intimement liée aux événements du XXe siècle. Cette image, en raison de son omniprésence, de sa popularité et de sa capacité d'adaptation, représente un chapitre riche et significatif de la culture et de la société occidentale durant cette période.

Tout d'abord, l'image elle-même de la pin-up est à mettre en parallèle avec l'histoire de l'art du XXe siècle, notamment l'art de l'illustration. Cette représentation féminine se transfigure au fur et à mesure de l'évolution technique des outils et des méthodes artistiques. Son graphisme se modifie avec l'apparition de nouvelles technologies qui lui permettent un réalisme de plus en plus grand.

Mais l'histoire de la pin-up ne peut pas être circonscrite à l'évolution chronologique d'une figure féminine érotique. En effet, par son utilisation, par les différents rôles qu'on lui a attribués, la pin-up devient révélatrice de l'histoire du XXe siècle.

Son histoire participe fondamentalement à l'histoire de l'utilisation du corps féminin idéalisé. La pin-up est à la fois une représentation de celui-ci. Mais elle met aussi en valeur son emploi en tant que support. Ces deux caractéristiques sont fortement imbriquées et constituent un des traits majeurs de son évolution.

En tant que représentation érotique, la pin-up est destinée tout d'abord aux hommes et à leurs plaisirs. La pin-up est une effigie sexuelle, un sex-symbol. Celui-ci consiste à être par lui-même le tout exhaustif d'un genre sexué supposé exciter l'ensemble des individus de l'autre genre. Elle est une créature de rêve, pulpeuse, émoustillante et sensuelle. Elle est une image érotique qui doit susciter un intérêt sexuel chez le voyeur. L'érotisme est indissociable de toute l'imagerie de la pin-up. Le terme « érotique » sert à désigner une représentation implicite de la sexualité alors qu'à l'inverse le terme  pornographique  désigne une représentation explicite de l'acte sexuel. Nous utiliserons, dans notre recherche, ces deux termes selon ces définitions réciproques. L'érotisme de la pin-up est très particulier : c'est l'érotisme de la « fille d'à côté ». Elle est à la fois inaccessible, donc support de fantasmes, populaire (sans distinction de classe), universelle (par ses codes esthétiques), idéale (par sa plastique) mais aussi une beauté, somme toute « courante ».

En tant que support de fantasmes, cette image offre la possibilité par l'analyse de ses thématiques, de ses mises en scène, de ses attributs ou de ses codes graphiques, de voir comment ceux-ci se mettent en place, se transforment ou perdurent. Une certaine constance qui transparaît au travers de toutes les transformations de la pin-up, peut nous servir de fil conducteur et nous permettre de suivre le cours de son évolution.

Ainsi, la transmutation de la pin-up innocente et effarouchée en pin-up provocatrice et exhibitionniste est à mettre en corrélation, avec l'évolution des moeurs au cours du XXe siècle et plus particulièrement avec le statut de la sexualité. Cette figure féminine et sa progression sont donc le reflet des mutations de cette période historique. Elle est un signe sensible et mesurable, en tant que représentation érotique, de ce qui est montrable et acceptable par une société. Dans ce cadre, la pin-up tient une position légèrement décalée dont l'ambiguïté en fait sa nature même, expliquant sa séduction si particulière : être à la fois irrévérencieuse mais complètement intégrée aux normes sociales et morales de son époque. Elle est une sorte de « traceur » du statut donné à la sexualité au sein d'une société. Par son graphisme, ses attitudes, sa mise en scène, la pin-up s'inscrit à l'intérieur d'un code précis de la représentation du corps féminin érotique dans lequel il faut remarquer la prégnance d'un regard masculin, occidental et hétérosexuel. Elle participe donc à la construction d'un imaginaire et constitue un discours sur la sexualité comme n'importe quelle image de l'art érotique. Cette image offre alors la possibilité de nous renseigner, certes sur la construction de la sexualité masculine, la presse masculine étant son principal support ; mais aussi sur la sexualité féminine ainsi que sur la façon dont cette dernière est perçue par l'ensemble du corps social. La pin-up met aussi en évidence le processus de sexualisation du corps féminin.

Cependant l'efficacité érotique du corps féminin fait que la pin-up est aussi support de messages utilitaires et symboliques. Dans son iconographie rien n'est gratuit. Chaque détail, couleur, accessoire et attitude sont autant de signes révélateurs de l'utilisation stratégique de cette figure.

Les temps de guerre en sont des moments charnières et mettent en évidence une des utilisations principales de ces images. Non seulement, les pin-up renforcent le patriotisme des individus mais permettent aussi le maintien et le contrôle d'une sexualité normative. L'autre emploi des pin-up, tout aussi stratégique, doit être mis en rapport avec l'économie capitaliste et consumériste. Ces figures ont alors une destinée commerciale. Parallèlement à cela, elles symbolisent un renouveau économique dans une société optimiste et confiante.

Dès lors, la pin-up est aussi inhérente au processus de modernisation de la société occidentale du XXe siècle. En effet, très vite, elle sert la société capitaliste en promouvant ce nouvel ordre social. La publicité voit dans cette image, un support de communication sans précédent. Ce récent médium inaugure le principe fondamental de la société de consommation : la beauté fait vendre, l'érotisme aussi. Tout ce qui est donné à consommer est de ce fait affecté de l'exposant sexuel. Les pin-up vont marquer à jamais la production de représentations féminines publicitaires qui se multiplient et se déclinent en fonction de l'apparition de nouveaux médias.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, les pin-up ne sont pas produites que pour les hommes. Ces représentations apparaissent aussi dans la presse féminine et dans les publicités d'objets de consommations destinées aux femmes. Images imposées dans lesquelles transparaît, en filigrane, un idéal esthétique à atteindre. La pin-up devient alors un support d'identification pour les femmes. Symbole de modèle standard et normatif de la beauté qu'il faut acquérir, la pin-up est significative de l'attachement qui existe entre la société de consommation et l'utilisation du corps-apparence, du corps-capital, voire du corps-objet.

A l'inverse et en réaction, cette figure féminine va véhiculer des revendications politiques et sociales. En raison de l'efficacité de son impact, le corps féminin continue de servir de support, dans un emploi opposé à ses rôles traditionnels (militaire et commercial), pour la dénonciation des valeurs et de l'idéologie propres aux pin-up.

Dans les recherches menées l'année dernière, nous avons tenté de définir ce qu'est une « pin-up classique ». En premier lieu, elle est le portrait d'une jeune femme occidentale, présentant un élément thématique ou évoquant implicitement une histoire. Elle porte généralement une tenue légère qui révèle des formes avantageuses. La pin-up se découvre par mégarde, faux mouvement ou accident. Ces mises en scène dont la crédibilité importe peu, permettent d'érotiser la femme sans en faire un sujet sexuel actif (qui veut ou désire) tout en lui conservant fraîcheur et naïveté.

La pin-up est également fixée dans des normes corporelles précises et permanentes, sa plastique est idéale, « améliorée » : seins en obus, jambes interminables, taille de guêpe, fesses hautes. Nous voyons aussi se construire cette image autour d'accessoires usuels de séduction : bas, porte-jarretelles, talons, avec une mise en valeur des attributs sexuels évocateurs : les jambes, les fesses, les seins. Les références à une certaine tradition artistique érotique sont nombreuses : scène de bain, miroir et orientalisme.

La pin-up apparaît aussi dans de nouvelles thématiques, toutes supports de fantasmes : infirmière, soubrette, Lolita, institutrice, secrétaire.

L'homme est absent de l'image, il est plutôt en position de voyeur malgré lui. L'humour et la légèreté, très présents dans cette imagerie, permettent de déculpabiliser le spectateur et lui offrent alors une excitation, sous forme d'invitation sexuelle innocente (Illustrations. 1, 2, 3). Ainsi, le voyeurisme, plus ou moins sollicité, est inhérent à cette imagerie.

Mais la pin-up ne se réduit pas à une simple image, fût-elle agréable ; elle est aussi un « système » qu'il est possible de décrypter. Ce système s'inscrit dans une dynamique sociale et politique. L'archéologie de la pin-up et son fonctionnement sont difficiles à saisir tant les références sont multiples, néanmoins il a été possible d'en retracer l'histoire, point qui mérite toute notre attention. L'analyse de tableaux d'art érotique autorise l'inscription de cette figure féminine dans une tradition érotique en témoigne la répétition des mises en scènes, des accessoires ou des poses. De même, des comparaisons avec d'autres dessins ou photographies érotiques et pornographiques permettent de mettre en évidence la façon dont la pin-up s'inscrit dans une certaine continuité. Elle puise ses racines dans l'essor de ces deux genres (érotisme et pronographie) du XIXe siècle et les renouvelle au cours du siècle suivant, pour offrir une nouvelle visibilité et un développement sans précédant de la consommation d'images érotiques et pornographiques.

Dans un premier temps, le  système  de la pin-up classique est utilisé pour transmettre des messages de réconfort et d'optimisme durant les années de guerre puis de reconstruction et d'expansion économique. Nous reviendrons sur ce rôle primordial de la pin-up afin d'en saisir et d'en préciser véritablement les rouages.

Par la suite, la force des pin-up et de leur système a été de s'adapter à l'évolution de la société occidentale, leurs permettant ainsi de perdurer tout au long du XXe siècle. Ainsi, par exemple, de nouveaux accessoires de séduction comme les cuissardes ou le string vont faire leur apparition. Les mises en scène vont aussi évoluer, offrant de nouvelles thématiques érotiques plus directes : scène de saphisme, de bondage, de masturbation. De même, le voyeur devient de plus en plus présent et de plus en plus actif.

L'histoire de la pin-up s'oriente alors vers la multiplication des images qui se complexifient. Il s'agit d'un phénomène mouvant, en constante évolution. Une image fabriquée pour être possédée qui finit peut-être par s'échapper. Du calendriers pour routiers à la photographie glamour, la pin-up présente en effet différents visages, elle circule dans toutes les couches sociales. Pourtant, toutes ces représentations sont appelées pin-up et s'inscrivent dans leur lignée.

D'autres figures féminines, toutes aussi érotiques que les pin-up, voient le jour. Ces artistes créent ces nouvelles figures à partir des codes du système pin-up originel. Ce sont les premières déclinaisons des pin-up. Certains pays réalisent eux aussi leurs propres pin-up. C'est le cas de l'Allemagne ou de la France. Pour ces deux pays, les pin-up sont symboles d'un renouveau économique. La ressemblance avec leurs cousines américaines est très forte : elles apparaissent sur les mêmes supports, présentent les mêmes thématiques et la même plastique. Pourtant ces pays les adaptent à leur culture afin d'optimiser leur impact.

Un artiste américain particulier, Bill Ward, par sa technique de dessin, propose des pin-up en noir et blanc, toujours plus aguicheuses. L'analyse de sa production permet de mettre en évidence la première accélération que connaît le système pin-up. En effet, ses pin-up sont légèrement décalées par rapport à leurs homologues classiques. Plus osées et uniquement destinées à la presse masculine ou underground, celles-ci continuent néanmoins de perpétrer les codes de la pin-up classique tout en les modifiant légèrement.

Tout comme les pin-up dont elles sont contemporaines, les beautés glamour sont une représentation sophistiquée de la beauté féminine. Elles sont créées par les mêmes artistes. Produites principalement pour l'économie, elles offrent aussi une figure féminine érotique pour les femmes, cristallisant ainsi leurs rêves romantiques.

Cependant, parallèlement à ces dessins, en liaison avec le développement de l'industrie cinématographique, on trouve dans la presse masculine et dans la presse militaire, des photographies érotiques de femmes appelées pin-up. A Hollywood, les jeunes débutantes sont appelées pin-up ou chorus girl. On les fabrique à la chaîne et on les cantonne à des rôles secondaires ou publicitaires. Sur les images, les corps se dénudent toujours d'avantage.

Malgré le fait que la pin-up soit peut-être détrônée par la photographie dans la presse masculine et dans la publicité, il semble que l'on retrouve partiellement dans ces deux supports les influences et les caractéristiques des pin-up. La playmate n'est qu'une nouvelle variation de l'érotisme de la « fille d'à côté ». La pin-up est significative d'une période marquée par l'occultation de la sexualité par la société. Le déclin des pin-up survient au même moment où la société permet l'épanouissement des désirs sexuels, il n'est plus nécessaire de se cacher derrière milles excuses pour jouir d'une silhouette : les playmates nues prennent des poses suggestives, elles regardent le public droit dans les yeux. Elles s'offrent et défient un voyeur de plus en plus volontaire. La playmate constitue une nouvelle accélération du système pin-up.

Cependant des dessinateurs continuent de perpétuer le genre pin-up en les remaniant, tout en respectant son code graphique : ces nouvelles figures féminines sont idéalisées et irréelles. Elles continuent d'utiliser encore certains des accessoires de séduction propres aux pin-up. Parallèlement la manière de dessiner a évolué tout comme les attitudes et les mises en scène. Ces pin-up actuelles sont beaucoup moins innocentes que leurs lointaines ancêtres et proposent une invitation sensuelle plus directe voire même d'assister à leur vie sexuelle.

Alors que les pin-up sont significatives d'une société fructueuse et sont respectueuses des rôles traditionnels, de « nouvelles pin-up » apparaissent symboles d'un changement radical de société et des rôles convenus des femmes. Certes, ces nouvelles pin-up, par leur graphisme et leurs codes, se rattachent encore à ceux de leurs cousines. Mais elles s'inscrivent par leurs utilisations et leurs rôles, en rupture totale avec leurs aînées. C'est du côté de la bande dessinée et des comics books*1(*) que naissent ces nouvelles figures.

Enfin, dans une sorte d'évolution ultime, des artistes vont prendre un par un les codes du  système  pin-up et les pousser à leur extrême afin de les dénoncer, de les déconstruire ou de les détruire. Ils étudient leurs mises en déviances et les rattachent à des questionnements modernes. Le corps féminin est toujours utilisé comme support pour véhiculer des messages (opinions, dénonciations, expérimentations) mais dans cette dernière transformation de façon moins consensuelle et moins traditionnelle.

Cette évolution nous amène à réfléchir sur la construction de ces images et sur la manière dont celles-ci reproduisent certains poncifs, des stéréotypes sexuels, une hétéronorme... Ce qui soulève autour de la sexualité les questions de sa représentation et de sa normalisation, mettant finalement en évidence les interrogations morales et politiques qui l'entourent. La pin-up est peut-être l'un des fondamentaux érotiques, symbole du corps-capital. De la simple image dessinée à son incarnation, par ses rôles complexes et complets, la pin-up est indissociable de l'histoire du corps au XXe siècle, et notamment de l'histoire de la fabrication du corps séducteur.

La pin-up et ses filles : histoire d'un archétype érotique, tout comme La pin-up : des premières traces de l'imagerie populaire à l'archétype érotique, est une histoire culturelle et non esthétique : comme son titre l'indique, elle s'intéresse davantage aux individus et aux conditions dans lesquelles ils se font les architectes mais aussi les récepteurs d'une production culturelle donnée, aussi subalterne qu'elle puisse paraître par rapport aux arts « consacrés », qu'à la formulation de jugements sur la valeur intrinsèque de tel pin-up ou de tel dessinateur.

Cependant l'appréciation esthétique n'est pas totalement absente des pages qui suivent car ce serait nier leur statut profond de support érotique (et surtout méconnaître de construction d'un canon esthétique de l'histoire de l'art érotique) que de tourner vers elle un regard clinique parfaitement dépassionné. Il est alors utile de suivre l'injonction d'Edgar Morin lorsqu'il écrit en 1962 : « il importe aussi que l'observateur participe à l'objet de son observation ; il faut, dans un certain sens, se plaire au cinéma, aimer introduire une pièce dans un juke-box, s'amuser aux appareils à sous, suivre les matches sportifs à la radio et à la télévision, fredonner la dernière rengaine. Il faut être soi-même un peu de la foule, des bals, des badauds, des jeux collectifs. Il faut aimer flâner sur les grands boulevards de la culture de masse »2(*).

Ce présent travail se divise en trois parties. Le premier volet propose un retour sur la définition de la pin-up afin de la préciser et d'analyser en quoi la pin-up s'inscrit dans une certaine tradition de l'art érotique. Cette partie offre aussi une relecture des différentes fonctions de la pin-up, patriotique et économique. Le deuxième volet est consacré à l'évolution du genre pin-up et à l'étude de ses premières déclinaisons. Cela permet finalement de mettre en évidence les caractéristiques du  système  pin-up ainsi le processus par lequel il continue à être exploité. Le troisième volet rend compte des  nouvelles figures de la pin-up et de la complexité grandissante de son iconographie qui peut aller jusqu'à la destruction ou la négation de sa représentation tout en utilisant continuellement le corps féminin érotique comme support de messages.

Partie I :

Retour sur la définition de la pin-up.

I. L'inscription des pin-up dans l'histoire de l'art érotique traditionnel.

L'érotisme et la pornographie sont liés à une représentation sociale de la sexualité. Ils constituent des discours sur les corps dans lesquels on devine des enjeux politiques3(*). Le biais des images érotiques permet d'appréhender non seulement comment sont générés les savoirs communs et à quel point elles sont empreintes de subjectivité et d'affectivité. Mais aussi comment par leur circulation et leur diffusion au sein de la société, elles favorisent la cohésion sociale et enfin comment elles peuvent également soulever des problèmes de lutte de pouvoir, faisant d'elles des réalités bien mouvantes. Ces représentations sont des acquis culturels qui interviennent dans le façonnage et le maintien des rapports sociaux de même que dans leur transformation. Mais avant de s'intéresser à cette production, il convient de se pencher sur ces deux termes érotisme et pornographie.

1. Erotisme ou pornographie ?

1.1 La sexualité : une préoccupation culturelle plus ou moins bien vécue.

Il n'est point de société qui n'ait produit des images de la sexualité. Cette sexualité peut revêtir des formes nobles et sacrées, allusives et cachées ou bien triviales, bruyantes et populaires, être évoquée sous forme artistique ou littéraire. L'essentiel réside en ce fait particulier que, dans les territoires de l'humain, la sexualité ne semble pas pouvoir s'accomplir sans commentaires. Et c'est principalement dans le domaine de l'art et ses différents genres : littérature, cinéma, photographie, peinture ou dessin, que ces questions de définitions semblent le plus poser problème. Car l'art est lui-même lié à des histoires de sensibilité, au suggestif, aux goûts et à l'esthétique. Ainsi comme le souligne Richard Ramsay4(*), il existe un usage populaire des termes, qui place sous la bannière érotique tout ce qui exalte la chair joyeuse à l'intérieur d'un langage harmonieux et de situations conformes aux principes de l'ordre établi, symbole d'une sexualité plénière, positive, facteur de cohérence, d'équilibre et d'épanouissement. Par contre, couramment est pornographique ce qui avilit la chair par des descriptions scabreuses ou un langage salace ; ce qui pousse la sexualité à la transgression d'interdits sociaux ou moraux est vite relégué du côté de la pornographie5(*), marquée du signe du négatif, du mépris. On peut même y discerner un rôle disqualificatif des valeurs de la société, de la morale, de la culture, du corps féminin, en privilégiant des pratiques regroupées sous la rubrique de « perversions » : sadisme, masochisme, voyeurisme, exhibitionnisme, triolisme... la plupart du temps discréditées et dénoncées sous l'accusation d'immoralité, de laideur, de délinquance, de misogynie voir de crime.

Nous utiliserons, dans ce document, la définition objective de la pornographie en tant que représentation explicite de l'acte sexuel destinée à être communiquée au public.

Cette volonté de classer les représentations de la sexualité sous deux formes : l'une érotique, plus ou moins noble, artistique et l'autre pornographique, plus ou moins ignoble, vulgaire, est une volonté particulière à la culture occidentale. On remarquera que peut-être cette volonté de définir de manière précise deux types de représentations de la sexualité est issue d'une idée chrétienne de définir de manière manichéenne deux valeurs de sexualité. Cette définition courante soulève la question de l'acuité du jugement. Ce qui hier était qualifié de pornographique peut nous apparaître aujourd'hui juste érotique : L'amant de Lady Chatterley (1928) de D. H Lawrence (1885-1930) fut au début du siècle taxé de roman pornographique et obscène, aujourd'hui il appartient aux classiques de la littérature érotique. Cet exemple soulève une première remarque : certaines représentations artistiques de la sexualité (écrites ou plastiques) semblent être prises dans un processus qui permet à celles-ci de quitter la sphère de la pornographie, pour entrer dans la sphère de l'érotisme une fois que son auteur est reconnu comme artiste et que ses oeuvres sont inscrites dans un patrimoine culturel. Par exemple, certains dessins de Egon Schiele (1890-1918), sont des représentations explicites de l'acte sexuel pourtant ils sont nommés « érotiques ». Cette remarque s'applique particulièrement à la littérature, au dessin, à la photographie et à la peinture où le nu noble, comme le souligne Gilles Néret, peut être : « émoustillant, fortement pimenté, voir libidineux pourvu qu'il soit culturel et ostensiblement chargé d'histoire6(*) ».

Cette notion d'esthétisme se retrouve aussi dans la qualification des films. Certains films dits érotiques, comme les films pornographiques, montrent l'acte sexuel. Mais ils sont labellisés « érotiques » car issus des circuits officiels du cinéma et leurs auteurs sont déjà reconnus comme Nagisa Oshima (1932- ) avec L'empire des sens (1976). La différence entre pornographie et érotisme serait alors une question de forme, de scénario et d'esthétisme. Certaines représentations se situent aussi du côté de la pornographie car liées à une exploitation financière : on parle bel et bien d'industrie pornographique dans laquelle on range pêle-mêle les films, les magazines, les boutiques mais non d'industrie érotique. A cela s'ajoute la notion de réalité, certaines oeuvres sont plus facilement qualifiées d'érotiques notamment la peinture, le dessin ou la littérature car relevant de l'imaginaire ; à l'inverse la photographie ou le cinéma renverraient à une représentation plus réelle ou plus « crue » de la sexualité, ce qui introduit dans la définition de ces deux termes une notion de distance. Les premiers évoquent et suggèrent la sexualité alors que les secondes la montrent sans fioriture.

1.2 Erotisme, pornographie et critique sociale.

En fait, il existe bel et bien une historicité de la pornographie et de l'érotisme qui tient de l'évolution des moeurs, des modifications de la sociabilité du regard ou du rapport qu'une société entretient avec le corps, de la moralité des représentations, de ce qui est exprimable et de la façon de l'exprimer et sans doute à bien d'autres facteurs encore, visibles ou cachés. Comme le remarque Richard Ramsay7(*) ce qui pousse la sexualité à la transgression d'interdits sociaux ou moraux est vite relégué du côté de la pornographie. Hypothèse soutenue par Lynn Hunt, dans son ouvrage The Invention of Pornography : « Entre 1500 et 1800, la pornographie était le plus souvent un instrument utilisant la force d'impact du sexe pour critiquer les autorités religieuses et politiques8(*) ». La pornographie aurait alors un rôle de « sape » politique ou religieuse.

Les écrits du Marquis de Sade (1740-1814) en sont des exemples frappants, notamment La Philosophie de Boudoir de 1795, dans lequel s'intercale description de l'initiation sexuelle d'une jeune fille et réflexions philosophiques anticléricales. Le terme pornographie serait alors attribué à ce qui est subversif alors que l'érotisme recouvrirait des représentations plus conventionnelles. Nos pin-up, par exemple, à la sexualité innocente et légère, n'ont pas été censurées ou très peu et s'inscrivent par leur graphisme, leurs codes esthétiques et leurs mises en scène dans une tradition de la représentation de la sensualité. Il est évident que la pornographie tout comme l'érotisme reproduisent certains stéréotypes sexuels ou poncifs ; les décors sont souvent les deux types : l'environnement de la vie quotidienne ou un lieu fantasmé, loin dans le temps ou dans l'espace. Parmi les personnages récurrents on trouve l'aristocrate (seigneur désoeuvré, le lord anglais, l'épouse qui s'ennuie) qui fonctionne en couple avec un partenaire issu du peuple (la servante/serveuse, la putain, le routier, le jardinier) et la personne en uniforme (officier, infirmière, hôtesse de l'air, institutrice, le valet).

A l'inverse, pour certains auteurs, au début du XIXe siècle, les représentations explicites d'activités sexuelles ont cessé d'avoir une fonction politique ou religieuse. La seule fonction socialement reconnue de ces représentations écrites et visuelles aurait pour rôle la pure stimulation sexuelle des consommateurs. La pornographie ne serait rien d'autre que le produit de cette « autonomisation » des représentations sexuelles explicites par rapport à leurs fonctions religieuses ou politiques. Une autre hypothèse, émise par Lynn Hunt, de « l'invention moderne » de la pornographie soutient que ce n'est qu'à partir du XIXe siècle et dans le monde occidental seulement, que la justification publique du contrôle et de la répression de la production, de la diffusion et de la consommation de représentations sexuelles explicites aurait cessé de s'exprimer en termes religieux ou politiques et commencé à être formulée en termes moraux issus des valeurs bourgeoises.

C'est à partir de ce moment seulement que ces représentations auraient été jugées « indécentes », « licencieuses », susceptibles de « dépraver », de « corrompre les moeurs », d'inciter à la « débauche », d'éveiller les « instincts humains les plus bas » (lascivité, luxure, concupiscence). Selon ce point de vue, autrefois ou dans d'autres société, les représentations sexuelles explicites pouvaient être contrôlées ou interdites parce qu'elles étaient blasphématoires (justification religieuse) ou subversives (justification politique). Ce n'est que dans nos sociétés modernes qu'elles auraient commencé à l'être parce qu'elles étaient obscènes (justification morale). De plus, c'est surtout en raison du développement de techniques de reproduction et de diffusion massive que la consommation de représentations sexuelles explicites serait devenue un problème « social » et que la qualification moralisatrice de « pornographie » et surtout d' « obscénité » serait apparue9(*).

1.3 Erotisme, pornographie et transgression sociale.

La pornographie et l'érotisme sont à mettre directement en rapport avec la notion d'interdit. George Bataille aborde cette limite à partir d'une réflexion sur l'excès et la transgression, dont l'érotisme est l'un des témoins privilégiés. L'érotisme, chez cet auteur, se tisse de rapports complexes et essentiels entre interdit et transgression. Alors que les interdits sont l'un des moteurs et des signes par lesquels l'humain se dégage de l'animalité, c'est par leur transgression que se révèle la possibilité ultime de l'humain. La transgression lève l'interdit sans le supprimer, le maintient pour en jouir. L'érotisme valide l'interdit dans sa possibilité de non respect. Au moyen de son rapport intime à la transgression, il suppose alors la présence et le maintien des interdits qui limitent la sexualité humaine qui, par ce fait, la déplace dans le monde du fantasme et la démarque de celle des animaux.

Certains chercheurs analysent aussi la pornographie d'un point de vue « féministe ». Après avoir démontré que la pornographie a un pouvoir performatif capable de causer un préjudice aux femmes, ils oublient qu'elle n'est pas uniquement une représentation qui donne une vision particulière (et préjudiciable) des femmes et de la féminité, mais aussi une représentation particulière (et préjudiciable) des hommes et de la masculinité. Les femmes ne sont alors que des objets sexuels, prêtes à assouvir n'importe quels fantasmes masculins tandis que les hommes, pénis sur pattes, sont soumis à des exigences de performance (procurer systématiquement des orgasmes extraordinaires à leurs partenaires, taille de leur sexe...). Ainsi la codification pornographique peut s'avérer dommageable non seulement pour les femmes qu'elle avilit, mais aussi pour les hommes qui tiennent mal la comparaison.

Il est à remarquer que tout comme la pornographie, l'érotisme peut lui aussi reproduire certains stéréotypes sexuels, notamment les ouvrages érotiques « féminins » de la collection Harlequin. Ces romans relèvent d'un érotisme soft et acceptable comme celui des pin-up.

Michela Marzano, quant à elle, analyse la pornographie en lien avec le capitalisme. Cette analyse pertinente s'applique plus particulièrement aux productions de l'après 1970. La pornographie encouragerait, en effet, le processus général de marchandisation de l'être humain, par la mise en scène de l'aptitude économique à posséder des biens et à les échanger. Pour cette auteure : « comme dans tout autre marché, en pornographie aussi, il y a une offre, une demande, une cotation ; comme dans n'importe quel autre marché, tout dépend du rapport entre moyens et résultats. Par les représentations pornographiques, c'est la sexualité elle-même qui se trouve englobée dans un système marchand dont les éléments principaux sont la circulation, la distribution et l'utilisation, l'individu entier étant ainsi assujetti au métabolisme sans fin du cycle économique10(*).» Le principe de cette marchandisation du corps qu'analyse Michela Marzano dans la pornographie peut s'appliquer à l'utilisation des pin-up par la publicité, en tant qu'indices de la mise en place d'un corps symbole sexuel au service d'une économie et de la création de besoins imaginaires.

2. Une histoire de regard.

2.1 Le regard masculin.

L'oeil, est le premier sens, le seul, à être sollicité avec les images pornographiques et érotiques. Il est évident que cet organe joue un rôle primordial dans la sexualité et détermine, entre autres, vraisemblablement le choix du partenaire. Les représentations artistiques de la sexualité ne sont alors qu'une histoire de regard, un regard principalement masculin. Mais ce regard est lui-même imprégné et façonné par la culture. A propos d'érotisme et de pornographie, il est des conventions à ce point enracinées qu'il paraît presque superflu de les mentionner ; entre autres le fait que l'expression « art érotique » désigne implicitement un « érotisme pour homme ».

Cet  « érotisme pour homme » est particulièrement visible dans la production artistique du XIXe siècle. L'image érotique, à cette période, est créée à partir des besoins et des désirs masculins ; cette idée vaut même pour la catégorie relativement mineure des oeuvres d'art conçues par ou pour des homosexuels. Et celles qui traitent de thèmes lesbiens s'adressent à priori à un public masculin : c'est bel et bien pour l'ancien ambassadeur de Turquie, Khalil Bey, que Courbet (1819-1877) peignit le scandaleux Sommeil11(*) .

Le XIXe siècle n'a tout simplement pas connu d'art, et encore moins de « grand art », consacré aux besoins, souhaits ou fantasmes érotiques des femmes. On notera ici que l'on ne trouve pas de représentations masculines comme nos pin-up. Que l'objet érotique soit des seins ou des fesses, des chaussures ou un corset, ces images de délectation ont toujours été créées à propos des femmes, pour le plaisir des hommes et par les hommes très majoritairement. Il ne faut bien entendu pas voir là le résultat d'un complot monté par la gent masculine mais le reflet dans l'art de l'absence de tout territoire érotique propre aux femmes sur la carte des réalités du XIXe siècle. Comme le souligne Linda Nochlin : « l'homme n'est pas uniquement le sujet de tous les prédicats érotiques, il est aussi le consommateur de toutes les productions érotiques. Or le consommateur a toujours raison. En contrôlant et la sexualité et l'art, les hommes et les fantasmes masculins conditionnent également la sphère de l'imaginaire érotique12(*) ». Cette remarque semble moins pertinente pour la production d'images pornographiques du XIXe siècle et notamment avec la photographie. Les auteurs de ces photographies étant la plupart du temps inconnus, utilisant des pseudonymes ou issus d'amateurs, il est plus difficile de mesurer la part du regard masculin. On notera ainsi la présence de femme photographe Nativa13(*) qui semble, par les certaines de ses oeuvres sortir d'une certaine tradition de la représentation de la sexualité, renouvelant ici le genre au début du XXe siècle.

Au regard de cette production artistique érotique du XIXe siècle, la femme demeure pour l'essentiel, un non sujet c'est-à-dire un simple objet de désir paré des attributs physiques (corporels) et des attitudes (psychologiques) qui la rendent toujours attrayante et désirable pour le regard voyeuriste de l'homme spectateur. L'image est le mode d'accès à l'éternel féminin censé traverser le temps et l'espace. Le domaine des images ayant été exclusivement celui des hommes jusqu'au XXe siècle, le féminin qui nous a été transmis à travers ces images, est un féminin vu, pensé, rêvé et fantasmé par les hommes.

Les pin-up, tout comme chaque stéréotype ou icône, possèdent une histoire avec des influences, des références qui permettent aux dessinateurs de créer ces images. Les pin-up, par leurs mises en scènes, leurs graphismes, leurs attitudes, s'inspirent directement des codes de l'art érotique du XIXe siècle, et elles s'inscrivent ainsi dans une tradition de l'art érotique notamment par les fantasmes qu'elles véhiculent. Elles correspondent tout à fait à la définition d'Alain Héril, lorsqu'il écrit que le fantasme est un produit de l'imaginaire par lequel un individu cherche à échapper à l'emprise contraignante de la réalité. Certes il peut correspondre à une frustration, mais il est aussi le lieu où l'imagination s'exprime sans limite, sans contrainte, et surtout sans le carcan de la morale. L'érotisme est le terrain idéal de l'activité fantasmatique. Le fantasme érotique traduit donc la force de ce qui est caché en chacun de nous en liaison avec nos rêves secrets, nos désirs inavouables, nos satisfactions souhaitées et nos volontés sans restriction. Il prend racine dans les couches profondes d'une civilisation, d'une culture, d'une éducation14(*).

2.1 Le goût masculin... normalisé.

Dans ce cadre, l'imaginaire érotique que véhiculent nos pin-up reste nécessairement imprégné d'un regard masculin. Le mythe de la pin-up se réduit alors à une femme assez déshabillée pour exciter, émoustiller le mâle ; elle ne sert qu'à aguicher. Mais la pin-up n'est pas transgression, n'est pas provocation. Elle se tient dans la norme esthétique et sexuelle. Il est évident que par la pose, l'attitude, la pin-up s'adresse à la sexualité masculine, flattée sous toutes ses formes. Le voyeur trouve son compte à travers une imagerie suggestive, il cherche ce qui lui manque dans la vie réelle.

Elle est aussi la partenaire parfaite car éternellement muette, son corps ne transpire pas, elle frôle la perfection, ce que permet le graphisme. Elle n'a pas de désirs propres, elle n'existe que pour et par le désir qu'elle suscite. On peut voir la pin-up comme une représentation standard de la beauté et de la sexualité puisqu'elle est conçue (et dessinée) pour être belle et excitante pour tous les hommes quelles que soient leurs cultures, leurs classes sociales. L'admirateur, séduit comme tous les autres hommes se sent donc dans la norme ; il est déculpabilisé par rapport aux codes moraux d'une société qui lui propose des pin-up comme modèle et stéréotype. Les propos d'Aslan, dessinateur français de pin-up, démontrent cette volonté de norme : « j'essaie de peindre des femmes répondant à tous les canons universels ; flattant tous les goûts, éveillant tous les appétits, fantastiques ou fétichistes15(*)». Ce processus de déculpabilisation est renforcé par le fait que la pin-up est innocente, elle ne possède pas une sexualité agressive qui pourrait rivaliser avec une sexualité virile et la mettre en péril.

Produite en masse, destinée à une large audience puisque son érotisme s'adresse à tous, elle induit une uniformisation du désir en raison de sa standardisation. Elle règne dans tous les lieux de socialisation masculine : lieux de travail, rue, presse. Les hommes placardent sur les murs les filles qui éveillent le plus leurs fantasmes dans un cadre « raisonnable ». A ce titre, on peut remarquer la série des pin-up institutrices (Ill. 4, 5), fantasme de la maîtresse, ou celle des secrétaires (Ill. 6) ou des soubrettes peu vêtues (Ill. 7, 8). Les pin-up incarnent, dans leur féminité idéalisée une sorte de compromis significatif, dont la rareté fait le prix : modernes, car elles répondent aux exigences de la jambe interminable, du ventre sans bourrelet, du sein haut et de la bouche pulpeuse, mais traditionnelles, car elles conservent la générosité de certaines rondeurs, référence à la maternité.

Il y a lieu de remarquer que l'on retrouve ce même imaginaire érotique lorsque les pin-up sont dessinées par des femmes. Ainsi le regard n'est pas un simple pouvoir universel et abstrait d'objectivation, comme le veut Sartre ; c'est un pouvoir symbolique, comme le souligne Pierre Bourdieu, dont l'efficacité dépend de la position relative de celui qui perçoit et de celui qui est perçu, et du degré auquel les schèmes de perception et d'appréciation mis en oeuvre sont connus et reconnus par celui auquel ils s'appliquent16(*). Les représentations de la sexualité seraient alors elles aussi empreintes de l'habitus, loi sociale incorporée. Le langage de l'imaginaire ne doit pas faire oublier que le principe de vision dominant (avec les pin-up : hétéronorme et érotisme pour les hommes) n'est pas une simple représentation mentale, un fantasme, une idéologie, mais un système de structures durablement inscrites dans les choses et dans les corps. Les images érotiques alors s'adressent aux hommes et aux femmes conjointement, attisant le désir des hommes et suggèrent aux femmes une conduite séductrice.

3. Les références artistiques.

3.1 La pin-up : un ancrage artistique sur plusieurs siècles.

Nous pouvons établir les nombreux liens que possède cette représentation féminine avec une certaine coutume de codes artistiques. Le regard de la pin-up, pétillant ou plus langoureux, est une invitation à peine déguisée. Perchée sur des hauts talons, sa tenue suggère sa nudité intime plutôt qu'elle ne la montre. La pin-up est un assemblage harmonieux de zones corporelles érotiques, sensuelles : elle est seins, cheveux, jambes. L'image de la pin-up restera celle d'une jeune américaine de souche européenne.

Sur le Vieux Continent, à partir de 1850, les premières photographies érotiques ainsi que les cartes postales de femme tout en dentelles et en bas circulent sous les manteaux. Les illustrations coquines fleurissent dans la presse de charme. Par la suite, les soldats américains veulent retrouver les images coquines qu'ils ont vues en France. Les éditeurs se lancent rapidement dans une vaste production de pin-up, basée sur ces images d'Europe. L'arrière grand-mère des pin-up est née dans les pages des premières revues françaises de charme. Dans l'entre-deux guerres, les pin-up envahissent, aux Etats-Unis, tous les supports : la presse, les calendriers, les pulps*. Elles ornent désormais les pages et les couvertures de très nombreux périodiques avec la multiplication des girlies magazines*.

Il semble alors important de se pencher sur l'art occidental afin de voir comment la pin-up, en comparaison avec des oeuvres plus « officielles », s'inscrit dans cette certaine tradition artistique européenne. Chez des artistes, on retrouve, dans leurs compositions, une volonté de mettre l'accent sur des attributs corporels qui revoient à la sexualité. On pensera tout d'abord à Cranach (1472-1553) qui peint toujours le même type de femme : mince, élancée, cheveux longs et brillants, jambes longues, sexe bombée et petits seins17(*). On note dans ses oeuvres une importance donnée à la parure ou au chapeau. L'intention érotique est clairement soulignée par l'emploi que le peintre fait de sa panoplie d'accessoires. Ces parures : colliers, bijoux, ceintures, énormes chapeaux, draperies transparentes, n'ont pas pour but de sauvegarder la pudeur mais bien d'alimenter les raisons du désir. Cette nudité partielle propre aussi à nos pin-up s'inscrit dans la volonté des artistes de ne pas dévoiler tout le corps pour rendre celui-ci beaucoup plus mystérieux, plus excitant et érotique. L'artiste entretient alors le fantasme et aménage un espace à l'intérieur duquel le spectateur peut se laisser aller à ses rêveries sensuelles. Une autre « ruse » artistique pour créer un univers chargé d'érotisme est d'opposer un corps nu ou partiellement à un corps habillé ; le corps nu étant très souvent féminin et celui habillé masculin, astuce que l'on retrouve par exemple dans le tableau de Manet Le Déjeuner sur l'herbe18(*). Ce système se retrouve particulièrement dans la série de pin-up du dessinateur d'Art Frahm intitulée : « Ciel, j'ai perdu ma culotte ! ». Une pin-up partiellement dévêtue (sa culotte a glissée sur ses chevilles et un incident extérieur soulève sa jupe dévoilant aussi ses fesses) s'oppose à plusieurs spectateurs masculins habillés.

La parure sur le corps donne à ce corps une dimension exhibitionniste, le vêtement féminin est conçu par l'artiste, pour fonctionner comme un décor scénique. Rubens (1577-1640) dans son tableau Hélène Fourment à la fourrure19(*), présente une femme nue aux cheveux blonds bouclés, enveloppée dans un long manteau de fourrure. Grâce à ce dispositif, Rubens nous offre la nudité d'Hélène, symbole peut-être d'un certain éternel féminin, dans son écrin, le manteau. La fourrure est une matière érotique car elle renvoie à la caresse mais aussi à l'animal et donc à une sexualité plus pulsionnelle, instinctive notamment lorsqu'elle est portée sur une peau nue. La parure peut-être un vêtement ou un accessoire mais aussi un attribut corporel. La chevelure, symbole sexuel par excellence, apparaît souvent dans les oeuvres artistiques comme un moyen de faire accéder le spectateur à un univers érotique et sensuel. Nos pin-up aux chevelures volumineuses, s'inscrivent dans la tradition d'un Titien20(*) (1490-1576), d'un Sandro Botticelli (1445-1510) ou d'un Gustav Klimt (1862-1918). L'utilisation d'accessoires de séduction dont nous avions souligné l'emploi massif par les dessinateurs de pin-up se retrouve aussi dans les oeuvres érotiques de nombreux artistes, point sur lequel nous reviendrons dans le chapitre suivant.

La pin-up, par son insouciance et sa jeunesse, renvoie à l'image de la femme-enfant, de la jeune fille à la sexualité innocente. Ce qui permet un certain fantasme, celui de la « Lolita ». Rien ne vaut pour l'érotisme que la candeur espiègle, l'innocence ostentatoire, la jeune fille blanche comme une colombe, rose comme un bonbon. Cette image là est poussée à son extrême, certes dans les tableaux de Balthus, mais bien avant le XXe siècle avec l'oeuvre de Greuze (1725-1805), La cruche cassée21(*). L'allusion sexuelle est on ne peut plus évidente : cruche cassée symbole de la virginité perdue, robe déchirée. Les joues rouges, les lèvres brillantes de la jeune paysanne suggèrent l'acte sexuel récent. Malgré la représentation érotique de la jeune fille, l'oeuvre peut nous mettre mal à l'aise, un viol est peut-être sous-entendu.

Par leur mise en scène aussi les pin-up s'insèrent dans une tradition artistique : notamment la série de pin-up aux bain (Ill. 9), car ce thème offre la possibilité de présenter des corps nus et de jouer avec la suggestion (vêtements mouillés dévoilant les formes). De même, les scènes de bain, à partir de la fin du XVIIIe siècle, offrent la possibilité au spectateur de rentrer dans une scène intime et de ce fait renforcent aussi le côté voyeuriste22(*). Cet artifice est employé aussi avec l'utilisation du miroir23(*) (Ill. 10). La figuration du bain qui permet de dénuder le corps des femmes, de le dé-couvrir, est le meilleur prétexte au dévoilement de la « vérité des chairs ». Cette stratégie remplace le « nu-en-soi » (l'image de la femme alanguie) par une exposition presque justifiée : celle du nu-en-acte, la femme se baignant. L'espace est littéralement incorporé à l'action ce qui autorise au regard de pénétrer au moment opportun pour entrevoir ce qui ne se voit pas généralement.

La série qui s'inscrit elle aussi dans une certaine tradition de représentations érotiques des femmes est celle des pin-up exotiques (Ill. 11, 12). Le côté exotique a souvent été utilisé par les artistes (peintres, photographes) pour introduire l'érotisme, le désir et le fantasme dans leurs oeuvres. On peut faire alors un parallèle avec le courant orientaliste du XIXe siècle.

3.2 Les débuts de la photographie érotique.

L'iconographie de la pin-up est aussi à mettre en lien avec la photographie érotique ou pornographique. Avec l'invention de la photographie, au cours du premier tiers du XIXe siècle, l'ère technique comble l'envie d'images d'une bourgeoisie dont le pouvoir économique s'est renforcé. A une époque où la machine à vapeur met sa force au service de la production capitaliste, où les métiers à tisser mécaniques remplacent de plus en plus la main d'oeuvre humaine et où le chemin de fer se prépare à relier des régions éloignées, offrant à l'homme une plus grande mobilité, les procédés manuels comme le dessin, la gravure ou la lithographie doivent paraître quelque peu dépassés. De plus, ces techniques manuelles, et donc largement subjectives, ne correspondent plus tellement l'esprit de ce siècle rationaliste et positiviste qui aspire à une vision objective du monde. L'utilisation de ces nouvelles technologies induit alors une volonté de modernisme.

On considère que l'ère de la photographie commence en 1839. Force est de constater que les premières décennies de la photographie érotique sont essentiellement françaises. La première photographie de nu date environ de 184424(*). Quelques 5000 daguerréotypes* à caractère érotique sont réalisés jusque vers 1860, principalement à Paris. Obtenus par un procédé directement positif, et donc en exemplaire unique, leur prix est élevé. La photographie érotique est donc tout d'abord réservée à une haute bourgeoisie. Mais les artistes comprennent vite que les photos, les nus en particulier, peuvent constituer un précieux outil de précision anatomique et gestuelle, tandis que les amateurs trouvent leur bonheur, souvent clandestin, dans les figures qualifiées d' « obscènes ».

Contre l'idée que « le nu... serait, en photographie, inavouable25(*) », la seconde moitié du XIXe siècle s'adonne avec diligence au nu dit académique, sous de studieuses appellations : Etude académique, Etude de nu, manière de contourner ou d'esquiver la charge de sensualité que le nu, masculin ou féminin, de dos ou de face, véhicule. En parallèle, une abondante production érotique se développe, due aux perfectionnements techniques apportés au procédé négatif-positif permettant de tirer des épreuves bon marché et en grande quantité. Mais cette production fait l'objet d'une législation répressive visant aussi bien les photographes et les modèles que les distributeurs ; les premières condamnations pénales tombent en France dès 1851. L'arrivée de la carte postale entraînera une production de masse de la photographie érotique et pornographique et une multiplication de ses sujets : nu ethnologique, pathologique (gros plan des organes sexuels), scènes homosexuelles, coït, sodomie, masturbation, scènes sado-masochistes....

3.3 Les lieux communs de l'érotisme.

Après avoir survolé rapidement l'histoire des débuts de la photographie érotique, il est temps de voir en quoi nos pin-up possèdent des traits communs avec celle-ci.

On retrouve tout d'abord l'utilisation presque systématique des mêmes accessoires de séduction : chaussures à talons, bas, jarretière et ensuite porte-jarretelles, sous-vêtement en dentelles (Ill. 13, 14, 15, 16)... De même les thèmes des mises en scène sont communs : femmes se regardant dans un miroir (Ill. 17, 18), jeune soubrette (Ill. 19), femme déguisé en petite fille (socquettes, présence d'un cerceau...), secrétaire, institutrice ou écolière (Ill. 20), vêtements de marin rendu sexy, exotisme (costumes orientaux) (Ill. 21), présence d'animaux de compagnie (petit chien ou chat), mariée se préparant, scène de bain (Ill. 22), de voyeurisme (Ill. 23) ou saphisme (Ill. 24)... Il est important de souligner qu'il faudra attendre les années 1910 pour que les hommes apparaissent plus souvent dans les photographies pornographiques, et contrairement au corps féminin, le corps masculin est rarement entièrement nu.

C'est dans les intitulés des séries photographiques ou des albums que l'on retrouve le monde léger et insouciant des pin-up. Nous avions remarqué que l'humour provenait également des légendes ou titres accompagnant les dessins de pin-up. Elles s'inscrivent dans le sillage des photographies, où le texte renforce l'érotisme de la mise en scène. Sans pour autant être triviaux ou graveleux, les mots sont coquins, allusions sexuelles implicites ou explicites : Sous la robe (1925), L'Eve moderne (1925), Le dernier voile (1926), Les bas de soie de Mlle Enigme (1927), Le coucher de la mariée (1927), Ma chemise trop courte (1927), Mademoiselle sans culotte (1928), Parisette écolière (1928), Une effrontée (1928), Chemises transparentes (1929), Au dessus de la jarretière (1929), Gamine charmante (1929), Ma chemise trop fendue (1929), Parisienne en pantalons (1929), Le jardin de ma voisine (1929), Exubérante dactylo (1929), Audacieux maillot (1930), Grain de poivre (1930), Pantalon récalcitrant (1930), Jarretelles de satin noir (1930), Pour lire à l'aise (1930), Le bain (1930), Une jolie girl (1930), A chat perché (1930), La panne d'auto (1930), Princesse indoue (1930), L'oeil en coulisse (1930), Ma chemise vous gène t-elle ? (1930), La beauté du site (1930), L'école buissonnière (1930), Pagne improvisé (1930), Une secrétaire évaporée (1930), L'accident du maillot (1930), Maillot trop étroit (1930), Jeux innocents (1930), Piquante soubrette (1933), Nuits de Chine (1933), La prière d'une vierge (1933)26(*).

Ainsi nos pin-up dessinées s'inscrivent bel et bien dans une certaine tradition de l'art érotique par ses codes esthétiques (corps idéalisés, joues rouges, chevelures abondantes) par ses accessoires (bas, chaussures à talons, parures, miroir) et par ses mises en scènes (scène de bain, exotisme). Tout autant, elles puisent aussi leurs racines dans la production française de photographies érotiques et pornographiques de la fin XIXe et du début du XXe siècle. La pin-up joue alors avec les signes de séduction et d'érotisme selon les codes conventionnels.

II. Histoire des accessoires et des situations de séduction.

Comme nous l'avons vu précédemment les principaux accessoires des pin-up sont des accessoires de séduction usuels. Leur utilisation systématique les banalise en même temps qu'elle les fait accéder au rang de fétiches. Ces accessoires sont devenus des attributs emblématiques de la séduction féminine. Ils symbolisent dans notre société la femme érotique et sont, de ce fait, associés à la sexualité en raison de leur histoire et d'une certaine construction culturelle.

1. Les accessoires de séductions.

1.1 Le rôle des talons hauts.

Les hauts talons étaient portés par les prostituées au XIXe siècle tout comme les collants résilles. La femme perchée sur ces chaussures est à la fois fragile puis que ces mouvements et notamment ses pas sont modifiés, entravés mais elle est aussi autoritaire puisque ces mêmes chaussures peuvent devenir des symboles de domination et de pouvoir.

La chaussure érotique se définit tout d'abord par un talon haut, étroit et contourné. Ainsi le pied paraît plus petit, la cambrure plus prononcée, la jambe plus longue, le mollet plus galbé, les hanches et les fesses ont des mouvements plus balancés. Certains matériaux peuvent accentuer la sensualité : le suggestif vinyl ou encore les peaux d'animaux : chevreau, cuir, serpent. Ces dernières matières renvoient, là aussi, par leur provenance, à une sexualité plus pulsionnelle, plus instinctive. La coupe doit coller à la forme du pied et à son mouvement sinueux. Ces chaussures sexy peuvent être aussi découvertes comme l'escarpin. Dans l'univers de la mode, on parle de chaussures décolletées comme d'une robe décolletée. La forme pointue du bout de la chaussure amincit et sexualise le pied. A l'inverse les chaussures pour fillettes ou jeunes filles ont plus souvent un bout carré.

C'est grâce à la photographie érotique voire pornographique que les chaussures ou les bottes à talons vont véritablement devenir des accessoires sexuels, des fétiches. Les nombreuses photographies réalisées par le couple Yva Richard montre bien ce processus. Nativa, en plus de réaliser des photographies ou de poser, est aussi une créatrice de lingerie, dès 1913. Elle se sert des photographies comme support pour vendre ses produits : bottines vernies, dessous affriolants. Dans une photographie de 1930, Nativa porte déjà des chaussures à talon de 10 cm (Ill. 25). Les photographies réalisées à partir de 1934 par ce couple, proposent des scènes de plus en plus fétichistes. Dans la série, Elle a des bottes, Nativa porte des bottes à talons de 19 cm (Ill. 26). Ces chaussures à talons vertigineux se retrouvent avec les pin-up réalisées par Peter Driben.

Mais le père du fétichisme moderne est évidemment John Willie (1902-1952), créateur de la bande dessinée Sweet Gwendoline et de la revue Bizarre (Ill. 27, 28), revues qui comportent de très nombreuses photographies, dessins fétichistes et même des scènes sadomasochistes. Bizarre, créé en 1946, influence notamment le photographe Eric Kroll, adepte des talons vertigineux et Léonard Burtmann, créateur d'une autre revue fétichiste, Exotique (1951).

Betty Page, née en 1923 dans le Tennesse, considérée comme « the queen of pin-up », marque les années quarante, en posant dans des attitudes burlesques de très nombreuses fois pour Robert Harrison, dès 1950, dans les pages de Beauty Parade. Elle est certes connue pour avoir posée pour le poster central de Playboy en 1955, pour ses photographies de bondage ou celles à caractère sadomasochiste réalisées par Irving Klaw (1911-1970) mais aussi pour sa collection impressionnante de chaussures à talons. En effet elle met un point d'honneur à ne jamais porter deux fois les mêmes chaussures pour les photographies.

Jayne Mansfield (1933-1967), symbole sexuel des années soixante, qui possède elle aussi une collection de plus de deux cents paires de chaussures, n'a qu'une idée en tête lorsqu'elle choisit une nouvelle paire, la valeur de leur sex-appeal : « je choisis mes souliers avec le même soin que mes produits de beauté parce que mes souliers attirent l'attention sur mes pieds. Plus que les Américains, les Européens considèrent que les pieds de la femme font partie de son attrait sexuel. Peut-être parce que les Américains oublient que leurs pieds sont un de leurs charmes les plus puissants27(*) ». Pour elle, les chaussures à talons doivent être sexy mais non provocantes. Comme toute parure, les chaussures, déclare-t-elle, « doivent suggérer la sexualité mais pas la hurler28(*) ».

Rita Lydig, qui occupe une place importante dans la « haute société » du premier quart du XXe siècle et connue pour l'extravagance de ses toilettes, a des centaines de paires de chaussures, presque toutes sexy et dont certains modèles ont été créés pour elle. Collection si extraordinaire qu'en 1970 le New York Metropolitan Museum en présente une exposition. Dans le catalogue de l'exposition, Mme Lydig pose ce principe : « A mon sens, la sexualité commence avec le pied. C'est par là qu'une femme commence à se parer. Une chaussure qui n'a pas de sex-appeal est comme un arbre sans feuille29(*) ».

1.2 Le cas particulier des bas.

Mais l'accessoire de séduction qui revient systématiquement dans les dessins de pin-up est la paire de bas. Ces bas sont une sorte de leitmotiv dans les représentations féminines sensuelles. A partir de la fin du XIXe siècle, ils vont devenir l'accessoire presque conventionnel de l'imagerie érotique.

L'origine du mot bas est une abréviation du mot du XVIIe siècle : « bas de chausses » qui désigne la partie d'un élément masculin collant et allant du pied au genou30(*). Les bas ordinaires étaient en laine et les bas de luxe en soie (depuis 1572, date de l'apparition en Angleterre, des premières machines à tricoter). Le bas de coton est en vogue dans le dernier tiers du XVIIIe siècle et le fil d'écosse est à l'honneur sous Louis Philippe. Différentes modes se succèdent du XVIIIe siècle à nos jours. On peut cependant dégager quelques étapes décisives. Dès la fin du XIXe siècle, la soie s'impose pour le bas comme pour les autres pièces de lingerie. Après 1924, la mode des jupes légèrement plus courtes répand l'usage du bas de soie de couleur chair. A la fin des années vingt, on commence à utiliser en bonneterie la rayonne ou la soie synthétique. C'est en 1938 que naît le bas nylon (le nylon est mis au point par Wallace Carothers). Durant la Seconde Guerre Mondiale, les restrictions imposent aux femmes un étonnant subterfuge : elles teintent leurs jambes nues et dessinent le long du mollet un trait brun figurant la couture du bas. C'est en 1955 qu'une découverte dans les métiers à tisser permet de supprimer la couture. Dans les années soixante, l'industrie des bas est révolutionnée par l'apparition du collant qui apporte une amélioration considérable, surtout en ce qui concerne la finesse de la maille. Le retour de la lingerie de charme, dans les années quatre-vingt, réhabilite le bas. Quant au collant, suivant la même tendance, qu'il soit à couture, en dentelle fine, semé de strass, imprimé, brodé ou mêlé de soie, il se sophistique.

Le regard s'arrête sur l'endroit magique où le bas s'arrête et où va apparaître la culotte. L'érotisme se fixe alors sur ce petit intervalle de chair délicate et tentatrice (entre le bas et la culotte) (Ill. 29). Que se soit dans l'art ou dans la littérature les bas ont toujours fasciné et possèdent un pouvoir attractif qui relève du fantasme : « Je ne lui laissais que les bas parce qu'à mon avis c'est plus joli. D'ailleurs, sur les journaux, les femmes déshabillées ont toutes des bas31(*) ». On retrouve ce même pouvoir sexuel dans un passage de Jean Charles Gateau : « on se branlait à 15 ans sur Paris Hollywood et V Magazine. Ce dernier gonflait ses pages de pineupes pneumatiques aux pétards du tonnerre, aux nichons russeliens et aux ondulations hayworthienne ; l'autre en séquences immuables, déshabillait des gonzesses en couleur [...] Telles étaient nos madones de pensionnat. L'érotisme de grand papa, bottines et baleines, nous laissait de glace. La page des fatales d'avant-guerre (yeux charbonneux, culotte de soie incrustés de dentelles, bas luisants, seins de coulisse ou de douche) et même  « la petite tralala » de Suzy Delair ne nous faisaient pas tourner la tête. Trop de fanfreluches rétro. La guerre n'avait pas encouragé l'excitation fétichiste : hideuses semelles compensées, culottes de viscoses ou de rayonne, bas de coton ravaudés ou teinture à la chicorée sur laquelle les habiles peignaient la couture. Notre génération vit s'imposer les textiles de synthèse et le roi nylon [...] Avec la prospérité venaient, dans une grande débauche de blanc nuptial, les jambes parfaitement gainées de nylon arachnéen par Chesterfield, les slip minuscules et affriolants, la gaine Scandale illustrée par Brenot, les décolletés pigeonnants, les porte-jarretelles légers comme une plume32(*) ». 

Mais c'est réellement dans l'art que les bas exercent tout leur pouvoir de fascination. Nombreux sont les tableaux où les scènes représentées ne sont qu'un prétexte pour dévoiler les bas : on pense à l'oeuvre La levée de Fanchon33(*) de Nicolas Bernard Lépicié (1735-1784) où une jeune fille, non coiffée, en chemise, met ses bas. Le lit, sur lequel elle est assise, est défait. Un chat se frotte à sa jambe. Le titre du tableau sème le trouble : véritable réveil ou rhabillage après l'amour ? Le réajustement des bas apparaît aussi comme un thème prétexte pour représenter un geste, qui dans l'imaginaire érotique est on ne peut plus sensuel34(*). Les scènes de bain ou de toilette, comme nous l'avons vu, permettent de dévoiler le corps féminin mais aussi les parures de ce même corps : dans le tableau de François Boucher (1703-1770), La toilette intime, le jupon de la jeune fille est retroussé, dévoilant ainsi ses bas blancs35(*). Du côté de la photographie érotique ou pornographique, les bas aussi sont un thème récurrent : de nombreuses séries de photographies s'intitulent : les bas rayés (1900), les bas noirs (1910) ou alors Les émois du pantalon (1900).

Cette fascination pour les bas poussa Elmer Batters (1919-1997) à inventer le genre photographique du « leg art ». Ses magazines comme Legs That Dance To Elmer's Tune, Black Silk Stocking (1958), Sheer Delight (1958), Tip Top (1967), Nylon Double Take (1967) et Man's Favorite Pastime se composent principalement de photographies de jambes de femmes ornées de bas (Ill. 30). Cette passion pour les jambes des femmes lui vaut au début des années soixante, une accusation pour obscénité : « c'était à cause des pieds dans les bas. Devant le tribunal, j'ai demandé ce que ça avait d'obscène et ils n'ont pas su me répondre, sauf pour me dire que c'était pervers36(*) ».

1.3 Le porte-jarretelles, au plus haut des bas.

Mais les bas fonctionnent aussi avec le porte-jarretelles ou jarretière dans une sorte de dispositif érotique optimal. La jarretière peut marquer la frontière entre le sensuel et le sexuel, lisière de la pudeur, elle pose un obstacle excitant puisque aisé à franchir mais aussi constitue une dernière et symbolique étape (Ill. 31). Rabelais signale la passion grivoise des Dames de Thélème qui les pousse à assortir leurs jarretières à leurs bracelets37(*).

L'ordre très noble de la Jarretière (The Most Noble of the Garter) est le plus important ordre anglais de la chevalerie38(*). Sa fondation remonte en 1348, par le roi Edouard III. Selon la légende, la comtesse de Salisbury, maîtresse de roi, laisse tomber sa jarretière lors d'un bal de la cour. Le roi la ramasse vivement et la rend à la comtesse. Devant les plaisanteries des courtisans, il s'écrit : « Honni soit qui mal y pense». Il promet alors à cette favorite de faire de ce ruban bleu un insigne si prestigieux que les courtisans les plus fiers s'estimeront trop heureux de le porter. La phrase « Honni soit qui mal y pense» devient ensuite la devise de l'ordre.

L'artiste Peter Driben a une prédilection pour les jarretières au détriment des porte-jarretelles. Ses pin-up ont très souvent une jarretière ornée d'un petit coeur rouge.

L'autre accessoire de lingerie, le porte-jarretelles est inventé en 1878 par Féreol Dedieu pour remplacer la jarretière. Son succès est peut-être du à un certain esthétisme, comme le souligne Marlène Dietrich : « le porte-jarretelles permettait au moins d'avoir une ligne nette des cuisses à l'entrejambe quand on bougeait au lieu de cette horrible ligne transversale à mi-cuisse39(*) ». Il deviendra vite le symbole des dessous et des accessoires érotiques par excellence, dans de nombreux tableaux mais aussi au cinéma. Les scènes érotiques aux femmes tout en bas et en porte-jarretelles se multiplient : dans l'Ange bleu (1930) de Joseph van Sternberg (1894-1969), dans Cabaret (1972) de Bob Fosse (1925-1987), dans Mariage de Maria Braum (1979) de Fassdinder (1945-1982). Dans la littérature aussi, la jarretière ou les porte-jarretelles sont synonymes de séduction : « cette femme feignant de se dérober dans l'ombre pour attacher sa jarretelle et qui, dans sa pose immuable, est la seule statue que je sache à avoir des yeux : ceux même de la provocation40(*) ». Même constat dans les écrits de Henry de Montherland : « j'aime voir, en rose, sur leurs jambes nues, la marque laissée par leurs jarretières41(*) ».

En 1974, un article du numéro 4 de Cosmopolitan suggère de pendre dans sa salle de bain, pour impressionner et émoustiller l'amant de passage, « une culotte, un soutien-gorge pigeonnant et surtout un porte-jarretelles, à acheter de préférence noir avec des incrustations de dentelles chair ou même rouge, avec plein de volants et de rubans, que vous porterez sûrement jamais mais que vous étendrez bien en évidence sur un cintre de velours rose ou violet une bonne fois pour toute [...] afin que monsieur puisse l'admirer en pensant à toutes sortes de choses pendant que vous naviguerez à l'aise dans vos dessous tout confort42(*) ».

Les changements de mode font qu'aujourd'hui, les bas et le porte-jarretelles sont moins utilisés par les femmes. Mais lorsqu'ils se portent, c'est avec la conscience de ce qu'ils symbolisent, la femme érotique et séductrice, comme le souligne Jacques Laurent : « Avant la femme portait innocemment et naturellement un porte-jarretelles, aujourd'hui elle est consciente que cette attitude délibérée a une signification pour elle et pour l'autre43(*) ». Le porte-jarretelles est alors le lien privilégié entre celle qui s'en pare et celui qui y a accès. Il devient alors un signe dans le langage codé de la séduction et de l'érotisme.

Ce dispositif érotique optimal (talon, bas, jarretière) trouve son apogée avec le tableau de Félicien Rops (1833-1898), Pornockrates44(*). Dans ce tableau, comme dans d'autres, Rops pousse à son extrême l'utilisation de parures diverses mais chargées de nombreuses connotations érotiques (bas, escarpins, jarretières, gants noirs ou rubans noués autour de la poitrine, de cou) pour mettre l'accent sur les parties du corps féminins érotiques ou sexuelles. Les seins, les jambes sont « offerts » à notre oeil, de suite attiré sur ces parties grâce aux accessoires, aux agréments (Rops a une prédilection dans ses oeuvres pour les rubans noués). Comme le souligne Néret : « Rops a niché les sept péchés capitaux dans un pli d'étoffe, et non pas animé, mais animalisé la robe, ce qui est mieux ou pire comme on voudra. Peintre de la perversité, il va de soi qu'il excelle dans le déshabillé. Ses retroussis de manches, ses noeuds de cou sont une invention merveilleusement significative. Il est l'inventeur en art de ces longs gants et ces grands bas noirs, qui sans rien perdre du modelé donnent un accent extraordinaire et pervers45(*) ». Rops, utilise bel et bien l'accessoire érotique comme quelque chose d'annexe, de complémentaire, de subsidiaire, comme une extension de ce qui est présent, de ce qui est directement accessible. Le coté provocant des tableaux de Rops ne provient pas de la présence de corps nus mais du fait que les parties du corps les plus sexuelles sont marquées d'un signe. Car la nudité n'a rien de provocant à moins qu'elle ne soit partielle, c'est-à-dire qu'un fétiche justement cache une partie de cette nudité. Le fétiche sur le corps donne à ce corps une dimension « exhibitionniste », dans un processus de passage du signe au signifiant.

1.4 En fait, une mise en scène de la jambe.

Jusqu'aux années quarante, il semble qu'il n'est pas ou peu de nudité entière de corps féminin que ce soit dans les oeuvres de l'art érotique officiel, dans la photographie érotique voire pornographique ou dans la presse masculine. Mais cette absence est largement compensée par les tenues fétichistes des modèles. C'est l'ère de la jambe, uniquement parce que c'est le seul endroit érotique des femmes que l'on peut dévoiler légalement (presse érotique). L'aspect sensuel des jambes féminines est renforcé par la présence de parures ou accessoires devenant des sortes de décors scéniques de l'anatomie féminine (Ill. 31). Cette mise en scène, ce costume de la jambe trouve son apogée lorsque que sur les photographies ou dessins apparaissent en plus des talons, bas, jarretières ou porte-jarretelles, les dentelles de la culotte (Ill. 32). Les jambes sont exagérées (démesurablement longues pour les pin-up) et glorifiées, enveloppées dans les bas, enserrées par la jarretière, juchées sur des talons vertigineux et se perdent dans les volants virginals des culottes. Il faudra attendre les années cinquante voir soixante pour que l'accent soit mis sur les seins notamment dans la photographie. L'année 1973 sera marquée par la première publication, dans la presse masculine, d'une photographie où les poils pubiens n'ont pas été censurés. A l'inverse, les fesses apparaissent très souvent dans la photographie érotique ou pornographique dès 1880, peut-être en raison de leur « situation géographique », au plus haut de la jambe (Ill. 33).

L'analyse de l'histoire de quelques accessoires érotiques, les plus conventionnels et les plus visibles dans l'art montre bien que l'accent est porté sur certaines parties du corps féminin. L'utilisation de ces accessoires agit comme un dispositif optimal de l'érotisation du corps féminin. La permanence de ces parures traditionnelles et leur banalisation permettent à celles-ci de se fixer dans la sphère mythique de l'imaginaire érotique. Ces accessoires déjà signes deviennent signifiants. Ils accèdent au statut d'accessoires de séduction. Les femmes se parent de manière à éveiller les désirs masculins. Mais ce désir est lui-même fixé et codifié dans un imaginaire érotique traditionnel, ce qui induit une certaine normalisation de la sexualité. Le désir masculin, alors standardisé et uniformisé dans la sphère du fantasme, introduit en retour une standardisation et uniformisation des corps féminins pour y répondre. Comme le remarque George Bataille : « par le soin qu'elle prête à sa parure, par le souci qu'elle a de sa beauté, que sa parure met en relief, une femme se tient elle-même pour un objet que sans cesse elle propose à l'attention des hommes46(*) ». La beauté et l'art de la séduction par cette utilisation d'objets, peuvent être alors qualifiés de valeurs symboliques.

2. Mises en scènes comparables.

2.1 Les situations.

Comme nous l'avions souligné précédemment, la pin-up se présente et est présentée de manière générale, dans une scène de la vie quotidienne. Le cadre peut être urbain ou campagnard. La différence avec la représentation d'une femme ordinaire dans son quotidien réside dans le fait que, à l'intérieur de ce décor narratif, un élément ou la situation en général peu probable permet aux dessinateurs de découvrir, dévoiler les jambes, les bas, la jarretière ou le porte-jarretelle, la poitrine, le soutien-gorge (pour les images datant des années cinquante) de cette femme. La mise en scène est instrumentalisée de sorte que l'on puisse voir, apprécier, observer une zone érotique du corps féminin selon un regard masculin. La pin-up est alors une représentation d'une femme qui nous semble maladroite, un peu gauche mais gracieuse, puisque à chaque fois qu'elle entreprend une activité, elle ne réussit qu'à coincer sa jupe, tacher ses vêtements, casser sa bretelle, faire glisser sa culotte. Ce qui renforce le côté « petite fille ». Elle subit sans cesse des incidents, elle est victime. Une certaine ambiguïté mêlant maladresse et désir, érotisme et gaucherie semble se dégager de ces représentations. Souvent seule, on peut noter parfois la présence d'un homme ou plusieurs mais en arrière plan, profitant de la situation.

Cette remarque s'applique aussi à certaines mises en scène de la photographie érotique du début du XXe siècle. Une photographie anonyme de 1930 montre une femme perchée sur un escabeau. Une partie de son visage est caché par sa jupe remontée, qui nous dévoile ainsi sa culotte. Seuls ses yeux sont visibles et nous font signe en direction de celle-ci. Grâce à cet artifice, l'accent est donné sur le dispositif érotique : bas, talon, culotte, porte-jarretelles. On retrouve ce même dispositif dans une photographie de 1920 : une femme dont le visage est caché à sa jupe soulevée. L'oeil est de suite attiré par les bas noirs et la toison pubienne dévoilés de cette inconnue (Ill. 34). Une autre photographie de 1930 par exemple, nous offre une femme de dos en train de se relever d'une balançoire. Sa jupe semble coincée nous permettant ainsi d'observer sa culotte, ses bas, son porte-jarretelles et ses talons. Dans une série de photographies de 1927, un homme apprend à une femme à faire de la bicyclette : il la tient par la taille, retenant (volontairement ou par inadvertance ?) un pan de la jupe, nous dévoilant ainsi bas et porte-jarretelles (Ill. 35). Ce geste masculin qui dévoile le corps féminin se retrouve dans une autre photographie anonyme de 1930 : une femme assise sur une roue de voiture se penche pour embrasser l'homme, qui dans son geste pour lui caresser la joue relève légèrement la jupe de la jeune fille (Ill. 36).

Une autre photographie de la même année montre une femme en train de ramer, un pan de la jupe pris dans la rame. Dans la photographie L'art de grimper aux arbres, de Giffey, de 1930, une femme a un volant de sa jupe retenu par une branche. L'homme qui l'accompagne, resté au pied de l'arbre, semble ravi à la vue des bas, de la culotte, et du porte-jarretelles dévoilés par hasard... La phrase qui légende cette image, souligne le côté cocasse de la scène : « grimper aux arbres, c'est bon pour la santé et pour la vue donc ! » La même mise en scène est présente dans une photographie de 1937 La parfaite secrétaire : une secrétaire, les pieds posées sur son bureau, attrape par inadvertance un pan de sa jupe en décrochant le téléphone, nous offrant une vue imprenable sur ses bas et son porte-jarretelles. L'art de dévoiler les parties du corps érotisées par la présence d'accessoires trouve son apogée avec la photographie anonyme intitulée : L'art de croiser les jambes en société pour mieux montrer ses dessous, datée de 1930.

Nous avions souligné que souvent les pin-up nous apparaissaient comme surprise dans une situation cocasse. Le côté ridicule, maladroit est renforcé dans des mises en scène présentant des femmes dans une activité réputée comme non féminines : dans une photographie de 1925, une femme de dos, se penche pour réparer sa roue de voiture, sa jupe est relevée sur sa culotte et ses bas (Ill. 37). Une autre signée Beiderer de 1930, montre une femme est en train de lire le journal. Elle est assise en équilibre sur le dossier de la chaise de telle manière à ce que ses bas et son porte-jarretelles soient visibles (Ill. 15). On retrouve ceci aussi dans des photographies signées Vasta Images-books de 1930, où une femme de dos, à la jupe soulevée, accent mis sur le dispositif culotte-bas-talons-jarretelles, se retourne, bouche ouverte comme surprise.

2.2 Les parties du corps.

L'art érotique met l'accent sur certaines parties du corps féminins selon un processus et un dispositif qui dépend du contexte de visibilité et de « démocratisation » de ces parties corporelles. Jusqu'aux années quarante l'accent est mis sur la jambe (Ill. 38). Or depuis le Moyen Age, les jambes féminines apparaissent d'autant plus érotiques qu'elles sont peu visibles et très peu dévoilés. Elles suscitent alors l'attrait, le fantasme car frappées d'interdits et de pudeur.

L'engouement que suscite à la fin du XIXe siècle, le french cancan en est un exemple révélateur. Cette danse a d'abord été un geste d'insulte. Les femmes, sur les barricades de la révolution de 1830, soulèvent leurs jupons faisant ainsi un affront suprême à la garde royale.

A partir de ce geste grivois, une danse populaire va être élaborée et se sophistiquer jusqu'à devenir une chorégraphie avec ses pas précis : acrobaties, quadrille (tenir son pied dans la main tout en sautant en cadence sur le pied de l'autre jambe), grand écart, cancan (la robe et les jupons sont soulevés à deux mains), chahut (ou l'art de lever la jambe). Le clou du chahut47(*) est le décoiffage d'un des spectateurs. D'un pied leste et adroit, la caf'conc'48(*) fait voler le chapeau de l'un des hommes présents. Cette danse impudique jusqu'alors réservée aux habitués des guinches, des fortifs et des bastringues de Pigalle est désormais à la portée des bourgeois et gens de fortune qui se rendent au Moulin-Rouge. Cette chorégraphie particulière représente, à l'époque, une forme d'invitation sexuelle considérée comme indécente. La situation est d'ailleurs jugée si grave en 1891, que MM. Jules Simon, Richard Bérenger, de la Berge et Frédéric Passy appellent à la formation d'une société centrale contre l'incitation à la débauche.

En effet, l'intérêt et le succès de cette danse tiennent bel et bien dans le fait que les danseuses vont révéler et montrer leurs jambes, leurs dessous à un moment ou un autre du spectacle : « jaillissant de la touffeur des jupes au pillage, d'un remous de dentelle et de dessous coûteux éclairés de rubans de nuances attendries, une jambe l'évoque, droite levée vers le lustre, une jambe au port d'armes, soyeuse et brillante, qu'une boucle de diamants mord au dessus du genou, et la jambe se trémousse, joyeuse et spirituelle, lascive et prometteuse avec son pied mobile49(*) ».

Une photographie de 1890, intitulée Les cinq demi vierges immortalisent les plus célèbres danseuses (dont Nini Patte en l'Air, la Goulue, Grille d'Egouts, l'Hirondelle) dans une pose de french cancan : jambes en l'air ornées de bas noirs, jupons relevés. Jane Avril, une chahuteuse plus connue sous les surnoms « La Mélinite » ou « Petite Secousse », explique l'importance de la couleur des bas : « Les jupons étaient, ainsi que les pantalons, d'entre-deux et de mousseuses dentelles. Les bas noirs, au milieu de ces neigeuses blancheurs, faisaient mieux valoir la forme des jambes50(*) ».

Dans les années vingt, notamment grâce à la mode, les femmes dévoilent un peu plus leurs jambes (surtout le mollet) mais l'imaginaire érotique reste encore très centré sur cette partie du corps. Il faudra attendre les années cinquante où la jambe féminine est moins marqué du sceau de l'interdit (donc véhiculant moins de fantasmes car plus visible), pour que l'accent soient mis sur la caractère érotique de la poitrine. La banalisation du port du soutien-gorge, qui deviendra lui aussi un accessoire érotique et de séduction, permettra un nouvel imaginaire. Inventé en 1889 par Herminie Cadolle, ce n'est réellement qu'après la Seconde Guerre Mondiale que celui-ci est popularisé notamment par le New Look de Dior (taille fine, hanches voluptueuses et poitrine épanouie) mais aussi par les actrices de cinéma. En effet, Jane Russel (1921- ) est la première à porter le soutien-gorge à balconnet créé par Howards Hughes (1905-1976). Ce soutien-gorge lance la mode des seins obus d'abord chez les actrices puis chez toutes les femmes. Les années soixante voient la généralisation, dans les revues de charmes, de photographies topless (seins nus) (Ill. 39). C'est en 1966, en France, sur les plages de St Tropez que la mode des seins nus est lancée.

Avec l'apparition de la minijupe et la mode éphémère du monokini, dans les années soixante-dix, c'est au tour de la culotte de devenir l'objet de toutes les attentions. En effet celle-ci étant le dernier rempart pudique et au contact direct avec le sexe féminin, les fantasmes se cristallisent autour de ce dessous, lui conférant ainsi toute son aura érotique. Aslan, dessinateur français de pin-up, met l'accent très régulièrement, dans sa production de pin-up, sur ce sous-vêtement. Cette décennie voit aussi la représentation courante, dans les images érotiques, du sexe féminin, les pin-up de ce même artiste sont parfois représentées en train de se masturber. En 1971, cet artiste dessine sa pin-up, pour dans le numéro de décembre de la revue Lui, avec des poils pubiens. Playboy attend janvier 1974 pour révéler les poils pubiens d'Annie, l'héroïne de sa bande dessinée, bien que celle-ci ait été nue devant nous un nombre incalculable de fois. Ces deux magazines brisent enfin la convention artistique de non représentation des poils des corps nus. Ce tabou a déjà été mis à mal avec l'Origine du monde51(*) de Courbet, oeuvre réaliste représentant un sexe féminin. Cet interdit découle du fait que les poils pubiens renvoient inévitablement à l'animalité et sexualisent d'autant plus un corps nu. Bob Guccione est le premier, de manière « officielle », pour son numéro d'avril 1970 de Penthouse, à montrer une toison pubienne. Ce n'est qu'une photographie prise de loin d'une fille nue marchant sur une plage mais le tabou est brisé. S'en suit alors entre ces deux rivaux, Playboy et Penthouse ce que nous pouvons appeler « la guerre des poils ». Les années quatre-vingt autorisent la représentation du sexe féminin plus ou moins en gros plan (lèvres écartées...) notamment dans la presse érotique masculine.

La banalisation du string, dans les années quatre-vingt-dix, qui met à la fois en valeur les fesses et le triangle pubien, entraîne, dans la presse masculine, un renouveau au niveau des mises en scène, des attitudes et des poses des modèles.

Selon Alain Héril, le dessous féminin appartient à l'imaginaire sexuel des hommes, il en est une des composantes essentielles. L'accès à la nudité féminine est toujours passé par la dernière étape, l'étape des dessous, celui-ci prenant toutes les formes, toutes les découpes, utilisant tous les tissus. L'objet même du dessous féminin est un accélérateur du fantasme masculin52(*). Tiraillée entre les diktats de la séduction et ceux de la santé, l'évolution de la lingerie ne doit rien au hasard. Elle suit l'air du temps comme la longueur des ourlets, et même plus, car elle va littéralement à l'essentiel. Le corps se couvre et se découvre selon une logique implacable. La vocation érotique des dessous féminins a été maintes fois évoquée. Dissimuler pour mieux laisser deviner, interdire pour faire désirer, souligner pour mieux mettre en valeur. Les exercices savants ou naïfs de cette rhétorique de la séduction varient d'une époque à une autre. Les représentations érotiques féminines semblent alors procéder des limites fluctuantes entre la visibilité et l'interdit : est considéré comme érotique à une période les parties du corps qui relèvent d'un certain tabou sans être pour autant une transgression, évitant ainsi la censure, remarque qui s'applique particulièrement à la presse masculine.

Dans notre première recherche sur la définition de la pin-up nous avions conclu que la pin-up par sa plastique, son visage, ses attitudes participe bel et bien au mythe du sex-symbol. Cette remarque se trouve renforcée au vu des analyses sur la photographie et sur l'art érotique. En comparant nos pin-up et les thématiques développées dans l'art, nous avons pu établir certains codes au niveau de la mise en scène et permanences au niveau des accessoires dans la représentation du corps féminin érotique depuis le XIXe siècle. L'arrivée de la Seconde Guerre Mondiale va permettre une accélération et une multiplication des images érotiques, renforçant ainsi la suprématie des pin-up.

III. La Seconde Guerre Mondiale : l'âge d'or des pin-up.

La Seconde Guerre Mondiale représente dans l'histoire de la pin-up un moment de cristallisation. Cette période peut être qualifiée d'âge d'or de la pin-up puisque celle-ci envahit rapidement tous les lieux possibles sous différents formats et supports. Dans le premier volet, nous nous étions penchés sur la presse, et particulièrement la presse à soldats, les véhicules militaires et les dessins animés. Nous reparlerons ici du support « avions », partie en mettre en relation avec l'Annexe 1 qui comporte de nombreuses biographies d'artistes du Nose Art ; mais tout d'abord nous évoquerons deux supports plus originaux : le tatouage et la bande dessinée.

1. Le tatouage.

1.1 Un art particulier.

Avant la fin du XIXe siècle, les tatouages pratiqués sur la peau sont le fait d'une petite minorité : aristocrates et marins, soldats professionnels, surtout en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, ailleurs par des groupes de marginaux, prisonniers, bagnards, membres de la pègre, forains et gens du cirque53(*). La plupart des motifs sont réalisés par des amateurs travaillant dans la clandestinité ou par des praticiens occasionnels. Beaucoup sont réalisés par des hommes sur eux-mêmes, comme témoigne le grand nombre de tatouages localisés sur le bras gauche. La technique reste rudimentaire, douloureuse et risquée. Les aiguilles sont bricolées ou remplacées par la lame d'un rasoir. Le colorant de base est obtenu à partir de « produits de fortune, comme le charbon de bois pilé mélangé avec de l'eau savonneuse, de la suie, du noir de fumée déposé de la flamme d'une bougie sur un morceau de verre, avec adjonction de salive, de caoutchouc brûlé et même du cirage54(*) ». La couleur est rarement utilisée et le noir prend rapidement une apparence bleutée.

On commence à enregistrer les progrès dans l'exercice de cette pratique avec le nombre croissant de visiteurs, de marchands, de diplomates, et de marins qui se rendent au Japon, depuis que les frontières de ce pays s'ouvrent plus facilement aux étrangers, à partir de la fin du XIXe siècle. Certains, dès leur retour, tentent de s'inspirer des techniques des tatoueurs japonais dont l'habilité leur permet de réaliser des motifs élaborés et colorés, en utilisant un outillage d' « aiguilles d'ivoire de la taille d'un crayon, taillées et peintes55(*) ». Ils se mettent à fabriquer des aiguilles d'acier aussi fines et efficaces, et les plus doués réussissent à leur tour à utiliser des couleurs : « après une longue recherche, les tatoueurs ont découvert un bleu permanent ultramarine et un beau vert, tous les deux parfaitement sans danger pour la peau, et ils exercent patiemment sur leur propre corps à la mise au point d'un jaune et d'un ton lavande56(*) ».

Mais c'est l'invention de la machine à tatouer électrique en Allemagne, exportée en Grande Bretagne et aux Etats-Unis, et plus tard en France, et fabriquée en série dans les années 1880 qui révolutionne cette pratique : « Elle constituait à l'origine en trois aiguilles parallèles vibrant dans un tube de cuivre actionné par les pousses d'un électro-aimant relié à une petite batterie. Une machine plus perfectionnée permet ensuite d'accélérer la phase de remplissage du dessin57(*) ». Avec la diffusion de cet instrument, le tatouage peut devenir une activité commerciale légale. L'opération devient rapide, pratiquement indolore, du moins par comparaison avec ce qu'elle est auparavant, y compris avec les aiguilles de métal ou d'argent utilisées par les praticiens les plus scrupuleux. Les règles d'hygiènes sont respectées, chaque aiguille étant désinfectée à l'alcool ou à la flamme après chaque opération. De plus la qualité du graphisme s'en trouve considérablement améliorée : le tracé est plus sûr et plus régulier, les pigments plus nombreux, les aiguilles pouvant chacune comporter une teinte différente.

Les motifs représentant des femmes ont toujours été parmi les plus nombreux : sirènes au bras levé au dessus de leur tête, geishas en kimono, indigènes faisant la danse du ventre, Espagnoles aux grandes boucles d'oreilles, filles de la rue en jupe fendue assise devant un verre d'absinthe (Ill. 40, 41, 42, 43). A présent, ces images commencent une nouvelle carrière, proposées à des clients recrutés hors des cénacles étroits auxquels elles étaient réservées. Ainsi, les images de femmes sur les tatouages sortent à leur tour de la semi clandestinité qu'elles avaient connue. Elles ne sont plus cantonnées dans les arrières-salles de cafés de ports, les boutiques louches des quartiers mal famés, ni, à l'inverse, aux clubs fermés fréquentés par l'aristocratie anglaise et américaine58(*). Depuis l'introduction des machines à aiguilles électriques, cette activité se professionnalise et le nombre de praticiens ne cesse d'augmenter. Cela se traduit par l'ouverture de nombreux établissements ayant pignon sur rue et que les contemporains comparent à des « salons de coiffure pour hommes, croisés avec un studio de photographies59(*) ». Et à la manière de ces métiers anciens et reconnus, les tatoueurs prennent l'habitude d'exposer des exemples de leurs oeuvres dans les vitrines et sur les surfaces des pièces où ils pratiquent leur art.

1.2 Un rituel viril.

Mais la Seconde Guerre Mondiale va permettre de renouer avec la tradition du tatouage, tradition de marin, et notamment avec des tatouages représentant des femmes. Les périodes d'attente, semblent longues et induisent chez les soldats, une volonté de s'occuper. Se faire tatouer, en temps de guerre, relève de plusieurs raisons : appartenance au groupe et la la volonté de marquer dans la chair les épreuves liées à cette période très particulière comme un rite d'initiation. Le tatouage, par sa pratique, demande un certain courage, du sang froid. Il devient alors un défi qui fait appel à des qualités dites viriles pour le relever, perpétuant ainsi le mythe du héros viril.

Les pin-up tatouées, tout comme les images de femmes que l'on trouve dans les baraquements des soldats, pallient elles aussi, une absence affective. Elles rappellent aux soldats les motifs de leurs combats. Elle symbolise la fiancé, la fille d'à côté, celle qui patiente jusqu'au retour des jeunes hommes. Nous avions remarqué lors de l'analyse de la présence d'images féminines dans les lieux quotidiens militaires, que le soldat donne à ces pin-up une valeur de fétiche, de talisman porte-bonheur. Elles alimentent le besoin de celui-ci d'être rassuré grâce à une image connue et intime. La pin-up est celle qui l'accompagne dans les moments les plus durs et dangereux de la guerre. Elle est féminité apaisante, la protection du soldat, son porte-bonheur, l'enjeu de superstition, peut-être celle à qui l'on parle, rêve, se confie, se motive. La pin-up, par son rôle de soutien et d'accompagnement tout au long de la guerre, autorise l'avènement du soldat héros. Celui-ci, avec la Seconde Guerre Mondiale, peut se définir comme tout homme digne de l'estime publique, de la gloire, par sa force de caractère, son dévouement total à une cause. Il se distingue par ses exploits, sa fermeté exceptionnelle devant le danger, la douleur et son courage extraordinaire notamment dans le domaine des armes. Cette remarque s'applique particulièrement aux pin-up tatouages. Le tatouage permet au soldat d'avoir sa pin-up gravée dans la chair, de l'avoir dans la peau. En plus d'être un talisman, la pin-up tatouage est alors symbole de son engagement et signe son appartenance au groupe, au régiment, à l'escadron.

L'accès à la virilité se conçoit comme l'intégration d'un comportement normatif. L'objet de valeur de la virilité le plus significatif est la sexualité. Les images de pin-up sont un bon stimulus sexuel notamment en période de guerre. Car elles sont une sorte de palliatifs à l'absence affective et sexuelle de ces hommes sur les fronts sans pour autant l'exacerber ce qui aurait des conséquences désastreuses pour les combats. Mais le soldat affirme également son hétérosexualité au vu de tous grâce au tatouage d'une femme sur son corps. Car dans un milieu masculin, où la frustration sexuelle peut être importante et l'homosexualité tentante, il est pour les soldats plus que jamais important de s'inscrire dans une sexualité normative et exclusive : l'hétérosexualité.

Nous avions vu que collectionner les pin-up devient au sein des armées un geste de camaraderie, elles permettent une certaine solidarité. Mais elles renforcent aussi les hommes dans leur virilité : les soldats essaient d'impressionner leurs semblables en étalant leurs collections de pin-up mais aussi leurs tatouages. Elles sont une conquête de plus. Le tatouage apparaît en temps de guerre comme un rituel d'intégration. Non seulement le soldat tatoué réussit une épreuve virile, preuve de ses qualités comme le courage, la résistance à la douleur mais aussi s'affirme dans le monde des hommes hétérosexuels en tant qu'homme à femmes, séducteur à succès, playboy et coureur de jupons.

2. Male Call, une bande dessinée pour soldats.

Un certain nombre de dessinateurs de bandes dessinées ont également été mis à contribution durant la Seconde Guerre Mondiale. Il faut qu'eux aussi participent à l'effort de guerre. Leurs héroïnes, qui avaient souvent été créées auparavant et que la plastique rattache à l'imagerie des pin-up, se trouvent alors mêlées à des aventures dont le contexte est celui de la guerre.

2.1 L'effort de guerre particulier d'un artiste.

L'une de ces héroïnes les plus célèbres est certainement Miss Lace (Ill. 44). Crée par Milton Caniff, elle apparaît dans le strip* Male Call.

Né en 1907 à Hillsboro dans l'Ohio, Milton Caniff commence à travailler pour le Dayton Journal, le Miami Daily News et le Columbus Dispatch après avoir obtenu son diplôme à l'Ohio State University. En 1932, il s'installe à New York et crée pour l'Associated Press, ces deux premières bandes dessinée : Puffy the Pig et The Gay Thirties. Un an plus tard, Dickie Dare voit le jour. Milton Caniff travaille aussi avec Noël Sickles sur Scorchy Smith et avec Bill Dwyer sur Dum Dora. En 1934 le New York News lui demande un strip : Milton donne alors naissance à Terry and The Pirates. Ce strip se déroule en Chine. Au sein des corps militaires évolue Burma (Ill. 45), une blonde et somptueuse créature au passé sulfureux : « la pin-up type Rita Hayworth était appréciée de tous, et Burma était comme ça. La petite amie de tous. Le rêve mouillé de tout le monde. C'est pourquoi je l'avais choisi60(*) ». Terry paraît quotidiennement dans 175 journaux civils et dans les éditions italiennes et européennes de Stars and Stripes.

Les premières contributions à l'effort de guerre de Milton Caniff sont une affiche de prévention sur les gestes à faire en cas de bombardement, affiche destinée aux civils et une affiche d'information sanitaire pour les soldats sur les dangers des maladies vénériennes. Lorsque le Camp Newspaper Service est fondé, Caniff y propose son strip Terry and the Pirates. Mais certaines vignettes sont jugées trop osées. Milton décide alors de mettre fin à Terry et la blonde Burma en 1942.

Il se lance alors dans un strip ayant pour décor la Seconde Guerre Mondiale dont les thèmes abordés se veulent proches des préoccupations des soldats. Cette bande dessinée paraît dès 1942 toutes les semaines dans plus de 2500 journaux officiels du Service de la Presse Militaire. La première difficulté de ce strip est qu'il doit être un gag solo car la continuité ne fonctionnerait pas avec les soldats qui sont transférés d'un endroit à l'autre. Une des règles que Caniff doit respecter, est la conformité des uniformes, conformité à laquelle tiennent les soldats. En effet, il arrivent souvent que certains mobilisés écrivent à l'artiste afin de rectifier des erreurs sur les uniformes ou les termes techniques, lui fournissant ainsi une documentation précise. Mais la règle primordiale est le respect du bien-fondé de la présence américaine sur le front.

Certains civils se plaignent néanmoins du côté sexiste du strip. Il leur est répondu, au Département de la Guerre, que : « c'est pour les gars, pas pour vous, Lady Jane. C'est pour les garçons, et ça va rester comme ça61(*) ». Milton Caniff n'a jamais eu d'ennui bien que le strip soit osé. Il s'en défend : « c'était suggestif, mais pas vulgaire. Je voulais que ce soit un strip sexy62(*) ».

2.2 Le succès de Miss Lace.

Pour son créateur Miss Lace est un condensé de tous les fantasmes des soldats : « quand j'ai créé Miss Lace, je voulais l'opposé de Burma, je la voulais brune. Je la voyais innocente mais sexy en diable. Bien plus que les standards de l'époque. J'étais un pionnier : je voulais qu'elle ait cette petite touche, sans que ce soit trop. Finalement, elle n'était pas du tout comme Burma. Un facteur essentiel était qu'on ne parlait ici d'une fille dont on ne savait rien du passé. On savait tous quelque chose sur Burma, elle était la petite amie de tout le monde. Lace était vraiment la petite amie de personne. Elle pouvait jouer au poker avec vous, mais n'irait pas forcément au lit avec vous63(*) ». Grâce à d'habiles subterfuges, il maintient les soldats dans un certain imaginaire érotique : «  l'inaccessibilité de Lace était plus productive à long terme que si vous aviez su qu'elle s'était roulée dans le foin avec le lieutenant durant le week-end. C'est la grande différence64(*) ». Miss Lace, par son inaccessibilité s'inscrit alors dans la tradition des pin-up.

Le succès de cette bande dessinée tient dans le fait que son auteur a su cerner avec pertinence les attentes des soldats : « j'ai calqué Lace sur quelques stars de l'écran. Elle était l'incarnation d'une idée, d'un point de vue. Elle était comme un génie, comme une fée, qui apparaît dans vos rêves. Quand elle faisait tourner les têtes des GI's, ou les pantalons de colonels, c'était toujours drôle. C'était une grande satisfaction pour les lecteurs. Elle était toujours là, toujours disponible, et pourtant pas libre. Tout se passait selon le point de vue du GI américain, l'Américain qui se trouvait soudain plongé dans un endroit dont il n'avait jamais entendu parler auparavant. Il pense aux filles de chez lui, pas aux entraîneuses de taverne proche de son campement. En tout cas pour les officiers. C'est ce qui leur manque. Il y a de nombreuses scènes de baisers, ce que les gars auraient aimé vivre. Mais ils n'auraient jamais pensé que ça leur arriverait dans la vraie vie, et c'est là que le rêve commence. C'était un voeu réalisé, et d'une certaine façon, c'était la nature de cette permission de deux minutes pour les gars qui lisait le strip65(*) ».

Miss Lace apparaît dans un univers militaire, univers uniquement masculin. Dans la bande dessinée, elle est alors le « petit plus » des soldats du camp, leur « madeleine de Proust » qui leur rappelle les prochaines retrrouvailles avec leurs femmes, leurs petites amies. Mais Miss Lace perturbe aussi fortement la vie quotidienne du camp. Elle attise parfois les rivalités entre les soldats, les gradés et les non gradés, ce qui la rend d'autant plus inaccessible. Tous rêvent de passer un moment intime et privilégié avec elle et pour cela ils développent des stratégies des plus originales. Pourtant aucun n'arrive à conclure, elle repousse sans cesse leurs assauts, préférant jouer aux dés où ils parient des cigarettes. Parfois elle danse avec l'un d'eux lors des soirées organisées par l'armée et c'est le seul contact physique qu'elle autorise. Malgré le fait qu'elle porte une tenue sexy, une robe bustier moulante et d'immenses gants noirs, qu'elle soit physiquement très attirante (Ill. 46), elle n'apparaît jamais nue, ne joue pas sur son sex-appeal. De ce fait, Miss Lace s'inscrit dans le code graphique et éthique des pin-up. Elle semble ne pas avoir de sexualité. La seule fois où elle apparaît au lit avec quelqu'un, c'est avec une femme, une volontaire féminine. Ce strip « Know wich arm you're in » (Ill. 47), ne sera jamais publié, jugé trop osé. Par contre, elle a souvent un rôle maternel auprès de certains soldats : les console lorsqu'ils n'ont pas de courriers, leurs rend visite dans les tranchées... Elle a bel et bien comme les pin-up un rôle de soutien et d'accompagnement. Elle valorise aussi le soldat, le futur héros : elle appelle tous les soldats « général » sans distinction de grade. Miss Lace est peut-être la contraction des deux images des femmes dont le soldat a besoin : la mère et la séductrice.

A la fin de 1946, Male Call prend une tournure plus civile, et Milton Caniff finit par l'abandonner, Miss Lace ayant rempli son rôle. Il termine son dernier strip Back to the ink well (Ill. 48) du 3 mars 1946 par une lettre de Miss Lace disant ceci : « je peux vous dire que ma mission est accomplie. Je retourne d'où je suis venue...Je serais là si vous avez besoin de moi ». Miss Lace apparaît ensuite presque annuellement durant les 35 années suivantes dans des dessins spécialement réalisés pour des réunions militaires et des publications diverses.

3. Le Nose Art.

3.1 Une tradition militaire.

La Seconde Guerre Mondiale voit se multiplier les supports sur lesquels apparaissent les pin-up. Un des supports les plus originaux est le véhicule militaire et plus particulièrement l'avion. Les pin-up ornent alors le nez de ses appareils et se détachent avec la même netteté sur le gris argenté des bombardiers que sur les teintes mates, marron et vert des avions camouflés (Ill. 49, 50, 51, 52, 53, 54).

Mais cette particularité n'est pas une spécificité de ce conflit. En fait, elle perpétue une certaine tradition. Avant le XXe siècle, de nombreuses femmes, sculptées ou peintes, ont d'abord orné la proue de navires commerciaux ou militaires. Ces navires portent souvent des noms féminins. Avec le Nose Art, les combattants renouent avec cette coutume et avec une ancienne symbolique. Tout comme la proue, le nez de l'avion est la partie la plus avancée, la plus pointue, la plus phallique de l'appareil. L'avion, comme le navire fend la mer, fend l'air, le « pénètre ». Le Nose Art s'apparente alors à un art symbolique sexuel.

Les pin-up, dans leur dénomination et leur graphisme, deviennent plus personnelles car partageant le dur quotidien des mobilisés et accompagnant l'aviateur dans ses missions les plus risquées. Les noms des pin-up présentes sur les fuselages des avions militaires peuvent se classer sous différentes catégories : figures de l'exhibitionnisme et de l'impudeur : Vicky the Vicious Virgin, de l'ingénuité : Careful Virgin, figures locale ou vernaculaires : Dallas Doll, de la mythologie populaire : Calamity Jane ou Lady Eve, figures de la nostalgie et du mal du pays Look Home-ward Angel, de l'agressivité Butcher's Daughter ou Blonde Bomber et enfin des noms appelant au « repos du guerrier » comme Never Satisfied, Target for Tonite. L'allusion érotique ou sexuelle est très visible dans le choix de leurs dénominations. L'analyse de cette pratique nous a conduit à mettre en valeur le côté réconfortant qu'apportent ces images aux soldats. Ces pin-up ont bel et bien un rôle de soutien moral, de protection et d'appartenance clanique, comme nous venons de l'évoquer avec la pratique du tatouage.

Comme le souligne G. R Klare, professeur de psychologie, la privation sexuelle joue un rôle important dans l'apparition du Nose Art. Il remarque que les dessins de femmes sur les avions des bases les plus éloignées sont souvent les plus osés66(*). Pour James Farmer, auteur d'un ouvrage sur le Nose Art, il semble que « l'un des fantasmes le plus fort et le plus constant de l'homme soit la conquête et la domination du sexe opposé. Toute mythologie repose sur le principe selon lequel une femme n'est pas une femme, qui ne rêve pas d'être conquise et enlevée par un mâle rustre et agressif. Dans ce type de conquête fondée sur le désir charnel, il n'est pas question d'amour, mais d'affirmation de la foi de l'homme en sa domination naturelle. Rien n'a jamais mieux aidé un militaire à supporter la guerre que l'évocation d'une femme, sans ces aspects les plus tendres, comme les plus dégradants. Et dans la plupart des cas, ses rêves tendent vers ce qu'il y a de plus inaccessibles67(*) ».

Dans le cas des pin-up, elles offrent au spectateur mâle une représentation de ce que lui-même ou ses pareils aimeraient rencontrer, mais auront en réalité peu de chance de trouver, à savoir une femme qu'ils pourront dominer et qui, bien entendu, attend de l'être, une femme qui ne répond ni ne réclame de réciprocité, de compromis ou de justice. En dotant son avion de l'identité mythique de la fille de ses rêves, le soldat assure donc en partie, du moins superstitieusement, la maîtrise ou la domination du mâle sur l'élément le plus critique de son environnement : l'avion.

La fonction de soutien moral des pin-up est officiellement assurée et reconnue. En Août 1944, le règlement 35-22 de l'AAF stipule que : « le secrétaire d'état à la guerre autorise la décoration du matériel de l'Armée de l'Air avec des motifs personnels et l'encourage en tant qu'élément de soutien moral des hommes68(*) ». Le Nose Art vient d'acquérir ses lettres de noblesse au sein des différents corps de l'armée.

Cette longue tradition, de peindre des femmes sur les fuselages, se retrouve lors des conflits militaires suivants. Ces figures féminines prennent alors d'autres formes, comme le souligne James Farmer : « Finies les pin-up de Petty ou Vargas, créatures de rêve, simple et romantiques, des années 1940. A leur place, on voit naître une sorte de symbole sexuel vulgaire et dépourvu de finesse, où l'imaginaire n'a plus sa place. Ce que la décence faisait discrètement dissimuler par un léger voile ou un bras ou une jambe judicieusement pliée, donne lieu à de nouvelles hardiesses ; les artistes de la guerre de Corée adoptent une expression plus directe, d'où est absente toute forme de sous entendus69(*) ». Les figures féminines du Nose Art relève elle aussi de l'histoire de l'érotisme et de ces jeux subtils entre interdit et transgression.

3.2 Des soldats artistes.

La plupart des créateurs de ces pin-up du Nose Art70(*) restent fortement méconnus et n'apparaissent que dans les ouvrages spécialisés. Il faut tout d'abord remarquer que la majorité des dessins du Nose Art ne sont pas signés. Les quelques artistes connus sont des civils, qui avant de s'engager, ont plus ou moins fréquenté un milieu artistique : écoles d'art pour Donald E. Allen, Rusty Restuccia  et Thomas E. Dunn. D'autres comme Arthur De Costa, Al Merkling, Philip Brinkman sont déjà des artistes amateurs ou professionnels (publicité). A l'inverse, à la fin de la guerre, certains artistes improvisés du Nose Art décident de poursuivre leur carrière révélée lors de la création de ces peintures de guerre : Anne Joséphine Hayward, Philip Brinkman, Arthur De Costa, Donald E. Allen. Pour devenir artiste du Nose Art le parcours semble assez simple finalement : les dons de l'artiste sont repérés par le reste des soldats notamment lors de réalisation de fresques ou de décors pour les lieux de vie des militaires et ensuite, le bouche à oreille faisant le reste, les commandes pleuvent (Ill. 55, 56).

Les techniques de dessins nous apparaissent assez difficiles à cerner en raison de sources partielles. Mais il est possible de repérer certaines permanences et habitudes artistiques. La première difficulté à laquelle doit faire face l'artiste est le manque de matières premières et d'outils : peintures, laques, pinceaux. Pour pallier ce manque les artistes font soit appel à leur famille qui leur envoie le matériel manquant comme James C. Nickley, soit à leurs réserves personnelles comme Arthur De Costa qui a emporté avec lui son matériel de dessinateur. Mais la plupart du temps les artistes se débrouillent avec ce qu'ils trouvent sur les bases : peintures volées aux autres corps de l'armée (notamment chez les Marines*), brosse à nettoyer découpée pour servir de pinceaux, essence utilisée comme solvant...

Le choix du dessin résulte la plupart du temps d'un accord entre les dessinateurs, qui proposent une série d'esquisses et l'équipage de l'avion. Les artistes avouent souvent s'inspirer des pin-up de la presse comme Esquire (Ill. 58) ou de certaines bandes dessinées comme Male Call (Ill. 59, 60) ou Jane (Ill. 57). Il arrive parfois que le dessinateur travaille à partir de la photographie de la femme ou de la petite amie d'un des membres de l'équipage mais plus rarement. Chaque artiste possède ensuite ses propres techniques pour réaliser le dessin : application d'une base blanche à la laque pour Arthur de Costa, peinture directement appliquée sur la tôle pour Al G.Merkling. Rares sont les artistes qui se font payer pour leurs réalisations, à part Philip Brinkman qui demande 50 dollars, les autres se contentent de peu : quelques dollars pour Leland J. Kessler ou des bières pour Al Merkling. La production de ces artistes est assez difficile à mesurer, certains affirment n'avoir réalisé que quelques avions, d'autres atteignent facilement la vingtaine. Anthony L. Starcer quant à lui détient le record en laissant son empreinte sur plus de 130 véhicules militaires. Les artistes réalisent la plupart de leurs oeuvres durant leurs temps libres. Les avions dont les fuselages ont été le plus souvent peints sont : les B.17, P.47, B.24, Les Liberator, Les Forteresses Volantes et les Halifax.

Il est très fréquent que les artistes reproduisent sur les blousons de l'équipage le même motif que celui peint sur leur avion, comme une multiplication des cercles de protection. D'abord le talisman porte-bonheur apparaît sur le véhicule, ensuite sur le blouson et parfois à même la peau avec le tatouage, augmentant ainsi, dans un imaginaire en proie aux superstitions, le pouvoir magique de celui-ci. Il devient alors symbole de l'attachement du soldat à une unité, un clan comme le blason symbolise une famille, un groupe. A ce titre, certains artistes refusent tous types de rémunération lorsqu'ils effectuent des pin-up sur le nez des avions de leur unité, mais se font payer lorsqu'ils travaillent pour un autre escadron.

Cette association femmes sexy et objet de guerre trouve son apogée avec la présence de pin-up sur les bombes larguées par les avions. Rita Hayworth (1918-1987) aurait été dessinée sur la bombe atomique lâchée sur Hiroshima71(*).

Dès le début du conflit, les pin-up contribuent à remonter le moral des troupes sur le front. Pendant la guerre, le nez de milliers de bombardiers américains arbore une pin-up. Sur chaque base aérienne, les meilleurs artistes se voient confier la mission prestigieuse de peindre une fille sexy sur les fuselages. Les pilotes et leur équipage pensent que la belle porte chance. Pour les mêmes raisons, les pilotes arborent une pin-up, peinte sur leurs blousons, ou tatouée sur leurs corps. A leur manière, les pin-up contribuent elles aussi à la victoire. Comme Miss Lace, elles donnent du courage aux hommes mobilisés mais elles permettent également de pallier une absence affective et sexuelle. A la fin du conflit, les pin-up se trouvent au seuil d'une nouvelle ère pleine de promesse. Non seulement elles sont devenues socialement acceptables et sont parfaitement intégrées dans la culture populaire de la nation.

IV. La pin-up éthique de l'esthétique.

A la sortie de la guerre, la pin-up devient révélatrice de l'utilisation du corps féminin comme symbole d'une société optimiste en pleine croissance économique. Les objets de consommation accessibles à tous, les progrès techniques et le plein emploi jouent un rôle sans précédent dans la vision d'un avenir meilleur. Elle est alors utilisée par la publicité mais aussi par la presse en raison de son efficacité prouvée et testée lors du conflit. Par son omniprésence et la multiplicité de ses supports, la pin-up s'adresse à la fois aux hommes et aux femmes. Son érotisme léger et conventionnel la rend acceptable et son code graphique, son ambiguïté permettent de vendre les produits sans grande difficulté. La pin-up exerce alors tout son pouvoir de séduction. Elle offre une image de la femme à laquelle vous pouvez vous identifier ou dont vous pouvez rêver.

1. La publicité.

1.1 Les femmes, sujets et objets de consommation.

La société de consommation grâce à son nouveau médium, la publicité, inaugure ce nouveau principe : tout ce qui est donné à consommer est affecté de l'exposant sexuel. Le corps, la beauté, l'érotisme sous le règne des pin-up publicitaires deviennent des valeurs marchandes et d'échanges.

La permanence d'une présence féminine dans la publicité, sur les affiches, sur les couvertures de magazines, renvoie dans les années cinquante, à la coïncidence entre la femme comme sujet potentiel et la femme comme objet possible. Les femmes sont aussi la cible de ces publicitaires car elles sont les gestionnaires du foyer. A cela s'ajoute le fait que la prédominance dans la vie quotidienne de la forme d'érotisme proposée par la culture de masse laisse inévitablement le rôle principal - là encore bien ambigu - à la figure féminine, que l'Occident a identifiée à la sexualité à l'inverse de l'Inde qui, par exemple, l'identifie au couple hétérosexuel. Jean Baudrillard souligne « le rôle dévolu à la femme et au corps de la femme, comme véhicule privilégié de la Beauté, de la Sexualité, du Narcissisme dirigé. Car s'il est évident que ce processus de réduction du corps à la valeur d'échange esthétique/érotique touche aussi bien le masculin que le féminin [...] c'est cependant sur la femme que s'orchestre le grand Mythe Esthétique/Erotique72(*) ». Dans cette optique, les nombreux discours des artistes sur leur pin-up sacralisent le corps féminin perpétuant ainsi le poncif de l'existence d'un éternel féminin, au sein duquel la beauté chez la femme serait d'essence naturelle. Ils participent ainsi à l'auto-valorisation et l'auto-érotisation des corps.

Les figures féminines représentées dans des poses auto-érotiques dans la publicité sont une manière à encourager les femmes à prendre conscience d'elle-même et à leur rappeler la primauté de leur pouvoir d'attraction et de séduction. Dans ce jeu d'image, l'apparence est la principale marchandise. Il y a bel et bien une standardisation de l'apparence féminine et de l'idée même de féminin, puisque la transformation suggérée est tout à la fois extérieure et intérieure : savoir se maquiller signifie « se trouver soi-même ». Ainsi, les marchés qui s'organisent autour de « la beauté », de la « santé »... répondent à une demande amplement suscitée par le modèle normatif qui accompagne leurs biens et leurs services, et par la culpabilité nouvelle qu'il induit chez ceux qui ne s'y conforment pas ou le risque de ne pas être « de son temps ».

Pour Bourdieu : « Tout, dans la genèse de l'habitus73(*) féminin et dans les conditions sociales de son actualisation, concourt à faire la limite de l'expérience universelle du corps pour autrui, sans cesse exposé à l'objectivation opérée par le regard et le discours des autres74(*) ». Le nouvel ordre social que met en place la société de consommation à partir des années cinquante renforcent l'impératif du besoin du regard d'autrui pour se constituer. Les femmes sont continûment orientées dans leur pratique par l'appréciation que leur apparence corporelle, leur manière de tenir leur corps et de le présenter pourra recevoir.

1.2 Le corps féminin réapproprié.

On apprend aux femmes, à travers la publicité, à se regarder comme des objets dont chacune est une création concurrente de celle des autres femmes, peintes, sculptées et modelées grâce aux bons soins du marché moderne : «  Il faut que l'individu se prenne lui-même comme objet, comme le plus beau des objets, comme le plus précieux matériel d'échange, pour que puisse s'instituer au niveau du corps, de la sexualité, un processus économique de rentabilité75(*) ». On sait, de reste, combien l'érotisme et l'esthétique moderne du corps baignent dans un environnement foisonnant de produits, de gadgets, d'accessoires, sous le signe d'une certaine sophistication et d'un marché fructueux. De l'hygiène au maquillage, en passant par le sport et les multiples préconisations de la mode, la redécouverte du corps passe d'abord par des produits. Le corps est ainsi réapproprié l'est d'emblée en fonction d'objectifs capitalistes : autrement dit s'il est investi, c'est pour le faire fructifier. L'objectif n'est pas les finalités autonomes du sujet, mais un principe normatif de jouissance et de rentabilité hédoniste, selon une contrainte d'instrumentalité directement indexé sur les codes et les normes d'une société de production, de consommation dirigée et d'intérêts mercantiles.

Le rapport qui existe sur le plan de ce spectacle outrancier de la femme hypersexuée que la pin-up représente, c'est-à-dire l'image de la féminité désirable, trouble la frontière de l'image-de-la-femme et de la femme-comme-image. Ce rapport des plus significatifs découle des besoins, des exigences et des impératifs de la valeur d'échange et d'un certain fétichisme de la marchandise issus de la société marchande qui, durant la seconde moitié du XXe siècle, culminent avec la consommation de masse en la société de spectacle76(*).

Pourtant, cet objectif productiviste, ce processus de rentabilité par lequel se généralisent au niveau du corps les structures sociales de production, est sans doute encore secondaire par rapport aux finalités d'intégration et de contrôle social mises en place à travers le dispositif mythologique et psychologique centré autour du corps. Il existe bel et bien un imaginaire du corps comme le soutient George Vigarello : « les normes ont à jouer avec ce corps. Elles ne peuvent pas se transformer sans lui. Ce n'est jamais passivement que le corps est habité par elles. Il faut même que changent les images de celui-ci pour que puissent se déplacer les contraintes77(*) ».

L'éthique du corps, dans la nouvelle société constituée à partir des années cinquante, peut se définir comme la réduction de toutes les valeurs concrètes, les valeurs d'usages (énergétique, gestuelles..) en une seule « valeur d'échange » fonctionnelle. Le corps, n'est plus rien qu'un matériel de signes qui s'échangent. Il fonctionne comme une valeur/signe. Nous avions déjà souligné que les pin-up sont représentatives du corps objets. Elles ne sont qu'un ensemble de zones érotiques et d'accessoires de séduction. Mais l'association de ce patchwork devient, par le talent du dessinateur, un assemblage plausible, crédible, bien qu'irréaliste. Baudrillard remarque que : « le corps tel que l'institue la mythologie moderne n'est pas plus matériel que l'âme. Il est, comme elle, une idée, ou plutôt, car le terme d'idée ne veut pas dire grand-chose : un objet partiel hypostasié, un double privilégié, et investi comme tel. Il est devenu, ce qu'était l'âme en son temps, le support privilégié de l'objectivation, le mythe directeur d'une éthique de la consommation78(*) ».

1.3 Un nouveau corps normé, maîtrisé et contrôlé.

Les images publicitaires invitent par conséquent à se former un système de représentations à leur ressemblance. D'où un épuisement de l'originalité au profit d'une espèce d'imaginaire consensuel composé chez tous de mêmes éléments formatés par la vision de ces images publicitaires. A travers les pin-up un nouvel imaginaire du corps est proposé : ce corps doit être contrôlé, maîtrisé, épilé, poudré, verni, soyeux, parfumé, érotisé selon les canons esthétiques et les normes de séduction en vigueur au cours des décennies.  

On voit alors combien le corps, à partir des années cinquante, au travers l'exemple des pin-up, est étroitement mêlé aux finalités de la production comme support (économique), comme principe d'intégration (psychologique) dirigé de l'individu, et comme stratégie (politique) de contrôle social. La norme se dit et se montre. La pin-up est un exemple représentatif du processus de mise en place de nouvelles normes esthétiques (donc érotiques et économiques) au sein d'une société de consommation. On arrive à une fixation de traits esthétiques qui deviennent universels. La pin-up devient alors un mythe référence. « L'utopie s'y accomplit dans sa perfection, mais cette perfection est un spectacle, son harmonie est une représentation. De ce point de vue, le travail de la fiction utopique se transcrit dans une figure idéologique où il s'immobilise79(*) ».

Mais la norme ne s'énonce pas de manière autoritaire et absolue comme dans une société disciplinaire, société dans laquelle la maîtrise sociale est construite à travers un réseau ramifié de dispositifs ou d'appareils qui produisent et régissent les coutumes, les codes vestimentaires, les habitudes et les pratiques productives. Elle s'édicte par un glissement subtil d'intériorisation de celle-ci, de méthodisation comme le pratique la société de contrôle. « On doit comprendre la société de contrôle comme la société qui se développe à l'extrême fin de la modernité et ouvre sur le postmoderne, et dans laquelle les mécanismes de maîtrise se font toujours plus démocratiques, toujours plus immanents au champ social, diffusés dans le cerveau et le corps des citoyens80(*) ». La société de contrôle pourrait être ainsi caractérisée par une intensification et une généralisation des appareils normalisants de la disciplinarité qui animent à l'intérieur nos pratiques communes et quotidiennes ; mais au contraire de la discipline, ce contrôle s'étend bien au-delà des sites structurés des institutions sociales, par le biais des réseaux souples, modulables et fluctuants, notamment avec l'apparition de nouveaux médias comme la télévision.

La norme peut être élaborée mais celle-ci ne sera vraiment effective que si en même temps la méthode de conformité est énoncée afin que la norme y soit incorporée. Ce rôle est tenu par les magazines féminins qui prennent alors le relais.

2. Les magazines féminins.

2.1 La règle esthétique...

La construction et la manipulation de l'image du corps recréent un éternel féminin selon les besoins du marché, tout en culpabilisant et en marginalisant ceux qui s'éloignent de ces canons. Alors que les images de pin-up envahissent la presse masculine et la publicité, on retrouve ces mêmes images dans la presse féminine. Celle-ci utilise les pin-up, de manière directe, avec les dessins de mode ou la publicité. Mais la pin-up apparaît aussi dans cette presse, en filigrane, de manière insinueuse. L'analyse de nombreux articles (conseil beauté, conseil séduction) de magazines féminins classiques : Elle, Cosmopolitan, Marie Claire, Vogue, souligne bien la correspondance de ceux-ci avec les caractéristiques de la définition de la pin-up. Cette dernière est bel et bien présentée comme le modèle féminin à imiter ou à atteindre. Les pin-up deviennent le modèle des femmes, corps et accessoires, re-féminisée de parfums, de mode, et de produits de beauté qui saturent les pages des magazines.

La pin-up atteint le statut de citoyenne-modèle, telle que la société marchande la redéfinit à partir de la Seconde Guerre Mondiale, notamment avec la mise en place d'élection de miss ou élection de pin-up. Il faut signaler ici que le terme pin-up sert à qualifier à la fois des figures humaines inanimés, les mannequins top-modèle ou les miss. Les trois procèdent peut-être de la même dépersonnalisation de l'individu : elles s'effacent derrière leur corps.

Avec la pin-up, la jeunesse et la féminité se trouvent alors élevées au rang d'idéaux régulateurs de l'intégration, de normalisation et d'uniformisation. Elle s'ancre durablement comme modèle féminin et marquera durablement les nouvelles représentations féminines à partir des années 70 comme nous le verrons plus tard.

La conformité esthétique devient pour les femmes un moyen spectaculaire de renouveler leur allégeance à l'ensemble des règles reconnues par le corps social. La mise en place, à partir des années quatre-vingt, de l'industrie proliférante de la chirurgie esthétique en est un exemple frappant. La beauté est conçue comme une conformité esthétique et non comme l'association agréable chez une femme de particularités très personnelles. Dès lors ce n'est pas seulement le résultat esthétique de l'effort de conformité qui compte mais l'effort lui-même. La règle esthétique se double donc d'une règle sociale. Les magazines féminins structurent leurs discours esthétiques autour de l'idée centrale de conformité, et celle-ci évolue selon les modes esthétiques.

2.2 ...et le devoir de s'y conformer.

La valorisation de la conformité esthétique connaît une progression rigoureuse dans le développement d'une argumentation normative, mais elle ne s'impose pas en tant que telle. La norme esthétique est présentée comme une référence en prendre en considération mais en suggérant finalement qu'il n'existe aucune autre valeur qui puisse être supérieure ou égale.

Ces mêmes périodiques renforcent ce principe du devoir de conformité esthétique en le déclarant accessible à toutes les femmes. Là encore, le caractère de masse est énoncé selon le principe d'égalité des chances et de la démocratisation : toutes les femmes peuvent (et doivent) accéder à la beauté, pourvu qu'elles s'y emploient. La conformité n'est jamais spontanée, elle n'existe pas à l'état naturel puisqu'elle résulte d'un acte culturel voire d'un effort financier ; elle est le ciment social d'un groupe. En revanche cet acte peut-être accompli indifféremment par n'importe quelle femme. Une des caractéristiques de la pin-up est le fait qu'elle représente la fille d'à côté (banalité des scénarii, scène de vie quotidienne) pleine de sex-appeal, sex-appeal dont elle peut ou pas avoir conscience, d'où son pouvoir attractif. Elle apparaît comme « naturellement » séduisante en raison de la standardisation de ses traits et de l'accumulation systématique des signes convenus érotiques, même si à l'inverse les mises en scène qui permettent de renforcer cet érotisme relèvent du fantasme et de l'improbable. A travers la pin-up, il est demandé aux femmes de se constituer comme objet « naturellement » séduisant selon les règles sociales, esthétiques et économiques en vigueur. Le respect de la norme doit donc être un objectif capital qui mérite que les femmes lui consacrent une grande énergie et un part de leur pouvoir d'achat. La conformité esthétique serait ainsi reconnue par le groupe comme symbole d'une volonté d'intégration et donc la preuve d'un mérite. Mais pour que ce mérite soit complet, l'effort ne doit pas être trop visible. La norme doit être incorporée pour apparaître comme « naturelle ».

Les magazines donnent de très nombreux conseils destinés à montrer aux lectrices comment elles peuvent, elles aussi, atteindre l'état idéal d'esthétique glorifié tout au long des magazines. Ces articles énoncent la règle et donnent le mode d'emploi pour y accéder. Sans la méthode, la norme pourrait être rejetée comme une utopie irréalisable. La méthode remplace la norme dans un contexte pratique qui lui donne toute sa valeur. Si la conformité est un devoir et si ce devoir est à la portée des femmes, la conformité devient une règle générale.

3. Barbie, une pin-up en trois dimensions ?

3.1 D'une pin-up en deux dimensions à une pin-up en trois dimensions.

Serait-ce parce que les convenances interdisent encore d'interroger les femmes sur leur âge que les média entretiennent le flou sur la date de naissance de Barbie ? 1959 (première présentation lors d'une exposition commerciale de fabricants de jouets à New York) est, en effet, l'année officiellement retenue. Pourtant l'histoire de Barbie commencerait déjà en 1951. Néanmoins, elle ne débute pas, comme beaucoup peuvent le supposer, en Amérique mais à Hambourg, en Allemagne. Barbie est, en réalité, l'identité nouvelle d'une jeune femme qui se prénommait Lilli. En effet, Lilli est d'abord une femme dessinée produite par un dessinateur de presse du nom de Reinhard Beuthien qui travaille pour le nouveau journal Bild Zeitung : « assurément, dans cette Lilli, il se cache toujours quelques chose d'enfantin. Certes, c'est une jolie fille désinvolte et insolente, mais personne ne peut prouver qu'elle n'est plus innocente. Nous avons un lectorat en partie très sensible, qui souvent achète le journal Bild avant de monter dans le tramway ; les lecteurs y cherchent ?ce que dit Lilli aujourd'hui?, puis jettent le journal dès qu'ils sont arrivés à destination. Si dans la rubrique de Lilli, je dérapais une seule fois en donnant dans le mauvais goût, non seulement l'affaire de Lilli aurait été réglée, mais c'est le journal dans sa totalité qui en aurait fait les frais »81(*). Lilli est un sex-symbol mais elle est à la fois aguicheuse et naïve, provocante et inoffensive. Outrageusement féminine, elle garde toutefois la candeur d'un bébé. Tout comme avec les pin-up, une légende à double signification accompagne Lilli à chaque apparition. La rédaction de la légende est plus problématique et plus délicate que le dessin lui-même. Le texte doit être rédigé dans un esprit frivole, naïf, insolent, drôle, bête et prétentieux à la fois, autant de tonalités qui complètent l'ambiguïté et la compréhension du message. Lilli peut être associée au type de la jolie jeune fille sexy. Elle est un peu naïve, flirteuse, prétentieuse à sa manière, très insolente et très libérale dans le message de ses charmes corporels. Un type de femme plutôt extraordinaire pour le citoyen moyen.

Trois ans après avoir couché sa Lilli sur le papier, en 1955, Reinhard Beuthien imagine voir sa Lilli debout. En effet, l'énorme intérêt que suscite d'emblée l'astuce quotidienne du Bild amène le dessinateur à penser que le succès peut être renforcé avec la diffusion de cette effigie produite en trois dimensions, à remettre comme cadeau de la maison d'édition du Bild. On ne la destine alors pas plus aux hommes qu'aux femmes. On l'envisage tout simplement comme quelque chose que chacun associe immédiatement au journal Bild, une identification systématique qui bien sûr fait un joli cadeau, en un mot, quelque chose d'agréable à regarder. Après plusieurs prototypes, le 12 août 1955, la société Greiner & Hausser GmbH, basée en Bavière, lance sur le marché allemand une poupée adulte en plastique de couleur chair. Elle mesure 29 cm, son visage remodelé exhibe des lèvres insolentes, un nez en trompette, un regard de biche. Les cheveux blonds platine sont lissés vers l'arrière et retenus en queue de cheval. La poupée Lilli fait sa première apparition à la Foire du Jouet de Nuremberg et se vend alors dans de très nombreuses boutiques allemandes, puis dans d'autres pays : Suisse, Autriche... C'est lors de vacances familiale en Suisse, au cours de l'été 1956, que Ruth Handler, directrice avec son époux Elliot Handler de la société industrielle de jouet Mattel (créée en 1945), rencontre fortuitement la poupée Lilli. Elle achète plusieurs modèles de cette poupée et la ramène aux Etats-Unis. La société Mattel se lance alors dans la fabrication de poupée en plastique, sur le modèle de Lilli, qu'elle nomme Barbie.

De prime abord, Lilli et Barbie ont une morphologie parfaitement identique. Si leurs poids diffèrent compte tenu des progrès technologiques permettant l'utilisation de matériaux plus performants, leur taille, 29 cm, comme leurs mensurations (99-48-84 à l'échelle humaine) sont semblables. La continuité entre les deux stars se lit aussi dans la finesse de la jambe élancée et dans le galbe du mollet. Lilli et Barbie exhibent pareillement de longs bras, des mains fines, des hanches étroites, une taille de guêpe et une poitrine ronde et généreuse. L'une comme l'autre ont un port de tête plutôt altier découvrant un long cou. Aucune différence notoire dans l'allure physique générale des deux pin-up. Pourtant Handler ambitionne d'intégrer Barbie à la culture américaine et elle se donne les moyens de réussir cette acculturation. Elle va alors gommer les expressions trop provocatrices de Lilli : on affine la bouche, on modifie la moue boudeuse en un joli sourire, on allège les sourcils. L'aguicheuse originelle doit se faire oublier au profit d'une nouvelle égérie respectable. Barbie doit alors respirer la santé à travers son apparence physique soignée et elle doit aussi exprimer le bon goût dans son style vestimentaire. Barbie est alors prête à être présenté à son public. En 1959, sur le tremplin du succès à la Foire du Jouet de New York, Barbie exhibe un teint délicat, des yeux en amande, des sourcils allégés, une petite bouche rouge souriante. Son mini maillot de bain rayé noir et blanc met en valeur son corps idéal, sa taille de guêpe. Elle est déjà proposée avec une foule d'accessoires : boucles d'oreilles, chaussures à talons, lunettes de soleil, ongles vernis.

Avec l'apparition de Barbie dans le monde des jouets, on assiste au passage d'une poupée enfant à une poupée femme. Le succès de Barbie est impressionnant. Selon les chiffres de Newsweek du 20 février 198982(*), Barbie atteint en 1963 les 5 millions d'exemplaires au Etats-Unis, en 1988 les 20 millions, en 1989 les 30 millions d'exemplaires. La même année, 50 millions d'exemplaires de la poupée mannequin sont vendus dans le reste du monde. En 1983, 20 millions de vêtements de Barbie ont été fabriqués. Et depuis 1959, 650 millions d'exemplaires de Barbie ont été vendus.

3.2 Un corps idéal.

Dans les années soixante, la volonté d'uniformisation et de standardisation du corps féminin par rapport à un modèle normé, est renforcée par la création de la poupée Barbie. Ce jouet, destiné aux petites filles, leur offre une vision idéalisée de la féminité tout comme les pin-up. Barbie est bel et bien une pin-up en trois dimensions. Parmi les objets produits par la culture populaire mondiale, Barbie s'est imposée comme icône du corps qui concentre les symboles de la culture de consommation et de la société post-moderne : corps superbe mis en scène avec des biens de consommation innombrables et toujours renouvelés, notamment sa garde robe infinie, corps apprêté usant des cosmétiques, suivant la mode, corps éternellement jeune adapté aux caprices du changement social et culturel.

Deux ans après sa naissance, les créateurs de Barbie décide d'adoucir les traits de son visage, puis tous les sept ans, son visage, toujours enfantin, est redessiné afin de correspondre aux tendances actuelles. Après les années soixante, les concepteurs de Barbie ont le souci de présenter une femme moins sophistiquée, plus naturelle. Son regard prend de la profondeur, l'iris blanc devient bleu, le sourcil arqué plus légèrement courbé. Les gros anneaux qu'elle a coutume de porter aux oreilles sont remplacés par de simples perles et disparaissent même en 1965. En 1963, elle peut changer de coiffures grâce à des perruques. Au fur et à mesure, la souplesse de Barbie va être amélioré : en 1964, elle peut plier les genoux et ses yeux s'ouvrent et se ferment. Un an plus tard ses jambes sont articulées. En 1967, son buste pivote. Par ailleurs, l'expression de son regard est plus jeune, plus tonique, plus innocent. La poupée a de grands yeux bordés de longs cils, le teint plus clair encore, les cheveux ont poussé. Elle peut parler en 1968, en 1970 ses mains peuvent s'articuler et il est possible de lui friser les cheveux. A partir des années soixante-dix, le monde Barbie s'agrandit considérablement : des soeurs, des amies et un fiancé.

Ce corps spectaculairement féminin, tout comme celui des pin-up, est poussé à l'extrême, jusqu'à l'irréel. Barbie est, elle aussi, un assemblage de signaux sexuels hypertrophiés : seins volumineux, taille de guêpe, hanches plutôt étroites, jambes galbées et longues, fesses bombées, jolie chute de rein et un visage enfantin. Barbie également ne cherche pas à être réelle : elle n'a pas de sexe, pas de poils. Elle est un fétiche de la féminité et non de la maternité, ses seins par exemple, ne sont pas destinés à allaiter mais à « être femme », c'est pourquoi elle n'a pas de mamelons et ses hanches sont étroites. Barbie est une reconnaissance visuelle globale et immédiate de la féminité.

Modelée sans le moindre défaut, Barbie est surtout une icône corporelle, façonnée pour correspondre à des normes culturelles occidentales qui définissent un corps beau et désirable : peau claire, cheveux blonds, yeux bleus, nez retroussé, silhouette longue et mince. Le corps de Barbie offre à chacune, ce à quoi s'identifier, ce qu'il faut imiter - même inconsciemment dans la plupart des cas. Elle permet une projection dans le futur aux petites filles, preuve en est les nombreuses lettres que reçoit le Barbie Fan Club (créé en 1961) ; en 1963, Newsweek en compte plus de 10000 par semaine83(*). Avec Barbie, la fillette s'exerce à être femme, elle se prépare à ses rôles futurs de femmes auxquels elle sera tenue de se conformer sous peine de ne pas être socialement acceptée. Barbie apprend aux petites filles à être des femmes, à la fois consommatrices et consommables.

3.2 Un corps symbole de la société de consommation.

Un des éléments d'identification est son évidente jeunesse. La société de consommation, à partir des années trente érige la jeunesse comme reconnaissance sociale d'un modèle idéal. Le fait que Barbie triomphe sur le vieillissement lui confère certainement un attrait puissant. Le fait qu'elle n'ait pas d'âge résume peut-être sont statut fabuleux en même temps qu'il scelle sa féminité. Le corps de Barbie est tout à la fois extrêmement clair, jeune, de type classe moyenne américaine, en parfaite forme et terriblement hétérosexuel.

Un autre aspect impérieux de Barbie, c'est sa propension naturelle à dépenser, à consommer pour s'accomplir, son inclinaison à se réaliser dans les activités multiples de loisirs en jouissant de tous les biens matériels et des accessoires qui y sont attachés. Rémanences de l'imaginaire social ? Ses comportements semblent bien s'inscrire dans le fil droit de ce que la société américaine a valorisé. Perchée sur ces talons hauts qui devraient, logiquement, lui interdire certaines activités matérielles, Barbie s'affiche en conformité avec l'image américaine d'une certaine féminité oisive, originellement investie d'une mission sociale, celle de valoriser l'homme blanc qui s'est fait une place dans la société américaine, qui s'est intégré en réussissant sa promotion sociale.

Le statut de classe moyenne de Barbie penche très nettement vers une aisance extrême, sorte de préalable imposé par son élégante féminité faite de vêtements, maquillage, accessoires à la mode, mobilier de luxe et de consommation continue, tout comme une partie des pin-up. Elle réalise le fantasme du crédit illimité et de la consécration du bonheur à travers l'acquisition de biens matériels qui sont socialement connotés (voiture de sport, tenues particulières pour chaque activités, accessoires de loisirs...). Dans l'univers de Barbie, il est important de s'entourer de tous les signes extérieurs de richesse pour prendre du bon temps, de soigner les apparences et de suivre toutes les modes. La consommation ostentatoire est sans cesse réactualisée.

Barbie est son corps, il est le centre de son univers de consommation : « Barbie est l'exemple d'une synecdoque postmoderne qui mérite une analyse approfondie non seulement de ce qu'elle révèle à propos du corps, mais aussi de ce qu'elle nous apprend sur cet âge posthumaniste où les corps deviennent, au moins symboliquement, la totalité de la personne. Le jeu principal avec Barbie est de l'habiller et de la déshabiller dans un environnement de luxe et d'objet. Elle évolue dans un univers capitaliste où le corps (avec les objets) est le capital. Dans les questions culturelles, quand les éléments du corps en viennent à symboliser la personne entière, le postmodernisme sombre dans le posthumanisme. La personne se résume alors à un agrégat d'artifices qui ne cessent de se développer de façon complexe à partir de techniques commercialisées84(*) ».

Le corps de Barbie défie toutes les idées « naturelles » qui semblent aller de soi, au sujet des corps humains. Son corps laisse transparaître un message : à condition d'avoir les ressources financières et surtout une ferme détermination, le corps peut presque devenir une matière malléable entre les mains du moi sculpteur. Mais les outils dont nous avons besoin pour sculpter sont presque entièrement des biens et des services fournis par les entreprises. Le corps de Barbie représente donc un support de consommation pour les technologies du corps. Cette caractéristique fait du corps : « un instrument d'aérobic, un objet pour la chirurgie, pour le maquillage, l'expérience diététique85(*) » c'est-à-dire un projet permanent visant à dénier la « nature » en traduisant des fantasmes en apparence de réalité.

Barbie est alors un corps qui symbolise « l'émergence du technocorps dans la culture des biens de consommation86(*) ». Habillée, coiffée et accessoirisée comme elle l'est toujours, Barbie intègre à la perfection le traditional exhibitionist role87(*) (la fonction traditionnelle de représentation) de la femme au début du XXe siècle. Barbie demeure très conformiste ; en s'articulant autour de frivolité, des loisirs, son mode de vie ne s'éloigne pas des diktats sociaux fondateurs. Son apparence physique, sa célébrité et son matérialisme outrancier apparaissent comme une expression caricaturée des attributs que l'Amérique du Nord a vénérés et valorise toujours.

Le processus de construction de la féminité est alors complètement géré et orienté par la société de consommation. On propose aux petites filles grâce à Barbie puis aux jeunes filles et aux femmes au travers les magazines féminins et à la publicité un modèle corporel induisant chez le sujet une pratique double de son propre corps : celle du corps comme capital, celle du corps comme fétiche (ou objet idéal de consommation). Dans les deux cas, il importe que le corps, loin d'être nié ou omis, soit délibérément investi.

Partie II : La pin-up et son genre, les premières déclinaisons.

I. Les pin-up des autres pays.

Précédemment dans le premier tome, nous nous étions principalement attachés à analyser les pin-up américaines. Nous nous étions penché aussi sur les artistes français de pin-up et leurs oeuvres : Brenot, Okley, Aslan. Or la pin-up apparaît également durant les années trente dans les magazines masculins d'autres pays et plus particulièrement les revues allemandes. Ces publications sont issues de l'Allemagne de l'ouest qui se trouve du côté du capitalisme. Nous retrouvons donc ici, les pin-up en tant que symbole d'une économie florissante et d'un avenir optimiste. Nous reviendrons aussi sur la production française et plus particulièrement sur un artiste : Gino Boccasile dont les pin-up sont graphiquement légèrement différentes de l'iconographie classique de cette figure féminine.

1. Allemagne et ses pin-up, symbole de renouveau économique.

1.1 Une tradition du corps nu.

Au cours de la première moitié du XXe siècle, des associations de « culture physique » et des communautés nudistes fleurissent dans les pays d'Europe, comme la France, la Suède et l'Autriche-Hongrie, mais c'est surtout en Allemagne que l'adamisme va attirer des centaines de milliers d'adeptes de toutes classes, régions, professions, religions et tendances politiques88(*). C'est également dans le monde germanophone que les magazines nudistes et « de la réforme de vie » défient le statu quo social et religieux, s'imposant dans la sphère civique. Dans une large mesure, avant 1940, l'image du corps nu est celle des dieux et déesses nordiques aux yeux bleus traînant derrière eux une progéniture blonde et svelte, batifolant béatement dans un air pur et un décor sain de champs, de ruisseaux et de rivages champêtres89(*).

La Grande Guerre, l'abdication du Kaiser et le déshonneur de l'armistice changent définitivement l'Allemagne. A l'époque de la République de Weimar, Berlin, avec ses prostituées, ses homosexuels et ses cabarets, devient l'incarnation même de la décadence. Par réaction, à partir de 1919, les vieux pionniers du nudisme, à présent rebaptisés Freikörperkultur (Culture du corps libre, ou FKK), publient de nombreux périodiques ou gazettes trimestrielles tels que le proto-nazi Nacksport (Sport nu) ou Der Leib (Le corps)90(*). Parmi les illustrations, un thème revient sans cesse : une fille naturiste et saine opposée à une fille de mauvaise vie. Le plus souvent, un photomontage juxtapose des images de femmes insouciantes dans le plus simple appareil, se lançant des medicine-balls à celles de prostituées photographiées la nuit, le visage ricanant, posant devant les vitrines de grands magasins à l'américaine.

A la mi-mars 1933, la République de Weimar cède la place au Troisième Reich d'Adolf Hitler. Dans un premier temps, la plupart des associations nudistes et leurs publications ne sont pas inquiétées, puis, au cours de l'été de la même année, elles sont « aryanisées »91(*) (idéalisation du corps féminin selon les canons esthétiques aryens associés à la mythologie nordique très visible).

De manière générale, les revues de charme d'avant la Seconde Guerre Mondiale sont sophistiqués, excentriques et typiquement germaniques dans leur contenu et dans leur forme. Ceux produits à et autour de Berlin entre 1925 et 1933 sont du même niveau que les français de la même époque : les plus extravagants jamais réalisés (originalité des mises en scène, modèles hétérogènes...). Lorsque l'édition allemande reprend après la guerre, ce qu'elle fait aussi rapidement que dans la plupart des autres pays d'Europe, ses publications sont nettement plus modestes. Les magazines nudistes se concentrent désormais sur la santé et la beauté, rien de plus. Les magazines de nu artistique ne se distinguent en rien de ceux produits dans toute l'Europe du Nord.

Reigen, le Playboy du Berlin des années vingt, rendu rachitique par les pénuries de papier, est contraint de s'exiler en Autriche. Bolero, à l'origine un périodique de cinéma, mélange des pin-up et les photos de stars de cinéma dans une imitation pâlotte de Paris Hollywood. Gondel possède de magnifiques couvertures avec des pin-up, mais l'intérieur contient un mélange similaire de vedettes de cinéma européennes et américaines et d'articles d'intérêt général saupoudrés de quelques nus artistiques insipides. Paprika est légèrement plus pimenté et l'un des rares à oser aborder des questions sociales liées à l'après guerre sous sa devise « Das Magazin fur Optimisten » (« le magazine des optimistes »). Mix, Neue Melange et Top Fit copient les digests français axés sur les modèles aux longues jambes. Neues Kriminalmagazin, publié à partir des années quarante, mélange les faits divers, les histoires sordides et des nus faisant des cabrioles tandis que Venus, au graphisme Art Déco, propose un poster central dans chacun de numéros. Un des numéros de l'année 1949, montre dans son poster central une fumeuse d'opium, comme un dernier sursaut du Berlin d'autrefois. Au début des années cinquante, le magazine Vénus, a été reconstruit selon les demandes du marché de l'érotisme.

1.2 Regard sur les pin-up allemandes.

Les pin-up présentes sur les couvertures des magazines tels que Gondel, Paprika ou Mix s'inscrivent dans la tradition des pin-up américaines. Les pin-up allemandes possèdent, tout d'abord, la même plastique que leurs cousines américaines. Elles ont, elles aussi, un visage enfantin et frais. Elles portent systématiquement les accessoires de séduction les plus courants.

Ces pin-up allemandes, vêtues selon la dernière mode, portent des vêtements très sexy qui mettent en valeur leurs formes féminines. En tant que sex-symbol, elles ne doivent pas se déroger à cette fonction, il n'existe pas ou peu de pin-up en pantalon. Il arrive souvent que, comme leurs homologues américains, les artistes allemands pour rendre leurs pin-up plus sexy, les vêtissent d'un déshabillé de voile.

Les mises en scènes dans lesquelles elles apparaissent sont aussi issues du quotidien. Par exemple, une couverture de Gondel datant de 1952 présente une pin-up en petite tenue (culotte et soutien gorge blanc) et talons aiguilles, allongée sur le dos pour pratiquer ses exercices de mises en formes (abdominaux) (Ill. 61). Elle soutient son bassin avec ses mains dont les ongles sont vernis. Une de ses jambes est légèrement repliée. Derrière elle, on devine un décor de chambre : rideau vert et paravent mauve. Cette pin-up blonde, regarde le voyeur en souriant comme les pin-up américaines. Mais à la différence celles américaines, les pin-up allemandes, pour la grande majorité, regardent le spectateur de manière plus franche, présupposant évidemment que celui-ci est un homme. Ce regard franc et séducteur renforcé par un sourire enjoliveur permet là aussi de déculpabiliser le spectateur-voyeur. Les figures féminines allemandes s'inscrivent alors dans un autre registre, celui de la complicité et de la confiance, en comparaison avec leurs cousines américaines. L'invitation est plus directe, le regard, renforcé par le sourire, est plus incitateur (Ill. 62, 63).

Par contre, comme avec les pin-up américaines, la crédibilité de la mise en scène importe peu : dans la couverture de Gondel la pin-up fait ses exercices sportifs en talons aiguilles et sous-vêtements. Les artistes allemands instrumentalisent eux-aussi la scène afin de découvrir, dévoiler la lingerie de leurs filles. Dans la couverture décrite précédemment, la position peu commune de la pin-up permet à l'artiste de mettre l'accent sur les jambes de celle-ci. En effet, les deux tiers de la couverture du magazine sont occupés par les jambes fines et lisses de la pin-up.

D'autres magazines allemands utilisent aussi ce procédé : un numéro de Mix de l'année 1950 présente une pin-up qui s'apprête à sortir (Ill. 64). Elle est vêtue d'une robe de soirée en soie ou satin bleu métallisé. Sa poitrine est mise en valeur grâce à sa robe bustier et à la rose décorative placée entre ses deux seins. Elle est accessoirisée : talons hauts et immenses gants assortis à la robe. Un jeune groom derrière elle lui tend son manteau de fourrure. Il semble déstabilisé par la belle. En effet celle-ci a remonté sa robe jusqu'en haut de ses cuisses pour pouvoir fixer ses bas aux agrafes de son porte-jarretelles, nous dévoilant ainsi ses longues jambes ornées de bas couleur chair.

On retrouve également une série de pin-up surprises. La couverture du magazine Cocktail, par exemple, propose une pin-up en train de s'habiller dans sa chambre (Ill. 65). Elle porte juste ses sous-vêtements (culotte et soutien-gorge), ses bas noirs et ses escarpins. Elle est en train d'enfiler une chemise lorsqu'elle est surprise. Elle nous regarde, la bouche légèrement ouverte entre sourire et interrogation. L'homme n'est pas coupable de la surprendre. Les scènes d'intérieur offrent la possibilité au spectateur masculin d'entrer dans une intimité support de fantasmes et de ce fait renforcent le côté voyeuriste cher à nos artistes de pin-up. Le contexte est mis au service du voyeur. Les artistes allemands respectent ainsi le code graphique des pin-up.

Comme les périodiques américains, ceux allemands emploient des pin-up en couvertures pour « doper » leurs ventes. Le numéro de mois de décembre 1950 du magazine Gondel propose, comme une grande majorité de revues durant cette période de fête, une pin-up de Noël (Ill. 66). Celle-ci est vêtue du costume du Père Noël, légèrement arrangé de manière à ce que celui-ci soit beaucoup plus sexy : bottines rouges à talons, ornées de fourrure blanche, jupe courte rouge ourlée d'une bande de fourrure blanche et enfin un soutien gorge rouge agrémenté lui aussi de fourrure. Elle porte une toque égayée d'une branche de houx. Assise sur des cadeaux, les jambes croisées, elle est en train d'allumer des bougies disposées sur une couronne de sapin. Derrière elle, un feu de cheminée dégage une lumière douce et chaude, ce qui renforce l'érotisme de cette scène. Tout comme les artistes américains, les dessinateurs allemands jouent avec des couleurs chaudes : rouge, orangé, rose pour leurs pin-up. Ces couleurs vives renforcent le côté jeune, frais et gai des pin-up.

Les magazines de charme allemands des années cinquante, dont de très nombreuses pin-up ornent les couvertures, vont eux aussi participer à la mondialisation de cette représentation féminine stéréotypée qu'est la pin-up. Symboles d'abondance et d'une économie en pleine reconstruction puis en expansion, les pin-up s'établissent sur le Vieux Continent, en tant qu'ambassadrices du plan Marshall, constituant alors une aide symbolique. Dans l'Allemagne reconstruite, et plus particulièrement dans l'Allemagne de l'ouest, les modèles de prospérité, d'optimisme et de réussite sont survalorisés comme symbole d'un renouveau et d'une renaissance économique, politique et culturel.

Une couverture de Paprika de 1950 résume bien ce nouvel espoir de reconstruction financée par les Etats-Unis (Ill. 67). Une pin-up rousse, typiquement germanique, vêtue d'une petite jupe verte assortie à son soutien-gorge et ses escarpins, semble tombée du ciel. Son grand sourire, ses joues rouges et ses yeux rieurs soulignent sa gaîté. Sa chute dévoile ses bas, son porte-jarretelles et les dentelles de sa culotte. Au sol quatre hommes disposés à chaque coin tiennent un immense billet vert allemand comme pour amortir la chute de la jeune fille. Ce magazine dont le slogan est « le magazine de l'espoir » remplit bel et bien sa mission avec cette couverture très symbolique.

2. Les pin-up de Gino Boccasile.

2.1 La presse coquine française après la Seconde Guerre Mondiale.

Dès la fin de la Seconde Guerre Mondiale, Paris Hollywood rouvre la porte à la presse érotique française et un tas d'autres publications lui emboîtent le pas. La Vie Parisienne et Paris Sex-Appeal ont survécu mais d'autres revues de grande qualité telles que Beauté et Paris Plaisirs ont succombé aux pénuries de papier, d'argent et de main d'oeuvre. Les GI's américains stationnés en France raffolent de digest imprimés sur papier sépia comme Paris-Folies et Paris-Frivole, qui mêlent des photos recyclées des années vingt et trente à l'humour de corps de garde. Mais pour la création française, ces magazines bon marché marquent un creux déprimant dans sa riche histoire érotique92(*).

Lorsque Paris Hollywood voit le jour en 1946, il annonce le retour d'une vraie édition de charme. Quand il devient plus explicite en 1948, il entraîne dans son sillage toute une série de digests inattendus. Les digests français connaissent leur âge d'or entre 1949 et 1955 même si, une fois établi, le format reste populaire jusque dans les années soixante-dix. Leur contenu évolue plus ou moins comme les digests américains, des bas et de la lingerie à la nudité intégrale, puis l'accent est mis sur le pubis, aux poses jambes écartées et enfin sur les simulations de rapports sexuels. A mesure qu'ils changent, leur qualité d'impression et de production baissent jusqu'à ce que plus rien ne les distingue des digests scandinaves les plus bas de gamme93(*). Sans doute, comme partout ailleurs, les éditeurs trouvent-ils que leurs lecteurs sont de moins en moins exigeants à mesure que le contenu devient de plus en plus explicite.

Les digests les plus singuliers des années quarante et cinquante sont publiés par les éditions Extensia (Régal, Sensations, Chiche, Rose et Noir et Paris Tabou) et leurs rivales, les éditions R.M Dupuy (Paris Gai, Paris Sourire, Moi et Toi). Les deux maisons offrent des impressions en noir et blanc de haute qualité, sous forme de photos de style film noir. Chacune a son artiste attitré qui lui apporte sa touche de distinction. L'artiste de la maison Dupuy est un illustrateur de bandes dessinées nommé J. David. Ses plantureuses héroïnes sont une sorte de croisement entre Daisy Mae et une péripatéticienne parisienne94(*).

L'italien Gino Boccasile crée les couvertures humoristiques de Paris Tabou. Toutes ses images incluent la mascotte de la maison, un garçonnet espiègle tracassant une beauté voluptueuse. Boccasile né en 1901 en Italie, entre à l'âge de 24 ans à l'agence Mauzan-Morzentia et travaille sous la direction de Achille Mauzan. Après un voyage à Paris et en Argentine, il retourne dans son pays natal durant les années trente et réalise alors de nombreuses affiches et publicités pour Pitigrilli. Avec l'arrivée au pouvoir de Mussolini, ses talents sont mis à contribution, il peint de nombreuses affiches de propagande pour le régime fasciste. Durant le conflit, il quitte l'Italie pour se réfugier en France et trouve du travail auprès des éditions Extensia. Il réalise alors un grand nombre de couvertures pour le magazine Paris Tabou. Au début des années cinquante, Extensia abandonne ses revues de charme pour se reconvertir dans les livres pour enfants et Boccasile continue à peindre son chenapan sans ses victimes sexy. Après être rentré en Italie, il décède en 1952.

2.2 Les pin-up de Gino Boccasile.

Tout comme les pin-up, les filles de Gino Boccasile atteignent une plastique idéale. On remarquera néanmoins que les pin-up de Gino sont légèrement plus plantureuses que les américaines : les cuisses, les hanches sont plus marquées. Leur buste est un peu moins fin ainsi que leurs épaules. Elles ont, dans leurs formes maternelles, quelques liens avec les femmes italiennes des affiches de propagande. Gino Boccasile dessine des pin-up plutôt méditerranéennes. Elles sont plus européennes et moins universelles que leurs homologues américaines. Il les présente avec les accessoires de séduction usuels. Elles sont, elles aussi, souriantes, pleine de vie et de jeunesse. Les scènes dans lesquelles apparaissent ses pin-up sont également des scènes de vie quotidienne. La grande différence avec les autres dessinateurs de pin-up réside dans le fait que Boccasile emploie un petit garçon pour instrumentaliser la scène afin de découvrir les accessoires érotiques ou des zones du corps féminins.

Ce garçonnet qui ressemble fortement au chérubin de la Renaissance italienne, tourmente les pin-up. Vêtu comme les enfants de six ans (short et tee-shirt), le garçon aux joues rouges apparaît systématiquement dans toutes les couvertures de Paris Tabou. Très espiègle, il profite et nous fait profiter de toutes les situations, volontairement ou non. Dans la couverture de Paris Tabou numéro 15 de l'année 1950, il dessine des moustaches à une pin-up endormie (Ill. 68). Celle-ci est juste habillée d'un peignoir de satin rouge, dévoilant ainsi ses jambes. Mais nous pouvons aussi apercevoir sa poitrine car en grimpant sur le haut de fauteuil, le garçonnet a coincé son pied dans les plis du tissu encartant du coup ceux-ci. Même scénario pour le Paris Tabou numéro 6 de la même année, le garçonnet effrayé par un cygne s'accroche aux hanches et aux fesses de la pin-up (Ill. 69). Celle-ci en robe blanche à bustier et talons assortis perd légèrement l'équilibre. Le petit garçon, ainsi accroché, soulève avec son pied la jupe, et nous offre ainsi une vue sur les bas de la jeune fille. Gino Boccasile avec ce petit garçon respecte le code graphique des pin-up, puisqu'il les présente dans une situation improbable et irréelle. Il se place dans la continuité de l'iconographie des pin-up tout en renouvelant légèrement le genre. Grâce au petit garçon, le voyeur est alors matérialisé et le spectateur devient un voyeur indirect par un truchement subtil.

Tout comme les autres dessinateurs de pin-up, afin d'éviter la censure, Gino présente ses pin-up dans des vêtements sexy ou en déshabillés. Mais ces déshabillés sont d'autant plus érotiques et supports de fantasme qu'ils sont parfois malencontreusement mouillés, notamment dans la couverture du numéro 91 de Paris Tabou datant de 1952 (Ill. 70). La pin-up est étendue sur un lit. Sa cigarette oubliée est posée à coté du cendrier ; elle est encore allumée. Le petit garçon muni d'une lance à incendie intervient pour éteindre le début de feu, mouillant alors le déshabillé de la jeune femme. Sa nudité et ses formes sont ainsi moulées par le tissu plaqué et dévoilées par transparence.

Une autre couverture du même magazine, celle du numéro 30 de l'année 1952, nous propose une pin-up qui est en train de s'habiller (thématique très commune à l'univers des pin-up) (Ill. 71). Elle porte uniquement des bas et des chaussures à talons. Un tissu (une serviette ou un vêtement) est disposé de telle manière à cacher son sexe. Elle tient son porte-jarretelles noir à pois blancs devant elle, perplexe. Un de ses bras masque habillement une partie de sa poitrine dévoilant juste l'arrondi du sein et le téton. En regardant de plus près on s'aperçoit qu'il manque une des quatre jarretelles servant à attacher le bas. Près du gros coussin sur lequel est assis la pin-up, le petit garçon essaye son nouveau lance-pierre dont l'élastique n'est autre que la jarretelle manquante. Les bêtises de ce petit garçon profitent alors au spectateur, ce qui rend le petit garnement d'autant plus touchant.

Avec ce dispositif, ce couple pin-up-garçonnet espiègle, Gino renouvelle l'art des pin-up tout en restant dans sa tradition : instrumentalisation de la mise en scène pour dévoiler le corps féminins et l'érotiser. Cette érotisation reste légère et innocente grâce à la présence de l'enfant qui renforce aussi le côté improbable mais aussi humoristique du dessin. Le voyeur a alors un complice physique au sein même du dessin. Certains artistes américains tel Harry Ekman, ont souvent utilisé un chien dans leurs mises en scène afin de dévoiler les dessous de la pin-up. Mais Gino Boccasile avec la présence de ce chérubin permet une projection plus réelle du spectateur. Comme si le spectateur agissait par procuration. L'enfant met finalement en scène les fantasmes masculins. Grâce ce chérubin, l'homme pénètre dans l'intimité des femmes, intimité à laquelle ont accès les enfants seulement durant leur jeunesse. La présence du garnement permet aussi aux spectateurs masculins de renouer avec leurs premiers fantasmes et émois. Comme un nouveau éveil de leur sexualité. Le garçonnet est une sorte de « madeleine de Proust » pour les hommes. Il leurs rappelle la proximité perdue du monde féminin en échange du désir. Il est symbole de la perte de l'innocence enfantine pour le gain de la sexualité.

Après la Seconde Guerre Mondiale, l'iconographie américaine des pin-up, alors en pleine expansion, va trouver des échos dans d'autres pays européens et notamment en Allemagne, car elles symbolisent alors un monde insouciant et optimiste, plein d'espoir pour l'avenir. Elles deviennent presque garantes d'une économie florissante et abondante. A l'inverse de leurs homologues américaines, ces figures féminines allemandes ont un regard plus direct. Leurs invitations sexuelles sont plus franches. Mais la pin-up trouve aussi un public en France. Gino Boccasile renouvelle alors leur genre en incluant un voyeur complice et substitut du spectateur voyeur. Ce procédé va être utilisé aussi durant la même période, les années cinquante, par un artiste américain de pin-up, un peu particulier, Bill Ward.

II. Un artiste particulier Bill Ward.

Dans nos premiers travaux sur les pin-up, nous avions volontairement fait le choix de ne pas étudier les oeuvres de l'artiste Bill Ward. En effet, au regard de toute sa production, de nettes différences apparaissent. Les filles de Bill Ward ne sont plus tout à fait des pin-up et constituent peut-être une transition entre le genre classique du dessin de pin-up et les nouvelles figures féminines érotiques. Cet artiste modernise alors le genre grâce à son style particulier, le dessin au crayon à papier Conte, mais aussi grâce à de nombreuses caractéristiques visuelles. Pourtant ses femmes dessinées, par leur graphisme s'inscrivent bel et bien dans l'iconographie des pin-up.

1. Le parcours artistique de Bill Ward.

1.2 Des débuts prometteurs.

William Hess Ward naît en mars 1919 dans le quartier de Brooklyn, à New York. Adolescent, il enchaîne les petits boulots : d'abord en travaillant l'été sur les bateaux de l'United Fruit Co., dont son oncle Irv est président et son père Wallace le chef comptable, puis en décorant, l'année suivante en 1936, des beer jackets pour les adolescents d'Ocean City dans le Maryland  : « c'était la première fois que je me rendais compte que le dessin pouvait être autre chose qu'un passe-temps [...] C'étaient des blousons en jean blanc que les ados portaient pour boire de la bière. On les décorait avec des phrases du genre "Oh, toi ! Prends moi, je suis à toi". Moi je décorais les miens avec des filles et des sirènes. Sur la plage, les mecs m'ont demandé de décorer leurs blousons. Je faisais payer 1 dollar par blouson et j'en ai fait des centaines, ce qui m'a permis de passer l'été dans cet endroit de rêve. Ce qui m'impressionnait le plus, ce n'était pas de gagner de l'argent en dessinant - cela, sans aucune formation artistique-, mais le fait que c'était une façon géniale de rencontrer des filles. C'est là que j'ai décidé de devenir artiste95(*) ». Il effectue ainsi son premier travail artistique rémunéré.

De 1939 à 1941, Bill Ward étudie l'art de l'illustration au Pratt Institute de Brooklyn. A la fin de ses trois années d'études, il est embauché par Jack Binder, qui lui apprend les nombreuses techniques de la bande dessinée : arrière-plan, crayonnage, encrage, hachage... En 1942, il quitte Jack Binder pour aller travailler pour Buzy Arnold chez Quality Comics, où il dessine et encre, entre autres, le célèbre Blackhawk et un recueil de Captain Marvel.

Mais la guerre le rattrape. Appelé sous les drapeaux le 7 décembre 1942, il continue de travailler de manière clandestine pour Quality pendant ses gardes de nuit à la base aéronavale de Quonset Point (Etat de Rhode Island). L'année suivante, il crée la bande dessinée Ack-Ack Amy pour le journal de l'armée : « une nuit, un lieutenant de marine est venu me voir et m'a dit : " Soldat Ward, on m'a parlé de l'entraînement auquel vous vous consacrez. Qu'est ce que vous diriez de voir votre travail imprimé au lieu de faire ces entraînements ridicules ? Vous pourriez faire une bande dessinée pour le Quantum Scout, un petit journal militaire. Les marins m'ont dit que vous saviez très bien dessiner les filles. Faites-en pour le Quantum Scout." On m'a forcé à la créer. Moi je ne voulais pas. Mais j'ai été littéralement obligé. Elle s'est d'abord appelée Ack-Ack-Amy (Amy la DCA), fille à matelots. Comme il y avait des marins chez nous, il fallait bien que ce soit une fille à matelots96(*) ».

En 1943, Bill est muté à Fort Hamilton dans le New Jersey et donne naissance à une nouvelle bande dessinée, toujours pour l'armée, intitulée Torchy : « Torchy a vu le jour. J'ai changé la couleur de cheveux de la blonde Amy, j'ai changé son nom et le tour était joué. Pour son nom, je voulais quelque chose de chaud. Pour être chaude, elle l'était ! J'avais d'abord pensé à Scorchy (Torride) car, pour moi c'était plus chaud que Torchy (Enflammée). Mais à l'époque, il y avait une bande dessinée qui s'appelait Scorchy Smith et je ne voulais pas avoir de problèmes avec eux. Je lui donc donné le nom de Torchy, qu'elle a toujours gardé depuis97(*) » (Ill. 72).

1.2 Une carrière prolifique.

Suite à la démobilisation, il retrouve sa place pour les six prochaines années chez Quality où il commence à dessiner et à encrer des numéros entiers de Blackhawk, des histoires de Torchy et maints numéros de Romance. Au printemps 1946, Torchy fait son entrée dans une revue de bande dessinée grand public. Trois ans plus tard, Torchy devient une publication Quality, entièrement dessinée par Bill Ward ou Gill Fox, mais est interrompue au bout de six numéros seulement : « Torchy a connu un vif succès. Elle a paru dans Modern Comics et dans Doll Man pendant environ trois ans. Ils recevaient tellement de courrier que Buzy a décidé d'en faire un livre. J'étais aux anges : cette blondasse que j'avais créée aller avoir un livre à elle toute seule98(*) ».

Mais le projet n'a pas lieu, car Torchy se retrouve sur la liste noire du docteur Frederic Wertham. Dans son traité Seduction of Innocent (1953), ce psychiatre critique les magazines de bande dessinée en soulignant les effets négatifs sur les gamins. Quality décide de laisser tomber son héroïne sulfureuse. A partir de 1947, Bill Ward commence à dessiner pour Humorama d'Abe Goodman. Partenariat de vingt années durant lesquelles l'artiste fournira à cette revue jusqu'à trente dessins au crayon Conte par mois. Nombre d'entre eux seront régulièrement republiés jusqu'au départ en retraite de Goodman au début des années 1980. Parallèlement à cette collaboration, Bill Ward, commence dés l'année 1953, à faire des dessins au crayon et à l'encre pour le magazine Cracked de Bob Sproul. L'année suivante il épouse Judy Bond. Bill Ward est de plus en plus sollicité pour ses talents de dessinateurs de femmes très sexy.

Jusqu'aux années soixante, il devient pigiste pour la « quasi-totalité » des magazines pour hommes (Adam, Stag, Modern Man) sous divers pseudonymes (McCartney, Ordway, Satana). Son succès artistique lui permet de multiplier ses productions : il réalise en 1963 une série de cartes des voeux pour Daisy Card Co qu'il signe Dori ou Babs  et illustre le catalogue de vente par correspondance de lingerie The Undie World of Lily St. Cyr. La même année, il crée ses premières illustrations pour les publications Eros Goldstripe de Lenny Burtman. En 1965, il produit au moins deux séries d'aquarelles signées McCartney pour la Hoover Calendar Co.

S'en suit une collaboration de treize ans avec le magazine Sex to Sexty durant lesquels Bill Ward fournit au moins vingt dessins au crayon et à l'encre par mois. Mais il continue aussi à créer des bandes dessinées aux héroïnes très plastiques : Pussycat voit le jour en 1967, série créée pour le premier numéro de Men's Annual, série reprise l'année suivante par Marvel Comics. A la fin des années soixante, il dessine la série de six ouvrages Bondage Trios pour Mr. Malkin. L'année 1970 est marquée pour la publication de Bill Ward's Women et A Sex-to-Sexty Special, anthologie de ces cinq premières années de dessins au trait. De 1979 à 1994, Bill Ward écrit et illustre une histoire mensuelle pour Juggs et Leg Show, revues publiées par George Mavety.

La renommée de Bill Ward s'étend ; en 1985, Red Stout réalise un documentaire sur lui intitulé : The Wonderful Women of Ward. La même année en avril, une exposition au Danceteria de New York lui est consacrée. Malgré ce succès, Bill continue de travailler et dessine de 1984 à 1989 une bande dessinée de quatre pages très osée (Sizzle jusqu'en octobre 1987, puis Debbie) pour le magazine Club. Il illustre aussi The Breast of Russ Meyer, autobiographie en trois volumes. En 1992, Bill écrit et réalise sa dernière bande dessinée Scorchy. La même année l'exposition The Wonderful World of Ward est organisée à la galerie La Luz de Jesus, à Los Angeles. Deux ans plus tard une autre exposition à la galerie Bess Cutler de New York le consacre. Il donne à la société Comic Image une licence pour commercialiser 50 Fabulous Years of Torchy, des cartes à collectionner, renouant ainsi avec la vieille tradition des pin-up sur les cartes mutoscopiques*. Bill Ward meurt en 1998 d'une série d'attaques cérébrales et des conséquences de la maladie de Parkinson.

2. Les Filles de Bill.

2.1 La touche de Bill.

Les filles de Bill, par leur plastique, s'apparentent au système pin-up. Certaines scènes dans lesquelles elles apparaissent sont également proches des mises en scènes plus ou moins crédibles de l'univers des pin-up (Ill. 74, 75). Les filles de Bill se signalent aussi par leurs accumulations de signes ou d'accessoires érotiques usuels. Avenantes, souriantes, souvent coquines, parfois faisant la moue, elles ont une frimousse fraîche et sympathique. Le nez légèrement retroussé, la bouche pulpeuse, les pommettes hautes qui rosissent facilement renvoient à une certaine joie de vivre, une insouciance attrayante. Tout comme avec les pin-up, leurs yeux de biche pétillent et reflètent une espièglerie délicieuse. En effet, le regard de ses filles joue un rôle important dans la mise en place du dispositif de séduction. Ce même regard devient déclencheur, support de fantasme. Avec les paupières mi-closes, les cils immenses qui ourlent leurs oeillades, elles s'inscrivent dans une symbolique où l'oeil et le sexe se trouvent associés. Ces oeillades transmettent un signal d'invite sexuelle (Ill. 73). Cela crée une certaine connivence entre le spectateur-voyeur et les filles de Bill. Ces dernières semblent évoluer dans un monde où le plaisir hédoniste est la règle.

Pour créer ces femmes toute en sex-appeal Bill s'inspire de nombreuses vedettes : « mes fans me demandent souvent où je trouvais les modèles de mes filles. J'ai pris ce qu'il y avait de mieux chez plusieurs vedettes de l'époque. Les paupières lourdes et exotiques d'Ann Sothern m'impressionnaient beaucoup. Je leur ai donné cet aspect et je les peintes en bleu ou vert métallisé. Les lèvres de Marilyn Monroe [mais pas sa silhouette, curieusement] me faisaient beaucoup d'effet. Elles étaient si épaisses ! Pour la silhouette, je me suis inspiré de cette bombe à la poitrine monumentale qu'était Anita Ekberg. Et puis, il y avait un célèbre mannequin, qui a connu un bref succès au cinéma : Suzie Parker. Elle avait les plus beaux cheveux longs et ondulés au monde. Mes nanas ont ses cheveux. Jusqu'à aujourd'hui, quand je dessine ou quand je peins une femme, je visualise les différentes parties du corps de ces femmes. Comme je crois au sexe associé à la grande classe, j'ai toujours voulu mêler les deux pour les filles. J'ai toujours dessiné des boucles oreilles longues comme des pendeloques de lustre, bien avant que cela devienne à la mode. Il y a des années, une chanteuse de night-club portait sur scène de longs gants. Cela m'attirait beaucoup et, si vous regardiez bien, mes filles en portent souvent, sauf au petit déjeuner... Encore ce que ce soit tentant. Les talons aiguilles stratosphériques m'ont toujours excité. J'en dessine tout le temps, ainsi que les bas noirs. Je fais mes nanas comme j'aimerais les voir, avec mes désirs secrets. On dirait que vous êtes nombreux à ressentir la même chose que moi99(*) ».

Tout comme les autres dessinateurs de pin-up, Bill modifie l'anatomie de ses modèles afin d'atteindre un certain idéal de beauté : « la femme moyenne n'est pas bâtie comme il faut. Ses jambes sont trop courtes par rapport au son corps. Pour faire un dessin vraiment sexy, les jambes doivent atteindre une longueur plus agréable à l'oeil. Je suis contraint de modifier considérablement l'équilibre. J'allonge un peu le buste et la longue courbe de jambes bien galbées. Dommage qu'elles n'aient pas été conçues comme ça dès le départ. Enfin, elles sont quand même super au naturel100(*) ». Avec les filles de Bill, on arrive à une représentation du corps féminin « amélioré » afin d'être parfait, sensuel et surtout érotique. Le corps de ses femmes dans son intégralité s'idéalise pour devenir signe, support de fantasme. L'artiste n'hésite pas alors, à hypertrophier les parties corporelles qui renvoient le plus à la sexualité : les fesses, hanches, jambes et les seins afin de pousser à son maximum le dispositif fantasmatique : « l'un de mes dessins représente particulièrement bien mon interprétation de ce qu'est la femme très sensuelle et très glamour. C'est une scène de corrida dans un dessin de 1961. La fille est une blonde à la beauté ravageuse. Un luxueux manteau de vison l'enveloppe, mais la fourrure ne dissimule en rien son énorme torse bombé en avant, ni ses jambes fabuleusement longues, gainées de bas noirs et moulants. Elle est entourée de señores bouche bée, y compris le matador, qui la dévisagent en se désintéressant du taureau101(*) ».

La carrière de Bill Ward ressemble aux anneaux du tronc de séquoia qui permettent d'en donner l'âge. Chaque année, les poitrines de ses filles croissent à mesure que leur taille s'affine (Ill. 76, 77, 78, 79). En effet, les seins généreux qui semblent toujours vouloir d'échapper des décolletés moulants vont devenir très vite la marque de fabrique, la touche de Bill Ward.

L'autre particularité de cet artiste est sa technique de dessin. Pour Eric Kroll, « personne ne sait mieux que lui donner des brillants aux bas de nylon ou de dessiner tous les détails d'une dentelle, autant de signes reconnaissables de son style102(*) ». En effet Bill ne travaille qu'au crayon Conté. Il n'utilise pratiquement pas la couleur pour ses filles sauf un peu de gouache blanche pour rehausser certains détails du dessin : chevelure, bijoux. Néanmoins Bill dans ses dernières productions, celles des années quatre-vingts, emploie plus souvent la couleur jouant avec des dégradés de rouge, rose, orange ou utilise des coloris plus froid tel que le noir, le bleu métallisé notamment pour les dessins aux connotations sadomasochistes. Mais la technique la plus fréquente chez Bill Ward reste bel et bien le crayon Conté qui lui permet une grande variété d'ombrages. Il est à la fois assez doux et assez opaque pour rendre les rehauts, afin que le dessin ait l'air de jaillir de la page. Avec ce crayon, Bill souligne les tracés, les contrastes, les textures et les volumes ou formes.

Comme le précise Dian Hanson : « Grâce à ses dessins au Conté, Bill Ward savait donner un aspect particulier au nylon et au cuir qui rendait ses illustrations et ses dessins humoristiques inoubliables et qui le distinguait des autres dessinateurs de l'époque. Cela lui donnait aussi un côté fétichiste. Le fétichiste ne concerne pas la chair, mais l'habillage de la chair. Ce crayon lui a permis de rendre dans ses images des textures qui excitent les hommes [...] Ces images sont inoubliables. Quand on tombait sur l'un de ces dessins dans un magazine, on ne savait pas trop ce qui le rendait excitant. Mais quand on regarde de près, c'est le cuir, le nylon, le satin [...] Il était le seul à dessiner le tissu. C'était fétichiste. Les gens ne se rendaient pas compte qu'ils étaient excités par des signes fétichistes, mais c'était ça et rien d'autre103(*) ».

2.2 Un côté fétichiste.

Ce côté fétichiste apparaît dés le début avec la première fille de Bill, Torchy, qui est révélatrice de l'intérêt de l'artiste pour les démarches chaloupées, les jambes longues, les accessoires. Ward dessine souvent Torchy en train de s'éloigner, offrant aux lecteurs les plus beaux point de vue sur ses jambes longilignes et ses fesses, notamment dans les strip destinés aux journaux militaires. Les scénarii de ces strip ressemble fortement à ceux de Milton Caniff. Comme Miss Lace, Torchy évolue dans les camps militaires où elle console les soldats, leur tient compagnie lors de repas et épice leur quotidien. Tous les militaires, du simple soldat au haut gradé, sont fous d'elle et imaginent sens cesse de nouvelles stratégies afin de pouvoir « conclure ». Ce n'est que lorsque Torchy obtient sa propre bande dessinée destinée à un grand public, qu'elle apparaît en couleur, selon la tradition des comics. Une des couleurs dominante de Torchy est le rouge, symbole, comme nous l'avions remarqué avec les pin-up, d'ardeur, de pouvoir, de jeunesse et de santé, sensé éveiller le désir.

Une des premières couvertures de Torchy montre la jeune femme dans un accoutrement totalement fétichiste. Sa robe très moulante est en satin, ou en latex. Ses talons aiguilles font au moins quinze centimètres de haut. Dans ses aventures, elle passe son temps à cogner les mauvais garçons. Elle est souvent représentée en train de s'habiller. Dans les premiers Torchy publiés par Quamlity Comics dans Modern Comics, elle est plus vamp qu'à ces débuts (moins innocente, plus consciente de sa sexualité et du désir qu'elle suscite). Dans sa propre bande dessinée, elle prend quelques rondeurs. Mais elle reste la sirène aux longues jambes. Comme le souligne Judy Ward : « elle a toujours les jupes relevées !104(*) ».

A cette époque-là, Bill Ward ne s'intéresse pas encore aux gros seins. Dans une lettre à Reb Stout, ami et collectionneur, Bill évoque ses dessins  faits pour l'armée : « Pas mal pour un gamin de 18 ans. Je crois que je n'ai pas fait beaucoup de progrès depuis. L'armée ne voulait pas que je dessine les poitrines que je voulais. Ils prétendaient que ça aurait rendu les troufions complètement dingues105(*) ». Quoi qu'il en soit, ces poitrines n'ont pas atteint la taille qu'elles vont prendre plus tard avec Humorama. A l'époque, ce qui compte, ce sont les jambes, les talons, la lingerie et la chevelure à la Veronica Lake. Des années plus tard, Ward affirmera que Torchy a les jambes de Betty Grable et les yeux d'Ann Sothern.

Comme beaucoup de dessinateurs érotiques, Bill sait jouer avec l'interdit et la transgression tout en respectant certains tabous. La raison du succès de Bill Ward provient en partie d'avoir su s'adapter aux demandes du marché érotique. Dans ces dessins de l'après soixante-dix par exemple, ceux destinés à Sex to Sexty, Bill n'hésite pas à représenter ses femmes nues ou des scènes explicites de l'acte sexuel.

2.3 Le monde de Bill.

Dès la fin des années quarante, Bill Ward se consacre aux magazines pour hommes ou underground. Les femmes aux yeux de biche et aux poitrines généreuses deviennent la marque de fabrique de Bill Ward et par la même occasion du magazine Humorama dans lequel elles paraissent. Les images sont humoristiques ou paillardes, à la fois obscènes et innocentes. Ce côté innocent et humoristique provient en partie des légendes coquines, allusions implicites qui renforcent l'érotisme de la scène. Au début, une grande partie des femmes que Ward dessine pour Humorama ressemble aux mannequins sophistiqués et habillés haute couture des illustrations commerciales courantes de l'époque : chapeaux à larges bords, tailleurs en laine moulants. Ce goût pour la mode s'estompe assez rapidement. A mesure que les poitrines prennent de l'ampleur, les tenues ne servent plus qu'à souligner les silhouettes. Malgré tout, de nombreux dessins peuvent être datés par les tenues et les modes vestimentaires. Lorsque l'on va au-delà de la fascination de Ward pour les grosses poitrines parfaitement irréelles qui étirent à l'extrême le moindre morceau de tissu, on découvre une attirance marquée pour les fourrures, la lingerie riche, les bijoux luxueux. Ces femmes possèdent une certaine distinction. Elles ne sont pas issues de la classe moyenne américaine comme les pin-up. Ce qui crée alors une nouvelle situation de fantasme car par leur richesse et leur statut social, les femmes de Bill sont d'autant plus inaccessibles et supports de rêves.

On peut classer les dessins au Conté selon les goûts : jambes, lingerie, etc. Il arrive souvent qu'un même dessin en fasse la synthèse : une femme tournant le dos à son patron, cigarette à la main, juchée sur d'immenses talons aiguilles, les jambes gainées de bas noirs, les bras gantés de noir jusqu'aux aisselles, portant culotte transparente à pois noirs et enveloppée dans une étole de vison blanc. La sexualité transpire par tous les pores de la peau des femmes de ce dessinateur.

On retrouve de nombreux thèmes ou fantasmes communs avec les pin-up : infirmière (Ill. 80), soubrettes (Ill. 81), institutrices (Ill. 82), étudiantes (Ill. 83) ou scènes d'intérieur devant la cheminée. Les filles de Bill, dans ces années là, reproduisent certains stéréotypes et poncifs sur les femmes : attirées par l'argent, les diamants (Ill. 84, 85, 86)... On pense alors à une des chansons de Marilyn Monroe dans Les hommes préfèrent les blondes106(*) dans laquelle elle nous confie que le meilleur ami que peuvent avoir les femmes est le diamant.

Les filles de Bill apparaissent aussi dans des activités dites « féminines » : se maquillant, s'habillant, téléphonant (Ill. 87, 88, 89, 90). Comme le souligne l'artiste, ces mises en scène doivent correspondre à des fantasmes masculins universels : «  Abe Goodman, éditeur des magazines Humorama aimait bien les dessins de filles sexy au téléphone. C'étaient des filles comme celles que dessinait Alberto Vargas, bien plus sexy et voluptueuses. J'ai fini par être connu pour mes nanas au téléphone107(*) ».

Dans les années soixante et soixante-dix, en raison d'une libération progressive de la sexualité et donc de sa représentation, Bill va plus loin dans ses mises en scène. Ses filles vont peu à peu s'affranchir de certains tabous sociaux tout en restant dans l'acceptable : scène de saphisme (Ill. 91, 92), de fessée (Ill. 93, 94). Les scènes de saphisme reviennent souvent au regard de toute la production de Bill. Avec ces scènes, il s'inscrit dans une certaine tradition de l'art érotique. En effet, comme l'analyse Linda Nochlin pour les oeuvres de certains peintres du XIXe siècle, ces représentations de l'homosexualité féminine ne sont pas destinées à un public homosexuel féminin mais bel et bien aux hommes, comme supports de fantasmes.

Les dessins de Ward ont un côté « Eisenhower », ils symbolisent un monde conservateur, masculin et raisonnable. Ils représentent le quotidien dont est absente la beauté fatale : le bureau, le terrain de golf, le cabinet de médecin. Le dessinateur met en scène des hommes de tous âges, de toutes formes, de toutes tailles, tandis que les femmes se doivent d'être jeunes et jolies. En effet au contraire de la pin-up classique, l'homme est présent dans les dessins de Bill et c'est ainsi que l'artiste se distingue de l'iconographie classique de celle-ci. La plupart du temps les hommes sont en costumes et les femmes en négligé, dispositif déjà utilisé par Manet avec Le déjeuner sur l'herbe108(*).

Ce qui distingue les dessins de Bill de ceux des autres dessinateurs contemporains, c'est bel et bien sa représentation du rapport hommes-femmes. La plupart des grands dessins de pin-up, montrent des créatures au visage jeune qui ne demandent qu'à être cueillies. Les femmes de Ward sont raffinées et mondaines, mais elles sont aussi des déesses à part entière, aux proportions inimaginables et exagérées, sculpturales et dominant les hommes qui les reluquent. Généralement les hommes de Bill sont petits (Ill. 76, 77, 81). Ils arrivent à hauteur de la poitrine des filles de Bill, ce qui lui permet d'accentuer encore le fantasme. Les filles exhalent la sexualité et ne font pas les effarouchées, alors que les hommes de Ward semblent être des bouffons, indignes de l'objet de leurs désirs. Ward reproduit souvent les mêmes personnages masculins : le jeune homme au visage poupin et aux cheveux en brosse devient un quadragénaire un peu bedonnant, au nez très souvent proéminent, symbole du pénis. Les hommes de Ward vieillissent et n'ont plus de formes précises, mais les femmes demeurent belles et parées de bijoux. Elles n'ont pas le droit de vieillir. Les femmes de Bill ont souvent des yeux de biches, tandis que les hommes ont des gros yeux exorbités. Au fil de temps, les hommes possèdent toujours les mêmes caractéristiques corporelles (petit, bedonnant, un peu dégarni, nez proéminent) et vestimentaires (pantalon et veste de costume, chemise claire et cravate). Les hommes de Bill représentent l'Américain moyen (Ill. 78, 86). Par ce dispositif, Bill crée une situation d'autant plus érotique en raison de la différence de classe sociale entre ces femmes inaccessibles et ces hommes communs. Bill prolonge alors la vieille tradition du burlesque.

En effet, dans les années quarante, Robert Harrison, les cheveux grisonnants, le ventre bedonnant et portant de grosses lunettes, a un penchant exhibitionniste dans sa revue Beauty Parade. Dans ses propres photographies, il aime se mettre en scène en pitre en culotte bouffante, aguiché puis éconduit par Betty Page ou Lily St Cyr (ses deux modèles préférées), incarnant alors le « looser » cher aux amateurs de comique burlesque. De nos jours, ce dispositif se retrouve dans une bande dessinée de Hugot et publiée dans Fluide Glacial : Les Trucs de Pépé Malin. Un vieillard, Pépé Malin, nous confie, tous ses « trucs pour tripoter les filles ». Dans chacune de ses aventures, Pépé est toujours aussi laid et anti-érotique alors que les filles qu'il tripote sont toujours de superbes créatures aux seins, fesses et hanches hypertrophiées et candides à l'extrême.

Du point de vue thématique, l'homme, dans les dessins de Bill, essaye souvent de duper la femme, de tendre des pièges à la jeune femme plus ou moins naïve, de la draguer, de la reluquer ou de l'espionner. Il ne l'embrasse, ni ne l'étreint que très rarement. Il n'existe peu de représentations de l'acte sexuel hétérosexuel. Il arrive aussi que l'étreinte ou l'embrassade soit forcée. Bill Ward dessine un fantasme alors nouveau, dans la presse masculine, celui de l'agression sexuelle.

Quand Bill quitte Cracked au début des années soixante, le marché du magazine à pin-up est en chute libre. La concurrence est alors plus rude pour les magazines de dessins gentillets et de plus en plus vieillots, face au déferlement des revues pornographiques et de leurs photographies. Plus les revues deviennent « hard », plus les dessins de Bill les imitent. Les gags subtils et suggestifs laissent la place aux blagues plus littérales, aux fouets et autres effets lubriques. Le style de Bill continue de suivre l'air du temps, dans ce qui est acceptable... et rentable. Il adopte une perspective résolument commerciale : ne s'étant jamais perçu comme un grand artiste agissant selon son bon plaisir, il n'a aucun mal à s'adapter au marché. Illustrateur sur commandes dans les années soixante, Bill accepte toute demande, quels qu'aient pu être ses goûts. D'où peut-être, l'abondance d'illustrations sadomasochistes qu'il fait pour Lenny Burtman à la fin de ces années-là et tout au long de la décennie suivante, mais en continuant à dessiner en parallèle des pin-up et des gags. Contrairement aux femmes de ses dessins pour Humorama, celles des gags de Sex To Sexty manquent de personnalité et de tempérament. Elles ressemblent à des poupées gonflables animées. Il suffirait de les piquer avec une aiguille pour qu'elles éclatent. Chacun de ses dessins reproduisent d'énormes poitrines défiant les lois de la pesanteur et dotées de tétons en érection, ainsi que des fesses blanches en demi lune, toujours identiques.

Comme le souligne Mort Todd ami et admirateur de Bill et éditeur de la première rétrospective de cet artiste : « pour des millions de garçons et de filles des années cinquante, l'éveil à la sexualité et à l'érotisme est venue des dessins de Bill Ward. Je le sais : j'étais l'un d'eux. La représentation enjolivée des femmes, par l'un des plus prolifiques illustrateurs, était tout à fait accessible dans des dizaines de magazines qui tiraient à des millions d'exemplaires. Ses dessins plaisaient autant aux garçons qui aimaient les jolies filles pour les beaux vêtements et les poupées Barbie. Même si nous ne connaissions pas les magazines pour adultes, plus osés auxquels Bill Ward participait, ses dessins dans Cracked convenaient aux adolescents que nous étions109(*) ». Les filles de Bill apparaissant dans différents périodiques semblent jalonnées et ponctuées l'apprentissage de la sexualité masculine. Ces dessins de femmes et leur évolution font de Bill Ward un artiste représentatif de l'art érotique du XXe siècle.

Le monde de Bill par certains aspects s'inscrit évidemment, dans l'iconographie classique des pin-up. Mais cet artiste remanie bel et bien le genre, avec ses dessins au Conte. Les filles de Bill proposent aussi une invitation sexuelle plus directe et plus franche avec leurs oeillades ravageuses. L'autre innovation de Bill Ward est la présence d'un homme, symbole de l'Américain moyen. Comme le chérubin de Gino, cet homme est le voyeur par procuration du spectateur. Le spectateur-voyeur est alors beaucoup plus actif qu'avec les pin-up traditionnelles. C'est peut-être pour cette raison que les filles de Bill connaissent une durée de vie plus longue que les pin-up, puisqu'elles continuent à paraître dans la presse masculine jusque dans les années quatre-vingts. Ces filles sont aussi plus sophistiquées et plus inaccessibles en raison de leur statut social. Et cette sophistication des figures féminines connaît aussi son apogée avec les beautés glamour pour en devenir la caractéristique principale.

III. Les beautés glamour.

Les magazines, les publicités, les pulps, les calendriers, les différents supports sur lesquels apparaissent nos pin-up, utilisent également une autre représentation féminine très caractéristique, pouvant être considérée comme une héritière. Cette représentation graphique que nous nommons beauté glamour mérite alors toute notre attention. Il convient donc de l'analyser cette image d'un point de vue iconographique avec toute l'attention qu'elle mérite afin de la comparer avec nos pin-up. Ce chapitre est à mettre en relation avec l'Annexe 2, qui comporte des biographies détaillées des artistes cités.

1. Définition des beautés glamour.

1.1 La beauté glamour, une femme dessinée sophistiquée.

La beauté glamour apparaît de prime abord comme une déclinaison de la pin-up. Tout comme la pin-up, la glamour110(*) est une jeune fille occidentale blonde ou brune plus rarement rousse. Elle a, elle aussi, un corps idéal, une plastique de « rêve ». Elle est une représentation idéale du corps féminin (Ill. 95, 96).

La première différence entre les pin-up et les beautés glamour réside dans le fait qu'à l'inverse des pin-up, les glamour portent systématiquement une tenue sophistiquée : robe de soirée ou de cocktail (Ill. 97, 98). Cette sophistication qui transparaît dans la tenue de la glamour et dans sa présentation ou dans sa mise en scène mais aussi dans les détails de sa coiffure, dans son maquillage est le trait fondamental de la définition iconographique de cette représentation féminine. En effet à l'inverse de la pin-up qui symbolise l'érotisme spontané de la « fille d'à côté », la glamour relève d'un érotisme plus recherché et distingué.

La glamour est élégante et sa présentation vestimentaire, corporelle doit relever de cette même élégance : les robes sont longues et décolletées (souvent des robes bustiers), les coiffures élaborées (Ill. 99, 100, 101, 102). Alors que la pin-up peut apparaître les cheveux libres ou attachés simplement, les glamour adoptent des chignons complexes ornés de parures (fleurs, bijoux brillants), des boucles parfaitement dessinées ou des mises en plis soigneuses (Ill. 103, 104, 105, 106). Tout comme la coiffure, le maquillage est beaucoup plus étudié. Certes que les pin-up ont une apparence soignée en toutes circonstances : rouge à lèvre, ongle vernis. Avec les beautés glamour l'utilisation du maquillage est systématique et plus élaboré : les lèvres sont rouges et pulpeuses, les ongles vernis, le sourcil arqué, les yeux ourlés de mascara et les paupières brillantes de fars. De la même manière que les pin-up, les glamour ont les joues rosies, en appel à la gourmandise, au plaisir hédoniste. Les beautés glamour, comme les pin-up sont pleines de vie, jeunes et en bonne santé.

On retrouve bien naturellement les accessoires de séduction courants avec les glamour. Elles aussi sont représentées, avec des bas, des talons hauts. A l'inverse des pin-up, comme nous le verrons plus tard, il n'y a pas d'instrumentalisation de la mise en scène pour dévoiler une partie de leur corps ou de leurs dessous. Néanmoins, il arrive que la beauté glamour nous dévoile ses bas ou ses chaussures à talon en relevant légèrement sa jupe. Ce n'est pas ici un geste volontaire d'invitation sexuelle mais un geste féminin d'élégance qui n'est pas moins érotique.

Par contre les glamour portent très souvent un autre accessoire de séduction qui apparaît peu avec les pin-up : les immenses gants souvent assortis à la robe. Ces gants participent à l'extrême sophistication des glamour et renforcent leur érotisme. Par leur histoire, cet accessoire vestimentaire est rattaché à une certaine aristocratie. Or les gants, pour certains artistes comme Félicien Rops, Bill Ward ou comme certaines actrices des années quarante, sont aussi un moyen de créer le désir et un support de fantasme.

Les glamour sont parées aussi de très nombreux bijoux : colliers de perles, bracelets, accessoires dans les cheveux. Ces bijoux brillants ont pour principale fonction d'attirer l'oeil sur certaines parties du corps : la gorge, les mains... Ils symbolisent le luxe de ces beautés en classant celles qui les portent dans un statut social et financier supérieur. En plus d'une mise en beauté, ils renforcent l'inaccessibilité de ces femmes. Mais ils participent aussi à la mise en place de la femme-parure. Cette représentation de la femme parée de multiples bijoux s'inscrit dans une certaine tradition du portrait féminin. En effet de nombreux artistes du XVIIIe et du XXe siècle comme Jean Honoré Fragonard (1732-1806), Dominique Ingres (1780-1867) ou Louis David (1748-1825) ont très souvent peint leurs belles avec leurs colliers de perles, leurs boucles d'oreilles et leurs bracelets.

1.2 Attitude et mise en scène.

A la différence également de la pin-up qui est présentée dans une scène de la vie quotidienne, la beauté glamour apparaît dans un décor de rêve. Mais ce décor est difficile à définir car souvent flou : fond sombre (Ill. 110), bosquet foncé... On devine parfois un jardin (arbre, plantes luxuriantes...) (Ill. 107, 108) ou une terrasse. Il arrive aussi que la glamour soit assise sur le rebord d'une fontaine (Ill. 109), un petit banc de pierre ou s'appuie sur une balustrade (Ill. 111, 112). Le cadre est principalement nocturne : ciel bleu profond étoilé, lumière douce. Ce qui rend crédible la scène, vu que la beauté glamour ne porte que des robes de soirée ou de cocktail. Crédibilité renforcée par les quelques accessoires qui accompagnent la glamour : un verre de vin, des fleurs exotiques ou des roses. La plupart du temps, la glamour tient ces accessoires ou ceux-ci sont posés à côté d'elle. La glamour pose dans ce décor de rêve et particulièrement romantique, elle nous regarde et nous sourit. De ce cadre se dégage une atmosphère onirique et sensuelle.

Alors que la pin-up dégage un érotisme léger et n'est pas consciente de l'attrait sexuel qu'elle suscite, la glamour apparaît comme beaucoup plus consciente de sa féminité et de la sensualité qu'elle représente. Elle se sait charmante, élégante et sophistiquée. Elle est séductrice et envoûte grâce à son sourire enjôleur et son regard de braise. Mais à l'inverse, l'érotisme direct dégagé peut paraître moindre car il n'y a pas de dévoilement de lingerie ou de zone corporelle. Pourtant la glamour est autant support de fantasme que les pin-up. En effet l'érotisme de la pin-up provient du fait qu'elle est une femme idéalisée par son graphisme et inaccessible par l'irréalisme des situations. La glamour est tout autant une représentation féminine idéalisée mais elle est plus inaccessible, et c'est là la différence fondamentale avec les pin-up, par son élégance, sa distinction, par son niveau social élevé. Cette inaccessibilité sociale et financière nourrit le fantasme. Et c'est peut-être cela qui les rapproche des actrices.

2. Les artistes de beautés glamour.

2.1 Des artistes particuliers.

Une fois définis les traits communs aux beautés glamour, il est temps de s'intéresser à leurs créateurs. Tout d'abord, il convient de signaler que la plupart des dessinateurs de pin-up ont aussi dessiné des glamours indifféremment selon les commandes. De même, il arrive que les peintres des glamour réalisent eux aussi des pin-up selon les besoins du marché.

La plupart de ces artistes de glamour sont issus les mêmes écoles que leurs confrères : l'Art Institute de Chicago pour Mc Cleveland Barclay, Roy Best, Pearl Frush l'Academy of Art de la même ville ou l'Art Students Leake pour Cardwell S. Higgins, Mike Ludlow et l'American Academy of Art de New York. Certains artistes sont aussi autodidactes : Henry Clive, Edwards M. Eggleston, Jules Erbit, Laurette et Irène Patten, Gene Pressler. D'autres artistes aussi enseignent parallèlement à leur travail de dessinateur : Cardwell S. Higgins enseigne, entre 1937 et 1942, à la Bloomsfield Art League et à la Fawcett School of Fine and Industrial Art dans le New Jersey.

Les artistes de beautés glamour participent eux aussi à l'effort de guerre : soit en s'enrôlant directement Mc Clelland Barclay, soit le plus souvent en créant des affiches incitant à l'enrôlement, prodiguant des conseils (affiches pédagogiques) ou soutenant les troupes comme celle réalisée par Cardwell S. Higgins pour l'USO (Centre d'accueil pour les militaires américains). Ainsi les beautés glamour sont aussi abondamment distribuées sur le front.

Tout comme leurs homologues, les artistes de glamour réalisent des oeuvres pour la presse, les calendriers de Brown and Bigelow, Louis F. Dow, Shaw-Barton, Kemper-Thomas, Gerlach-Barklow ou Joseph C. Hoover. Mais ils peignent également de nombreuses affiches de cinéma ou du monde du spectacle notamment pour les Ziegfield Follies (Mc Clelland Barclay, Henry Clive), des couvertures de programme de spectacle (Edwards M. Eggleston pour Aquacade de Billy Rose, spectacle proposé à l'Exposition universelle de New York en 1939). Ces artistes travaillent aussi pour la publicité.

Ils dessinent aussi de nombreux portraits d'actrices ou jeunes débutantes pour les revues de cinéma. Mc Clelland Barclay est l'un des premiers à peindre Betty Grable. Henry Clive peint des portraits hebdomadaires de stars pour la série « Enchantresses of the Ages » pour American Weekly Magazine. Le portrait de Betty Compton d'Edwards M. Eggleston pour le magazine Motion Pictures Classic fait parler tout Hollywood en 1922 en raison de son réalisme. Lorsqu'il travaille pour Hollywood, Merlin Enabnit réalise entre autre le portrait de Virginia Mayo.

2.2 Les techniques.

Comme leurs confrères, les artistes de glamour utilisent des modèles afin de créer leurs oeuvres : la plupart du temps ils s'inspirent de photographies de jeunes actrices ou d'actrices plus reconnues. Pour atteindre cette perfection corporelle et cette plastique parfaite propre aux pin-up et aux beautés glamour, ces artistes, eux aussi, n'hésitent pas à modifier les proportions anatomiques de leurs modèles : allongement des jambes, affinement de la taille... Il leur arrive aussi d'associer les « meilleures » parties du corps de leurs modèles : les yeux de celle-ci, la poitrine de celle-là, les jambes de telle autre...

A la différence de leurs collègues qui emploient très souvent la gouache ou l'huile pour les pin-up, il semble que les dessinateurs de glamour utilisent plus fréquemment le pastel mais également l'huile. En effet le pastel permet un meilleur rendu pour les tissus, la robe de la glamour étant un de ses traits caractéristiques. Cette robe doit être longue, pleine de frou-frou et de plis agréables. Les robes sont taillées dans des étoffes luxueuses : satin, soie ou voile. Le pastel et l'huile bien maîtrisés permettent véritablement à l'artiste de réaliser des drapés dans toutes leurs complexités et de jouer avec le rendu des matières. La lumière vient se refléter doucement sur les tissus et met en valeur ceux-ci. On pense à de nombreux artistes tel Jean-Antoine Watteau (1684-1721), François Boucher, Nicolas Lancret (1690-1743) pour cette manière particulièrement réaliste de peindre toutes les nuances d'une robe en satin ou en soie. Dans L'Enseigne de Gersaint111(*), Watteau rend avec brio la délicatesse de la robe volante, l'éclat de la soie, la douceur du satin. Le traitement des textiles permet à l'artiste de glamour de souligner les courbes avantageuses de ces modèles. En effet les robes semblent mouler ces beautés comme une seconde peau. La soie, le satin collent au corps, se confondent avec celui-ci. Même entièrement vêtue, la beauté glamour dévoile finalement son anatomie (Ill. 113, 114).

Les couleurs employées par les artistes sont très variées : les robes sont roses, rouges, or ou blanches. Néanmoins on remarquera que celles-ci sont particulièrement brillantes, riches en couleurs luxueuses. A l'inverse les coloris des fonds sont sombres (noir, bleu nuit, vert bouteille, rouge lie-de-vin) et plutôt flous à l'opposé du décor quotidien traités avec réalisme chez les pin-up. Ces coloris foncés mettent la glamour et notamment sa robe en valeur. La beauté glamour apparaît alors comme un diamant dans son écrin renforçant ainsi sa position sociale, sa préciosité.

3. Les supports.

3.1 La presse.

Au niveau de la presse, on note une forte proportion de glamour dans la presse traditionnelle ou familiale comme Esquire, The Saturday Evening Post ou la presse dite « féminine » tel Cosmopolitan ou Ladies's Home Journal. En effet, les beautés glamour servent d'abord à illustrer les nouvelles sentimentales ou les feuilletons à épisodes de ces revues. Ces dessins ne montrant pas ou peu le corps féminin ou la lingerie féminine semblent beaucoup plus acceptables et moins osés vu le thème à « l'eau de rose » de ces feuilletons. On retrouve aussi ces images dans les magazines sur le monde du cinéma. De nombreuses actrices ont été dessinées en beautés glamour au début des années quarante et cinquante. Les glamour dégagent une atmosphère onirique et sensuelle et servent bel et bien à vendre du rêve comme nous le verrons avec la publicité. Il est donc logique que l'on les retrouve dans ce type de presse.

Elles se font relais du rêve hollywoodien que véhiculent les actrices de cinéma. Pour les femmes, elles symbolisent la réalisation d'un rêve de petite fille, celui de la princesse. La robe extraordinaire, la coiffure et le maquillage parfaits, les bijoux éclatants, les lumières douces, le décor onirique, les thématiques sous entendues (soirée habillée, cocktail, dîner sur invitation) participent entièrement à ce fantasme éternel de la princesse. Cette forte présence dans les magazines féminins donnent certes pour modèle une femme extrêmement sophistiquée, mais perpétue aussi le rêve mythique de l'ascension sociale suite à un « beau mariage ». Rêve mythique relayé par les feuilletons sentimentaux et par les livres « destinés aux femmes » de la collection Harlequin sur lesquels apparaissent de nombreuses glamour en couvertures. Les femmes ne deviennent pas, dans les années cinquante, princesse par leurs propres moyens mais bel et bien parce qu'elles ont épousé un prince et donc ce qui va avec : les robes, les bijoux, le décor, les soirées, la beauté. Par ce mariage réussi, elles connaissent une double élévation : distinction sociale et élégance des sentiments. Les glamour participent alors à ce mythe romantique féminin.

La beauté glamour apparaît alors comme un fantasme féminin universel : à la ménagère, elle lui propose de s'évader de son monde en lui proposant un univers où elle serait reine. A la jeune fille, la glamour sous entend l'effort qu'elle devra faire pour se distinguer sur le marché symbolique de la séduction, du mariage et y rencontrer le prince charmant si celle-ci veut accéder au rang de beauté glamour.

3.2 Des glamour pour vendre.

La glamour sert à « vendre » du rêve c'est pourquoi elle est présente très souvent sur les affiches de film ou de spectacles musicaux. Mais aussi plus prosaïquement, son rôle évocateur va être utilisé dans la publicité et plus particulièrement pour certains produits, les produits cosmétiques et les produits de luxe. Le fait qu'elle soit employée pour vanter les mérites du rouge à lèvre, du vernis à ongles ou des crèmes de jour semble assez logique puisque l'un des traits fondamentaux des glamours est sa sophistication, sa présentation soignée. En s'adressant aux femmes au travers la glamour, les annonceurs proposent aux femmes d'accéder, grâce à leurs produits, à cette perfection corporelle, vestimentaire mais aussi sociale. Car ce qui est associé à la glamour est évidemment sa classe sociale. Par sa distinction, sa présentation, son élégance, la glamour n'est évidemment pas la fille d'à côté. Elle n'est pas maladroite, légère et insouciante comme la pin-up. Elle est consciente de son capital séduction, capital que l'on peut maximiser grâce aux cosmétiques. La glamour est celle qui tient le « haut de l'affiche », celle que l'on repère sur le marché symbolique matrimonial.

C'est le même système que l'on retrouve dans les publicités pour des produits de luxe destinés aux hommes : cigarette, alcool et voitures. Pour ce type de publicité, quelles que soient les marques, les annonceurs utilisent systématiquement des glamours. Car en filigrane voilà ce qui transparaît : avec nos produits, avec cette marque de voiture, cet après-rasage, cette cigarette, ce whisky, vous, messieurs attirerez de telles femmes : belles, parfaites, élégantes, « classes », soignées en toute circonstance. En effet avec les glamour, les annonceurs matérialisent par une incarnation féminine parfaite et onirique le principe fondamental de vente qui sous-tend la publicité : on ne vend pas que le produit mais aussi le rêve qui va avec.

Comme pour la pin-up mais avec des procédés différents, la glamour est aussi une représentation féminine, un modèle féminin qui marche pour les deux sexes. Pour les hommes comme pour les femmes, la glamour est support de fantasmes, car idéalisée et inaccessible. Cependant, aux débuts des années cinquante, il semble que le dessin ne suscite plus assezle rêve. En effet, la presse, tout d'abord, puis la publicité, vont utiliser la photographie comme support pour créer le désir et le fantasme. Ces femmes qui posent alors comme modèles sont aussi appelées pin-up.

IV. Quand les pin-up prennent vie.

Dans la presse, parallèlement aux dessins de pin-up, on voit apparaître des photographies de femmes présentées en tant que pin-up. Le terme « pin-up » recouvre alors, dès les années quarante, deux formes artistiques : le dessin et la photographie. Mais la photographie de pin-up est aussi un genre particulier qui mérite toute notre attention. En effet, ce genre possède ses propres caractéristiques, ses propres artistes et ses modèles qui le distingue de la photographie classique et artistique. Cette autre iconographie paraît légèrement différente de celle de la pin-up classique.

1. La photographie.

1.1 La naissance du genre photographique pin-up.

Au début des années quarante, le terme de « pin-up » est aussi couramment usité pour désigner des photos de belles filles. La presse à soldat représente certes un des supports les plus florissants pour les pin-up dessinées, mais aussi pour les photographies de jeunes femmes souvent anonymes.

Tout comme nos pin-up dessinées, ces modèles pin-up participent à l'effort de guerre en tant que soutien moral des troupes. Lorsque Bernard of Hollywood, photographe célèbre de pin-up, est traîné devant les tribunaux pour obscénité suite à la parution de son ouvrage Pin-ups : a Step Beyond112(*), ouvrage regroupant sa production photographique ; son avocat présente à la cour, au cours du procès, une lettre du ministre de la Défense. Le ministre y remercie officiellement le photographe d'avoir autorisé la reproduction de ses photos de pin-up dans les journaux et les brochures de l'armée de terre et de l'air pour « remonter le moral des troupes ». Ce livre reçoit même les éloges du général Dwight David Eisenhower (1890-1969). En se fondant sur les preuves de la « portée sociale » des images de pin-up, la Cour Suprême prononce un non-lieu car nombreuses sont les lettres de GI's adressées à Bernard of Hollywood dans les années quarante lui demandant une photo de pin-up : celle d'une certaine fille qui avait titillé leur imagination, d'une fille bien de chez eux qui leur donnerait une bonne raison de continuer à se battre.

Le conflit s'éternisant, les conditions de la vie quotidienne de plus en plus difficiles, le manque de plus en plus déstabilisateur ont probablement eu raison des dessins de pin-up. Les photographies de jeunes filles un peu dénudées (principalement la poitrine) permettent alors de pallier la solitude et l'abattement grandissant du soldat. Plus réelles que les dessins, ces photographies légèrement érotiques de belles Américaines deviennent, elles aussi, soutien et support de fantasmes pour les hommes du front.

C'est vraiment durant la Seconde Guerre Mondiale que naît le genre photographique pin-up. En effet, même si l'on trouve avant cette période des photographies de femmes dans la même presse où apparaissent nos pin-up, celles-ci sont principalement des photographies d'actrices, de chanteuses, ou moins souvent de danseuses déjà reconnues. Les jeunes femmes restées à l'arrière participent à l'effort de guerre en posant pour remonter le moral des troupes. Mais cette explosion de ce genre photographique est également à mettre en lien avec l'âge d'or d'Hollywood comme nous le verrons ultérieurement. En effet, l'attrait de cette industrie cinématographique florissante, amène une nuée de jeunes filles à se précipiter à Hollywood dans le but de se faire remarquer. Tout comme le souligne Bernard of Hollywood : « à cette époque, Hollywood était un aimant pour toute l'Amérique. Toutes les filles qui avaient été majorettes dans leur lycée, qui étaient considérées comme relativement mignonnes, qui s'étaient entendu dire par leur petit ami "Chérie, tu devrais faire du cinéma", se précipitaient à Hollywood et prenaient un agent. Or si vous aviez un bon visage et une bonne silhouette, il était très facile d'être prise par un agent. Et, si vous aviez de bonnes photos, il était très facile de franchir les portes du studios113(*) ».

La majorité des modèles posent en « pin-up » tout comme les actrices d'Hollywood qui affectionnent ce type de pose pour leurs photos de publicité. Quant à la plupart des magazines ils sortent des éditoriaux nommés « Pin-up Parade » ou « Pin-up Revues ». Le genre photographique pin-up vient de naître. La pin-up photo est réellement appréciée en tant que telle, c'est-à-dire en tant que vraie femme avec ses courbes harmonieuses, le galbe de son corps et l'allure suggestive de sa pose propre à émoustiller le voyeur. Une forte proportion des périodiques pour hommes des années quarante et cinquante, propose des pin-up excitantes, telles qu'elles ont été écrites ci-dessus. Certains des revues américaines comme Glamourous Models ou Tit Bits of Beauty se spécialisent et présentent exclusivement d'aguichantes pin-up, mais d'autres comme Click, Grin, Pic, See, Snap et Spot couvrent des chroniques de sport, des articles sur les crimes et sur l'actualité événementielle, ainsi qu'une rubrique loisir agrémentée régulièrement de pin-up.

Bien évidemment, pour les lecteurs, ces pin-up photographiées mais mises en scène de manière à les valoriser restent assez captivantes pour être rangées dans le domaine de l'oeuvre d'art. Comme le remarque Bernard of Hollywood : « la frontière entre l'étalage vulgaire du corps féminin et l'oeuvre d'art commerciale légitime ne se situe pas dans la marge de ce qui est livré au regard. Ni de ce qui est laissé à l'imagination. Personne ne remet en question l'art des grands maîtres de la peinture et de la sculpture qui ont fait des nus. C'est de l'intégrité et du talent de l'artiste que dépend le fait que son oeuvre se contente de réveiller des pulsions animales ou qu'elle transmette des valeurs esthétiques114(*) ». Le photographe va même jusqu'à faire poser Lili St Cyr (1917-1999) (Ill. 115), une de ses modèles favorites, comme les statues antiques des dieux et déesses (Ill. 116, 117). Il réalise aussi, avec ce même modèle, des photographies qui imitent les bustes sculptés propres aux représentations des aristocrates et des personnages célèbres (Ill. 118).

Au début des années cinquante, Esquire commence à publier une série de portraits féminins : « Lady Fair » qui propose une galerie de modèles inconnues posant en studio dans diverses mises en scène et des environnements variés ; puis plus tard une nouvelle série est établie avec cette fois-ci les portraits d'actrices de renom. L'analyse de la production du photographe attitré de ce genre, Bernard of Hollywood, permet de mieux cerner le genre particulier qu'est la pin-up photographiée.

1.2 Bernard of Hollywood.

Bruno Bernard, plus connu sous le pseudonyme de Bernard of Hollywood, est l'un des photographes glamour les plus recherchés de l'âge d'or d'Hollywood, surnommé à l'époque « Rembrandt de la photographie », « Roi du glamour hollywoodien », « Vargas de la photo » et « Découvreur de Marilyn Monroe ». Il est le premier photographe de plateau à être honoré, en 1984, par l'Academy of Motion Picture Arts and Science, la cérémonie s'accompagnant d'une exposition hommage de 150 de ses portraits les plus célèbres, dont ceux de Clark Gable, Marilyn Monroe, Gregory Peck, Ginger Rogers, John Wayne, Marlene Dietrich, Rita Hayworth, Elvis Presley, Lucille Ball. Il est l'un des rares photographes indépendants de son époque à diriger trois studios simultanément. Le premier, légendaire, situé sur Sunset Boulevard, constitue un des hauts lieux d'Hollywood pendant plusieurs décennies. Le second se trouve à Palm Springs, l'oasis dans le désert, dans le refuge très protégé des stars : le Palm Springs Racquet Club. Le troisième est une luxueuse suite avec un terrasse au Riviera Hotel de Las Vegas, où il photographie les personnalités du jour et les plus belles danseuses de revues.

Bruno Bernard naît dans la misère de Berlin en 1911. Vivant de l'aide sociale, il est placé, comme ses trois frères et soeurs, en orphelinat à l'âge de huit ans. Encouragé par ses parents malades, il fréquente l'université de Heidelberg puis part à Kiev pour étudier le droit pénal. En 1934, il fait partie des deux pour cent d'étudiants Juifs à obtenir son doctorat. A cause de son engagement pour le mouvement de la jeunesse juive, sa vie est constamment menacée par la montée du pouvoir nazi et il se retrouve bientôt sur la liste de la Gestapo des personnes à éliminer. En 1937, âgé de 26 ans, il quitte précipitamment l'Allemagne et émigre aux Amériques, débarquant à New York.

Une bourse d'étude des services sociaux internationaux lui permet de poursuivre ses études à Berkeley. Toutefois en 1938, ne résistant pas à l'attrait de l'industrie cinématographique, le jeune universitaire part pour Hollywood, où, anonyme et sans le sou, il vit d'expédients. Il s'inscrit à l'Actor's Workshop de Max Reinhardt, qui forme des acteurs et réalisateurs. Bien qu'il ne passe jamais derrière la caméra, cette école sème en lui le germe qui portera ses fruits plus tard dans sa manière de mettre en scène ses compositions photographiques, parfois appelées des « instantanés posés ». En collaborant ensuite avec le célèbre illustrateur Alberto Vargas, il deviendra le chantre de la photo de pin-up aux « jambes effilées ».

Bernard découvre rapidement que la photographie est son véritable point fort. En 1940, il installe sa première chambre noire dans le sous-sol de son appartement de Hollywood. En 1942, il ouvre son premier studio sur Sunset Boulevard. « Personne ne savait qui était Bernard, mais tout le monde connaissait Hollywood115(*) ». C'est ainsi que lui vient l'idée de son pseudonyme, Bernard of Hollywood.

Au début des années soixante, il vend ses studios et retourne dans son Berlin natal pour y devenir correspondant de presse, couvrant le procès d'Eichmann en Israël pour Der Spiegel. A partir de cette expérience, il publie un album, Israël : Bernard's Photographic Impressions, qui rencontre un franc succès. Ensuite il se réfugie à Palma de Majorque. De là, il est libre de sillonner le monde avec son appareil photo. Deux livres publiés en Allemagne et des centaines de couvertures de magazines arborant ses photos de jolies femmes témoignent de cette période.

Après sa mort en 1987, sa fille, l'écrivaine Susan Bernard, crée Bernard of Hollywood Pub./Renaissance Road Inc. pour préserver, exposer, publier ses images et gérer les droits internationaux de son oeuvre et de son nom légendaire. Elle fait connaître le travail de son père à une nouvelle génération. En 1999, le MOMA de New York choisit une de ses nombreuses photos de Marilyn Monroe comme le symbole du XXe siècle pour son exposition Fame After Photography. La même année, la Chambre de Commerce de Hollywood et la Historical Society décernent un prix posthume à Bernard of Hollywood pour l'ensemble de son oeuvre.

1.3 La pin-up photographique par Bernard of Hollywood.

Il est important tout d'abord de préciser que la plupart des photographies de pin-up sont des photographies noir et blanc. Les photographies couleurs de pin-up datent quant à elles des années soixante. Le noir et blanc a certes l'avantage de pouvoir être reproduit à moindre frais mais permet surtout à l'artiste des jeux de lumière, de rendre la texture de la peau particulièrement veloutée et crée une atmosphère plus intime. Le noir et blanc autorise ces images à s'apparenter à un art noble, la photographie artistique, leur conférant ainsi des valeurs esthétiques. Quant à la manière de travailler de Bernard of Hollywood ou ses techniques photographiques, elles lui sont propres : « je n'ai jamais retouché aucune de mes photos. J'ai cherché à captiver l'essence humaine de mes sujets et à la transférer sur l'émulsion sensible de la pellicule. Pour moi, un portrait photographique digne de ce nom est une biographie physique et psychologique du modèle et, parallèlement, une autobiographie du photographe116(*) ».

1.3.1 Les canons de beauté de beautés « canons ».

Le modèle de la pin-up photographique est une jeune femme occidentale désirable correspondant aux canons de beauté et à l'idéal érotique de l'époque déjà évoqués. Tout comme nos pin-up dessinées, la pin-up photographiée est souvent blonde, car comme le souligne la fille de Bernard of Hollywood : « pour mon père, les blondes étaient plus photogéniques. Elles étaient attirées vers son objectif comme des papillons de nuits117(*) ». Il est fort probable que cette blondeur permettait au photographe de nombreux jeux de lumières. Sa tenue est assez simple et ne varie guère : la plupart du temps elle porte un maillot de bain (Ill. 119), un déshabillé (Ill. 125), un pull long sur des collants (Ill. 120). Sa tenue doit avant tout mettre en avant ses formes avantageuses (Ill. 121, 122). Il arrive parfois que la pin-up garde son costume de scène pour la photographie notamment lorsque celle-ci est issue du monde du spectacle (Ill. 123, 124). Un certain nombre de beautés photographiées par Bernard of Hollywood sont des strip-teaseuses notamment pour une série de photographies réalisées entre 1955 et 1967.

Une autre série de photographie dont les tenues de pin-up diffèrent légèrement est la série de photographie d'actrices déjà reconnues comme Jayne Mansfield, Marilyn Monroe... Dans cette série, les actrices portent généralement leurs robes de soirée ou des tenues plus originales mais tout aussi sexy. Par ces tenues glamour les actrices s'éloignent légèrement du genre photographique pin-up.

Les modèles photographiées sont aussi sophistiquées et soignées que leurs homologues dessinées : yeux de biches ourlés de mascara, lèvres pulpeuses et brillantes, sourcils arqués, ongles vernis, peau de pêche, bijoux. Et sont elles aussi, présentées avec toute une panoplie d'accessoires de séduction. On remarquera encore l'utilisation quasi systématique des chaussures à talons  déclinées à l'infini : escarpins, talons aiguilles, chaussures à boucles, talons compensés... Lorsque le décor n'autorise pas la présence de chaussures à talons, la pin-up pose alors sur la pointe des pieds, histoire d'allonger la jambe, de fuseler le mollet et de galber les fesses (Ill. 126). On retrouve aussi une forte proportion d'images dont les modèles portent des collants simples, de couleurs, résilles ou des bas (Ill. 127). Il arrive aussi que les jambes du modèle soient nues quant le décor le permet, jambes nues certes mais parfaitement lisses.

En effet l'accent dans la photographie de pin-up est bel et bien mis sur les jambes du modèle. La mise en valeur de cette zone du corps féminin engendre une atmosphère érotique. Les pin-up photographiées ont des jambes interminables un peu comme les pin-up de Vargas. Tout comme les dessinateurs, le photographe emploie de nombreux « trucages » afin « d'allonger » les jambes de ses modèles : cadrage, jeux de lumière, pose des modèles, vêtements courts permettant d'affiner la silhouette (Ill. 129, 130)... Cette volonté de mettre l'accent sur les jambes résulte d'un érotisme conventionnel et non « immoral ». En effet, dans les années quarante et cinquante, dévoiler les jambes féminines n'est plus obscène. Mais il révèle aussi d'un goût particulier de l'artiste pour cette partie du corps féminin : « j'avais du flair pour dénicher des pin-up. On m'a toujours qualifié "d'homme à jambes". Pour moi la jambe était la plus belle partie du corps d'une femme, la plus séduisante, la plus érotique. Ils m'appelaient "le Vargas de la photographie". Même M. Vargas me l'a dit. Nous avions la même démarche dans notre quête de la femme idéale. Je sais que, même si ses dessins une fois achevés avaient un côté exotique, pour lui, le modèle idéal était l'Américaine type, naturelle, débordante de santé118(*) ».

L'autre partie du corps féminin mise en avant dans ses photos est évidemment la poitrine, et plus particulièrement à partir des années cinquante. Ici aussi l'artiste utilise de nombreuses « astuces » afin de renforcer l'attrait sexuel que suscite cette particularité anatomique bien féminine. Les modèles se cambrent, les décolletés sont plongeants, les bretelles glissent sur les épaules, les voiles des déshabillés soulignent le galbe d'un sein. Il arrive aussi que le modèle pose seins nus. En effet, une forte proportion des « lecteurs » semble se désintéresser des jambes pour se tourner vers le « confort maternel » du sein. A partir de 1955, la plupart des magazines pour hommes présente des modèles topless. En 1957, Fling est le premier magazine en vente libre à s'adresser exclusivement aux amateurs de grosses poitrines. La concurrence sur ce terrain se fait vite sentir : Gem (1967), The Swinger (1968), The gent (1963), Juggs (1979).

1.3.2 L'environnement des modèles.

Le décor dans lequel sont présentées les pin-up est propre à créer et à susciter le rêve et le fantasme. Ainsi par exemple, les pin-up apparaissent telles des naïades au bord de l'eau que ce soit sur la plage, un ponton ou le bord d'une luxueuse piscine (Ill. 119, 126). Cela permet certes, de présenter la pin-up en tenue légère mais aussi renforce l'exotisme, support de fantasmes. Exotisme accentué grâce à certaines tenues des modèles : robe au motif hawaïen (Ill. 128), fleur exotique dans les cheveux.

Mais il arrive aussi que les scènes dans lesquelles elles apparaissent soient des scènes d'intérieur. Le décor se limite alors à un tabouret sur lequel s'appuie le modèle (Ill. 120), un fauteuil ou d'un sofa dans lequel, plus ou moins lascive, est présentée la jeune fille (Ill. 125). On retrouve aussi, dans une moindre mesure, les thématiques de mise en scène propre à nos pin-up dessinées : modèles téléphonant (Ill. 125), secrétaires (Ill. 131, 132), soubrettes aux vêtements sexy (Ill. 133, 134). Ces thématiques sont plutôt déclinées dans les photographies de pin-up destinées à la publicité. Car tout comme sa cousine dessinée, la pin-up photographiée va, elle aussi, servir de support à la société de consommation et apparaître dans la publicité. En effet, à la fin des années cinquante, la pin-up photographie est partout. Elle fait tourner les têtes mais également les rouages du commerce. Dans la publicité, elle sert à vendre tout et n'importe quoi, des chaussettes aux voitures de sport en passant par les légumes en conserve et les gaines. Elle transmet un message d'optimisme et de progrès, sans parler de rentabilité. La signature Bernard of Hollywood apparaît alors sur des centaines de panneaux publicitaires et de calendriers, ainsi que dans les périodiques pour hommes, plus populaires que jamais.

Une des raisons du succès de ces pin-up photos provient en partie de l'érotisme léger dégagé. En effet, tout comme leurs homologues dessinés, le monde de ces pin-up est un monde léger, frais, insouciant. Cette légèreté omniprésente permet d'offrir au spectateur et au consommateur un érotisme innocent et déculpabilisant. Cette atmosphère érotique pourtant pudique n'évitera pas à l'artiste Bernard of Hollywood de voir ces photos qualifiées d'obscène dans une Amérique encore puritaine.

La pin-up photographiée doit engendrer la rêverie et éveiller le désir mais non les exacerber. Elle relève alors d'un érotisme « politiquement correct ». Elle ne doit pas avoir une sexualité trop franche et affirmée. C'est pourquoi certaines images peuvent tirer sur la mièvrerie. Néanmoins l'érotisme de ces images est accentué, tout comme avec les pin-up dessinées, par les légendes, titres décalées ou explicites qui accompagnent les photographies : Gamine (Ill. 135) pour une photographie d'Ava Norring (1929- ) des années quarante où elle pose en maillot, assise de manière à nous présenter ses jambes avec un regard et une expression très sérieuse de beauté froide, Cold Outside (Ill. 136) pour une photographie de Barbara Nichols (1929-1976), datant aussi des années quarante, seulement vêtue d'une étole de fourrure et de chaussures à talons à lacets. Dans Pretty Baby (Ill. 137), des mêmes années, Frances Irwin pose assise sur un fauteuil en osier, vêtue d'une chemise ouverte sur sa poitrine et tenant une grosse poupée. Enfin dans Good Connection (Ill. 125), de la même période, Laurette Luez (1928-1999) est en train de téléphoner, assise sur un sofa, uniquement habillée d'un tout petit peignoir orné de fourrure.

2. Le cinéma.

2.1 Les Chorus Girl.

Comme nous l'avons brièvement souligné pour l'industrie du cinéma, les pin-up constituent « la cerise sur le gâteau ». Parfois, quand le scénario est trop terne, les studios engagent des auteurs spécialisés dans les gags dont la seule fonction est d'inventer une situation drôle où une jolie fille avec de belles jambes doit traverser le plan en balançant les hanches. Comme Marilyn Monroe. On l'appelle à ces débuts « Melle Déhanchement ». Elle a appris à maîtriser cette démarche à la perfection. D'un côté, il y a les pin-up, de l'autre, les actrices - les Bettis Davis (1908-1989) et Joan Crawford (1904-1977). Elles appartiennent à deux mondes différents. Comme le remarque Bernard of Hollywood des premières : « le meilleur ami que ces filles pouvaient avoir, outre un diamant, c'était un photographe glamour119(*) ».

À la sortie de la crise de 29 et après le creux de la Seconde Guerre Mondiale, depuis la relance de l'industrie des images par le cinéma, le nombre de femmes qui veulent tenter leur chance devant les lentilles des caméras et les lumières des sunlights n'a cessé d'augmenter. Elles affluent de tous les Etats-Unis et parfois d'Europe pour tenter l'aventure. Longtemps disséminées dans les grandes villes, passant leur vie à circuler entre les ateliers des photographes, les scènes et les loges de music-hall et des vaudevilles, les studios de publicités et les agences de modèles, elles sont de plus en plus nombreuses à venir se concentrer autour des studios construits à la lisière du désert californien.

Arrivées à Hollywood, elles rejoignent la colonie de femmes qui les a précédée. Après s'être logées dans des hôtels, meublés, pensions de famille, s'être pliées aux démarches administratives de l'Etat rendues obligatoires pour tous les immigrants même de l'intérieur, il leur reste à accomplir l'essentiel : décrocher un contrat, si court et si modeste soit-il. Après s'être changées dans les vestiaires collectifs, après des heures d'attente dans les couloirs et les coulisses des plateaux, elles enchaînent les unes à la suite des autres les épreuves de sélections, qui peuvent durer des journées entières. Ces différentes étapes servent principalement à juger du potentiel physique de la jeune prétendante : ayant revêtu des maillots de bain, elles défilent sous le regard de réalisateurs et d'assistants prenant des notes. Une fois leurs mensurations prises par les habilleuses, elles subissent des séances de pose devant des photographes qui varient les effets d'éclairage. Elles passent ensuite des essais en tournant de courtes scènes.

Pour la minorité qui est retenue, les personnages qui leur sont proposés sont généralement plus proches de la figuration que de la comédie. La grande majorité des rôles réservés à ces femmes durant ces années-là sont, en effet, toujours les mêmes, répétés des dizaines de fois d'un film à l'autre. Ce sont des filles de vestiaires, des serveuses de bar, des vendeuses de cigarettes, des danseuses, des entraîneuses ou des prostituées ; et quand elles font des apparitions dans la haute société, ce sont comme filles entretenues ou « invitées ». Parmi ces emplois, les plus nombreux sont ceux de danseuses de boîte de nuit ou de music-hall : les chorus girl. Les attentes entre les différentes prises sont longues : « frustrées et ennuyées, les chorus girls, au milieu des bouteilles vides et des banquettes sales, tuaient le temps en se couvrant les dents de faux diamants ou en se colorant les cheveux avec des teintes qui allaient de l'anisette au vin rosé120(*) ». Mais la principale cause de leur désenchantement vient de leur exploitation sans ménagement, comme nous le verrons dans la dernière partie de ce chapitre.

2.2 Les actrices.

A partir de 1925, le moindre film de star joué par une vedette excitante ou sexy donne lieu à une publication des photos de plateaux. Ces clichés sont, non seulement destinés aux magazines des fans, mais encore aux agences de publicité, aux critiques, aux grands quotidiens, aux managers et aux revues d'intérêt général. Ces photos en noir et blanc sont les premiers médias des pin-up de l'écran. Surtout en raison du fait qu'elles peuvent être commandées directement aux studios d'Hollywood. Chaque mois, des milliers de lettres d'admirateurs arrivent, réclamant des photos des stars préférées. Parallèlement, les périodiques de cinéma tirent à 4 millions d'exemplaires par mois121(*). Film Fun ou Movie Humor publient dans leurs pages des photos de stars et de starlettes en maillot de bain, en robe transparente ou habillées de tenues excentriques garnies de plumes d'autruche. Toutes les « déesses du sexe » hollywoodiennes, sont appréciées, autant pour leur talent que pour leur sensualité.

2.2.1 Les sex-symbol.

Cela se prolonge jusque dans les années quarante, les années de guerre venant tempérer ces frivolités et ces divertissements luxueux. Le sex-symbol hollywoodien doit servir au bon moral des troupes, la pin-up doit exhorter le soldat à se battre. A Hollywood, les starlettes de divertissement sont remplacées par des actrices de talent comme Veronica Lake (1919-1973) ou Gloria Grahame (1923-1981). Toutes deux, en outre, sont très séduisantes. D'autres célébrités sont investies de ce type de fonction : Ann Sheridan (1915-1967) est la « Oomph girl » (la fille sexy par excellence) Rita Hayworth « la captivante », Jane Russel (1921- ) « la fille saine et bien en chair », et Esther Williams (1922- ) « la prodigieuse sirène »122(*). Quant à Betty Grable (1916-1973)... elle est tout simplement unique. Ses jambes font rêver des milliers de soldats au front. Dans son classique maillot une pièce, juchée sur ses talons hauts, un ravissant bracelet suspendu à son poignet, cette pin-up semble dire : « Retrouvez-moi bientôt au pays, les gars, c'est pour moi que vous vous battez ! ».

Dans les années 40 à 50, fleurissent des revues appelées : Movie Fan, Movie Pix, Movie Secrets, Screen Fun, toutes très populaires aux Etats-Unis. Les années cinquante sont marquées par le règne incontestable de l'actrice Marilyn Monroe (1926-1962). Aucun autre sex-symbol hollywoodien ne réussit à l'égaler. Marilyn incarne dans tous ses films le type même de la blonde évaporée, féminine jusqu'au bout des ongles. Elle symbolise le fantasme de la femme-enfant, femme que l'on souhaite protéger tout autant qu'on la désire ardemment. Ce cliché éclipse ces réels talents d'actrice. Et sa mort tragique transforme son destin en mythe.

Dans les années soixante, le public apprécie les stars plus terrestres, moins inaccessibles que ces sex-symbol des années quarante et cinquante. Ces actrices, tout autant appréciées pour leur talent que pour leurs courbes généreuses, posent pour des photos de presse et plus rarement pour des calendriers ou des magazines de fans. Surtout elles se démarquent du style pin-up qui ne convient pas à leur nouveau statut de star. Peut-être se considèrent-elles comme trop belles ou trop bonnes comédiennes pour être comparées à de simples pin-up.

2.2.2 De la pin-up anonyme au rêve américain : une difficile ascension.

Pourtant la plupart de ces actrices ont commencé, elles aussi, par être de simples pin-up, de simples chorus girl. Jean Harlow (1911-1937) pose en maillot de bain en se tenant à l'échelle et est remarquée dans une courte scène de comédie, sortant d'une Rolls Royce. Sa robe reste coincée dans la portière et elle traverse le hall de son immeuble dans une combinaison noire qui fait ressortir ses cheveux platine. Joan Crawford (1904-1977) quitte son emploi de serveuse de café pour figurer dans des évocations de scènes d'orgie. Lana Turner (1920-1995) pose sur des photos, habillée d'un costume léger de plumes d'autruche, en robe de soirée pour les publicités d'hôtels, et doit ses premiers contrats à un pull qu'elle porte sans soutien-gorge en buvant un milk-shake, assise sur un tabouret. Gloria Swanson (1899-1993) commence comme figurante habillée d'une casquette d'ouvrier et d'une salopette trop grande pour elle, scène tout à fait digne des pin-up dessinées. Jane Russel (1921- ), selon ses propres dires, abandonne son poste de secrétaire et de dentiste pour « baptiser les bateaux, juger des concours du plus beau bébé et multiplier des séances de photos en maillot de bain sur toutes les plages des Etats-Unis123(*) ».

Joan Blondell (1906-1979) marque les foules par le nombre de séquences dans ses premiers films où elle réussit à paraître toujours vêtue d'une courte combinaison de dentelle noire. Ann Sheridan gagne un concours organisé par un studio d'Hollywood de « Search of Beauty » qui longtemps ne lui assure que des contrats de figuration et de modèle. Ava Gardner (1922-1990), après avoir suivi des cours de dactylo, ne parvient pas à obtenir un emploi dans une agence, toutes ses photos étant refusées. Betty Grable joue les ingénues en chaussettes dans des comédies musicales de deuxième ordre, apparaît dans des scènes de harem ou pose avec un coeur géant le jour de la Saint Valentin. Quant à Marilyn Monroe, élue Miss Idaho Potatoe, elle commence par défiler sur les chars fleuris et présenter des maillots de bain. Rita Hayworth fait la tournée des boites de nuit en répétant toujours le même numéro de danseuse espagnole. Et Marlene Dietrich (1901-1992), après avoir tourné son premier film important, apparaît encore chaque soir sur une scène de Berlin, couchée sur le dos et pédalant sur un vélo fixe, dans une culotte de strass, en bas noirs et en talons aiguilles.

Le jour où, s'élevant dans la hiérarchie du « star system », elles deviennent connues et voient leur nom en tête des génériques, couvrant en grandes lettres les graphismes des affiches, cette ascension s'accompagne d'une recherche du perfectionnement visuel qui prend, lui aussi, une autre dimension. C'est leur corps et leur visage qui sont modifiés pour mieux correspondre aux règles draconiennes des compagnies et de leur statut de sex-symbol. Ces compagnies qui, plus que des fabricants d'images, deviennent presque littéralement des « tailleurs d'images », sculptant et refaçonnant traits et formes. On les dotent de prothèses diverses pour supprimer les défauts ou améliorer leur apparence : appareils latex détachables pour les nez trop épatés, tissus sous les lèvres pour les rendre plus proéminentes et sensuelles, ongles postiches, accroche-coeur, bandes chirurgicales pour remonter les seins. Et quant ces mesures sont jugées insuffisantes, on se livre à des opérations de chirurgie esthétique : épilation des sourcils, rectification du nez, retrait à l'électrolyse des cheveux pour agrandir le front, arrachage des molaires pour creuser les joues. La différence qu'il existe entre les premières photos de Marilyn à ces débuts de pin-up et celles en tant que vedette en sont un exemple frappant (Ill. 138, 139).

Mais surtout ces actrices sont tenues de respecter la loi d'airain des studios d'Hollywood qui les contraint à accepter tout rôle qui leur est destiné dans une distribution, les cantonnant alors à jouer et rejouer les mêmes personnages, preuve en est la filmographie de Marilyn Monroe et l'échec de sa tentative d'émancipation.

3. Leurs rôles.

3.1 Missions de guerre.

La présence visuelle et les rôles qui sont dévolus à ces pin-up de chair vont s'accroître durant la Seconde Guerre Mondiale. En effet elles sont recrutées par centaines pour des missions les plus diverses. Leurs services sont sollicités aussi bien par les organismes de propagande, les oeuvres de bienfaisance, les organisateurs de spectacles destinés à soutenir le moral des civils et des soldats, que par les responsables de campagnes orchestrées pour obtenir le soutien financier et matériel des populations.

Elles font la tournée des usines et des chantiers où elles chantent et dansent pour les équipes de jour comme de nuit. Elles se rendent dans les casernes et distribuent soupe et beignets aux foyers des soldats. Elles visitent les blessés rapatriés du front dans les hôpitaux et les maisons de repos. Montées sur de grandes estrades de bois décorées de drapeaux et de fleurs, elles se produisent sur des places publiques au centre des villes, dans les quartiers populaires et dans les villages. Elles baptisent les premiers avions de nouvelles séries sortant des usines de montages, cassent des bouteilles sur des navires de guerre et des sous-marins.

Des reines de beauté d'un jour appellent les civils à épargner, habillées selon la saison d'un maillot de bain ou d'un tailleur égayé par une écharpe tricolore nouée en travers de la poitrine. Des célébrités, vêtues d'une tenue de scène légère et décolletée, haranguent les foules en expliquant la nécessité de récupérer pour les fonderies les objets et articles ménagers en métal inutilisés ou superflus. Elles participent aussi à des quêtes destinées à recueillir des fonds pour les secteurs de l'industrie les plus cruciaux, et en particulier l'industrie aéronautique. Des villes, des usines, des clubs, des écoles se voient proposer l'achat collectif de « leur » avion de chasse ou de « leur » bombardier.

Quant à celles qui sont déjà connues, les vedettes et les vraies célébrités du monde du spectacle, de la chanson et du cinéma, elles ne sont pas oubliées dans cette vaste mobilisation. Elles aussi oeuvrent à des missions qui leur permettent d'apporter leur contribution à l'effort de guerre. Par patriotisme ou peut-être désireuses de ne pas être supplantées par leurs concurrentes obscures, elles n'hésitent pas à se dépenser et à payer de leur personne. Entre deux tours de chants, Vera Lynn (1917- ) sillonne les villes anglaises pour persuader les femmes de s'engager dans les corps féminins chargés de lutter contre les incendies et de gérer les abris antiaériens collectifs. Jane Russell appelle à souscrire des bons de défense. La strip-teaseuse Gypsy Rose Lee se produit dans des soirées où elle fait payer aux spectateurs le droit de retirer une des étoiles argentées collées sur son maillot de scène de gaze transparente. Rita Hayworth visite les casernes et se fait photographier en train de recoudre le pantalon d'uniforme troué d'un GI. Betty Grable vend ses baisers au cours de galas organisés par la Croix Rouge et sert des repas à la « Gamelle du soldat ».

Mais ces femmes apparaissent aussi sur les lieux même de la guerre. Sur les champs de bataille, se produisent les troupes du « Spectacle aux armées », constituées de volontaires peu connues. Les plateaux se réduisent à de grossières plates-formes mal éclairées où elles chantent et dansent. Une des seules vedettes à avoir pris l'initiative de rejoindre le front est Marlène Dietrich. Pendant plusieurs mois, elle quitte Hollywood pour sillonner tous les théâtres d'opération en Europe. Se déplaçant en camion et en jeep, habillée d'un blouson militaire, d'un pantalon kaki et de rangers, elle emmène avec elle une unique valise pour se déplacer facilement avec ses produits de maquillage, ses faux ongles qu'elle ne quitte jamais, et ses robes de scène décolletées à paillettes, à la fois seyantes et commodes, parce qu'elles ne se froissent pas. Avec courage et témérité, elle n'hésite pas à apparaître dans des endroits si proches des premières lignes qu'il n'y a pas de lumière, l'éclairage se faisant avec les phares de véhicules alignés les uns à côté des autres ou des lampes accrochées à des ficelles sur le plateau improvisé. Parfois, les soldats assistent aux représentations sans quitter leurs fusils qu'ils amènent avec eux. Avant de se reposer pour la nuit et de repartir le lendemain pour un autre point de front, elle se fait conduire vers l'hôpital de campagne du secteur. Là, devant un autre auditoire, elle reprend consciencieusement les mêmes numéros et les mêmes chansons, et dans le même ordre : « Je chantais toujours The Boys in the Back Room en premier, parce que c'était celle qu'ils voulaient tous124(*) ».

Un film datant de 1944, intitulé Pin-up Girl et réalisé par Libbie Bloch résume parfaitement la situation de ces pin-up durant le conflit. Ce film peut être apparenté à une comédie musicale en raison des nombreux numéros de danse et de chant. Lorry, jeune fille blonde et soignée, sert dans une cantine pour les soldats. Elle correspond avec de jeunes hommes envoyés au front et s'est déjà fiancée avec six d'entre eux. Dans la cantine, elle a beaucoup de succès et de nombreux militaires réclament sa photographie en « pin-up ». Elle rencontre lors d'une sortie Tommy, jeune Marine acclamé à son retour au pays suite à ses exploits militaires. Tommy et Lorry tombent amoureux mais la jeune fille lui cache son statut de sténographe, lui faisant croire qu'elle est une star du music-hall. Suite à une série de quiproquo, Tommy apprend enfin la vérité et Lorry devient finalement une star du music-hall. Le dernier numéro de chant qui clôture l'heureux dénouement montre Lorry et ses danseuses effectuant une danse aux fortes connotations militaires. Toutes vêtues d'uniformes très sexy, elles exhortent les jeunes hommes à s'engager. Au final, sur l'écran apparaissent les mots : Buy Bond (Achetez des Bons).

Cette fonction très particulière des pin-up, starlettes ou actrices durant les période conflit militaire est renouvelée lors des conflits suivants : la guerre de Corée, du Vietnam. En 1954, Marilyn Monroe, lors de la guerre de Corée, tout comme l'a fait Marlène Dietrich, va chanter de nombreuses fois dans différents camps et bases militaires. Ainsi de multiples playmates ou bunnies vont, à leur tour, chanter, danser et remonter le moral des troupes sur le front comme on peut le voir dans une séquence du film de Coppola, Apocalypse Now de 1979. Dans cette séquence, trois playmates, vêtues de manière très sexy (costume de cow-boy, maillot deux pièces aux couleurs des Etats-Unis et pagne d'indienne pour la troisième) donnent un spectacle dans un camp militaire. Suite aux danses très suggestives des jeunes filles, la foule s'agite, et la soirée commence à dégénèrer. Les trois playmates sont donc contraintes de s'enfuir en hélicoptère pour échapper aux GI's qui ont envahi la scène.

Seule Jane Fonda peut apparaître comme une « anti pin-up » lors de la guerre du Vietnam. Américaine, elle va soutenir les Vietnamiens et dénoncer les ravages de la guerre sur les populations locales, à l'inverse des autres sex-symbol de l'époque, se présentant simplement vêtue d'une chemise et d'un pantalon de toile.

3.2 Missions publicitaires.

Les pin-up de chair, au sortir de la guerre continuent d'exercer tout leur pouvoir de fascination. Et très vite, les publicistes trouvent dans ces images de nombreux avantages et exploitent le filon dans la continuité. En effet, celles-ci, notamment les chorus girl, découvrent rapidement qu'elles doivent passer plus de temps devant les appareils photos que devant les caméras. Les contrats de maison de production prévoient qu'elles soient disponibles en permanence pour poser au service d'images publicitaires de toutes sortes. De plus pour compléter leurs revenus, elles continuent à accepter d'autres engagements dans les agences diverses chargées de recruter à Hollywood des modèles ou des figures, présentées comme des « actrices » pour des affiches, des catalogues, des illustrations dans la presse. Et quand elles sont sollicitées par des invitations, c'est rarement pour des premières de films, mais pour des inaugurations, des réceptions publicitaires, des foires commerciales ou des défilés de fêtes locales.

Destinées à vendre, promouvoir ou fêter n'importe quel produit, objet, activité ou événement, elles sont appelées à remplir la même fonction interchangeable et répétitive. Elles posent aussi bien pour des marques de boissons, des nouveaux articles ménagers, que pour des banques ou des compagnies d'assurances, des blanchisseries ou des garages. Elles inaugurent des hôtels, des bars, des restaurants ou des mairies en se tenant debout sur les chars fleuris. Elles ouvrent la saison de football d'un club ou d'une université en short, bas résille, avec un ballon ovale sur les genoux. Elles célèbrent les événements les plus hétéroclites, depuis la première traversée de l'Atlantique en avion, coiffées d'un casque de pilote de cuir avec une hélice de carton fixée derrière la tête, jusqu'à la sortie d'une nouvelle pièce d'un dollar, les hanches et le bas du ventre couverts d'une énorme pièce de monnaie portée sur le côté comme un bouclier, et les bonnets d'un soutien-gorge ressemblant à une cotte de maille de pièces brillantes cousues125(*).

On les envoie dans des villes pour faire la publicité d'une nouvelle compagnie aérienne en se tenant devant l'insigne peint sur le fuselage d'un avion, au milieu d'une piste d'aéroport, ou en serrant dans leurs bras le pylône d'un feu rouge au coin d'une rue, après avoir été élue Miss Danger Signal. On les envoie à la montagne poser dans la neige pour une collection de vêtements de sport d'hiver, à la mer pour participer à des concours de beauté sur des estrades, baptiser des bateaux, présenter des nouveaux modèles de maillot de bain ou des voitures. On les envoie à la campagne se faire élire Miss Rodéo. Et au moment des récoltes, elles prêtent leur concours à des versions incongrues de calendriers agricoles pour promouvoir les produits que les agriculteurs ont du mal à vendre. Elles se déguisent en Miss Carot, habillées d'un guêpière, de longs gants et d'une cape de strass, et bardés de répliques en plastique de carottes, accrochées à la taille, sur les épaules et dans leurs cheveux ; ou encore en Miss Idaho Potatoe, affublés d'une robe découpée dans un sac de pommes de terre se terminant par des franges sur les cuisses et un collier brillant attaché au-dessus de l'encolure beige mat de la toile de jute.

Elles accompagnent également les jours de fêtes tout au long de l'année. Leurs présences en images étant en passe de devenir une rubrique permanente dans une grande partie de la presse populaire : « chaque jour férié est célébré avec des jambes et des seins. Le 4 Juillet, une starlette en culotte chevauche une fusée géante. Le jour de la Saint Valentin, elle porte un coeur géant en papier en se penchant juste assez. Pour Noël, elle porte un costume de Père Noël sans pantalon. Une semaine plus tard pour la nouvelle année, elle est en maillot de bain, assise, les jambes en l'air, dans un verre à champagne de deux mètres de haut126(*) ».

Un nouveau médium, la télévision, va aussi utiliser ces pin-up de chair comme publicité. Ce médium, apparu en 1930, devient particulièrement populaire dans les années cinquante. Ces jeunes filles, souvent choisies pour leurs attraits érotiques, présentatrices de jeux, d'émissions ou du bulletin météorologique, font alors la promotion de la chaîne. Elles sont une « vitrine » de celle-ci. Elles fidélisent les spectateurs. Tout comme les pin-up, elles peuvent recevoir de nombreuses lettres de leurs admirateurs. Dans les années quatre-vingt-dix, la chaîne Canal Plus, avec son émission « Pin-up » de quelques minutes, propose une caricature de ces jeunes femmes, miss météo et autres. Cette émission en les stéréotypant, dénonce leurs rôles.

Le genre photographique pin-up est un style photographique dont les frontières sont finalement assez floues. Entre la simple pin-up et l'actrice sex-symbol, la délimitation est parfois difficile à tracer. Malgré de nombreuses caractéristiques corporelles communes aux pin-up dessinées, corps valorisés, mêmes attitudes ou présentations et des fonctions identiques, soutien moral en temps de guerre et promotions publicitaires, les pin-up de chairs s'affranchissent de leurs homologues dessinés. Elles constituent alors une sorte de transition pour la presse masculine et préparent l'arrivée de la nouvelle figure féminine érotique : la playmate.

V. De la pin-up à la playmate.

Aujourd'hui dans le langage courant, il arrive que l'on désigne aussi les playmates sous le terme de pin-up. Or la playmate est contemporaine de la pin-up. Son histoire de « fille du mois » est intimement liée à l'une des revues de charme la plus populaire du XXe siècle Playboy. Le succès de ce magazine masculin n'aurait peut-être pas été aussi important sans l'attrait du poster central. Mais l'iconographie de la playmate ainsi que son utilisation font que celle-ci s'inscrit dans la lignée de la pin-up classique. Elle innove le genre tout en respectant le « système pin-up » qui a fait, certes la renommée des femmes dessinées, mais aussi l'incroyable popularité de ce nouveau fantasme de papier glacé. Playboy ouvre alors un nouveau chapitre de l'histoire de l'érotisme.

1. L'histoire excessive de Playboy.

1.1 Des débuts incertains.

Hugh Marston Hefner, né le 9 avril 1926, lance en 1953, à l'âge de vingt-huit ans, le magazine pour hommes qui deviendra le plus d'influent du XXe siècle, avec 8000 dollars empruntés à sa famille et ses amis - y compris plusieurs centaines de dollars sur la garantie des meubles.

Etudiant moyen, pendant ses études secondaires Hefner passe plutôt son temps à des activités extracurriculaires, comme le dessin humoristique et la publication du journal scolaire : The Pepper. A l'âge de 16 ans, il commence à rédiger son autobiographie, sorte de journal intime très dense et complet qu'il tiendra toute sa vie. Après avoir servi dans l'armée à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, durant laquelle il illustre de nombreux journaux de caserne, Hefner décide d'étudier la psychologie à l'université de l'Illinois. Il devient le rédacteur en chef du journal humoristique du campus Shaft mais écrit et dessine aussi pour le journal universitaire The Daily Illini. En 1948, après la publication du premier rapport Kinsey, il décide d'en faire un compte rendu dans Shaft. L'une de ses premières innovations est l'introduction dans ce même journal, d'une rubrique intitulée « l'étudiante du mois ». Après avoir soutenu son mémoire à la fin de l'année scolaire 1950 ayant pour thématique : le comportement sexuel et la loi, Hugh publie son premier ouvrage de dessins satiriques : Balade en ville. Cet ouvrage, édité à 5 000 exemplaires, est une fresque burlesque des usages et des moeurs de Chicago, selon la définition de l'auteur. Le ton est léger, comme nous le prouve un de ses dessins : un homme s'adresse à un autre, croisant une fille dont la jupe s'envole jusqu'à la poitrine, découvrant ses jarretières "Voilà bien longtemps que j'avais envie de visiter la Ville du Vent"127(*).

Après ses études Hefner exerce des tas de petits boulots pour finalement devenir rédacteur publicitaire pour Esquire. Lorsque cette revue transfère les bureaux de la rédaction de Chicago à New York, Hefner demande une augmentation de cinq dollars. La direction refuse et Hefner resté à Chicago, décide de lancer son propre magazine. Esquire lui sert de modèle. Le distingué mensuel pour hommes, fondé en 1933 par Arnold Gingrinch, avait acquis sa notoriété en combinant des textes littéraires rédigés par les grands écrivains de l'époque avec des pin-up de Petty, des photos glamour de George Hurrel et des dessins humoristiques osés. Hefner et les vétérans de la Seconde Guerre Mondiale forment la nouvelle génération, et avec un culot propre à la jeunesse, il se propose d'améliorer la formule d'Esquire pour l'adapter au goût du lecteur de l'après rapport Kinsey, première étude scientifique des comportements sexuels des hommes et des femmes. Comme lui-même le souligne dans le volume 52 de son autobiographie : « j'aimerais créer un magazine pour distraire l'homme de la ville, un journal à la fois enjoué et intelligent. Les photos des filles garantiraient les ventes initiales, mais le magazine aurait la qualité en plus128(*) ». Il veut appeler la nouvelle publication Stag Party, mais quant le périodique Stag émet une objection, il change le cerf mascotte du logo en un lapin et intitule son magazine Playboy.

Hugh donnera sa propre définition d'un playboy dans l'éditorial du numéro d'avril 1956 : « qu'est ce qu'un playboy ? Est-ce simplement un oisif, un bon à rien, un faignant toujours tiré à quatre épingles ? Non évidemment ! Un playboy peut-être un jeune homme d'affaire très brillant, un artiste, un professeur d'université, un architecte ou un ingénieur. En fait le métier importe peu ; ce qui compte c'est la vision du monde. Un playboy voit la vie non comme une vallée de larmes, mais comme une occasion de prendre du bon temps. Bien sûr, il aime son travail, mais ne le considère pas comme une fin en soi. C'est un homme vif, un homme aisé, un homme de goût, sensible au plaisir et qui, sans être un épicurien forcené, sait vivre intensément sa vie. Voilà ce que nous pensons lorsque nous utilisons le mot playboy ».

Le premier numéro sort sans date sur la couverture, parce que, d'après ce qu'il en est dit, il n'était pas sûr de la date de parution - s'il y en avait une - du prochain numéro. Le nom de Hefner n'est mentionné sur aucune des pages pour, du moins on le suppose, lui permettre de retrouver plus facilement du travail dans l'édition si le numéro fait un flop. La « note de l'éditeur » anonyme du premier numéro donne tout de suite le ton. Ce ton, qui dénote une certaine suffisance, est paradoxalement cordial avec une connotation d'appartenance : nous sommes élitistes, mais nous serions ravis de vous aider à vous hisser à notre niveau. Nous retrouvons ce même ton dans toutes les pages du magazine au cours des décennies suivantes. Ce premier numéro sera édité à 70 000 exemplaires et les réactions sont plutôt enthousiastes. Pour le Times, Playboy est « un journal futé et coquin129(*) », pour le Saturday Review : « même dans sa période la plus provocante, Esquire faisait figure de manuel de catéchisme comparé à Playboy130(*) » et pour Newsweek : « les rédacteurs d'Esquire doivent se sentir bien mal à l'aise à l'idée qu'un rival plus jeune d'une génération et nettement plus effronté était en train de pénétrer en force la chasse gardée des vieux messieurs131(*) ».

L'humour, le raffinement et le libertinage mis à part, le premier numéro de Playboy (Ill. 140) a une chose qui intéresse énormément les hommes - à savoir la page du milieu, une icône d'aujourd'hui, la photographie (Ill. 141), réalisée par Tom Kelley, de Marilyn Monroe dans le plus simple appareil, que Hefner a rachetée 500 dollars, à un imprimeur de calendrier local, Baumgarth Company. Dès le premier numéro, la formule soigneusement élaborée du magazine est une éclatante réussite : il se vend à plus de 54000 exemplaires132(*), ce qui est suffisant pour payer les factures et justifier la sortie du deuxième. Et du troisième... Et du quatrième... Et pour que Hefner appose son nom en haut de la couverture.

Tout comme le premier numéro, Hught réalise les trois numéros suivants dans son appartement. Au bout d'un an, Playboy est édité à plus de 175000 exemplaires, en 1956 à 500000 exemplaires et en 1959, avec ses 1 millions d'exemplaires il détrône Esquire133(*). Pour quelles raisons la formule connaît-elle un tel succès ? La clé réside dans l'expression « à la maison ». A l'exception d'Esquire, jusque là tous les magazines américains pour hommes supposent que leurs lecteurs sont de « vrais mâles », des chasseurs, pêcheurs, amateurs de bières, des fiers-à-bras de bistrot qui ne s'intéressent aux femmes que pour le sexe et panser leurs blessures, pour ensuite retourner se mesurer aux autres hommes. Contrairement à Modern Man par exemple, Playboy offre une vie plus sensuelle, où la culture l'emporte sur le muscle, où un homme peut passer ses loisirs en compagnie des femmes et y prendre du plaisir. Dans le monde de Playboy, un homme peut s'habiller avec élégance (les pyjamas en soie de Hefner sont là pour en témoigner), décorer son appartement, être un fin cuisinier et ne rien perdre de son charme auprès des femmes.

Hefner est absolument sérieux lorsqu'il parle de produire un magazine de très grande qualité comme il l'a promis. Comme les ventes continuent à augmenter, il recrute une équipe de rédacteurs, de dessinateurs, de photographes et d'illustrateurs de talent ; et il est connu pour payer tous ses collaborateurs à prix d'or dès les premiers numéros. Ces tarifs généreux lui assurent la collaboration d'écrivains de classe internationale, souvent très contestés à leur époque, comme Henry Miller (1891-1980), Vladimir Nabokov (1899-1977), Norman Mailer (né en 1923), Ray Bradbury (1920- ), Philip Roth (1933- ) et John Updike (1932- ). Pour achever sa vision d'un Esquire pour une génération plus jeune, Hefner engage Alberto Vargas (Ill. 142), un artiste quelque peu plus audacieux que George Petty pour dessiner la pin-up de Playboy dès le mois de mars 1957. Cette collaboration durera jusqu'en 1978. Il faut aussi reconnaître qu'au cours de son histoire, Playboy publie à maintes reprises d'excellents articles et entretiens. Cette série des interviews de gens célèbres forme à l'heure actuelle une impressionnante source documentaire. Le premier est Miles Davis (1926-1991), en 1962, interviewé par Alex Haley. Au cours des années suivantes, de nombreuses personnalités importantes se succèdent de Malcolm X (1925-1965), Fidel Castro (1927-), Snopp Dogg, les Beatles ou le candidat Jimmy Carter (1924-).

1.2 L'empire Playboy.

En 1960, Playboy se vend à plus d'un million d'exemplaires par mois et sa société HMH Publishing Compagny, qui se compose de plus d'une centaine d'employés, propose de nombreux produits dérivés ornés du célèbre lapin : boutons de manchettes, cravates de soie, briquets précieux... C'est le début de la « Grande Vie » pour Hefner, réalisant la vie de rêve qu'il présente dans son magazine. En octobre 1959, la première émission de télévision est lancée : Playboy's Penthouse. Hefner finance aussi cette même année le premier Playboy Jazz Festival et l'achat d'une luxueuse résidence à Chicago, la Playboy Mansion. Pour rester fidèle à cette notoriété d'appartenance dans le message de Playboy - la clé de son succès commercial - il ouvre le 29 février 1960, le premier des Clubs Playboy à Chicago. Trois ans plus tard, de nombreux clubs naissent un peu partout sur le sol américain : Miami, Nouvelle Orléans, St Louis, New York, Phoenix, Détroit et les bunnies*, serveuses particulières aux Clubs, envahissent le territoire. Le succès de Playboy apporte aussi à son créateur de nombreux détracteurs. Pour répondre à ceux-ci, Hugh Hefner écrit, en 1962, un long commentaire social, la Philosophie Playboy publié en deux ans et demi sur 25 numéros. Trois ans plus tard la Fondation Playboy est créée afin de soutenir les propositions de réformes juridiques, sociales, et politiques suggérées par cet ouvrage de philosophie. Certaines de ses propositions sont particulièrement intéressantes, d'un point de vue social et la Fondation Playboy investit dans plusieurs projets, supportant financièrement la défense de la liberté de parole, les droits du citoyen, l'éducation sexuelle, la contraception et une réforme plus humaine de la législation sur les drogues. D'autres propositions par contre relèvent de délires mégalomanes.

En 1971 le magazine se vend à 7 millions d'exemplaires par mois134(*) et la société Playboy fait son entrée en bourse avec son avion privé luxueux orné du célèbre logo, ses vingt-trois Clubs Playboy, ses villégiatures et ses casinos (le premier est ouvert en 1966 à Londres) dans le monde entier, plus une maison d'édition du livre, une agence de modèles, un label de disque, plusieurs compagnies de production de cinéma et de télévision et même un service de location de limousine. Hefner achète alors une autre résidence, la Playboy Mansion West à Los Angeles et s'y installe définitivement avec une cohorte de bunnies, de playmates et de petites amies, en 1975, pour mener la « Grande Vie » dans tous les sens du terme. Hugh Hefner représente alors l'exemple type du « self made man » et fait ainsi rêver des milliers de lecteurs. Par son parcours Hugh alimente bel et bien « l'american way of life ». La seule ombre au tableau de cet « âge d'or » est que Playboy devient la cible des féministes. Ce qui agace profondément Hugh qui a toujours pensé que Playboy libérerait les femmes de la répression sexuelle.

Les attaques augmentent dans les années quatre-vingts, la période la plus sombre de l'histoire de Playboy. De nombreuses histoires de corruption et de pots de vin touchés par certaines mafias suite à l'ouverture de casino obligent Hugh à s'en séparer. De même, les histoires sordides de drogues et de trafics touchant le personnel proche de Hefner, particulièrement sa secrétaire et l'assassinat d'une playmate, l'obligent à calmer le jeu. Lorsque les premiers cas de Sida apparaissent quelques années plus tard, l'Amérique revient à une morale plus stricte qui culmine en 1984 avec la nomination par Reagan de la commission Meese pour une étude sur les retombées sociales de la pornographie. Marqué au fer rouge, Playboy perd un grand nombre de ses points de vente sur les stands de journaux et beaucoup de ses annonceurs publicitaires. Les ventes dégringolent et redescendent autour de 3,5 millions d'exemplaires par mois, et Hefner se sépare d'un bout de son empire. Suite à une légère hémorragie cérébrale en 1985, Hugh, à 59 ans, nomme sa fille Christie (née en 1952) à la présidence du conseil d'administration et au poste de PDG de son entreprise, se contentant du poste de rédacteur en chef. En 1989, il renonce à la pluralité pour épouser Kimberley Conrad, la playmate de l'année.

L'élection de Clinton à la présidence en 1992 met fin à la chasse aux sorcières de la période Reagan. Cette période plus relaxée voit la reprise des affaires pour Playboy. A la fin des années quatre-vingt-dix, l'homme aux pyjamas, fraîchement divorcé, refait son entrée dans la société. Agé aujourd'hui de 81 ans, Hugh Hefner vit toujours à la Mansion entouré de ses petites amies et ne se déplaçant qu'accompagné d'une équipe de blondes voluptueuses.

La critique n'a aucun mal à discréditer l'univers de Playboy - un monde invraisemblable de luxe masculin et de chair féminine retouchée - puéril et pompeux, et aussi « effrontément » (un terme favori du lexique du magazine) chauviniste.

Mais pour vraiment comprendre le rôle culturellement subversif qu'a joué, un temps, le mensuel, il faut se rappeler l'époque d'où il vient. En 1953, six mois avant le lancement de Playboy, la guerre de Corée s'est terminée en impasse, Julius et Ethel Rosenberg, accusés d'être des espions russes, ont été électrocutés ; le sénateur Joe Mac Carthy est à l'apogée de son pouvoir avant sa disgrâce un an plus tard. Une culture effrayante et pernicieuse, un mélange de consumérisme aveugle, de paranoïa anticommuniste et de puritanisme affiché se répandent. Playboy offre alors, indirectement, une alternative en rendant visible et en soutenant, grâce à la publication de textes et de reportages, des opinions divergentes ou critiques comme par exemple, en faisant s'exprimer les courants révolutionnaires de l'époque : beatnik, hippie, freak, Black Panthers....

2. Les filles de Hugh.

2.1 La playmate.

Pour Tom Starler, l'un des trois directeurs artistiques qui se sont succédés à Playboy, « sans le poster central, Playboy aurait été un magazine littéraire de plus135(*) ». L'incroyable succès et la notoriété de la revue proviendraient alors de cette jeune femme qui pose, plus ou moins dénudée, pour le poster central. D'abord appelé « fille du mois », celle-ci deviendra très vite la playmate et ne cessera de marquer les esprits comme le souligne Tom Starler : « les playmates devinrent un rite de passage de l'adolescence à l'âge adulte pour une génération d'Américains. Presque tout le monde se souvient de son premier numéro de Playboy et de sa première playmate136(*) ». Avec celle-ci, Hugh Hefner exploite la notion érotique de « la fille d'à côté ». « La fille d'à côté » est une sorte d'archétype de la voisine de palier, jeune, fraîche et sympathique, en réaction, pour Vince Tajiri, un des photographes attitré de Playboy, « à la beauté froide et sophistiquée des mannequins de Vogue137(*) ». Ce concept s'inscrit alors dans prolongement de la pin-up dessinée.

Pour Hugh Hefner, son concept de « la fille d'à côté » est proprement révolutionnaire et résulte d'une nouvelle conception de la sexualité, et particulièrement de la sexualité féminine : « tout comme les pin-up reflétaient l'image un peu coquine de la bonne fille américaine, les playmates ont reflété ma propre vision romantique du sexe opposée. Dès les origines, je suis parti à la recherche de cette image de la fille d'à côté, de la voisine de pallier. Une image faisant partie d'une attitude positive, croquant la vie à pleines dents, vis-à-vis de la sexualité. [...] Ce concept a bien plus servi à l'émancipation qu'à l'exploitation des femmes. Cela dit je ne pensais guère en ces termes lorsque le magazine fut créé. A l'époque, j'essayais de faire passer le message que les jolies filles des voisins pouvaient aussi aimer le sexe. Cette idée fut révolutionnaire dans les années cinquante alors que soufflait le vent du refoulement. A cette époque, l'homme n'avait le choix - dans la représentation de la femme - qu'entre la madone et la putain. Toute expression de sexualité devait aussitôt déclencher des sentiments d'inconfort. Mon idée ne faisait que réactualiser ce qui avait été déjà dit sur les pin-up. L'art de la pin-up n'avait jamais été quelque chose de vulgaire138(*) ». L'éditorial du numéro de juillet 1955 va dans ce sens : « bien sûr on serait tenté de croire que d'aussi splendides créatures vivent dans un monde à part. Cependant détrompez-vous : d'innombrables playmates en puissance évoluent au tour de vous. Il suffit d'ouvrir les yeux : la secrétaire que vous venez d'embaucher, la beauté aux yeux de biche assise en face de vous hier au restaurant, la vendeuse de votre magasin préféré. La preuve : nous avons trouvé Miss Juillet dans notre service abonnements139(*) ».

Pour répondre à ce concept de « fille d'à côté », la rédaction du magazine invente à chaque fois de petites anecdotes pour introduire les playmates. A partir du numéro de juillet 1971, la magazine propose même une fiche d'identité plus ou moins fabulée de la playmate, fiche nous renseignant sur les loisirs de celle-ci, ses lectures...Tout cela est mis en place afin de rendre la playmate accessible aux lecteurs. Le fantasme prend alors une allure très réaliste. L'érotisme est aussi renforcé par le fait que la playmate est d'abord présentée, avant le poster central, dans son quotidien : photographie d'elle lisant dans son salon, promenant son chien... Le poster central raconte, lui aussi, une histoire, comme si nous surprenions la playmate dans une scène de vie quotidienne, détail, qui pour Vince Tajiri, crée tout l'érotisme de l'image : « Hefner affectionne une sorte de spontanéité naturelle et candide. Surtout il aime observer une étincelle dans l'image et un certain éclairage. La fille est active. Elle est photographiée à un instant de sa vie, en train de faire quelque chose ou vient juste de la faire, et là, elle regarde l'objectif. C'est ce qui crée le contact avec le lecteur140(*) ».

Mais l'érotisme dégagé par l'image provient aussi du fait qu'une présence masculine est suggérée. La playmate est plus ou moins dénudée, l'homme n'est pas loin, comme si nous surprenions le couple ou plutôt la playmate à un moment de sa vie sexuelle. Gary Cole, aujourd'hui directeur photo du magazine, souligne ce même point : « Hef aime les posters qui véhicule une idée, qui raconte une histoire. Un instant de séduction. La présence d'un homme est suggérée. Nous commençons avec une jolie fille, mais ce sont les autres éléments - le stylisme, les vêtements, les détails - qui en font un poster. Le poster est un film tout entier dans une seule image141(*) ». Comme avec les pin-up, le côté voyeuriste est mis en avant. Mais la playmate, déculpabilise également le spectateur voyeur en le regardant et en souriant. Mais elle n'est pas vraiment surprise, elle se sait regardée et apprécie. Cette présence masculine apparaît différemment dans les mises en scène des poster : pour le numéro d'avril 1955, une pipe est posée près du lit sur lequel est étendu la playmate ; pour celui d'août de la même année, on retrouve aussi une pipe près du tabouret et la playmate porte une chemise d'homme ; pour le mois de novembre 1955, une cravate, un savon à barbe et le blaireau sont disposés sur une table contre laquelle s'appuie la playmate et enfin dans le numéro de juillet 1956, on distingue la silhouette d'un homme au fond.

Comme nous le souligne Hugh Hefner, Playboy se propose alors de réaliser le rêve américain : transformer la voisine de pallier en sex-symbol142(*). Et pour ce faire, on n'hésite pas alors à « retravailler » le corps féminin afin qu'il réponde aux canons esthétiques en vigueur (40 % des playmates sont blondes par exemple), mais aussi à l'agrémenter des signes de séduction afin de le rendre plus attrayant et érotique. La playmate, tout comme la pin-up qu'elle soit dessinée ou photographiée, est une idéalisation du corps féminin. A ne pas en douter, en plus d'une stricte sélection basée sur l'esthétique et l'âge, la playmate subit une « purification » du corps grâce au maquillage qui gommera les imperfections indésirables à l'harmonie corporelle. Ainsi, par exemple, grâce à des artifices comme l'air conditionné, les mamelons sont « retouchés », autrement dit, mis dans un état d'érection qui les rendra plus désirables et censés traduire l'excitation sexuelle de la jeune femme.

Susan Bernard pose dans les années soixante comme playmate : « Mon père me présenta Hugh Hefner, un homme en robe de chambre rouge fumant la pipe sous un tableau de Picasso. C'est ainsi que, dans les années soixante libérées, à l'âge tendre de 17 ans, je devins la première vierge juive à poser pour le poster central de Playboy ! Je me tenais devant un arbre de Noël, souriante, la hanche droite en avant, un bras levé, un bouquet de gui dans une main, le corps cambré en S, le menton bien haut, mes mamelons poudrés de rose dressés dans toute leur splendeur143(*) ». En dissimulant ainsi les imperfections de la peau comme les moindres boutons, les cicatrices, les veines apparentes ou les tâches de naissance, la féminité est exacerbé, car renvoyée à une sacralisation, loin de la réalité du corps des femmes. Ce corps est « amélioré » afin de correspondre aux canons esthétiques et érotiques et devient ainsi un support de fantasmes. Et pour ce faire, le modèle est tenu à une discipline de fer. La playmate n'est pas finalement une femme réelle puisque, grâce à d'habiles procédés elle atteint une certaine perfection corporelle, perfection corporelle instrumentalisée dans un but commercial. Et c'est justement parce qu'elle n'est pas tout à fait réelle qu'elle s'inscrit dans la continuité des pin-up en tant qu'image idéalisée et normalisée de la beauté féminine.

Cette exigence corporelle est la base du statut de playmate et ce qui la fait advenir comme telle. L'article 5 du contrat de playmate souligne bel et bien cet aspect là : « au cas où la playmate se laisserait aller et négligerait son apparence physique, par exemple en prenant ou en perdant excessivement du poids, ou en subissant toute modification physique susceptible de porter atteinte à son pouvoir de séduction et de détruire ainsi la valeur promotionnelle qu'elle représente, le magazine Playboy se réserve le droit de mettre fin au contrat144(*) ». Cette exigence esthétique, ce corps idéalisé et l'image que renvoie la playmate à propos de la sexualité féminine, dans les années soixante-dix, vont profondément affecter les féministes de l'époque. Ce que prouve la « lettre ouverte aux femmes que Playboy ne publiera jamais » de Susan Braudy, lettre publiée dans Glamour, un magazine féminin : « Pourquoi un magazine pour titiller des hommes n'offre-t-il pas une représentation objective de la vraie femme à ces braves hommes ? Pourquoi faut-il monter un corps de rêve si déshumanisé qu'il en devient désexualisé : poil épilés, odeur remplacée, pores bouchées par les cosmétiques, visage lisse et expression doucereuse, vide de toute menace ? L'homme de Playboy est-il si faible, si désespéré ? Incapable d'affronter la réalité et les vrais femmes que la créature de rêve qui hante ses fantasmes inspirés sur le papier glacé de Playboy doit être mécanisée, passive, manipulable et dominable ?145(*) »

2.2 Les bunnies.

En effet, Playboy idéalise d'un point de vue masculin, peut-être, toute sexualité authentique en proposant une image fétiche. Il s'inscrit grâce à la playmate dans le « système pin-up ». C'est ce qui semble aussi apparaître en filigrane dans les discours de Keith Hefner, frère de Hught, en charge des bunnies, serveuses dans les Club Playboy : « Qu'est ce qu'une bunny ? Une bunny, tout comme la playmate de Playboy, c'est la fille d'à côté. Elle représente l'Américaine mythifié et romanesque... C'est une femme à la fois très belle, désirable et sympathique, qui adore s'amuser. Une bunny n'est ni une fille de petite vertu, ni une hippie. Elle peut être sexy, mais sainement, sans perdre sa fraîcheur146(*) ». Les bunnies doivent alors paraître « naturellement » sexy et séduisantes. Elles sont reconnaissables à leur costume particulier (Ill. 143) : collant résille, talons, justaucorps en satin de couleur, petit noeud papillon et l'incontournables queue et oreilles de lapin. Elles sont soumises à une réglementation très stricte. Cette réglementation s'applique bien sûr à leur costume et sûrement à leur vertu : « N'oubliez pas que votre bien le plus précieux est votre petite queue de lapin [...] elle doit être d'une blancheur irréprochable147(*) ». Mais aussi à leur comportement, on leur apprend comment allumer une cigarette de manière sexy. Leur aspect physique est également strictement contrôlé : poids, mensuration, interdiction d'être enceinte, hygiène de vie saine... Leur corps est évidement le capital le plus précieux des bunnies. Nombreux sont les récits d'ex-bunnies qui racontent les difficultés et la pression constante que celles-ci rencontrent : interdiction de fumer pendant les quelques minutes de pause lors des heures de services, de mâcher du chewing-gum. D'autres racontent les marques rouges laissées à la taille par les justaucorps trop serrés, les tiges métalliques des serre-tête oreilles de lapin qui rentrent dans le cuir chevelu. Les bunnies possèdent en outre, dans la hiérarchie de l'empire Playboy, un statut moins prestigieux que la playmate, preuve en est le fait que dans la Playboy Mansion, elles résident dans un dortoir collectif, au dernier étage alors que les playmates possèdent des chambres privatives voire des petits appartements.

Cependant tout comme les playmates, les bunnies doivent susciter le rêve et le fantasme et pour cela être inaccessibles, en n'ayant, en particulier, aucune relation intime avec les clients, point sur lequel insiste Keith Hefner : «  Le Club Playboy appartient plus au show-business qu'à l'hôtellerie, et les bunnies sont les stars. Nous avons des managers comme metteurs en scène, des barmen comme des chefs de plateaux, des portiers et des aides serveurs comme machinistes. C'est vous - les stars - qui attirez les gens à l'intérieur du club. C'est vous qui lui donnez son prestige, et nous voulons être sûrs que ce prestige restera toujours mérité. C'est pour cette raison que nous tenons à ce que les bunnies ne deviennent jamais intimes avec les clients. Si les hommes adorent Elizabeth Taylor, c'est parce qu'ils savent qu'ils ne pourront jamais la toucher ni lui faire des avances. Dès l'instant où ils auraient la possibilité de l'approcher et de faire plus ample connaissance, elle ne jouirait plus de l'aura de prestige qui l'entoure. Il doit en être de même pour les bunnies. Nous ferons tout ce qui est dans notre pouvoir pour faire de vous la plus enviée des Etats-Unis, travaillant dans le cadre le plus exaltant et le plus prestigieux du monde148(*) ».

3. Dans la lignée des pin-up.

3.1 Des thématiques communes.

Pour Hugh Hefner l'origine de la création de Playboy et de la playmate est le résultat de deux influences, d'une part les films hollywoodiens des années trente avec ses rêves de luxe, de glamour et de vie réussie ; mais aussi d'autre part, des magazines comme Life, Look, Esquire et True qui proposent dans leurs pages les pin-up de Vargas et de Petty149(*) : « j'ai eu le coup de foudre pour les dessins de Petty que j'ai entrepris de collectionner. Lorsque je me suie mis à les afficher sur les murs de ma chambre, mes parents ont été horrifiés. Ils ne m'ont pas cependant forcé à les retirer150(*) ». Pour son créateur, la playmate s'inscrit dans la tradition américaine de glorification de la beauté de ces citoyennes : « cette idée de Ziegfeld de glorifier la femme américaine fut une source d'inspiration lorsque je lançais, beaucoup plus tard, le concept de la playmate du mois. J'eus l'impression de partager avec Ziegfeld son sens du spectacle et de l'appréciation de la beauté151(*) ». Ziegfeld est l'homme, qui aux Etats-Unis, a mis en place, un des plus célèbres music-hall et théâtre du XXe siècle. La beauté de ses danseuses et la qualité de ses représentations firent de lui le maître du monde du spectacle et du divertissement. En s'inscrivant dans sa lignée, en choisissant un tel maître, Hugh, non seulement, donne une valeur artistique à son travail et son projet, se protégeant ainsi des critiques « d'obscénité, d'immoralité et de luxure » mais aussi il se fait accepter au panthéon des acteurs du glamour, glamour qui a fait la renommée des Etats-Unis.

A l'inverse, Hugh est parfaitement conscient du rôle qu'ont joué les pin-up dans son éducation et dans son éveil à la sexualité notamment lorsqu'il est soldat dans l'armée : « ma vie est longue histoire d'amour avec les pin-up. Adolescent, j'accrochais les girls dessinées par Petty sur les murs de ma chambre. C'était là un véritable acte de rébellion précoce dans une maison très puritaine. Après l'école, mon diplôme en poche, je me suis engagé dans l'armée. Comme n'importe quel garçon faisant son service, j'avais tout le minimum vital dans ma cantine : un uniforme, un casque et une pin-up. On a tendance à minimiser l'importance de ces demoiselles sur papier glacé au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Pas de discrimination : les plus grandes vedettes au même titre que les plus jolies starlettes ont posé pour ces photos. Certaines carrières furent même lancées sur la base d'un seul de ces clichés152(*) ».

Les soldats ont appris à aimer, apprécier un certain modèle féminin érotique, à se délecter d'un idéal corporel et à reconnaître les signes de séduction grâce à la déclinaison des mêmes accessoires, des mêmes attitudes, des mêmes mises en scène. Hugh le sait car lui aussi a été « conditionné ». Et c'est pourquoi Hugh Hefner va reprendre avec les playmates ce qui a fait le succès des pin-up. Tout comme leurs cousines, les playmates sont présentées avec tout l'attirail traditionnel d'accessoires de séduction. La playmate du mois d'avril 1975, Victoria Cunningham, ne porte que d'immenses bas noirs et des chaussures à talons tout comme la playmate d'octobre 1979, Ursula Buch Jellner ou Sylvie Garant, playmate du mois suivant, et plus récemment la playmate du mois de février 2002, Anka Romensky, et enfin Tailor Junes, playmate de juin 2003. Playmate de juillet 1975, Lynn Schiller, porte, quant à elle, la panoplie complète : bas, talon, porte-jarretelles. On remarque que l'utilisation de ces accessoires devient systématique à partir de 1973 pour les photos de playmates. Ces photos prennent alors un ton fétichiste, renforcé parfois par la matière des sous-vêtements : satin, cuir, latex... ou par leurs coupes : culotte fendue, guêpière, corset. Le déshabillé de dentelles connaît aussi un réel succès avec les playmates. Déshabillés que portent par exemple la playmate du mois de novembre 1957 ou du celle du mois d'août 1961, Karen Thompson, dans un décor romantique : sofa moelleux, coupe de fruit, cage à oiseaux.

Mais c'est surtout au niveau de la mise en scène que l'on retrouve les traits caractéristiques des pin-up. Hugh met un point d'honneur à présenter ses playmates dans une mise en scène de la vie quotidienne. Il faut que le poster central raconte une histoire.

Ainsi, la playmate apparaît dans des scénarii dont les thématiques sont communes avec les pin-up. Et certaines mises en scène sont aussi peu crédibles que celles des pin-up : miss avril 1956, Rusty Fisher, bricole, uniquement vêtue de son jean, un marteau dans la poche arrière de celui-ci. Mais à l'inverse de la pin-up, il n'y a aucun détail, aucune instrumentalisation du scénario pour dévoiler une partie de l'anatomie de la girl ou sa lingerie. La playmate se dévoile d'elle-même. Elle est consciente, à l'inverse de la pin-up, de son pouvoir de séduction et de son potentiel sexuel. Elle connaît son pouvoir érotique, elle sait ce qui excite.

La thématique du bain est une des thématiques les plus courante chez les pin-up, car elle offre au spectateur une scène intime et renforce le côté voyeuriste. Cette thématique du bain apparaît aussi souvent dans le monde des playmates : pour celle du mois d'octobre 1955, Barbara Cameson ; du mois d'octobre 1957, Collen Farrington ; la playmate du mois de mai 1958, Lari Laine ; celle du mois de janvier 1963, Judi Monterey ; ou de juin 1972, Debbie Davis. Ce côté voyeuriste peut être renforcé par l'utilisation d'un miroir. Le jeu que l'artiste propose avec le miroir implique aussi le spectateur comme protagoniste. Le miroir autorise et stimule le regard du voyeur : playmate du mois de février 1957, Sally Todd nous dévoile ses fesses, grâce à ce miroir. Margie Harrison, playmate du mois de juin 1954, s'inscrit quant à elle dans la lignée de Petty girl : elle pose en train de téléphoner et porte d'immenses gants noirs. Tout comme les pin-up, les playmates sont aussi présentées en fonction des différentes fêtes de l'année avec la plupart des symboles de ces fêtes : Bettie Page, playmate de janvier 1955 pose nue prés d'un sapin de Noël seulement vêtue du bonnet du Père Noël.

Nous avions vu aussi que les pin-up sont souvent présentées près d'une source de chaleur, symbole de l'ardeur sexuelle. Ce feu « érotique » est visible dans la mise en scène de la playmate juin 1955, Eve Meyer ou dans celle de février 1962, Kari Knudsen. Souvent la séduction, l'appel sexuel, joue sur côté « Lolita » que l'on ne peut nier : parfois à la place des chaussures à talons les pin-up porte des petites chaussures à boucles et des socquettes blanches. Playmate du mois de juillet 1960, Teddù Smith porte une petite jupe plissée, des socquettes blanches et un chemisier à col Claudine qu'elle est en train d'enlever. On retrouve aussi des série de playmates qui s'inscrivent dans des représentations traditionnelles, playmate d'avril 1989, Jennifer Jackson et celle de juin 1990, Bonnie Marino sont « vêtues » comme de parfaites secrétaires : cravate, chemise blanche ouverte, veste de tailleur pour la première et chemisier blanc avec jupe de tailleur relevée pour la seconde. Shauna Sand, playmate de mai 1996, incarne quant à elle, le fantasme de la jeune mariée : elle ne porte que des sous-vêtements blancs tout en dentelles, des chaussures à talon et le traditionnel voile de mariée. La playmate, tout comme les pin-up, est une beauté américaine, une « fille bien de chez nous » ; Susan Miller, playmate de septembre 1972, est une cow-girl, elle porte des santiags, un petit short, un chapeau de cow-boy et tient une bière à la main.

Une des dernières séries commune avec les pin-up est la série des playmates « militaires ». Comme leurs cousines, il arrive que les playmates portent des vêtements qui se rattachent plus ou moins à l'univers militaire, vêtements évidemment beaucoup plus sexy que les uniformes conventionnels. Playmate d'avril 1963, Sandra Setter, porte le calot de l'armée de mer tout comme celle du mois de décembre 2004, Tiffany Fallon, à cheval sur un mât, vêtue d'un costume complet de marin avec des talons rouges. Wendy Kaye, playmate du mois de juillet 1991, est elle aussi vêtue comme un marin : calot, pull à rayures. Ce costume a aussi un petit air patriotique : elle porte avec ses talons rouges, des socquettes blanches ornées des étoiles du drapeau américain. Quant à la playmate de février 1986, Julie McCullough, elle porte uniquement une veste militaire kaki ornée de nombreuses médailles et un chapeau de Marine.

3.2 La playmate, soutien moral.

Cette dernière série n'est guère étonnante en raison du soutien moral des troupes attribué aux pin-up durant la Seconde Guerre Mondiale. Rôle sur lequel Hugh Hefner est particulièrement lucide : « pendant la guerre, les pin-up ont grandement servi à dynamiser le moral des troupes en rappelant gentiment à tous ces gars si loin de leurs foyers ce pourquoi ou pour qui ils étaient en train de se battre. Les plus belles filles, on les trouvait dans l'hebdomadaire Yank : the army weekly. C'est à l'un des rédacteurs de ce magazine qu'on doit le terme pin-up. Ce qui peut paraître étrange, au regard d'une certaine controverse politique à propos de la vente de Playboy - et des autres magazines sexy - dans les bases de l'armée américaine, c'est que Yank était une publication gouvernementale, malgré son côté polisson. Tout comme Stars and Stripes, le magazine de l'information des armées, Yank était lu par des millions de recrues dans le monde entier et je n'en ai d'ailleurs moi-même jamais raté un seul numéro153(*) ».

D'où l'incompréhension de Hugh Hefner. Comment après avoir encouragé, publié et même consommé ces images, l'état américain et ces citoyens peuvent qualifier Playboy de revue immorale et les photographies de playmates d'obscènes vu que celles-ci s'inscrivent dans la tradition des pin-up : « ce que l'on considérait comme vital pour les gars qui servaient leur patrie était du même coup réduit à l'état d'obscénités par ladite mère patrie154(*) ». Hugh est conscient de l'hypocrisie qui règne autour de la sexualité dans les années cinquante et soixante au Etats-Unis : « Bien que les américains aient toujours été bien plus coincés que leur cousins du Vieux Continent, cela ne les a jamais empêché de se délecter à la vue de jolies filles [...] mais comme toujours, l'idée de célébrer la sexualité, même sous une forme artistique comme c'était le cas avec les pin-up, a causé un certain malaise chez un bon nombre de gens155(*) ».

Mais l'histoire de Playboy rassurera Hugh. Car tout comme les pin-up qui l'ont soutenu durant la Seconde Guerre Mondiale, les playmates soutiendront les GI's au Vietnam et de ce fait, deviendront acceptables, ayant prouvé leur « rôle social ». Point sur lequel le Washington Post est très lucide dans un article de l'année 1967 : « si la Seconde Guerre Mondiale était celle de la Bannière étoilée et de Betty Grable, la guerre du Vietnam est celle de Playboy. La Playmate est l'amie, la maîtresse ou la femme de chacun156(*) ». Susan Bernard se souvient des nombreuses lettres qu'elle reçoit des GI's après avoir posé comme playmate du mois de décembre 1966 : « en tant que miss décembre 1966, je finis sur le mur de nombreuses chambrées de casernes américaines, où l'innocence de plus d'un soldat s'acheva dans une giclée de sang. [...] J'ai conservées une liasse de lettres manuscrites, reçues du Vietnam, remplies d'espoirs intimes, de rêves et d'aspirations de ces GI's157(*) ».

Playboy enverra même une des playmates sur le front afin de respecter une offre promotionnelle. En effet dans les années soixante, Playboy propose pour tout nouveau abonnement à vie que la playmate du mois viennent en personne livrer le premier numéro à l'abonné. Un régiment s'étant cotisé pour s'offrir cet abonnement qui s'élève alors à 150 dollars, celui-ci verra débarquer sur le front la playmate avec un numéro de Playboy. D'autres camps militaires ouvriront leur propre Club Playboy certes sans les bunnies ni le luxe mais l'esprit est là et cela suffit à remonter le moral des troupes.

Et à chaque nouvelle guerre, il semble que ce concept : « des jolies filles pour le moral des troupes » soit réactivé. Juste avant l'opération « Tempête du désert » de la Guerre du Golfe, Kimberley Conrad, femme de Hugh et playmate de l'année, lance « l'Opération Playmate », opération qui connaît un certain succès puisque le général Norman Schwarzkopf envoie une lettre de félicitations et de remerciements aux playmates qui se sont déplacées.

Par son iconographie (mises en scène, attitudes, perfection corporelle) et par son utilisation (patriotisme érotique en tant de guerre), la playmate s'inscrit évidemment dans la lignée des pin-up. Mais elle renouvelle le genre, en dépoussiérant l'érotisme de « la fille d'à côté » à l'adaptant aux nouvelles attentes du public masculin. Playboy ouvre alors un nouveau épisode de l'histoire de l'érotisme et constitue un chapitre riche et significatif de l'histoire culturelle des Etats-Unis. D'autres revues masculines de charme vont alors s'engouffrer dans le sillage de Playboy : Penthouse pour le Royaume Uni, Lui pour la France, proposant eux aussi ce qui a fait le succès et la popularité de Playboy, la femme de papier glacé : la playmate.

Partie III : Nouvelles figures de la pin-up.

I. Un nouveau support pour de nouvelles pin-up : la bande dessinée.

La pin-up va donner naissance à d'autres figures féminines qui peuvent exister parallèlement à celle-ci. Ces figures dont le graphisme les rapproche des pin-up classiques vont néanmoins s'éloigner de l'iconographie de celles-ci mais aussi de leurs utilisations et leurs rôles traditionnels. Ce sont d'abord les comic books, qui avec leurs personnages féminins sexy, amorcent cette « dérive », mêlant leurs héroïnes à des aventures dangereuses ou à des univers réservés aux hommes. Puis la bande dessinée pour adulte prend le relais en proposant des histoires qui vont de plus en plus critiquer le monde des pin-up et mettre en relief le fonctionnement du « système » pin-up pour, souvent, mieux le dénoncer.

1. Un nouveau support : les comic books.

1.1 Le lectorat des comic books.

Après le cinéma et la publicité, c'est la bande dessinée qui fait le plus pour diffuser les pin-up auprès d'un public majoritairement juvénile. Le marché de ces publications est en plein essor, surtout aux Etats-Unis. Le plus grand paradoxe de l'histoire des comic books est que leur période de plus grand succès la décennie 1945-1955, est également celle au cours de laquelle ils deviennent les cibles privilégiés des censeurs.

La lecture des comic books est alors une pratique culturelle quasiment universelle chez les préadolescents et les adolescents américains des deux sexes. Selon une série d'articles parue en 1942 dans le New York World-Telegram, l'âge moyen des lecteurs de comic books est de 10 à 12 ans158(*). Une enquête réalisée en 1944 révèle qu'entre 6 et 11 ans, 95% des garçons et 91% des filles lisent des comic books, à raison d'une douzaine par mois en moyenne (donc 3 par semaine) ; entre 12 et 17 ans, 87% des garçons et 81% des filles lisent 7 à 8 illustrés par mois (soit 2 par semaine) ; les lecteurs de 18 ans et plus représentent encore 41% des hommes et 28% des femmes, qui consomment en moyenne une demi-douzaine de comic books par mois. Cette enquête montre l'ampleur de la lecture des illustrés chez les jeunes Américains mais aussi, dans une moindre mesure, chez les adultes.

Un sondage réalisé en 1948159(*) pour le groupe de presse Hearst met en valeur la progression de la lecture de bandes dessinées de presse chez les adultes : 81,1% des adultes vivants en ville en lisent et sont simultanément de gros consommateurs de radio, de cinéma et de magazines. La lecture de comics est partagée équitablement entre toutes les couches de la société avec de faibles écarts entre les catégories socioprofessionnelles des chefs de famille. Les plus gros lecteurs sont les ouvriers qualifiés et les artisans (85%), suivis par les employés (82,5%), les ouvriers spécialisés (78,9%), les cadres et professions libérales (78%). En somme, quatre adultes sur cinq lisent des bandes dessinées et l'intensité de cette pratique est proportionnelle au niveau d'études et à la consommation de médias de divertissements160(*). Une autre étude menée pour le compte de National Comics (DC) donne une image plus fine du lectorat des comic books à la même période. Les chiffres portant sur les jeunes sont prévisibles : 92,7% des 8-14 ans et 72,1% des 15-20 ans lisent des illustrés. Plus surprenant est le constat que le poids numérique des adultes en fait les plus gros lecteurs : 53,7% des lecteurs de comic books sont âgés de 21 ans et plus ; la tranche 31-45 ans représente à elle seule le quart du total de toutes les générations confondues161(*).

Les comic books sont alors aussi populaires chez les adultes que chez les enfants ou adolescents comme nous le prouve ces différentes enquêtes. L'attrait pour ces revues provient évidemment de leurs thématiques variées : policier, horreur, aventure, animalier, romantisme qui répondent aux différentes attentes du lectorat. Mais de très nombreux comic books, notamment ceux destinés à un public masculin, comportent un nombre important de figures féminines. Par leur graphisme ces femmes se rattachent à l'iconographie de la pin-up mais leurs rôles sont légèrement différents.

1.2 Des héroïnes sexy.

Or, les héroïnes dans ces magazines ont changé depuis la guerre. Elles ne sont plus représentées comme des êtres asexués : leurs seins sont nettement soulignés et les courbes de leurs hanches et de leurs cuisses sont devenues des formes résolument sensuelles.

Le cas de l'éditeur de comic books Eductionnal Comic se révèle particulièrement exemplaire de cette évolution. En 1947, William Gaines hérite d'Educational Comics, une petite maison d'édition fondée par son père, dont le but était donc de produire des illustrés éducatifs et des histoires susceptibles d'être lues par tous. A la mort de son fondateur, EC affiche un déficit de 100 000 dollars162(*). Afin de doper les ventes, le jeune Gaines décide d'engager Albert Feldstein (1925- ), un artiste particulièrement doué pour dessiner les jolies femmes. EC se met alors à publier des titres western, policiers et sentimentaux dont les pages sont ornées de belles créatures. Ces titres rencontrent alors un succès inattendu auprès des lecteurs.

Ces héroïnes malgré leurs présences dans des aventures qui ne sont pas obligatoirement rattachées au monde féminin et aux rôles traditionnels des femmes, s'inscrivent dans le « système » pin-up.

En effet, quel que soit le genre d'histoires dans lesquelles ces beautés apparaissent, elles « n'ont qu'un point commun, leurs vêtements révélateurs et qui se déchirent aisément163(*) ». Filles de la jungle ou tarzanes parties à la recherche de cimetières d'éléphants, botanistes ou zoologues perdues dans la forêt, elles sont accompagnées de singes ou de panthères apprivoisés. Habillées d'un maillot deux-pièces découpés dans une fourrure ou une peau de bête, elles portent un couteau de chasse à la ceinture et se parent de colliers d'os et de dents de fauves. On pense évidemment à la production de Frank Frazetta (1928- ) pour ces amazones sexy.

Qu'elles soient prisonnières de tyrans sanguinaires dans des planètes lointaines attendant d'être délivrées par des voyageurs de l'espace, victimes de savants fous et sadiques ou de monstres extraterrestres à tentacules, vengées par de fidèles robots métalliques, leurs tenues se réduisent à des jupes fendues, d'étroits soutiens-gorge ou de minces robes moulantes. C'est Barbarella, créée en 1962 par Jean Claude Forest pour V Magazine, qui inaugure ce nouveau genre.

Justicière dotés de pouvoirs occultes de vitesse et d'adresse, affrontant la nuit les forces maléfiques avec leurs poings gantés, leurs lassos magiques et leurs bracelets pour arrêter les balles, elles accomplissent leurs missions dans des maillots serrés, à l'effigie du drapeau américain ou d'un bleu-nuit uniforme, avec de grandes bottes à talons et des loups pour se cacher le visage. On pense évidemment à « The Woman in Red », une des premières justicières costumées, dont les aventures paraissent dans Thrilling Comics (Better) en 1940, et à « Wonder Woman » (créée en 1941 par Charles Moulton pour All-America/DC) ou « Mary Marvel » (créée en 1942 par Marc Swayze pour Fawcett).

Parmi cette cohorte d'héroïnes, la seule à avoir connu une popularité durable est « Katy Keene », créée par Bill Woggon pour MLJ en 1945. Ce personnage, qui ressemble physiquement à la pin-up Betty Page, mène dans ses aventures une carrière de vedette de cinéma dont est gommé tout aspect scabreux et connaît, pendant une quinzaine d'années auprès d'un vaste public comprenant des adultes des deux sexes en plus des enfants et adolescents, une popularité entretenue par une interactivité permanente. Ses lecteurs sont en effet invités à lui envoyer des dessins d'habits, de maisons, d'automobiles, dont les plus réussis sont finalement publiés dans les pages des fascicules où elle apparaît sous forme de paper dolls*164(*).

Après une vague « creuse » autour des années soixante-dix, en raison de la multiplication de comic books « underground », on remarque un renouveau, dans les années quatre-vingt, dans la bande dessinée, de ces figures féminines sexy. A partir des années 1993, on assiste à la multiplication de titres mettant en scène des héroïnes souvent dangereuses aux formes très généreuses. Cette tendance, alors surnommé « bad girl art » (par allusion au mouvement analogue de « good art girl », filles gentilles et jolies, qui a lieu pendant et après la Seconde Guerre Mondiale), a des sources thématiques et graphiques précises : au débuts des années quatre-vingt, le personnage de la guerrière ninja « Elektra » créée par Frank Miller lorsqu'il assure les scénarios et les dessins de Daredevil (1979 pour DC) a lancé sans grands échos immédiats un type d'héroïne redoutable, riche en ambiguïtés morales, sans rapport avec les justicières fades conçues comme des succédanés féminins des super héros antérieurs : Ms. Marvel, She-Hulk (créée en 1980 par John Buscena pour Marvels Comics) ou Spider-Woman (créée en 1977 pour Marvels Comics). La pérennité du personnage d'Elektra tout au long de la décennie s'accompagne de nouvelles images de femmes « dangereuses » comme « Lady Shiva » apparue en 1987 dans The Question (DC) ou plus encore la tueuse orientale muette Miho dans Sin City (Dark Horse) de Frank Miller à partir de 1993.

Par sa dimension graphique, le « bad girl art » dérive directement des exagérations anatomiques féminines pratiquées sans vergogne depuis la fin des années soixante, et d'une perfection très sensuelle du dessin. Le corps de ces héroïnes s'est modernisé car les canons esthétiques et la façon de dessiner ont changé. Le code graphique des pin-up est réactualisé notamment par Rob Liefeld et Jim Lee (X men et X force pour Marvel Comics, 1991), et assimilé par les suiveurs comme Jim Balent, qui dessine Catwoman (DC) de 1994 à 1999 ou Mike Deodato qui reprend Wonder Woman (DC) en 1994-1995.

Parmi les éditeurs indépendants apparaissent en quelques années plusieurs personnages aux mérites très divers : du côté des concepts les plus racoleurs, la tueuse de la série « Razor » (London Night Studios, 1992), l'aventurière blonde à forte poitrine « Barb Wire » (Dark Horse, 1994), la démoniaque « Lady Death » (Chaos ! Comics, 1994) ; du côté des créations plus personnelles, la samouraï « Si » (Cru Sade, 1994) de William Tuchin ou les super héroïnes de Michael Turner « Witchblade » (Image, 1995) et « Fathom » (Image, 1998), sans oublier « Vampirella » chez Harris à partir du débuts des années 90.

La liste des protagonistes féminines de la seconde moitié des années 90 est très longue d'autant plus que la veine est entretenue par la popularité considérable de séries télévisées mettant en scène des femmes d'action très sexy comme Xena : Warrior Princess (1995-2001) ou Buffy The Vampire Slayer (1997-2003) et de jeux vidéo comme Tom Raider, qui fait la célébrité mondiale de l'aventurière « Lara Croft ». Cette dernière est une nouvelle pin-up virtuelle, en 3 dimensions et moderne.

1.3 Le scandale des comic books.

Assistant à la généralisation de ces figures de femmes très suggestives dans les bandes dessinées, les ligues morales, les association de parents, les organisations féministes, mais aussi les institutions religieuses et mêmes politiques se mobilisent contre ces magazines. Des mères de familles se regroupent pour amener les autres femmes à empêcher l'acquisition de ces bandes dessinées par leurs enfants, en exerçant un contrôle étroit sur l'utilisation de leur argent de poche. Des institutrices et des directrices d'école, de leur côté, apportent leur soutien à ce mouvement en se mettant à les confisquer dans les classes et les cours de récréation.

Mais les choses ne s'arrêtent pas là. Le fait que les lecteurs baptisent ces revues les «head-light comics » en reprenant l'expression des routiers américains désignant les seins en se référant aux phares de leurs véhicules165(*), et que ces publications mêlent ces héroïnes à des situations souvent violentes, transforme littéralement le problème en affaire d'Etat.

Dans les années cinquante, les bandes dessinées des comics books sont alors accusées d'exercer une influence pernicieuse sur la jeunesse et une commission sénatoriale est désignée pour étudier ce dossier dans le cadre de travaux sur la délinquance juvénile. On a fait appel à des savants, des médecins, des psychologues, des sociologues. Ils sont chargés de procéder à divers tests et recherches sur ce problème. Certaines équipes, qui avaient commencé des travaux étudiant les effets des images de femmes sur l'enfance dans le domaine du cinéma, reprennent du service. Notamment, elles utilisent des publics d'adolescents visionnant un film pour procéder à des expériences à leur insu : « des photographies étaient prises dans l'obscurité à l'infrarouge166(*) », et il suffit « d'observer les prunelles des spectateurs dans l'ombre propice pour se rendre compte de leur exaltation psychologique et parfois physique167(*) ».

D'autres expériences, d'autres études de cas sont entreprises avec des nouvelles méthodes adaptées à la bande dessinée, avec de jeunes « délinquants ». Un psychiatre, Frederic Wertham, directeur d'un hôpital psychiatrique de New York, prend la tête de cette croisade. Ayant mené ses propres recherches en laboratoire, il confirme la nocivité et le danger de ces publications dans les conclusions d'un livre qui va devenir un best-seller : The Seduction of the Innocent, ouvrage dans lequel figure, au fil des pages, de nombreuses images de pin-up servant à en illustrer abondamment l'argumentation « scientifique ».

De leur côté, les maisons d'édition qui publient ces magazines n'ont pas attendu ce verdict pour réagir. Beaucoup décident d'effacer systématiquement des dessins les décolletés suggestifs et les zones d'ombre trop évocatrices autour des poitrines et des cuisses. Et, à la suite de la faillite d'un certain nombre de petites sociétés, ruinées par les pressions exercées sur les ventes, les professionnels organisent leur propre autocensure et prennent en charge eux-mêmes ce qu'ils appellent « le nettoiement de la bande dessinée168(*) ». Ce mouvement, par exemple, met fin à Torchy, l'héroïne sulfureuse de Bill Ward.

Un code est rédigé en 1954 et un comité se crée pour se charger de son application : la « Comic Code Authority ». Les principaux sujets abordés par le code sont la délinquance et sa représentation (12 articles), l'horreur (5 articles) et une série de recommandations sur la décence des dialogues (3 articles), les références à la religion (1 article), la représentation de la nudité et du corps féminins (4 articles), le mariage et le sexe (7 articles)169(*). La section sur la publicité prohibe toute promotion pour les tabacs, alcools, armes et jeux de hasard. Est interdite également toute publicité pour les feux d'artifices, les ouvrages sur le sexe ou contenant des reproductions de nus et des produits médicaux « de nature contestable ». Après examen de chaque publication, le code délivre le droit de faire figurer sur la couverture de la revue un sceau en forme de timbre, garantie de « bonne moralité » pour les parents et les éducateurs : « approved by CCA ».

Equivalent du code de censure du cinéma, le Code Hays, cette réglementation régit principalement la représentation de la sexualité et des femmes :

« 1. La nudité, sous toutes ses formes est prohibée, ainsi que l'exposition indécente ou inconvenante des parties du corps.

2. Les illustrations suggestives et salaces ou les postures suggestives sont inacceptables.

3. Tous les personnages seront représentés dans des tenues raisonnablement acceptables dans notre société.

4. Les femmes seront dessinées de manière réaliste, sans exagération de quelque caractéristique physique que ce soit.

5. Les relations sexuelles illicites ne doivent pas être évoquées ni montrées. Les scènes d'amour violentes ainsi que les anormalités sexuelles sont inacceptables.

6. La passion pour autrui ne doit jamais être traité sous un angle qui stimule les émotions basses et viles.

7. Le rituel de séduction et le viol ne doivent jamais être montrés et suggérés.

8. La perversion sexuelle ou toute allusion à son propos est strictement interdite. »170(*)

Par ailleurs, en ce qui concerne le contenu publicitaire, il est spécifié que : « la publicité pour le sexe ou les ouvrages d'éducation sexuelle sont inacceptables et la vente de cartes postales illustrés, posters féminins (pin-up), "ouvrages artistiques" ou toute autre reproduction de corps nus ou demi nus est interdite171(*) ». 

Les nouveaux venus des années 70 mettent un point d'honneur à rejeter toute affiliation avec le Comics Code Authority. Le contrôle exercé par le CCA connaît alors un recul considérable, traduit par la modification du texte de son code en 1971, puis en 1989172(*). Mais le scandale des comics books ne touche pas, néanmoins, les bandes dessinées pour adultes. C'est sur ce nouveau support que quelques pin-up vont continuer à vivre.

2. Les bandes dessinées pour adultes.

2.1 Little Annie Fanny.

Little Annie Fanny voit le jour en octobre 1962 dans le magazine Playboy. Cette bande dessinée réalisée par Harvey Kurtzman et Will Elder raconte les aventures de son héroïne Annie, une jeune femme blonde, très jolie et provocante mais aussi un peu naïve et pas très malicieuse malgré sa sexualité débordante. Annie de Harvey Kurtzman est une parodie d'une bande dessinée de 1929 de Brandon Walsh Little Orphan Annie. L'Annie de Kurtzman deviendra très vite le symbole de la femme aimée par tous les étudiants des Etats-Unis mais aussi par les lecteurs de Playboy.

2.1.1 Des débuts difficiles.

L'auteur Harvey Kurtzman est né le 3 octobre 1924 à New York. Il fréquente la Hight School of Music and Art et la Cooper Union. En 1943, il publie Magno et Unknow, puis Black Venus et Silver Linings. En 1950, il travaille pour de nombreux comics books : New Trend, Two Fisher Tales et Frontline Combat. Deux ans plus tard, il fonde sa propre revue, une revue satirico-humouristique, Mad. Cette même année, Hugh Hefner, créateur de Playboy, entre en contact avec lui et tous deux développent rapidement une relation mêlant amitié et respect mutuel. Début 1956, Hugh embauche Harvey Kurtzman ainsi que Will Elder, Jack Davis, Al Jaffee, Arnold Roth, Russ Heath et leur confie la création d'un magazine satirique en couleurs, rapidement baptisé Tremp. Mettant pleinement à profit les ressources de Playboy, Kurtzman et son équipe produisent le magazine le plus luxueux que l'Amérique n'a jamais connu. Son lancement début 1957, n'est pas un succès immédiat et cette expérience échoue au bout de deux numéros.

Avec leurs économies, l'équipe lance fin 1957, un comic book satirique appelé Humbug. Malgré toute leur détermination, leur énergie et la qualité de leur travail, ils ne peuvent faire face aux problèmes de production et de distribution : Humbug cesse de paraître au bout d'un an. L'équipe éditoriale se disperse alors. Durant l'année 1958, Kurtzman fait une série de propositions à Playboy, qui sont toutes refusées.

Ian Ballantine est un pionnier et un visionnaire dans le domaine du livre de poche. Ballantine Books publie en poche les quatre premiers recueils d'histoire de Mad. L'éditeur est prêt à publier aussi des recueils tirés de Tremp et de Humbug. Conscient du génie de Kurtzman, il lui fait une proposition au printemps 1958. Ballantine veut une création originale, et est prêt à lui donner carte blanche. Kurtzman saisit l'occasion. Le résultat de leur collaboration est son célèbre Jungle Book, publié en 1959. C'est le premier livre de poche entièrement constitué de bandes dessinées originales. Jungle Book comprend quatre histoires satiriques indépendantes, toutes brillantes, réalisées à la plume et au lavis. Dans une de ses histoires « The Organization Man », Kurztman crée le personnage de Goodman Beaver. Mais Jungle Book, malgré son statut quasi légendaire aujourd'hui, est un échec commercial. Ballantine annule le volume suivant prévu avec Kurtzman.

Celui-ci se met à travailler régulièrement pour les éditions Pageant, Madison Avenue, TV Guide, mais il poursuit néanmoins sa correspondance avec Hefner et son responsable éditorial, Ray Russel. Kurtzman désire toujours créer des histoires pour le magazine, et Playboy a besoin d'humour. Russel, dans une lettre à Kurtzman datée de février 1960, écrit : « Hef et moi pensons réellement que la bande dessinée peut nous apporter beaucoup. Les B.D ont un attrait direct et immédiat à plusieurs niveaux de lecture. Elles sont fortes, colorées, facilement assimilées et racontent une histoire. Le principal problème, bien sûr, est d'adapter cette technique à quelque chose qui aurait un sens pour Playboy, et serait justifiable et logique dans nos pages. Nous ne voulons plus ce que Bill Gaines avait fait pour nous un temps, ces " picto-fiction" nullissimes. La satire semble être la seule solution. Si Mad n'avait jamais existé, des histoires comme ton "Flesh Gordon" et tes autres parodies auraient été parfaites. Un travail superbe, de l'action, des filles sexy dans des tenues provocantes, et surtout, de l'humour. L'importance de la satire est double : l'humour en soi, bien sûr, mais également une excuse ou un argument pour publier une bande dessinée dans un magazine de luxe173(*) ». Kurtzman fait de nouvelles propositions, mais celles-ci sont de nouveau refusées. Il continue alors de travailler en « free-lance » pour d'autres y compris pour Esquire.

En 1960, il s'associe avec l'éditeur James Warren pour créer et éditer un nouveau magazine satirique, Help ! Cette revue attire l'équipe habituelle de dessinateurs de Kurtzman. L'un des points forts du périodique est une série de cinq nouvelles aventures de Goodman Beaver. Cette fois Kurtzman écrit et met en pages les histoires, mais le dessin final est assuré par Will Elder. Mais le magazine reste financièrement fragile. Dès septembre 1961, Kurtzman confie à Hefner qu'il pourrait être bientôt à la recherche de travail. Il lui demande si l'offre que lui a fait Russel un an et demi plus tôt de créer pour Playboy une bande dessinée dans le style de Mad tient toujours. Kurtzman leur envoie les toutes premières histoires de Goodman Beaver, et propose à Playboy de publier les épisodes parodiant « Superman » et « Sea Hunt ».

En novembre 1961, Hefner lui répond favorablement, mais annonce également que la série, sous sa forme du moment, ne lui convient pas. Il demande néanmoins à Kurtzman d'expliquer les concepts que sous-tend Goodman Beave, en ajoutant : « il existe peut-être un moyen de lancer une série similaire qui serait lue en rapport avec Playboy et qui présenterait toutes sortes de mésaventures liées à divers sujets174(*) ». Kurtzman envoie son explication : « la raison d'être de Goodman Beaver est que je voulais un personnage qui peut être ridicule et en même temps sage, naïf et pourtant moral. Il participe innocemment au mal tout en épousant le bien. De cette façon, je peux traiter simultanément des faiblesses et des idéaux. Goodman Beaver est un idiot adorable, optimiste et philosophe. Il déambule et peut apparaître n'importe où. Il est jeune et peut se trouver impliquer dans des situations sexy175(*) ». Une semaine après ce résumé, Kurtzman écrit de nouveau à Hefner : « Tu as suggéré dans ton courrier du 7 novembre 1961 qu'il existait peut-être un moyen de lancer une série similaire (à Goodman Beaver) - qui serait plus en rapport avec Playboy. Que penserais-tu d'une fille, un peu dans le style Belle Poitrine-Lace mais vraiment de loin, à laquelle je pourrais appliquer mon genre de situation176(*) ? »

Six semaines passent sans réaction, enfin Hefner répond à la suggestion de Kurtzman : « Je crois que ton idée de faire une BD de Goodman Beaver de trois ou quatre pages, mais avec une fille sexy est un coup de génie. Nous pourrions la passer dans chaque numéro177(*) ». Kurtzman continue à travailler pour Help ! tout en développant, avec Will Elder, sa nouvelle série pour Hefner. Kurtzman suggère la possibilité que la nouvelle série soit illustrée dans le style d'une parodie qu'Elder a réalisé pour Trump, tout en exprimant sa préférence pour le style de Goodman Beaver, dessiné au trait pour être ensuite mis en couleurs. La préférence de Hefner pour la couleur directe prévaut. Il ne reste plus qu'à trouver un titre. Parmi les premières propositions de Kurtzman on trouve : « Les Périls de Zelda », « Les Périls d'Irma », « Les périls de Shiela », et même « Little Mary Mixup », avant qu'il choisisse avec Hefner finalement « Little Annie Fanny »178(*).

2.1.2 La technique.

En produisant Little Annie Fanny, pour Hugh Hefner et Playboy, les deux amis Kurtzman et Elder doivent ouvrir leur collaboration à une influence éditoriale extérieure. Le gain en prestige et en qualité va de pair avec certaines contraintes. Harvey Kurtzman ne peut plus choisir n'importe quelle cible et la parodier comme il le fait dans Mad. Il doit soumettre un projet d'histoire à Hefner, qui le contrôle et le révise avant même que Will Elder l'ait vu. Les deux hommes n'ont pas l'habitude d'une critique extérieure, et il leur faut un certain temps avant de s'en accommoder. Lorsque Kurtzman reçoit le script approuvé par Hefner, il en dessine la mise en page sous forme d'esquisses. Will Elder et Harvey Kurtzman discutent ensuite des détails de l'histoire. Ces réunions posent les fondations de l'histoire finale, et fournissent à Will Elder tout ce qui lui est nécessaire pour développer ces esquisses et y faire les ajouts appropriés.

Chaque histoire est le produit d'un processus complexe et d'un travail acharné. L'inspiration, l'observation, le minutieux travail de documentation, la structure scénaristique, la composition graphique et l'équilibre de la page, le réalisme documentaire, le sens du gag, l'élégance, la finesse et une fascinante maîtrise du pinceau sont les ingrédients primordiaux de Little Annie Fanny. Le sujet doit être d'actualité et plaire au public (c'est-à-dire avoir une forte connotation sexuelle). Il doit être encore pertinent lors de la publication, et donc plusieurs mois après sa conception. L'épisode inachevé sur les Beatles est la parfaite illustration des dangers d'un sujet trop lié à l'actualité.

La technique de Will Elder, consistant à multiplier les couches de couleurs, donne à Annie toute sa luminosité et ses couleurs éclatantes, uniques dans la bande dessinée. Peignant par touches avec lesquelles les couches peuvent se multiplier, il n'utilise que l'aquarelle et la détrempe, et la seule encre sur page est celle des textes, réalisés par divers lettreurs au fil des années.

« Les couleurs étaient pour moi comme des pierres précieuses, explique Elder, et je travaille énormément à les iriser. J'utilisais du contrecollé comme support. Le côté blanc fait office de peinture blanche. Avec l'huile, on peut superposer les couches, on peut remettre des couleurs claires sur des couleurs sombres. A l'aquarelle, on ne touche pas au blanc et on commence par les parties sombres. Si on veut représenter un beau yacht blanc brillant comme le radeau de Nounours Grospognon, on laisse la feuille blanche et l'on ajoute, très subtilement, tous les reflets dans l'eau, des bleus ou bleu-vert très clairs. Mais on ne touche pas au blanc, sauf pour ajouter des formes et des ombres. On n'utilise pas de peinture blanche sur une aquarelle, sauf pour quelques effets de dernière minute. Ma gomme électrique est un outil très important, parce qu'elle m'évite d'énormes pertes de temps et me permet de faire ressortir mon travail. Les gens se demandent souvent comment je réalise ces peintures. Je ne sais pas si je dois parler d'illustration ou de bande dessinée. C'est probablement une forme hybride179(*) ».

2.1.3 Le Monde d'Annie.

Tout comme les pin-up, Annie a un visage enfantin, étonné et innocent, une plastique très généreuse et des seins qui semblent vouloir sans cesse s'échapper de son tee-shirt (Ill. 148, 149). June Cochran, une playmate aurait servi de modèle pour créer le physique d'Annie (Ill. 144). Mais Annie est aussi une gentille fille un peu simplette (Ill. 145), prête à tout pour rendre service. Elle travaille principalement comme comédienne pour la publicité même si il lui arrive aussi de tourner des films et de faire d'autres petits boulots. Annie se retrouve toujours dans des situations incroyables ou invraisemblables qui sont prétexte à la dénuder davantage (Ill. 146, 147). Cela est dû parfois à sa maladresse ou à un élément extérieur plus ou moins crédible comme dans les scénarios de nos pin-up classiques. Mais la plupart du temps ce sont les personnages masculins qui la pousse à se déshabiller. Un peu comme Betty Boop, elle doit faire face à des hommes qui essaient sans cesse de la tripoter, voire plus. Elle est poursuivie par deux personnages masculins qui reviennent sans cesse : Benton Bottbarton, un cadre supérieur voyeur et Ralphie Towser, un intellectuel amateur, caricature de l'étudiant. Mais Annie a deux amies pour l'aider dans ces drôles aventures : la pulpeuse et gentille Ruthie qui partage sa chambre et Wanda Homefree, caricature de la nymphomane. Son parrain Sugardaddy Bigbucks est sensé veiller sur elle.

La capacité de Will Elder à caricaturer n'importe quel visage et à imiter tous les styles fait partie intégrante du monde d'Annie. Les personnages récurrents sont tirés de bandes dessinées, de programmes télévisés, de films ou de l'actualité politique, culturelle180(*). Ce qui a été l'une des caractéristiques des premiers Mad, est largement amélioré dans les luxueuses pages de Little Annie Fanny. Il y a le hâbleur Solly, inspiré de l'acteur Phil Silvers (1911-1985), qui prend le rôle de l'agent d'Annie, l'arnaqueur ultime. Ralphie Towser, le bon Samaritain, parfois branché parfois benêt, toujours là pour dire aux gens qu'ils font quelque chose de mal, est un mélange des comédiens Mickey Rooney (né en 1920) et de Robert Morse (né en 1930). Terry Thomas (1911-1990), l'acteur anglais aux dents écartées, devient l'un des personnages favoris d'Elder, parce qu'affable et facilement identifiable. Et bien sur, Daddy Warbucks, l'homme d'affaires manipulateur tout puissant de la bande dessinée Little Orphan Fanny est également parodié avec Nounours Grospognon. L'une des caractéristiques les plus uniques de la série est la capacité de Will à prendre n'importe quel visage de n'importe quelle page du journal et lui donner un rôle important dans Little Annie Fanny.

Mais tout le talent et la spécificité de cette bande dessinée s'expriment dans l'attribution des rôles secondaires et rendent la bande dessinée dense. C'est peut-être une partie encore plus cruciale du style Elder : les personnages et détails annexes, ajoutés à une scène sans détourner l'attention du lecteur. Et non seulement ils réussissent à ne pas détourner cette attention, mais ils offrent un nouvel élément à découvrir en seconde ou troisième lecture. Ainsi il semble parfaitement logique de voir Timothy Leary (1920-1996) dans le « The Ultimate Kick » (septembre 1967) ayant pour thème le phénomène Hippie, ou John Wayne (1907-1970) comme pilote dans le « Henry Kissingbug » de 1973 dont le thème traite des célébrités hollywoodiennes. Ces présences renforcent la satire en ponctuant la scène. Will gratte le vernis de l'image publique de biens des notoriétés pour donner aux lecteurs un aperçu de ce qui se trouve en dessous.

D'autres personnages de bandes dessinées classiques sont ramenés à la vie, comme Dick Tracy et Jiggs de Bringing Up Father dans l'épisode « Nude Therapy » de mai 1970. Les personnages de Li'l Abner apparaissent dans « Hippie Commune » de janvier 1971. Popeye et la mère de Li'l Abner font une apparition dans l'épisode « Muscle Builders » de décembre 1977. Will donne l'impression que Chester Gould, Al Capp, George McManus et E. C. Segar sont revenus dessiner leurs personnages.

Cette bande dessinée est aussi une critique des années soixante et des différents événements de cette décennie. Du mouvement féministe au Ku Klux Klan, Kurtzman et Elder caricaturent les personnages importants de la vie politique et culturelle des Etats-Unis. Grâce à ce chahut intelligent et iconoclaste, Will Elder et Harvey Kurtzman tiennent en quelque sorte une chronique de l'histoire culturelle et politique des Etats-Unis. Little Annie Fanny par son caractère irrévérencieux, érotique et intellectuel s'inscrit bel et bien dans les principes fondateurs du magazine de Hugh Hefner, Playboy.

2.2 Pin-up.

En 1995, Yann et Berthet, deux dessinateurs français contemporains, entreprennent une bande dessinée en plusieurs cycles : Pin-up. Cette bande dessinée raconte la vie de Dottie dont l'histoire est très proche de l'histoire des pin-up. A travers les aventures tumultueuses de Dottie, les deux artistes entreprennent une critique du rôle des pin-up tout en soulignant leur incroyable succès. Mais avant de s'intéresser à cette bande dessinée revenons un peu sur la carrière de ces deux créateurs.

2.2.1 Deux artistes, une histoire.

Yann voit le jour à Marseille le 25 mai 1954. Il publie ses premières planches dans le magazine Spirou en 1974. En 1978, il rencontre Didier Conrad, illustrateur pour Spirou Jason. Deux ans plus tard, les deux auteurs donnent naissance à Matricule Triple Zéro pour Spirou mais aussi Bebert le cancrelat. En 1983, Yann crée Bob Marone, bande dessinée de plusieurs volumes parodiant le fameux Bob Morane d'Henri Verne. Yann multiplie les collaborations, en 1985, il travaille sur La Patrouille des libellules avec Mark Hardy, collaboration renouvelée en 1988 sur Lolo et Sucette et en 1992 pour Croqu'la vie. Durant cette même période, il travaille sur Sambre avec Yslaire et avec Batem et Franquin sur le Marsupilami. En 1994, il attaque la série Pin-up avec Philippe Berthet. Un an plus tard, il crée Pearce et Kid Lucky avec Jean Léturgie et en 1997, Colt Walker. En 1999, il collabore avec René Hausman pour Le prince des écureuils et avec Jean Léturgie pour Spoon & White. Et enfin en 1999, il crée Cotton Kid.

Berthet Philippe naît le 22 septembre 1956 à Thorigny sur Marne. Il fait ses études à la section bande dessinée de l'Institution St Luc de Bruxelles durant laquelle il réalise sa première bande dessinée 9° Rêves, bande dessinée en trois volumes. En 1981, il entre à Spirou où il travaille avec Andrieu sur Couleur Café. Un an plus tard, il réalise le Marchand d'Idée avec Cossu et Hiver 51-Eté 60 avec Andreas. En 1983, il crée avec François Rivière et José-Louis Bocquet Le privé d'Hollywood, L'oeil du chasseur avec Foester et La dame, le cygne, l'ombre avec D. David. En 1991, il donne naissance à Sur la route de Selma, puis en 1993 à Halona. En 1995, il commence sa collaboration avec Yann pour Pin-up, collaboration qui durera jusqu'en 2002. En 1996, il travaille de nouveau avec Foester pour Chien de Prairie.

Pour Yann, sa première source d'inspiration pour créer Pin-up, est évidemment les pin-up : « les pin-up me fascinent. Les filles de Vargas, Betty Page, Male Call de Caniff, Playboy...J'adore toutes ces filles de magazines et le fantasme de papier en général, mais je ne savais pas quoi "cristalliser" autour de cela. Par ailleurs j'avais aussi de la documentation sur la guerre du Pacifique. Nous avons cherché longtemps avec Philippe avant de trouver quelque chose. Puis un jour, je lui parle de l'histoire des carlingues et il est emballé181(*) ». Yann est fasciné par les pin-up mais aussi par leur rôle de soutien moral durant la Seconde Guerre Mondiale : « les pin-up, ces filles peintes sur le nez des bombardiers. J'étais curieux de savoir si cela ne leur donnait pas des névroses culpabilisatrices de figurer nues et souriantes sur des engins de destruction de masse182(*) ».

Yann et Berthet, grâce à une documentation précise et fouillée, vont alors entreprendre de raconter l'histoire des pin-up durant le XXe siècle, à travers l'histoire de Dottie, une héroïne sulfureuse. Car Berthet a véritablement un don, selon Cauvin, pour dessiner les femmes : « j'apprécie l'élégance de son dessin. C'est rare en bande dessinée. Ses héroïnes sont vraiment très belles, très féminines sans jamais être vulgaire183(*) ». C'est peut-être ce don qui fera le succès de cette bande dessinée mais plus probablement aussi un scénaro bien ficelé dans lequel les allusions à l'histoire des pin-up et les références aux hommes et événements du XXe siècle sont nombreuses. L'héroïne s'inscrit par son graphisme dans la tradition des pin-up classiques mais cette bande dessinée offre surtout une analyse acerbe du rôle des pin-up et de leur utilisation stratégique durant les guerres. Pin-up décline un angle de vue personnel aux auteurs intéressant à détailler. Celui-ci se présente en trois cycles de trois tomes chacun, racontant la vie mouvementé de Dottie.

2.2.2 Dottie, une héroïne tourmentée.

Dans le premier cycle, Joe Willys part combattre les « japs » dans le Pacifique laissant sa fiancée, une blonde aux formes généreuses, Dottie Partington. Son fiancé au front, Dottie, sur les conseils de son amie Talullah, décide de travailler comme modèle pour un dessinateur Milton afin de subvenir à ses besoins. Ce dessinateur, à partir de son modèle, crée Poison Ivy, l'héroïne de sa nouvelle série, publiée dans les magazines de l'armée. Tous les GI's sont sous le charme de Poison Ivy, même Joe, qui du coup délaisse sa fiancée. Dottie travestie en Poison Ivy est envoyée sur le front où elle retrouve Joe qui n'a que d'yeux pour Poison Ivy. Au cours d'un combat, Joe est blessé et perd la vue. De retour au pays, il retrouve Dottie.

Pour ce premier cycle, Yann est « séduit par l'idée d'un type amoureux d'une fille, craque sur sa représentation iconique sans savoir que c'est la même qui a posé. Il rejette celle de chair et d'os d'autant plus que son image sublimée par un dessinateur l'attire. C'est l'éternel conflit entre le monde imaginaire, souvent plus séduisant et le monde réel184(*) ». Dans ces trois premiers tomes, les allusions au monde et à l'histoire des pin-up sont nombreuses, certes par le scénario mais aussi au travers une multitude de petits détails historiques.

Dottie est en fait le pendant dessinée de Dorothy Partington qui pose comme modèle pour Miss Lace, l'héroïne du strip de Milton Caniff. Au début de la bande dessinée, lorsque Joe part rejoindre l'armée, Dottie lui offre une photographie d'elle posant comme les pin-up en maillot de bain pour lui porter bonheur. Talullah, la brune amie de Dottie, pose pour l'affiche publicitaire du Yoyo Club, un cabaret pour les soldats prés de la base aérienne. C'est Milton, homologue dessiné de Milton Caniff qui réalise cette affiche sur laquelle Talullah effectue un salut militaire, nue, à cheval sur une bombe. Talullah se justifie ainsi : « c'est un moyen de porter chance aux pilotes qui risquent leur peau à chaque mission ». Milton explique en ces termes à Dottie ce que doit être Poison Ivy : « elle doit être belle, envoûtante, mystérieuse, bref une vamp capable de faire oublier aux soldats leurs petites amies, épouses, soeurs ou mères qui sont restées aux pays » puis il conclue rapidement : « vous et moi on va les faire bander, tous nos braves petits troufions ». Yann et Berthet vont même jusqu'à redessiner des strip de Milton Caniff pour pousser à son extrême la similitude entre le dessinateur réel et le personnage Milton (Ill. 151, 47). Lorsque Dottie - Poison Ivy - se rend sur le front (Ill. 150), Earl un pilote, lui demande d'être son porte-bonheur et la dessine sur le nez de son avion. Tout comme Miss Lace, Poison Ivy est là pour remonter le moral des troupes et Dottie en est consciente : « je retire ma panoplie de "redresse moral du soldat" puisque je ne suis plus en service » ou « ce troupeau grotesque de filles à soldats aux ordres de l'Oncle Sam, ridicule. C'est de la propagande patriotique honteuse qui s'adresse aux plus bas instincts de l'être humain ». De retour au pays Dottie retrouve Talullah jalouse du succès de Dottie et devenue blonde car selon elle : « c'est beaucoup plus sexy ».

Malgré une fin plus ou moins heureuse, Dottie, à la fin du premier cycle, est, selon Berthet, prisonnière de son « enveloppe » de pin-up : « sa vie ressemble un peu à une descente aux enfers. Finalement, son physique et son statut de femme adulée ne lui apportent pas beaucoup d'avantages, bien au contraire !185(*) ». Car Dottie, dans le deuxième cycle, n'a pas une vie plus facile.

Le deuxième cycle se déroule sur fond de Guerre Froide. On retrouve Dottie, cheveux courts, mariée avec Gary Powers186(*), un pilote. Celui-ci dont l'avion s'est écrasé sur le sol de l'URSS est accusé d'espionnage du côté russe et de trahison du côté américain. On retrouve aussi Talullah mariée à Milton qui dessine alors le strip Steve Canyon. Dottie est enlevée par Howards Hughes (1905-1976), célèbre milliardaire et propriétaire des studios de cinéma RKO. Le personnage Howards Hughes est très fidèle au milliardaire : même vie recluse, même phobie des microbes. Dottie lors de sa rencontre, se moque de lui et de son film célèbre : « The Outlaw avec Jane Russel, vous m'avez fait perdre deux heures à regarder gigoter deux gros navets dans un soutien-gorge pigeonnant ! Ridicule ! » Howards Hughes propose à Dottie un marché : la vie sauve de Gary contre la satisfaction de ses fantasmes. Traumatisée par ce marché, Dottie, dans un de ces cauchemars se voit devenir la bunny attitrée de Howards. Mais finalement Howards désire la faire jouer dans un film retraçant l'histoire de Poison Ivy. Dottie peut finalement assister au procès de son mari et lui promet de tout faire pour le libérer. Howards fait poser aussi Dottie pour des photographies comme Betty Page, pin-up aux talons vertigineux qui réalise, dans les années cinquante et soixante, de nombreuses photographies sadomasochistes ou de bondage. Joe, le premier fiancé de Dottie, devenu dépressif, fait aussi une apparition. A la fin du cycle, Gary est libéré mais embrasse alors fougueusement Miss Lioubov, ex-membre du KGB sous les yeux de Dottie.

Dans le troisième et dernier cycle, Dottie aux cheveux longs et roux, travaille comme physionomiste dans un casino à Las Vegas, celui de Gus Greenbaum. Lors d'une soirée au casino, Frank Sinatra lui fait des avances que Dottie refuse. En se rendant chez son amie Millicent Seigel, Dottie se fait menacer par un homme qui l'a confondu avec celle-ci. Dottie se défend et élimine l'homme. Suite à cela, elle se retrouve sans emploi. Elle est alors embauché par Hugh Hefner pour travailler de nouveau comme physionomiste dans l'un des casinos Playboy. Elle découvre alors l'univers Playboy : le jet privé, la Playboy Mansion, les habitudes alimentaires de Hefner (pepsi et amphétamines) et ses fêtes. Lors d'une de ses fêtes Hugh est victime de la Society for Cutting Up Men, un groupe féministe radical, qui lui coud une queue de lapin sur son pyjama de soie. Ce cycle se déroule sous fond de guerre du Vietnam, on y retrouve Jane Fonda venue soutenir les Vietnamiens.

« Snake Eyes187(*) », GI's faisant partie des L.U.R.P188(*), est fiancé à Angie, bunny et playmate. Selon les entraînements avant les psy-ops189(*), Snake Eyes répète la règle numéro 1 du règlement des bunnies afin de déstabiliser son adversaire : « n'oubliez pas que votre bien le plus précieux est votre queue de coton, vous devez veiller à ce qu'elle soit toujours blanche et soyeuse ». Mais Angie décède, référence à la mort tragique d'une des playmates. Lors de son enterrement Snake Eyes rencontre Dottie. Pinky190(*), une des petites amies de Hugh connue pour son inclinaison pour la cocaïne, est jalouse de Dottie. Elle décide alors de piéger sa rivale mais se fait enlever par erreur par la mafia aux trousses de Virginia Hill, secrétaire de Hugh, qui a dénoncé et tué son ancien amant le fameux Bugsy Siegel. Les filles de Hefner sont reconnaissables, comme le souligne Dottie, à leur odeur particulière, celle de la « baby oil ». Huile avec laquelle Hefner enduisait ses conquêtes. Alors que Dottie doit faire face à Virginia Hill, qui la confond avec Millicent Siegel, Snake Eyes se rend à la plus importante des manifestations contre la guerre au Vietnam, « la naked crusade » afin de tuer Jane Fonda, qu'il considère comme traître. En regardant les images diffusées à la télévision, Dottie reconnaît Joe dans les manifestants, devenu le garde du corps de Jane. Pour échapper à la mafia, et à Talullah engagée par celle-ci, Dottie s'enfuit à Hawaï. Elle tue enfin son ancienne amie devenue sa rivale.

Yann et Berthet avec cette bande dessinée et plus particulièrement avec le premier cycle touche au plus près l'histoire des pin-up en la transcrivant avec finesse et précision.

2.3 Exposition.

Cette dernière bande dessinée pour adulte, la plus contemporaine (2006), créée par Noé, rend hommage à sa manière, à un des plus grands dessinateurs de pin-up : Gil Elvgren. Pour se faire, le dessinateur Noé touche au plus près du graphisme des pin-up classiques : héroïne aux formes avantageuses, coloris vifs et criards et reproduction de nombreux tableaux connus de l'artiste.

Ignacio Noé, né en 1965, travaille tout d'abord comme illustrateur pour la presse et l'édition enfantine argentine. Après la parution de ses premières bandes dessinées en Italie, il collabore avec des magazines érotiques de bandes dessinées en Hollande, Allemagne et aux Etats-Unis avant de créer ses propres albums.

Le thème de sa bande dessinée Exposition est le suivant : Melle Ana Spam, organise une exposition rétrospective des oeuvres de son grand-père Gil Spam, devenu, paralysé et muet suite à un infarctus. Lors de cette exposition Ana rencontre un jeune illustrateur, fervent admirateur de son grand-père. Ici aussi les allusions au monde des pin-up sont nombreuses. Dès le début, Martin, le jeune admirateur encense « la candeur et la grâce infinie des femmes de Spam ». Il confie à la jeune femme que son père collectionnait tous les calendriers réalisés par son grand-père. Ana Spam propose alors à Martin de visiter l'exposition à ses côtés. S'attardant devant les oeuvres de Gil Spam dont la ressemblance avec les pin-up de Gil Elvgren sont frappantes (même poses, mêmes légendes) (Ill. 152, 153, 155, 156), ils se demandent quelles ont été les sources d'inspirations de l'artiste. Pour chaque pin-up, Noé nous les dévoile, en nous plongeant dans les souvenirs de Gil Spam. Hélas les sources d'inspiration de Gil Spam sont très loin de celles auxquelles pensent nos deux jeunes admirateurs. En effet, la plupart de pin-up de Gil Spam sont le résultat de viols perpétrés par l'artiste (Ill. 154, 157). Par exemple, le tableau le balai indiscret montrant une jeune soubrette dont la jupe est soulevée par le balai qu'elle tient, est le résultat de la tentative de viol de Gil sur sa nouvelle femme de ménage. Ana raconte aussi à Martin comment chacun des tableaux de son grand-père a joué un rôle dans sa vie, notamment dans sa vie sexuelle comme nous le montre les vignettes. A la fin Martin et Ana s'ébattent dans la réserve du musée.

Cette bande dessinée composée à grande majorité de scènes sexuelles très explicites prend pour prétexte l'histoire des pin-up afin d'en faire un support pornographique. Néanmoins Noé renvoie à ce que sont réellement les pin-up : un support de fantasmes. En nous dévoilant les souvenirs sexuels de Gil, l'auteur nous met en situation de voyeur actif comme l'est le consommateur de pin-up. Les viols perpétrés par Gil Spam sont peut-être une métaphore de la violence faîte aux modèles féminins lorsque ceux-ci doivent se conformer aux canons esthétiques et aux exigences de perfections corporelles. Enfin il soulève une dernière interrogation : les pin-up à l'érotisme candide et léger ne s'appuie-t-il pas sur l'éveil de pulsions plus directes ?

Même si toutes ces héroïnes des comic books puis des trois bandes dessinées pour adultes choisies ici se rattachent par leur graphisme au code traditionnel des pin-up, celles-ci s'en éloignent fortement. En effet, elles vont tout d'abord sortir du « monde féminin » auquel on les avait cantonné pour devenir de plus et plus « actives » et obtenir enfin leur indépendance. Cela est évidemment à mettre en relation avec l'évolution de la condition des femmes au XXe siècle. On peut voir dans ces nouvelles images des femmes une « dérive » des pin-up. Mais les dessinateurs vont aussi utiliser la symbolique à laquelle renvoie l'image des pin-up afin de la critiquer et de faire une analyse acerbe de celle-ci. Le regard que portent les dessinateurs contemporains de ces nouvelles pin-up est en rupture par rapport à leurs homologues et constitue un discours novateur.

Pourtant d'autres dessinateurs continuent de perpétuer le genre pin-up avec des représentations érotiques de femmes tout en les adaptant aux nouvelles attentes du public. Ces « nouvelles » pin-up sont beaucoup moins innocentes que leurs lointaines cousines et proposent une invitation sexuelle plus directe.

II. Quelques pin-up encore dans la presse masculine.

Malgré la présence de plus en plus importante de photographies de plus en plus explicites de femmes dans la presse masculine et la multiplication de ces titres, certains éditeurs continuent à publier des dessins érotiques de femmes. De nombreux dessinateurs, le plus souvent français, perpétuent le fantasme de la femme inaccessible. Tout comme les pin-up, ces nouvelles figures féminines sont idéalisées et irréelles. Elles continuent aussi d'utiliser les accessoires de séductions propres aux pin-up. Pourtant le graphisme a évolué ainsi que les attitudes et les mises en scène. L'érotisme que dégagent ces pin-up récentes est alors plus direct afin de répondre aux nouvelles attentes du public masculin.

1. Aslan et le magazine Lui.

1.1 Le magazine Lui.

Parmi les nombreuses pin-up dessinées dans les années soixante et soixante-dix, celles d'Aslan191(*) apparaissent dans un magazine français Lui.

En 1960, la France a cessé d'être un moteur en matière d'innovation dans l'édition érotique. Le pays qui a définit l'érotisme des années 1890 aux années trente ne retrouve jamais sa prééminence après la Seconde Guerre Mondiale. Certes, on y voit refleurir des digests de la fin des années quarante au milieu des années cinquante mais, à la fin de cette décennie, les magazines suédois et danois, produits en abondance, commencent à supplanter les produits nationaux192(*). Pour la première fois, la France devient imitatrice plutôt qu'initiatrice, épousant, comme les autres pays d'Europe, le grand format sur papier glacé du Playboy américain. Ceci dit, on doit lui reconnaître le mérite d'avoir produit le meilleur succédané de Playboy avec le sophistiqué Lui, lancé par Daniel Filipacchi en 1963.

Filipacchi, né le 12 janvier 1928, connaît de nombreuses carrières, d'abord photographe de mode, puis producteur de musique et éditeur de magazines musicaux en 1961. Pour son premier magazine pour hommes, il reprend le format « vie moderne » qu'il infuse d'un style, d'un humour et d'une touche de décadence très « vieille Europe ». Jusque là, les périodiques « vie moderne » pour hommes les plus lus sont La Vie Parisienne, qui remonte aux années 1890, et Paris Hollywood, datant de 1946. Efficace, plus cosmopolite, Lui représente une rude concurrence pour ces revues parisiennes traditionnelles qui perdent rapidement une grande part de marché. Même s'il s'inspire largement de Playboy, Lui devient un modèle pour la plupart des magazines masculins européens qui vont suivre.

Vers 1970, il se vend proportionnellement mieux en France que Playboy aux Etats-Unis193(*). Au cours des années qui suivent, il entraîne la disparition de La Vie Parisienne et de Paris Hollywood. Hugh Hefner, homme d'affaire avisé est impressionné. En 1972, il conclut un accord avec Filipacchi afin de franchiser le nom et le contenu de Lui pour le diffuser aux Etats-Unis sous le titre Oui. Ce dernier fait quelques fervents adeptes mais s'avère finalement trop « européen » pour la plupart des mâles américains. En 1980, Oui est revendu à un éditeur de titres érotiques de troisième zone.

L'immense succès de Lui impose dans les kiosques français la norme du magazine « vie moderne » de 20 x 27 cm, pendant que des digests de plus en plus explicites et bas de gamme se vendant sous le manteau, puis dans les sex-shops fraîchement apparus en 1966 en France.

Daniel Filipacchi crée Lui dans la pure lignée de Playboy comme nous le prouve l'éditorial du premier numéro en novembre 1963 : « Lui, c'est l'homme marié, le célibataire, l'intellectuel et l'homme d'action. Lui, c'est des milliers d'hommes qui s'intéressent aux femmes, à l'automobile, au cinéma, à la littérature, à eux-mêmes et à beaucoup d'autres choses. En lisant Lui vous saurez qui nous sommes et nous saurons qui vous êtes ».

Même si le ton est légèrement moins élitiste que le magazine Playboy, l'homme de Lui est aussi un homme moderne et raffiné. On retrouve de nombreuses rubriques communes à ces deux magazines: des rubriques littéraires « Lu pour Lui » et une nouvelle, cinéma « Vu pour Lui », culinaire « Goûté pour Lui », musicale « Entendu pour Lui » et bien sur un poster central représentant chaque mois un modèle différent « Souriez pour Lui ». Le modèle de la fille du mois pose selon les règles de mise en scène des pin-up comme nous l'explique Dita Von Teese (1972- ), fille du mois du numéro 20 d'août 1995 : « je donne vie aux clichés de pin-up classique, tels qu'on peut les voir dans les motifs de tatouage ou sur les calendriers publicitaires. Par exemple, on me voit prendre un bain dans un verre de martini géant. Ou bien je fais la danse des plumes d'autruches, cachée derrière d'immenses éventails vaporeux. Bref je m'inspire des stéréotypes de la femme sexy. J'adore jouer à la demoiselle en détresse qui se retrouve nue dans des situations difficiles et qui roule de grands yeux effrayés tout en remuant du popotin194(*) ». Dans le numéro 4 du mois de mars 1964, une nouvelle rubrique fait son apparition : « le courrier des lecteurs ». Mais l'innovation de Lui dans la presse française, est bel et bien de présenter chaque mois une « fille que l'on épingle », comme le titre de cette rubrique l'indique, dans la pure tradition d'un Esquire, afin d'égaler Playboy et sa Varga Girl.

1.2 Les filles d'Aslan.

Alors que Playboy attend quatre ans avant de faire appel au service de Vargas et renouer avec l'érotisme du dessin, Lui dés son septième numéro, celui de juin 1964, présente son nouveau collaborateur Aslan : « la pin-up, née aux Etats-Unis pour soutenir le moral des troupes et élevée avec tendresse dans le Pacifique par les Marines américains tout au long du second conflit mondial, a survécu à la paix...Vingt ans après l'épopée d'Iwo Jima, la pin-up se porte parfaitement bien et cela, grâce à deux hommes qui perpétuent la tradition de la femme à épingler. Antonio Vargas pour les Américains et Gourdon Aslan sur le Vieux Continent. Lui vous présente aujourd'hui les filles d'Aslan, père tranquille du dessin, mais ardent recréateur de l'Eve idéale que l'on peut plier et déplier, afficher et abandonner à son gré. Fille de papier, la pin-up a pourtant un ennemi affirmé : la fille de chair qui n'aime pas la voir entrer dans la chambre des hommes, elle redoute son pouvoir de fascination. La pin-up, symbole d'une époque troublée doit-elle être brûlée ou adorée ? A vous de juger195(*) ».

Dans cette présentation, Lui décide de mettre au même niveau les deux dessinateurs malgré leurs parcours très différents : Vargas a déjà fait depuis fort longtemps ses preuves dans le dessin de pin-up (depuis 1940, il crée de nombreuses pin-up pour différents magazines américains) et Aslan est un jeune inconnu dans le monde des pin-up mais pas dans celui de l'illustration. Implicitement, Lui nous présente ce dessinateur, Aslan, comme un jeune disciple suivant les traces du grand maître des pin-up mais comme un disciple innovant, qui égale son maître voire le supplante. Cet « ardent recréateur de l'Eve idéale » doit alors tout mettre en oeuvre pour répondre aux attentes du public masculin des années soixante. Pour cela, il défriche le vieux concept de la pin-up pour répondre aux goûts et aux demandes de ce nouveau public.

Les filles d'Aslan constituent une transition entre le dessin et les playmates. Leurs hyper réalisme notamment avec la représentation des organes génitaux et la pilosité pubienne à partir des années quatre-vingts, les rapprochent de la photographie. Cet artiste les définit comme pin-up et elles sont bel et bien une vision idéalisée du corps féminin. Néanmoins elles ne sont pas incluses dans une mise en scène représentant le monde quotidien et sont beaucoup moins innocentes que les autres pin-up. Elles ont une sexualité plus franche et plus assumée, certaine de ses même pin-up sont représentées en train de se masturber. Mais là aussi leurs désirs ne comptent guère car elles nous regardent et effectuent leurs gestes avant tout pour le spectateur. L'exhibitionnisme semble être le credo des filles d'Aslan.

Chez Aslan, l'accent est mis sur les jambes, la poitrine, les fesses selon la tradition des pin-up. Des bas, porte-jarretelles ornent leurs jambes, les chaussures à talons les affinent. Les décolletés sont plongeants, les seins ronds semblent, là aussi, vouloir s'échapper des tee-shirt. Les jupes se soulèvent sur des postérieurs arrondis. Mais Aslan sait que cela ne suffit pas. La concurrence des photographies est difficile et chaque jour les filles du mois se déshabillent un peu plus. L'érotisme léger des pin-up dessinée des années quarante et cinquante n'arrive peut-être plus à susciter suffisamment le fantasme et le désir. C'est pourquoi l'accent est aussi mis, chez les filles d'Aslan, sur le sexe. Les jambes des filles s'écartent et on devine le motif fleuri d'une petite culotte. Les sous-vêtements se complexifient, deviennent de plus en plus originaux : parure culotte soutien-gorge très échancrés et reliés ensemble. Les culottes minuscules sur les corps ne cachent plus grand-chose (Ill. 158, 159). Les modèles apparaissent plus souvent nues.

A l'inverse Aslan s'inscrit dans la pure tradition des pin-up en légendant ces dessins de manière humoristique. Ces légendes doivent susciter l'amusement et renforcer l'érotisme des dessins. Ainsi une pin-up, habillée juste d'une culotte peau de bête apparaît, pour le numéro 26 de l'année 1966, dans un décor de jungle comme le souligne la légende : la jungle est aussi pavée de bonnes attentions (Ill. 165). Je saute donc je suis pour la pin-up du numéro 37 de l'année 1967 (Ill. 160), cette jeune fille sautant à la corde, à la jupe relevée, nous dévoile ses bas et son porte-jarretelles. Une pin-up assise en tailleur, pour le numéro 43 de 1967, nous offre une vue sur sa petite culotte mais aussi sur sa poitrine grâce à un décolleté très plongeant ; c'est la légende accompagnant ce dessin qui met alors l'accent sur ses seins : pour jouer aux boules, il ne manque que le cochonnet (Ill. 161). Une autre, celle du numéro 37 de 1967, est uniquement vêtue d'un déshabillé transparent, celui-ci se soulève et dévoile ses fesses nues : le vent se lève, il faut tenter de vivre (Ill. 162). La légende la plus belle « attrape-mari » du siècle accompagne la pin-up du numéro 41 de 1967 (Ill. 163), celle-ci nous offre une vue imprenable sur sa poitrine. La pin-up du numéro 49 de l'année 1968 est uniquement vêtue de ses bas comme le précise la légende : dans la femme, il y a toujours un haut et des bas (Ill. 164).

Les légendes s'inspirent aussi de slogans publicitaires : une tigresse à la recherche d'un moteur pour la pin-up du numéro 46 de l'année 1967 ou de phrases culturelles : ne cachez pas ce sein que je voudrais voir pour la pin-up du numéro 52 de 1968. Mais elles pratiquent aussi de mauvais jeux de mots : l'enfer vaut l'endroit pour la pin-up du numéro 55 de 1968, de faux proverbes teintés de misogynie : le silence est le plus bel ornement de la femme mais il est peu porté pour celle du numéro 57 de la même année ou encore : les femmes sont comme des spaghettis, plus on les chauffe plus elles collent pour la pin-up du numéro 71 de l'année 1969. Enfin ces commentaires peuvent être fortement grivois ou graveleux : j'aurais aimé la photographier sous son meilleur angle, hélas, elle est assise dessus pour la pin-up du numéro 76 de l'année 1970. Ces légendes de manière générale sont beaucoup moins spirituelles que celles que l'on trouve sous les dessins de Gil Elvgren par exemple.

Les pin-up d'Aslan sont révélatrices de l'évolution des figures féminines dessinées dans la presse érotique masculine. Elles sont évocatrices de la dérive de la pin-up classique. En effet, on assiste au passage d'un érotisme frais à un érotisme plus appuyé, plus démonstratif. D'aguicheuses, les pin-up deviennent racoleuses.

Aslan dessinera aussi dans les années 70 des pin-up féministes aux visages sévères, coincées dans leur corps. Pour lui, les féministes ne peuvent être que rébarbatives comme si la prise de conscience de la liberté de leur sexualité et de leurs propres désirs annule aux yeux d'Aslan l'envie de désir et d'érotisme. Ces féministes ne peuvent être que anti érotiques et anti sexuelles.

2. Les dessinateurs contemporains de pin-up.

2.1 Dominique Wetz.

Cet artiste, né dans les années soixante, inscrit ses filles dans la tradition des pin-up, comme il le souligne en introduction de sa monographie : « la femme a une longue histoire picturale derrière elle. Le XXe siècle est l'ère de la pin-up, la vraie, la fille piquante que l'on épingle. Faire valoir publicitaire, prétexte illustratif pour vanter des spectacles légers, son arrivée officielle dans la presse il y a environ un siècle a ouvert à un fabuleux harem de demoiselles. De moins en moins vêtues, de plus en plus aguicheuses, elles sont passées par les chambrées des GI's, les vestiaires des sportifs et les dessous des matelas boutonneux. Elles ont voyagé sur les fuselages des avions ou dans les attachés-cases des hommes d'affaires. Elles ont déchaîné passion, fureur et censure, faisant frissonner quelques centaines milliers d'hommes et peut-être nourri l'imagination d'un nombre non négligeable de femmes196(*) ».

Pour créer ses girls, Dominique Wetz s'est inspiré des grands maîtres de l'art des pin-up : Aslan, Gil Elvgren, Alberto Vargas : « avant tout gamin, je dessinais surtout des paysages et des natures mortes. Mais de voir le travail de ces deux artistes, Gil et Aslan, a vraiment été une révélation pour moi et ce sont eux qui m'ont donné envie de dessiner des femmes. J'aime également Vargas qui est très fort en aquarelle et d'une manière générale tous les dessinateurs de pin-up197(*) ». Dominique Wetz s'inscrit alors dans la lignée des dessinateurs de pin-up. En choisissant de tels maîtres, Gil Elvgren et Alberto Vargas étant aujourd'hui les artistes les plus côtés, connus et reconnus dans le monde des pin-up et Aslan, le dessinateur français travaillant pour Lui, Dominique Wetz assure peut-être sa future renommée. En effet cet artiste n'est pas issu comme la plupart des dessinateurs de pin-up du monde de l'art ou de l'illustration. Plâtrier de métier, il ne dessine que pour « s'amuser ». C'est sa femme qui le convainc d'envoyer ses dessins au magazine Kiss. Il réalise alors la couverture de cette revue et sa carrière est lancée.

Comme beaucoup de dessinateurs de pin-up, il travaille principalement à l'huile, au pastel et au crayon. Toutes ses filles sont dessinées d'après photo, il effectue le même patchwork pour créer son corps féminin idéal : « je prends ce que j'aime bien sur certaines images, je change les habits, les couleurs, les lieux. Je cherche à donner à la femme la beauté parfaite198(*) ». A l'inverse d'une majorité de dessinateurs de pin-up, il ne travaille pas d'après un modèle vivant : « à part pour les portraits, je n'ai jamais travaillé d'après un modèle vivant. Il faudrait que je trouve une fille suffisamment patiente199(*) ».

Malgré quelques modifications, les filles de Dominique sont aussi des pin-up. Car quelques soient les variantes physiques imposées par l'air du temps, la pin-up de cet artiste est restée belle, ensorcelante et inaccessible, fidèle à son mythe plus star que les stars. La seule modification notable qu'ait connue la pin-up se trouve alors dans son comportement. De toujours, les pin-up dessinées ont devancé l'évolution des moeurs, leurs consoeurs photographiques se contentant peut-être de leur emboîter le pas. De chastes (mais diablement affriolantes !) à leurs débuts, elles ont petit à petit enlevé le haut puis le bas avant de tenir les promesses qui nourrissent les espoirs masculins. Sur le papier glacé des calendriers ou des magazines, elles ont délaissé les attitudes amusantes pour se faire directement provocatrices. Finie la vierge effarouchée par un coup de vent fripon. La pin-up d'aujourd'hui affiche ouvertement son désir exhibitionniste notamment lorsqu'elle est dessinée par Wetz.

Ces girls ne sont pas innocentes. Elles se masturbent en nous regardant ou en dormant. Pourtant comme leurs aïeules, elles portent talons et bas et souvent que cela. Leur sexe est régulièrement visible. Elles ont, elles aussi, de longues chevelures flamboyantes. Certaines, dans la tradition des Lolita, portent de petites socquettes blanches. D'autres, selon un vieux fantasme, sont vêtues comme des soubrettes. Cependant Wetz a abandonné le ton léger propre à la pin-up. Il préfère : « que ses pin-up de papier soient plus directes, plus vraies, aussi bien dans leurs attitudes que dans leurs proportions, dans leurs tenues comme dans leur exhibition200(*) ».

Les pin-up de Wetz, tout comme les filles d'Aslan, sont hyper réalistes. Elles se rapprochent de la photographie. Mais elles sont aussi, en bonnes pin-up, une représentation idéalisée du corps féminin. Elles n'ont pas de poils et parfois leur sexe est épilé selon les dernières modes. La peau est soyeuse, elle semble huilée. Les maquillages sont sophistiqués tout comme les coiffures.

2.2 Jean-Yves Leclercq.

Après des études en aviation et suivi quelques cours à l'académie de Verviers et à St Luc à Liège en illustration de bande dessinée, Jean-Yves Leclercq, citoyen belge, décide de se reconvertir dans le dessin de créatures de rêve à l'âge de 32 ans. Il se met à dessiner des pin-up pour lui, « et pour tous ceux et celles qui les apprécient201(*) », en raison de son adoration pour « l'esthétique du corps féminin202(*) ».

Pour lui, une pin-up est : « un dessin ou une photo représentant une jeune fille susceptible de séduire celui qui la regarde. La demoiselle occupe souvent une grande partie de l'image, est représentée en pied, et a tendance à regarder son spectateur. Ces codes ont été mis en place par Alberto Vargas dans les années 20, bien que des artistes antérieurs avaient commencé à travailler dans cette direction. Les pin-ups ont évolué jusqu'à nos jours au gré des moeurs, de la mode et des techniques picturales203(*) ». Cet artiste découvre les pin-up, à l'âge de dix-sept ans dans un livre d'Olivia de Berardinis, et il décide de suivre les traces de ses précurseurs et dessinateurs favoris tel Alberto Vargas et Gil Elvgren : « Les pin-up de Gil Elvrgen, bien que moins agressives sexuellement que celles d'aujourd'hui, sont tellement adorables qu'on en tomberait à mon avis bien plus vite amoureux que n'importe quelle autre. A côté d'un tel travail, je suis obligé de rester très modeste au sujet de ce que je fais204(*) ». En effet, pour cet artiste, le phénomène pin-up est bel et bien américain : « Le phénomène des pin-ups vient de USA. Elles sont culturellement beaucoup plus importantes là-bas que nulle part ailleurs, y compris en France. Il y a deux temps forts dans l'histoire de la pin-up américaine : La Seconde Guerre Mondiale, où elles accompagnent les GIs sur le front dans les magazines US, et les années 50-60, lorsque des artistes comme Elvgren sont au sommet de leur art et créent des images qui représentent un certain aspect du rêve américain. Malgré le génie de dessinateurs comme Aslan, la pin-up française ou de tout autre pays fait figure d'imitation205(*) ».

Comme tout dessinateur réaliste, Jean-Yves Leclerq a besoin d'un modèle pour atteindre un « niveau de qualité suffisant206(*) ». Il commence par s'inspirer de photographies trouvées dans la presse puis se met à dessiner des pin-up d'après modèles : « je m'inspire toujours de modèles pour mes dessins réalistes. Elles viennent poser pour moi ou m'autorisent à utiliser des photos existantes. Ce sont souvent des modèles professionnelles ; parfois des filles qui décident enfin de réaliser ce qu'elles n'avaient pas encore osé : se transformer en vamp le temps d'une séance photo207(*) ». Il arrive parfois que sa compagne pose pour lui. Chaque séance de pose lui fournit matière à dessiner : « une jolie modèle, deux spot bien placés et un Olympus C-2500 vous donne en deux heures de pose de quoi dessiner pendant des mois ! Mes photos sont très loin de ce que l'on pourrait qualifier de professionnelles mais elles contiennent toutes les informations (proportions, attitudes et surtout ombre et lumières) qui vont me permettre de réaliser des croquis intéressants, qu'ils soient hyperréalistes ou caricaturaux208(*) ». Puis il crayonne leurs courbes affriolantes. Lorsqu'un croquis atteint un niveau de détails voulu, il passe des heures à les mettre en couleur sur ordinateur. Les dessins scannés sont ensuite modifiés grâce à une tablette graphique wacon et l'outil aérographe de Photoshop. Tous les effets sont obtenus de la même manière qu'avec un aérographe réel, avec l'avantage de pouvoir créer et rappeler les calques à tout moment, et de pouvoir tenter n'importe quelle expérience effaçable en cas d'échec. Le personnage est dissociable du fond pour qu'il soit intégrable n'importe où. La mise en page éventuelle et les lettrages en vue de la réalisation d'une affiche sont également réalisés à l'aide de Photoshop6. Selon l'artiste, la réalisation d'une image prend en tout une quarantaine d'heures de travail. Le fait de travailler sur ordinateur rend ses dessins encore plus réalistes. L'ordinateur permet aussi de jouer sur les textures : le velouté des peaux, la brillance du latex ou du cuir (Ill. 166)...

Ces girls ont, comme leurs ancêtres, des talons vertigineux, des bas et gants noirs et souvent un porte-jarretelles (Ill. 167). Comme leurs consoeurs de Wetz, elles portent aussi des dessous arachnéens et parfois des robes moulantes en latex. Elles ont des chevelures de lionnes ou des coiffures plus sophistiquées. Les yeux sont maquillés de noir afin de souligner leur regard de braise. Leclercq a bien compris que ces créatures sont là pour répondre aux fantasmes masculins, c'est pourquoi il varie les scénarios et les poses : « mes créatures correspondent à des types de fantasmes différents : ça va de la pin-up classique à la poupée sadomosachiste en passant par l'aventurière tatouée ou l'institutrice sévère et BCBG209(*) ». Dans sa production artistique, on trouve aussi bien des pin-up qui s'inscrivent dans une certaine tradition classique de l'érotisme : infirmière (Ill. 168), soubrette, nue sous un tablier de cuisine (Ill. 169), Lolita (Ill. 176), portant un uniforme (Ill. 170) ou scène de saphisme (Ill. 172) que des pin-up plus modernes puisque les « pin-up reflètent leur époque, il est normal que les images actuelles soient plus directes qu'il y a cinquante ans210(*) ». On trouve des pin-up prisonnières (Ill. 173), attachées (Ill. 171), se masturbant (Ill. 174, 175). Pour cette dernière thématique, l'artiste souhaite ne pas aller trop loin car il : « préfère l'esthétique du corps à celle du sexe, même s'il m'arrive parfois de déborder211(*) ».

Même si l'artiste ne considère pas ces créatures « comme des femmes de substitutions212(*) », pas plus qu'il ne considère ces « jolies modèles comme des femmes-objets213(*) », celles-ci sont néanmoins des figures idéalisées du corps féminin comme les filles de Wetz. L'artiste reconnaît volontiers que ses pin-up sont : « la représentation de fantasmes masculins. Certaines femmes s'y reconnaissent et les apprécient, mais elles ne peuvent pas être qualifiée d'oeuvres féministes. Il y a un manque de compréhention entre les féministes et les dessinateurs de pin-ups, du au fait qu'une pin-up est une image très réductrice de la femme. Pour éviter un trop long débat, je dirais que les pin-up ne sont pas des femmes-objets. Ce sont des objets, qui n'ont pas grand-chose à voir avec de vraies femmes214(*) ». Si Jean Yves Leclercq devait illustrer un magazine féminin, il avoue : « qu'il travaillerait dans un style très différent215(*) ».

Grâce à la publication de ses oeuvres dans la presse masculine (Playboy, Lui) et dans divers ouvrages (Taschen, Ballistic Publishing), l'artiste a pu vivre deux ans de ses pin-up. Aujourd'hui, il vit d'illustrations plus rapides à produire et donne aussi des cours de retouche photographique.

2. 3 Une nouvelle vague de dessinateurs.

Contrairement à ce que l'on pourrait penser, le dessin érotique se perpétue malgré la prédominence de la photographie érotique. En effet, tout comme Dominque Wetz et Jean Yves Leclercq, de très nombreux artistes proposent encore des figures féminines sensuelles qu'ils nomment pin-up.

Certains de ces dessinateurs de pin-up, qu'ils soient américains, italiens, espagnols, japonais ou français ont suivi un parcours simple. Paul John Ballard (né en 1960) fréquente le Highbury Grove School avant de s'inscrire au London College of Art. Olivia de Berardinis (1948- ) suit des cours au New York School of Visual Art. Carlos Diez (1966- ), quant à lui, préfère l'Université of Fine Arts Ans School of Applied Arts et Jon Hul (1957- ) choisit la Valley High School à Las Vegas. Drew Posada (1969- ) suit les cours de Phillip Bradshaw à la High School à Seattle. D'autres artistes multiplient les formations artistiques : Anthony Guerra (1970- ), après avoir fréquenté Mayfield High School, puis American College for the Applied Arts à Atlanta, termine ses études à l'Art Institute de Houston. Hubert de Lartigue (1963- ) étudie à l'Ecole Duperré puis à l'Ecole Estienne. Hajime Sorayama (1947- ) fréquente l'université de Shikoku Gakuin puis la Japan's Chuo Art School. Enfin Lorenzo Sperlonga (1969- ) suit de nombreux cours d'illustrations, d'animations et de design à la Roberto Rossellini's Institute à Rome, puis entre à la Valeri Visual Arts avant de parfaire son apprentissage à la Lapis Graphic Design.

Mais une grande majorité de ces dessinateurs sont autodidactes : Elizabeth Austin (1962- ), Michael Calandra (1962- ), Carlos Cartagena (1960- ), Kevin Clark (1965- ), Paul Corfield (1970- ), Marcus Gray (1971- ), Jennifer Janesko, Lorenzo Di Mauro (1954- ), Michael Mobius (1968- ) et Ary Spoelstra (1956- ).

Tout comme leurs prédécesseurs, ces artistes ont une trajectoire similaire. Beaucoup ont d'abord fait leurs classes dans le monde de l'illustration, notamment pour la littérature enfantine ou pour la publicité. Le monde du spectacle, les studios de cinéma ou des films d'animations les ont très souvent employés. Certains ont commencé par réaliser des peintures murales pour des hotels, restaurants, clubs comme Paul John Ballard ; d'autres ont d'abord réalisé des bandes dessinées, des comics tel Carlos Diez ou des premières de couvertures d'ouvrages de science-fiction avant de se touner vers les pin-up. La plupart sont aujourd'hui des illustrateurs indépendants et subviennent à leurs besoins grâce à leurs pin-up.

Ces pin-up apparaissent évidemment sur les mêmes supports que leurs aïeules : cartes postales, posters, calendrier et presse masculine comme Playboy, Penthouse, Maxim Magazine. Olivia de Berardinis, Carlos Cartagena, Jennifer Janesko, Hajime Sorayama, Lorenzo Sperlonga ont tous fourni de très nombreuses pin-up pour ces magazines. La revue underground Heavy Metal se signale aussi par la publication de pin-up de Carlos Diez, de Jessica Dougherty et de Lorenzo Sperlonga.

A l'inverse des dessinateurs classiques de pin-up, ces nouveaux artistes connaissent une renommée plus rapide. Leur succès va grandissant et il est possible d'acheter leurs oeuvres (lithographie, cartes postales, posters) sur internet. Un éditeur, Robert Bane Publishing, s'est spécialisé depuis 1984, dans la production de ces nouvelles pin-up. Certains artistes comme Hajime Soroyama publient aussi de nombreuses monographies ou artbooks. De nombreuses expositions aux Etats-Unis sont organisées, présentant leurs travaux. Une galerie se distingue particulièrement : la Tamara Bane Gallery à Los Angeles. Cette galerie a exposé les oeuvres de Olivia de Berardinis (1987), Carlos Diez (2002), Drew Posada (1996), Hajime Sorayama (1994), Lorenzo Sperlonga (2003).

Au niveau des techniques artistiques, il est à remarquer la forte proportion de l'utilisation de l'aérographe notamment chez Michael Calandra, Paul Corfield, Jennifer Janesko. D'autres préfèrent les nouvelles technologies et travaillent grâce à des logiciels informatiques comme Lorenzo Di Mauro ou Ary Spoelstra. Néanmoins de très nombreux artistes, Paul John Ballard ou Hubert de Lartigue, continuent à employer des outils plus traditionnels : gouache, acrylique, huile ou crayon, aquarelle.

L'influence de pin-up classique dans ces nouvelles figures féminines est grande et visible. Tout d'abord de très nombreux dessinateurs contemporains s'inscrivent dans la lignée d'Alberto Vargas (Elizabeth Austin, Carlos Cartegena, Carlos Diez, Hubert de Lartigue), de George Petty (Carlos Cartegena, Hubert de Lartigue), de Gil Elvgren (Carlos Cartagena), d'Aslan (Hubert de Lartigue) ou Alphonse Mucha (Marcus Gray). Il arrive aussi que ces artistes contemporains s'amusent à dessiner des pin-up classiques dans la tradition la plus pure (Ill. 177, 178, 179, 180) comme pour rendre hommage à leurs prédécesseurs et à leurs oeuvres. Par exemple de très nombreuses pin-up classiques sont mises en scène dans un verre à cocktail. On retrouve ce même dispositif avec Elizabeth Austin (Ill. 185).

Certains artistes font même des clins d'oeil à l'histoire de cette image (Ill. 181, 183). D'autres dessinateurs soulignent l'origine américaine de leurs beautés (Ill. 182, 187). Parfois, tout comme chez leurs ancêtres, les jupes se soulèvent pour dévoiler les dessous de ces nouvelles pin-up (Ill. 186, 187). Plusieurs de ces pin-up contemporaines sont aussi inspirées directement de figures mythiques comme Betty Page (Ill. 188, 189, 190, 191) ou Marilyn Monroe (Ill. 192, 193, 194).

Ces nouvelles pin-up sont évidemment présentées avec les accesoires usuels de séductions (Ill. 195, 196, 207). On note néanmoins une prédominence de la cuissarde à talon, en cuir ou latex, pour les pin-up des années 2000 (Ill. 197, 198). La figure de la pin-up guerrière apparaît de nombreuses fois (Ill. 199). Parfois cette pin-up amazone est aussi une figure féminine fantastique notamment lorsqu'elle est dessinée par Olivia de Berardinis. L'artiste s'inscrit alors dans la lignée des représentations féminines de Franck Frazetta. Le fantasme de la soubrette (Ill. 210, 211), de l'infirmière (Ill. 200, 201), de la secrétaire (Ill. 203, 204), de l'institutrice (Ill. 209) ou de la Lolita (Ill. 208) sont encore les thèmes de nombreuses de ces représentations féminines érotiques. On note aussi des scènes de bain (Ill. 205, 206) ou de saphisme (Ill. 202). Enfin, de plus en plus de ces nouvelles pin-up sont dessinées en train de se masturber (Ill. 210, 211).

A travers l'analyse plus approfondie de l'iconographie de ces différents dessinateurs contemporains de pin-up, nous avons pu mettre en valeur les permanences et les transformations entre les pin-up classiques et les pin-up modernes. Le genre pin-up ne cesse de se modifier pour s'adapter aux exigences et aux attentes du public. Même si ces dernières pin-up s'éloignent fortement des premières pin-up, il est possible de voir en filigrane que le « système » pin-up continue de fonctionner et de faire de nouveaux adeptes, se déplaçant en flirtant avec la ligne de la tolérance morale. A l'inverse d'autres artistes vont se servir de ce « système » afin de le dénoncer et de le critiquer. Ces artistes, grâce à leurs oeuvres, poussent alors le spectateur à réfléchir sur la production de représentations érotiques et sur les statuts attribués aux femmes dans notre société.

III. La pin-up désarticulée par certains artistes contemporains.

Le « système » des pin-up est un système qui « marche », preuve en est la pérennité de ces figures féminines et leur capacité à s'adapter aux modes, goûts et attentes du public. De nos jours on trouve encore des représentations féminines érotiques que l'on peut rattacher à l'iconographie des pin-up. Ces dernières semblent être inhérentes à l'histoire de l'érotisme du XXe siècle. Pourtant ces images des femmes et les valeurs qu'elles véhiculent dérangent aussi de nombreux artistes. Ils vont alors se servir d'éléments caractérisant les pin-up, les modifier, les exagérer, afin de dénoncer et de critiquer l'image stéréotypée qu'est la pin-up. La pin-up morcelée devient alors le symbole des luttes contre les structures normalisées de l'érotisme et notamment la prégnance du regard masculin dans l'art érotique, les représentations traditionnelles de la sexualité, les exigences corporelles auxquelles sont soumises les femmes et le cantonnement de celles-ci à des rôles figés. Ces artistes prennent un à un les codes des pin-up pour les étudier et les rattacher à des questionnements modernes. Le corps féminin est toujours utilisé comme support pour véhiculer des messages (opinions, dénonciations, expérimentations) mais de façon moins consensuelle. Sont alors repris de façon parodique, caricaturale ou hypertrophiée, les particularités communes à l'art des pin-up à savoir : les accessoires de séduction, l'érotisme innocent, le corps féminin lisse et sain.

1. Les accessoires de séduction.

Les pin-up représentées la plupart du temps avec bas, gants, jarretière ou porte-jarretelles, chaussures à talons s'inscrivent dans une certaine tradition de l'art érotique. Ces mêmes accessoires fascinent les artistes du XIXe siècle et ceux du début du XXe siècle. Les dessinateurs contemporains de pin-up comme Dominique Wetz et Jean Yves Leclercq utilisent également ces accoutrements. Mais des artistes non spécialisés dans l'art des pin-up vont aussi les faire apparaître dans leurs oeuvres. L'utilisation de ces accessoires prend, alors, des sens différents : fascination, symbolisme, dénonciation....

Ainsi, Tapiés (1923- ), dans un de ces tableaux, Marron aux bas216(*), nous présente une vraie paire de bas en nylon fixée sur un panneau couleur terre. Cet artiste, qui travaille principalement sur les symboles et les signes, choisit ici d'exposer un des symboles de la féminité et de la séduction. Les interrogations posées par cette oeuvre semblent nombreuses : les bas, seuls, exerce-t-il encore leurs pouvoir de fascination ? Sont-ils encore support de fantasme, une fois sortis d'une mise en scène érotique ? La femme sans ses bas est-elle encore érotique ? Qu'a-t-elle fait avant, pendant et après avoir enlevé ces bas ? Qui porte ces bas ?

Dans une lignée plus traditionnelle, des artistes continuent d'utiliser ces accessoires pour créer des oeuvres chargées d'érotisme. Dans cette pure tradition de la fin du XIXe siècle, Gerhard Richter (1932- ), nous présente, dans l'Etudiante217(*), une jeune femme nue juste vêtue de ses bas noirs. John Kacere (1920-1999), dans nombreux de ses travaux, représente les femmes, parées d'accessoires, dans des atmosphères très sensuelles. Ces tableaux, hyper réalistes, se rapprochent de la photographie par une maîtrise de l'huile très proche de certains dessinateurs de pin-up comme Aslan ou Wetz. L'accent est mis sur les zones corporelles féminines qui suscitent le désir : les cuisses, les fesses. Avec Linda218(*), l'artiste nous présente une femme vêtue d'un déshabillé de satin. Ce déshabillé, remonté jusqu'aux hauts des cuisses, nous offre une vue sur un petite culotte beige en dentelle, un porte-jarretelles blanc et des bas de la même couleur. Ici l'artiste joue sur la frontière, entre ce qui nous dévoile et ce que nous aimerions qu'il nous dévoile. La femme s'efface puisque l'artiste ne représente pas son visage. Elle n'est plus que son corps, corps séducteur et érotique, concentré autour de sa culotte, ses bas et son porte-jarretelles (Ill. 212, 213, 214). L'artiste utilise le même dispositif dans Llena 82219(*). Un haut de dentelle est remonté sur les hanches du modèle nous dévoilant sa culotte noire et son porte-jarretelles assorti. Ici, la femme est représentée de dos, nous n'apercevons pas son visage. Elle se résume alors à ces accessoires de séduction. Les dimensions importantes de ces deux tableaux soulignent l'importance accordée au corps séducteur féminin.

William N. Copley (1919-1996) représente lui aussi une femme réduite à ses accessoires de séduction dans son tableau The Devil in Miss Jones220(*). Dans cette oeuvre, une femme dont la tête n'est pas visible, est en train d'enlever sa jupe, nous dévoilant sa culotte et son porte-jarretelles. A l'inverse des oeuvres de Kacere, c'est le modèle qui se dénude, la femme reste active, crée la situation érotique et se donne en spectacle. Le spectateur est alors en position de voyeur.

D'autres artistes, comme Kacere, vont surdimensionner certaines parties du corps féminins soit pour mettre en valeur leur fascination ou une fascination culturelle pour ces parties du corps, soit pour dénoncer la réduction des femmes à certaines parties de son corps. Allen Jones (1937- ), avec Filles sur commandes III221(*), nous présente une femme aux seins énormes, juste vêtue de gants et de bas noirs et de chaussures à talons. Gottfried Helnwien (1948- ), quant à lui, va plus loin avec son tableau Lulu222(*). Il représente une femme géante dont les bas, la jarretière et le sexe sont visibles. A côté d'elle, un homme nain. Déesse érotique ? Ou peur de la femme réductrice, castratrice ? Même peur peut-être pour Eric Stanton (1926-1999). Dans une illustration pour FaceSitting effectuée au cours des années soixante-dix, il réalise une photographie d'une femme aux bas noirs portant un porte-jarretelles, un homme étranglé, est dessiné entre ses jambes.

La femme parée d'accessoires érotiques fascine encore ou fait peur comme nous venons de le voir. Mais durant les années soixante, de nombreuses réactions vont s'opposer à la figure de la femme accessoirisée. En 1968, la manifestation contre l'élection de Miss America à Atlantic City inquiète les conservateurs : en queue de cortège, les manifestantes enlèvent divers accessoires vestimentaires symboliques - soutiens-gorge, bas, gaines, chaussures à talons - en signe de protestation contre la soumission des femmes aux canons habituels, étroits et contraignants, de la beauté féminine. Elles jettent tous ces accessoires dans une grande poubelle portant l'étiquette « Liberty » et y mettent le feu. Cette manifestation semble aujourd'hui modérée, mais, à l'époque, elle apparaît comme l'expression d'une révolte effrayante, définitive. Dans les médias populaires, les féministes deviennent « ces folles qui brûlent leurs soutiens-gorge ». De cette appelation, on ne tarde pas à dériver vers : « les féministes se fichent de la beauté, elles veulent détruire la famille, ce sont toutes des lesbiennes ». Ces déclarations montrent à quel point le féminisme suscite l'angoisse dans la culture dominante. Le but initial de la manifestation - montrer le rapport entre les contraintes vestimentaires et l'oppression politique des femmes - est presque passé au second plan. Cette oppression découle en grande partie du contenu idéologique des images, en particulier celles concernant les images et les rôles des femmes dont les sous-vêtements deviennent le symbole. Les femmes refusent le moule dans lequel une partie de celles-ci ne se reconnaissent pas ou ne veulent pas être réduites.

2. L'érotisme innocent.

2.1 La pudeur.

Dans les années soixante-dix, de nombreux artistes dessinent encore quelques pin-up dans leurs oeuvres. Mais lorsqu'elles sont représentées ce n'est plus de manière innocente. En effet, ces artistes reprennent les pin-up en tant que symbole de la femme érotique standardisée pour mieux parfois le déconstruire. Ils choisissent généralement un élément du « système » pin-up, le décline, le densifie, l'exagère, le pousse à son extrême pour le détruire.

Mel Ramos (1935- ), un des pionniers de cette « déviance », fait poser son modèle selon la tradition pin-up dans son tableau Beaver Shot223(*). Sur un fond en losange orange, une jeune fille blonde, les bras croisés derrière la tête, légèrement déhanchée, nous regarde et sourit. Elle porte une robe courte à rayure. Mais l'artiste a ajouté un cercle sur cette robe au niveau du sexe de la jeune fille. Sur ce cercle apparaît la culotte de la jeune fille comme si nous avions découpé le tissu de sa robe à cet endroit précis afin de voir l'objet tant convoité. Avec ce dispositif, Mel Ramos, utilise ce qu'est réellement une pin-up : une jeune fille saine, souriante, fraîche dont nous espérons qu'une chose : pouvoir apercevoir une zone de son corps ou sa lingerie. Il nous renvoie à notre statut de voyeur en nous montrant dans sa mise en scène ce que nous attendons tous et met en relief le processus de fantasme. Mel Ramos réalise aussi de nombreuses pin-up, avec Richard Hamilton (1922- ), notamment avec leur série Cosmetic Ladies.

Zoe Leonard (1961- ) dans son oeuvre Pin-up, s'amuse à photographier ces modèles masculins dans les poses glamour des pin-up des années cinquante. La première photographie de cette série représente un homme posant nu sur un tissu rouge de satin comme l'est Marilyn Monroe dans le premier poster central de Playboy (Ill. 215, 141). Ici, l'artiste souhaite nous faire réfléchir sur ce que nomme art érotique et la prédominance du regard masculin dans cet art. Mais à l'inverse de la photographie de Marilyn, cette photographie Pin-up 1 ne connaît aucun succès224(*).

Linda Nochlin, dans les années soixante-dix, mène une expérience similaire. A partir d'une photographie érotique du XIXe siècle, représentant une femme nue aux bas noirs tenant un plateau sur lequel sont disposées des pommes et les seins du modèle, intitulée « Mangez des pommes », elle propose de réaliser le tenant masculin de celle-ci afin de mesurer les réactions. Elle fait poser un homme nu en chaussette tenant un plateau sur lequel sont disposées des bananes et le pénis du modèle. Elle intitule cette photographie : « Mangez des bananes ». Ensuite elle montre ces deux photos à ces étudiants, la première ne suscite aucune réaction alors que la deuxième fait rire. Par ce procédé Linda Nochlin met en valeur, tout comme Zoe Leonard, la prédominance du regard masculin dans l'art érotique.

2.2 Le voyeur malgré lui.

Avec les pin-up classiques, le spectateur et consommateur est en position de voyeur de manière accidentel. Mais le voyeur au fur et à mesure de l'évolution du genre pin-up est mis en situation de plus en plus active. De nombreux artistes vont travailler sur le voyeurisme afin de le pousser à son extrême pour mieux démonter ces structures. En effet, le voyeurisme semble indissociable de l'histoire de l'érotisme et de la pornographie du XXe siècle.

Pour « peindre » ses portraits et tableaux de groupes dans les trois dimensions de l'espace, Vanessa Beecroft (1969- ) se sert de femmes en chair et en os. Celles-ci restent un certain temps dans un espace défini et fermé - le plus souvent chichement vêtues par l'artiste - et ne prennent jamais contact avec les spectateurs qui les observent de l'extérieur (Ill. 217). L'atmosphère qui s'instaure a quelque chose d'étonnamment froid, voire étrange et le spectateur devient vite mal à l'aise. En 1994, dans une de ses premières expositions, organisée dans une galerie de Cologne, Vanessa Beecroft présente trente jeunes filles dans un showroom fermé aux spectateurs. L'ensemble ne peut être vue qu'à travers un petit rectangle faisant à la fois office de tableau et de judas. Les jeunes filles sont toutes d'une stature similaire, un peu athlétique et ne sont vêtues que de chaussures noires, de bas, d'un slip gris et d'un chemisier noir ou gris. La touche finale de cet habillement uniforme, qui présente en même temps comme une composition  « picturale » très impressionnante dans l'espace, est donnée par des perruques jaunes - tantôt avec des nattes soigneusement tressées, tantôt sans. Certaines filles sont assises, d'autres sont appuyés contre un mur, d'autres encore font lentement les cent pas. Le titre de ce travail est lourd de sens : Ein Blonder Traum (Un rêve blond). L'artiste renoue avec ce même dispositif lors de l'installation Royal Opening (Ill. 216), réalisée au Musée Moderne de Stockholm en 1998. Elle y dénonce l'uniformisation des corps féminins et leur standardisation.

La pornographie et l'érotisme sont également soumis à une anti-lecture à la fois critique et sensuelle. Les lèvres écarlates de la Girl with Lipstick (1992), ou la blonde au bas séducteur roulé jusqu'à la cheville dans Miss January (1997), deux oeuvres de Marlene Dumas (1953- ), exposent la femme au regard du spectateur, dont le voyeurisme n'est pas seulement satisfait, mais aussi dévoilé et mis à nu. Dans Porno Blues225(*), l'artiste s'inspire de pages de magazines pornographiques. Elle explore l'interaction entre ce que révèle la photographie pornographique et ce que voile ou dissimule l'art - ce que l'on considère souvent comme le trait particulier de l'érotisme. Dans les années quatre-vingt-dix, cette artiste s'intéresse particulièrement à l'érotisme. Bien qu'elle emprunte souvent ses images de sujets féminins à la photographie de presse à gros tirage, les attitudes de refus ou les « anti-images » conçues pour subvertir les représentations stéréotypées ne semblent pas l'intéresser. En explorant les caractéristiques sensuelles de son moyen d'expression, elle vise plutôt à renforcer la capacité de la peinture à représenter les mécanismes du désir.

Un des propos de Cindy Sherman (1954- ) est de mettre en évidence les structures du voyeurisme. Elle met en chantier une série intitulée Film Stills, dans laquelle elle pose sous les traits d'héroïnes de cinéma difficiles à identifier bien que familières (Ill. 218). Dans Untitled Film Still No.2 (1977) par exemple, le regard passe par l'embrassure de la porte pour tomber sur une femme qui se regarde dans la glace d'une salle de bain. Cindy Sherman laisse le spectateur inventer l'histoire de chaque personnage, le rendant ainsi complice du voyeurisme des images. Des constellations similaires illustrant et minant la séduction des corps, mais aussi « l'effet poudre aux yeux » de l'image photographique, caractérisent également ses Centerfolds de 1981 (Ill. 219). Ceux-ci représente des femmes allongées ou accroupies après avoir été prises en photo pour le poster central d'un magazine pornographique, mais semblent se soustraire à la fixation photographique par une forme d'absence. Le regard des modèles ne croise jamais celui du spectateur. Leurs yeux semblent se perdre au contraire dans un lointain indéfinissable situé hors du champ. Les corps débordent eux aussi des limites de l'image, de sorte que le regard ne peut jamais les saisir tout à fait comme figures. Dans cette série, Cindy Sherman met en avant la dépersonnalisation des modèles pornographiques, qui ressemblent de plus en plus à des pantins automatisés.

Au cours de sa légendaire performance donnée lors de l'exposition de groupe JETZTZEIT (1994) à la Kunsthalle de Vienne, Elke Krystufek (1970- ), dans une ambiance aussi intime qu'aseptisée, commence à se masturber à loisir, d'abord avec la main, puis avec un pénis en caoutchouc et un vibromasseur. Ensuite l'artiste fait couler de l'eau dans la baignoire et se détend en prenant un bain. Comme un peu partout dans son oeuvre, Krystufek travaille ici sur l'interaction entre le regard (masculin) et le plaisir (auto)érotique, sur le jeu entre la mise en scène artistique de l'identité, l'émancipation et le corps de la femme. Elle brave les interdits en défiant le pouvoir masculin puisque tout en s'exposant, elle l'ignore. Ce qui apparaît peut-être au premier regard comme une provocation artistique, comme une transgression des limites entre l'espace privé et espace public, s'avère finalement être un jeu délibéré, visant à mimer les ordres sociaux et les règles normatives inconscientes qui prétendent définir autoritairement toutes sexualités. Une brève digression dans l'histoire du cinéma permet peut-être de mettre en évidence les stratégies élaborées par l'artiste. Dans son essai Visual Pleasure and Narrative Cinema226(*), la féministe, réalisatrice et théoricienne du cinéma Laura Mulvey, analyse le rapport entre l'inconscient patriarcal, le voyeurisme et l'image conventionnelle de la femme dans le cinéma et la société : le phallocentrisme masculin a défini le rôle des femmes dans la société sous forme d' « image de la femme castrée ». Pour parvenir à un « nouveau langage du désir », cette définition doit être analysée afin de détruire, dans un second temps, le plaisir « visuel » éprouvé à la perception de ces images. Elke Krystufek intervient exactement au niveau de ce décodage d'une sexualité définie et se sert de ce décodage (Ill. 220). Dans la performance décrite plus haut, l'artiste s'appuie sur le plaisir direct du regard, sur l'entrée presque voyeuriste du spectateur dans la sphère intime de la vie (jouée et imaginée) d'autrui. Plutôt que d'instrumentaliser le corps féminin, l'artiste instrumentalise le spectateur. Avec les armes d'une femme définie par les regards masculins, Elke Krystufek frappe ainsi exactement le mécanisme auquel - et c'est là tout le problème - elle ne peut malgré tout échapper.

2.3 Le regard masculin bienveillant.

Claude Cahun (1894-1954) est l'une des premières artistes à travailler sur le travestisme et s'interroge sur le genre masculin et féminin. L'érotisme des poses de ses modèles est un trait frappant de ces travaux. Ses autoportraits, qu'elle apparaisse vêtue en femme ou en homme, rendent compte de la complexité de la sexualité féminine, pour le spectateur comme pour le modèle. En mettant en scène la difficulté à distinguer le désir d'identification dans le regard que portent les femmes sur les autres femmes, le travail de Claude Cahun annonce certains débats épineux des féministes concernant plaisir visuel et sexuel. Ce plaisir visuel provient-il du fait que les femmes désirent être le modèle ou du fait qu'elles désirent désirer le modèle, comme l'écrit Mary Ann Doane227(*) ? Les femmes hétérosexuelles qui regardent des images de femmes sexuellement attirantes se travestissent-elles lorsqu'elles s'identifient à elles ? Eprouvent-elles momentanément une attirance, des pulsions ou émotions homosexuelles? Où est-ce la distance, ou l'intimité qu'elles ressentent vis-à-vis de l'image à laquelle elles se comparent qui les tourmente ou leur donne du plaisir ? C'est au milieu de toutes ces questions complexes que la théorie psychanalytique féministe a émergé dans les années 1970.

Les oeuvres de Pauline Boty (1938-1966) s'inscrivent dans la lignée de ces réflexions. Ces travaux parlent des questions d'identification et de plaisir, qui sont au coeur de la réflexion féministe dans les décennies soixante-dix. Le premier élément228(*) (Ill. 222) de son diptyque est composé de portraits (Lénine, Einstein, Elvis Presley) et d'objets qui évoquent le pouvoir masculin : l'aviation, l'architecture, la sculpture classique, le sport, la musique pop, la littérature, la politique, les sciences. De ces images tirées du « Grand Art » ou de la photographie de presse, la seule femme présente est Jackie Kennedy, la « femme d'exception », représentée alors qu'elle se tourne vers son mari au moment de la fusillade de Dallas. Ces icônes de la culture patriarcales sont juxtaposées au second tableau229(*), représentant une sorte d'érotisme féminin libéré (Ill. 223). Mais la ressemblance avec les photographies des magazines pour hommes, la composition verticale « phallique » et le parc de type XVIIIe siècle à l'arrière plan semblent confirmer la domination masculine sur le corps féminin représentée dans le premier tableau. Les oeuvres de cette artiste sont alors révélatrices de ce que Bourdieu nomme « habitus ». En effet, malgré sa volonté, l'artiste n'arrive pas à ce défaire du regard masculin qu'elle a incorporé, sur le corps féminin érotique.

Cosey Fanni Tutti (1951- ) travaille, dans les années soixante-dix, pendant deux ans au projet  Prostitution imaginé par COUM Transmissions, dont elle est membre fondatrice avec Genesis P. Orridge. Cosey Fanni Tutti se présente en tant que modèle auprès de producteurs de films et de magazines pornographiques, sans rien dire de son projet personnel. Les images qui en ont résulté, sont présentées dans l'exposition  Prostitution à l'Institute of Contemporary Arts de Londres, en 1976. Les photographies en noir en blanc ou en couleurs de Cosey Fanni Tutti posant pour l'industrie pornographique, seule ou avec des hommes et des femmes, auraient dû être accrochées sur les murs de la galerie dans leur format original de pages de magazine (Ill. 221). Mais une commission de censure oblige les organisateurs à les présenter une par une dans un album. Le projet comporte aussi des performances et des débats sur le sexe et la prostitution, avec la participation de femmes travaillant dans l'industrie du sexe, d'artistes et de membres du public. Par ce travail, l'artiste nous pousse à réfléchir sur la normalisation de la sexualité, la codification des rôles et conduites sexuelles dans l'industrie pornographique. De même elle interroge l'utilisation du corps féminin comme objet à consommer et la prégnance dans les représentations érotiques du regard masculin.

3. Le corps féminin lisse et sain.

3.1 De la femme consommatrice à la femme consommée.

Sylvie Fleury (1961- ) se fait connaître au début des années 90 par ses Shopping Bags, arrangements de sacs de créateurs de mode qui semblent avoir été laissés par terre dans la galerie après un grand shopping. Les sacs sont rendus encore plus attrayants et énigmatiques par le fait que leur contenu est caché par de fins tissus. Fleury transfère les articles du luxe féminin dans le contexte de l'art sous forme de ready-mades, par accumulation d'emballages et de sacs de shopping230(*), par des agrandissements photographiques de pages de titres de magazines de mode glamour231(*) ou par de vastes installations de tapis moelleux, de meubles élégants et d'innombrables chaussures et cartons à chaussures de grandes marques232(*). On peut voir Sylvie Fleury comme une artiste qui « réalise ses oeuvres avec une carte de crédit », et un peu comme pour Andy Warhol, la question a été posée de savoir si l'art de Fleury est un art critique ou affirmatif. Beaucoup d'oeuvres de Fleury semblent conforter clairement le cliché selon lequel l'intérêt pour la mode et la décoration est une des activités préférées des femmes, et les déclarations et la mise en scène de l'artiste comme fashion victime nous la montrent d'abord comme une consommatrice enthousiaste des articles présentés dans son oeuvre.

Ce n'est sans doute pas un hasard si les premières oeuvres de Fleury remontent au moment où le capitalisme se voit conforté dans sa position de modèle socio-économique dominant. Fleury travaille principalement avec une pléthore de produits plus ou moins exclusifs destinés à la consommation des femmes (Ill. 224). Mais elle décale aussi les standarts de la haute culture occidentale en recodant les oeuvres célèbres de l'histoire de l'art récente, et en les assortissant d'un « accent féminin ». Ainsi ses sculptures de boîtes de Slim-Fast233(*) renvoient aux célèbres Brillo Boxes234(*) d'Andy Warhol (1930-1987), les produits diététiques suscitant en même temps des associations avec les idéaux de minceur et autres rituels d'amaigrissements. Cette artiste par son travail met alors en évidence le cantonnement des femmes à un environnement typiquement féminin.

« Pourquoi nous montre-t-on une image plutôt qu'une autre ? » Tel est l'un des slogans avec lesquels l'artiste américaine Barbara Kruger (née en 1945) se fait connaître depuis le début des années 80. Cette interpellation directe adressée au spectateur renvoie aux thèmes abordés par ses combinaisons de texte et d'image : Kruger s'y penche sur la manière dont la violence, le pouvoir et la sexualité sont générés dans notre société, et comment ils sont visualisés par les mass media. La position de Kruger suppose que notre vision de la réalité, notre conception de la normalité, nos rôles sexuels admis et l'acceptation de la violence quotidienne, sont constamment suscités et influencés par l'image et le langage. Ainsi, ses photographies aux trames grossières reproduisent des modèles qui sont déjà eux-mêmes des reproductions de grande diffusion. Il s'agit avant tout de livres de photos, de prospectus et de modes d'emploi des années quarante et cinquante, par lesquels les clichés conservateurs furent diffusés avec une insistance particulière. Par exemple, un sac de courses conçu par Kruger et portant le slogan « I shop therefore I am » (j'achête donc je suis), remis par les vendeurs aux acheteurs, commente la recherche d'identité inhérente au shopping. Elle s'interroge sur le rôle dévolu aux femmes de consommatrices effrénées et s'interroge sur la permanence de ce stéréotype.

En 1974, au cours d'une performance d'un soir, Rhythm O235(*), destinée à explorer la dynamique de l'agression passive, Marina Abramovic (1946- ) s'est offerte aux spectateurs, debout près d'une table sur laquelle sont posés certains objets que l'on peut utiliser sur elle à volonté (Ill. 225). Un texte affiché sur le mur dit : « il y a soixante-douze objets sur la table, que l'on peut utiliser sur moi comme on le désire. Je suis l'objet ». Parmi les objets, on trouve un pistolet, une balle, une scie, une hache, une fourchette, un peigne, un fouet, du rouge à lèvres, une bouteille de parfum, de la peinture, des couteaux, une plume, une rose, une bougie, de l'eau, des chaînes, des clous, des aiguilles, des ciseaux, du miel, du raisin, du sparadrap, du soufre et de l'huile d'olive. A la fin de la performance, elle est dénudée, ses vêtements ont été tailladés à la lame de rasoir, elle a été coupée, peinte, nettoyée, décorée, couronnée d'épines et on lui a braqué le pistolet chargé sur la tempe. Des spectateurs inquiets font arrêter la performance au bout de six heures. Pour Marina Abramovic, cette action est le point d'orgue de ses recherches sur le corps féminin comme objet à consommer.

Poursuivant sa critique de l'institution religieuse et des stéréotypes féminins notamment celui de la femme comme objet à consommer, l'artiste Orlan (1947- ) effectue, en 1977, une performance à la Foire internationale d'art contemporain (FIAC) qui suscite l'ire et les passions du public. Cette performance, Le baiser de l'artiste, lui vaut même d'étendre sa renommée hors de la sphère artistique. Orlan, engoncée dans un montage-sculpture de sa création, vend ses baisers aux amateurs d'art intéressés. Installée derrière une photo de son buste dénudé, elle propose aux passants, pour cinq francs, soit de recevoir l'un de ses baisers, soit d'allumer un cierge posé au pied de l'icône de Sainte Orlan. Mettant en rapport des stéréotypes de femmes - la sainte et la putain - et les plaçant dans un cadre institutionnel, Orlan opère une « déterritorialisation » qui interroge leur pertinence.

3.2 Une beauté naturelle.

Dans un livre publié en 1981, Woman Artist and ideology, Rozsika Parker et Griselda Pollock ont affirmé que les images de femmes peuvent être « facilement récupérées et cooptées par une culture masculine si elles ne présentent pas avec toute signification et toute connotation sexuelle, naturelle, faisant du corps de la femme l'objet de la possession masculine236(*) ». Pour illustrer leur point de vue, elles ont placé côte à côte une photographie du magazine masculin Penthouse et un couvert fleur-vulve du Dinner Party237(*), oeuvre de l'artiste de Judy Chicago (1939- ), chaque couvert est sensé représenter une femme de l'Histoire ou de la mythologie. Elles rejoignent Judith Barry et Sandra Flitterman-Lewis qui, un an auparavant, ont alerté les féministes sur la question logique de la représentation238(*) et l'incorporation d'un certain regard masculin dans des oeuvres dites féministes. Elles proposent « une relecture féministes des notions d'art et de politique et de leur rapport, tenant compte de la manière dont la " féminitude" est elle-même une construction sociale dotée d'une forme de représentation particulière dans le système patriarcal239(*) ». Influencé par la théorie lacanienne du « symbolique » - ce réseau de mythes et de codes visuels, linguistiques et idéologiques par lequel nous faisons l'expérience de la « réalité » - l'art féministe des années quatre-vingt s'est attaqué à la manière dont le « symbolisme » déforme la réalité psychique et politique des femmes.

Eleanor Antin (1939- ), quant à elle, travaille sur les exigences des modes, des canons esthétiques et le devoir pour les femmes de s'y conformer. Son oeuvre Carving : A traditional Sculpture, a été sculptée entre le 15 juillet et le 21 août 1972240(*) (Ill. 226). Le matériau (le corps de l'artiste) a été photographié chaque matin dans quatre poses différentes, de face, de dos et de chaque côté, de façon à montrer l'évolution de la « sculpture » au cours d'une période d'amincissement par un régime strict. Pour parodier la sculpture grecque traditionnelle - le sculpteur travaille autour de l'oeuvre, enlevant petite couche par petite couche sur chaque côté pour garder une vision d'ensemble - et les canons esthétiques régents le corps féminin, Eleanor Antin fait de son corps l'objet de sa création, mais elle travaille, à l'inverse du sculpteur grec, de l'intérieur à l'extérieur. Comme lui pourtant, elle peut décider quand elle le veut. Lorsque l'image a atteint un niveau esthétique satisfaisant, l'oeuvre est achevée. Selon elle, le résultat final dépend de l'image idéale à laquelle l'artiste aspire et des limites du matériau. Mais l'artiste n'est-elle pas soumis à une volonté de correspondre à une vision idéale de son corps ? Eleanor Antin conclue en paraphrasant Michel-Ange : « même le plus grand sculpteur ne révèle que ce qui existe déjà dans le marbre241(*) » et note avec ironie la suprématie de ce qui, à l'intérieur de son corps « sculpté », lui permet justement de le maîtriser.

Dans beaucoup de ses photographies, Cindy Sherman apparaît en séductrice, dans une contemplation pensive, se regardant dans un miroir ou étendue sur un lit - autant d'activités « féminines ». Depuis les années quatre-vingt, Sherman a aussi accepté des commandes de créateurs de mode, réalisant par exemple des publicités qui tirent vers le grotesque les clichés ordinaires de la beauté féminine en les affublant d'accessoires absurdes comme des fausses dents, des cicatrices, des grimaces, des parties corporelles déformées et des poses désavantageuses. Dans les Sex Pictures (1992), l'artiste travaille plus que jamais à démasquer le fétichisme érotique et les attributions culturelles du corps féminin. Celui-ci n'est plus compris comme un lieu de la sûre découverte de l'identité, mais comme une construction précaire, modifiable. Les créatures de Sherman ne revendiquent aucune naturalité pour elles-mêmes, leur caractère artificiel est présenté de manière théâtrale, avec des trucages faciles, tel un chromatisme outré ou des jointures visibles entre les éléments corporels artificiels (Ill. 227). Elle dénonce par ces travaux les artifices qu'usent les femmes pour correspondre aux canons esthétiques et montre, en poussant ces exigences à leur extrême, leur caractère ridicule.

Dans la série photographique Marilyn speaking (1997) - comme souvent dans ses travaux, Elke Krystufek joue ainsi avec le cliché du sex-symbol hollywoodien et se sert de ce masque soigneusement adopté comme miroir de ses propres manques et désirs. Dans ses performances, les photographies lui servent ensuite en quelque sorte de reflet. Les photos de Marilyn speaking sont assorties de phrases comme « I'm a sex-maniac so I want only sex-maniac around me ». Comme c'est généralement le cas pour les films grand public, l'identification de Krystufek avec la superstar se superpose à la vision d'un meilleur moi, tandis que l'oeuvre formule une réflexion l'échec concret de ce fantasme.

Orlan est aujourd'hui principalement connue pour ses performances-opérations-chirurgicales de la série La réincarnation de Sainte Orlan (1990-1993), performance durant lesquelles l'artiste a transformé son visage jusqu'à éloigner des canons esthétiques traditionnels. Et pourtant la production artistique d'Orlan ne saurait se résumer à ces performances-opérations ; sa production, diversifiée, couvre près de quarante ans et inclut tout à la fois la photographie, la peinture, la sculpture, la performance et la vidéo. Marqués par le Body Art, les premières oeuvres d'Orlan mettent en scène l'individu aux prises des contraintes normatives, religieuses ou sexuelles. Dans la première partie de sa carrière, allant du début des années 70 à la fin des années 80, Orlan utilise son corps comme un lieu permettant d'ouvrir ces contraintes et de montrer leurs contingences. Ces performances, de nature provocatrices et sulfureuses questionnent ces contraintes.

Au nombre de neuf (dont huit pour le visage), les performances-opérations-chirurgicales La réincarnation de Sainte Orlan ont lieu dans des cliniques esthétiques européennes et américaines. Il s'agit de scéances au cours desquelles l'artiste fait modifier son visage. D'abord discrètes, ces transformations deviennent de plus en plus radicales, pour culminer dans l'opération Omniprésence (1993) (Ill. 228) par la pose d'implants au-dessus des arcades sourcilières. Habituellement utilisés pour augmenter les pommettes, ces implants, « déterritorialisés », veulent souligner l'asservissement aux normes esthétiques traditionnelles. Ritualisées, ces performances se déroulent toujours de la même manière. Dans un premier temps, les équipes techniques et chirurgicales préparent la salle d'opération décorée et investie, pour l'occasion, d'une ambiance baroque et kitsch. L'atmosphère glaciale des salles d'opération cède la place à un véritable carnaval. Les danseurs, la présentation des oeuvres antérieures de l'artiste, et même l'équipe médicale, habillée pour l'occasion par des grands couturiers tel Paco Rabane, métamorphosent l'espace médical en atelier de création. Orlan fait ensuite son entrée et prend place sur la table d'opération. Une fois dévêtue et étendue, elle entame la lecture d'un extrait de La robe, ouvrage d'Eugénie Lemoine-Luccioni. Afin de diriger le déroulement des opérations, plutôt que d'être mise sous anesthésie générale, procédure habituelle dans le cadre des opérations de chirurgie esthétique au visage, Orlan exige une anesthésie partielle. Ceci lui permet d'être active pendant la chirurgie, lisant des textes philosophiques et dirigeant les équipes techniques chargées de filmer et de photographier le déroulement de la performance. Chaque performance se termine avec la fin de l'opération chirurgicale, lorsqu'Orlan est reconduite hors de la salle d'opération par l'équipe médicale. Les quarante jours suivants, Orlan superpose des photographies des hématomes de son visage en cours de cicatrisation sur des images numériques de déesses de la mythologie grecque. Elle souligne ainsi la déformation physique et la douleur qu'il faut endurer pour correspondre au canon de beauté idéale de notre culture.

Même si elles ne résument pas la carrière artistique d'Orlan, ces performances constituent une pièce maîtresse dans la trajectoire de l'artiste. Orlan pousse jusqu'à leur point d'effondrement les usages et canons régissant notre existence corporelle. Le no man's land identitaire que représente la chirurgie esthétique laisse le spectateur au bord de l'abjection, confronté à la soudaine désorganisation du visage d'Orlan. Et pourtant la production de l'artiste n'est pas pure folie. Orlan fascine et choque. En effet, le désir de modifier chirurgicalement le corps ne s'impose pas d'emblée. Il est tributaire d'un imaginaire du corps où celui-ci est perçu comme objet et, qui plus est, comme objet imparfait.

Les performances d'Orlan sont la forme-limite et l'antinomie de la chirurgie esthétique. Elles offrent ainsi, par leur nature extrême, la possibilité de dénoncer les normes et les contraintes s'exerçant aujourd'hui sur le corps. En rejouant et déjouant les canons de l'esthétique traditionnelle, Orlan permet de souligner la contingence et la violence qu'ils imposent.

La pin-up, dans ces dernières oeuvres artistiques n'apparaît souvent qu'en filigrane. Parfois ce n'est que le « système » auquel elles participent qui transparaît. En choisissant qu'un élément ou deux de ce « système » ou des caractéristiques des pin-up, les artistes par d'habiles procédés (exagération, déconstruction) les désamorcent, jouent avec eux pour mieux les dénoncer. Pourtant certains artistes n'arrivent pas à échapper à certains stéréotypes et continuent de perpétuer alors des poncifs autour du corps ou de la sexualité. Le regard masculin dans l'art érotique même chez des artistes se revendiquant féministes est toujours présent, incorporé inconsciemment.

Conclusion

Tout au long de cette recherche, la pin-up classique, telle que nous l'avons définie en introduction, s'efface progressivement pour donner naissance à d'autres représentations féminines tout aussi érotiques et idéalisées. Les liens entre ces premières pin-up et ces nouvelles effigies sont réels et sensibles. De la simple image dessinée à son incarnation, par ses rôles complexes et complets, la pin-up s'inscrit dans une dynamique historique, politique et artistique.

Les pin-up et l'art érotique.

L'histoire des pin-up est révélatrice de l'histoire de l'art érotique occidental et de comment se mettent en place les figures érotiques, supports de fantasmes.

Ce que révèle la place initiale de la pin-up dans cette histoire de l'art, en première remarque, est l'origine européenne et plus particulièrement française de cet art. En 1900, la France possède une presse érotique masculine bien établie, et les premières images de femmes toutes en dentelles et en bas fleurissent sur les pages de ces revues. Ainsi nos pin-up dessinées s'inscrivent bel et bien dans une certaine tradition de l'art érotique par leurs codes esthétiques (corps idéalisés, joues rouges, chevelures abondantes) par leurs accessoires (bas, chaussures à talons, parures, miroir) et par leurs mises en scènes (scènes de bain, exotisme). Ce faisant, elles puisent aussi leurs racines dans la production française de photographies érotiques et pornographiques de la fin XIXe et du début du XXe siècle. La pin-up joue alors avec les signes de séduction et d'érotisme selon les codes conventionnels. Aux Etats-Unis, quelques revues grivoises telles The National Police Gazette ou Metropolitan (qui propose de « belles parisiennes ») s'inspirant largement de la production française voient le jour. Mais l'ancienne loi Comstock, adopté en 1873, freine largement la propagation de documents érotiques sur le sol américain.

L'industrie de la pin-up connaît sa première grande expansion immédiatement après la Grande Guerre. Les soldats, adolescents ou jeunes hommes qui ont quitté les Etats-Unis, ont vu du pays et ont connu plusieurs années de frustrations sexuelles, de manques affectifs, de pulsions et de fantasmes inassouvis. Outre le souvenir des belles Européennes, ils rapportent avec eux un nombre considérable de cartes postales légères, d'exemplaires de presse de charme français. Les premières tentatives de pin-up américaines ne sont faites que lorsque les éditeurs américains sont assurés de l'acceptation complète par le public de ces pin-up françaises. Les Etats-Unis reprennent à leur compte cette « première pin-up » et vont en faire un produit d'exportation mondiale. En 1933, la Petty Girl, première pin-up classique à émerger des vaches maigres de la Dépression, orne désormais les pages d'Esquire, suivie de nombreuses autres en raison de la multiplication des girlies magazines*. Avec la Seconde Guerre Mondiale, les soldats américains ramènent dans leurs bagages les Varga Girls et autres pin-up sur le sol européen.

L'évolution de l'histoire de la pin-up permet alors de formuler une deuxième remarque sur l'art érotique populaire (c'est-à-dire l'art érotique qui utilise comme supports les média de culture de masse). Cet art occidental se construit grâce à un va et vient entre le Vieux Continent et le Nouveau Continent. Il ricoche entre l'Europe et les Amériques, s'enrichissant sans cesse et les guerres qui traversent le XXe siècle en sont des moments charnières. Ces dernières permettent à la fois une cristallisation, une accélération et une nouvelle visibilité de ces images érotiques.

Dans un premier temps, l'Europe et plus particulièrement la France abreuvent les Etats-Unis de représentations érotiques et influencent ce dernier pays lorsqu'il peut réaliser ses propres images. Dans un deuxième temps, ce sont les Etats-Unis, grâce tout d'abord à la Seconde Guerre Mondiale, qui orientent la production européenne d'images érotiques. La presse masculine française décline fortement et certaines revues telles Paris Hollywood ou La Vie Parisienne, qui avaient fait la renommée du pays en art érotique populaire, disparaissent. Les publications suivantes, Lui par exemple, sont créées à partir du modèle Playboy. Même si Lui est publié pendant un temps aux Etats-Unis sous la dénomination de Oui, c'est sous la coupe de Playboy. Cependant, les images érotiques américaines sont aussi influencées par la production nordique (Suède, Danemark, Norvège) notamment pour la représentation de la nudité et de l'acte sexuel ; en effet la première photographie de coït non simulé date de 1967 et paraît dans Private, un magazine masculin suédois. L'Angleterre avec l'arrivée de Penthouse sur le marché, accélère aussi cette concurrence. Ce dernier entraîne les périodiques américains dans « la guerre de poils » et rivalise avec Playboy avec des images de plus en plus explicites. La guerre du Vietnam est significative du conflit entre les deux revues pour la conquête du coeur des soldats. Enfin, dans un dernier temps, l'Europe renoue avec son passé en produisant aujourd'hui les dernières pin-up dessinées à la sexualité plus franche. Le Japon semble aussi un pays propice à la création de nouvelles figures féminines érotiques.

La troisième remarque que met en valeur l'histoire de la pin-up dans l'art érotique est que celui-ci est à mettre directement en rapport avec la notion d'interdit. L'érotisme valide l'interdit pour jouir de sa possibilité de non respect. Dans son rapport intime à la transgression, il suppose alors la présence et le maintien des interdits qui limitent la sexualité humaine qui, par ce fait, la déplace dans le monde du fantasme et la démarque de celle des animaux. Les représentations érotiques féminines semblent alors procéder des limites fluctuantes entre la visibilité et l'interdit : sont considérées comme érotiques à une période les parties du corps qui relèvent de certains tabous, sans être pour autant une grave transgression, évitant ainsi la censure, remarque qui s'applique particulièrement à la presse masculine. Une des séductions primordiales de la pin-up est qu'elle est à la fois irrévérencieuse et complètement intégrée aux normes sociales et morales de leur époque : formes maternelles, activités « féminines ».

Mais son principal tour de force réside dans sa capacité d'acculturation : la pin-up traverse le XXe siècle car elle a su s'adapter et correspondre aux goûts et fantasmes de son public. La seule modification notable mais de taille qu'ait connue la pin-up se trouve alors dans son comportement. De toujours, les pin-up dessinées ont devancé l'évolution des moeurs, leurs consoeurs photographiques se contentant peut-être de leur emboîter le pas. De chastes à leurs débuts, elles sont devenues audacieuses. Sur le papier glacé des calendriers ou des magazines, elles ont délaissé les attitudes amusantes pour se faire directement provocatrices. Le voyeur se fait de plus en plus actif et la présence masculine de plus en plus suggérée (Ill.232). Et pourtant la pin-up classique, désuète peut-être mais non ringarde, conserve toujours autant de charme et de succès, preuve en sont les prix vertigineux que peuvent acquérir certaines images ou gadgets publicitaires sur lesquels elle apparaît.

Se pose ensuite la question du regard dans l'art érotique, et c'est là que l'histoire des pin-up permet de formuler une quatrième remarque. L'oeil, est le premier sens, le seul, à être sollicité avec les images pornographiques et érotiques. Il est évident que cet organe joue un rôle primordial dans la sexualité. En effet, la compétence sociale de l'oeil est énorme ; ce serait une erreur de considérer le regard comme secondaire par rapport à la parole. Certes le langage occupe une position privilégiée : c'est lui qui transmet le plus directement et le plus efficacement les messages les plus explicites et les plus conceptualisés. Il est au sommet visible de l'édifice communicationnel. Mais le langage dissimule par sa visibilité l'importance de la communication non verbale. Car aussi futiles et secondaires qu'apparaissent les images de pin-up, elles portent en elles la capacité à faire passer un message. Or le regard est lui-même imprégné et façonné par la culture. A propos d'érotisme et de pornographie, il est des conventions à ce point enracinées qu'il paraît presque superflu de les mentionner ; entre autres le fait que l'expression « art érotique » désigne implicitement un « érotisme pour homme ». L'art érotique occidental est donc emprunt d'un regard masculin, hétérosexuel et blanc. Pourtant la deuxième partie du XXe siècle voie l'apparition et le développement des représentations du corps masculin érotisé dans les média de masse. Certains auteurs voient dans le genre photographique du « beefcake », le tenant masculin des pin-up. Cette représentation érotique du corps masculin est tout autant idéalisée que le corps des pin-up et est aussi un assemblage harmonieux des attributs virils : muscles hypertrophiés, mâchoire carrée, regard d'acier, corps lisse... Pourtant comme les dessins masculins érotiques de Tom of Finland, ces représentations sont destinées à un public masculin homosexuel. Il faudra attendre véritablement l'après Révolution des années soixante-dix pour trouver de nouvelles figures érotiques féminines qui ne s'inscrivent pas dans cette notion.

Au regard de cette production artistique érotique, nous pouvons formuler une cinquième remarque : la femme demeurent pour l'essentiel, un non sujet c'est-à-dire un simple objet de désir paré des attributs physiques (corporels) et des attitudes (psychologiques) qui la rendent toujours attrayante et désirable pour le regard voyeuriste de l'homme spectateur. L'image est le mode d'accès à l'éternel féminin censé traverser le temps et l'espace. Mais cet éternel féminin ne doit sa pérennité qu'à sa capacité à s'adapter à l'évolution de la société et à l'imaginaire collectif. Il est évident que les pin-up ne véhiculent pas dans les années cinquante le même éternel féminin que dans les années soixante-dix, même si il est possible de cerner certaines permanences : beauté idéalisée et sexualisée... Le domaine des images ayant été exclusivement celui des hommes jusqu'au XXe siècle, le féminin qui nous a été transmis à travers ces images, est un féminin vu, pensé, rêvé et fantasmé par les hommes. Se dessine alors en filigrane dans l'histoire des pin-up, l'histoire du mythe, du fantasme de la femme-enfant. Les pin-up ont une figure fraîche, saine et enfantine mais un corps terriblement féminin. Elles représentent la femme que l'on souhaite protéger tout autant qu'on la désire ardemment. C'est pourquoi l'art des pin-up se rattache au concept du « cheesecake » (gâteau de fromage). Le cheesecake peut se définir ainsi : une image dévoilant le charme érotique de la féminité. Tout comme le gâteau, la pin-up est à la fois douce et sucrée mais aussi légèrement « salée ». La pin-up est rassurante sur la sexualité féminine et ne remet pas en cause la domination masculine au sein de cette sexualité. Par son graphisme et les valeurs qu'elle véhicule, la pin-up s'inscrit dans le « good art girl » (l'art des bonnes filles).

Les pin-up et l'histoire du XXe siècle.

Mais les pin-up présentent peut-être une particularité dans l'histoire de la représentation féminine érotique : le rôle direct qu'on leur a fait jouer et qu'on leur a attribué, est lié intimement à l'histoire politique et économique du XXe siècle.

La Seconde Guerre Mondiale représente dans l'histoire de la pin-up un moment de cristallisation. Elle permet de fidéliser des milliers d'hommes, et plus particulièrement les Américains à cette image. En raison de l'érotisme léger qu'elle dégage, la pin-up va être alors instrumentalisée afin de gérer et de contrôler la sexualité des hommes au front.

Non seulement, elle pallie une absence affective et sexuelle sans pour autant l'exacerber. Mais elle permet aussi de réduire les visites des hommes aux bordels et de lutter, de ce fait, contre les maladies vénériennes.

Ces filles de papier jouent également un rôle primordial, en temps de guerre, celui de la validation de la culture hétérosexuelle afin de lutter contre l'homosexualité latente. C'est pourquoi lors des conflits militaires suivants, on n'hésitera pas à renouveler l'utilisation d'images féminines érotiques d'autant plus que les zones de combats sont éloignées. La formule semble faire ces preuves. La pin-up, dans ces années de conflits, contracte les deux figures antagonistes de l'éternel féminin : la mère et la séductrice. Par exemple, Miss Lace, l'héroïne du strip de Milton Cannif, est à la fois terriblement attrayante et sexy (jusqu'à rejoindre la vamp) mais aussi incroyablement douce, rassurante, prévenante envers les soldats.

Le devoir de ces représentations est de faire oublier la dure réalité de la guerre. Elles sont alors utilisées comme symbole patriotique des Etats-Unis. A chaque guerre, on assiste à la réactualisation de l'érotisme patriotique.

Les dessins animés sont aussi un support sur lesquels les pin-up sont omniprésentes. Betty Boop, née en 1930, femme-enfant, demeure un stéréotype sexué, archétype sensuel et irréel, désirable mais inaccessible. Elle est alors la première pin-up animée, et la première sex-symbol du monde de l'animation. Dans cette lignée d'autres films d'animation vont proposer des pin-up animées et ainsi ouvrir la voie aux premières déclinaisons de pin-up classiques. En 1943, l'armée finance une série de 28 films d'animations « private snafer » destinés aux soldats et dont le contenu érotique est évident. Cette thématique de sex symbol est notamment présente dans les dessins animés de Tex Avery produits durant cette période. La pin up de Tex Avery, animée la plupart du temps par Preston Blair, est toute en courbes, avec une poitrine imposante, une taille de guêpe et de longues jambes. Souvent habillées de rouge, couleur de la passion, elle exécute la plupart du temps une danse très séduisante et sensuelle accompagnée d'une chanson tout aussi sensuelle, point culminant du dessin animé. Elle exerce complètement son pouvoir d'excitation et de fascination alors qu'elle intervient dans un monde animalier la plupart du temps. La principale fonction de cette pin-up reste une fonction érotique. Red Hot Riding Hood, de Tex Avery est le premier court-métrage où apparaît son personnage de la pin-up. Celui-ci est destiné, dans un premier temps aux hommes d'outremer.

A la fin du conflit, les pin-up se trouvent au seuil d'une nouvelle ère pleine de promesses. Elles sont devenues socialement acceptables et sont parfaitement intégrées dans la culture populaire de la nation. Le processus de construction de la féminité est alors complètement géré et orienté par la société de consommation. On propose aux petites filles grâce à Barbie puis aux jeunes filles et aux femmes au travers les magazines féminins et à la publicité un modèle corporel induisant chez le sujet une pratique double de son propre corps : celle du corps comme capital, celle du corps comme fétiche (ou objet idéal de consommation). Dans les deux cas, il importe que le corps, loin d'être nié ou omis, soit délibérément investi. Barbie, créée à partir de Lilli, une pin-up paraissant dans la presse allemande, inaugure le concept de déclinaison en « poupées russes » propre à l'imagerie de la pin-up. En effet, les archétypes érotiques féminins vont alors se succéder et leurs dénominations se multiplier, entrant elles aussi dans le langage courant : « la bimbo », terme d'origine aussi anglophone. La bimbo lui emprunte ses formes corporelles, sa légèreté et son innocence, sa naïveté voire son côté maladroit mais aussi son côté « fashion vistime ».

En raison de leur caractère et de leur aspect typiquement américains, et de leur rôle positif lié à l'optimisme consumériste, les pin-up trouvent également un public hors des frontières, car les Etats-Unis sont en pleine période d'expansionnisme culturel. Elles sont pleines de sex-appeal, sans pour autant inciter à la débauche et toujours en formes et en rondeurs. Elles symbolisent une économie florissante et un avenir radieux. Les pin-up représentent une société où « tout va bien » et matérialisent le mythe de « l'american way of life ». De plus, à l'inverse de la vamp, beauté fatale tout aussi inaccessible, la pin-up ne met pas en péril le pouvoir masculin et est potentiellement féconde. C'est pourquoi, d'autres pays européens vont utiliser des pin-up, tout en les adaptant à leurs propres codes érotiques, comme symboles d'un renouveau économique, social, culturel. Leur corps porte non seulement les accessoires et les signes du désir et de l'érotisme mais aussi les valeurs d'une société américaine optimiste et pleine expansion. Mais les moeurs et les besoins évoluent. Et l'histoire de la pin-up va alors se complexifier.

Les pin-up et l'évolution des moeurs.

L'un des intêrets, en effet, qui se dégage de l'analyse de l'iconographie de la pin-up et de son évolution est qu'elle met en valeur une sorte de traçabilité de l'histoire de la sexualité dans les sociétés occidentales. La pin-up se situe alors comme la part émergente que l'on peut décrypter de l'imbroglio que constituent dans une évolution constante nos codes sociaux, moraux, économiques, politiques mais aussi la perception, la place, la tolérance et la représentation de la sexualité des femmes.

On assiste ainsi à une multiplication des figures féminines érotiques mais aussi à un renouveau de ces figures. Des artistes s'appuyant sur le « système » pin-up pour créer de nouvelles effigies : idéalisation et sophistication du corps féminin, utilisation massives des signes sexuels et des accessoires de séduction. Ces filles proposent alors une invitation sexuelle plus directe et plus franche avec leurs oeillades ravageuses. Le spectateur-voyeur est alors beaucoup plus actif qu'avec les pin-up traditionnelles. Ces autres figures de la pin-up peuvent parfois être plus sophistiquées et plus inaccessibles en raison de leur statut social. Et cette sophistication des figures féminines connaît aussi son apogée avec les beautés glamour pour en devenir la caractéristique principale. La glamour marque peut-être la transition vers la femme-objet, mise en valeur comme bijou dans son écrin et ne correspond plus à la beauté simple de la « voisine de pallier ».

Cependant, aux débuts des années cinquante, il semble que le dessin ne suscite plus assez de fantasme. En effet, la presse, tout d'abord, puis la publicité, va utiliser la photographie comme support pour créer le désir. Ces femmes qui posent alors comme modèles sont alors appelées pin-up.

Le genre photographique pin-up est un style photographique dont les frontières sont finalement assez floues. Entre la simple pin-up et l'actrice sex-symbol, la délimitation est parfois difficile à tracer. Malgré de nombreuses caractéristiques corporelles communes aux pin-up dessinées, corps valorisés, mêmes attitudes ou présentations et des fonctions identiques, soutien moral en temps de guerre, promotions publicitaires, les pin-up de chairs s'affranchissent de leurs cousines dessinés. Elles constituent alors une sorte de transition pour la presse masculine et préparent l'arrivée de la nouvelle figure féminine érotique : la playmate. L'arrivée de la playmate coïncide avec la première visibilité, aux Etats-Unis, de la sexualité masculine et féminine. En effet, les rapports scientifiques, dirigés par le docteur Alfred Kinsey, analysant les pratiques, les habitudes et les comportements sexuels mais aussi les fantasmes, sont publiés en 1948 pour celui concernant la sexualité masculine et en 1954 pour celui traitant de la sexualité féminine.

Par son iconographie (mises en scène, attitudes, perfection corporelle) et par son utilisation (patriotisme érotique en tant de guerre), la playmate s'inscrit évidemment dans la lignée des pin-up. Mais elle renouvelle le genre, en dépoussiérant l'érotisme de « la fille d'à côté » à l'adaptant aux nouvelles attentes du public masculins. Dès le début l'hétérosexualité est suggérée dans le poster central. La présence d'un homme est sous-entendue grâce à de minuscules détails (cravate, pipe...). Ce procédé permet d'insérer le consommateur-voyeur à l'intérieur du scénario dans lequel apparaît la playmate. Playboy offre alors un renouveau dans l'histoire de l'érotisme et de la pornographie. D'autres revues masculines de charme vont alors s'engouffrer dans le sillage de Playboy : Penthouse pour le Royaume Uni, Lui pour la France, proposant eux aussi ce qui a fait le succès et la popularité de Playboy, la femme de papier glacé : la playmate.

Malgré la présence de plus en plus importante de photographies de plus en plus explicites de femmes dans la presse masculine et la multiplication de ces titres, certains éditeurs continuent à publier des dessins érotiques de femmes. Le dessin, induisant une certaine distance, serait peut-être un support aménageant un espace plus grand pour le fantasme. De nombreux artistes, le plus souvent européens, perpétuent le fantasme de la femme inaccessible. Tout comme les pin-up, ces nouvelles figures féminines sont idéalisées et irréelles. Elles continuent aussi d'utiliser les accessoires de séduction propres aux pin-up. Pourtant le graphisme a évolué ainsi que les attitudes et mises en scène. Le genre pin-up ne cesse de se modifier pour s'adapter aux exigences et aux attentes du public mais surtout à ce que l'on peut montrer. Même si ces dernières pin-up s'éloignent fortement des premières pin-up, il est possible de voir en filigrane que le « système » pin-up continue de fonctionner et de faire de nouveaux adeptes, se déplaçant en « surfant » sur la ligne de la tolérance morale. Mais l'érotisme que dégagent ces nouvelles pin-up est alors plus direct. A l'inverse d'autres artistes font se servir de ce « système » afin de le dénoncer et de le critiquer. Ces artistes, grâce à leurs oeuvres, poussent alors le spectateur à réfléchir sur la production de représentations érotiques dans notre société, sur l'emploi des femmes comme symboles de la sexualité et sur l'utilisation du corps féminin comme support. Ces nouvelles figures semblent sonner le glas d'une époque optimiste et d'une société « où tout va bien ».

La pin-up classique va donner naissance à d'autres figures féminines qui peuvent exister parallèlement à celle-ci ou de manière plus contemporaine. Certes le graphisme utilisé les rapproche des pin-up classiques néanmoins elles s'éloignent de l'iconographie de celles-ci par une utilisation différente et des rôles moins traditionnels. Ce sont d'abord les comic books, qui avec leurs personnages féminins sexy, amorcent cette « dérive », mêlant leurs héroïnes à des aventures dangereuses ou à des univers traditionnellement réservés aux hommes. Leur corps devient l'égal en force et en adresse de celui des hommes tout en restant sexy. Ces héroïnes réactualisent le fantasme de l'amazone, de la femme guerrière. Cela est en mettre en relation avec l'évolution des moeurs mais aussi aux changement du statut des femmes et de leurs conditions de vie. Puis la bande dessinée pour adulte prend le relais en proposant des histoires qui vont de plus en plus critiquer le monde des pin-up et mettre en relief le fonctionnement du « système » pin-up pour, souvent, mieux le dénoncer. Même si toutes ces héroïnes des comic books puis des trois bandes dessinées pour adultes choisies ici se rattachent par leur graphisme au code traditionnel des pin-up, celles-ci s'en éloignent fortement par tous les autres aspects. En effet, elles vont tout d'abord sortir du « monde féminin » auquel on les avait cantonné pour devenir de plus et plus « actives » et obtenir enfin leur indépendance. Ces nouvelles figures féminines inaugurent ce que l'on nomme « le bad art girl » (l'art des mauvaises filles). Le regard que portent les dessinateurs contemporains de ces nouvelles pin-up est en rupture par rapport à leurs ancêtres et constitue un discours novateur. Mais elles demeurent dans la base commune à toutes les représentations des femmes depuis la pin-up naïve et fraîche à la playmate plus osée : le plaisir des hommes à dessiner, photographier le corps féminin, à le regarder sur papier et à en faire un support de fantasmes.

L'histoire de la pin-up et de la multiplicité de ses figures est une histoire « buissonnante ». La pin-up classique et son érotisme de la « fille d'à côté » va être de plus en plus idéalisée et sophistiquée jusqu'à la beauté glamour, figure féminine érotique inaccessible, fétiche au milieu de fétiche. Et Marilyn Monroe incarne et symbolise dans son extrême, le fantasme de la femme-enfant. Parallèlement, les représentations érotiques féminines vont être aussi de plus en plus sexualisées et animalisées. Il faut remarquer l'importance que jouent les différentes révolutions politiques (sexuelles et remise en cause de l'économie capitaliste) des années soixante-dix. Le retour du fantasme de l'amazone ainsi que l'apparition des poils pubiens dans les photographies et les dessins érotiques constituent des indices intéressants pour saisir ce processus. Les dernières pin-up de Jean-Yves Leclercq qui ressemblent parfois à d'étranges animaux en sont un exemple frappant (Ill. 229, 230, 231).

Le corps des pin-up : moyen et support de communication.

Le « système » des pin-up est un système qui « marche », preuve en est la pérennité de ces figures féminines et leur capacité à s'adapter aux modes, goûts et attentes du public. De nos jours on trouve encore des représentations féminines érotiques que l'on peut rattacher à l'iconographie des pin-up.

Pourtant ces images des femmes et les valeurs qu'elles véhiculent dérangent aussi de nombreux artistes. Ils vont alors se servir d'éléments caractérisants les pin-up, les pousser à leur extrême. La pin-up morcelée devient alors le symbole des luttes contre les structures normalisées de l'érotisme et notamment la prégnance du regard masculin dans l'art érotique, les représentations traditionnelles de la sexualité. Ces artistes dénoncent aussi les exigences corporelles auxquelles sont soumises les femmes et le cantonnement de celles-ci à des rôles figés. Le corps féminin est toujours utilisé comme support pour véhiculer des messages (opinions, dénonciations, expérimentations) mais de façon plus extrêmiste. La pin-up, dans ces dernières oeuvres artistiques n'apparaît souvent qu'en filigrane. Parfois ce n'est que le « système » auquel elle participe qui transparaît. En choisissant qu'un élément ou deux de ce « système » ou des caractéristiques des pin-up, les artistes par des procédés expérimentaux (exagération, déconstruction) les désamorcent, jouent avec eux pour mieux les dénoncer.

Pourtant certains artistes n'arrivent pas à échapper à certains stéréotypes et continuent de perpétuer alors des poncifs autour du corps ou de la sexualité. Le regard masculin dans l'art érotique même chez des artistes se revendiquant féministes est plus ou moins présent, souvent incorporé inconsciemment. La limite de ce questionnement est sans doute de se servir encore une fois du corps féminin et de sa nudité comme support de message. Utiliser le corps des femmes pour dénoncer l'emploi donné aux pin-up ou les valeurs qu'elles représentent relève peut-être du même procédé médiatique. Mais le corps a toujours été un support et un moyen d'inscription de message, en même temps que par ses codes (vêtements, attitudes, tatouages...) un symbole d'appartenance sociale ou clanique.

En dehors des productions pornographiques, l'évolution des pin-up révèle l'évolution de la condition féminine. Le fait de montrer de plus en plus dans la vie usuelle les femmes et leur corps est lié au fait qu'elles puissent elles mêmes se montrer (et revendiquer de plus en plus). Cette remarque doit être associée à leur libération et à l'acquisition de nouveaux statuts sociaux, professionnels et sexuels (indépendance, respect, sécurité, autonomie). Les dernières pin-up, notamment celles réalisées par Jean-Yves Leclerq, nous le prouvent : leurs désirs sexuels est reconnus et visibles (scènes où elles se masturbent). L'aquisition de la capacité à être ou à se dévoiler est bel et bien à mettre en parallèle avec la conquête et l'obtention d'un nouveau statut social et de sa reconnaissance. Mais ce sont-elles vraiment affranchies du regard masculin ? En effet, cette évolution apparaît néanmoins ambiguë, elle s'accompagne de contraintes de plus en plus « incorporées » : contraintes d'utilisation du corps féminin dévoilé pour des objectifs économiques et politiques (capitalisme) auxquelles s'ajoutent les contraintes d'appartenances et de soumissions à des normes esthétiques. Comme le souligne Philippe Perrot : « au fur et à mesure que rétrécissent les zones de pudeur et de désir, s'accroissent celles de la surveillance sanitaire, du contrôle anatomique, de la vigilance hygiénique et du quadrillage cosmétique242(*) ».

Annexe 1 : Biographies des artistes du Nose Art.

Donald E. Allen (4 fighter Group).

Après avoir suivi les cours de Cleveland School of Art et obtenu un diplôme d'illustrateur, Donald Allen est appelé sous les drapeaux en février 1942. Il intègre la section camouflage de fort Belvoir en Virginie puis l'école de mécaniciens de l'USAAF où il travaille sur des AT.6, B.40 et des B.17. En mars 1943, il est affecté au 334 Fighter Squadron. Il réalise ses premières peintures pour le Capt Audrew Stanhope : Vic France et Miss Dallas. Durant la guerre, il réalisera plus 39 peintures et 16 noms d'avions. Comme il nous l'explique : « se procurer du matériel était toujours un tour de force. J'allais dans les hangars emprunter les couleurs utilisées par l'armée, essentiellement du bleu, du rouge, du noir, de la couche passivante à chromates de zinc. Parfois je devais travailler au couteau, surtout la laque qui séchait tellement vite ; il m'est arrivé d'obtenir de véritables pinceaux et de la térébenthine, ce qui facilitait les choses, mais la laque abîmait très vite les pinceaux. La plupart de mes dessins, je les imaginais tout seul, en essayant de ne pas tomber dans la vulgarité - certains squadrons de bombardiers arboraient des nus assez minables. Tout dépendait du commandant. Personne ne m'a jamais critiqué parce que j'essayais des filles sexy mais un tant soit peu vêtues ; si on me demandait du nu intégral ; je refusais parce que, tout simplement cela ne me disait rien. Mais la Miss Painfield de Steve Pisano était couverte d'un voile imperceptible. Je n'ai jamais copié les Varga et les Petty girls, bien que je m'en sois souvent inspiré [...] Dans la plupart des cas, le pilote me donnait une idée générale et un nom. Je préparais une petite esquisse, généralement en noir, rarement en couleur et je lui soumettais. Si elle lui plaisait, je l'agrandissais directement sur l'avion243(*) ».

Donald Allen justifie l'engouement des militaires pour le Nose Art : « une peinture singularise un avion. Après tout, il y a des milliers d'avions du même type, qui se distingue uniquement par leurs lettres de code et leur numéro de série. Très souvent la peinture avait une signification spéciale pour le pilote et un effet positif sur son moral. C'était important pour les taches difficiles dont il était chargé ! S'il choisissaient souvent un sujet féminin c'est que les femmes étaient rares dans son secteur avec des attraits aussi séduisants que les pin-up de Vargas ou de Petty244(*) ». Après la guerre Donald Allen est embauché aux studios Ad Art de Cleveland.

Philip S. Brinkman (486 Bomb Group).

« Avant la guerre, j'étais un artiste professionnel ; je touchais un peu à tout245(*) » rappelle Philip Brinkman. « Je travaillais pour des agences de publicité de St Louis et Chicago et je peignais un peu en faisant du tourisme246(*) ». Devenu un artiste accompli au terme de six années d'expérience, Brinkman est appelé dans l'Armée de l'air et affecté à un guard squadron stationné à la base aérienne de Davis-Monthan (Arizona) où il restera deux ans et demi avant que Winfred d. Howell, commandant le 843 Bomb Squadron, le fasse transférer dans le 486 Bomb Group qui doit rallier l'Angleterre. Du passage de Brinkman, la base de Davis-Monthan gardera de nombreux souvenirs picturaux, parmi lesquels, dans son centre de loisirs, une énorme fresque illustrant l'histoire de l'aviation.

Il se lance ensuite dans le Nose Art en proposant des peintures de femmes ayant pour thématique les signes du zodiaque. Ses peintures forcent l'admiration de la 8 Air Force, faisant de lui un artiste reconnu du Nose Art. Comme lui-même le souligne : « j'utilisais des pinceaux classiques et j'achetais mes peintures dans les villes les plus proches. Je peignais surtout des femmes, peut-être pour continuer la tradition des bateaux, mais surtout parce que tous les militaires aimaient ça. Je ne faisais pas payer les équipages de mon squadron, et aux autres, je demandais à peu près 40 à 50 dollars247(*) ». Installé dans la région de Miami en 1946, Brinkman ajoutera à sa liste de mérites académiques ceux de la Washington University School of Fine Arts (St Louis), de l'American Academy (Chicago) et de la Grand Central Academy (New York). On ne compte pas le nombre de ses peintures murales qu'il effectue par la suite.

Arthur De Costa (355 fighter Group).

Arthur De Costa intègre l'armée après les évènements de Pearl Harbor. Alors qu'il est cuisinier, il réalise au mess des officier une peinture murale représentant des figures mi-femme mi-ange. Remarqué par Tom Lea, dessinateur de Time Life, Arthur suit quelques cours de dessins à ses côtés. Muté au Special Service, il réalise alors de nombreux portraits et peintures murales. Il travaille sans esquisses, dessinant directement au fusain sur ses supports, puis estompe ensuite les traits avant de peindre. Arthur vient au Nose Art lorsque des soldats lui demande de peindre sur leurs avions les mascottes qu'il réalise sur les blousons des aviateurs. Pour obtenir le brillant et la transparence des couleurs, il commence par faire un dessin sur du papier journal, puis il le découpe en suivant les contours et le met de côté. Il applique alors le reste du journal sur le fuselage et vaporise avec de la laque blanche, de sorte que lorsqu'il retire le papier, il lui reste la forme blanche qui lui servira de fond. C'est ainsi qu'il obtient un meilleur rendu que s'il travaillait directement sur le fond vert olive très terne du camouflage.

  « Je crois que ma première peinture de guerre a été Miss Behave pour le Capt Henry Kucheman248(*) », raconte Arthur De Costa. « Comme c'était quelqu'un que j'appréciais beaucoup, je voulais vraiment lui faire plaisir. C'est alors que l'idée m'est venue de préparer mes silhouettes à la laque blanche et d'y peindre les personnages réels avec un mélange de peinture à l'huile et de vernis. De l'époque où je peignais des portraits, j'avais gardé une boite à peintures que j'emportais partout avec moi et à Cambridge, j'ai trouvé une boutique d'art où j'ai pu trouver des pigments et de l'huile, ce qui m'a permis de compléter ma panoplie avec du vrai matériel de professionnel - mis à part mon essence indice d'octane 100249(*) ». De Costa admet avoir été l'un des peintres du Nose Art les plus privilégié de la Seconde Guerre Mondiale : « la peinture de portraits, les décorations de fuselage et autres réalisations faisaient partie de mon travail dans les Special Services. Je n'avais aucun supplément de solde. A Saffron Walden, j'ai aussi fait plusieurs portraits pour le personnel volant et les états-majors du Fighter Wing, des peintures pour la scène de l'orchestre local, pour les différents bals ou autres manifestations de ce genre. Je dois avoir une vingtaine de peinture de Nose Art à mon actif, essentiellement des P.47250(*) ». Pour créer ces pin-up, De Costa avoue s'inspirer des dessins d'Esquire : « toutes mes peintures sont nées de ma seule imagination, même si parfois, je me suis un peu inspiré d'Esquire. Comme j'ai toujours été très intéressé par l'art classique et l'utilisation du nu, j'ai essayé de tout fondre, dans un mélange du meilleur goût possible251(*) ». Après la guerre, Arthur De Costa entre à l'Academy of Fine Arts de Pennsylvanie où il étudie la peinture murale. Il devient ensuite artiste à plein temps d'abord comme illustrateur puis il est nommé à la faculté de l'Academy of Fine Arts de Pennsylvanie.

Thomas E. Dunn (Squadron 432, RCAF).

En même temps que ses études supérieures, à la fin des années 1930, T. Dunn suit des cours de calligraphie par correspondance. Diplômé, il est embauché dans un magasin de quincaillerie, mais s'entraîne chaque soir à tracer des inscriptions sur tout ce qu'il peut trouver. Engagé dans la Royal Canadian Air Force en octobre 1940, il suit une formation de base au Manning Depot de Brandon (Manitoba), puis se spécialise dans la mécanique en Ontario, effectue des stages dans différentes bases de la RCAF de l'Ontario et de l'Ottawa et, en 1943, rejoint la Nouvelle Ecosse d'où il rallie l'Angleterre et le Bomber Command de la RAF. Les hommes du Squadron 432 de la RCAF, stationné près de York, ne tardent pas à découvrir les dons artistiques de Dunn, qui est rapidement sollicité pour peindre les bombardiers Handley Page Halifax, puis les Avro Lancaster de l'unité. Parmi les six ou huit Nose Art qu'il réalise, ses favoris restent, pour les Halifax, Moonlight Mermaid et Willie the Wolf. L'artiste se fait payer 5 livres sterling par peinture et selon la coutume, il orne du O ailé du squadron, le nez de chaque bombardier qui revient de sa vingt-cinquième sortie en Allemagne. Après sa démobilisation, il travaille dans les différents ateliers de Winnipeg, Toronto et Kitchener, où l'illustration et la calligraphie constituent l'essentiel de son activité professionnelle, la peinture et la menuiserie prenant ensuite le relais dans ses loisirs de retraité, à Kitchener.

Nicholas H. Fingelly (447 Bomb Group).

Enfant, Nicholas Fingelly aimait dessiner des paysages, des animaux, des avions et fabriquer des maquettes d'avions. Plus tard, il se prend de passion pour l'aéronautique dans les années 30 et il finit par entrer dans l'Armée de l'air. A peine son entraînement terminé, en novembre 1943, il rallie le 709 squadron, 447 Bomb Group, stationné en Angleterre. Son expérience artistique lui vaut rapidement une dizaine de sollicitations pour des peintures de Nose Art, qu'il se rappelle avoir réalisées pendant ses heures libres ; d'abord L'il Eight Ball, Nazdrowie, Hurry Home, Sarah Gray, Miss Minookey. De toutes ses peintures, la plus célèbre et la plus photographiée reste certainement A Bit O Lace, dont il a orné un B-17G. Cette peinture inspirée de l'héroïne de Milton Caniff Miss Lace, lui demandera cinq heures de travail. La Forteresse effectuera quatre-vingt-trois missions avant de regagner les Etats-Unis, le 5 juillet 1945, avec Fingelly à son bord.

Jack Gaffney (91 Bomb Group).

Appelé sous les drapeaux en octobre 1941, Jack Gaffney devient le chef d'équipage adjoint dans le 401 squadron, 91 BG à Manchill Field. Muté en Angleterre, il décore plus de 10 B.17. Lui-même raconte : « la peinture que j'utilisais, je la prenais, ou la faisais prendre par d'autres, au magasin du groupe. Les équipages choisissaient le thème de leur Nose Art et nous cherchions dans les magazines les illustrations adéquates252(*) ». Chaque peinture demande en moyenne deux ou trois heures de réalisation. Une fois démobilisé, Jack Gaffney est embauché dans une société d'alimentation pendant 41 ans. Une fois à la retraite, il prends des cours de peintures et expose ses oeuvres au San Bernardino County Museum.

Anne Joséphine Hayward (Croix Rouge).

Le Nose Art n'est pas l'apanage des hommes. Pendant la guerre, l'American Red Cross Aero Club engage pour trois livres par semaine, une jeune anglaise nommée Anne Hayward, qui doit apporter un peu de chaleur aux hommes du 385 BG, stationné à Great Ashfield. Agée d'une vingtaine d'années, vive et dynamique, celle que l'on surnomme Annie, experte en peintures de femmes, s'impose rapidement par ses talents d'artistes. Le responsable du mess des soldats, qui a vent de ses talents artistiques, lui suggère de décorer les murs : elle entreprend alors d'y peindre des danseuses de rhumba qui soulèvent un tel enthousiasme, que les officiers lui demandent de venir égayer leur club. C'est pour elle le début d'une période d'activité intense où, sollicitations issues de toutes parts, elle consacre ses heures libres à imaginer pour les B.17 des peintures de Nose Art dont Dragon Lady, Thunderbird, Madame Shoo pour ne citer que les plus connues : « J'ai dû peindre des surnoms et des diminutifs sur presque toutes les Forteresses de Great Ashfield, décorer les blousons de cuir de la plupart des hommes d'équipage et sans doute la quasi-totalité des murs des salles de mess253(*) ». Après la guerre, Anne, devenue Madame Gordon, obtient un diplôme d'histoire de l'art à l'université d'Oxford. Peintre toujours passionnée, elle se souvient aujourd'hui avec émotion de ses années partagées avec les équipages de bombardiers et lorsque l'écrivain Phil Cohan l'interroge sur le Nose Art et ce qu'il pourrait avoir d'offensant pour la gente féminine, elle répond sans hésiter : « c'était pour la bonne cause : soutenir le moral des hommes dans une période si tragique. Chaque équipage attribuait à son avion et sa peinture de guerre des vertus spéciales, qui leur portaient chance et leur assuraient une forme de sécurité dans l'adversité254(*) ».

Leland J. Kessler (306 Bomb Group).

Bien qu'il ait toujours peint et envisagé des études artistiques avant de s'engager dans l'AAF, Lee Kessler a révélé son talent à travers ses peintures de guerre. Après une formation d'artilleur à Las Vegas, il est l'un des premiers à être affecté au 306 Bomb Group alors en formation à Wendover, dans l'Utah. Là, il commence à peindre des portraits dans la base, puis un B.17 sur le mur du bureau du commandant et, de fil en aiguille, devient l'artiste en titre du 386 Bomb Squadron. En cette année 1942, Kessler arrivé en Angleterre, est cependant sollicité pour prêter son talent et sa créativité à la personnalisation des avions : « le pilote et son équipage se mettaient d'accord sur une idée, puis ils venaient me la soumettre pour que j'en fasse le croquis. Si cela leur plaisait, je faisais la peinture pour 5 dollars... et sur les deux côtés de l'avion255(*) ».

Al G. Merkling (20 combats Mapping Squadron).

Avant la guerre Al Merkling occupe un poste d'illustrateur et caricature souvent les touristes à Philadelphie. Lorsqu'il est appelé sous les drapeaux en 1942 Al n'oublie pas sa passion : « je n'ai jamais abandonné ma passion. Avant de quitter les Etats-Unis, je faisais le portrait des copains, dans les baraquements, ce qui m'a rapidement valu une réputation d'artiste256(*) ». Al est affecté à un laboratoire dans le Pacifique sud et commence à dessiner ses premières pin-up : « nous sommes arrivés en Nouvelle Guinée avec des avions couverts de peintures de guerre mal faites, carrément bâclées. Quand les copains m'ont demandé d'arranger ça, je me suis empressé de le faire et ils m'encourageaient tous257(*) ! ». Il réalise ensuite des nombreuses peintures sur une douzaine de Liberator, un A.20 et deux C.47 : « les pilotes et l'équipages me suggéraient parfois une idée générale, me parlaient de leur ville natale ou de souvenirs personnels, et je créais quelque chose à partir de là258(*) ». Comme le souligne l'artiste : « je n'utilisais ni calendrier ni images d'aucune sorte ; tout jaillissait de mon imagination. L'argent ? J'étais souvent payé en bières. Parfois, l'équipage évaluait mon travail à deux caisses de bières259(*) ».

Al Merkling ébauche directement ses dessins sur le métal à l'aide d'un crayon de bûcheron : « j'utilisais tout ce qu'il me tombait sous la main : peinture de façade, vernis au shellac ou mélanges d'huiles et d'essence, que je travaillais avec des brosses de peintre en bâtiment préalablement taillées ou avec tout ce que je pouvais trouver. Avec des températures toujours supérieurs à 35, ma peinture cuisait littéralement sur le métal, à peine étalée et le bleu de la livrée crépitait de partout. Comme je ne pouvais pas poser ma main sur le fuselage, il me fallait toujours prévoir une forme de protection spéciale260(*) ». Après la guerre, Al Merkling retourne travailler dans sa fabrique à jouet.

James C. Nickley.

Attiré par les arts dès son plus jeune âge, Nickley doit interrompre ses études pour rejoindre l'armée où, comme beaucoup d'autres artistes, il réalise très tôt qu'aucune affectation ne correspond à ses capacités. Il opte donc pour la photographie et devient technicien dans un laboratoire. Affecté au 6 Photo Group des Blackhawks, il rallie le Pacifique en février 1944, avec les Lightning du 36 Photo Squadron. Il consacre ses heures de liberté aux peintures de guerre, dont les plus célèbre resteront Lucky Strike sur un B.24, et Daisy Mae. Il se familiarise avec le Nose Art : « comme il y avait des bombardiers dans toutes les îles... il a suffi que je réalise une peinture de guerre, pour que le bruit courre et que les commandes pleuvent. Je dois en avoir une centaine à mon actif. La plupart du temps, c'étaient les équipages qui m'en suggéraient le thème. J'ai aussi effectué plusieurs retouches sur des peintures qui commençaient à s'abîmer261(*) ». Sa famille pourvoit à ses besoins en pinceaux et en tubes de peinture à huile, bien qu'il utilise aussi des vernis et quand la térébenthine vient à manquer, il lui substitue du carburant de P.38, à fort indice d'octane.

Rusty Restuccia (494 Bomb Group).

Rusty Restuccia réalise, encore adolescent, de nombreuses affiches publicitaires pour l'entreprise de son père. Il obtient ensuite une bourse pour poursuivre ses études dans le Massachussetts College of Art. Il commence alors à étudier l'art de l'affiche, puis se tourne vers le portrait dans la tradition des grands maîtres. Et la guerre éclate. Durant celle-ci, il est affecté au 494 BG mais c'est au sein du 865 squadron qu'il se fait connaître en réalisant sur les blousons de cuir des aviateurs, le fameux Pluto de Walt Disney, l'emblème de l'unité. Un jour un pilote lui présente une photo de sa femme et lui demande d'en faire le portrait géant sur le fuselage de son Liberator. Rusty Restuccia réussit une oeuvre très ressemblance qui reçoit le nom de Suggin Sal et lui vaut une pluie de commandes, dont on retiendra notamment Sitting Pretty, Bomb Shell, Hawaiien Dream, Innocence A'Broad, Double Trouble, The Bull, Taloa et My Girl of my Dreams, sans compter les innombrables décorations de blousons. Il réalise ses peintures de fuselage en traçant d'abord les grands traits puis progresse par étape en indiquant à l'équipage ce dont il a besoin pour continuer. « Ils se débrouillaient pour piquer de la peinture aux Marines et j'en arrivais souvent à mélanger les pigments jaune orange de différentes variétés de haricots, utilisés pour peindre les canots, par les habitants de l'île Angon avec qui j'entretenais de bons rapports. Je parle de l'époque où nous avions quitté les Iles Mashall et les Mariannes pour Trul et Peleliu. Un jour, les indigènes m'ont aussi apporté un pinceau en poils de cochon ; en guise de pinceau, j'utilisais souvent des brosses, normalement destinées au nettoyage des instruments, que je taillais à ma convenance. A vrai dire, je faisais feu de tout bois...Quant à l'argent ? Je n'ai jamais réclamé un sou262(*) ». Malgré le brillant avenir que laissaient augurer les nombreuses distinctions obtenues avant son engagement dans l'armée, Restuccia renonce à la peinture dès la fin de la guerre, trop handicapé par ses nombreuses blessures.

Anthony L. Starcer (91 Bomb Group).

Anthony Starcer se fait remarquer au sein de l'armée en réalisant tout d'abord des fresques murales pour le mess des officier. De ses premières peintures de guerre, notamment Dame Satan, Careful Virgin et Memphis Belle, jusqu'aux décorations de Forteresses aussi célèbres que General Ike, Out House Mouse, Nine O Nine et Delta Rebel, il laisse son empreinte sur plus de 130 B.17 avant la fin des hostilités. Pour Starcer, soutenir un tel rythme de production n'a rien d'extraordinaire, « parce que les équipages étaient si fier de leurs forteresses volantes qu'ils ressentaient tout de suite le besoin de leur donner un nom ; ils les désignaient toujours par un nom, jamais par des lettres ou des numéro de séries. Ils y étaient très attachés. C'étaient des machines dont on tombait forcément amoureux263(*)». Même si la production semble couler de source, « rien ne se faisait sous l'impulsion du moment. Tous les membres de l'équipage se réunissaient pour se mettre d'accord sur un nom et une illustration, puis je préparais une esquisse que je leur soumettais pour vérifier si elle répondait à leurs souhaits264(*) », raconte l'artiste. S'il obtient le feu vert, Starcer peint non seulement l'avion, mais aussi les blousons de l'équipage. Une des ses oeuvres les plus connues est une immense reproduction d'une Petty Girl d'Esquire qu'il réalise en deux versions : l'une en maillot de bain rouge, l'autre en maillot de bain bleu.

Annexe 2 : Biographies des Artistes Glamour.

Mac. Clelland Barclay.

Dans les années vingt et trente, General Motors lance une campagne qui doit faire date dans l'histoire de la publicité américaine. Il s'agit de présenter au public les automobiles Fisher Body. Ses superbes images de femmes élégantes, sophistiquées et son extraordinaire capacité à représenter les belles américaines font de lui l'un des principaux peintres de pin-up et d'art glamour sur le marché des calendriers. Entre 1935 et le début de la Seconde Guerre Mondiale, il travaille pour différents éditeurs de calendriers. Il réalise également de nombreuses affiches publicitaires dont une célèbre série d'illustrations pour la chaîne d'épicerie A & P entre la fin des années vingt et les années trente.

Né en 1891 à Saint Louis, Barclay est le fils d'un chirurgien d'origine écossaise. Il étudie à l'Art Institute de Chicago puis à l'Art Students League de New York, où il a comme professeurs George Bridgman et Thomas Fogarty. A vingt et un ans, Barclay s'est déjà fait un nom comme illustrateur et son travail parait dans The Saturday Evening Post, Ladies'Home Journal et Cosmopolitan. Dès 1925, il peint des couvertures et des illustrations pour de nombreuses revues de luxe. Dans les années 20 et 30, Barclay dessine aussi des portraits de stars pour des couvertures de magazines de cinéma. Hollywood ne tarde pas à lui commander des affiches de films : entre 1933, où il réalise celle de From Hell to Heaven pour les studios Paramount, et 1939, quand il fait celle de Hotel for Women pour la Twentieth Century Fox, Barclay devient une star du genre. Il est également l'un des premiers à peindre Betty Grable, la plus célèbre des pin-up de la Seconde Guerre Mondiale.

En 1940, Barclay a été choisi pour peindre le portrait et l'affiche officielle de la Ziegfeld Follies Girl de 1941. Pour cette prestigieuse commande d'art glamour, il travaille sur un format plus grand que d'habitude afin que l'image puisse être reproduite sur une affiche géante de Times Square. Plus tard, les Follies publient une lithographie de cette oeuvre en hommage à cet artiste de talent.

Deux semaines après l'attaque des Japonais sur Pearl Harbour, Barclay achève la première longue série d'affiches destinées à inciter les jeunes à s'enrôler dans la Marine. Promu au grade de capitaine de corvette, il se voit confier des missions de camouflage jusqu'en 1942, quand il est porté disparu alors qu'il était en mission dans les îles Salomon.

Roy Best.

Des années trente jusqu'au milieu des années quarante, Roy Best se fait connaître pour ses pastels puissants et précis de belles américaines, qui sont du plus bel effet une fois reproduits sur des calendriers.

Né à Waverly dans l'Ohio, Best finance ses études à l'Art Academy de Cincinnati en travaillant dans la construction de chemins de fer. Il étudie ensuite à l'Art Institute de Chicago. Plus tard à New York, il devient le poulain d'American Artists, la célèbre agence tenue par Sidney et Célia Mendelsohn et située sur la Quarante-quatrième rue. Elle gère près de cent illustrateurs de haut niveau, dont Norman Rockwell. Dans les années trente, Best réalise plusieurs couvertures pour The Saturday Evening Post. A partir de 1931, Best commence à peindre de superbes pastels de voluptueuses pin-up Art déco pour les calendriers de Joseph C. Hoover. Cette même année, il reçoit un appel de la maison d'édition Whitman Publishing Company de Racine, dans le Winconsin, lui commandant une série de vingt et une illustrations en couleurs, pleine page, pour un livre d'enfants. Best crée un chef d'oeuvre : The Peter Pan Picture Book, d'après la pièce de J.M Barrie.

En 1942, Best est remarqué par Brown and Bigelow qui lui propose de réaliser des pin-up et des images glamour pour ses publications. Acceptant l'offre particulièrement lucrative de l'éditeur, Best entame alors une très belle carrière dans le domaine des calendriers.

Henry Clive.

Clive, né Henry O'Hara en 1882, passe son enfance dans un élevage de moutons à Melbourne, en Australie, avant de quitter la maison familiale pour devenir magicien. Très beau garçon, il arrive à Hollywood en 1917, où il commence rapidement une carrière prometteuse dans le cinéma muet. Vers 1920, il subit une nouvelle métamorphose, devenant cette fois un brillant artiste.

Au début des années vingt, Clive peint des girls pour Ziegfeld Follies, une affiche pour le film de Richard Barthelmess Experience, et des portraits de Pola Negri et de Gloria Swanson qui sont reproduits sur des paniers repas distribués gratuitement dans les salles de cinéma. En 1925, après avoir réalisé des dizaines de couvertures pour le magazine Theatre, il commence à peindre des pin-up pour plusieurs grandes maisons d'édition et des éditeurs de calendriers, notamment Joseph C. Hoover and Sons de Philadelphie.

Clive réalise la plupart de ses oeuvres à l'huile sur carton dans un format assez grand, généralement 76,2 x 61 cm. Ses images sensuelles, à la composition élaborée, avec de superbes fonds travaillés, démontrent un grand sens de la couleur.

Parmi les moments forts de sa carrière, on compte ses affiches pour le somptueux spectacle de Billy Rose Jumbo et ses portraits hebdomadaires de stars dans des paysages exotiques réalisés pour la série « Enchantresses of the Ages », parue dans une publication de Hearst, American Weekly Magazine.

Enfant chéri d'Hollywood et de New York, Clive a une vie haute en couleurs. Il conserve son atelier dans le célèbre Beaux Arts Building à Manhattan jusqu'à sa mort en 1960. En hommage à son talent, la prestigieuse revue Audience choisit l'une de ses pin-up pour sa couverture d'octobre 1971. Aujourd'hui, les collectionneurs s'arrachent les reproductions de ses oeuvres pour calendriers. On ne connaît que six de ses originaux.

Edward M. Eggleston.

Comme son confrère Gene Pressler, Eggleston se spécialise dans les sujets exotiques et romantiques : belles squaws, danseuses hawaiiennes et « jeunes filles au clair de lune » surprises dans un décor des Mille et Une nuits.

Au début des années vingt, Eggleston peint des stars pour les couvertures de magazine de cinéma. Son portrait de Betty Compton de 1922, réalisé pour Motion Pictures Classic, fait parler tout Hollywood lorsqu'il paraît dans les kiosques. Il réalise également une série de publicité pour de la lingerie fine ainsi que de nombreuses couvertures de périodiques, dont la plupart sont destinées au grand public.

En 1925, Eggleston ouvre un atelier à New York et commence à peindre des pin-up et des images glamour pour les éditeurs de calendriers, d'abord principalement pour Thomas D. Murphy. Pour sa première commande pour Brown and Bigelow, The Treasure Princess (1928), il doit suivre des consignes très précises. Par la suite, il insiste pour qu'on lui laisse carte blanche et il réalise ainsi certaines des beautés glamour les plus admirables du genre.

En 1932, Eggleston livre à Brown and Bigelow une image qui va battre tous les records de ventes. D'après l'artiste, Let's Go America  est réalisé pendant la crise économique pour « symboliser la renaissance de l'espoir et de la confiance265(*) » en l'avenir de la nation. L'oeuvre montre une belle (vêtue d'une robe voile) sur un tapis volant traversant un ciel bleu nuit à la Maxfield Parrish, escortée par des avions et un dirigeable.

En 1936, Eggleston entame une collaboration féconde avec l'éditeur de calendriers Joseph C. Hoover de Philadelphie. Sa première peinture pour cette maison, Flaming Arrow est un portrait de squaw qui devient extrêmement populaire. Suivit Cleopatra (1938), un classique d'Eggleston et un autre grand succès.

Eggleston travaille dans son atelier jusqu'en 1940. Sa dernière oeuvre connue, datée de cette même année, est la couverture d'un programme pour le spectacle de Billy Rose, Aquacade, qui a battu tous les records d'affluence à l'Exposition universelle de New York en 1939.

Distingué, très professionnel, Eggleston peint des oeuvres au dessin soigné, riches en détails, avec une superbe composition et une grande maîtrise technique. Il a un profond sens de la couleur et maîtrise à la fois l'huile, le pastel, l'aquarelle et la gouache. La plupart de ses oeuvres pour les calendriers sont réalisées à l'huile sur des toiles allant de 76,2 x 61 cm à 101,6 x 76,2 cm.

Merlin Enabnit.

Enabnit est né en 1903 dans une petite ville près de Des Moines, dans l'Iowa. Il commence sa carrière comme étalagiste dans un grand magasin de Chicago, tout en suivant des cours à la Cummings School of Art. Il réalise ses premières peintures de pin-up et de beautés glamour pour l'éditeur de calendriers Louis F. Dow en 1936. Il part ensuite travailler pendant deux ans en Angleterre, où il rencontre un succès considérable.

L'éditeur Shaw-Barton devient bientôt son plus gros client, reproduisant ses pin-up sur des calendriers et des gadgets publicitaires. Signant uniquement de son patronyme, Enabnit crée également une série d'images publicitaires pour Formfit, Jantzen Bathing Suits et la White Owl Cigar Company. Vers le milieu des années quarante, il travaille à Hollywood, peignant des portraits de vedettes de cinéma telles que Harold Lloyd et Virginia Mayo.

Connu comme « le magicien de la couleur », Enabnit crée lui-même ses huiles à partir de produits naturels. En 1975, il publie Nature's Basic Color Concept et divulgue ses techniques à travers une série de conférences, d'articles et d'entretiens avec la presse écrite et télévisée.

Enabnit travaille principalement à l'huile sur de grands formats (101,6 x 76,2 cm), avec une palette vivement colorée qui rappelle celle du cercle de Sundblom. Il peint à partir de photos de ses modèles, conjuguant les meilleures qualités de chacune pour créer une image idéale. Il est nommé aussi docteur honoris causa de la Royal Society of the Art de Londres. En 1969, sa femme et lui s'installent à Phoenix, dans l'Arizona, où il se consacre à la peinture des paysages colorés du sud-ouest américain. Il meurt en novembre 1979.

Jules Erbit.

Pendant les années trente et quarante, les pastels d'Erbit pour les calendriers de pin-up sont de jeunes Américaines bon chic bon genre, l'incarnation même de « la fille d'à côté », débordantes de santé mais dépourvues du puissant sex-appeal qui émane des créatures de ses confrères.

Né à Budapest, Erbit commence dès son adolescence à fournir des illustrations à un magazine hongrois avant de décrocher une bourse d'Etat pour aller étudier à Munich. Il arrive à New York en 1930 et ouvre un atelier à Carnegie Hall. A l'époque, il est déjà père de cinq filles, qui lui servent souvent d'inspiration pour ses beautés glamour.

En 1933, Erbit reçoit sa première commande de Brown and Bigelow, avec lequel il travaille jusqu'en 1945. Parallèlement, il demande à l'agence American Artists de le représenter auprès d'autres éditeurs. Il travaille ensuite pour la plupart des grands éditeurs de calendriers, dont Joseph C. Hoover qui lui commande une douzaine de beautés glamour pour sa Superior Line. L'une d'elles, Waiting for You, est un best-seller. Sa beauté glamour la plus populaire, All-American Swinger, est publiée par Oval and Koster, un autre de ses nouveaux clients. Cette jolie fille sur une balançoire fait vendre plus d'un million de calendriers.

Erbit réalise également de nombreuses affiches publicitaires, la plus célèbre étant celle de Palmolive, qui paraît dans les magazines en 1933. Erbit travaille exclusivement au pastel sur d'épais cartons mesurant 101,6 x 76,2 cm. Il cesse de peindre des pin-up et des beautés glamour vers 1950 pour se consacrer au portrait et à sa nombreuse famille.  

Pearl Frush.

L'une des trois plus grandes dessinatrices de pin-up et d'art glamour travaillant pour les calendriers au milieu du siècle, Pearl Frush s'attire rapidement le respect des directeurs artistiques, des éditeurs, des directeurs de ventes et des imprimeurs. Malheureusement, parce qu'elle travaille principalement à la gouache et à l'aquarelle, ses originaux peuvent rarement être reproduits en nombre suffisant pour lui permettre d'accéder à une grande notoriété publique. Cependant, lorsqu'on examine ses oeuvres de près, on est frappé par la qualité de ces images méticuleusement réalistes, comparables à celles de son confrère beaucoup plus célèbre, Alberto Vargas.

Née dans l'Iowa, Frush grandit en grande partie dans le golfe du Mississipi. Elle commence à dessiner dès qu'elle est en âge de tenir un crayon. Plus tard, elle suit des cours de dessin à La Nouvelle-Orléans. Après d'autres études à Philadelphie et à New York, elle rejoint sa famille à Chicago, où elle suit des cours à l'Art Institute sous la direction de Charles Schroeder.

Frush ouvre son premier atelier à Chicago au début des années quarante. Tout en acceptant les commandes en « free-lance », elle travaille régulièrement pour l'atelier de Sundblom, Johnson et White. En 1943, elle est devenue l'une des artistes les plus importantes de Gerlach-Barklow, réalisant une succession de séries à grand succès : Liberty Belles, Sweethearts of Sports, Girls of Glamour et Glamour around the Clock. En 1947, sa série Aquatour, une dizaine de pin-up « aquatiques », bat tous les records de ventes. En 1955, Frush est devenue un nom très rentable pour ses employeurs. Il est donc tout naturel que Brown and Bigelow tente de la débaucher : un an plus tard, cet éditeur publie la première pin-up de Frush, une image horizontale conçue spécialement pour un calendrier-cintre (grand calendrier mural d'une seule page).

Belle et débordante d'énergie, Frush semble aimer la voile, le canoë, la natation, le tennis car elle incorpore souvent un thème sportif dans ses oeuvres. Ses pin-up et ses beautés glamour ont un côté franc et volontaire qui saisit bien l'esprit énergique de la jeune Américaine d'alors. Ses filles sont fraîches et pleines de santé, avec des formes généreuses sans être ouvertement érotiques. Elles parviennent à ressembler à des vedettes de cinéma tout en restant des « Mademoiselle Tout-le-monde ».

Les oeuvres originales sont réalisées sur des cartons à dessin mesurant généralement 50,8 x 38,1 cm. L'artiste travaille principalement à l'aquarelle et à la gouache. Elle signe parfois de son nom de femme mariée « Mann ». Son style est toujours d'une grande précision, restituant les moindres nuances du sujet avec une netteté quasi photographique.

Cardwell S. Higgins.

En 1927, deux jeunes artistes entrent au département artistiques des studios Paramount de New York : Alberto Vargas et Cardwell Higgins, qui vont devenir collègues et amis. Auparavant, Higgins a étudié à la National Academy of Design, sous la direction de George Bridgman et d'Ivan Olinsky, puis à l'Art Students League, où il a Harvey Dunn et Dean Cornwell comme professeurs. Ces quatre mentors influencent considérablement l'évolution de sa carrière.

Né en 1902, Higgins passe la majeure partie de sa vie à West Nyack, dans l'état de New York. De 1932 à 1942, Higgins dessine des pin-up Art déco très stylisées pour des couvertures de magazine : Esquire, Film Fun, Screen Humor, Silk Stocking Stories, Gayety et Sweetheart Stories. En 1937, il connaît l'un des moments fort de sa carrière quand il réalise une affiche géante pour les parcs d'attraction Palisade destinée à Times Square. Sa pin-up aux longues jambes et en bikini a un tel succès que le parc lui en commande une autre l'année suivante.

Vers la même époque, le capitaine Eddie Rickenbacker commande à Higgins un logo pour Eastern Airlines capable de « résister à l'épreuve du temps ». L'artiste répond avec une image qui va symboliser la compagnie aérienne pendant quarante ans. En 1939, les organisateurs de l'Exposition universelle de New York lui demandent une illustration pour la couverture de la brochure Railroads on Parade. Entre 1937 et 1942, il enseigne également à la Bloomsfield Art League et à la Fawcett School of Fine and Industrial Art dans le New Jersey. En dépit de cette énorme charge de travail, il trouve encore le temps de créer de nombreuses illustrations romantiques pour de nombreux magazines populaires.

Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il sert comme instructeur en camouflage d'avions dans le corps des ingénieurs de l'armée de l'air. Ses premières années de la guerre sont particulièrement chargées pour Higgins. Il réalise une série de pin-up pour les couvertures de magazines d'enquêtes policières ; il conçoit et peint deux livres de découpages avec les poupées de Lana Turner et de Carmen Miranda ; il fait ses premières couvertures pour le magazine Omnibook de Time-Life, en commençant par les portraits de Winston Churchill et des membres de son cabinet. Mais l'oeuvre la plus célèbre de cette période est l'affiche de l'USO (Centre d'accueil pour les militaires américains) montrant une femme soldat marchant bras dessus, bras dessous avec un soldat et un marin. Pendant la guerre, il en est distribué plus d'un million d'exemplaires aux Etats-Unis et à l'étranger.

Après la guerre, il travaille dix ans comme directeur artistique du catalogue de vente par correspondance de Sears Roebuck, puis prend sa retraite. Il meurt en 1983 à Hollywood, en Floride.

Mike Ludlow.

Ludlow est un illustrateur glamour qui réalise un grand nombre de pin-up et de beautés glamour pour Esquire dans les années cinquante. En 1957, il peint la totalité des douze illustrations du dernier calendrier publié par le magazine. Ses pin-up et beautés glamour paraissent également dans une série de posters centraux géants (trois feuillets) baptisée Lady Fair. Pour ses oeuvres, outre des modèles professionnels, Ludlow fait souvent appel à des actrices comme Virginia Mayo ou des célébrités telles que Betsy von Furstenberg.

Parallèlement à ses pin-up pour Esquire, Ludlow se fait connaître comme illustrateur d'histoires sentimentales qui paraissent dans des magazines à grand tirage comme The Saturday Evening Post, Good Housekeeping, Collier's et Family Circle. De 1950 à 1960, il réalise de nombreuses couvertures de livres de poche, notamment pour les maisons d'édition Pocket Books, Dell et Bantam. La plupart de ses couvertures montrent des pin-up sexy, beautés glamour, vamp et ont de fortes connotations érotiques.

Né en 1921, Ludlow grandit à Buffalo, dans l'état de New York. Il étudie à l'Art Students League, où il a William McNulty comme professeur. Il reçoit sa première commande en 1948, pour le supplément dominical de Journal American. Dès le début de sa carrière, il se spécialise dans les sujets glamour et les images de jolies femmes.

Laurette & Irène Patten.

Les soeurs Patten travaillent ensemble de 1920 à 1940, peignant des pastels d'une grande qualité. On sait peu de choses sur leur vie, si ce n'est qu'elles partagent un atelier au 7115 May Street à Chicago. Toutefois, durant leur heure de gloire, leurs noms figurent parmi ceux des grands illustrateurs de l'édition et de calendriers.

Laurette et Irène Patten réalisent plusieurs centaines de superbes pin-up et de beauté glamour qui sont publiées par plusieurs grands éditeurs de calendriers, notamment Joseph C. Hoover and Sons de Philadelphie. Hoover les publie dans la collection C. Moss, qui comprend la prestigieuse ligne de calendrier « Superior Gift Line ». Les illustrations des soeurs Patten rappellent souvent le style de Rolf Armstrong et leurs sujets vont du plus innocent au franchement osé et provocant pour l'époque.

Elles utilisent en priorité le pastel sur toile. Elles travaillent généralement sur de grands formats, la plupart du temps entre 76,2 x 61 cm et 101,6 x 76,2 cm. Certains originaux sont très grand (121,9 x 61 cm) mais on en a retrouvé d'assez petits (50,8 x 40,6 cm).

Gene Pressler.

Grand artiste Art déco, Pressler est né en 1893 à Jersey City, dans le New Jersey. A l'Art Students League, il a comme professeurs, entre autres, F. Louis Mora et Edward Dufner.

Pressler a comme principal client l'éditeur de calendriers Joseph C. Hoover and Sons, des années vingt au milieu des années trente. Il peint surtout des pin-up mais d'autres oeuvres comme Midnight and You sont des scènes glamour en robe du soir marquées par un grand sens de la composition, caractéristique de son travail. En 1926, Pressler rejoint l'écurie de Brown and Bigelow. Ses panneaux « pompéiens » (des images de calendriers longues et étroites) remportent un grand succès.

Pressler réalise également des couvertures pour The Saturday Evening Post et d'autres grands titres. Travaillant principalement au pastel sur de grandes toiles (101,6 x 72,2 cm), il insiste pour que ses oeuvres soient reproduites avec les dernières techniques d'imprimerie. Ses couleurs sont le plus souvent vives et brillantes, comme celles d'Armstrong mais il sait aussi utiliser une gamme de pastels fondus bleu-vert qui rappelle l'artiste Maxfield Parrish.

Pressler prend sa retraite vers 1940. Les originaux de ses oeuvres sont extrêmement rares.

Arthur Sarnoff.

Né le 30 décembre 1912 à New York, Arthur Sarnoff grandit à Brooklyn. Il fréquente la Grand Central Scholl of Art, où il trouve en son professeur Harvey Dunn une grande source d'inspiration, et il étudie plus tard avec John Clymer et Andrew Wyeth.

Au cours d'une longue carrière prolifique, Sarnoff perce dans de nombreux domaines. Après avoir illustré des pulps au début des années trente, il crée des couvertures et des illustrations pour tous les grands magazines de son époque. Parmi sa trentaine d'images pour calendriers (pour Kemper-Thomas dans les années quarante, puis pour U. O Colson dans les années cinquante et soixante), il y a beaucoup de sujets glamour, caractérisés par une utilisation particulièrement sophistiquée de la lumière. Il travaille sur de nombreuses campagnes de publicités, notamment celles de Karo Syrup (années 40), Lucky Strike (1951) et Camay (1942-1952). Plus récemment, il réalise une nouvelle campagne pour les bières Coors.

Grand admirateur de l'artiste hyper réaliste, John Singer Sargent, Sarnoff se distingue également dans les portraits. Ceux de M. et Mme John Kennedy sont parmi les plus accomplis. Sa série représentant des chiens jouant aux cartes et au billard a un immense succès. Sa scène de joueurs de billard intitulée The Hustler bat des records de ventes quand elle est publiée dans les années cinquante. C'est l'une des images les plus célèbres et les plus souvent reproduites de l'histoire de l'illustration. Depuis le milieu des années soixante, il réalise des lithographies publiées par Arthur Kaplan.

En 1995, Sarnoff enseigne encore l'art à Beverly Hills, en Californie.

Lou Shabner.

En 1968, Brown and Bigelow est l'un des derniers éditeurs à publier des calendriers avec des peintures de pin-up et de beautés glamour. A la recherche de nouveaux talents, la maison se tourne vers Lou Shabner, peintre britannique qui fait une belle carrière d'illustrateur glamour depuis vingt-cinq ans. Outre sa réputation, ce sont sans doute ses superbes peintures d'un réalisme impressionnant qui séduisent l'éditeur.

Pendant les années quarante et cinquante, des millions de fans britanniques adorent les beautés classiques de Shabner, qui sont le plus souvent publiées sous forme de calendrier de douze pages distribuées d'abord à Londres, puis en Angleterre et enfin dans toute l'Europe. Si la plupart de ses modèles sont typiquement anglais, d'autres ont un petit air indiscutablement américain. Ses images glamour dégagent une atmosphère de pureté et de légèreté. Même reproduites, les oeuvres de Shabner possèdent une qualité si réaliste qu'on les prend facilement pour des photographies.

Les pin-up ou beautés glamour de Shabner présentent toutes une grande palette d'expressions : sophistiquées, sexy, provocantes, fières, douces, sereines ou joyeuses. Travaillant principalement à la gouache sur cartons à dessin, il lui arrive également d'utiliser des huiles sur la toile. Les dimensions les plus courantes de ses oeuvres sont de 50,8 x 40,6 cm. Shabner illustre souvent les couvertures des calendriers anglais avec des pin-up souriantes dessinées au fusain. Quelle que soit sa technique, il obtient toujours un effet très réaliste.

J. Frederick Smith.

En 1946, lorsque Esquire annonce le lancement de sa nouvelle série « Gallery of Glamour », la liste des artistes inclue J. Frederick Smith, ainsi qu'un grand nombre des illustrateurs renommés de l'époque. Travaillant dans son atelier new-yorkais, Smith est un brillant artiste qui aime intégrer des pin-up et des thèmes glamour dans ses oeuvres pour la presse populaire. Ses publicités pour les chocolats Withman, par exemple, montrent des mères de famille aussi radieuses et sexy que des vedettes de cinéma.

Ses beautés glamour pour la Gallery of Glamour sont superbes, mais ce sont surtout ses commandes spéciales pour le magazine qui le distinguent de ses collègues. A partir de 1946, Esquire publie ses mémorables articles illustrés de trois ou quatre pages, avec des titres du genre « Interprétations personnelles ». Au cours de cette collaboration qui doit durer plus de douze ans, il peint également des pin-up pour les posters centraux du magazine.

A partir de 1945, Smith est représenté par American Artists. En 1952, la célèbre agence négocie un accord avec Brown and Bigelow qui souhaite réunir plusieurs artistes de pin-up d'Esquire sur un même calendrier. Le résultat, le Ballyhoo Calendar de 1953, contient trois pin-up de Smith : une fille avec un tourne-disque, une autre sentant un oeillet et une dernière en bikini sur une plage. Toutes trois sont peintes à la gouache sur du papier Bainbridge 80 qui confère une luminosité particulière aux couleurs de Smith.

Né à Pasadena, Smith grandit à Covina, en Californie. Il migre vers l'est en 1938, s'installant à Greenwich, dans le Connecticut, où il ouvre son atelier. De nombreux magazines à grand tirage lui commandent aussitôt des illustrations pour leurs histoires sentimentales. Pendant la guerre, il sert dans le département d'information et d'éducation, avant de se replonger dans le monde des pin-up et des beautés glamour. Il est élu membre de la Society of Illustrators en novembre 1947.

Après avoir connu le succès comme illustrateurs de pin-up et de beautés glamour pendant la première moitié de sa carrière, Smith passe la seconde moitié comme photographe de mode de talent. Il continue donc à recevoir de nombreuses commandes de photographies de la part des périodiques, des agences de publicité et de grandes entreprises. Son travail paraît, entre autres, dans le Reader's Digest et The Saturday Evening Post. Dans les années soixante et soixante-dix sont publiés plusieurs livres d'art présentant des photographies de son idéal féminin.

Ted Withers.

Avant de peindre des pin-up pour Brown and Bigelow, Withers a travaillé pendant vingt-cinq ans pour l'industrie cinématographique d'Hollywood. Il est donc prêt pour un changement, tout comme l'éditeur de calendrier qui lui confie la réalisation de l'Artist Sketch Pat de 1954. Ses douze premières pin-up rêveuses sont aussitôt suivies de nombreuses autres au fils des ans, jusqu'à ce que le calendrier passe entre les mains de Fritz Willis en 1961.

Edward Withers vient de Wellington, en Nouvelle-Zélande. Après des études à l'université de Wellington, il se rend à Londres où il fréquente la Royale Academy puis la South Kensington School of Art et la Slade School of Art. Toujours insatisfait, il enchaîne avec la prestigieuse Académie Julian de Paris. Pendant la Première Guerre Mondiale, il sert à Samoa, en Egypte, en France et en Allemagne et reçoit trois décorations.

En 1924, Withers émigre aux Etats-Unis avec sa femme et leurs deux enfants. Lors de son séjour prolongé à Hollywood, il réalise des portraits de vedettes tout en occupant une série de postes, dont celui de directeur artistique aux studios M.G.M, de responsable de trucages et des maquettes aux studios Universal, de directeur artistique de l'agence publicitaire Earnshaw-Young et de directeur artistique de la Sterling Press Lithograph Company. Pour son propre plaisir, il peint également des paysages qui sont souvent exposés et primés.

En novembre 1950, lors de son premier cocktail chez Brown and Bigelow, Withers discute avec Norman Rockwell lorsque Rolf Armstrong et Gil Elvgren font leur apparition. Ces deux maîtres de la pin-up lui sont présentés et Withers est fort étonné en entendant Armstrong le louer comme « l'un des plus grand peintres américains et l'un de plus pluridisciplinaires », ce à quoi Elvgren, amateur de photographie, ajoute : « ...et l'un de nos meilleurs photographes »266(*).

Withers meurt à Los Angeles au début de 1964.

Annexe 3 : les références dans Little Annie Fanny.

? « Madison Avenue » (octobre 1962).

Ce premier numéro présente Annie en tant que modèle pour les publicités télévisées. Nous rencontrons deux personnages qui deviennent récurrents : la camarade de chambre d'Annie Ruthie et l'un des flirts d'Annie et responsable de l'agence de publicité, Benton Battbarton. Son nom est inspiré par deux célèbres agences de l'époque, Benton & Bowles Inc et Batten, Durstine & Osborne. Annie et Benton sont tellement pris par la publicité dans cet épisode que leur relation passe à l'arrière-plan. Dans le premier script de Kurtzman, le savon de la publicité ne disparaît pas par la fenêtre, mais dans la cuvette des toilettes. Mais ce genre d'humour n'est pas celui de Playboy. Ce premier épisode est aussi le dernier dans lequel nous voyons Annie fumer des cigarettes.

? « Playing Doctor » (novembre 1962).

Bien avant Urgences, deux séries télévisées d'inspiration médicale dominent la télévision américaine : Dr. Kildare, avec Richard Chamberlain dans le rôle-titre et Raymond Massey dans celui du Dr. Gillespie, et Ben Casey, joué par Vince Edwards, Sam Jaffe jouant le vieux et sage Dr. Zorba. Le personnage qui pousse le fauteuil roulant est l'acteur Lew Ayres, qui tient de nombreuses fois le rôle du Dr. Kildare au cinéma. L'acteur Lionel Barrymore est dans le fauteuil, puisqu'il joue dans ces films le Dr. Gillespie, condamné à la chaise roulante. On voit à plusieurs reprises à l'arrière-plan l'acteur Richard Boone, qui joue alors dans la série TV Medic. Les hommages visuels de ce type sont monnaie courante dans Little Fanny Annie. Le personnage d'Avacado vient du photographe Richard Avedon.

? « Christmas Office Party » (décembre 1962)

Ralphie Towser fait ici son apparition, en tant que nouveau flirt d'Annie. Ralphie est la version peinte du personnage de la bande dessinée noir et blanc de Kurtzman et Elder Goodman Beaver, personnage bon et sérieux mais naïf qui a ses propres aventures satirique dans le magazine Help. Pour le différencier un peu de Goodman et pour souligner le fait qu'il s'agit d'un intellectuel, Ralphie est affublé des lunettes et de la pipe de l'écrivain Arthur Miller. Benton Battbarton, Richard Avacado et Peter Lorre apparaissent lors de la fête donnée dans les bureaux de l'agence J. Walter Huckster (d'après J. Walter Thompson). La relative décadence de la soirée est soulignée par la référence de Ralphie à La Dolce Vita, le célèbre film de Federico Fellini sorti l'année précédente - d'où la présence de Marcello Mastroianni, dans une position qui rappelant une scène de la fin du film, et celle de l'actrice Anita Ekberg (qui tient le chat). La femme debout sur le bureau et celle qui se drape dans le manteau appartiennent également au film. Liberace, tenant la coupe de fruit d'une façon assez peu subtile, est au centre de la fête.

? « Sugardaddy Bigbucks » (janvier 1963).

Annie ayant été inspirée par Little Orphan Annie, il n'y a rien d'étonnant à ce que d'autres éléments de la célèbre bande dessinée d'Harold Gray y soient parodiés. Le protecteur d'Orphan Annie, le généreux capitaliste Daddy Warbucks, devient ici Nounours Grospognon, un homme d'affaires beaucoup plus vorace, qui deviendra un personnage récurrent malgré la dernière case a priori fatale. Le mystérieux assistant de Warbucks devient la Guèpe. Punjab, le mystérieux hindou et bras droit de Warbucks est ici Shazam (un nom tiré du comic book Captain Marvel). Les étudiants sont Robert et Edward Kennedy, qui sont alors considérés comme de jeunes hommes politiques profitant de la réussite de leur frère aîné. Les briques que vend Nounours Grospognon servent à construire le Mur de Berlin, qui vient d'être érigé. « Billie » est l'homme d'affaires et escroc Billie Sol Estes, dont les liens avec le vice-président Johnson embarrassent l'administration Kennedy. Les personnages bâillonnés vers la fin sont Charles de Gaulle, Ralphie Towser, Jiggs de la BD Bringing Up Father, Anita Ekberg, Avacado et Dutch Boy.

? « Films, Italian Style » (mars 1963).

Cet épisode permet de faire connaissance avec l'agent d'Annie, Solly Brass, inspiré de l'acteur Phil Silvers, qui restera dans la mémoire de tous les Américains pour son rôle dans la série TV Sgt. Bilko. La queue de cheval qu'utilise Annie au début de l'épisode est tirée d'une boite venant de chez Eddie Arcaro, un célèbre jockey. Les visages familiers sont nombreux. Marcello Macaroni (Mastroianni) répète sa scène à cheval. Nounours Grospognon apparaît dans une photo en compagnie du candidat républicain aux élections de 1964, Barry Goldwater. L'association de Goldwater avec un homme d'affaires sans scrupule illustre clairement les préférences politiques de Kurtzman. Par ailleurs, un homme vole un vélo (puis une mobylette) à l'arrière-plan, hommage au film italien Le voleur de bicyclette, et Robert Stack et les autres Incorruptibles de la lutte du FBI contre la Mafia reviennent surveiller les italiens présents.

? « The Unhappy Comic » (avril 1963).

Solly fait embaucher Annie comme faire-valoir de Freddy Flink, un comique inspiré par l'acteur Fred Gwynne. En première page, la salle est remplie d'humoristes américains de l'époque : Shelley Bertman, qui reprend l'une de ses répliques habituelles avec la serveuse ; Mort Sahl, qui parle à Adlai Stevenson, candidat malheureux aux présidentielles, devenu ambassadeur ; Jonathan Winters est au téléphone avec Bob Newhart, dont les premiers sketches sont fondés sur les conversations téléphoniques ; le comédien noir Dick Gregory boit du Jim Crow (symbole du préjugé racial) ; Mike Nichols est avec Elaine May ; et Lenny Bruce hypnotise un malt. Bruce réapparaît à moitié nu, menotté et assis avec un dictionnaire, en référence à son langage et à ses arrestations pour obscénité. La blague fait référence à la récente crise des missiles de Cuba.

? « Kennedy Jokes » (mai 1963).

Annie retrouve momentanément le comédien Freddy Flink. La verve de Kurtzman s'inspire cette fois de l'imitateur Vaughn Meader qui vient de sortir son premier 33 tour, The First Family. Parodie particulièrement réussie de Kennedy, de son accent bostonien et de la politique contemporaine, ce disque bat tous les records de vente. Mais six mois plus tard, Kennedy est assassiné, et Meader est rapidement oublié. Pour la même raison, cette histoire n'est pas incluse dans la compilation Little Fanny Annie que publie Playboy Press en 1966. Richard Nixon, qui avait été battu par Kennedy aux élections de 1960, apparaît comme serveur à l'arrière-plan en première page.

? « Fifty Mile Hike » (juillet 1963).

Cet épisode répond à un discours du président Kennedy, qui a appelé la population américaine à se tenir plus en forme. Et le dessin se fait de plus en plus élaboré.

? « The Artist » (septembre 1963).

Annie sert de modèle à Duncan Fyfe Hepplewhite, un peintre fauché (il se nourrit de pigeons) de style classique, forcé de devenir faussaire pour survivre. Dans la première case se trouve une parodie de La leçon d'anatomie du Dr Nicolaes Tulp de Rembrandt. Les chirurgiens du maître hollandais sont remplacés par Vince Edwards, Richard Chamberlain, Richard Boone, Raymond Massey, Sam Jaffe, Lew Ayres et Lionel Barrymore, les médecins du deuxième épisode. D'autres parodies de tableaux célèbres intègrent Elizabeth Taylor, Richard Burton, Elvis et des cow-boys de télévision en lieu et place des sujets originaux. Robert Stack des Incorruptibles, apparaît pour la troisième fois, devenant le policier passe partout de la série.

? « The Talent Contest » (novembre 1963).

Wanda Homefree, Miss Greenwich Village, est une miss pas vraiment naïve. M. Backus, le factotum presque aveugle, s'inspire du personnage de dessin animé M. Magoo. Herb Sparks est Bert Parks, qui a longtemps animé le concours de Miss America. Casey Stengel, l'entraîneur des New York Mets, dont les résultats sont alors pathétiques, fait une apparition lors des démonstrations de talents inutiles.

? « Yuletide One Upman ship » (décembre 1963).

Benton Battbarton est de retour lors d'une soirée de Noël qui tend vers l'orgie. Marcello Mastroianni chevauche encore une fois à la Dolce Vita. Un nouveau personnage récurrent apparaît : Huck Buxton, rival de Benton à tous les niveaux. Buxton, aux dents écartées, s'inspire de l'acteur comique anglais Terry Thomas. En bas de la dernière page se trouvent des caricatures de Russ Heath, Elder, Kurtzman et Hugh Hefner, au milieu de personnages des épisodes récurrents. C'est la première fois où l'équipe créatrice apparaît. Avec ses sept pages, il s'agit de l'épisode le plus long de Little Fanny Annie.

? « The Set Jets to South America » (janvier 1964).

Les photos souriantes des Kennedy en première page peuvent surprendre et paraître d'un goût douteux étant donnée la date de parution de cet épisode. Mais Playboy, comme beaucoup de magazines, postdate ses parutions d'un mois. Ce numéro est probablement déjà imprimé lorsque Kennedy est assassiné le 22 novembre 1963. Le personnel sud-américain de Nounours Grospognon comprend Hans et Fritz, des Katzenjammer Kids, et le metteur en scène et acteur allemand Erich Von Stroheim (avec le monocle). Cette séquence a un style tout à fait particulier en raison de la contribution considérable de l'illustrateur Arnold Roth.

? « Annie Joins the Peace Corps » (avril 1964).

Cet épisode ouvre la seule histoire en trois parties de la série, trilogie qui se déroule dans les îles du Pacifique. Les garçons de la première case sont les sosies de Marlon Brandon. L'acteur tient le premier rôle dans le remake de 1962 des Révoltés du Bounty, dans lequel une poignée de mutins passe des années sur une île du Pacifique avec des femmes. Après le tournage de Bounty, Brando achète une île au large de Tahiti, et les paparazzi font leurs choux gras de sa préférence affichée pour les Polynésiennes. La mention d'une agence de voyage Adam Clayton Powell sur le tee-shirt de l'un des porteurs fait allusion au très controversé député de Harlem, connu pour son goût pour les voyages gratuits. Les deux tahitiennes à l'arrière-plan sont tirées du célèbre tableau de Paul Gauguin. Le chef Boola Goldluau est le sénateur de l'Arizona, Barry Goldwater candidat à l'investiture pour les républicains. Le garçon qui parle à Brando dans la première case de la deuxième page est Clark Gable, qui a tenu le rôle de Brando dans la version de 1935 du Bounty. Un détail d'une autre toile de Gauguin apparaît derrière Ralphie dans la troisième case de la deuxième page. Les photos dédicacées dans la cabane en deuxième page sont des références à Hollywood. Au cours des années trente et quarante, John Hall et Dorothy Lamour ont souvent joué dans des films exotiques. La figure de proue de canot de Goldluau en dernière page est le Capitaine Blight sous les traits de l'acteur Charles Laughton, qui joue ce rôle dans la version de 1935 des Révoltés du Bounty.

? « Alone on a Desert Isle » (juillet 1964).

Au début de l'épisode, Annie et Ralphie sont échoués sur une île déserte. Ralphie tient un exemplaire des Rubaiyat d'Omar Khayyam, dont les épigrammes sont illustrées par les divers objets qui les entourent. L'île ne reste pas longtemps déserte. Le premier bateau amène Nelson Rockefeller - alors gouverneur de New York - qui a postulé à la désignation du candidat républicain à la présidentielle de 1964, Richard Nixon - avant son retour en politique - Goldwater, toujours sous les traits du chef Goldluau. Les autres bateaux amènent le capitaine Crochet du Peter Pan de Walt Disney, le Bossu de Notre-Dame, et les dirigeants communistes Vladimir Lénine, Nikita Khrouchtchev et Fidel Castro (dansant ensemble). Les deux enfants au bas de la deuxième page viennent de Sa Majesté des mouches. Debout à droite se trouve Robinson Crusoe, dominant Vendredi. Une grande partie des marins sont dessinées par Paul Cocker Jr., dans un style assez différent de celui d'Elder et Heath. Le radeau de survivants de la troisième page est celui du chef-d'oeuvre de Géricault, Le Radeau de la Méduse.

? « Lost at Sea » (septembre 1964).

Le dernier épisode des aventures dans les mers du Sud navigue dans les eaux sensibles des tensions raciales aux Etats-Unis. L'homme qui appelle à l'aide est bien évidemment le Révérend Martin Luther King. Jr, le passager le plus opposé à son sauvetage est le gouverneur George Wallace, le ségrégationniste qui a physiquement interdit l'entrée de l'Université d'Alabama aux étudiants noirs. Malcolm X, le leader des Black Muslins, dirige le navire qui sauve King. A sa gauche se trouve l'avocat Roy Cohn, qui chuchote dans l'oreille de son acolyte, le sénateur Joseph McCarthy (tous devenus noirs). A sa droite se trouve le boxeur Mohammed Ali, récemment converti à l'Islam, et le dictateur chinois Mao Tsé-Toung (lui aussi devenu noir). Au début de la quatrième page, Ali tient un télégramme de Charles de Gaulle disant : « je vous reconnais », en référence à la politique étrangère indépendante du président français qui se méfie de ses alliés américains, mais aussi parodie du discours de celui-ci en 1958 à Alger. Lorsque l'on comprend dans la case finale que les Black Muslins ne sont que des nazis, Hans et Frits des Katzenjammer Kids réapparaissent, eux aussi devenus noirs. Les uniformes tirés des caisses de « matériel agricole » portent les initiales d'Hitler. L'acteur Stepin Fetchit, habitué des stéréotypes raciaux, essaie l'uniforme de Goering, tandis que King, symboliquement, se jette à l'eau préférant tenter sa chance avec les requins. C'est le premier épisode auquel participe Al Jaffee.

? « Gun Fun » (octobre 1964).

Les deux cadres de l'agence de publicité, Huck Buxton et Benton Battbarton, s'affrontent encore, cette fois pour savoir qui a la meilleur et la plus grosse arme. Cet épisode fonctionne littéralement en tant que métaphore freudienne, et la satire reste tout autant percutante quatre décennies plus tard.

? « Astronaut Annie » (décembre 1964).

Cette satire politique dans l'espace permet à Kurtzman de revenir à l'une de ses cibles favorites : la bande dessinée Flash Gordon. Dans « Astronaut Annie », Flash n'apparaît que dans les dernières cases, où il dépeint sous les traits de l'acteur Buster Crabe, qui joue Flash dans la série. Ming de Mongo, l'ennemi juré de Flash, mène par contre une bande d'hommes-faucons chinois communistes directement issus d'une page d'Alex Raymond. La coiffe que porte l'astronaute O'Kaye à l'intérieur de son casque vient de la BD Buck Rogers. De retour au Pentagone, c'est le ministre de la Défense Robert McNamara qui donne l'ordre de couper, tandis que l'acteur George C. Scott reprend le rôle du général « Buck » Turginson (du film Dr. Folamour, qui vient de sortir). Peter Sellers apparaît à l'arrière-plan dans les trois rôles qu'il tient dans ce même film. Sterling Hayden, qui y joue le général Jack D. Ripper, est également présent. Le texte en russe sur la bannière finale signifie Joyeux Noël.

? « From Annie with Love » (janvier 1965).

La série apparemment illimitée de films de James Bond en est encore alors à ses débuts : Sean Connery est 007, et le film spécifiquement parodié est Bons Baisers de Russie, avec quelques références à Dr No et à Goldfinger. Le quatrième visage sur le dépliant d'Annie est le culturiste Charles Gromyko, alors ministre des Affaires Etrangères en URSS. Le barbu aux yeux écarquillés est Raspoutine. La petite camarade est Rosa Klebb (l'actrice Lotte Lenya dans le film). L'agent Ivan Flamyink (l'acteur Robert Shaw dans le film) tire son nom de Ian Fleming, le créateur de James Bond. Le contact de Bond est une caricature de John Foster Dulles, Secrétaire d'Etat de l'administration Eisenhower. A l'exception des visages des principaux personnages et des Annie entières, qui sont dessinés par Elder, quasiment tout le reste, personnages et décors, est peint par Jack Davis. Kurtzman recherche constamment la meilleure combinaison de talents pour répondre à la demande de Playboy.

? « Thunderballing » (février 1965).

La parodie de Bond continue, tandis que le maître de la silhouette féminine Frank Frazetta se joint à Heath et Elder, pour un résultat particulièrement sensuel. Dans la grande scène de bataille, un bateau appelé Tonkingulf explose, projetant en l'air son équipage asiatique. C'est une référence à l'incident du Golfe du Tonkin, début officiel de la guerre du Vietnam. Le baril d'essence est une allusion aux publicités d'Esso de l'époque, dont le slogan est « mettez un tigre dans votre moteur ». La dernière case fait référence à la longue campagne de publicité américaine pour l'eau minérale White Rock, qui représente une nymphe au bord d'une falaise.

? « The Topless Suits Case » (mai 1965).

L'invention du monokini par le designer Rudi Gernreich inspire cet épisode, qui s'ouvre sur l'inimitable vision de Frank Frazetta de la moitié inférieure d'Annie. La plus grande partie de la deuxième page est due à Jack Davis. Le cabinet d'avocats Défenseur & Défenseur est inspiré de la série TV The Defenders, avec E. G. Marshall dans le rôle de l'avocat Lawrence Preston et Robert Reed dans celui de son fils Kenneth. Mme Bridge, l'athée boulotte, est Madalyn Murray qui conteste avec succès la constitutionnalité de la prière à l'école. Le nazi en uniforme, M. Rockhead, est en fait George Lincoln Rockwell, qui dirige le parti nazi américain et attaque régulièrement devant les tribunaux les associations qui tentent de faire interdire les manifestations de ses membres. L'avocat qu'emploie Nounours Grospognon pour sortir Annie de là est un fait un véritable tueur à gages, Melvin Belli.

? « The Surfers » (juillet 1965).

Les belles baigneuses (dont Annie) sont une fois encore l'oeuvre de Frank Frazetta, tandis que la plus grande partie du reste de l'épisode est due à Jack Davis. La Ford de la troisième case est conduit par Harold Teen, un personnage de comic book aujourd'hui un peu oublié (il réapparaît dans la deuxième page). L'étoile de l'Inde dont on parle en première page est une allusion au légendaire vol de ce saphir par des surfeurs en 1965.

? « Seven Days with Mae » (octobre 1965).

Les films catastrophes sur la guerre nucléaire sont le sujet de cet épisode, et plus particulièrement les deux productions hollywoodiennes Sept jours en mai et Docteur Folamour, ainsi que le téléfilm Fail Safe. L'acteur faisant une sortie fracassante en première page est Kirk Douglas - ici en uniforme de caporal - qui joue le colonel Jiggs Casey dans Sept jours en mai. Le commentaire de Solly sur l'explosion des studios de la 19th Century Fox, qui vont être remplacés par un supermarché est réel, puisque tel est bien le sort des studios de la 20th Century Fox. Derrière Kirk Douglas se trouvent les vrais généraux George Marshall, Dwight Eisenhower et Douglas MacArthur. Le producteur Joe Laverne est inspiré d'Allen Sherman. Peter Sellers joue le président dans son incarnation de Merkin Muffley dans Dr. Folamour. En page 3, Annie rencontre l'acteur Burt Lancaster, qui joue le général James M. Scott dans Sept jours en mai. Le pilote de Fail Safe Wayne Welch est l'acteur John Wayne. Welch est une référence à Robert Welch, le fondateur de l'organisation d'extrême-droite The John Birch Society. Si le président Johnson n'apparaît pas, son vice-président, Hubert Humphrey, est bien présent en page 4. Federico Moffundzallo (Fellini) reprend sa place de metteur en scène. Une fois de plus, les visages des principaux personnages et toutes les apparitions d'Annie sont d'Elder, tandis que Jack Davis se charge du reste.

? « Annie Meets The Beatles » (décembre 1965).

Bien que les Beatles connaissent déjà un immense succès mondial en 1965, Kurtzman, alors âgé de 41 ans, semble les confondre. En page 2, Paul est présenté en tant que John, George en tant que Paul et John en tant que George. Seul Ringo, au visage plus inhabituel, est correctement identifié. On peut supposer que cette erreur est volontaire, d'autant que les prénoms sur leurs caleçons personnalisés sont corrects en page 3. Les caricatures des Beatles dans cet épisode ne sont pas aussi fines que l'on aurait pu l'attendre de la part d'Elder. Ce chapitre s'attaque au spectaculaire virage hippie des membres du groupe. En effet en août 1967, les Beatles rencontrent le Maharishi Mahesh Yogi et tombent sous sa coupe. Dès février 1968, les quatre Beatles, avec leurs épouses et leurs petites amies, se rendent en Inde pour étudier entre autre la méditation transcendantale. L'odyssée spirituelle des stars du rock est mondialement médiatisée. Durant cette période, Kurtzman, Elder et Davis travaillent sur une histoire dans laquelle notre somptueuse héroïne médite avec les Beatles et le Maharishi Berayogi (un jeu de mot sur le célèbre joueur de base-ball des Yankees de New York, Yogi Berra). Comme on peut s'y attendre, les Beatles convoitent Annie, le gourou renie son voeu de chasteté, et Robert Stack revient en hindou. Cet épisode est inachevé.

? « Battbarton's Holiday Spirit » (janvier 1966).

Entre deux prises pour une publicité, Annie se rend aux fêtes de fin d'année et prend de nouvelles résolutions. Encore une fois Elder se concentre sur Annie et sur les visages des personnages principaux et Davis se charge du reste.

? « On the Brooklyn B.M.T » (mars 1966).

Cette courte histoire exprime la réaction de Kurtzman aux questions morales soulevés par le célèbre meurtre de Kitty Genovese dans un quartier très peuplé du Queens, à New York. De nombreux témoins ont vu Mademoiselle Genovese alors qu'elle est poignardée à maintes reprises, mais personne n'intervient. Kurtzman, comme une majorité de new-yorkais est scandalisé par cette nouvelle attitude urbaine qui consiste à ne pas s'impliquer. L'affiche « Beautiful America » fait référence à la croisade personnelle de la première dame des Etats-Unis Ladybird Johnson, contre la laideur générale des affiches, l'ironie étant que ni elle ni son époux ne sont pas considérés comme réellement séduisants.

? « Annie in TV Wasteland » (mai 1966).

L'écrivain Stalinger Fiengold est bien sûr inspiré du célèbre auteur reclus J. D Salinger (L'attrape-coeur). Solly entraîne Fiengold à la rencontre de « Aubrey Aubrey, directeur de la programmation d'ABS-TV », inspiré par James Aubrey, responsable de la programmation de CBS-TV. Aubrey a déprogrammé certains programmes les plus prestigieux de la chaîne pour les remplacer par des sitcoms souvent affligeants. Aubrey est dépeint sous les traits de l'éditorialiste ultraconservateur William F. Bucley. Les allusions au Comité de coordination non violent des étudiants, une organisation radicale pour les droits civiques et contre la guerre dirigée par Stokely Charmichael, sont nombreuses.

? « Annie Underthe Sheets » (juillet 1966).

Wanda Homefree, participante du concours de Miss de l'épisode 10, revient cette fois en tant qu'amie d'Annie. Toutes deux atterrissent au milieu d'une réunion du Ku Klux Klan. Robert Shelton apparaît aussi dans cet épisode en tant que dirigeant du Ku Klux Klan.

? « Euphoria-in-the-Pines Resort » (septembre 1966).

Dans la première scène panoramique d'une double page, nous retrouvons des personnages familiers : les Katzenjammer Kids, Wanda Homefree et Salinger Fiengold. Les patients du groupe de thérapie incluent Vincent Van Gogh (avec son bandage à l'oreille), un Batman vampire (accusé de pédérastie dans Seduction of Innocent) et Captain Kangaroo. Le Dr Manduck, qui part en barque avec Annie, est bien évidemment Mandrake le Magicien. La clé qu'il utilise pour hypnotiser Annie est une clé des membres V.I.P du club Playboy. Les neurochirurgien de l'autre côté du lac incluent le Dr. Rex Morgan et d'autres personnages déjà croisés : Ben Casey, les deux Dr. Gillespie et le Dr. Kildare.

? « Hoopadedoo Show » (octobre 1966).

Annie est danseuse pour le show TV Hoopadedoo (Hullabaloo), qui présente des talents contemporains. Elvis, Dylan et Little Anthony sont tous parodiés, et Sonny & Wanda, même si ce ne sont pas des caricatures, sont visiblement inspirés de Sonny et Cher. William F. Buckley revient une nouvelle fois dans le rôle du responsable de CBS James Aubrey, qui rejette le groupe contestataire auto-immolatoire de Solly. L'affiche « the Cleans » reprend le personnage de M. Propre en trio.

? « Greenback Busters » (décembre 1966).

Les Greenback Busters sont évidemment les Green Bay Packers, qui règnent alors sur le championnat de la National Football Ligue. Les commentaires d'Annie sur « notre quart arrière star » sont une plaisanterie sur le véritable quart arrière des Packers, Bart Starr. Paul Horny est en fait Paul Hornung, célèbre pour ces aventures d'après match. Johnny Uneeda de Baltimore est Johnny Unitas, quart arrière des Baltimore Colts.

? « High Camp » (janvier 1967).

Les références à la culture populaire abondent dans la présentation que fait Benton à Annie de sa collection kitsch : une version géante de la soupe Campbell d'Andy Warhol, tapis reproduisant une page de Popeye, un comic book de Batman, un poster pop art du fantôme de Ray Moore. Les costumes de Major America et de Wondrous Woman sont évidemment ceux de Captain America et Wonder Woman, et Battbarton se change dans une cabine téléphonique à la manière de Clark Kent.

? « Las Vegas Kidnapping » (mai 1967).

Les piques satiriques de Kurtzman sont dirigés vers l'importance accordée par le Federal Bureau of Investigation à l'apparente rigueur morale, ainsi qu'au climat alors unique de légalité du jeu et de la prostitution dans l'Etat du Nevada. L'homme qui s'adresse à ses agents guindés est le directeur du FBI, J. Edgar Hoover. Frank Sinatra chante sous les yeux de ses amis Dean Martin et Sammy Davis Jr. Ces trois derniers forment avec Peter Lawford et Joey Bishop le célèbre Rat Pack. On peut également distinguer, à gauche de la case, la troisième épouse de Sinatra, Mia Farrow. Les kidnappeurs sont cubains. Sans être des caricatures, Raul est le frère de Fidel Castro et Che, le Che Guevara.

? « Americans in Paris » (août 1967).

Benton Battbarton se voit attribué le rôle assez peu ressemblant du touriste américain prude à Paris. Le gag final s'achève sur une agression de deux femmes. Bien que Will Elder ait toujours été l'artiste principal, cet épisode est le premier qu'il ait entièrement réalisé.

? « The Ultimate Kick » (septembre 1967).

Il est inévitable, dans la foulée du célèbre « Eté d'amour » de San Francisco en 1967, que Kurtzman s'attaque au LSD, à l'amour libre et aux autres composantes hédonistes du phénomène hippie. C'est le premier de nombreux épisodes inspirés par la culture des années soixante. L'université de Bookless, Californie, est fondée sur le campus de Berkeley, épicentre de l'activité radicale étudiante. Les noix de muscade et les graines de volubilis cités par Ralphie sont des hallucinogènes naturels parfois utilisés comme succédanés du LSD. Le professeur Timothy Clearly est, bien sur, l'ancien chercheur de Harvard Timothy Leary, grand prêtre du LSD, qui popularise l'usage de cette drogue controversée. Les manifestants sur les campus s'enchaînent souvent durant les Sit-in pour rendre plus difficile leur dispersion par la police. Les séances d'imprécations sont une référence au mouvement pour la liberté d'expression mené par l'étudiant Mario Savio sur le campus de Berkeley en 1964. L'immatriculation de la voiture de Ralphie, SNCC, est le sigle du Comité de coordination non violent des étudiants.

? « Booby Doll » (décembre 1967).

James Bond revient en tant qu'agent de sécurité pour la Dinkywinky Toy Co (Dinky Toys Co). L'une des poupées en arrière plan représente le poète beatnik Allen Ginsberg. Les jouets de la case principale s'inspire de l'actualité de l'époque : le punching-ball communiste a les traits de Mao Tsé-Toung, la petite poupée Booby représentant Annie s'inspire de la poupée Barbie de Mattel.

? « The Masters-Testers Institute » (janvier 1968).

Kurtzman et son équipe ne peuvent résister à une nouvelle parodie de la culture hippie émergente. Annie retrouve son ami Wanda Homefree au lit avec Grok, le gourou. Grok tire sur un narguilé, une pipe à eau aussi utilisée pour fumer du haschich. La bombe à oxygène est apparemment une référence à l'air toujours enfumé de la pièce. Celle-ci est décorée de posters psychédéliques, dont un portrait d'Allen Ginsberg en Oncle Sam et diverses références aux Be-in, une version plus pacifiste des Sit-in. Un poster de Timothy Leary est suspendu au dessus du lit en page deux. Le groupe de rock « The Fuggy Electric Mothers » vient de trois groupes de l'époque : les Fugs, les Electric Prunes et les Mothers of Inventions. Les uniformes militaires que l'on voit en vitrine de l'une des boutiques sont portés par dérision par les pacifistes. La boutique fermée d'un coiffeur fait référence aux cheveux longs et souvent mal entretenus des hippies, et la boutique de badges rappelle la prévalence des « badges à message ». Les nombreux partenaires sexuels de Wanda nous mènent à la cible principale de cette satire : la sexologie. Dans les années soixante, les docteurs William H. Masters et Virginia E Johnson sont parmi les chercheurs les plus célèbres de cette discipline.

? « Unionized Cruise Ship » (mars 1968).

Ruthie partage une cabine avec Annie sur un luxueux paquebot de croisière. La première remarque de Ruthie est une allusion au livre de Katerine Ann Porter et au film de 1965 La Nef des fous, dans lequel un paquebot devient un microcosme représentant la société d'après-guerre. Mike Powers Magoony est George Meany, le président du syndicat AFL-CIO. Lorsque Annie monte sur le pont, on voit se dorer au soleil le député Adam Clayton Powell, alors en difficulté, lisant une convocation devant le tribunal. On y voit également Popeye. Le majordome de la page trois est l'acteur anglais Arthur Treacher. Le personnage tenant un masque en bas de la page trois est l'écrivain Truman Capote. Le capitaine du navire est Charles Laughton (le capitaine Blich dans la version de 1935 des Révoltés du Bounty). La dernière case de la page quatre reprend une célèbre estampe japonaise de 1831, La Grande Vague, de Katsushika Hokusai. La présence du syndicat des typographes est une référence aux longues grèves de la presse dans les années soixante.

? « Annie at the Olympics » (juin 1968).

Sur la piste, Charles de Gaulle saute des haies, inspirant à un journaliste le commentaire : « il n'apprendra donc jamais à déléguer ? », reflète l'opinion américaine qui voit dans le président français un dirigeant impérialiste. Le coureur chinois qui court vers l'arrière représente apparemment aussi une allusion sur la politique de son pays. Les plaisanteries sur la Russie et Israël font en partie référence au matériel russe abandonné en catastrophe par leurs alliés arabes durant la « guerre des six jours » de 1967. Le meneur de l'équipe, avec le bandeau sur l'oeil est Moshe Dayan, le célèbre général borgne israélien. L'athlète suédois qui retombe sur des poitrines de femmes plutôt que la sciure reflète l'opinion prédominante qui fait de la Suède le pays le plus sexuellement libéré du monde, à l'époque. La suggestion de Nounours Grospognon énonçant que la championne russe peut être un homme vient de la croyance largement répandue selon laquelle le Bloc Est fait parfois passer des hommes pour des femmes de façon à obtenir un avantage en compétition.

? « The Real Howard Hews » (décembre 1968).

En 1968, le milliardaire Howard Hughes, qui vit dans une réclusion obsessionnelle, attise alors la curiosité des médias. Son immense fortune et sa légende d'ermite inspirent cette aventure Annie Fanny. La remarque de l'infirmière, « M. Hews a une peur mortelle de la contamination », est vraie. Hughes exige un environnement impeccable et ne touche les objets qu'à travers des mouchoirs jetables. Ses lieutenants jouant au Monopoly attestent de l'étendue de ses possessions dans l'immobilier. L'immense avion dans le hangar est son projet chéri des années quarante. L'hôtesse aux seins nus est là pour rappeler qu'avant sa réclusion, Hughes est un playboy. Le décor hollywoodien est une référence à l'engagement du milliardaire dans le cinéma (il est propriétaire des studios RKO).

? « Discothèques » (février 1969).

Solly fait découvrir à Annie le monde des discothèques. Les photos ovales, portant l'inscription « Love », représentent le général William Westmoreland et Ho Chi Minch, qui combattent dans des camps opposés au Vietnam.

? « Annie the Actress » (avril 1969).

L'agent Solly Brass, vêtu d'une veste Nehru, décroche un grand rôle pour Annie dans un film à la mode de Richard Luster, metteur en scène inspiré de Richard Lester (Quatre Garçons dans le vent). La statue d'Oscar embrassant une femme également nue porte l'inscription Prix du film suédois », un nouveau clin d'oeil à la prééminence de la Suède dans le cinéma érotique de l'époque. A la fin des soixante, Hollywood ajoute souvent des scènes plus sexy à l'intention du marché européen plus permissif, ce qui explique la remarque finale de Luster sur la version européenne.

? « See-Through Dress » (juillet 1969).

A l'instar du monokini, les vêtements transparents ont leur heure de gloire à la fin des années soixante, tout comme les robes jetables, que l'on voit également dans cet épisode. La tenue de gauche représente Che Guevara et celle du milieu le portrait de John Lennon et Yoko Ono, nus, qui orne la pochette de leur album alors récemment paru Two Virgins. Les vêtements transparents pour Elle et Lui sont une allusion à la mode unisexe de la fin des années soixante. Ralph Ginsberg est un éditeur controversé emprisonné pour avoir publié le magazine pornographique Eros.

? « Living theater » (octobre 1969).

La troupe d'improvisation du Living Theater, fondée au début des années soixante par le metteur en scène Julian Beck et son épouse Judith Malina, occasionne un choc culturel durant la deuxième moitié de la décennie. Les acteurs d'avant-garde se mêlent au public, ôtent leurs vêtements, hurlent des obscénités et entraînent le public dans des chants opposés à la guerre et au matérialisme. Ces spectacles anarchistes se terminent souvent en cacophonie. L'homme aux cheveux longs et au crâne dégarni en première page est Beck. Les célèbres soeurs Plaster Caster apparaissent dans la même case, cherchant sans doute des pénis à mouler. Lorsque Ruthie jette finalement Beck hors de leur appartement, on peut voir dans les débris un exemplaire du Portnoy et son complexe de Philip Roth.

? « Astrology » (décembre 1969).

Annie s'intéresse à l'astrologie tout comme ses amis qui se passionnent pour les prédictions de leur propre signe. Le livre ouvert sur les « Poissons heureux » montre Adolf Hitler. Le message sur le dos de la veste que Ruthie tend à son cousin nouvellement défloré est une allusion à un film suédois de 1967, I Am Curious, Yellow, qui a été interdit dans au moins trois Etats pour obscénité.

? « Marijuana » (janvier 1970).

Ralphie a abandonné ses lunettes à la Arthur Miller au profit des montures hippies à la mode et arbore maintenant barbe et cheveux longs. Alors que Ralphie essaie d'expliquer logiquement à Annie que la marijuana n'a pas d'effets secondaires, il est massacré par des policiers trop zélés, la véritable cible de l'épisode. Le hippie suçant son pouce et s'accrochant à sa couverture, porte un sweat-shirt « Dr Spok ». Les ouvrages du pédiatre Benjamin Spok sur l'éducation des enfants ont eu un immense succès dans les années d'après-guerre, et le phénomène hippie a souvent été attribué à ses théories considérées comme trop permissives. Le slogan partiellement caché sur le sweat-shirt de Ralphie, alors qu'il est emmené par la police, dit « Non, nous n'irons pas », leitmotiv des activistes opposés à la guerre du Vietnam. Dans l'avant dernière case, alors que Ralphie est matraqué par la police, sa tête est surmonté d'étoiles, un symbole habituel dans la bande dessinée signalant traditionnellement la douleur. Mais dans cette case ces étoiles ont le style distinctif et les couleurs de l'artiste pop art Peter Max dont la signature et le copyright se devinent au dessus de la bulle.

? « Nude Therapy » (mai 1970).

L'atelier de thérapie par la nudité de Bob Bundle est inspiré des séances de psychothérapie de groupe qu'organise en Californie du sud le psychothérapeute Paul Bindrim. C'est sur la première page de cet épisode que des organes génitaux masculins apparaissent dans Little Annie Fanny pour la première fois. Le groupe qui accueille Annie et Wanda inclut Dick Tracy (avec son badge) et Jiggs, de la série Bringing Up Father. Elder adopte ici un style plus simple et plus rapide en comparaison aux précédentes histoires.

? « Underground Press » (juillet 1970).

Ralphie Towser édite The East Village Mother, inspiré du East Village Other de New York, l'un des nombreux journaux underground à avoir émerger à l'époque. A la fin on retrouve Annie dans une étrange situation sadomasochiste ne correspond pas à sa personnalité, notamment quand elle semble y avoir un rôle actif, souligné par le fouet qu'elle tient dans la main.

? « Women's Lib » (septembre 1970).

Le Mouvement de libération des femmes naissant est un évident sujet de satire, tout comme Playboy est la cible fréquente de la colère des féministes. Annie fait sa première rencontre lesbienne, de façon visiblement non désirée.

? « Unisex » (octobre 1970).

Rudi Gurndeitch est le designer Rudi Gernreich, qui lance l'éphémère mode unisexe de la fin des années 60. C'est également lui qui lance le brièvement populaire monokini. Les esquisses d'Elder punaisées au mur représentant les attributs de la police de la Maison-Blanche sont une référence à Richard Nixon, qui a annoncé de nouveaux uniformes pour les agents chargés de la sécurité.

? « Aphrodisiacs » (décembre 1970).

Le roman explicite de Philip Roth Portnoy et son complexe a été un succès l'année précédente. Dans cette parodie, l'auteur s'appelle Portnoy Alexander et le héros de l'histoire Roth. Les photographies de la même femme envahissant les murs de la deuxième page sont une référence à Sophie, la mère autoritaire de Portnoy dans le roman. Dans le livre, le héros en perpétuelle érection se masturbe avec diverses substances improbables, dont du foie de veau, d'où la chute finale de l'épisode.

? « Hippie Commune » (janvier 1971).

Les temps sont durs. Même le plus puissant des amis d'Annie n'est pas à l'abri. En effet un télégramme sur le mur souligne les difficultés financières de Nounours Grospognon : « très chère Annie, envoie argent, bises, Nounours Grospognon ». C'est la cinquième incursion de Kurtzman et Elder dans les divers aspect de la contre-culture. On retrouve dans les hippies qui accueillent Annie la galerie des personnages de la bande dessinée d'Al Capp : Li'l Abner, Hairless Joe, Lonesome Polecat. Elder y fait une nouvelle démonstration de la facilité avec laquelle il imite le style d'Al Capp.

? « This Exploits Women » (avril 1971).

Le Mouvement de libération des femmes sert une nouvelle fois de cible, cette fois pour ce qui est perçu comme un zèle excessif. Des étiquettes « ceci exploite les femmes » sont effectivement utilisées par les activistes et collées sur de nombreux produits et boutiques. Le célèbre bar McSwoggle dans lequel le groupe d'Annie entre est le McSorley's Old Ale House (depuis 1857) de la Septième Avenue Est à New York. C'est un repère exclusivement masculin durant plus d'un siècle. Popeye et le Shadow apparaissent dans la clientèle du sex-shop. L'affiche « Betty Friedan pour président » est une allusion à cette pionnière du mouvement féministe, auteur de The Feminine Mystique.

? « Burglar Alarms » (juin 1971).

Cette parodie légère critique ostensiblement les cambrioleurs mais traite finalement du voyeurisme de Battbarton.

? « Body Language » (décembre 1971).

Elder donne au professeur N. Counter des traits très proches de ceux de psychothérapeute Bob Bundle. M. Glicht, l'exhibitionniste de la classe de kinésique de Counter, parade devant la féministe Germaine Greer. La femme qui, dans la dernière case, quitte la salle en portant un homme, est la députée Bella Abzug, avec l'un de ses célèbres couvre-chefs.

? « Swingers » (juin 1972).

La naïve Annie croit que les échangistes (swingers) du club de Battbarton s'intéressent à l'ère du swing, d'où les personnalités qui lui viennent à l'esprit : le batteur Gene Krupa, le crooner Frank Sinatra et le clarinettiste Benny Goodman.

? « Violence in America » (septembre 1972).

Cet épisode fait la satire simultanément de la prédominance de la violence en Amérique et du célèbre film French Connection, avec Gene Hackman dans le rôle du détective « Popeye » Doyle, un flic new-yorkais qui démantèle un réseau de trafiquants de drogue. La french connection est un réseau de trafic d'héroïne qui a réellement existé et était basé à Marseille. Ralphie et Annie regarde le chef d'oeuvre ultraviolent de Stanley Kubrick Orange Mécanique. Les détournements d'avion font les grands titres au début des années 70, d'où les scènes visibles à travers le hublot d'Annie. On peut voir aussi Wimpy, l'ami de Popeye, qui mange un de ses hamburgers, tandis que Julia Child, la présentatrice qui popularise la cuisine française à la télévision américaine, fait griller une grenouille.

? « Ralph Raider » (novembre 1972).

Ralph Nader est un très célèbre défenseur des consommateurs. Dans les années 60, son livre Unsafe at Any Speed cause la perte de la Chevrolet Corvair. Le bureau-placard à balais est une référence à son image d'ascète. Ironiquement, Raph Raider décide d'enquêter sur le sexe.

? « Bachelor Pad » (janvier 1973).

Nounours Grospognon réapparaît. La grotte, la chute d'eau qui dévale sur des rochers jusqu'à une piscine, le lit circulaire tournant, les accessoires électroniques, le monitoring en circuit fermé des activités sexuelles définissent le nec plus ultra de l'appartement de célibataire dans les années soixante-dix. Tous sont inspirés de la Playboy Mansion à Chicago.

? « Watchdog » (juin 1973).

Pour la première fois dans cette bande dessinée sophistiquée, le mot « merde » apparaît. Le lubrique Portnoy Alexander, portant maintenant moustache, devient un personnage récurrent. Mais le chien de garde de Portnoy, Gengshi, est la véritable vedette de l'aventure.

? « Bobby Fishey » (août 1973).

Le championnat du monde d'échecs 1972 oppose le Russe Boris Spassky à l'Américain Bobby Fisher, dans la série de matchs la plus médiatisée et la plus lucrative jamais organisée. A l'instar de Ralph Nader, Fisher est le plus improbable des candidats à la séduction. En tant que membre d'une secte fondamentaliste, le véritable Fisher déteste le contact physique, mais comme nous le savons tous, aucun homme dans cette série ne peut résister à Annie.

? « Henry Kissingbug » (novembre 1973).

L'athlète bronzé qui porte cinq médailles et se tient près de Henry « Kissingburg » est le nageur olympique Mark Spitz. Henry Kissinger, le corpulent secrétaire d'Etat de Richard Nixon, peut sembler un Don Juan fort peu probable, mais le pouvoir est souvent considéré comme l'aphrodisiaque ultime. Kissinger est lié par la presse aux actrices Jill St. John, Zsa Zsa Gabor, Marlo Thomas, Judy Brown, Angel Tompkins ainsi qu'à d'autres femmes, comme Barbara Howar et Nancy Maginnes ; et leurs prénoms apparaissent comme des trophées sur le maillot de bain d'Henry. Les photos de Kissinger sur les couvertures des magazines Screen et Movies qu'Annie lit dans l'avion soulignent son aura hollywoodienne. L'équipage d'Air Force One est composé de sosies de John Wayne. Wayne est un Républicain convaincu dans une Hollywood démocrate. Dans la dernière case, Solly mentionne Ron Galella, le plus célèbre et le plus agressif des paparazzi qui pourchasse les célébrités à cette époque.

? « Mafia » (janvier 1974).

Bien qu'Annie a été nue devant nous un nombre incalculable de fois, la première page de cet épisode révèle ses poils pubiens pour la première fois. Cela est en rapport avec la « guerre des poils » et des images de plus en plus explicites qui oppose Playboy et les périodiques concurrents. Le Parrain de Francis Coppola, est à l'évidence la source d'inspiration de cet épisode. Marlon Brandon y fait une petite apparition. Dans cette même case le dialogue et les attitudes des hommes de main sont consciemment empruntés à d'autres films sur la mafia.

? « Freak Rock » (juin 1974).

Kurtzman et Elder reviennent au rock'n'roll, dont la scène est devenue beaucoup plus délirante. Solly Brass, l'agent d'Annie, représente également les Dollies (le groupe de glam androgyne New York Dolls), Iggy Poo (le parodie du punk Iggy Pop) et Alice (le rocker scandaleux Alice Cooper). La phrase de Solly : « est-ce qu'il fait la moue comme Mick ? » fait référence aux lèvres proéminentes de Mick Jagger. L'album d'Alice avec la braguette qui s'ouvre s'inspire de la pochette de l'album Sticky Fingers des Rolling Stones.

? « Singles Apartements » (décembre 1974).

Kurtzman à l'affût de tendances sociales émergentes, s'intéresse ici au célibat. On peut remarquer l'insertion par Elder de Groucho, Harpo et Chico Marx dans le sauna. Dans la case suivante, c'est l'homme de la publicité TV pour Glad qui tient le sac.

? « Acupuncture » (mars 1975).

Annie a besoin d'aide pour un mal de dos. Mais le docteur Feelgood (tenant des amphétamines), le docteur Crankshaft (chiropracteur) et le docteur Yinyang (acupuncteur) sont inefficaces. Si les deux dernières disciplines ont depuis acquis une certaine respectabilité, Kurtzman est à l'évidence sceptique.

? « Saint-Tropez » (mai 1975).

Nounours Grospognon, flanqué pour la première fois depuis très longtemps de La Guêpe et de Shazam, lit une mythique page des bandes dessinées dans le Wall Street Journal quand commence cette brève aventure. En deuxième page, Elder remporte certainement le record du nombre de poitrine sur une page de BD, malgré les standards élevés de cette série en ce domaine. Le tabou des poils pubiens, est mis en mal à six reprises dans la seule dernière case de l'histoire.

? « Ecology » (août 1975).

Les emballages perdus de McDonald's sont brièvement épinglés dans les premières cases, tandis que l'écrivain turgescent Portnoy revient pour sa troisième aventure. L'homme qui l'agresse en première page est le dur hollywoodien Charles Bronson qui, en 1974, joue un tueur de voyous suite à l'agression de sa famille dans Un Justicier dans la ville.

? « The Gay Scene » (janvier 1976).

Dans l'un des épisodes les plus osés de la série, Annie et Wanda se rendent au Contentment Baths, inspiré du Continental Baths de New York. Deux scouts adultes dansent ensemble, plus de vingt ans avant le jugement controversé qui confirme l'exclusion des homosexuels dans l'encadrement de cette organisation. La présence de Batman et Robin est une allusion aux théories du docteur Frederic Wertham qui prétend dans Seduction of Innocent que Batman et Robin sont homosexuels. Bien que l'on aperçoive timidement quelques vagues pénis dans des épisodes précédents, la scène du transsexuel dans les vestiaires offre la première représentation explicite et complète d'un pénis dans la série.

? « Tennis » (août 1976).

Le nom du moniteur de tennis, Lem Averson, est un amalgame des tennismen professionnels australiens Rod Laver et Roy Emerson. L'homme qui s'exclame : « le racket, c'est toute ma vie ! » est l'acteur Edward G. Robinson, un spécialiste dans les années 30 et 40 des rôles de gangsters.

? « Headstone, Part I » (décembre 1976).

Le lubrique Portnoy Alexander invite Annie et Wanda à Headstone, qui s'inspire du Sandstone Ranch, une retraite dans laquelle les vêtements sont optionnels et qui se trouve dans les collines qui surplombent Malibu. L'homme au haut-de-forme de la deuxième page Artie Johnson, l'un des personnages du célèbre programme télévisé humoristique Laugh-In. Des nudistes plantent le drapeau de Headstone dans la pose rendue célèbre par les GI's plantant le drapeau américain à Iwo Jima durant la Seconde Guerre Mondiale.

? « Headstone, Part II » (janvier 1977).

Le petit personnage solitaire et barbu des deux premières pages s'avère être un cheik arabe une fois dans le parking.

? « Disco Music » (avril 1977).

Sur la présomption que cela ne nécessite pas beaucoup de talent, Solly s'arrange pour faire enregistrer un tube disco à Annie. Le nom de Phil Sphincter s'inspire du célèbre producteur Phil Spector.

? « Sex Shop » (août 1977).

Ralphie revient, tenant cette fois un sex-shop, même s'il est à peine reconnaissable avec sa coupe de cheveux et ses vêtements branchés. La tenue aux oreilles de lapin accrochée au mur est un clin d'oeil aux célèbres bunnies de Playboy. L'objet à côté des menottes dans la troisième case de la deuxième page est une ceinture de chasteté. Le slogan publicitaire inscrit sur la poupée gonflable Lana dans la dernière case de l'histoire parodie celui de la compagnie de jouets Mattel. La conclusion impliquant Ralphie et l'homme-poupée Lester est la première référence manifeste à un rapport anal. Et cet épisode marque le dernier grand rôle de Ralphie dans Little Annie Fanny.

? « Muscle Builders Part I » (décembre 1977).

La foule qui admire le culturiste dans la première page de cet épisode comprend le champion de boxe poids lourds Mohammed Ali, ainsi que deux personnages de bande dessinée connus pour leur force, Popeye, bien sur, et Mammy Yokum, la mère de Li'l Abner, capable de battre n'importe quel homme, femme ou bête. Ernest Schpritzwasser est évidemment Arnold Schwarzenegger, qui n'est alors connu que pour son film sur le culturisme Arnold le magnifique (son premier film de fiction, Conan le barbare, n'apparaît sur les écrans que cinq ans plus tard). Danny, qui soulève d'énormes Tinkertoy, est Danny Padilla, Monsieur USA, et le personnage noir de la case suivante, appelé Robbie, est Robby Robinson, Monsieur Monde.

? « Muscle Builders Part II » (janvier 1978).

Le nom « Weidle », lié, tout au long de l'histoire, aux équipements de gymnastique, aux vitamines aux yaourts, est une référence à l'empire économique établi en 1936 par le pionnier du culturisme Joe Weider. Le présentateur sur le podium est le frère de Joe, Ben Weider, président de la Fédération internationale de culturisme. L'homme à la chevelure clairsemée qui amène Annie sur le podium est Oscar State, secrétaire de l'IFCC et pilier des compétitions de culturisme. L'homme du public qui s'exclame « Che temande l'asile ! » s'inspire de l'athlète russe qui passe à l'Ouest durant les jeux olympique de 1976. Schpritzwasser, narcissique, préfère faire l'amour à son propre corps.

? « C.B Radio » (mars 1978).

De nombreux automobilistes communiquent, à cette époque, entre eux via la CB, la radio Citizen Band, dont le van de Wanda est équipé. Un manifestant dans la deuxième case porte une pancarte disant : « Anita Bryant, l'orange est aussi un fruit ». La chanteuse Anita Bryant, baptiste stricte et porte-parole des jus d'orange de Floride, est alors un sujet de controverse, suite à sa croisade contre l'homosexualité. Le camionneur au chapeau de cow-boy est une parodie du personnage de bande dessinée Red Ryder.

? « Van-In » (mai 1978).

Kurtzman s'intéresse ici à la mode des vans personnalisés et au fait que ces véhicules sont principalement des lits sur roues. Les voix qui s'échappent du van Star Wars sont celles de Flash Gordon et de sa chaste compagne, Dale Arden. Le message « Keep On Vanning » sur le chien qui se gratte est lié au slogan « Keep On Truckin' », popularisé dans les années 70 par Robert Crump, il s'agit à l'origine d'un euphémisme du blues rural paillard pour « N'oublions jamais la base ». Lorsque Portnoy propose de fumer un peu, il ne parle pas de cigarette : il y a une pipe à eau dans la case suivante.

? « Jogging » (août 1978).

Les gags visuels d'Elder sont souvent situés dans les détails. Ici parmi les hommes qui suivent Annie qui fait son jogging, le jogger aux pieds ailés est le dieu romain Mercure. Ruthie est étonnamment maternelle à la fin de l'épisode ; sa présence dans la série touche à sa fin.

? « Special Effects » (octobre 1978).

De gauche à droite dans la première case : R2D2 de Star Wars, un Oscar à taille humaine, un guerrier d'élite et C-3PO de Star Wars, l'homme en fer blanc du Magicien d'Oz, l'acteur Lee Majors de la série TV L'Homme qui valait trois milliards, et le principal méchant de Star Wars Dark Vador. L'actrice et sex-symbol Farrah Fawcett-Majors, son épouse à l'époque, décore le col roulé de Lee Majors. Le film en tournage Rencontre du troisième mâle est évidemment Rencontre du troisième type. Mr Spok de Star Trek pelote une extraterrestre bleue dans la salle des hologrammes.

? « The Ski Lodge » (janvier 1979).

Sylvester Stallone, dont le deuxième Rocky sortit en 1979, joue le rôle de Macho Mitch, roi des pistes, qui rêve de posséder Annie. Mais suite à une nouvelle méprise entre les sexes, il finit par embrasser un homme.

? « Topless Bar » (avril 1979).

Benton Battbarton est de retour, servant cette fois ostensiblement d'espion pour la Commission de moralité de la municipalité. Dans l'avant dernière case de la deuxième page, Elder a ajouté Toulouse-Lautrec, connu pour ces tableaux de femmes de mauvaises vies. Même les impassibles gardes de la reine sont émus par le strip-tease impromptu d'Annie.

? « Frisbee Golf » (août 1979).

La première page, presque entièrement dessinée au trait, représente une entorse surprenante au style habituel de la série. La stratégie de Solly, qui consiste à faire agiter les seins de ces joueuses sexy de son équipe, est mise en échec lorsqu'elles doivent affronter les Gay Frithbeeth. L'homosexualité peu présente au début de la série, devient un thème très utilisé ensuite.

? « Pluto's Retreat » (novembre 1979).

Le Repaire de Pluton de l'hôtel Insomnia de New York est en fait Plato's Retreat, de l'hôtel Ansonia, le plus célèbre club échangiste de l'époque. Parmi les couples étranges qui avancent vers l'entrée du club devant Annie se trouvent la fiancée de Frankenstein et le Bossu de Notre-Dame. Lenny Lovingson, le propriétaire du club Pluton qui mâche son cigare, s'inspire du copropriétaire du club Plato, Larry Levenson. Le personnage de Ralphie semble ici plutôt piteux pour son dernier grand rôle.

? « Studio Fifty-Four-play » (décembre 1979).

Kurtzman et Elder achèvent la décennie dans le Studio 54 de Steve Rubell à New York, une boîte de nuit très sélecte consacrée aux célébrités. La foule attend en vain dehors tandis que seule « la crème » est admise. Parmi ceux qui espèrent être admis à l'intérieur, dans la troisième case, se trouvent Woody Allen, Rintintin, Carol Channing, Artie Johnson, Sophia Loren, Robert Redford et Billy Carter (le frère fort encombrant du président Jimmy Carter). Les célébrités sur la piste de danse sont, entre autres, Richard Nixon, faisant le signe de la victoire, l'acteur Telly Savalas, John Travolta dans sa pose de La fièvre du samedi soir, Andy Warhol danse avec Liza Minelli. L'acide nitreux (le gaz hilarant) est une drogue courante, souvent dispensée à partir de bouteilles pressurisées semblables à celle qui est montrée ici. L'exclamation de l'esquimau est une autre référence à la drogue : la neige est l'un des surnoms de la cocaïne.

? « Dallas Cowgals Cheeleaders » (janvier 1980).

Une équipe de football américain, les Dallas Cowboy (ici les Dallas Cowpunchers) remporte non seulement le championnat, mais affiche également la plus célèbre et la plus sexy équipe de majorettes du sport professionnel. Evidemment Annie en fait partie. L'homme qui se bat pour entrer dans le vestiaire des majorettes est le journaliste sportif Howard Cosell. Ses cris « discrimination sexuelle » sont une référence à l'arrivée alors controversé de femmes journalistes dans les vestiaires des joueurs. La photo signée Burt est une allusion au dépliant central du magazine Cosmopolitan, pour lequel Burt Reynolds a posé nu.

? « Skydiving » (mai 1980).

Macho Mitch devient un personnage récurrent. « Dans le ciel ! C'est un oiseau ! C'est un avion ! » vient du générique de la série télévisée Superman. Le saut à la Mae West, avec deux parachutes, est ainsi nommé en référence à l'ample poitrine de l'actrice.

? « 1980 Democratie National Convention » (août 1980).

Les démocrates se réunissent à New York en août 1980, et choisissent pour candidats les sortants Jimmy Carter et Walter Mondale, qui perdent face à Ronald Reagan et Georges Bush. Les acteurs Robert Redford, Warren Beatty et Paul Newman sont tous des démocrates convaincus.

? « Male Strippers » (janvier 1981).

Les gags visuels de la deuxième page comportent une Mona Lisa édentée, et les deux amies du personnage de bande dessinée Archie, Betty et Veronica, des dollars serrés entre les dents. L'homme avec le tee-shirt « dong show » est Chuck Barries, qui produit et anime le programme télévisé The Gong Show, où les attractions scandaleuses sont de rigueur.

? « Gilley's Club » (avril 1981).

Le film de 1979 Urban Cowboy avec John Travolta et Debra Winger accroît encore la célébrité de Gilley's, qui est considéré par le Guinness des records comme le plus grand night-club du monde. Le copropriétaire et chanteur country Mickey Gilley est caricaturé dans la première case. Les canettes et les bouteilles de bière Gilley's sont effectivement des marques du club. Le panneau annonçant une réunion de la famille J.R Ewing fait référence aux personnages de la série TV Dallas. Annie chevauche El Toro, le taureau mécanique, comme le personnage Winger dans le film. On découvre ensuite que le taureau a des pis, ce qui pourrait être la chute, mais dans un gag d'arrière plan, El Toro s'échappe dans la case suivante et esquive les cow-boys qui le poursuivent au lasso.

? « Computers » (décembre 1981).

HAL 900 est l'ordinateur intelligent du film de Stanley Kubrick 2001 : L'Odyssée de l'espace. M Speek est l'acteur Leonard Nimoy, le M. Spok de Star Trek. L'aspirateur de M Speek est le robot R2D2, de Star Wars.

? « Isolation Tanks » (janvier 1982).

Le docteur John Lilly invente le caisson d'isolation en 1954 pour étudier les effets qu'aurait la privation sensorielle sur les malades mentaux. Lilly est également connu pour ses expériences avec le LSD, et sur la communication avec les dauphins. Des entrepreneurs, comme dans cet épisode Portnoy, font ensuite connaître ces caissons d'isolations - parfois appelés caissons de tranquillité - au grand public. Des célébrités comme John Lennon font installer ces caissons chez eux. Le panneau en case deux est une allusion au film Altered States, qui popularise ces caissons. Esther Williams est une actrice vedette des films de baigneuses. Cet épisode marque la dernière apparition de Portnoy Alexander.

? « Jamaica » (mars 1982).

Macho Mitch revient accompagné de Horst La Barre. Les dents de requin servent effectivement de moyens de paiement dans certains bars de Negri Beach. Et les piqûres d'oursin sont réellement souvent traitées à l'urine.

? « Mud Wrestling » (juin 1982).

Annie pour cet épisode devient catcheuse. Les combats se passent dans la boue. Kurtzman réalise ici un vieux fantasme masculin.

? « Annie's Twentieh Anniversary » (octobre 1982).

Les personnages qui aident Annie à célébrer deux décennies de Playboy remplissent une double page. Les légendes jointes évitent une nouvelle page d'annotations, mais Richard Nixon, Barry Goldwater et nombre d'autres ne sont pas crédités. Olive Oyl s'agrippe à « Popeye » Hackman. Les portraits que dresse Elder de Hefner, Kurtzman, son assistante Sarah Downs, le lettreur Phil Felix et l'éditeur Dave Stevens, ainsi que son autoportrait typiquement délirant, marquent la deuxième apparition de l'équipe de créateurs dans la série.

? « Love Boat » (décembre 1982).

Les couples qui attendent pour embarquer sont constitués de Popeye et Olive Oyl, Tweedle-Dee et Tweedle-dum, Blondie et Dagwood ainsi que le monstre Frankestein et sa fiancée. Le capitaine du navire s'inspire de l'acteur Gavin McLeod, qui joue le capitaine Merrill Stubing dans la série TV La croisière s'amuse.

? « Hot Tubbing » (janvier 1983).

Pour dramatiser la structure luxuriante des séquoias et les décors des adeptes du jacuzzi de la région de San Francisco, Elder compose une double page fort inhabituelle. Le joueur de basket Abdul Abulbul s'inspire de Kareem Abdul-Jabbar. Wanda Homefree a ici son dernier rôle parlant. Avec trente-trois apparitions, elle participe à plus d'épisodes qu'aucun autre personnage secondaire.

? « Loveland » (août 1983).

La carte du parc thématique Loveland de Nounours Grospognon est calquée sur le World's Magic Kingdom de Walt Disney. Tous deux ont des montagnes magiques, une salle des présidents, un fantasyland, un château magique et sont entourés par une voie de chemin de fer. La femme en uniforme qui embrasse Dwight Eisenhower est Kay Sommersby, chauffeur de sa jeep durant la Seconde Guerre Mondiale, avec qui il a une relation. Lyndon Johnson se saisit d'Annie tandis que, ironiquement, John Kennedy reste impassible. Jimmy Carter tient une bible même si il confesse dans une interview de Playboy qu'il a la concupiscence au coeur. Ronald Reagan porte la « star » de leur série B Bedtime for Bonzo, le chimpanzé, qui lui-même tient dans ses mains l'oscar que Reagan n'a jamais remporté. Nounours Grospognon, l'un des piliers de cette bande dessinée, tire sa révérence.

? « Little Annie Fanny's Workout Show » (décembre 1983).

Cet écart de style unique dans l'histoire de la série requiert la participation du lecteur. La première page de l'épisode a été à l'origine imprimé dans Playboy sur du papier plus épais, les trois côtés du poste de télévision y figurant étant prédécoupé. Annie est rejointe dans son exercice d'aérobic par Miss Piggy du Muppet Show, par E.T l'extraterrestre de Steven Spielberg et par Wanda Homefree. L'image de la première page et l'image centrale de la troisième ont été peintes par Elder. Le reste de l'épisode est réalisé, dans un style à l'évidence fort différent, par leur assistante Sarah Downs.

? « Raiders of the Temple of Voom » (janvier 1984).

Le film dans lequel Annie a décroché un rôle est l'amalgame de deux longs métrages de Stevens Spielberg Les aventuriers de l'arche perdue et Indiana Jones et le temple maudit, avec Harrison Ford. Le metteur en scène barbu est Stevens Spielberg. Au milieu des visages monstrueux du mur du temple se trouve celui de Richard Nixon. Cet épisode sera le seul publié par l'année 1984, alors l'année la moins productive de la série.

? « Opera Diva » (janvier 1985).

La diva qui interprète Brünnhilde est inspirée de Monserrat Caballé, une soprano de classe mondiale. Le Signor Patatooti est le célèbre ténor italien Luciano Pavarotti. Le jeu de mot sur la Callas fait référence à la diva Maria Callas. Parmi les visages facilement reconnaissables ajoutés dans le public par Elder se trouvent Harpo Marx et le Fantôme de l'Opéra.

? « Cohan the Barbarian » (septembre 1985).

Depuis sa dernière apparition dans la série Arnold Schwarzenegger est devenu une véritable star de cinéma. Son premier grand succès, Conan le barbare, inspire cette parodie. De même, un ancien des EC Comics, qui a longtemps travaillé sur le « Li'l Abner » de Al Capp et a assisté Elder sur « Annie », Frank Frazetta, est lui aussi devenu un célèbre en tant qu'illustrateur. La case d'ouverture de cet épisode est la parodie que fait Elder de The destroyer, le portrait de Conan réalisé en 1971 par Frazetta.

? « Pro Wrestling » (mai 1986).

L'équipe de catch de la première case est constitué de King Kong, de l'actrice Grace Jones et du très combatif maire de New York, Ed Koch. Les adversaires de la deuxième case sont bien évidemment Adolf Hitler et Dwight Eisenhower. Hunk Hokum est Hulk Hogan qui est longtemps la plus grande star du catch. L'Iron Schmuck agenouillé sur son tapis de prière est le catcheur Iron Sheik. La présence d'Albert Einstein et d'autres membres du public portant des tee-shirts M.I.T., Harvard et Yale est évidemment ironique. L'infirmière qui apporte un pistolet à Iron Schmuck est le docteur Ruth Westheimer, célèbre sexologue de l'époque. C'est le seul épisode de Little Annie Fanny publié en 1986 dans Playboy et la série touche à sa fin.

? « Massage School » (janvier 1987).

Une fois de plus, la satire se tourne vers les médecines alternatives, avec une attitude un peu moins cynique. Cet épisode est notable par son absence de visages reconnaissables à l'exception de celui d'Annie.

? « Aliens » (juin 1987).

Le film de Ridley Scott de 1979, Alien, et la suite de James Cameron de 1986 inspirent cette parodie. Dans cet épisode se trouve la première éjaculation de la série. L'explosion des seins d'Annie sous la pression de monstres affamés, même si il s'agit de faux, est probablement la scène la plus déroutante de toute la série. Dans la dernière case, l'oeuf d'Alien portant l'étiquette Levy, est circoncis.

? « Jim and Tammy » (janvier 1988).

L'empire financier évangélique de Jim et Tammy Bakker est constitué du programme télévisé détaxé PTL (Praise The Lord) et d'un parc à thème chrétien appelé Heritage Village, aux Etats-Unis. La supplique du paragraphe d'introduction est une allusion au télévangéliste rival Oral Roberts, qui a annoncé que si les fidèles n'offrent pas suffisamment d'argent pour le complexe hospitalier qu'il fait construire à Tulsa, « Le Seigneur le rappellerait à lui ». Le panneau « Pass The Loot » est l'interprétation de Kurtzman des initiales PTL. Le magasin de souvenirs vend du maquillage en référence à Tammy Bakker, dont les yeux sont toujours maquillés de façon outrancière. Le boulevard Billy Graham tire son nom du plus connu des évangélistes du XXe siècle. Aimee Semple McPherson est un évangéliste de radio miné par les scandales. Elmer Gantry est le prêtre moralisateur du célèbre roman éponyme de Sinclair Lewis. Les larmes de Bakker sont presque aussi célèbres que le maquillage de sa femme. L'imposition des mains est courante chez les guérisseurs. Annie n'est pas la première femme sur laquelle il « impose » ses mains en dehors des liens du mariage ; la révélation en 1987 de sa liaison avec Jessica Hahn fait les gros titres. Les hommes qui confrontent Bakker sont le révérend Jerry Falwell, un télévangéliste rival qui prend le contrôle de PTL après la chute de Bakker, et Jimmy Swaggart, un autre télévangéliste lui aussi déconsidéré par un scandale sexuel. La niche à 50000 dollars est une allusion au niveau de vie que Jim et Tammy Bakker tiennent avant leur disgrâce. Little Annie Fanny qui a quasiment toujours eu au moins trois pages, voir cinq ou six dans les années 70, tombe à deux pages pour les derniers épisodes.

? « Woodsy Alvin » (septembre 1988).

Ce dernier épisode prend pour cible le metteur en scène Woody Allen. L'homme qui sourit dans la troisième case est Gary Hart, qui perd toute chance d'être candidat à la présidentielle de 1988 lorsque sa liaison avec Donna Rice est rendue publique. L'agent d'Annie, Solly Brass, est le dernier personnage récurrent à faire une apparition. Il est présent dans plus de 27 aventures.

Annexe 4 : Extrait de l'entretien avec Jean Yves Leclercq.

? Comment définiriez-vous une pin-up ?

Une pin-up est un dessin ou une photo représentant une jeune fille susceptible de séduire celui qui la regarde. La demoiselle occupe souvent une grande partie de l'image, est représentée en pied, et a tendance à regarder son spectateur. Ces codes ont été mis en place par Alberto Vargas dans les années 20, bien que des artistes antérieurs avaient commencé à travailler dans cette direction. Les pin-up ont évolué jusqu'à nos jours au gré des moeurs, de la mode et des techniques picturales

? Quelques renseignements biographiques : date de naissance, nationalité...

05-03-1971. Je vis à Liège

? Votre parcours : avez-vous fréquenté des écoles d'art, pris des cours de dessins ?

Pas d'études artistiques complètes. J'ai suivi quelques cours à l'académie de Verviers et à St Luc à Liège en illustration-BD. J'aime beaucoup apprendre par moi-même, ce qui est un avantage quand les techniques évoluent à une vitesse phénoménale.

? Comment en êtes-vous arrivé à dessiner des pin-up ? Quand avez-vous commencé ? Pourquoi ? Quelles sont vos techniques de dessins ? Pourquoi avoir choisi de travailler sur ordinateur ?

J'ai découvert les pin-up dans un livre d'Olivia de Berardinis. Ca a été une révélation, j'ai tout de suite voulu faire la même chose. Je dessinais déjà beaucoup, mais ne connaissais aucune technique de mise en couleurs appropriée. J'avais 17 ou 18 ans. Il m'a fallu plusieurs années avant d'arriver à un résultat satisfaisant à l'aérographe. J'ai ensuite appris à me servir d'un ordinateur et d'une tablette graphique, curieux de découvrir cette nouvelle façon de peindre. La technique que j'ai développé sur photoshop est similaire à une technique mixte pinceau-aérographe. Je ne travaille plus en `réel', les avantages de l'ordinateur sont trop grands. Ceci dit, il ne reste qu'un outil. Il est plus pratique, et non pas plus facile de l'utiliser.

? Travaillez-vous à partir de modèles vivants ou de photographies ? Comment choisissez-vous vos modèles ou vos photographies ? Si vous travaillez avec des modèles, comment se déroule une séance ? Le modèle vous propose-t-elle des poses ou avez-vous déjà une idée précise de ce que vous attendez ?

Mes modèles : Soit je pars de photos personnelles (ma compagne pose pour moi), soit je demande des autorisations pour utiliser des photos de célébrités du strip-tease ou du milieu fétichiste (Masuimi Max, par exemple). Ces photos sont parfois transformées, puis utilisées comme modèles pour un crayonné traditionnel. Le dessin est scanné et mis en couleurs à la tablette graphique. Je choisis mes modèles au hasard des images vues sur le net. Par contre, les photos que j'utilisent correspondent à des critères techniques assez stricts (`codes' de la pin-up, éclairages, pose intéressante, accessoires originaux...). Lorsque je réalise mes propres clichés, ces mêmes critères sont de rigueur.

? Connaissiez-vous les dessinateurs ou dessinatrices de pin-up ? Si oui, lesquels ? Vous ont-ils influencés pour créer vos pin-up ? Si oui, dans quelle mesure ?

Les dessinateurs : des anciens, je retiens Vargas, le précurseur, et Gil Elvgren, mon préféré. Des actuels : Olivia, Sorayama, Royo... Certains dessinateurs de bd comme Barbucci (Sky doll) ont un style moins réaliste, mais leurs posters ou couvertures se rapprochent parfois de l'image de la pin-up avec beaucoup d'originalité.

? Connaissez-vous des dessinateurs ou dessinatrices contemporains des pin-up ? Si oui, lesquels ? Pensez-vous que les pin-up françaises sont différentes des pin-up américaines ?

Le phénomène des pin-up vient de USA. Elles sont culturellement beaucoup plus importantes là-bas que nulle part ailleurs, y compris en France. Il y a deux temps forts dans l'histoire de la pin-up américaine : La Seconde Guerre Mondiale, où elles accompagnent les GIs sur le front dans les magazines US, et les années 50-60, lorsque des artistes comme Elvgren sont au sommet de leur art et créent des images qui représentent un certain aspect du rêve américain. Malgré le génie de dessinateurs comme Aslan, la pin-up française ou de tout autre pays fait figure d'imitation. Une exception peut-être : le Japonais Sorayama, qui a su être tellement virtuose et créatif qu'il a surpassé tous ses contemporains dans un style qui lui est propre.

? De quoi vous inspirez-vous pour mettre en scène vos pin-up ? Avez-vous des références ?

Tous les fantasmes masculins. La peur de la feuille blanche m'est inconnue, tellement le sujet est vaste.

? Par quels moyens créez-vous l'atmosphère érotique de vos dessins ?

Les moyens : pose évocatrice, accessoires, décors et couleurs en accord avec la pose.

? De nombreuses thématiques : infirmière, femme nue sous un tablier, uniforme, femme se masturbant, femme-animal, ainsi que des accessoires : chaussures à talons, miroir, lingerie, noeuds ou des textures de tissu : cuir, latex, soie...reviennent très fréquemment, pourquoi ? Qu'évoquent-elles pour vous ?

D'accord avec tout ce que vous citez, avec un bémol pour la masturbation féminine. J'essaye de ne pas aller trop loin, je préfère l'esthétique du corps à celle du sexe, même s'il m'arrive parfois de déborder... Pour le reste, on en revient aux fantasmes masculins.

? Par rapport aux pin-up des années cinquante, vos pin-up sont plus directe, ont une sexualité plus franche, plus assumée (certaines se masturbent), pourquoi ?

Les pin-up reflètent leur époque. Il est normal que les images actuelles soient plus directes qu'il y a 50 ans.

? Qu'est-ce qui vous plait dans le dessin de pin-up ? Leurs graphismes, leurs courbes ?

Ce qui me plait : J'adore l'esthétique du corps féminin. Allez savoir pourquoi !

? Dans l'interview donnée à Lui en 2002, vous parlez d'un projet de figurines en trois dimensions inspirées de vos pin-up, ont-elles été réalisé ? Ont-elles eu du succès ? Pourquoi ce projet ?

Le projet s'est transformé en prototype, dont j'ai reçu un exemplaire. Puis plus rien...

? Avez-vous bénéficié d'autres articles dans la presse ?

Quelques articles, des illustrations (Playboy), des publications dans divers livres (Taschen, Ballistic Publishing), quelques couvertures de magazines.

? A qui sont destinées vos pin-up ?

Pour moi, et pour tous ceux et celles qui les apprécient.

? Etes-vous publié dans la presse masculine : Lui, Playboy,...  ou dans la presse féminine : Cosmopolitan, Vogue...ou dans la presse homosexuelle ?

Il m'arrive d'être publié dans la presse masculine (Playboy, Lui), Pas dans la presse féminine ni gay jusqu'à présent. Si je devais illustrer un magazine féminin, je travaillerais dans un style très différent.

? Vivez-vous de votre production artistique ? Si oui, depuis combien de temps ?

J'ai vécu deux ans de mes pin-up. A présent, je vis d'illustrations plus rapides à produire et de photos. Je donne aussi cours de retouche photo.

? Etes-vous connu aux Etats-Unis ? Dans quels pays vos pin-up sont -elles les plus appréciées ? Savez-vous pourquoi ?

Connu aux USA ? Uniquement par quelques initiés. Tout le monde a accès à mes dessins via mon site. Je ne saurais dire s'il y a un endroit en particulier où elles plaisent plus qu'ailleurs.

? A votre avis quelles images de la femme renvoient vos pin-up ? Les qualifieriez-vous de féministes ?

Les pin-up sont la représentation de fantasmes masculins. Certaines femmes s'y reconnaissent et les apprécient, mais elles ne peuvent pas être qualifiée d'oeuvres féministes. Il y a un manque de compréhension entre les féministes et les dessinateurs de pin-up, du au fait qu'une pin-up est une image très réductrice de la femme. Pour éviter un trop long débat, je dirais que les pin-up ne sont pas des femmes-objets. Ce sont des objets, qui n'ont pas grand-chose à voir avec de vraies femmes. Alors faisons bien la différence, et ne nous énervons pas...

? Comment positionnez-vous votre travail par rapport aux pin-up classiques (années 40-60) ? Que pensez-vous de ces pin-up là ?

Les pin-up des années 50-60 : Je vais parler d'Elvgren en particulier. Ses pin-up, bien que moins agressives sexuellement que celles d'aujourd'hui, sont tellement adorables qu'on en tomberait à mon avis bien plus vite amoureux que n'importe quelle autre. A côté d'un tel travail, je suis obligé de rester très modeste au sujet de ce que je fais.

Les sources

La principale difficulté, soulignée dans le premier mémoire de Master, a été celle de l'accessibilité aux sources puisque l'art de l'illustration ou de la publicité est considéré aujourd'hui comme un art populaire donc secondaire. Par conséquent, il est difficile aujourd'hui de trouver des pin-up dont l'artiste, la date et le commanditaire soient connus.

Une grande majorité de pin-up des Etats-Unis a été conservée, les artistes étant plus reconnus, à l'inverse des pin-up françaises. De nombreuses recherches aux Etats-Unis ont été menées afin d'offrir aux lecteurs un panorama de ces artistes, de leurs oeuvres. Ces recherches dirigées par Charles Martignette et Louis Meisel ont été éditées par Taschen. Ces ouvrages constituent un corpus iconographique et un premier échantillonnage. Taschen a aussi édité six volumes composés de reproductions de publicités américaines des années vingt aux années quatre-vingts. Lorsque ces dessins ne sont pas signés, il est possible néanmoins de reconnaître la « patte » de l'artiste, chacun ayant un style particulier dans la réalisation, le trait, le choix des couleurs ou des thématiques de mises en scène.

Il semble important de souligner que beaucoup d'affiches, calendriers, cartes, objets publicitaires comportant des pin-up appartiennent aujourd'hui à des collectionneurs privés et constituent un marché lucratif dans le monde des brocanteurs et des antiquaires. C'est aussi en flânant dans les différents marché aux puces, vides-greniers que l'on trouvera peut-être quelques images de pin-up ou objets dérivés, à des prix abordables.

Quelques bibliothèques sur Paris possèdent des fonds iconographiques pouvant éclairer la thématique de notre recherche.

La bibliothèque de Forney possède quelques images de pin-up, que l'on peut consulter. Néanmoins la date, le titre, l'artiste ne sont pas cités. De même il n'est pas notifié de quelles revues ces images ont été tirées. La presse féminine est principalement archivée dans cette bibliothèque.

La bibliothèque Marguerite Durand, quant à elle, met à disposition un dossier d'articles de presse concernant les pin-up. Ces articles sont tirés de la presse française et datent des années soixante-dix et quatre-vingt. Un autre dossier d'articles, tirés également de la presse française de la même époque, ayant pour thématique l'érotisme et la pornographie, est aussi consultable. Pour ce sujet, une majorité d'articles ont une tonalité féministe.

De nombreuses affiches publicitaires françaises sont disponibles également à la bibliothèque du Musée de la Publicité, à Paris.

A la Bibliothèque Nationale Française, il est aussi possible d'examiner de nombreux ouvrages illustrés sur la pornographie et l'érotisme tirés de l'ancien « Enfer »267(*) de celle-ci. Certains ouvrages étant jugés, encore aujourd'hui, trop « obscènes », vous serez donc « invité » à vous rendre dans une salle réservée afin de pouvoir les consulter. Le département Esquisse et Photographie de la BNF possède un fond de photographies érotiques ainsi que de nombreux calendriers. Quelques publicités sont disponibles sous forme de microfilms.

Enfin, la bibliothèque Sainte Geneviève a archivé un certain nombre de pulps. De nombreuses pin-up apparaissent en illustration de la première de couverture.

Le musée de l'Erotisme, à Paris, possède quelques cartes de cigarettes aux dessins et photographies érotiques aussi qu'une collection de photographies érotiques et pornographiques. Quelques films pornographiques du début du XXe siècle sont visibles. Les deux musées de l'Erotisme sur Amsterdam présentent des collections très fournies sur la photographie érotique et pornographique du début du XXe siècle. Les collections de photographies du musée Erotique de Barcelone sont plus axées sur la pornographie.

Les boutiques de ces différents musées proposent de nombreux ouvrages sur ces thèmes. Il est possible par exemple d'acheter au musée de l'Erotisme à Paris des DVD réunissant un certain nombre de films pornographiques des années 30.

On trouve aussi quelques images de pin-up, ouvrages sur ce thème, reproductions de photographies érotiques et recueil de reproductions dans quelques sex-shops parisiens.

La librairie érotique La Musardine, 122 rue du Chemin Vert à Paris, possède un grand nombre d'ouvrages sur la sexualité, de livres d'art, de bandes-dessinées et de comic books.

La presse masculine, et notamment celle érotique ou de charme constitue une des sources première pour les images de pin-up. Ces magazines sont parmi les plus populaires, ont connu et connaissent encore un certain succès. La majorité de ces revues françaises et américaines ont été archivées à la Bibliothèque Nationale Française mais il n'existe pas de collections complètes de ces titres sauf pour les plus connus : Lui, Playboy. Certains numéros ont disparu, parfois ne subsiste aucun numéro pour certaines années. Il ne reste par exemple, que quelques numéros par années voire parfois un numéro pour une année pour les digest français. Le choix des années consultées a donc été tributaire de cette conservation et de cette accessibilité incomplètes. Lorsque ce n'est pas le cas, notamment pour Esquire, Lui, Penthouse, Playboy, le choix des années consultées est arbitraire afin de mesurer une éventuelle évolution de l'image de la pin-up.

La pin-up dans ces grands titres de la presse masculine est présente sous deux formes : dessinée (une ou deux par numéro signée Petty ou Vargas dans Esquire dés 1930, une signée Aslan par numéro dans Lui à partir de la fin 1964 et une de Vargas dans Playboy à partir de 1960 jusqu'en 1976) ou photographiée, devenant aussi playmate ou fille du mois. Les couvertures des girlies magazines : Movie Humor, Film Fun, comportent quant à eux une pin-up signée Peter Driben ou Earl Moran. Les années de la Seconde Guerre Mondiale sont les années les plus riches pour la publication d'images de pin-up dans la presse.

Yank et Parade, deux magazines destinés aux soldats américains et anglais et distribués sur le front, les navires, les camps.... sont des sources importantes. On note une très forte présence d'images de pin-up, un ou deux dessins ou photographies par numéro. Les réactions des hommes et des femmes par rapport à ces mêmes images dans la rubrique : courriers des lecteurs, sont nombreuses. L'analyse cette rubrique permet, dans une certaine mesure, de mesurer l'impact des pin-up.

Photographie.

? Photographies érotiques et pornographiques.

AUBENAS Sylvie, COMAR Philippe, Obscénités, photographies interdites d'Auguste Belloc, Paris, Albin Michel, 2001.

DUPOUY Alexandre, La photographie Erotique, New York, Parkstone Press, 2004.

? L'intention de cet ouvrage est de présenter des images inédites en prenant le soin d'éviter celles, internationalement connues, réalisées par des photographes célèbres qui ont déjà souvent fait l'objet de monographies ou de nombreuses publications. L'auteur résume la situation de la photographie érotique à ses débuts et fait émerger une véritable « Ecole française de la photographie érotique ». Cet ouvrage présente un siècle de photographies de collectionneurs.

DUPOUY Alexandre, Le premier pornographe, photographies clandestines de la fin du XIXe siècle, Paris, Astardé, 2004.

? De très nombreuses photographies accompagnent cette histoire du début de la photographie érotique au XIXe siècle.

DUPOUY Alexandre, Yva Richard, l'âge d'or du fétichisme, Paris, Astardé, 1994.

? L'auteur retrace l'histoire du couple le plus célèbre du monde de la photographie érotique. De nombreuses illustrations accompagnent cette recherche. L'auteur s'intéresse aussi aux débuts des accessoires fétichistes crées par le couple.

JULLIAN Philippe, Le Nu 1900, Paris, A. Barret, 1976.

KOETZLE Michael, A History of Erotic Photography from 1839-1939, Paris, Taschen, 2005.

MERKIN Richard, Velvet Eden, New York, Bell Publishing Compagny, 1979.

NAZARIEFF Serge, Le nu stéréoscope 1850- 1930, Paris, Filipacchi, 1985.

PEARSON YAMASHIRO Jennifer, SQUIRES Carol, Peek, Photographs from the Kinsey Institute, New York, Arena Editions, 2000.

OVENDEN Graham, MENDES Peter, Victorian Erotic Photography, Londres, academy Editions, 1973.

? Pin-up, playmates.

BERNARD OF HOLLYWOOD, Pin-up : a step beyond : A portfolio of breathtaking beauties, Hollywood, Bernard of California Publications, 1950.

? Recueil de photographies retraçant la carrière de l'artiste.

BERNARD Susan, Bernard of Hollywood, The Ultimate Pin-up Book, Paris, Taschen, 2002.

GRETCHEN Edgren, Le livre des playmates, Paris, Taschen, 2005.

GRETCHEN Edgren, Playboy 50 ans, Paris, Taschen, 2005.

PETERSON James, Playboy 50 ans de photographies, Paris, Ed. Playboy, 2003.

? Ouvrage compilant 50 ans de photographies de playmates.

Calendrier.

COLMER Michael, Calendar girls, a lavishly illustrated, colourful history spanning six decades, Londres, Sphère Books, 1976.

Calendrier Pirelli, L'intégrale, 1964-2004, Paris, Flammarion, 2004.

? Recueil de 40 ans de photographies pour le célèbre calendrier Pirelli.

GABOR Mark, Calendar girls, Londres, Sphère Book, 1976.

? Compilation et extrait des premiers calendriers de pin-up, notamment ceux édités par la firme Bigelow & Brown et par le magazine Esquire.

Pin-up dessinées.

? Les américaines.

GERADTS Evert, GUTKOWSKI Tatou, Histoire du genre pin-up et de ses dérivés, Paris, Artefact, 1984.

? Ouvrage retraçant brièvement l'histoire de la pin-up, de sa naissance à son déclin. Etude pertinente des différentes mises en scènes dans lesquels sont présentées les pin-up, de leurs accessoires, et de leurs caractéristiques.

HANSON Dian, The history of men's magazines, 5 tomes, Koln, Taschen, 2004.

? L'auteure publie une importante étude de la presse masculine érotique et retrace son histoire à travers cinq volumes. Ces ouvrages sont très riches en illustrations et comportent de très nombreuses informations.

HELLMANN Harald, 1000 pin-up girls, Koln, Taschen, 2002.

? Ouvrage composé principalement d'illustrations, notamment des premières de couvertures des principaux  girlies magazines.

KROLL Eric, The Wonderful world of Bill Ward, Paris, Taschen, 2006.

? Monographie sur un dessinateur un peu particulier de pin-up qui ne travaille qu'au crayon.

MARTIGNETTE Charles, MEISEL Louis, The great american Pin-up, Koln, Taschen, 1996.

? Ouvrage présentant les différents artistes américains de pin-up avec des renseignements biographiques et de très nombreuses reproductions de leurs travaux.

MARTIGNETTE Charles, MEISEL Louis, Gil Elvgren, all his glamorous american pin-up, Koln, Taschen, 1999.

? Ouvrage composé de reproduction des dessins de Gil Elvgren, artiste américain, retraçant sa carrière.

RIEMSCHNEIDER Burhard, The best of american girlie magazine, Koln, Taschen, 1997.

? Ouvrage sur les girlie magazines, avec extraits des pages et de premières de couvertures.

ROBOTHAM Tom, Baby Dolls, les pin-up de Varga, Hong Kong, Ed Hors Collection, 1993.

VARGAS Alberto, Varga, Londres, Plexus, 1978.

? Ouvrage composé d'illustrations de ce dessinateur américain de pin-up, ouvrage également autobiographique.

Nose Art.

ETHELL Jeffrey.L, SIMONSEN Clarence, De 1914 à nos jours histoire de la peinture de guerre, Paris, MDM, 1992.

? Ouvrage de référence sur le Nose Art et ces nombreuses pin-up.

LOGAN Ian, NIELD Henry, Classy chassy, New York, A&W Visual Library, 1977.

? Ouvrage d'illustration sur le Nose Art.

Bande dessinée.

CANIFF Milton, Male Call, L'intégrale 1942-1946, Paris, Toth, 2004.

KURTZMAN Harvey, ELDER Will, Little Annie Fanny, 4 volumes, Paris, Les Editions Hors du Temps, 2001.

Publicité.

HEIMANN Jim, All american ads, 6 volumes, Paris, Taschen, 2005.

? Recueil très varié de publicités du XXe siècle classées par thématique et par décennies.

? Les beautés glamour.

MARTIGNETTE Charles, MEISEL Louis, The great american Pin-up, Koln, Taschen, 1996.

? Ouvrage présentant les différents artistes américains de pin-up et des beautés glamour avec des renseignements biographiques et de très nombreuses reproductions de leurs travaux.

HEIMANN Jim, All american ads, 6 Tomes, Paris, Taschen, 2005.

? Recueil très varié de publicités du XXe siècle classées par thématique. On note une très forte présence de beautés glamour pour les publicités concernant les voitures, les cigarettes et l'alcool.

? Les françaises.

ASLAN, Aslan, Paris, Les Humanoïdes Associés, 1979.

? Ouvrage autobiographique où l'on peut admirer de très nombreux dessins de l'artiste.

ASLAN, Pin-up, Paris, Michel Laffont, 1983.

? L'auteur se penche sur l'art et sa passion pour les pin-up. Ses réflexions et autres commentaires sont accompagnés d'illustrations

WETZ Dominique, Girls, girls, girls, Paris, Vent d'Ouest, 2000.

? Ouvrage sur un dessinateur très contemporain de pin-up.

Bande dessinée.

YANN, BERTHET Philippe, Pin-up, 9 volumes, Paris, Dargaud, (1995-2005).

Publicité.

CHEVREL Claudine, CORNET Béatrice, Grain de beauté, un siècle de beauté par la publicité, Paris, Bibliothèque Forney, 1993.

Femmes Femmes, Centre de l'affiche, Toulouse, 2001

? Catalogue d'exposition regroupent les principaux documents exposés à l'occasion de trois manifestations réalisées au centre de l'affiche. Il est complété par quelques textes qui sont à la fois complémentaire aux graphismes et aux didactiques par les précisions qu'ils apportent.

LELIEUR Anne-Claude, BACHOLET Raymond, Brenot affichiste, Paris, Paris bibliothèque éditions, 1996.

? Ouvrage biographique sur le plus connu des dessinateurs français de pin-up, retraçant sa carrière professionnelle. Illustrations et reproductions des différentes affiches publicitaires de Brenot

Sites internet

http://thepinupfiles.com

http://pinupglamour.com

htpp://users.swing.be/JYL

Presse masculine

Esquire : mensuel. Créé par Arnold Gingrich. Edition de Chicago. Esquire Pub.Co.

Début de l'édition : 1933, Fin de l'édition : 1978.

Années consultées 1935, 1939-1940, 1944-1945*, 1949-1978

? Esquire est dans ses premières années d'édition destiné aux classes bourgeoises. Son grand format, son papier glacé, son prix en font un magazine plutôt luxueux. Il se compose d'articles d'actualité, de reportages photographiques, de nouvelles policières ou sentimentales, de textes littéraires des grands écrivains de l'époque, de pages de sport, de photographies glamour, de nombreux dessins humoristiques voir satiriques, et de dessins de pin-up (signée Petty ou Vargas). On y trouve aussi de nombreuses publicités comportant une Petty Girl. A partir de la Seconde Guerre Mondiale, tout en gardant son standing, il devient plus accessible aux couches populaires.

* pour les années 1944 et 1945 la plupart des images de pin-up a disparu.

Man : mensuel. Edition Paris Open.

Années consultées 1978-1980.

Playboy : mensuel. Crée par Hugh Hufner. Edition Chicago. III. HMH Pub.Co.

Début de l'édition : 1953.

Années consultées 1953 à 1957, 1960 à 1971.

? L'éditorial du premier numéro de Playboy donne le ton du magazine : « Nous sommes élitistes mais nous serions ravis de vous aider à vous hisser à notre niveau. Si vous êtes un homme entre 18 et 80 ans, Playboy est fait pour vous. Si vous aimez l'humour, le raffinement et la grivoiserie, Playboy deviendra vite votre favori très spécial. Dans les pages de Playboy vous trouverez des articles, de la fiction, des histoires en images, des dessins humoristiques, de l'humour et des articles de fond provenant de différentes sources d'hier et d'aujourd'hui, pour le plaisir d'une lecture adaptée au goût masculin. Dans la plupart des magazines pour homme l'action se situe à l'extérieur - se tailler un chemin à travers des buissons épineux ou remonter des torrents impétueux. Nous les y suivrons aussi, occasionnellement, mais nous vous prévenons - avec nous elle se passera aussi beaucoup à la maison. Nous aimons préparer des cocktails et un hors d'oeuvre ou deux, mettre une musique d'ambiance sur le phonographe et inviter une amie pour une conversation intime sur Picasso, Nietzsche, le jazz, le sexe... ». Playboy se veut un magazine culturel, en plus de nombreux articles sur les musiciens et les artistes de l'époque : Picasso, Pollock, on trouve aussi des textes littéraires de Henry Miller, Vladimir Nabokov, Norman Mailer, Ray Bradbury, Philip Roth, John Updire. Playboy publiera aussi les premiers écrits de Jack Kerouac, un des fers de lance des Beatniks ou de Timothy Leary, théoricien du mouvement Hippie. A partir de 1962, apparaît une rubrique « Interviews de gens célèbres », parmi ces nombreux entretiens avec de personnalités, on peut signaler celles de Miles Davis, Malcolm X, Fidel Castro, Jimmy Carter, Snoop Dogg...On note aussi des articles politiques notamment sur Nixon. Vargas y publie ses dernières pin-up. La rubrique « vie moderne » traite de mode, de gastronomie, de voyage et spectacles. Chaque mois, la playmate illustre le poster central : Marylin Monroe dès le numéro du mois de décembre 1953 puis elle figurera sur de nombreuses couvertures. En 1960, le magazine s'exporte, la plupart des pays européens l'adopte comme modèle : Lui pour la France, Playmen pour l'Italie, King pour la Grande Bretagne, Eden pour l'Allemagne. Son seul vrai rival est l'anglais Penthouse. A partir des années 80, le magazine se fera plus cru, les photographies plus explicites et pornographiques, le côté culturel s'efface.

Pin-up Chow-Chow : Edition S.I Edition Chow.

Année consultée 1988.

? Magazine pornographique de quelques pages. On note la présence d'un poster central, du courrier des lecteurs et d'un roman photo érotique ou pornographique.

Men Only : mensuel. London Edition.

Début édition : 1954.

Lui : mensuel. Crée par Daniel Filipacchi. Edition Presse Office. Paris.

Début de l'édition : 1963.

Années consultées 1963-1980, 2002.

? Lui s'inspire énormément de Playboy (même format 20 x 27). On y trouve à peu près les mêmes rubriques. La différence vient du le style, l'humour, et la touche légèrement décadente très vieille Europe. A partir de 1970, Lui se vend proportionnellement mieux en France que Playboy aux Etats-Unis. Il entraîne la disparition d'une autre revue de charme célèbre Paris Hollywood. Aslan y publie de très nombreuses pin-up. En 1972, Daniel Filipacchi signe un accord avec Hugh Hufner afin de franchiser le nom et le contenu de Lui pour le diffuser aux Etats-Unis sous le titre Oui. Malgré de nombreux adeptes, cette publication s'avéra finalement trop européenne pour la plupart des mâles américains. En 1980, Oui est revendu à une édition de titres érotiques de troisième zone.

Penthouse : mensuel. Crée par Bob Guccione.

Début édition : 1965.

Années consultées 1970, 1985-1990, 2004.

? En 1960, Bob Guccione commence par distribuer des magazines érotiques par correspondance. Après avoir découvert Playboy, il imagine un magazine dont les photographies et les textes seraient de la qualité de ceux de Playboy mais en plus réaliste et plus érotiquement provoquant. Il renforce l'effet voyeuriste de ses photographies en mettant par exemple de la vaseline sur l'objectif ou prenant la photo au travers des arbres, branches, fleurs. En 1968, Penthouse est le magazine le plus vendu en Europe. Les G.I au Vietnam affichent leur préférence pour Penthouse au détriment de Playboy. En 1969, Penthouse est lancé sur le marché américain. Le numéro d'avril 1970 fait de cette revue la première à montrer la toison pubienne : la photographie, prise de loin, montre une femme marchand nue sur la plage. Penthouse se définit alors comme le magazine du sexe, de la politique et de la protestation. En 1980, le magazine atteint les 5 millions d'exemplaire. En 1997, une photographie de coït non simulé est publiée. La revue est obligée de déposer bilan au mois de juillet 2003, l'année suivante il est acheté par Marc Bell.

Le sourire : hebdomadaire.

Début édition : 1926.

Année consultée 1927.

Yank, The Army Weekly : hebdomadaire.

Edition New York, Head Quarters Detachement Spécial Service War Dept.

Début édition : 1942. Fin édition : 1945.

Années consultées 1943-1945.

? Ce magazine est composé de reportages photographiques sur la guerre, d'articles relatant les avancées des combats, des pages de sport, de nouvelle, de photographies de charme, dessins de pin-up, jeux et une rubrique courrier des lecteurs.

Documentaires.

MEGATON Olivier, Pin-up obsession, Arte France, 2004..

? Documentaire réalisé par Olivier Megaton en 2004 sur l'histoire de la pin-up, qui

prend parfois le nom de « vamp » ou de « sex-symbol » en tant que représentation idéalisée de la femme de début du siècle à nos jours, laquelle n'a cessé d'évoluer en même temps que la société. Les interviews de spécialistes, de journalistes, de dessinateurs, de réalisateurs, ou de créateurs de jeux vidéo alternent avec des extraits de films, d'archives, des illustrations et des dessins de pin-up. Dans une première partie, le documentaire évoque la naissance de la pin- up en tant que représentation idéalisée de la femme. Des spécialistes parlent de ce phénomène, leurs propos étant illustrés par des extraits de films en noir et blanc, des photos ou dessins de l'époque. Dans une deuxième partie, le documentaire insiste sur la construction de l'image de la pin-up dans l'après guerre et les différents visages qu'elle peut prendre dans le dernier quart du vingtième siècle.

CAMUZAT Jérôme, L'histoire des pin-up girls, Flash Film, 2002 .

? Ce documentaire, construit à partir de l'ouvrage de Bertrant Mary, retrace l'histoire des pin-up. Il offre de très nombreux extrait de films, de chansons sur ce thème.

Films.

COPPOLA Francis, Apocalypse Now, 1979.

HUMBERSTONE Bruce, Pin-up Girl, 1944.

? Ce film décrit assez fidèlement le rôle des jeunes filles, pin-up, durant le conflit de la Seconde Guerre Mondiale. L'héroïne, Lorrie, sert dans une cantine pour les hommes servant dans les différents corps de l'armée. Depuis qu'elle a posé dans un magazine militaire, elle reçoit de très nombreuses lettres de soldats à qui elle promet un mariage dès la fin du conflit. Jeune sténographe, elle tombe amoureuse de Tommy, jeune marin, revenu au pays en héros. De peur de le décevoir, elle se fait passer pour une starlette de cabaret, son rêve secret. Le scénario se compose d'une série de quiproquo et de nombreux numéros de danses et de chants façon comédie musicale. Finalement le beau Tommy, après avoir évincé les nombreux fiancés de Lorrie et malgré ses nombreux mensonges, l'épouse. La jeune fille, devient afin jeune starlette de Broadway.

La pin-up, une histoire particulière au coeur de plusieurs histoires.

De nombreux pays semblent avoir préservé un fort patrimoine de représentations collectives, permettant alors de parler d'un imaginaire national. De même, certaines de ces représentations collectives imaginaires sont passées dans le langage courant et définissent les individus. Ainsi le terme pin-up, terme d'origine anglophone signifiant « épingler en haut », entré dans le dictionnaire en 1942, désigne une jolie fille peu vêtue dont on épingle la photographie au mur. Par extension ce terme désigne aussi toute jolie fille au charme sensuel, qui a du sex-appeal, parfois avec une connotation péjorative. La pin-up est à l'origine une représentation féminine que l'on épingle. Aslan, dessinateur français de pin-up, intitule ses dessins de femmes : les filles qu'on épingle. C'est cette caractéristique qui fera acte d'identification. Parce que cette image de femme, dans ses normes, dans sa forme, donne envie de la garder sous l'oeil. C'est par sa plastique, par son graphisme que cette image de femme devient pin-up (Illustrations. 1, 2, 3).

Selon Louis Meisel, la pin-up est le portrait en pied d'une jolie fille, présentant un élément thématique ou évoquant implicitement une histoire. Elle porte généralement une tenue qui révèle ses formes avantageuses, comme un vêtement provoquant et intime, tel que de la lingerie fine. Il arrive que la pin-up soit entièrement nue mais cela reste l'exception268(*).

Pour le magazine Antiquité&Brocante qui consacre un dossier à l'art des pin-up, la pin-up est une fille aguicheuse et légèrement vêtue dont l'image est imprimée sur support papier269(*). La revue Retroviseur, qui consacre elle aussi un dossier aux pin-up, complète cette définition : « la pin-up est une belle fille, sage, disponible, aperçue dans les endroits les plus baroques et dans des poses les plus surréalistes qui soient. En rien, elle n'est une femme fatale, une tigresse, une mangeuse d'homo sapiens [...] Bien au contraire, elle sourit comme par enchantement, faisant montre d'une bonne humeur, contente de son corps et de sa vie. Les hommes, elle leur sourit mais ne les croque pas. La pin-up n'est pas carnivore. Bien au contraire, elle attendrit avec ce côté agneau heureux d'être attaché à son poteau. [...] Formes généreuses, galbe hypertrophié, corps alanguis à la limite de la soumission, la pin-up s'offre270(*)

Esquire, un des premiers magazines à diffuser des pin-up, définit en 1943 ce qu'est une pin-up : « et ceci monsieur, est ce qu'on appelle techniquement une pin-up. La pin-up n'a rien de nouveau, bien que le terme soit une importation anglaise relativement récente. Une pin-up est n'importe quelle image qu'un soldat (mais aussi un marin, de la marine de guerre ou de la marine marchande) souhaite regarder plus d'une fois. Par une étrange coïncidence, l'écrasante majorité de ces images représente des jolies filles, dans des poses qui ne sont pas trop guindées. De telles images peuvent aussi se transformer en valeur d'échange, être troquées, achetées ou pariées dans des parties de dés271(*)

Son sex-appeal, son côté sexy mais aussi rassurant, semblent être alors les éléments primordiaux de la définition de pin-up. Le terme pin-up, qui a l'origine, ne désigne que les images, sert aussi par extension à qualifier certains femmes en chair, qui sont particulièrement érotiques. Comme le souligne Mark Gabor, les pin-up sont alors des créatures de rêves, pulpeuses, émoustillantes et sensuelles. Une femme idéalisée qui nourrit tous les fantasmes masculins : a man's object in a man's world272(*).

De plus, en raison de leur omniprésence et de leur popularité, elles synthétisent et représentent un chapitre riche et significatif de la culture populaire occidentale du XXe siècle. Mais la pin-up est aussi une effigie du corps féminin, destinée principalement aux hommes. Elle est un symbole sexuel, un support de fantasmes. Les approches de ce thème ne peuvent être, en raison de la complexité du phénomène pin-up, qu'interdisciplinaires, impliquant alors un grand nombre de domaines d'approches.

I. Histoire de la culture populaire.

Il est possible d'analyser les pin-up comme un produit culturel, un « objet image ». Aussi futiles et secondaires qu'apparaissent ces images de pin-up, elles possèdent la capacité, en tant que source historique, à révéler de nombreux indices sur l'histoire de la culture populaire. Pour Harry Bros273(*), la popularité de la pin-up correspond à une démocratisation de la patriarchie, pur produit du capitalisme. Elle est liée à l'influence de la publicité sur les médias en raison de l'utilisation du corps des femmes en tant que symbole du capitalisme. Ainsi la naissance de la pin-up est à mettre en parallèle avec la naissance d'une culture de masse et d'une société de consommation. D'où l'importance des recherches et des analyses sur ces deux thématiques.

1.1 Culture de masse.

Les pin-up, par leur incroyable succès (elles sont appréciées par tous sans distinction d'âge, de classe ou de sexe) et la diversité des supports sur lesquels elles apparaissent (presse spécialisée, familiale, érotique, roman, bande dessinée, avions, publicité...), sont à rattacher à la culture populaire et à la culture de masse. Ces dernières peuvent se définir comme une culture non produite par des intellectuels et déversée sur une masse sociale sans distinction apparente de classe ou de longévité.

Directement issu des débats qui ont opposé les intellectuels de l'après-guerre à propos des tensions entre culture d'élite et arts populaires, le mouvement d'étude de la culture de masse prend son essor dès les années cinquante, sous l'impulsion de chercheurs comme Carol Bode et Russel B. Nye. Il s'installe définitivement dans le champ universitaire avec la création du Journal of Popular Culture en 1967 à Bowling Green State University (Ohio) et de la « Popular Culture Association » lancée en 1971 à l'initiative de Ray Bowne274(*) (Bowling Green State University) et Russel Nye (Michigan State University-East Lansing)275(*). La pin-up, par sa capacité à multiplier ses supports, touche alors de nombreux domaines de l'histoire de la culture populaire.

1.1.1 L'art de l'illustration

En tant qu'image et grâce à sa forte présence dans la presse, qu'elle soit familiale ou plus spécialisée, cette figure féminine offre de nombreux indices sur l'histoire de l'art de l'illustration. Mais ce dernier est encore aujourd'hui considéré comme un art secondaire et peu de travaux lui sont consacrés. Un tournant se produit dans les années soixante-dix avec l'ouvrage de Russel Nye276(*) qui se propose de fonder la légitimation universitaire des arts populaires en général.

Le fait que le terme « illustrateur », qui a certes servi à définir de nombreux artistes, soit emprunt de connotations péjoratives, a certainement joué dans la méconnaissance des dessinateurs de pin-up. Pratiquement tous les artistes de pin-up ou de beautés glamour, ont été formés dans les mêmes écoles et au même niveau que leurs confrères des Beaux Arts. Or, encore aujourd'hui, la majorité des créateurs de pin-up et de leurs oeuvres restent ignorées. Néanmoins à partir des années 90, les éditions Taschen principalement, vont éditer de nombreux ouvrages d'art sur les pin-up. Ces ouvrages sont composés d'un important corpus de sources, de reproductions d'originaux, généralement avec la date, le titre, les dimensions et parfois le commanditaire. Ce qui est un apport important puisque cet art des pin-up demeure considéré comme un art secondaire.

L'ouvrage le plus complet, offrant la plus grande compilation d'images et d'informations, est celui de Louis. K Meisel et de Charles. G Martignette, The Great american Pin-up de 1996277(*). Les auteurs ont fait appel à des collections privées et personnelles (Louis Meisel possède une galerie d'art spécialisé sur les pin-up et Charles Martignette les collectionne depuis les années 70), aux familles et aux amis des artistes, aux archives des magazines tels Esquire afin de collecter le maximum d'originaux et de renseignements. Enfants dans les années cinquante aux Etats-Unis, les deux ont grandi au milieu de ces images et aujourd'hui ils pensent « sincèrement que le moment est venu pour l'art glamour et les pin-up de prendre enfin leur juste place dans l'histoire de l'art américain [...] et ne doutent pas qu'ils finiront par être reconnus dans le monde entier comme forme d'art à part entière278(*) ».

D'autres ouvrages s'intéressent plus précisément à un dessinateur précis et offre alors une monographie très complète de l'artiste et de ses oeuvres. Néanmoins le choix de celui-ci est tributaire de sa popularité et de sa reconnaissance en tant que « Grand Artiste des pin-up » qu'il soit américain279(*), français280(*), ou précurseur de l'art pin-up281(*).

1.1.2 Les comic books.

A l'inverse, de nombreux travaux ont été menés, principalement aux Etats-Unis, sur les comic books et cette thématique est devenue aujourd'hui un sujet de recherche fructueux282(*). Ces magazines, composé de séries de bandes dessinées, font partie intégrante de la culture populaire, et dès les années 1970, ont été sujets d'expositions283(*), de recherches et dans la foulée les premiers dictionnaires284(*) voient le jour. Parmi les universitaires, ce sont d'abord les sociologues qui ont le plus écrit sur la bande dessinée et les comic books. Mais ils ne les évoquent que pour illustrer leurs propres problématiques.

Dans la lignée de cette évolution, au cours de la première moitié des années soixante-dix paraissent plusieurs ouvrages visant à fonder la légitimité des comic books comme tradition et pratique culturelle. Rédigé dans un esprit universitaire, l'ouvrage de Les Daniels285(*) est le premier à opérer un survol qui permet de parler « du » comic books comme entité culturelle constante se manifestant sous des formes aussi diverses que les super-héros, les récits d'horreur, de guerre et d'amour, les bandes dessinées pour enfants (funny animals) mais aussi celles pour « les adultes » : des Tijuana Bibles* d'avant-guerre aux fascicules underground en passant par l'humour satirique et la critique sociale du scénariste Harvey Kurtzman. Ce dernier genre (la bande dessinée pour adulte) va offrir aux pin-up la possibilité, après son âge d'or, de continuer à exister sous de nouvelles formes. Le livre de Les Daniels pose les bases du discours historiographique sur les comic books, ensuite ou parallèlement complétées par des ouvrages plus spécialisés286(*).

Ces derniers constituent des aides précieuses, notamment lorsqu'ils traitent des héroïnes, pour comprendre l'évolution graphique mais aussi sociale du phénomène pin-up. La production consacrée aux femmes est assez volumineuse. L'ouvrage précurseur de Maurice Horn287(*) procède à un survol de la question mais reste empreint d'un regard très « masculin ». En rupture total avec cet auteur, les travaux Trina Robbins288(*) réévaluent l'histoire de la représentation des femmes dans les comic books et leur participation à la profession dans une perceptive féministe unique parmi les auteurs écrivant sur la bande dessinée.

L'historiographie des comic books illustre une des caractéristiques de la « démocratie culturelle » à l'américaine, où un objet culturel en tant qu'élément incontournable du mode de vie américain, peut se voir reconnaître la légitimité que confère sa simple participation à la construction de l'identité collective nationale, sans pour autant bénéficier de la valeur ajoutée que constitue la reconnaissance d'une position élevée dans la hiérarchie culturelle. Cette remarque s'applique aussi à l'historiographie de la pin-up qui, malgré sa popularité et son omniprésence durant le XXe siècle, son inscription dans le langage courant et sa reconnaissance par tous, ne bénéficie pas ou peu d'études poussées dans le champ universitaire sauf tout récemment289(*). Les premières recherches sur cette imagerie et son histoire ont d'abord été menées par des journalistes290(*). Le titre de certains ouvrages sur ce thème met aussi en évidence ce manque de considération : The pin-up a modest history291(*) et La pin-up ou la fragile indifférence292(*). Ce dernier ouvrage se révèle très complet sur l'évolution de la pin-up. Son auteur, sociologue spécialiste dans l'étude des nouvelles imageries populaires, y souligne le lien entre les pin-up et le cinéma.

1.1.3 Les nouveaux média, cinéma et films d'animation.

Par contre les nouveaux médias comme le cinéma, les dessins animés et la télévision ont été largement étudiés. Ces moyens d'expression se voient reconnaître à grande échelle une autonomie culturelle que reflète l'émergence d'un créneau universitaire distinct, générateur de publications et de revues spécialisées comme les films studies, photographic studies et même television studies.

En effet, les pin-up fleurissent aussi dans les dessins animés, comme nous l'avions souligné l'année dernière au travers de l'héroïne Betty Boop. L'historiographie du dessin animé suit la même évolution que l'historiographie du comic. Les premières recherches datent des années soixante-dix mais c'est véritablement dans les années quatre-vingt-dix que celles-ci connaissent un essor considérable. Certains ouvrages s'attachent à donner une perspective historique293(*), d'autres s'intéressent au début du film d'animation294(*). Des chercheurs se sont aussi penchés sur les maisons de productions295(*), sur les réalisateurs296(*), sur les dessinateurs297(*) ou encore sur des personnages particuliers298(*). De nombreuses recherches sont aussi menées dans une perceptive d'interdisciplinarité299(*). Enfin les derniers travaux300(*) mêlent les dessins animés et période historique particulière. Des auteurs articulent aussi dans leurs analyses301(*) dessins animés, genre et sexualité. Ces premières tentatives sont particulièrement intéressantes et renouvellent évidement l'historiographie du dessin animé en offrant une piste stimulante. Elles sont des aides précieuses qui permettent véritablement de saisir la symbolique que véhiculent les pin-up notamment sur la construction de l'hétérosexualité et sur l'image des femmes.

Du côté du cinéma, les premiers travaux s'attachent d'abord à analyser la fabrication des stars302(*) dès les années cinquante et soixante, puis le système hollywoodien303(*) par différents rendus comme des expositions304(*). Les femmes et l'image des femmes dans ce nouveau médium ont très vite constituées des sujets de recherches riches dès les années cinquante305(*), dans les années soixante-dix306(*) et encore actuellement307(*). Certains auteurs se sont penchés sur des actrices mythiques308(*) ou des sex-symbol309(*) de l'industrie cinématographique. Ces travaux sur le système hollywoodien et la fabrication du mythe du sex-symbol ainsi que ceux traitant des autres figures féminines secondaires310(*) dans le cinéma sont particulièrement intéressants puisque le terme pin-up désigne à la fois des dessins mais aussi des jeunes actrices ou encore des modèles. On notera enfin un ouvrage précurseur311(*) articulant genre et cinéma, ouvrage qui apporte un nouveau regard sur le sujet.

D'autres auteurs associent, dans leurs recherches, culture populaire et femmes312(*). Certaines sont particulièrement enrichissantes313(*) et constituent des aides réelles dans la compréhension du phénomène pin-up et de ses extraordinaires succès et longévité. Mais la culture de masse est aussi à mettre en relation avec la société de consommation, comme le soulignent de nombreux chercheurs314(*).

1.2 La société de consommation.

1.2.1 La publicité.

« La relation que nous établissons avec une image est inséparable du dispositif à travers lequel elle nous parvient c'est-à-dire en tant qu'objet image315(*)». Par conséquent l'étude de la construction d'une image doit s'accompagner d'une étude des conditions et des contraintes concrètes qui entrent dans son processus de création.

Dans son ouvrage La société de consommation316(*), Jean Baudrillard analyse nos sociétés contemporaines y compris celle des Etats-Unis. Ces travaux sont centrés sur le phénomène de la consommation d'objets et de produits. Il montre avec perspicacité comment les grandes corporations technocrates provoquent des désirs irrépressibles, créant des hiérarchies sociales nouvelles qui ont remplacé les anciennes différences de classes. Dans la logique des signes comme dans celles des symboles, les objets ne sont plus tout à fait liés à une fonction ou à un besoin défini. Ces travaux sur la société de consommation le pousse à s'interroger sur la relation entre l'économie et le corps : « ce que nous voulons montrer, c'est que les structures actuelles de la production/consommation induisent chez le sujet une pratique double [...] : celle du corps comme capital, celle du corps comme fétiche317(*). Proposition que rejoint Guy Debord, dans ses écrits et plus particulièrement dans La société du spectacle318(*) : « Le spectacle est le moment où la marchandisation est parvenue à l'occupation totale de la vie sociale319(*) ». Au « moi social » s'ajoute le « moi marchandise ».

Stuart Ewen dans son ouvrage320(*), démontre avec précision le mécanisme de l'autre révolution du XXe siècle : l'avènement de la société de consommation. Il donne à voir successivement les différentes facettes de ce gigantesque dispositif qui permet tout à la fois de fournir des débouchés à l'industrie proliférante, d'instaurer une culture nationale cimentée par l'usage généralisée de nouveaux produits, de détourner aussi les masses laborieuses des luttes sociales, en présentant la consommation comme l'expression naturelle de la démocratie. Encore fallait-il que cette situation socio-économique singulière puisse rencontrer de nouvelles technologies. L'un des mérites de ce livre est de montrer comment la psychologie naissante est arrivée à point nommé pour offrir aux milieux d'affaires américains sa plus brillante application : la publicité fondée sur le principe de séduction dont le corps des femmes en est l'incarnation. Sur la même thématique, on signalera l'autre ouvrage de Jean Baudrillard, De la séduction321(*).

Le premier médium de la société de consommation est évidemment la publicité. Ce type de communication utilise largement l'image de la femme ainsi que son corps comme outil de promotion. Les pin-up en raison de leur graphisme et de leur pouvoir de fascination vont y devenir omniprésentes dans les années cinquante. Les recherches sur ce sujet représentent alors des aides utiles pour comprendre le rôle stratégique que ces figures féminines jouent dans la promotion de ce nouvel ordre social, mais aussi les stéréotypes qu'elles véhiculent. En effet aussi innocente que puisse paraître une image, elle porte toujours en elle la possibilité de faire passer un message. Toute image est constamment habitée par la potentialité de contenir ce qu'elle représente, mais aussi de pouvoir transformer qui la regarde. Les pin-up sont, en effet, des images socialisées dont l'impact est mesurable autant sur les hommes que sur les femmes.

De nombreux auteurs s'intéressent évidemment au rapport entre société de consommation et « commercialisation » des femmes322(*) mais aussi aux différentes images des femmes dans la publicité323(*) ou encore aux stéréotypes qui y sont transmis324(*). Les premières recherches autour de cette thématique sont principalement issues de la sociologie. Le livre de Betty Friedan325(*) est une aide précieuse pour contextualiser la situation et la condition féminine au XXe siècle mais permet surtout de saisir l'enjeu de la pin-up dans la société de consommation. Les pin-up constituent un indice intéressant, notamment lorsqu'elles sont utilisées par les médias, pour mesurer l'impact des images sur les individus. Elles s'inscrivent alors dans les recherches évaluant l'impact de la publicité sur le sentiment que les femmes ont de leur propre corps326(*).

Ces images peuvent être qualifiées de propagande sociologique dans le sens  «  d'un ensemble de manifestations par lequel une société tente d'intégrer en elle le maximum d'individus, d'unifier les comportements selon un modèle327(*) ». Mais aussi elles peuvent être appréhendées en tant que propagande d'intégration et de conformation globalisant l'ensemble des manifestations par lesquelles une société vise à donner des stéréotypes, des modèles. Car il y a véritablement une efficacité symbolique des images : « les images fonctionnent dans un contexte symbolique et rituel précis en dehors duquel elles perdent de leur efficacité »328(*).

1.2.1 Le mythe américain

La pin-up va colporter le mythe « the americain way of life ». En 1950, l'Amérique et les pin-up se trouvent au seuil d'une nouvelle ère pleine de promesse. Non seulement les pin-up sont devenues socialement acceptables, mais sont aussi parfaitement intégrées dans la culture populaire de la nation. En dépit de leur caractère et de leur aspect typiquement américains, les pin-up trouvent également un public hors des frontières. Elles sont pleines de sex-appeal, sans pour autant inciter à la débauche, et toujours pleines de formes et de rondeurs. Cette image symbole de jeunesse, de sécurité et d'abondance, véritable inspiratrice de la société de consommation incarne la voie rédemptrice de la paix et de l'amour. Leurs moues séductrices et leurs poses suggestives suscitent un amusement innocent : le public répond spontanément à l'humour de ces images. Les hautes affiches, présentoirs de toutes dimensions, pancartes de cartons, panneaux métallisés, plaques de porcelaine ou de tôles émaillées, pages publicitaires dans les revues, toutes sont aisément reconnaissables à leurs coloris criards, leurs graphismes accrocheurs et à leurs pin-up qui ne les quittent plus. Les pin-up sont un excellent moyen de promouvoir leurs produits, servant ainsi l'économie capitaliste et la société de consommation en présentant une image pleine de vie, d'espoir, de jeunesse et de beauté. La pin-up symbolise alors le rêve d'une société où tout va bien, les espoirs d'un avenir meilleur fait d'abondance, d'opulence, de vitalité et d'harmonie.

L'ouvrage de Roland Barthes Mythologie329(*), traitant des nouveaux mythes du XXe siècle, devient alors primordial pour comprendre la signification réelle de l'image de la pin-up, de son « système » et de sa symbolique. Pour l'auteur, le départ de cette réflexion était : « le plus souvent un sentiment d'impatience devant le naturel dont la presse, l'art, le sens commun affublent sans cesse une réalité qui, pour être celle dans laquelle nous vivons, n'en est pas moins parfaitement historique : en un mot, je souffrais de voir à tout moment confondues dans le récit de notre actualité, Nature et Histoire, et je voulais ressaisir dans l'exposition décorative de ce-qui-va-de-soi, l'abus idéologique qui, à mon sens, s'y trouve caché330(*) ». Ce n'est pourtant qu'après avoir exploré un certain nombre de faits d'actualité : la publicité, le strip-tease... qu'il tente de définir d'une façon méthodique le mythe contemporain. Ces réflexions autour du mythe et de sa fabrication nous permettent d'analyser la pin-up comme un mode de signification et induisent d'articuler les analyses sur la société de consommation avec celles du corps afin de saisir le phénomène des pin-up dans toute sa complexité.

De nombreux auteurs ont aussi travaillé sur l'imaginaire dont l'historien Jacques Le Goff est l'un des précurseurs sur ce thème. Ces recherches peuvent être utiles pour saisir la mise en place du mythe de la pin-up et l'imaginaire qu'elle véhicule. Elles permettent de comprendre les stéréotypes, l'idée de la répétition automatique à partir d'un modèle antérieur. Car tous les préceptes de normalisation, de standardisation ne font que restaurer de façon ininterrompue des modèles de référence. Selon Jean Jacques Wunenburger, l'imaginaire peut être appréhendé en tant que sphère organisée de représentations où le fond et la forme, les parties et le tout s'entrelacent331(*). L'imaginaire a un contenu (sémantique), des structures, il est doté d'une dynamique créatrice, d'une prégnance symbolique et d'une puissance d'adhésion du sujet. Mais il relève surtout d'une intention, d'une visée de la conscience. L'imaginaire crée des images et a besoin de celles-ci. Il ne peut pas avoir d'imaginaire sans images. L'art, depuis 30000 ans, atteste ainsi chez l'homme d'un besoin de donner corps et prise à un imaginaire visuel et symbolique. L'image nous tient sous sa loi, elle est moins objet que sujet du regard. Elle l'oriente, l'imprègne, le façonne, l'éduque. La représentation peut être appréhendée comme la mise en réserve de la force dans les signes, et par-delà, le dispositif de la représentation exerce alors une certaine emprise.

L'histoire ne se réduit pas alors à des éléments positifs, elle se manifeste également, et peut-être surtout, par la création d'éléments non réels qui relèvent avant tout du rêve et du désir et qui plus que les réalités factuelles, font agir les hommes et les femmes dans le temps. Grâce aux travaux menés par Jean-Claude Schmitt et Jérôme Baschet, désormais, l'historien, en étudiant l'histoire d'une société, peut mettre en valeur non seulement les réalités matérielles, économiques et sociales de cette société, mais aussi ces rêves.

II. Le sexe et le genre : au coeur du questionnement de l'histoire du corps et de la sexualité.

2.1 Une histoire du corps.

Traditionnellement, en tant qu'entité organique située dans le temps et l'espace et donc soumis, comme les autres objets du monde, aux lois physiques et biologiques, le corps a été pensé comme une substance douée d'un certain nombre de propriétés que l'on pouvait étudier d'un point de vue objectif. Ce n'est que plus récemment, que le corps est devenu aussi un sujet des sciences de l'homme et de la société, le regard s'étant progressivement déplacé de l'objectivité du corps biologique à la subjectivité du corps érotique, de l'essentialisme ontologique à l'évolution culturelle et sociale des techniques du corps. D'où, une multiplication d'ouvrages qui ont cherché à redonner un statut différent au corps et une signification autre à sa place dans le monde.

L'histoire du corps s'est construite grâce à des contributions interdisciplinaires. Certains sociologues et anthropologues se sont par exemple penchés sur les usages sociaux du corps et ont cherché à décrire celui-ci comme l'un des produits culturels sociaux propre à chaque société, voire comme l'un des principaux point d'impact de l'acculturation. Certains sémiologues ont décrit le corps comme un signe ou, plus précisément, comme un système de signes. Des historiens lui ont porté une attention en tant qu'objet capable de restituer le coeur des civilisations matérielles. Ces recherches portent plutôt sur le côté culturel et construit du corps, touchant par ce fait au genre.

2.1.1 Le corps façonnable.

Les travaux de Philippe Perrot332(*) s'inscrivent dans cette lignée. Le corps selon sa définition, est un produit social, culturel, historique, il est porteur et producteur de signes, ce qui justifie la pertinence des recherches autour de ce thème. Quelques années plus tard, Alain Corbin dirige trois volumes intitulés : Histoire du corps333(*), qui offrent une vue panoramique très complète sur l'usage social, médical, et culturel de celui-ci. Ces ouvrages notamment les volumes deux et trois, traitant plus particulièrement du XIXe siècle et du XXe siècle, fournissent de très nombreux renseignements sur les permanences et transformations que subit le corps et sur l'évolution du regard que l'on porte sur celui-ci. Ces ouvrages collectifs et presque interdisciplinaires prouvent l'intérêt croissant de l'historiographie française pour ce sujet.

De nombreux travaux ont été menés sur ce propos dans une perceptive de genre. Les recherches autour du corps masculin, pour l'instant, ne semblent pas susciter un intérêt particulier. On notera néanmoins l'ouvrage précurseur de Jean-Yves Le Naour334(*) traitant des souffrances et difficultés corporelles que connaissent les soldats durant la Première Guerre Mondiale. A l'inverse, le corps féminin a été largement étudié dès les années 1980335(*). Ces recherches permettent de comprendre les structures qui sous-tendent les pin-up. Ces analyses sont utiles pour véritablement appréhender, dans toute sa complexité, le phénomène des pin-up en tant que représentation idéalisée du corps féminin. Il faut signaler sur le thème du corps féminin, les recherches de George Vigarello336(*) traitant des canons esthétiques et les normes de beauté qui le régissent ou celles des anglophones Noami Wolf337(*) et Brumberg Joan Jacob338(*). Par sa capacité à s'adapter aux modes corporelles pour répondre aux goûts et aux attentes du public, la pin-up en tant que figure féminine, offre de nombreux indices sur les permanences de certains canons esthétiques mais aussi sur leur évolution. Un ouvrage collectif traite aussi des enjeux qui se nouent autour du corps des jeunes filles tout en mesurant les permanences et transformations que celui-ci connaît à travers l'histoire339(*). Ces recherches autour du statut particulier du corps des jeunes filles ont été amorcées, dans les années 1980, par un autre ouvrage collectif340(*) qui propose, lui aussi, une perceptive transhistorique.

Cet intérêt plus important pour le corps féminin est à mettre en relation avec l'institutionnalisation plus tardive des études portant sur le masculin et les hommes (1980) que celles portant sur le féminin et les femmes, travaux découlant du mouvement féministe des années 1970.

2.1.2 L'éthique du corps.

Des philosophes ont également cherché à clarifier la place du corps dans le monde humain en montrant la présence chez l'individu, à la fois, d'un corps-objet-organique et d'un corps-sujet-intentionnel. Michela Marzano et Maria Parisolo s'interrogent dans leur ouvrage, Penser le corps341(*), sur les définitions du corps comme produit social, culturel, historique mais surtout politique. Leurs réflexions se centrent sur la place que le corps peut aujourd'hui occuper à l'intérieur d'une pensée éthique. Elles rejoignent par cette recherche, les travaux de Michel Bernard342(*) qui s'est intéressé aux différentes approches de notre corps par la philosophie contemporaine.

On signalera aussi la récente publication d'un dictionnaire du corps dirigé par Michela Marzano343(*), ouvrage visant à constituer tout à la fois un outil de travail et de formation mais aussi une oeuvre de référence. Le souci d'interdisciplinarité guide le choix des thèmes traités aussi bien que l'angle sous lequel ils ont été abordés. Dictionnaire thématique, l'ouvrage ne se veut pourtant pas exhaustif. C'est ainsi que le choix des articles a été fait en fonction de l'intérêt que telle ou telle entrée peut constituer pour une compréhension globale du corps, de son statut et de son rapport à la subjectivité. Il ne s'agit pas, pour les auteurs, de reconstituer toute l'histoire du corps et de sa conceptualisation, ni de restituer l'ensemble des paradigmes à travers lesquels le corps a été pensé, mais plutôt de repérer ceux qui sont d'actualité et qui permettent une mise en perceptive de l'objet « corps ».

C'est pourquoi les articles du Dictionnaire ne sont pas tous de la même nature. Certains sont consacrés aux penseurs (philosophes, psychanalystes, anthropologues) qui ont élaboré une conception spécifique du corps humain et de son statut. D'autres portent sur l'étude de notions ou de concepts clés tels que la maladie, la santé, le désir, l'amour, la mort. D'autres encore sont de véritables textes d'auteurs qui, tout en faisant le point sur l'état d'une notion ou d'une question, ont la marge de manoeuvre nécessaire pour inclure une prise de position. Enfin, des articles sont consacrés à des artistes qui ont donné au corps, dans leur oeuvre, une place particulière et originale.

Chaque article est assorti d'une bibliographie sélective, mais internationale, pour donner certes aux lecteurs les références des travaux mentionnés dans l'article, mais aussi pour présenter la littérature critique relative à cette question. Cet ouvrage par sa richesse et par sa pertinence constitue une référence et un outil indispensable pour les recherches sur ce thème.

2.1.3 L'anatomie du corps.

Mais le corps est un objet particulier et ambigu. Le travail historique sur le corps et la construction sociale du sexe devient une piste féconde, permettant de penser autrement la sexualité. Thomas Laqueur344(*), dans un ancien livre désormais célèbre, explique le passage à partir du XVIIIe siècle d'un modèle anatomique ancien unisexe, à un modèle moderne à deux sexes qui fonde la différence sur la nature. Dans son sillage, des travaux français déconstruisent « l'invention du naturel » par les sciences depuis deux siècles et tentent de décrire l'histoire de la dissociation entre sexe et genre345(*). Cette réflexion traverse désormais l'histoire des sciences. De nombreux historiens analysent les impacts et les limites des discours scientifiques et médicaux sur le corps et la sexualité en Europe occidentale et en Amérique du Nord.

Aujourd'hui, la majorité des débats autour du corps semblent pris à l'intérieur d'une impasse : d'un côté le corps est analysé comme matière façonnable, de l'autre il est identifié au destin et à la fatalité. Sa matérialité est le thème de nombreuses recherches. En effet, le débat sur la distinction entre sexe (biologique) et genre (social), sur l'utilisation du concept de genre pour rendre compte d'un rapport de domination, et sur la construction-déconstruction du sexe biologique qui s'en est suivi, a amené des positions de plus en plus abstraites de la matérialité des corps. Le statut et la place du corps dans le jeu à deux du sexe et du genre se révèlent problématiques. Une journée d'études « Entre sexe et genre, où est le corps ? », a été organisé le 17 novembre 2004 par le CEDREF / Université Paris 7-Denis Diderot afin de réfléchir sur ces nouvelles problématiques. A partir de ce séminaire, un ouvrage346(*) réunissant les différentes réflexions et textes, a été publié en 2006.

2.2 Une histoire de la sexualité.

Les conditions d'émergence et de développement de l'histoire contemporaine des sexualités révèlent les spécificités de cette historiographie mais aussi ces paradoxes. Il ne faut pas non plus sous-estimer l'idée, longtemps ancrée, que la sexualité est une donnée anhistorique, naturelle et immuable et donc qu'il est inutile de l'étudier en dehors de l'anatomie et de l'éthologie.

2.2.1 Va et vient entre la France et les Etats-Unis.

L'émergence d'une histoire contemporaine des sexualités a été plus lente en France qu'aux Etats-Unis. Il faut attendre la fin des années 1990, quand l'actualité sexuelle devient une actualité politique de première importance (débats autour du PACS, puis controverse sur le harcèlement et la violence sexuelle, la prostitution, la pornographie)347(*), pour que l'histoire de la sexualité prenne vraiment son essor. Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, où la politisation a été plus vive qu'en France dès les années 1970, l'institutionnalisation universitaire des recherches sur les sexualités s'est produite de manière plus rapide et plus efficace348(*). Les gender studies, gay and lesbian studies et autres cultural et queer studies, qui prennent les sexualités soit pour objet central, soit comme une des dimensions du sujet étudié, facilitent l'interdisciplinarité. Plusieurs revues de langue anglaise sont spécialisé dans l'histoire des sexualités : Journal of History of sexuality (1990), GLQ A Journal of Gay and Lesbian Studies (1994), Sexualities (1998), Studies in Gender and Sexuality (2000).

Fait intéressant, les historiens français de l'époque contemporaine (et en particulier les vingtièmistes) ont investi ce champ de recherche bien après les antiquisants, les médiévistes et surtout, les modernismes, alors qu'ils disposent de sources plus abondantes. Ils restent encore aujourd'hui moins productifs que les sociologues, à l'inverse de leurs collègues anglo-américains, qui ont joué un rôle très actif dès le départ, entraînant dans leur sillage les autres sciences humaines349(*).

Les historiens anglophones ont très tôt privilégié la réflexion épistémologique, attentifs aux sens des mots et aux catégories sexuelles (qu'il s'agisse d'interroger les binômes homme/femme ou hétérosexualité/homosexualité, de réfléchir à la signification du genre, à la définition même de l'activité sexuelle, au vocabulaire de l'orientation, de l'identité et des pratiques sexuelles, etc.). Paradoxalement, les différents concepts et théories mis en place par les historiens de la langue anglaise doivent beaucoup à des travaux français. Les anthropologues et les historiennes féministes anglo-américaines des années 1970, qui mettent au point le concept de genre ont lu Simone de Beauvoir et Claude Levis-Strauss, et en retiennent l'opposition entre nature et culture pour distinguer le sexe (biologique) du genre (social)350(*). Il faut cependant attendre la seconde moitié des années 1990 pour que le terme et le concept soient bien implantés en France351(*). De même, le courant « constructionniste », qui a conduit à l'analyse de la construction des catégories sexuelles, est issus de la « boîte à outil » de Michel Foucault352(*). La théorie queer, qui propose une nouvelle lecture des identités et des différences sexuelles, en analysant la performativité du genre, est née des relectures de la philosophie post-structuraliste française dans les Etats-Unis du début des années 1990 et s'inspire également d'une auteure française, Monique Wittig353(*).

2.2.2 Hétérosexualité, homosexualité et autres.

En Amérique du Nord comme au Royaume-Uni, les premières recherches historiques sont directement liées au militantisme féministe et/ou gay et lesbien, et bénéficient de l'effet d'entraînement et des soutiens puissants de mouvements associatifs. En France, les liens entre la recherche historique sur les sexualités et le militantisme sont peut-être moins évidents354(*). L'histoire des sexualités en langue anglaise, c'est d'abord celles des homosexualités, ou plutôt, celle de la construction de la catégorie « homosexualité ». La controverse des années 1980 entre les historiens « essentialistes » et « constructionnistes » a été très vive à ce propos. L'homosexualité est analysé en terme de continuité historique et culturelle par les premiers ou au contraire, en terme de discontinuité historique par les seconds, qui estiment que ce n'est pas la même homosexualité qui traverse l'histoire de manière immuable : il serait donc anachronique de parler d'homosexualité chez les Grecs anciens355(*). L'approche « constructionniste », qui est devenue par la suite dominante en histoire (mais aussi en sociologie et en anthropologie des sexualités), est à l'origine d'une riche historiographie de l'homosexualité (surtout masculine). Par ailleurs, des chercheuses françaises ont entrepris une histoire de l'homosexualité féminine356(*).

Depuis peu, le centre d'intérêt de cette historiographie « constructionniste » s'est déplacé « des marges » vers la « norme », de l'homosexualité vers l'hétérosexualité, à l'image des importants travaux de Jonathan Katz357(*). S'inspirant de la réflexion sur la construction des catégories « homosexuel » ou « lesbienne » qu'il a lui-même menée en parallèle avec d'autres historiens, il décide d'appliquer le même questionnement à la catégorie « hétérosexuelle »358(*). Contrairement à l'historiographie du monde anglo-américain, les études françaises concernent plutôt l'hétérosexualité : c'est la sexualité entre hommes et femmes qui a d'abord été investie dans le cadre de la prostitution, des violences sexuelles et de la lutte pour la libération de la contraception et de l'avortement. A l'inverse ni la catégorie « hétérosexualité » ni la construction de la culture hétérosexuelle ne sont guère interrogées359(*). Le phénomène des pin-up, par bien des aspects, pousse à réfléchir sur la construction et la validation de cette culture hétérosexuelle et la normalisation de celle-ci. En effet durant la Seconde Guerre Mondiale, les images de pin-up vont être distribuées sur les fronts pour calmer les frustrations sexuelles des soldats, limiter les visites aux bordels mais aussi pour lutter contre l'homosexualité latente.

De moins en moins pensé par contraste avec le sexe, le genre s'articule désormais avec la sexualité dans les années 1990. Cet aspect innovant des recherches sur les sexualités concerne aussi les pratiques transgenres et l'analyse des discours sur ces pratiques. Les théories de Judith Butler ont ouvert la voie à de nouvelles subversions des normes hétérosexuelles et à une réflexion sur la « performativité » du genre. Dans la foulée des études queer, les premiers travaux historiques sur la bisexualité360(*) ou la transsexualité361(*) voient le jour.

2.2.3 Sexe, genre et pouvoir.

Prenant la sexualité pour principal centre d'intérêt, les historiens d'études féministes ont d'abord confronté le genre au sexe, dans une opposition entre nature et culture, également au coeur des débats entre « constructionnistes » et « essentialistes ». La généralisation de la question du genre en histoire s'est ensuite traduite par une réflexion sur le pouvoir, particulièrement intense dans le cas des recherches sur les sexualités. En effet, pour les premiers travaux féministes, penser les relations hétérosexuelles, c'est d'abord analyser la domination masculine à l'oeuvre dans le domaine sexuel. Dans les années 1980 et 1990, de violents débats ont alors opposé entre-elles les historiennes anglaises du féminisme au sujet de l'interprétation de la sexologie et de la psychanalyse362(*), ou les chercheuses américaines autour des violences sexuelles, de la prostitution et de la pornographie363(*). Les mécanismes de la domination masculine sont également déjoués à travers des études françaises sur les violences sexuées et sexuelles comme les tontes des femmes à la Libération364(*), les viols perpétrés par les soldats allemands365(*) ou américains366(*) durant les deux guerres mondiales.

De fait, la guerre est un terrain propice pour faire jouer le genre avec les notions de sexualité. Dans la lignée de ces travaux, une synthèse récente sur les deux guerres mondiales prend en compte le genre pour révéler l'autre versant de la domination masculine : leurs frustrations sexuelles et leur peur de perdre leur virilité367(*). Ces recherches sur la construction du masculin, de la virilité en temps de guerre sont particulièrement intéressantes pour saisir le rôle patriotique et de soutien moral des pin-up. D'autres travaux autour de la gestion et du contrôle de la sexualité des soldats par les institutions368(*) permettent de comprendre l'importance stratégique de ces figures féminines et l'impact de celles-ci.

Cette réflexion sur le pouvoir contribue également à repenser la dualité entre sexe naturel et genre culturel aux Etats-Unis. Judith Butler en formule la critique théorique369(*), historiens et anthropologue en fournissent les fondements historiques et culturels, montrant ainsi les limites du débat entre « essentialistes » et « constructionnistes ».

III. La pin-up au centre de nouvelles histoires.

3.1 Erotisme et pornographie.

3.1.1 Du côté de l'histoire.

La confrontation du genre et de la sexualité avec l'amour et le désir constitue une nouvelle piste de recherche stimulante. Par exemple les travaux sur l'impact du roman d'amour, de la presse de coeur permettent d'articuler genre, sentiment amoureux et sexualité370(*). L'impact des films pornographiques sur leur public masculin371(*) ou sur les adolescents372(*) constitue une autre approche intéressante. Mais la pornographie intéresse d'avantage les anthropologues373(*), les sociologues, ou les philosophes374(*) en dépit des premières ouvertures de la part des historiens. Nos pin-up, en tant que représentation érotique du corps féminin, s'inscrivent bel et bien dans cette perceptive. Leur histoire est inhérente à l'histoire de l'érotisme du XXe siècle.

Certains de ces historiens s'attachent principalement à démontrer « l'invention moderne » de la pornographie375(*). Pour eux, ce n'est qu'à partir du XIXe siècle et dans le monde occidental seulement, que la justification publique du contrôle et de la répression de la production, de la diffusion et de la consommation de représentations sexuelles explicites aurait cessé de s'exprimer en termes religieux ou politiques pour commencer à être formulée en termes moraux issus des valeurs bourgeoises. Une histoire dépassionnée de la pornographie au XXe siècle est en train de voir le jour376(*). En effet les premiers travaux sur la pornographie ont d'abord émané de chercheurs féministes377(*). Après avoir démontré que la pornographie a un pouvoir performatif capable de causer un préjudice aux femmes378(*), ils oublient qu'elle n'est pas uniquement une représentation qui donne une vision particulière (et préjudiciable) des femmes et de la féminité, mais aussi une représentation particulière (et préjudiciable) des hommes et de la masculinité. Certains chercheurs se penchent aussi sur le rapport entre la norme sexuelle, la marchandisation des corps et la pornographie379(*).

Par contre les recherches sur l'histoire de l'érotisme sont encore très faibles, malgré quelques tentatives380(*) et l'ouvrage précurseur de Georges Bataille381(*). Néanmoins cette thématique semble être de plus en plus présente dans le champ universitaire382(*). Il faut remarquer aussi le travail très complet de William Maclean383(*) qui articule art populaire et érotisme ou celui de André Durandeau et de Charlyne Vasseur-Fauconnet384(*), offrant un regard interdisciplinaire et historique sur la sexualité, la culture et les mythes. Cet ouvrage se signale aussi par son ouverture interculturelle. En effet, les auteurs ont fait le choix de ne pas se cantonner à l'art érotique de la culture occidentale comme cela est souvent le cas.

3.1.2 Du côté de l'art.

A l'inverse, le champ de l'histoire de l'art s'est vite intéressé à la pornographie et à l'érotisme. De très nombreux ouvrages ou monographies, sur ces thèmes, ont été édités. Ces recherches ont d'abord concerné l'art érotique385(*) avant de s'intéresser à l'art pornographique dans une moindre mesure. Le terme érotique sert à désigner une représentation implicite de la sexualité alors qu'à l'inverse le terme pornographique  désigne une représentation explicite de l'acte sexuel. Nous utiliserons, dans notre recherche, ces deux termes selon cette double définition.

La photographie érotique se révèle également un sujet fructueux, preuve en est les nombreuses monographies386(*) à ce sujet. La pornographie est, elle aussi, matière à édition387(*). Néanmoins la plupart de ces ouvrages sont des compilations d'images et ne bénéficient pas de commentaires ou d'analyses pertinentes incluant les normes, le genre ou les rapports de domination. A l'inverse, ils sont des aides précieuses pour saisir les références et les influences des artistes de pin-up ; en effet Bertrand Mary388(*) souligne l'importance des premières photographies érotiques dans la création de la pin-up.

Force est de constater que les premières décennies de la photographie érotique sont essentiellement françaises. La principale raison en est que la naissance de la photographie a lieu en France où des recherches sur des nouveaux procédés de reproduction iconographique sont en cours depuis le XVIIIe siècle. Ensuite, la France bénéficie au XIXe siècle d'un libéralisme plus développé qu'ailleurs. L'Italie, l'Espagne, les Etats-Unis, l'Allemagne importent des images licencieuses françaises, leur propre production étant plus marginale car plus sévèrement réprimée.

Concernant le premier siècle de l'histoire de la photographie érotique (1839-1939), toutes les collections internationales, anciennes ou contemporaines, sont composées en grande majorité d'images françaises. Lorsque les anglais Graham Ovenden et Peter Mendes, intitulent leur ouvrage Victorian Erotic Photography389(*), il s'agit en fait essentiellement d'oeuvres d'origine parisienne des photographes Belloc ou Durieu. Lorsque l'américain Richard Merkin, professeur à Rhode Island School of Design de New York, présente sa collection dans l'ouvrage Velvet Eden390(*), la majorité des images sont françaises. Les premières images américaines qu'il a selectionnées datent de 1920 et sont issues de la presse masculine. Le constat reste le même pour de prolifiques collections telles que celles de Uwe Scheid, du Kinsey Institute391(*), ou encore françaises, tant au niveau institutionnel (le Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale de France) que des collections privées.

Selon Alexandre Dupouy, un des premiers ouvrages de référence dans le domaine de la photographie érotique, Die Erotik in der photographie (trois volumes publiées par une demi-douzaine d'éminents docteurs en 1931 à Vienne) rassemblant ce qui se fait de mieux dans les collections allemandes et autrichiennes de l'époque et comportant plusieurs centaines de reproductions, laisse la part belle à la production française pour la période précédent la Première Guerre Mondiale392(*).

Cependant, ces travaux sur l'art érotique ne mettent guère en avant la prédominance du regard masculin dans celui-ci. Les recherches menées par Linda Nochlin sont primordiales sur cette thématique. En 1989 paraît aux Etats Unis son ouvrage : Femmes, art et pouvoir et autres essais393(*). Cet ouvrage composé d'essais écrits entre 1970 et 1988, s'inscrit dans la lignée des Gender Studies. Certains de ces essais ont été publié dans différents bulletins artistiques ou revues spécialisées : Art News, Arts Magazine, Art Bulletin, Art in America, d'autres sont des actes de colloques ou de conférences. Lorsque l'auteure entreprend d'écrire en 1970 son essai : « pourquoi n'y a-t-il pas eu de grands artistes femmes ? » l'histoire de l'art féministe reste à inventer. Elle-même le souligne dans son introduction « il fallait la construire, comme toute forme de discours historique. Et pour cela partir en quête d'un matériel nouveau, mettre en place une assise théorique, élaborer peu à peu une méthodologie394(*) ». La raison d'être de l'histoire de l'art féministe et son importance comme outil d'analyse réside dans le fait de « poser problème, remettre en question, voler dans les plumes du patriarcat395(*) ».

Grâce au genre, il est possible de rendre visible le processus par lequel l'art produit et reproduit des inégalités de sexe à la fois dans une dimension symbolique et matérielle. Cette pratique doit être pour l'auteure, appliquée avec « toute l'exigence requise car l'histoire de l'art féministe est une pratique transgressive dirigée contre les pouvoirs établis, conçue pour passer au crible les préceptes majeurs de la discipline396(*) ». Il y a véritablement chez elle, une volonté de questionnement et de prendre du recul vis-à-vis de sa discipline. Car les rapports sociaux de sexe étant transversaux à l'ensemble de la société, les hommes et les femmes en sont traversés. On note chez Linda Nochlin une volonté de « rendre visible l'invisible397(*) » grâce à son outil d'analyse. Cependant elle reste très critique aussi vis à vis de son travail car «  une histoire de l'art féministe ne se limite pas à mon sens à une approche positive, au désir de simplement ajouter au canon une liste symbolique de peintres et sculpteurs femmes » mais bel et bien de «  questionner en bloc le dispositif historico-artistique qui s'est employé à les mettre en place [...] de révéler les structures et les opérations élaborées pour marginaliser certaines formes de la production artistiques et en privilégier d'autres398(*). » En examinant des raisonnements intellectuels, en s'interrogeant sur la validité du « problème » des femmes, en établissant quelques-unes des limites de l'histoire de l'art et en s'attachant aux pré requis institutionnels, l'auteure essaie de dégager un paradigme utilisable par d'autres recherches dans d'autres secteurs de ce domaine.

L'autre ouvrage de Linda Nochlin, s'inscrivant dans cette volonté d'histoire de l'art féministe, est intitulé : Les politiques de la vision, Art, société et politique au XIXe siècle399(*) et date lui aussi de 1989. Il s'agit d'un recueil d'essais écrits entre 1968 et 1987 : articles pour des revues et des bulletins d'art ou communications de colloques. Etudiante à l'Institute of Fine Arts de New York où le formalisme constitue l'idéologie dominante, elle travaille sur son mémoire « Courbet et le réalisme ». Elle est alors confrontée au problème du rapport entre le politique et l'art en essayant d'établir un lien entre le style réaliste de Courbet et ses opinions politiques. Pour l'auteure  « l'historien de l'art qui entreprend de débrouiller la question de l'art et du politique doit en premier lieu se pencher sur la politique de l'histoire de l'art400(*) ».

Trop souvent l'histoire de l'art néglige d'interroger le statut de l'histoire elle-même en considérant le discours historique comme une donnée, une sorte de motif créateur ou causal, tout en posant la représentation visuelle comme un résultat ou un phénomène secondaire. L'acte qui consiste à produire l'histoire de l'art implique politiquement l'historien de l'art. Les essais rassemblés dans cet ouvrage soulèvent plusieurs des questions et des problèmes liés à la tentative de penser l'histoire de l'art « autrement ». Ce qui « obligent le/la spécialiste engagé/e à repenser ce qu'il ou elle regarde et comment il ou elle le regarde », à l'observer d'un oeil plus sévère, plus exigeant, plus critique et plus réservé.

Le projet de Linda Nochlin de « penser l'histoire de l'art autrement » s'appuie sur un article de Lisa Tickner. Cette dernière, dans cet article, analyse la relation entre féminisme et histoire de l'art : «  si la production du sens est inséparable de la production du pouvoir, le féminisme (idéologie politique portant sur les rapports de pouvoir) et l'histoire de l'art (ou tout discours producteur de savoir) sont intimement plus liés qu'on ne le croit généralement [...] la recherche féministe n'est pas cet article d'importation étranger, abâtardi ou à un usage intéressé que ses détracteurs vilipendent ; c'est une forme de savoir motivé qui a [...] des questions extrêmement pointues à poser à la discipline dans son ensemble401(*) ». Si la problématique féministe ou de genre apparaît de façon moins évidente dans Les politiques de la vision que dans l'ouvrage précédent, elle n'en est pas moins au coeur de celui-ci puisqu'elle sous-entend les questions sur la sexualité, la place du sujet, la différence et la subordination, toutes inhérentes à la production du sens dans le discours pictural.

Deux ouvrages sur l'art érotique et pornographique s'inscrivent néanmoins dans la problématique de Linda Nochlin : celui de Baque Dominique402(*) sur l'art contemporain et celui Thomas Hess403(*) sur les figures de femmes présentes dans cette forme d'art. Ces recherches pertinentes enrichissent l'histoire de l'art. Il est évident que l'analyse des pin-up et de leur iconographie doit s'inscrire dans cette perspective.

Mais les pin-up appartiennent aussi à l'histoire du fantasme, elles donnent de nombreux indices sur ces thématiques et leur possible normalisation.

3.2 La presse masculine.

3.2.1 Les revues.

La presse masculine constitue le support le plus florissant pour les pin-up. De nombreux auteurs qui ont travaillé sur l'histoire de cette image404(*) et sur son « archéologie »405(*) lient bel et bien celles-ci à la presse masculine.

En 2004, chez Taschen, Dian Hanson publie une importante étude de la presse masculine érotique406(*) au XXe siècle et retrace son histoire à travers six volumes. Ces ouvrages sont très riches en illustrations et comportent de très nombreuses analyses sur ce thème tout en y induisant une perspective historique et internationale. Quelques années plus tard, poursuivant ses recherches cette auteure publie aussi une histoire des girlies magazines407(*) : les girlies magazines sont dans les années quarante et cinquante, des magazines américains pour hommes composés principalement d'images, dessins et photographies de filles. Elle rejoint les recherches sur cette thématique de Burhard Riemschneider408(*). Edité aussi chez Taschen, l'ouvrage de Harald Hellmann intitulé 1000 pin-up Girls 409(*), s'intéresse lui aussi aux girlies magazines et à leur histoire au travers Robert Harrison, créateur et directeur d'un très grand nombre de ces magazines comme Wink, Titter, Eyeful, Flirt. L'auteur retrace l'histoire de ces principales revues et présente une grande variété des premières de couvertures.

Certains auteurs410(*) se sont attachés principalement à analyser l'évolution de la pin-up. En effet, la pin-up met en place l'érotisme de la « fille d'à côté » créant ainsi un nouveau support de fantasme. L'érotisme de la « fille d'à côté » est une des caractéristiques du « système » pin-up. C'est ce même érotisme que souhaite créer Hugh Hefner avec la playmate. Les travaux sur Playboy, un des principaux magazines masculins et peut-être le plus populaire sont alors utiles pour comprendre l'évolution de la pin-up et surtout comment celle-ci est à l'origine du fantasme de la playmate. L'histoire de cette revue est retracée au travers deux livres, celui de James Perterson411(*) et celui de Edgren Gretchen412(*). Ce dernier auteur se penche aussi sur les playmates413(*), les influences de celles-ci et leur évolution. Enfin des recherches ont été mené sur Hugh Hefner, le créateur de Playboy. Cet ouvrage414(*) s'intéresse à la fois à la vie de Hugh Hefner, offrant ainsi une biographie très complète, mais aussi aux autres magazines édités par Playboy et aux autres éléments de l'empire Playboy : les clubs Playboy et les bunnies, les casinos, la fondation Playboy...

3.2.2 La pin-up, un fantasme typiquement masculin ?

Malgré les recherches approfondies de ces auteurs sur la presse masculine érotique, la notion de norme, d'hétérosexualité ou les principes de domination ne sont pas analysés. Les représentations érotiques ou pornographiques ne bénéficient pas, non plus, de cette analyse pertinente qui permet de révéler ce qui sous-tend ces figures. L'ouvrage de Mark Gabor, The pin-up a modest history415(*), est celui qui propose une approche de genre pour analyser l'image de la pin-up. L'auteur retrace comme les auteurs cités précédemment l'histoire et la mise en place de l'image de la pin-up. Il analyse lui aussi la naissance ainsi que la construction de celle-ci. Mais il dépasse cette analyse en proposant de la situer dans une perspective de rapports sociaux de sexe, examinant de ce fait ce processus composé d'un système de signes, de symboles et de pratiques. Pour l'auteur, la pin-up est une image idéalisée des femmes qui nourrit tous les fantasmes masculins. Elle représente tout ce que nous aimons, tout ce que nous voulons aimer ou voudrions aimer. La principale fonction de la pin-up est pour lui une fonction érotique. C'est cette fonction évidente que va étudier plus particulièrement l'auteur.

Il étudie l'impact sur l'apprentissage et la construction de la sexualité masculine. Selon M. Gabor, la pin-up permet d'assurer (et de rassurer) la virilité des hommes plus particulièrement lors de la Seconde Guerre Mondiale. Collectionner les pin-up leurs permet d'éviter de douter de leur sexualité et de leur virilité. Cette conduite se traduit par une exagération de l'attitude virile. Virilité affirmée et prouvée par la domination sur les femmes.

La pin-up serait alors pour M. Gabor, le symbole des femmes aliénées par les hommes, imposant ainsi leurs lois économiques et sociales. Il n'hésite pas à qualifier la de pin-up de concept sexiste. Grâce à un corpus de dessins, esquisses, photographies, l'auteur approfondit aussi l'évolution de cette image et la met en parallèle avec les mutations qui affectent les représentations du corps et de la sexualité.

Ces recherches sur la presse masculine ainsi que celles sur les pin-up permettent de mettre en évidence les permanences et les transformations de l'histoire des fantasmes masculins. Sur cette thématique, l'édition récente des premiers dictionnaires des fantasmes416(*) ou de l'érotisme417(*) peuvent apporter quelques éclairages et enrichir la réflexion. Mais l'histoire de la pin-up en tant que représentation érotique est aussi une histoire de la séduction et de ses accessoires.

3.3 L'histoire des accessoires de séduction.

Certains travaux, très récemment, interrogent le genre et la sexualité sous l'angle du désir et du plaisir, et esquissent une première histoire de la séduction418(*) ou de l'orgasme419(*) par exemple.

L'un des attraits de la pin-up est qu'elle dévoile ses dessous grâce à une instrumentalisation plus ou crédible de la mise en scène. Les principaux chercheurs sur la lingerie ont souvent d'abord étudié la mode avant de se pencher sur ces vêtements intimes. On note une prédominance de travaux sur les sous-vêtements féminins par rapport à celles sur les sous-vêtements masculins. La vocation érotique des dessous féminins a été maintes fois soulignée. Ils dissimulent pour mieux laisser deviner, interdisent pour faire désirer. Les exercices savants ou naïfs de cette rhétorique de la séduction varient d'une époque à une autre, voire d'une classe à une autre. De nombreux travaux ont été menés sur la lingerie420(*) ou son histoire421(*). Certains auteurs articulent histoire de la lingerie et codes esthétiques422(*). En effet la lingerie dompte et embellit le corps selon les normes et les codes en cours (codes esthétiques, érotiques et hygiéniques). Entre les diktats de la séduction et de la santé, l'évolution de la lingerie ne doit rien au hasard. Elle suit l'air du temps comme la longueur des ourlets, et le corps se couvre et se découvre selon une logique implacable. Gilles Néret, dans son ouvrage423(*), souligne la relation entre la lingerie et la séduction. Pour lui, dès ses débuts jusqu'à l'apogée du cinéma et de la publicité, l'histoire des dessous illustre comment, de tout temps, le besoin de se couvrir ou l'envie de se découvrir a été pour les femmes prétexte à mettre en valeur leur féminité et leur pouvoir de séduction.

Les principaux accessoires vestimentaires des pin-up sont des accessoires de séduction usuels : bas, porte-jarretelles, talons, culotte. Leur utilisation systématique les banalise en même temps qu'elle les fait accéder au rang de fétiches. Ces accessoires, plus ou moins utilitaires, sont devenus des attributs emblématiques de la séduction féminine. Ils symbolisent dans notre société la femme érotique et sont, de ce fait, associés à la sexualité en raison de leurs histoires et d'une certaine construction culturelle. De nombreux auteurs se sont penchés sur ces accessoires, leur histoire et leur utilisation. Ces travaux permettent de comprendre comment ils jouent un rôle important dans l'histoire du fantasme et montrent leurs permanences, leurs transformations et peut-être leurs normalisations. Sur les bas, on retiendra l'ouvrage de Paola Lombardi et de Marie-Rosa Schiaffino424(*) et sur le porte-jarretelles celui de Lili Sztajn425(*). William Rossi, quant à lui, s'est attaché à démontrer la vocation érotique des chaussures et notamment des talons hauts. Son ouvrage426(*), particulièrement bien documenté, propose une analyse historique et sociologique sur ce sujet. L'histoire des accessoires érotiques ou de séduction est à mettre en relation avec le fétichisme. Sur ce sujet, l'ouvrage de Paul-Laurent Assoun427(*) est fort utile et permet une meilleur compréhension du pouvoir de ces « auxiliaires », tout comme celui de Lucien Israel428(*).

Dans les recherches menées l'année passée, nous nous sommes attachées à définir avec plus de précision ce qu'est réellement une pin-up. Nous avons pu mettre en valeur les caractéristiques de celle-ci, de son processus de création, de ses nombreuses références artistiques. Cette tentative de définition nous a conduit à nous interroger sur les différentes fonctions de cette image.

En effet d'abord employée pour son attrait érotique, la pin-up fleurit dans la presse afin d'émoustiller le lecteur. Sa massive utilisation lors de la Seconde Guerre Mondiale a permis de fidéliser des milliers d'hommes à cette image. Elles sont présentes comme objet de réconfort et d'encouragement. Au début des années cinquante, les pin-up envahissent la publicité, elles deviennent alors les représentantes d'une nouvelle économie. Les pin-up incarnent dans leur féminité idéalisée une sorte de compromis significatif, dont la rareté fait le prix : modernes car elles répondent aux exigences de la jambe interminable, du ventre sans bourrelet, du sein haut et de la bouche pulpeuse, mais traditionnelles, car elles conservent la générosité de certaines rondeurs, références à la maternité. Mais les années soixante-dix semblent sonner le glas de l'âge d'or de cette image.

Pourtant la pin-up a semble-t-il réussi à renouveler son genre. Parallèlement à ce symbole sexuel, on trouve d'autres représentations érotiques dont les liens avec les pin-up sont visibles. Les recherches menées cette année sur l'histoire de l'érotisme et de la pornographie ont permis d'établir de nombreuses comparaisons avec d'autres dessins ou photographies érotiques, et d'inscrire nos pin-up dans une dynamique artistique et politique. Car selon Philippe Perrot, « produit social, produit culturel, produit historique, porteur et producteur de signes, le corps n'a jamais cessé de changer de sens en changeant d'apparence. Par diverses médiations, chaque société, à chaque époque, le marque, le modèle, le transmute, le fragmente et le recompose, réglant sa définition et ses usages, posant ses normes et ses fonctions, donnant à voir les effets entremêlés d'un ordre économique et d'une condition sociale, d'une vision du monde et d'une division des rôles429(*)

Les réflexions produites par d'autres chercheurs sur le corps nous ont amené à penser cette représentation du corps féminin en relation avec les mécanismes de pouvoir. Mais aussi à s'intéresser aux enjeux dans la production de normes qui se nouent, autour de ce même corps. En articulant ces analyses autour du corps et de la sexualité avec des analyses plus théoriques sur la culture de masse et la société de consommation, nous avons pu mettre en évidence le rôle des pin-up comme agent d'un nouvel ordre social.

Mais les pin-up, par leur incroyable force d'adaptation, sont aussi révélatrices, en tant qu'image érotique, de l'évolution du statut conféré à la sexualité dans une société donnée. Non seulement, elles offrent de nombreux indices sur la construction de la sexualité masculine mais aussi sur la sexualité féminine et sa reconnaissance. En effet, l'histoire de cette représentation du corps féminin nous renseigne sur le processus de sexualisation de ce même corps et sur le contexte de ce processus.

Bibliographie

Sur la construction sociale des sexes.

Ouvrages généraux.

BUTLER Judith, Trouble dans le genre, Paris, La Découverte, 1990.

BUTLER Judith, Défaire le genre, Paris, Edition Amsterdam, 2006.

BOURDIEU Pierre, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998.

DUBY Georges, PERROT Michelle (dir) Histoire des femmes en occident, vol.5 le XXe siècle, Paris, Plon, 1991.

DELPHY Christine, L'ennemi principal, Paris, Ed Syllepse, 2001.

GARDEY Delphine et LOWY Ilana (dir), L'invention du naturel : les sciences et la fabrication du féminin et du masculin Paris, Ed. Des archives contemporaines, 2000.

HERITIER Françoise, Masculin/Féminin, Paris, Odile Jacob, 1996.

LAQUEUR Thomas, La fabrique du sexe, essai sur le corps et le genre en occident, Paris, Gallimard, 1992.

MATHIEU Nicole, L'anatomie politique : Catégorisation et idéologie du sexe, Paris, Côté-Femme, 1991.

NOCHLIN Linda, Femmes, art et pouvoir et autres essais, Marseille, édition Jacqueline Chambon, 1993.

NOCHLIN Linda, Les politiques de la vision, Art, société et politique au XIXe siècle, Marseille, édition Jacqueline Chambon, 1993.

MILLET Kate, La politique du mâle, Evreux, Stock, 1969.

MOSSE Georges Lachman, L'image de l'homme, l'invention de la virilité moderne, Paris, Abbeville, 1997.

Articles,

SCOOT Joan.W, « Genre : une catégorie utile d'analyse historique », Les Cahiers du GRIF, « Le genre de l'histoire », 37-38, printemps 1988, p.125-153.

Sur le corps

Ouvrages généraux.

BERNARD Michel, Le corps, Paris, Seuil, 1995.

BOREL France, Le vêtement incarné, les métamorphoses du corps, Paris, Calmann Levy, 1992.

BRUIT ZAIDMAN Louise, HOUBRE Gabrielle, KLAPISCH-ZUBER Christiane, SCHMITT PANTEL Pauline (dir), Le corps des jeunes filles de l'antiquité à nos jours, Paris, Perrin, 2001.

BRUMBERG Joan Jacob, The body project : an intimate history of american girls, New York, Random House, 1997.

COENEN Marie-Thérèse (dir), Corps de femmes : sexualité et contrôle social, Bruxelles, De Boeck Université, 2002.

CORBIN Alain « et al. », Histoire du corps, De la révolution à la Grande guerre, Tome 2, Paris, Seuil, 2005.

CORBIER Alain « et al. », Histoire du corps, Les mutations du regard, Tome 3, Paris, Seuil, 2005.

GARNIER Catherine (dir), Le corps rassemblé, Ottawa, Ed Agence d'Arc, 1991.

HANQUEZ-MAINCENT Marie-Françoise, Barbie, Poupée Totem, Paris, Editions Autrement, 1998.

KNIBIEHLER Yvonne, BERNOS Marcel, RAVOUX-RALLO Elisabeth, RICHARD Eliane (dir), De la pucelle à la minette : les jeunes filles, de l'âge classique à nos jours, Paris, Temps actuels, 1983.

MARZANO Michela, PARISOT Maria, Penser le corps, Paris, Presses Universitaires de France, 2003.

MARZANO Michela (dir.), Dictionnaire du corps, Paris, Presses Universitaires de France, 2007.

MARZANO Michela, Philosophie du corps, Paris, Puf, 2007.

O'SICKEY Ingeborg Majer, « Barbie Magazine and the Aesthetic Commodification of Girls'Bodies », Fashion, New Brunswick-New Jersey, Rutgers University Press, 1994.

PERROT Philippe, Le corps féminin, le travail des apparences 18ième 19ième, Paris, Seuil, 1984.

PULTZ John, DE MONDENARD Anne, Le corps photographié, Paris, Flammarion, 1995.

ROGERS Marie, Barbie Culture, Londres, Sage, 1999.

ROUCH Hélène, DORLIN Elsa, FOUGEYROLLAS-SCHWEBEL Dominique (dir.), Le corps entre genre et sexe, Paris, L'Harmattan, 2006.

SHORTER Edward, Le corps des femmes, Paris, Seuil, 1984.

VIGARELLO Georges, Histoire de la beauté, le corps et l'art de l'embellir de la renaissance à nos jours, Paris, Seuil, 2004.

WOLF Noami, The beauty myth : how images of beauty are used against women, Londres, Vintage, 1991.

Articles, revues.

« Le corps des femmes », Cahiers du GRIF, Bruxelles, Ed. Complexe, 1992.

DEBOUZY Marianne, « La poupée Barbie », Clio, n° 4, 1996, p 239-255.

Mémoires.

JOLLY Marie-Pierre, Les femmes et la consommation de vêtements à partir des années 50, sous la direction de Michelle Perrot, Paris VII, 1991.

LAURENT Anne, Image explicite et implicite de la femme à travers la presse féminine de 1967 au début 1975, sous la direction d'Antoine Prost, Paris I.

MONTHERBERT Martine, Ethique de l'esthétique : le discours normatif de la presse féminine, sous la direction de C.P Guillebeau, Paris IV, 1986.

? Sexualité.

Ouvrages généraux.

ARCAND Bernard, Le Jaguar et le Tamanoir. Anthropologie de la pornographie, Québec, Boréal/Seuil, 1991.

ALBERONI Francesco, l'érotisme, Paris, Ransay, 1986.

BATAILLE Georges, L'érotisme, Paris, Les Editions de Minuit, 1957.

BERTRAND Claude-Jean, BARON-CARVAIS Annie, Introduction à la pornographie, Paris, La Musardine, 2001.

CASTA ROZAZ Fabienne, Histoire de la sexualité en occident, Paris, Ed La Martinière, 2004.

DADOUN Roger, L'érotisme, Paris, Puf, 2003.

DURANDEAU André, VASSEUR-FAUCONNET Charlyne, Sexualité mythes et culture, Paris, l'Harmattan, 1990.

DUROZOI Gérard, L'érotisme de Bataille, Paris, Hatier, 1977.

FOUCAULT Michel, Histoire de la sexualité, 3 tomes, St Amand, Gallimard, 1976.

HANS Marie-Françoise, LAPOUGE Gilles, Les femmes, la pornographie, l'érotisme, Paris, Seuil, 1978.

HERIL Alain, Dictionnaire des fantasmes érotiques, Paris, Morisset, 1996.

HUNT Lynn, The Invention of Pornography, New York, Zone Books, 1996

KATZ Jonathan, L'invention de l'hétérosexualité, Paris, EPEL, 1996.

KINSEY Alfred, Le comportement sexuel de la femme, Paris, Amiot Dumont, 1954.

KINSEY Alfred, Le comportement sexuel de l'homme, Paris, Amiot Dumont, 1948.

LOVE Brenda B, Dictionnaire des fantasmes, perversions et autres pratiques de l'amour, Paris, Edition Blanche, 2000.

MARZANO Michela, La pornographie ou l'épuisement du désir, Paris, Buchet/Chastel, 2003.

MARZANO Michela, Malaise dans la sexualité, le piège de la pornographie, Paris, J.C Lattès, 2006.

MAYNE Gilles, Pornographie violence obscène, érotisme, Paris, Descartes et Cie, 2001.

PEARSON YAMASHIRO Jennifer, Les vérités du sexe, paris, Marval, 2003.

OGIEN Ruwen, Penser la pornographie, Paris, Presses Universitaires de France, 2003.

TIN Louis-Georges, « Mille ans de culture hétérosexuelle », in IGNASSE Gérard, WELZER-LANG Daniel (dir.), Genre et sexualité, Paris, L'Harmattan, pp.115-119.

RAMSAY Richard, Le dictionnaire érotique, Paris, Ed. Blanche, 2002.

Articles, revues.

« De l'obscène et de la pornographie comme objet d'étude », Cahier d'histoire culturelle, n°5 1999.

« Utopies sexuelles », Clio, 22/2005.

BOZON Michel, LERIDON Henri, « Les constructions sociales de la sexualité », Population, n°5, 1993, p.1173-1196.

« Sexualités occidentales : contribution à l'histoire et à la sociologie de la sexualité », Communication, n° 35, 1982.

? Accessoires de séduction.

Ouvrages généraux.

ASSOUN Paul-Laurent, Le fétichisme, Paris, Puf, 1994.

BERTHERAT Marie, DE HALLEAX Martin, 100 ans de lingerie, Paris, Atlas, 1996.

CHENOUNE Farid, Les dessous de la féminité, un siècle de lingerie, Paris, Assouline, 1998.

LOMBARDI Paola, SCHIAFFINO Marie-Rosa, L'éloge du bas, Paris, 1989.

NERET Gilles, 1000 dessous Histoire de la lingerie, Paris, Taschen, 2003.

ROSSI William, Erotisme du pied et de la chaussure, Paris, Payot, 1976.

ST LAURENT Cécil, Histoire imprévue des dessous féminins, Paris, Herscher, 1986.

SZTAJN Lili, Histoire du porte-jarretelles, Paris, La Sirène, 1992.

? Presse érotique masculine.

Ouvrages généraux.

HANSON Dian, The history of girly magazines, Paris, Taschen, 2006.

HANSON Dian, The history of men's magazines, 5 tomes, Koln, Taschen, 2004.

RIEMSCHNEIDER Burhard, The best of american girlie magazine, Koln, Tashen, 1997.

Monographies.

GRETCHEN Edgren, Playboy 50 ans, Paris, Taschen, 2005.

GRETCHEN Edgren, Le livre des playmates, Paris, Taschen, 2005.

MILLER Russel, L'histoire excessive de Playboy, Paris, Albin Michel, 1987.

PETERSON James, Playboy 50 ans de photographies, Paris, Ed. Playboy, 2003.

?Art et Erotisme.

Ouvrages généraux.

BOUSSEL Patrice, Erotisme et galanterie au XIXe siècle, Paris, Berger-Levrault, 1979.

HILL Charlotte, WALLACE William, Erotica, une anthologie littéraire et artistique, Koln, Tashen, 2001.

HESS Thomas.B, Woman as a Sex objet, Studies in Erotic Arts, 1730-1970, Londres, Allen Lane, 1972.

ISRAEL Lucien, Le désir à l'oeil, Strasbourg, Arcanes, 1994.

MCLEAN William, Contribution à l'étude de l'iconographie de l'érotisme, Paris, Maisonneuve et Larose, 1970.

NERET Gilles, L'érotisme en peinture, Paris, Nathan, 1990.

ZUFFI Stefano, BUSSAGLI Marco, Art & érotisme, Vérone, Citadelles & Mazenod, 2002.

Articles, revues.

« Images et Sens », Recherche féministe, Vol 18, 2/2005, Gremf.

Monographies.

MAC LEAN Jamie, Tom Poulton, Paris, Taschen, 2006.

UNGERER Tomi, Erotoscope, Paris, Taschen, 2003.

? La photographie érotique et pornographique.

Ouvrages généraux.

CHRIST Yvan, BOVIS Marcel, 150 ans de photographie française, avec l'histoire des anciens procédés, Paris, Photo Revue Publications, 1979.

DUPOUY Alexandre, La photographie Erotique, New York, Parkstone Press, 2004.

JULLIAN Philippe, Le Nu 1900, Paris, A. Barret, 1976.

KOETZLE Michael, A History of Erotic Photography from 1839-1939, Paris, Taschen, 2005.

MERKIN Richard, Velvet Eden, New York, Bell Publishing Compagny, 1979.

NAZARIEFF Serge, Le nu stéréoscope 1850- 1930, Paris, Filipacchi, 1985.

OVENDEN Graham, MENDES Peter, Victorian Erotic Photography, Londres, academy Editions, 1973.

ROMI, Le nu, Monaco, Edition du Rocher, 1982.

ROUILLE André, MARBOT Bernard, Le corps et son image, photographies du dix-neuvième siècle, Paris, Contrejour, 1986.

Monographies.

AUBENAS Sylvie, COMAR Philippe, Obscénités, photographies interdites d'Auguste Belloc, Paris, Albin Michel, 2001.

DUPOUY Alexandre, Le premier pornographe, photographies clandestines de la fin du XIXe siècle, Paris, Astardé, 2004.

DUPOUY Alexandre, Yva Richard, l'âge d'or du fétichisme, Paris, Astardé, 1994.

Sur les pin-up.

Ouvrages généraux.

FY Jean-Pierre, JOUBERT Bernard, La pin-up, Paris, Ed Alternative, 1995.

HELLMANN Harald, 1000 pin-up girls, Koln, Taschen, 2002.

MARTIGNETTE Charles, MEISEL Louis, The great american Pin-up, Koln, Taschen, 1996.

MEISEL Louis, Pin-up, Koln, Taschen, 1996.

? Histoire.

BUSZEK Maria Elena, Pin-up Girls : Feminism, Sexuality, Popular Culture, Ed.Duke University Press, 2006.

GABOR Mark, The pin-up a modest history, Londres, Pan Books, 1972.

GERADTS Evert, GUTKOWSKI Tatou, Histoire du genre pin-up et de ses dérivés, Paris, Artefact, 1984.

MARY Bertrand, La pin-up ou la fragile indifférence, Paris, Fayard, 1983.

STEIN Ralph, The pin-up from 1850 to Now, Londres, Hamlyn, 1974.

STERNBERG Jacques, CHAPELOT Pierre, Un siècle de pin-up, Paris, Redécouverte, 1971.

? Calendrier.

COLMER Michael, Calendar girls, a lavishly illustrated, colourful history spanning six decades, Londres, Sphère Books, 1976.

Calendrier Pirelli, L'intégrale, 1964-2004, Paris, Flammarion, 2004.

GABOR Mark, Calendar girls, Londres, Sphere Book, 1976.

? Technique.

BEAUDENON Thierry, Je dessine des pin-up, Paris, Vigot, 2006.

HICKS Roger, Technics of pin-up photography, Secaucus, NJ, Chartweel, 1982.

? Le Nose Art.

ETHELL Jeffrey.L, SIMONSEN Clarence, De 1914 à nos jours, histoire de la peinture de guerre, Paris, MDM, 1992.

LOGAN Ian, NIELD Henry, Classy chassy, New York, A&W Visual Library, 1977.

? Le cinéma, la photographie.

ASSOPARDI Michel, Le temps des vamps 1915-1965, Paris, L'Harmattan, 1997.

BERNARD OF HOLLYWOOD, Pin-up : a step beyond : A portfolio of breathtaking beauties, Hollywood, Bernard of California Publications, 1950.

BERNARD Susan, Bernard of Hollywood, The Ultimate Pin-up Book, Paris, Taschen, 2002.

DOANE Mary Ann, The desire to desire, the women's film of the 1940, Bloomington, Indianapolis, Indiana University Press, 1987.

DUVILLAR Pierre, Pin-up, femmes fatales et ingénues libertines, Paris, Ed du XX siècle, 1951.

HASKELL Molly, la femme à l'écran, de Garbo à Jane Fonda, Paris, Seghers, 1977.

HELLMANN Harald, Betty Page the queen of pin-up, Koln, Taschen, 1993.

KNIGHT Arthur et ALLPERT Hollis, The playboy history of the sex in the cinéma, New York, Playboy, 1966.

MASSON Alain, Hollywood 1927-1941 la propagande par les rêves ou le triomphe du modèle américain, Paris, Ed. Autrement, 1991

ROSEN Margorie, Vénus à la chaîne, Paris, Ed des femmes, 1976.

? La bande dessinée.

CAUVIN, Pin-up, Paris, Horizon, 2004.

Dictionnaire encyclopédique des héros et des auteurs de BD, vol.III, Paris, Glénat, 2000.

HORN Maurice, Women in the Comics, Chelsea House, 1977.

GABILLIET Jean-Paul, Des comics et des hommes, histoire culturelle des comics books aux Etats-Unis, Paris, Edition du temps, 2005.

MOLITERNI Claude, MELLOT Philippe, TURPIN Laurent, DENRI Michel, Encyclopédie de la BD internationale, Paris, Omnibus, 2003.

ROBBINS Trina, The Great Women Superheroes, Kitchen Sink Press, 1996.

ROBBINS Trina, From Girls to Grrrlz ; A History of Women's Comics from Teens to Zines, Chronicle Book, 1999.

ROBBINS Trina, The Great Women Cartoonist, Watson-Guptill, 2001.

Monographies, biographies.

ASLAN, Aslan, Paris, Les Humanoïdes Associés, 1979.

ASLAN, Pin-up, Paris, Michel Laffont, 1983.

KROLL Eric, The Wonderful world of Bill Ward, Paris, Taschen, 2006.

MARTIGNETTE Charles, MEISEL Louis, Gil Elvgren, all his glamorous american pin-up, Koln, Taschen, 1999.

ROBOTHAM Tom, Baby Dolls, les pin-up de Varga, Hong Kong, Ed Hors Collection, 1993.

VARGAS Alberto, Varga, Londres, Plexus, 1978.

WETZ Dominique, Girls, girls, girls, Paris, Vent d'Ouest, 2000.

Thèse.

BOYER Martine, Stratégies du cinéma, entre érotisme et pornographie de la fin des années 50 au début des années 80, Lille, ANRT, 1990.

Documentaires audiovisuels.

CAMUZAT Jérome, L'histoire des pin-up girl, Flash Film, 2002.

MEGATON Olivier, Pin-up, vamps et sex-symbols, Arte France, 2004.

Articles, revues.

BAZIN André, « Entomology of the pin-up girl », What is cinéma ?, Berkeley, University of California Press, 1967, pp.158-162.

DAVONT Erika, GAUMER Patrick, « Pierre Laurent Brenot, la pin-up à la française », Armania, n°2,1995-1996, pp.30-34.

GREER Germaine, « What do we want from male pin-up ? », Nova, Octobre 1973, p.51-55.

GUILLOT Claire, « Les dessous de la pin-up », Le Monde, 4 Août 2006.

HELD Jean-Francis, « Le harem de papa », Le Nouvel Observateur, 20-26 Décembre 1971, p.41.

MANDER Raymond, MITCHERSON Joe, « Pin-up of the past », Saturday Book, n°34, 1974, pp.80-85.

THEVENET Jean-Marc, « Les pin-up, le rêve épinglé », Rétroviseur, hors série n°2 Souvenir Souvenir les années cinquante, p.50-59.

ZONE Lorna, « Le bonheur est dans le trait », Lui, n°21, 2002, pp.46-48.

Sur la publicité.

Ouvrages généraux.

BARTHES Roland, Mythologies, Paris, Seuil, 1957.

BAUDRILLARD Jean, La société de consommation, Paris, Folio Essais, 2000 (1970 1ère édition).

BAUDRILLARD Jean, De la séduction, Paris, Folio Essais, 2000 (1979 1ère édition).

EWEN Stuart, Conscience sous influence, publicité et genèse de la société de consommation, Paris, Aubier Montagne, 1983.

FRIEDAN Betty, La femme mystifiée, Paris, Denoël Gohier, 1963.

HERNE Claude, La définition sociale de la femme à travers la publicité, Paris, l'Harmattan, 1993.

NEUVEL Jean, La commercialisation de la femme ou de l'artifice féminin, Lyon, De Demain, 1987.

SAUVAGEOT Anne, Figures de la publicité, figures du monde, Paris, Puf, 1987.

Catalogues d'expositions, monographies.

Femmes Femmes, Centre de l'affiche, Toulouse, 2001.

CHEVREL Claudine, CORNET Béatrice, Grain de beauté, un siècle de beauté par la publicité, Paris, Bibliothèque Forney, 1993.

HEIMANN Jim, All american ads, 6 volumes, Paris, Taschen, 2005.

Articles, revues.

ARMANGUAU Laurence, « La pub dégrade-t-elle l'image de la femme ? », Culturepub mag, n°4, mai-juin 2001, p 28-33.

Mémoires.

GARROFÉ Mélanie, L'image du corps de la femme. Evolution des codes dans la communication visuelle, sous la direction de Mme Buignet, Université Toulouse Le Mirail, 2002.

CONDE Gladys, LOUBIERES Stéphanie, Paris Match ou l'évolution de l'image de l'homme et de la femme dans la publicité, Université Toulouse Le Mirail.

GOTTI Claire, La publicité : entre rêve et réalité, sous la direction d'Anne Sauvageot, Université Toulouse Le Mirail, 2000.

LEFEBVRE Pascale, La représentation de la femme dans la publicité : imaginaire autour du corps, sous la direction d'Anne Sauvageot, Université Toulouse Le Mirail, 1998.

Glossaire

Bunny : Une bunny est une jeune femme servant dans un Club Playboy. Sa tenue de service : justocorps, queue et oreilles de lapin et noeud papillion est devenue aujourd'hui aussi mythique que le logo de Playboy.

Carte mutoscopique : carte légèrement plus petite que les cartes postales, vendues dans tous les distributeurs automatiques des galeries marchandes.

Comic book : magazine souple composé de plusieurs séries de bandes dessinées. Le premier comic book date de 1933, et très rapidement ces magazines connaissent une popularité importante. D'abord en noir et blanc, il se colorise au fur et à mesure (la couverture, puis une page sur deux ou trois, enfin la bande dessinée entière).

Daguerréotype : premier procédé photographique, mis en point par Louis-Jacques-Mandé Daguerre en 1939. Pour réaliser un daguerréotype, il faut une plaque de cuivre rouge, l'argenter, la nettoyer et la polir minutieusement avec une poudre de pierre ponce. Dans une boite à ioder, la plaque est recouverte d'une mince couche d'iodure d'argent à la lueur d'une bougie ou d'une porte à peine ouverte afin d'éviter toute sensibilisation précoce à la lumière. Puis elle est glissée dans une chambre noire pour être exposée un temps indéterminé défini par la seule intuition de l'artiste, le résultat dépendant de la température, de l'humidité, du temps qu'il fait, du temps d'exposition. Pour révéler l'image, il faut la tenir au dessus d'un réchaud dégageant des émanations de mercure qui se fixent sur les parties exposées. L'opération s'achève en lavant la plaque avec de l'eau salée très chaude. Pour la couleur, des pigments sont collés à sec à l'aide de gommes arabiques liquides. Ce procédé positif à tirage unique est fort coûteux.

Girlies magazines : expression américaine qui désigne l'ensemble des magazines érotiques destinées aux hommes. Ces revues se composent de dessins ou de photographies de femmes dans des poses destinées à émoustiller le lecteur. Synonyme : magazine de charme.

Marines : soldat de l'infanterie de la Marine américaine (Marine Corps) ou anglaise (Marine Force).

Paper Doll : figurines féminines en papier à découper et habiller.

Pulp : magazine de littérature populaire ou roman de format de poche, de papier de qualité inférieure fabriqué à partir de pâte de bois (wood pulp), de différents genres : policier, science-fiction, épouvante. Synonyme : littérature de gare. Existe en Amérique du Nord depuis la seconde moitié du XIXe siècle.

Strip : terme anglophone désignant une bande dessinée de quatre vignettes. La difficultée du strip est qu'il doit être un gag solo d'où l'importance de la chute. Le strip est souvent en noir et blanc.

Tijuana Bible : revues de charmes, bandes dessinées pour adultes de petit format, composées de huit pages, elles sont vendues à 0,1 dollars pièce. Elles sont appelées ainsi car l'on pense alors que Tijuana (Mexique) est le lieu de publication. Mais il est fort probable que ce ne soit qu'une fausse rumeur pour tromper les autorités. Elles ne parlent que de sexe et contiennent de nombreuses blagues grivoises. Elles sont distribuées par les kiosques à journaux, les marchands de cigares, les librairies d'occasions, les bars, les cabarets. Ces publications sont assurées par les éditeurs : David & Jacob Brotman, Jacob et I. R Russel, Alex Field, Samuel et Max Roth. Les femmes sont souvent représentées nues et les hommes habillés. On peut y voir une forme de rébellion, la plupart des histoires tournent en dérision les Temps Moderne et les valeurs établies : Popeye « s'envoie en l'air » avec Mae West...

Table des matières.

Remerciements. p.1

Sommaire. p.2

Introduction p.4

Partie 1 : retour sur la définition de la pin-up.

I. Une inscription dans l'histoire de l'art érotique traditionnel. p.12

1. Erotisme ou pornographie ? p.12

1.1 La sexualité : une préoccupation culturelle plus ou moins bien vécue. p.12

1.2 Erotisme, pornographie et critique sociale. p.14

1.3 Erotisme, pornographie et transgression sociale. p.15

2. Une histoire de regard. p.17

2.1 Le regard masculin. p.17

2.2 Le goût masculin... normalisé. p.19

3. Les références artistiques. p.20

3.1 La pin-up : un ancrage artistique sur plusieurs siècle. p.20

3.2 Les débuts de la photographie érotique. p.22

3.3 Les lieux communs de l'érotisme. p.23

II. Histoire des accessoires et des situations de séduction. p.26

1. Les accessoires de séductions. p.26

1.1 Le rôle des talons hauts. p.26

1.2 Le cas particulier des bas. p.28

1.3 Le porte-jarretelles, au plus haut des bas. p.30

1.4 En fait, une mise en scène de la jambe. p.32

2. Mises en scène comparables. p.33

2.1 Les situations. p.33

2.2 Les parties du corps. p.35

III. La Seconde Guerre Mondiale : l'âge d'or des pin-up. p.39

1. Le tatouage. p.39

1.1 Un art particulier. p.39

1.2 Un rituel viril. p.41

2. Male Call, une bande dessinée pour soldat. p.42

2.1 L'effort de guerre particulier d'un artiste. p.42

2.2 Le succès de Miss Lace. p.44

3. Le Nose Art. p.45

3.1 Une tradition militaire. p.45

3.2 Des soldats artistes. p.47

IV. La pin-up : éthique de l'esthétique. p.50

1. La publicité. p.50

1.1 Les femmes, sujets et objets de consommation. p.50

1.2 Le corps féminin réapproprié. p.51

1.3 Un nouveau corps normé, maîtrisé et contrôlé. p.53

2. Les magazines féminins. p.54

2.1 La règle esthétique... p.54

2.2 ... et le devoir de s'y conformer. p.55

3. Barbie, une pin-up en trois dimensions ? p.56

3.1 D'une pin-up en deux dimensions à la pin-up en trois dimensions. p.56

3.2 Un corps idéal. p.58

3.3 Un corps symbole de la société de consommation. p.60

Partie 2 : la pin-up et son genre, les premières déclinaisons.

I. Les pin-up des autres pays. p.63

1. L'Allemagne et ses pin-up, symbole de renouveau économique. p.63

1.1 Une tradition du corps nu. p.63

1.2 Regard sur les pin-up allemandes. p.65

2. Les pin-up de Gino Boccasile. p.67

2.1 La presse coquine française après la Seconde Guerre Mondiale. p.67

2.2 Les pin-up de Gino Boccasile. p.68

II. Un artiste particulier : Bill Ward. p.71

1. Le parcours artistique de Bill Ward. p.71

1.1 Des débuts prometteurs. p.71

1.2 Une carrière prolifique. p.72

2. Les filles de Bill. p.74

2.1 La touche de Bill. p.74

2.2 Un côté fétichiste. p.76

2.3 Le monde de Bill. p.78

III. Les beautés glamour. p.83

1. Définition des beautés glamour. p.83

1.1 La beauté glamour, une femme dessinée sophistiquée. p.83

1.2 Attitude et mises en scène. p.84

2. Les artistes de beautés glamour. p.85

2.1 Des artistes particuliers. p.85

2.2 Des techniques originales. p.86

3. Les supports. p.88

3.1 La presse. p.88

3.2 Des glamour pour vendre. p.89

IV. Quand les pin-up prennent vie. p.91

1. La photographie. p.91

1.1 La naissance du genre photographique pin-up. p.91

1.2 Bernard of Hollywood. p.93

1.3 La pin-up photographiée par Bernard of Hollywood. p.95

1.3.1 Les canons de beauté de beautés « canons ». p.95

1.3.2 L'environnement des modèles. p.97

2. Le cinéma. p.99

2.1 Les Chorus Girl. p.99

2.2 Les actrices. p.100

2.2.1 Les sex-symbol. p.101

2.2.2 De l'anonymat au rêve américain : une difficile ascension. p.102

3. Leurs rôles. p.103

3.1 Missions de guerre. p.103

3.2 Missions publicitaires. p.106

V. De la pin-up à la playmate. p.109

1. L'histoire excessive de Playboy. p.109

1.1 Des débuts incertains. p.109

1.2 L'empire Playboy. p.112

2. Les filles de Hugh Hefner. p.114

2.1 La playmate. p.114

2.2 Les bunnies. p.118

3. Dans la lignée des pin-up. p.119

3.1 Des thématiques communes. p.120

3.2 La playmate, soutine moral. p.122

Partie 3 : Nouvelles figures de la pin-up.

I. Un nouveau support pour de nouvelles pin-up : la bande dessinée. p.126

1. Un nouveau support : les comics books. p.126

1.1 Le lectorat des comic books. p.126

1.2 Des héroïnes sexy. p.127

1.3 Le scandale des comic books. p.130

2. Les bandes dessinées pour adultes. p.133

2.1 Little Fanny Annie. p.133

2.1.1 Des débuts difficiles. p.133

2.1.2 La technique. p.136

2.1.3 Le monde d'Annie. p.137

2.2 Pin-up. p.139

2.2.1 Deux artistes, une histoire. p.139

2.2.2 Dottie, une héroïne tourmentée. p.140

2.3 Exposition. p.143

II. Quelques pin-up encore dans la presse masculine. p.146

1. Aslan et le magazine Lui. p.146

1.1 Le magazine Lui. p.146

1.2 Les filles d'Aslan. p.148

2. Les dessinateurs contemporains de pin-up. p.150

2.1 Dominique Wetz. p.150

2.2 Jean-Yves Leclerq. p.152

2.3 Une nouvelle vague de dessinateurs. p.155

III. La pin-up désarticulée par certains artistes contemporains. p.158

1. Les accessoires de séduction. p.158

2. L'érotisme innocent. p.161

2.1 La pudeur. p.161

2.2 Structures de voyeurisme. p.162

2.3 Un regard masculin bienveillant. p.164

3. Le corps féminin lisse et sain. p.166

3.1 De la femme consommatrice à la femme consommée. p.166

3.2 Une beauté naturelle. p.168

Conclusion p.173

Les pin-up et l'art érotique. p.173

Les pin-up et l'histoire de XXe siècle. p.177

Les pin-up et l'évolution des moeurs. p.179

Le corps des pin-up : moyen et support de communication. p.182

Annexes : Annexe 1 : Biographies des artistes du Nose Art. p.184

Annexe 2 : Biographies des artistes des glamour. p.193

Annexe 3 : Les références de Little Fanny Annie. p.205

Annexe 4 : Extrait de l'entretien avec Jean Yves Leclercq. p.234

Les sources. p.239

Historiographie : La pin-up, une histoire particulière au coeur de plusieurs histoires. p.248

1. Histoire de la culture populaire. p.248

1.1 Culture de masse. p.250

1.1.1 L'art de l'illustration. p.250

1.1.2 Les comic books. p.251

1.1.3 Les nouveaux média, cinéma et films d'animation. p.253

1.2 La société de consommation. p.255

1.2.1 La publicité. p.255

1.2.2 Le mythe américain. p.257

2. Le sexe et le genre : au coeur du questionnement de l'histoire du corps et de la sexualité. p.259

2.1 Une histoire du corps. p.259

2.1.1 Le corps façonnable. p.260

2.1.2 L'éthique du corps. p.261

2.1.3 L'anatomie du corps. p.262

2.2 Une histoire de la sexualité. p.263

2.2.1 Va et vient entre la France et les Etats-Unis. p.263

2.2.2 Hétérosexualité, homosexualité et autres. p.264

2.2.3 Sexe, genre et pouvoir. p.266

3. La pin-up au centre de nouvelles histoires. p.267

3.1 Erotisme et pornographie. p.267

3.1.1 Du côté de l'histoire. p.267

3.1.2 Du côté de l'art. p.269

3.2 La presse masculine. p.272

3.2.1 Les revues. p.272

3.2.2 La pin-up, un fantasme typiquement masculin ? p.274

3.3 L'histoire des accessoires de séduction. p.275

Bibliographie. p.278

Glossaire. p.289

* 1 Les termes suivis de * sont définis dans le glossaire.

* 2 MORIN Edgar, L'esprit du temps, Paris, Grasset, 1962.

* 3 Nous employons dans tout le document le terme politique au sens éthymologique  où se mêle l'économie, la culture, la technique.

* 4 RAMSAY Richard, Le dictionnaire érotique, Paris, Ed. Blanche, 2002.

* 5 Idem, p.7.

* 6 NERET Gilles, L'érotisme en peinture, Paris, Nathan, 1990, p.9.

* 7 RAMSAY Richard, «op. cit.».

* 8 HUNT Lynn, The Invention of Pornography, New York, Zone Books, 1996, p.10.

* 9 ARCAND Bernard, Le Jaguar et le Tamanoir. Anthropologie de la pornographie, Québec, Boréal/Seuil, 1991, p.167.

* 10 MARZANO Michela, Malaise dans la sexualité, Le piège de la pornographie, Paris, JC Lattès, 2006, p.126.

* 11 COURBET Gustave, Le sommeil, 1866, huile sur toile, 135 x 200 cm, Paris, Petit Palais.

* 12 NOCHLIN Linda, Femmes Art et Pouvoir, Paris, Jacqueline Chambon, 1993, p.192.

* 13 Nativa et son mari signent leurs photos sous le pseudonyme Yva Richard.

* 14 HERIL Alain, Dictionnaire des fantasmes érotiques, Paris, Edition Morisset, 1996.

* 15 ASLAN, Aslan, Paris, Les Humanoïdes Associés, 1979, p.21.

* 16 BOURDIEU Pierre, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998, p.93.

* 17 CRANACH Lucas, Vénus dans un paysage, 1529, huile sur bois, 38 x 25 cm, Paris, Musée du Louvre.

* 18 MANET Edouard, Le déjeuner sur l'herbe, 1863, huile sur toile, 208 x 264,5 cm, Paris, Musée d'Orsay.

* 19 RUBENS Petrus Paulus, Hélène Fourment à la fourrure ou Het Pelsken, 1630, huile sur toile, Vienne, Kunsthistorisches Museum.

* 20 TITIEN Tiziano Vecello, Madeleine, 1533, huile sur panneau, 84 x 69cm, Palazzo Pitti, Florence.

* 21 GREUZE Jean Baptiste, La cruche cassée, 1759, huile sur toile, 108 x 86 cm, Paris, Musée du Louvre.

* 22 LA TOUR Quentin De (1704-1788), Femme à la puce, 1631, huile sur toile, 120 x 90 cm, Nancy, Musée Lorrain.

* 23 VELAZQUEZ Diego de Silva (1599-1660), Vénus au miroir, 1648-1651, huile sur toile, 123x117cm, Londres, Nationnal Gallery.

* 24 KOETZLE Michael, A History of Erotic Photography from 1839-1939, Paris, Taschen, 2005, p.37.

* 25 Idem, p.40.

* 26 Toutes les photographies citées ont été réalisées par Yva Richard.

* 27 ROSSI William, Erotisme du pied et de la chaussure, Paris, Payot, 1976, p.129.

* 28 Idem, p.125.

* 29 Idem, p.126

* 30 ST LAURENT Cécil, Histoire imprévu des dessous féminins, Paris, Ed.Hescher, 1986, p.270.

* 31 BOVE Emmanuel, Mes amis, Paris, Flammarion, 1977 (1ière édition 1924), p.32.

* 32 GATEAU Jean Charles, « Et la quatrième créa » in Chroniques des années froides (1947-1956), Grenoble, Pug, 1981, p.96.

* 33 LEPICIE Nicolas Bernard, La levée de Fanchon, 1773, huile sur toile, 74 x 193 cm, St Omer, Musée de l'hôtel Sandelin.

* 34 TOULOUSE-LAUTREC Henri de (1864-1901), Femme tirant sur son bas, 1894, huile et crayon sur toile, 58 x 46 cm, Paris, Musée d'Orsay.

* 35 BOUCHER François, La toilette intime, 1741, peinture sur toile, 52,5 x 66,5 cm, Luguno, Fondation Thyssen Bornemiza.

* 36 HANSON Dian, The history of girly magazines, Paris, Taschen, 2006, p.545.

* 37 NERET Gilles, 1000 dessous Histoire de la lingerie, Paris, Taschen, 2003, p.7.

* 38 Les premiers membres sont Edouard III lui-même, le prince de Galles (Edouard, le prince Noir), ainsi que vingt-quatre compagnons. Ces « chevaliers fondateurs », dont certains n'ont pas plus de vingt ans, sont des hommes d'armes, entraînés aux batailles et aux tournois. L'admission au sein de cet ordre donne à ses membres le droit au titre de « Sir ». Les bannières et les armoiries des compagnons chevaliers sont suspendus dans la chapelle de l'ordre : la chapelle St. George à Windsor. Chaque stalle est munie d'une plaque montrant le nom et les armes de l'occupant. Les bannières et armoiries restent en permanence au dessus de la stalle du chevalier, et ne sont retirées qu'à sa mort. St. George, patron des croisés, connu pour son combat face au dragon, est aussi le patron de l'ordre. Durant le Moyen Age, des femmes sont associées à l'ordre, et, sans être membres à part entière, assistent aux différentes réunions et fêtes. Mais, après la mort en 1509 de la mère de Henry VII (Lady Margaret Beaufort), l'ordre devient exclusivement masculin, à l'exception de la reine Alexandra une « Lady » de l'ordre. A partir de ce moment, d'autres femmes sont admises dans l'ordre, et, en 1987, la reine Elisabeth décide que leur éligibilité soit la même que celles des hommes. L'ordre a pour grand maître le roi ou la reine, et comprend, en outre trois chevaliers royaux (le prince de Galles, le duc d'Edimbourg, le duc de Kent), trois dames, vingt-quatre chevaliers anciennement choisis dans la plus haute noblesse, sept « extra knights » (dont les rois de Belgique, de Suède, d'Espagne et le grand duc de Luxembourg). Il est parfois conféré à des personnalités étrangères. Pendant la majeure partie de son histoire, l'Ordre de la Jarretière est exclusivement réservé aux personnes de l'aristocratie, mais aujourd'hui, en cas de places disponibles, les membres recrutés peuvent être d'origines diverses.

* 39 DIVA Maria, Marlène Dietrich par sa fille, vol.1, Paris, J'ai lu, pp.266-267.

* 40 BRETON André, Nadja, Paris, Gallimard, 1998 (1ière édition 1928), p.177.

* 41 DE MONTHERLAND Henry, La petite Infante de Castille, Paris, Gallimard, 1954 (1ière 1929), p.602.

* 42 CHENOUNE Farid, Les dessous de la féminité, un siècle de lingerie, Paris, Ed. Assouline, 1998, p.116.

* 43 NERET Gilles, «op. cit.», p.18.

* 44 ROPS Félicien, Pornockratès, 1878, aquarelle, pastel et gouache, 75 x 48 cm, Namur, Musée Félicien Rops.

* 45 NERET Gilles, L'érotisme en peinture, Paris, Nathan, 1990, p.104.

* 46 BATAILLE George, L'érotisme, Paris, Les Editions de Minuit, 1957, p.145.

* 47 En plus du pas, le chahut est aussi employé comme synonyme de french cancan.

* 48 Nom populaire de la danseuse de cancan.

* 49 LORRAIN Jean, L'écho de Paris, cité par MARY Bertrand, La pin-up ou la fragile indifférence, Paris, Fayard, 1983, p.128.

* 50 Jane Avril, citée par LANOUX Armand, 1900, le Bourgeoisie Absolue, Paris, Hachette, 1973, p.201.

* 51 COURBET Gustave, l'Origine du monde, 1866, huile sur toile, 46 x 55 cm, Paris, Musée d'Orsay.

* 52 HERIL Alain, Dictionnaire des fantasmes érotiques, Paris, Edition Morisset, 1996, p.33.

* 53 MARY Bertrand, La pin-up ou la fragile indifférence, Paris, Fayard, 1983, p.78.

* 54 CARUCHET William, Tatouage et tatoués, Paris, Tchou, 1976, p.144.

* 55 GOTCH Christopher, SCUTT R.W.B, Skin Deep ; The mystery of tattooing, Londres, P. Davis, 1974, p.53.

* 56 BURCHETT Wilfred, Memoirs of a Tatooist, Londres, Pan Book, 1960, p.42.

* 57 GOTCH Christopher, SCUTT R.W.B, «op. cit.», p.16.

* 58 MARY Bertrand, «op. cit.», p.84.

* 59 CARUCHET William, «op. cit.», p.145.

* 60 CANIFF Milton, Male Call L'intégrale, Paris, Toth, 2004, p.9.

* 61 Idem, p.11.

* 62«Ibid».

* 63 Idem, p.10.

* 64 Idem, p.11.

* 65 «Ibid».

* 66 ETHELL Jeffrey.L, SIMONSEN Clarence, De 1914 à nos jours histoire de la peinture de guerre, Paris, MDM, 1992, p.14.

* 67 Idem, p.9

* 68 Idem, p.25.

* 69 Idem, p.147.

* 70 Nous renvoyons aux biographies de ces artistes en Annexe 1.

* 71 HESS Thomas. B, Woman as a Sex Objet, Studies in Erotic Arts, 1730-1970, Londres, Allen lane, 1972, p.224.

* 72 BAUDRILLARD Jean, La société de consommation, Paris, Folio, 2006 (1970), p. 214.

* 73 Bourdieu définit l'habitus comme l'incorporation inconsciente des principes de domination.

* 74 BOURDIEU Pierre, La domination masculine, Paris, Seuil, 1998, p. 90.

* 75 BAUDRILLARD Jean, «op. cit.», p.211.

* 76 DEBORD Guy, La société de spectacle, Paris, editions Buchet-Chastel, 1967.

* 77 VIGARELLO Georges, Le propre et le sale, Paris, Seuil, 1985, p.11.

* 78 BAUDRILLARD Jean, «op. cit.», p.213.

* 79 MARIN Louis, Utopique : jeux d'espace, Paris, Minuit, 1973, p.310.

* 80 HARDT Michael, NEGRI Antonio, Empire, Paris, 10/18, 2000, p.48.

* 81 BEUTHIEN Reinhard cité dans HANQUEZ-MAINCENT Marie-Françoise, Barbie Poupée Totem, Paris, Edition Autrement, 1998, p.22.

* 82 Newsweek, 20 février 1989, cité par DEBOUZY Marianne, « La poupée Barbie », Clio, n°4, 1996, pp.239-255.

* 83 Newsweek, 25 novembre 1963, cité par DEBOUZY Marianne, « La poupée Barbie », Clio, n°4, 1996, pp.239-255.

* 84 MARZANO Michela, Dictionnaire du corps, Paris, Puf, 2007, p.110.

* 85 ROGERS Marie, Barbie Culture, Londres, Sage Publication, 1999, p.56.

* 86 « Ibid».

* 87 O'SICKEY Ingeborg Majer, « Barbie Magazine and the Aesthetic Commodification of Girls'Bodies », Fashion, New Brunswick-New Jersey, Rutgers University Press, 1994, p.31.

* 88 HANSON Dian, The history of girly magazines, Paris, Taschen, 2006, p.79.

* 89 «Ibid».

* 90 Idem, p.80

* 91 Idem, p.88.

* 92 HANSON Dian, The history of girlie magazines, «op. cit.», p.145.

* 93 Idem, p.151.

* 94 Idem, p.149.

* 95 KROLL Eric, The Wonderful world of Bill Ward, Paris, Taschen, 2006, p.321.

* 96 Idem, p.323.

* 97 Idem, p.324.

* 98 «Ibid.»

* 99 «Ibid».

* 100 «Ibid».

* 101 Idem, p.328.

* 102 «Ibid».

* 103 «Ibid».

* 104 Idem, p.325.

* 105 «Ibid».

* 106 HAWKS Howards, Les hommes préfèrent les blondes, 1953, avec Marilyn Monroe et Jane Russel.

* 107 KROLL Eric, The Wonderful world of Bill Ward, «op. cit.», p.326.

* 108 MANET Edouard, Le déjeuner sur l'herbe, 1863, huile sur toile, 208 x 264,5 cm, Paris, Musée d'Orsay.

* 109 KROLL Eric, The Wonderful world of Bill Ward, «op. cit.», p.326.

* 110 Nous utiliserons indifféremment beauté glamour ou glamour pour nommer cette représentation.

* 111 WATTEAU Jean-Antoine, L'enseigne de Gersaint, 1720, huile sur toile, 166 x 306 cm, Berlin, Schloss Charlottenburg.

* 112 BERNARD OF HOLLYWOOD, Pin-ups : a Step Beyond : A Portfolio of breathtaking beauties, Hollywood, Bernard of California Publications, 1950.

* 113 BERNARD Susan, Bernard of Hollywood, The Ultimate Pin-up Book, Koln, Taschen, 2002, p.30.

* 114 Idem, p.31.

* 115 Idem, p. 356.

* 116 Idem, p.26.

* 117 Idem, p.30.

* 118 Idem, p.29.

* 119 Idem, p.30.

* 120 BRUNO Michael, Venus in Hollywood, New York, Lyle Stuart, 1970, p.41.

* 121 GABOR Mark, «op.cit», p.60.

* 122 «Ibid».

* 123 Jane Russell, cité par KNIGHT Arthur et ALLPERT Hollis, Playboy, History of sex in the Cinema, New York, Playboy, 1966, p.160.

* 124 Marlène Dietrich cité par HIGHAM Charles, Marlène, la Vie d'une Star, Paris, Calmann-Levy, 1978, p.154.

* 125 MARY Bertrand, La pin-up ou la fragile indifférence, Paris, Fayard, 1983, p.231.

* 126 STEIN Ralph, The pin-up from 1850 to Now, Londres, Hamlyn, 1974, p.114.

* 127 MILLER Russel, L'histoire excessive de Playboy, Paris, Albin Michel, 1987, p.32.

* 128 Idem, p.36.

* 129 Idem, p.45.

* 130 «Ibid».

* 131 «Ibid».

* 132 HANSON Dian, The history of girly magazines, Paris, Taschen, 2006, p.272

* 133 MILLER Russel, «op. cit.», p.48.

* 134 HANSON Dian, «op. cit.», p. 280.

* 135 PETERSON James, Playboy 50 ans de photographies, Paris, Ed. Playboy, 2003, p.13.

* 136 «Ibid».

* 137 «Ibid».

* 138 GRETCHEN Edgren, Le livre des playmates, Paris, Taschen, 2005, p.13.

* 139 MILLER Russel, «op. cit.», p.53.

* 140 PETERSON James, «op. cit.», p.14.

* 141 «Ibid».

* 142 GRETCHEN Edgren, Playboy 50 ans, Koln, Taschen, 2005, p.7.

* 143 BERNARD Susan, «op. cit.», p.32.

* 144 MILLER Russel, «op. cit.», p.55

* 145 Idem, p.167.

* 146 Idem, p.77.

* 147 « Ibid.»

* 148 «Ibid.»

* 149 PETERSON James, «op. cit.», p.7.

* 150 GRETCHEN Edgren, Le livre des playmates, «op. cit.», p.8.

* 151 «Ibid.»

* 152 Idem, p.7.

* 153 GRETCHEN Edgren, Le livre des playmates, «op. cit.», p.7.

* 154 Idem, p.9.

* 155 Idem, p.7.

* 156 GRETCHEN Edgren, Playboy 50 ans, «op. cit.», p.131.

* 157 BERNARD Susan, «op. cit.», p.32.

* 158 GILBERT Douglas, « No Laughing Matter », série de trois articles publiés dans le New York World-Telegram en 1942, reproduits dans Comic Book Marketplace 36 (Juin 1996), p.22-35 et cité par GABILLIET Jean-Paul, Des Comics et des Hommes, Histoire culturelle des comic books aux Etats-Unis, Nantes, Editions du Temps, 2005, p.263.

* 159 America Reads the Comic. Report number 2 in a series « Adult America's Interrest in Comics », PUCK-The Comic Weekly, 1948 cité par GABILLET Jean-Paul, «op. cit.», p.265.

* 160 GABILLET Jean-Paul, «op. cit.», p.265.

* 161 «Ibid».

* 162 Idem, p.66.

* 163 DUVEAU Marc, Comics USA, Paris, Albin Michel, 1975, p.27.

* 164 GABILLIET Jean-Paul, «op. cit.», pp.56-57.

* 165 MARY Bertrand, «op. cit.», p.327.

* 166 LO DUCA Giuseppe Maria, Techniques de l'Erostisme, Paris, J-J Pauvert, 1958, p.151.

* 167 «Ibid».

* 168 MARY Bertrand, «op. cit.», p.328.

* 169 GABILLIET Jean-Paul, «op. cit.», p.72.

* 170 Idem, pp.417-430.

* 171 «Ibid».

* 172 «Ibid», Jean-Paul GABILLIET reproduit en Annexe de son ouvrage les textes des principaux codes d'autorégulation du secteur des comic books.

* 173 KURTZMAN Harvey, ELDER Will, Playboy's Little Annie Fanny, vol.1, Paris, Les Editions Hors Collection, 2001 (1ière édition 1962), p.108.

* 174 Idem, p.110.

* 175 «Ibid».

* 176 Idem, p.111.

* 177 «Ibid».

* 178 Idem, p.113.

* 179 KURTZMAN Harvey, ELDER Will, Playboy's Little Annie Fanny, vol.3, Paris, Les Editions Hors Collection, 2002 (1ière édition 1978), p.115.

* 180 Nous renvoyons ici aux épisodes de Little Annie Fanny, résumés dans l'Annexe 3. Les nombreuses références historiques y ont été détaillées.

* 181 CAUVIN, Pin-up, Paris, Ed Horizon B.D, 2004, p.8.

* 182 Idem, p.9.

* 183 Idem, p.7.

* 184 Yann cité dans CAUVIN, «op.cit», p.10.

* 185 Berthet cité dans CAUVIN, «op.cit», p.11.

* 186 Gary Powers a réellement existé, c'était un agent de la CIA.

* 187 Snake Eyes est aussi le nom que l'on donne à un double six aux dés.

* 188 Commandos spécialisés dans les opérations derrière les lignes ennemies.

* 189 Missions à caractère psychologique.

* 190 Une des petites amies de Hugh s'habillait toujours en rose.

* 191 Nous renvoyons ici à la biographie d'Aslan réalisée dans le mémoire de master 1, p.157.

* 192 HANSON Dian, «op.cit.», p.355.

* 193 HANSON Dian, «op.cit.», p.357.

* 194 Lui, numéro 20 du mois d'août 1965, p.48.

* 195 Lui, numéro 7 du mois de juin 1964, p.77.

* 196 WETZ Dominique, girls, girls, girls, Paris, Vent d'Ouest, 2000, p.7.

* 197 Idem, p.8

* 198 «Ibid.»

* 199 «Ibid.»

* 200 Idem, p.9.

* 201 «Ibid.»

* 202 Extrait de l'entretien de Jean Yves Leclercq, réalisé le 2 septembre 2007, entretien joint en Annexe 4.

* 203 «Ibid.»

* 204 Extrait de l'entretien de Jean Yves Leclercq, réalisé le 2 septembre 2007, entretien joint en Annexe 4.

* 205 «Ibid.»

* 206 Extrait du site internet http://users.swing.be/JYL, rubrique notes graphiques.

* 207 Lui, numéro 21, 2002, p. 46.

* 208 Extrait du site internet http://users.swing.be/JYL, rubrique notes graphiques.

* 209 Lui, numéro 21, 2002, p. 46.

* 210 Extrait de l'entretien de Jean Yves Leclercq, réalisé le 2 septembre 2007, entretien joint en Annexe 4.

* 211«Ibid.»

* 212 Lui, numéro 21, 2002, p. 46.

* 213 «Ibid.»

* 214 Extrait de l'entretien de Jean Yves Leclercq, réalisé le 2 septembre 2007, entretien joint en Annexe 4.

* 215 «Ibid.»

* 216 TAPIES Antoni, Marron aux bas, 1970, huile et bas nylon, 73 x 116 cm, Coll. part.

* 217 RICHTER Gerhard, Etudiante, 1967, huile sur toile, 105 x 95 cm, Friedrichshafen, Galerie Bernd Lutze.

* 218 KACERE John, Linda, 1989, huile sur toile, 101 x 162 cm, New York, O.K Harrès.

* 219 KACERE John, Llena 82, huile sur toile, 122 x 183 cm, New York, O.K Harrès.

* 220 COPLEY William. N, The Devil in Miss Jones, 1972, acrylique sur toile, 130 x 97 cm, Anvers, Lens Fine Art.

* 221 JONES Allen, Filles sur commandes III, 1971, huile sur toile, 182,88 x 139,7 cm, Londres, Waddington Galleries.

* 222 HELNWIEN Gottfried, Lulu, 1988, aquarelle, 63 x 55 cm, Berlin, Coll. George Lutz.

* 223 RAMOS Mel, Beaver Shot, 1966, huile sur toile, 111,7 x 121,9 cm, Fremont, Coll. M. et Mme Stan Schiffer.

* 224 LEONARD Zoé, Pin-up 1 (Jennifer Miller Does Marilyn Monroe), 1995.

* 225 DUMAS Marlène, Porno Blues, 1993, 6 dessins, 30,5 x 22,5 cm chacun, encre au lavis et aquarelle sur papier.

* 226 MULVEY Laura, « Visual Pleasure and Narrative Cinema », Visual and other pleasures, Bloomington, Indiana University Press, 1989.

* 227 DOANE Mary Ann, The Desire to desire : The woman's film of the 1940s, Bloomington, Indiana University Press, 1987.

* 228 BOTY Pauline, It's a Man's World I, 1963, 122 x 91cm, huile sur toile, collage.

* 229 BOTY Pauline, It's a Man's World II, 1963-1965, 122 x 122 cm, huile sur toile.

* 230 FLEURY Sylvie, The Art of Survival, 1990, installation, sacs de shopping de dimensions variable avec les achats à l'intérieur, Lausanne, Galerie Rivolta.

* 231 FLEURY Sylvie, Dramatically Different, 1997, photographies sur aluminium, 164 x 124 cm, Grenoble, Le Magasin.

* 232 FLEURY Sylvie, Vital Perfection, 1993, installation, tapis, chaussures et cartons, Paris, Hervé Mikhaeloff c/o Emmanuel Perrotin.

* 233 FLEURY Sylvie, Slimfast (Delices de Vanille), 1993, impression sur bois, 18 x 15 x 10 cm, Genève, Galerie Art & Public.

* 234 WARHOL Andy, Brillo Boxes, 1964, sérigraphie sur bois, 44 x 43 x 35,5 cm, Bruxelles, Coll Privée.

* 235 ABRAMOVIC Marine, Rhythm O, 1974, Naples, Studio Morra.

* 236 PARKER Rozsika, POLLOCK Griselda, Woman Artists and Ideology, Londres, Routledge & Kegan Paul, 1981, p.130.

* 237 CHICAGO Judy, The Dinner Party, 1974-1979, bois, céramique, tissu, travaux d'aiguille, métal, peinture, 14,63 x 12,80 x 0,91cm, New York, Brooklyn Museum.

* 238 BARRY Judith, FLITTERMAN-LEWIS Sandra, « Textual Strategies : The Politics of Art Making », Screen, 21, 2, 1980, pp.35-48.

* 239 «Ibid».

* 240 ANTIN Eleanor, Carving : A Traditional Sculpture, 1973, photographies en noir et blanc, texte, 144 photographies de 18 x 12,5 cm, Chicago, Art Institute of Chicago.

* 241 La citation est extraite du texte de l'artiste, 1973.

* 242 PERROT Philippe, Le corps féminin, le travail des apparences, Paris, Seuil, 1984, p.205.

* 243 ETHELL Jeffrey.L, SIMONSEN Clarence, De 1914 à nos jours histoire de la peinture de guerre, Paris, MDM, 1992, p.92.

* 244 Idem, p.94.

* 245 Idem, p.106.

* 246 «Ibid.»

* 247 Idem, p.109.

* 248 Idem, p.95.

* 249 «Ibid.»

* 250 «Ibid.»

* 251 «Ibid.»

* 252 Idem, p.117.

* 253 Idem, p.121.

* 254 «Ibid.»

* 255 «Ibid.»

* 256 Idem, p.96.

* 257 Idem, p.97.

* 258 Idem, p.99.

* 259 Idem, p.100.

* 260 Idem, p.99.

* 261 Idem, p.111.

* 262 «Ibid.»

* 263 Idem, p.113.

* 264 «Ibid.»

* 265 MARTIGNETTE Charles, MEISEL Louis, The great american Pin-up, Koln, Taschen, 1996, p.193.

* 266 Idem, p.437.

* 267 L'Enfer de la BNF est la partie où étaient entreposés les ouvrages censurés.

* 268 MEISEL Louis, The great american Pin-up, Koln, Taschen, p.62.

* 269 PERNET Gaspart, « Le charme des calendriers pin-up », Antiquité&Brocante, Janvier 2006, pp.140-146.

* 270 THEVENET Jean-Marc, « Pin-up, le rêve épinglé », Rétroviseur, hors série n°2 Souvenir Souvenir les années cinquante, 1990, pp.50-59.

* 271 Esquire 1943 cité dans VARGAS Alberto, AUSTIN Reid, Varga, Londres, Plexus, 1978, p.25.

* 272 GABOR Mark, The pin-up a modest history, Londres, Pan Books, 1972, p.23.

* 273 BROS Harry, Pin-up obsession, Arte, documentaire diffusé le 21 Novembre 2004.

* 274 BOWNE Ray. B, Against Academia : The History of the Popular Culture Association/America Culture and the Popular Culture Movement, 1967-1988, Bowling Green, Bowling Green State University Popular Press, 1989.

* 275 KAMMEN Michael, American Culture, American Taste : Social Change and the 20th Century, New York, Basic Book, 1999, pp.95-222.

* 276 RUSSEL Nye. B, The Unembarrassed Muse : The Popular Arts in America, New-York, Dial Press, 1970.

* 277 MEISEL Louis. K, MARTIGNETTE Charles. G, The great american Pin-up, Koln, Taschen, 1996.

* 278 Idem, p.13.

* 279 MARTIGNETTE Charles, MEISEL Louis, Gil Elvgren, all his glamorous american pin-up, Koln, Taschen, 1999.

* 280 ASLAN, Aslan, Paris, Les Humanoïdes Associés, 1979 ou Pin-up, Paris, Michel Laffont, 1983.

* 281 ROBOTHAM Tom, Baby Dolls, les pin-up de Varga, Hong Kong, Ed Hors Collection, 1993.

* 282 GABILLIET Jean-Paul, Des comics et des hommes, Histoire culturelle des comic-books aux Etats-Unis, Paris, Editions du Temps, 2005 ou WRIGHT Bradford. W, Comic Book Nation : The transformation of Youth Culture in America, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 2001.

* 283 HORN Maurice (intr.), 75 Years of the Comics, Boston Book Art/New York Cultural Center.

* 284 HORN Maurice (éd.), The World Encyclopedia of Comics, New York, Chelsea House, 1976.

* 285 DANIELS LES, Comix : A History of Comic Books in America, New York, Outerbridge & Dienstfrey, 1971.

* 286 FEIFFER Jules (ed.), The Great Comic Book Heroes, New York, Dial Press, 1965.

* 287 HORN Maurice, Women in the Comics, Philadelphia, Rew & Updated, 1977.

* 288 ROBBINS Trina, The Great Women Superheroes, Northampton, Kitchen Sink Press, 1996 ou From Girls To Grrrlz : A History of Women's Comics from to Teens to Zine, San Francisco, Chronicle Books, 1999 ou The Great Women Cartoonists, New York, Watson-Guptill, 2001.

* 289 BUSZEK Maria Elena, Pin-up Girls : Feminism, Sexuality, Popular Culture, Durham, Ed.Duke University Press, 2006.

* 290 STERNBERG Jacques, Chapelot Pierre, Un siècle de pin-up, Paris, Redécouverte, 1971.

* 291 GABOR Mark, The pin-up a modest history, Londres, Pan Books, 1972.

* 292 MARY Bertrand, La pin-up ou la fragile indifférence, Paris, Fayard, 1983.

* 293 BENDAZZI Giannalberto, Cartoons, le cinéma d'animation, 1892-1992, Paris, Edition Liana Levi, 1991 ou RAFFAELLI Luca, Les âmes dessinées, du cartoon aux mangas, Paris, Dreamland Edition, 1996 ou KANFER Stefen, Serious business the art and commerce of animation in american from Betty Boop to Toy Story, New York, Scribner, 1997.

* 294 SOLOMON Charles, Les pionniers des Dessins Animés Américains, Paris, Dreamland Edition, 1996.

* 295 BECK Jerry, FRIEDWALD Will, Warner Bros, secrets et tradition de l'animation, Paris, Dreamland Edition, 1998.

* 296 BENAYOUN Robert, le mystère de Tex Avery, Paris, Seuil, 1988 ou DUCHÊNE Alain, Tex Avery, à faire hurler les loups, Paris, Dreamland Edition, 1997 ou BRION Patrick, Tex Avery, Paris, Ed Duchêne, 2000.

* 297JONES Charles. M, Chuck Jones ou l'autobiographie débridée du créateur de Bip-Bip, du coyote et leurs amis, Paris, Dreamland Edition, 1995.

* 298 GRANDINETTI Fred, Popeye le marin, l'épopée du mangeur d'épinards le plus célèbre au monde, Paris, Dreamland Edition, 1996.

* 299 DJÉNATI Geneviève, Psychanalyse des dessins animés, Paris, l'Archipel, 2001.

* 300 ROFFAT Sébastien, Animation et propagande, les dessins animés pendant la Seconde Guerre Mondiale, Paris, l'Harmattan, 2005.

* 301 ABEL Sam, « The rabbit in drag : camp amd gender construction in the american animated cartoon », in Journal of Popular Culture, Vol.29.3, hiver 1995, pp.183-202.

* 302 MORIN Edgar, Les Stars, Paris, Seuil, 1957.

* 303 MASSON Alain, Hollywood 1927-1941 la propagande par les rêves ou le triomphe du modèle américain, Paris, Ed Autrement, 1991.

* 304 FARINELLI Luca, POMPIDOU Jean-Loup (dir.), Stars au féminin : naissance, apogée et décadence du stars system, Paris, Centre Georges Pompidou, 2000.

* 305 SIDIER Jacques, La femme dans le cinéma français, Paris, édition du Cerf, 1957 ou le mythe de la femme dans le cinéma américain, de la Divine à Blanche Dubois, Paris, éd du Cerf, 1956.

* 306 HASKELL Molly, La femme à l'écran, de Garbo à Jane Fonda, Paris, Seghers, 1977.

* 307 ASSOPARDI Michel, Le temps des vamps 1915-1965, Paris, l'Harmattan, 1997 ou DOANE Mary Ann, femmes fatales, Londres, Routterdge, 1991

* 308 DHOMÉE Isabelle, Les 5 empoisonneuses : G.Garbo, J.Crawford, M.Dietrich, M.West, K.Hepburn et les USA des années trente, Villeneuve d'Asq, Presses Universitaires du Septentrion, 2002.

* 309 JOIN DIETERLE Catherine (dir.), Images de promotion, construction d'une image, Marlene Dietrich, construction d'un mythe, Paris, Musée Galiera, 2003 ou ANTIBI Serge, Marilyn Monroe révélation et passion, Paris, Lausanne, 1988.

* 310 ROSEN Margorie, Venus à la chaine, Paris, Ed des femmes, 1976 ou DUVILLAR Pierre, Pin-up, femmes fatales et ingénues libertines, Paris, Ed du XX siècle, 1951.

* 311 BURCH Noël, SELLIERS Geneviève, PERROT Michelle, La drôle de guerre des sexes du cinéma français (1930-1956), Paris, Nathan, 1996.

* 312 GAMMAN Lorraine, MARSHMENT Margaret (éd.), The Female Gaze, Women as Viewers of Popular Culture, Londres, The Women's Press, 1988.

* 313 DARDIGNA Anne-Marie, Femmes-femmes sur papier glacé, Paris, Maspero, 1974.

* 314 PASSERINI Luisa, « Société de consommation et culture de masse » in THEBAUD Françoise (dir.), Histoire des femmes en Occident, le XXe siècle, Paris, Plon, 1992, pp.433-447.

* 315 TISSERON Serge, Comment l'esprit vient aux objets, Paris, Aubier, 1999, p.108.

* 316 BAUDRILLARD Jean, La société de consommation, Paris, Folio Essais, 2000 (1ière édition 1970).

* 317 BAUDRILLARD Jean, «op.cit.», p.200.

* 318 DEBORD Guy, La société du spectacle, Paris, Folio, 2005 (1967).

* 319 Idem, p.39.

* 320 EWEN Stuart, Conscience sous influence, publicité et genèse de la société de consommation, Paris, Aubier Montagne, 1983 (1977).

* 321 BAUDRILLARD Jean, De la séduction, Paris, Galilée, 1979.

* 322 NEUVEL Jean, La commercialisation de la femme ou de l'artifice féminin, Lyon, De Demain, 1987.

* 323 SAUVAGEOT Anne, Figures de la publicité, figures du monde, Paris, Puf, 1987.

* 324 HERNE Claude, La définition sociale de la femme à travers la publicité, Paris, l'Harmattan, 1993.

* 325 FRIEDAN Betty, La femme mystifiée, Paris, Denoël Gonthier, 1963, traduction française 1964.

* 326 LAVOISIER Benedicte, Mon corps, ton corps, leurs corps, Paris, Seghers, 1978.

* 327 ROFFAT Sébastien, Animation et propagande, les dessins animés pendant la Seconde Guerre Mondiale, Paris, l'Harmattan, 2005, p.20.

* 328 Idem, p.23.

* 329 BARTHES Roland, Mythologies, Paris, Seuil, 1957.

* 330 BARTHES Roland, «op.cit.», p.7.

* 331 WUNENBURGER Jean-Jacques, L'imaginaire, Paris, Presse Universitaire de France, 2003, p.41.

* 332 PERROT Philippe, Le travail des apparences, Paris, Seuil, 1984.

* 333 CORBIN Alain, Histoire du corps, 3 tomes, Paris, Seuil, 2005.

* 334 LE NAOUR Jean-Yves, Misère et tourments de la chair durant le Grande Guerre, Paris, Aubier, 2002.

* 335 SHORTER Edward, Le corps des femmes, Paris, Seuil, 1984.

* 336 VIGARELLO George, Histoire de la beauté, Seuil, Paris, 2004

* 337 WOLF Noami, The beauty myth : how images of beauty are used against women, Londres, Vintage, 1991.

* 338 BRUMBERG Joan Jacob, The body project : an intimate history of american girls, New York, Random House, 1997.

* 339 BRUIT ZAIDMAN Louise « et al.», Le corps des jeunes filles de l'antiquité à nos jours, Paris, Perrin, 2001.

* 340 KNIBIEHLER Yvonne« et al.», De la pucelle à la minette : les jeunes filles, de l'âge classique à nos jours, Paris, Temps actuels, 1983.

* 341 MICHELA Maria, PARISOT Marzana, Penser le corps, Paris, Presses Universitaires de France, 2003.

* 342 BERNARD Michel, Le corps, Paris, Seuil, 1995.

* 343 MARZANO Michela (dir.), Dictionnaire du corps, Paris, Presses Universitaires de France, 2007.

* 344 LAQUEUR Thomas, La fabrique du sexe. Essai sur le corps et le genre en Occident, Paris, Gallimard, 1990.

* 345 GARDEY Delphine, LOWY Ilana (dir.), L'invention du naturel. Les sciences et la fabrication du féminin et du masculin, Paris, Editions des Archives contemporaines, 2000.

* 346 ROUCH Hélène, DORLIN Elsa, FOUGEYROLLAS-SCHWEBEL Dominique (dir.), Le corps entre genre et sexe, Paris, L'Harmattan, 2006.

* 347 FABRE Clarisse, FASSIN Eric, Liberté, égalité, sexualités. Actualité politique des questions sexuelles, Paris Belfond, 2003.

* 348 FASSIN Eric, « Genre et sexualité : des langages de pouvoir », Histoire & société, n°3, 2002, pp.60-64.

* 349 VANCE Carole. S, « Anthropology Rediscovers Sexuality : A Theorical Comment », in PARKER Richard, AGGLETON Peter, Culture, Society and Sexuality. A Reader, Londres, UCL Press, 1999, pp39-54.

* 350 FASSIN Eric, « Le genre aux Etats-Unis », in BARD Christine, BAUDELOT Christian, MOSSUZ-LAVAU Janine (dir.), Quand les femmes s'en mêlent. Genre et pouvoir, Paris, La Martinière, 2004, pp.23-43.

* 351 THEBAUD Françoise, « Genre et histoire », in BARD Christine, BAUDELOT Christian, MOSSUZ-LAVAU Janine (dir.), Quand les femmes s'en mêlent. Genre et pouvoir, Paris, La Martinière, 2004, pp.44-63.

* 352 FOUCAULT Michel, Histoire de la sexualité, 3 volumes, Paris, Gallimard, 1976.

* 353 BOURCIER Marie-Hélène, Queer zones. Politique des identités sexuelles, des représentations et des savoirs, Paris, Balland, 2001. Voir aussi : BUTLER Judith, Gender Trouble, Feminism and the Politics of Subversion, Londres, New York, 1990.

* 354 BOZON Michel, « Sexualité, genre et sciences sociales. Naissance d'un objet », in IGNASSE Gérard, WELZER-LANG Daniel (dir.), Genre et sexualités, Paris, L'Harmattan, pp.21-26.

* 355 TIN Louis-Georges (dir.), Dictionnaire de l'homophobie, Paris, Puf, 2003.

* 356 BONNET Marie-Jo, Les relations amoureuses entre les femmes. XVIe-XXe siècle, Paris, Odile Jacob, 2001 ou Les Deux amies. Essai sur le couple de femmes dans l'art, Paris, Editions Blanche, 2000 ou Qu'est ce qu'une femme désire quand elle désire une femme ?, Paris, Odile Jacob, 2004. TAMAGNE Florence, Histoire de l'homosexualité en Europe : Berlin, Londres, Paris (1919-1939), Paris, Seuil, 2000 ou « L'identité lesbienne : une construction différée et différenciée ? », Cahiers d'histoire, n°84, 2001, pp.45-57.

* 357 KATZ Jonathan, Gay American History : Lesbian and Gay Men in the U. S.A., New York, T.Y. Crowell, 1976.

* 358 KATZ Jonathan, L'invention de l'hétérosexualité, Paris, EPEL, 1996.

* 359 TIN Louis-Georges, « Mille ans de culture hétérosexuelle », in IGNASSE Gérard, WELZER-LANG Daniel (dir.), Genre et sexualité, Paris, L'Harmattan, pp.115-119.

* 360 ANGELIDES Steven, A History of Bisexuality, Chicago, University of Chicago Press, 2001.

* 361 MEYEROWITZ Anne, How Sex Changed : A History of Transsexuality in the United States, Cambridge, Harvard University Press, 2002.

* 362 CHAPERON Sylvie, « Contester normes et savoirs sur la sexualité (France-Angleterre, 1880-1980) », in GUBIN Eliane, JACQUES Catherine, ROCHEFORD Florence, STUDER Brigitte, THEBAUD Françoise, ZANCARINI-FOURNEL Michelle (dir.), Le siècle des féminismes, Paris, Editions de l'Atelier, 2004, pp.333-346.

* 363 FASSIN Eric, « Le genre aux Etats-Unis », in BARD Christine, BAUDELOT Christian, MOSSUZ-LAVAU Janine (dir), Quand les femmes s'en mêlent. Genre et pouvoir, Paris, La Martinière, 2004, pp.23-43.

* 364 VIRGILI Fabrice, La France « virile ». Des femmes tondues à la Libération, Paris, Payot, 2000.

* 365 AUDOIN-ROUSSEAU Stéphane, L'enfant de l'ennemi 1914-1918, viols, avortements, infanticides pendant la Grande Guerre, Paris, Aubier, 1995.

* 366 LILLY Robert J., La face cachée des GI's. Les viols commis par les soldats américains en France, en Angleterre et en Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, Paris, Payot, 2003.

* 367 CAPDEVILA Luc, ROUQUET François, VIRGILI Fabrice, VOLDMAN Danièle (dir.), Hommes et femmes dans la France en guerre (1914-1945), Paris, Payot, 2003.

* 368 HARDY Michel Serge, De la morale au moral des troupes ou l'histoire des B.M.C 1918-2004, Paris, Lavauzelle, 2004.

* 369 BUTLER Judith, Gender Trouble, Feminism and the Politics of Subversion, Londres, New York, 1990.

* 370 SNITOW Ann, « Mass Market Romance : Pornography for Women is Different », in SNITOW Ann, STANSELL Christine, THOMPSON Sharon (dir.), Powers of Desire. The Politics of Sexuality, New York, Monthly Review Press, pp.245-263.

* 371 MARZANO Michela, La pornographie ou l'épuisement du désir, Paris, Buchet/Chastel, 2003.

* 372 MARZANO Michela, ROZIER Clade, Alice au pays du porno, Paris, Ramsay, 2005.

* 373 ARCAND Bernard, Le Jaguar et le Tamanoir. Anthropologie de la pornographie, Québec, Boréal/Seuil, 1991.

* 374 OGIEN Ruwen, Penser la pornographie, Paris, Presses Universitaires de France, 2003.

* 375 HUNT Lynn, The Invention of Pornography, New York, Zone Books, 1996, p.10.

* 376 CANCIAN Francesca M., Love in America : Gender and Self-Development, NewYork, Cambridge University Press, 1987.

* 377 On pense, certes de manière un peu caricaturale, aux travaux féministes antipornographiques et victimisant les femmes de la juriste Catherine MacKinnon.

* 378 HANS Marie Françoise, LAPOUGE Gilles, les femmes, la pornographie, l'érotisme, Paris, Seuil, 1978 ou POULIN Richard, la violence pornographique la virilité démasquée, Québec, Hull Asticou, 1986 ou encore MAYNE Gilles, Pornographie violence obscène, érotisme, Paris, Descartes et Cie, 2001.

* 379 MARZANO Michela, Malaise dans la sexualité, Le piège de la pornographie, Paris, JC Lattès, 2006.

* 380 ALBERONI Francesco, l'érotisme, Paris, Ransay, 1986.

* 381 BATAILLE Georges, L'érotisme, Paris, Les Editions de Minuit, 1957.

* 382 DADOUN Roger, L'érotisme, Paris, Puf, 2003.

* 383 MACLEAN William, Contribution à l'étude de l'iconographie populaire de l'érotisme, Paris, Maisonneuve et Larose, 1970.

* 384 DURANDEAU André, VASSEUR-FAUCONNET Charlyne, Sexualité mythes et culture, Paris, l'Harmattan, 1990.

* 385 NERET Gilles, L'érotisme en peinture, Paris, Nathan, 1990 ou ZUFFI Stefano, BUSSAGLI Marco, Art & érotisme, Vérone, Citadelles & Mazenod, 2002 ou HILL Charlotte, WALLACE William, Erotica, une anthologie littéraire et artistique, Koln, Tashen, 2001.

* 386 DUPOUY Alexandre, La photographie Erotique, New-York, Parkstone Press, 2004 ou KOETZLE Michael, A History of Erotic Photography from 1839-1939, Paris, Taschen, 2005.

* 387 DUPOUY Alexandre, Le premier pornographe, photographies clandestines de la fin du XIXe siècle, Paris, Astardé, 2004 ou Yva Richard, l'âge d'or du fétichisme, Paris, Astardé, 1994.

* 388 MARY Bertrand, La pin-up ou la fragile indifférence, Paris, Fayard, 1983.

* 389 OVENDEN Graham, MENDES Peter, Victorian Erotic Photography, Londres, Academy Editions, 1973.

* 390 MERKIN Richard, Velvet Eden, New York, Bell Publishing Compagny, 1979.

* 391 PEARSON YAMASHIRO Jennifer, SQUIRES Carol, Peek, Photographs from the Kinsey Institute, New York, Arena Editions, 2000 ou PEARSON YAMASHIRO Jennifer, Les vérités du sexe, Paris, Marval, 2003.

* 392 DUPOUY Alexandre, La photographie Erotique, New-York, Parkstone Press, 2004, p.12.

* 393 NOCHLIN Linda, Femmes, art et pouvoir et autres essais, Marseille, Edition Jacqueline Chambon, 1993.

* 394 Idem, p.5.

* 395 Idem, p.6.

* 396 «Ibid.»

* 397 Idem, p.7.

* 398 «Ibid.»

* 399 NOCHLIN Linda, Les politiques de la vision, Art, société et politique au XIXe siècle, Marseille, Edition Jacqueline Chambon, 1995.

* 400 Idem, p.5.

* 401 TICKNER Lisa, « Feminism, Art History, and Sexual Difference », Genders, n°3, automne 1988, p.92.

* 402 BAQUE Dominique, Mauvais genre(s) : érotisme, pornographie, art contemporain, Paris, Ed du Regard, 2002.

* 403 HESS Thomas.B, Woman as a Sex objet, Studies in Erotic Arts, 1730-1970, Londres, Allen Lane, 1972.

* 404 STEIN Ralph, The pin-up from 1850 to Now, Londres, Hamlyn, 1974.

* 405 STERNBERG Jacques, CHAPELOT Pierre, Un siècle de pin-up, Paris, Redécouverte, 1971

* 406 HANSON Dian, The history of men's magazine, Koln, Taschen, 2004.

* 407 HANSON Dian, The history of girly magazines, Paris, Taschen, 2006.

* 408 RIEMSCHNEIDER Burhard, The best of american girlie magazine, Koln, Tashen, 1997.

* 409 HELLMANN Harald, 1000 pin-up girls, Koln, Taschen, 2002.

* 410 GERADTS Evert, GUTKOWSKI Tatou, Histoire du genre pin-up et de ses dérivés, Paris, Artefact, 1984.

* 411 PETERSON James, Playboy 50 ans de photographies, Paris, Ed. Playboy, 2003.

* 412 GRETCHEN Edgren, Playboy 50 ans, Paris, Taschen, 2005.

* 413 GRETCHEN Edgren, Le livre des playmates, Paris, Taschen, 2005.

* 414 MILLER Russel, L'histoire excessive de Playboy, Paris, Albin Michel, 1987.

* 415 GABOR Mark, The pin-up a modest history, Londres, Pan Books, 1972.

* 416 HERIL Alain, Dictionnaire des fantasmes érotiques, Paris, Morisset, 1996 ou LOVE Brenda B, Dictionnaire des fantasmes, perversions et autres pratiques de l'amour, Paris, Edition Blanche, 2000.

* 417 RAMSAY Richard, Le dictionnaire érotique, Paris, Ed. Blanche, 2002.

* 418 DAUPHIN Cécile, FARGE Arlette (dir.), Séduction et société. Approches historiques, Paris, Seuil, 2001.

* 419 MUCHEMBLED Robert, L'orgasme et l'occident, Seuil, Paris, 2005.

* 420 ST LAURENT Cécil, Histoire imprévu des dessous féminins, Paris, Herscher, 1986.

* 421 CHENOUNE Farid, Les dessous de la féminité, un siècle de lingerie, Paris, Assouline, 1998.

* 422 BERTHERAT Marie, DE HALLEAX Martin, 100 ans de lingerie, Paris, Atlas, 1996.

* 423 NERET Gilles, 1000 dessous Histoire de la lingerie, Paris, Taschen, 2003.

* 424 LOMBARDI Paola, SCHIAFFINO Marie-Rosa, L'éloge du bas, Paris, 1989.

* 425 SZTAJN Lili, Histoire du porte-jarretelles, Paris, La Sirène, 1992.

* 426 ROSSI William, Erotisme du pied et de la chaussure, Paris, Payot, 1976.

* 427 ASSOUN Paul-Laurent, Le fétichisme, Paris, Puf, 1994.

* 428 ISRAEL Lucien, Le désir à l'oeil, Strasbourg, Arcanes, 1994.

* 429 PERROT Philippe, Le travail des apparences, Paris, Seuil, 1984, (p.199).






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984