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La pin-up et ses filles: histoire d'un archétype érotique

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par Camille Favre
Université Toulouse Le Mirail - Master 2 Histoire des civilisations modernes et contemporaines 2007
  

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1.2 Le cas particulier des bas.

Mais l'accessoire de séduction qui revient systématiquement dans les dessins de pin-up est la paire de bas. Ces bas sont une sorte de leitmotiv dans les représentations féminines sensuelles. A partir de la fin du XIXe siècle, ils vont devenir l'accessoire presque conventionnel de l'imagerie érotique.

L'origine du mot bas est une abréviation du mot du XVIIe siècle : « bas de chausses » qui désigne la partie d'un élément masculin collant et allant du pied au genou30(*). Les bas ordinaires étaient en laine et les bas de luxe en soie (depuis 1572, date de l'apparition en Angleterre, des premières machines à tricoter). Le bas de coton est en vogue dans le dernier tiers du XVIIIe siècle et le fil d'écosse est à l'honneur sous Louis Philippe. Différentes modes se succèdent du XVIIIe siècle à nos jours. On peut cependant dégager quelques étapes décisives. Dès la fin du XIXe siècle, la soie s'impose pour le bas comme pour les autres pièces de lingerie. Après 1924, la mode des jupes légèrement plus courtes répand l'usage du bas de soie de couleur chair. A la fin des années vingt, on commence à utiliser en bonneterie la rayonne ou la soie synthétique. C'est en 1938 que naît le bas nylon (le nylon est mis au point par Wallace Carothers). Durant la Seconde Guerre Mondiale, les restrictions imposent aux femmes un étonnant subterfuge : elles teintent leurs jambes nues et dessinent le long du mollet un trait brun figurant la couture du bas. C'est en 1955 qu'une découverte dans les métiers à tisser permet de supprimer la couture. Dans les années soixante, l'industrie des bas est révolutionnée par l'apparition du collant qui apporte une amélioration considérable, surtout en ce qui concerne la finesse de la maille. Le retour de la lingerie de charme, dans les années quatre-vingt, réhabilite le bas. Quant au collant, suivant la même tendance, qu'il soit à couture, en dentelle fine, semé de strass, imprimé, brodé ou mêlé de soie, il se sophistique.

Le regard s'arrête sur l'endroit magique où le bas s'arrête et où va apparaître la culotte. L'érotisme se fixe alors sur ce petit intervalle de chair délicate et tentatrice (entre le bas et la culotte) (Ill. 29). Que se soit dans l'art ou dans la littérature les bas ont toujours fasciné et possèdent un pouvoir attractif qui relève du fantasme : « Je ne lui laissais que les bas parce qu'à mon avis c'est plus joli. D'ailleurs, sur les journaux, les femmes déshabillées ont toutes des bas31(*) ». On retrouve ce même pouvoir sexuel dans un passage de Jean Charles Gateau : « on se branlait à 15 ans sur Paris Hollywood et V Magazine. Ce dernier gonflait ses pages de pineupes pneumatiques aux pétards du tonnerre, aux nichons russeliens et aux ondulations hayworthienne ; l'autre en séquences immuables, déshabillait des gonzesses en couleur [...] Telles étaient nos madones de pensionnat. L'érotisme de grand papa, bottines et baleines, nous laissait de glace. La page des fatales d'avant-guerre (yeux charbonneux, culotte de soie incrustés de dentelles, bas luisants, seins de coulisse ou de douche) et même  « la petite tralala » de Suzy Delair ne nous faisaient pas tourner la tête. Trop de fanfreluches rétro. La guerre n'avait pas encouragé l'excitation fétichiste : hideuses semelles compensées, culottes de viscoses ou de rayonne, bas de coton ravaudés ou teinture à la chicorée sur laquelle les habiles peignaient la couture. Notre génération vit s'imposer les textiles de synthèse et le roi nylon [...] Avec la prospérité venaient, dans une grande débauche de blanc nuptial, les jambes parfaitement gainées de nylon arachnéen par Chesterfield, les slip minuscules et affriolants, la gaine Scandale illustrée par Brenot, les décolletés pigeonnants, les porte-jarretelles légers comme une plume32(*) ». 

Mais c'est réellement dans l'art que les bas exercent tout leur pouvoir de fascination. Nombreux sont les tableaux où les scènes représentées ne sont qu'un prétexte pour dévoiler les bas : on pense à l'oeuvre La levée de Fanchon33(*) de Nicolas Bernard Lépicié (1735-1784) où une jeune fille, non coiffée, en chemise, met ses bas. Le lit, sur lequel elle est assise, est défait. Un chat se frotte à sa jambe. Le titre du tableau sème le trouble : véritable réveil ou rhabillage après l'amour ? Le réajustement des bas apparaît aussi comme un thème prétexte pour représenter un geste, qui dans l'imaginaire érotique est on ne peut plus sensuel34(*). Les scènes de bain ou de toilette, comme nous l'avons vu, permettent de dévoiler le corps féminin mais aussi les parures de ce même corps : dans le tableau de François Boucher (1703-1770), La toilette intime, le jupon de la jeune fille est retroussé, dévoilant ainsi ses bas blancs35(*). Du côté de la photographie érotique ou pornographique, les bas aussi sont un thème récurrent : de nombreuses séries de photographies s'intitulent : les bas rayés (1900), les bas noirs (1910) ou alors Les émois du pantalon (1900).

Cette fascination pour les bas poussa Elmer Batters (1919-1997) à inventer le genre photographique du « leg art ». Ses magazines comme Legs That Dance To Elmer's Tune, Black Silk Stocking (1958), Sheer Delight (1958), Tip Top (1967), Nylon Double Take (1967) et Man's Favorite Pastime se composent principalement de photographies de jambes de femmes ornées de bas (Ill. 30). Cette passion pour les jambes des femmes lui vaut au début des années soixante, une accusation pour obscénité : « c'était à cause des pieds dans les bas. Devant le tribunal, j'ai demandé ce que ça avait d'obscène et ils n'ont pas su me répondre, sauf pour me dire que c'était pervers36(*) ».

* 30 ST LAURENT Cécil, Histoire imprévu des dessous féminins, Paris, Ed.Hescher, 1986, p.270.

* 31 BOVE Emmanuel, Mes amis, Paris, Flammarion, 1977 (1ière édition 1924), p.32.

* 32 GATEAU Jean Charles, « Et la quatrième créa » in Chroniques des années froides (1947-1956), Grenoble, Pug, 1981, p.96.

* 33 LEPICIE Nicolas Bernard, La levée de Fanchon, 1773, huile sur toile, 74 x 193 cm, St Omer, Musée de l'hôtel Sandelin.

* 34 TOULOUSE-LAUTREC Henri de (1864-1901), Femme tirant sur son bas, 1894, huile et crayon sur toile, 58 x 46 cm, Paris, Musée d'Orsay.

* 35 BOUCHER François, La toilette intime, 1741, peinture sur toile, 52,5 x 66,5 cm, Luguno, Fondation Thyssen Bornemiza.

* 36 HANSON Dian, The history of girly magazines, Paris, Taschen, 2006, p.545.

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