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Contribution de l'oralité à  l'étude des relations entre les pygmées Baka et les Bantous au sud-est du Cameroun ,des origines à  1960

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par Joseph Jules SINANG
université de yaoundé1, Cameroun - maà®trise 2004
  

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5. Cosmogonie et mythologie

Le Baka a développé plusieurs croyances en rapport avec sa cosmogonie et sa mythologie. Ainsi, à travers le mythe de la création, on comprend pourquoi le Baka vénère la nature. Car il se considère lui-même comme un élément au même titre que toutes les autres créatures de Komba, le Dieu infiniment bon, qui offre tout en don. Ces dons qui sont bien souvent transmis par les esprits incarnés par les masques1(*)8.

Parmi ces esprits, on peut citer Bokela qui entraîne le chasseur sur la piste du gros gibier ; Mouguela apparaît lors des décès, et Koze préside à la danse de la divination du Ngangan et des soins lors de «la danse de feu». Nyabulo quant à lui, intervient lorsque l'éléphant a été tué1(*)9. De tous ces esprits, Jengi reste le plus grand et le plus fort2(*)0. Il est au centre de la religion Baka qui marque son enracinement dans son univers. Cette religion est à la base de certaines pratiques rituelles visant à protéger la vie de toutes les agressions extérieures.

1. Rites et thérapie

Il est généralement admis que les Baka sont les grands féticheurs2(*)1. Ils ont une connaissance approfondie des plantes sylvestres dont ils se servent aussi bien à des fins thérapeutiques que pour modifier le cours des événements. Cette médecine se pratique à base de feuilles, d'écorces et de racines des plantes.

L'infusion des remèdes s'effectue à travers les orifices naturels quand elle ne procède pas par scarification. Des traitements locaux s'opèrent également par application cutanée. Cette médecine n'a pas que des vertus curatives, l'aspect préventif fait recours à l'usage des fétiches. Ce sont des objets consacrés dotés de certaines vertus. Leur double rôle est d'attirer la chance, et d'écarter les mannes malveillantes. Pour le R.P. Trilles, «ce sont des moyens de salut pour le but qu'ils poursuivent »2(*)2.

Le Baka organise régulièrement des cultes à l'endroit des esprits. C'est au cours de ces célébrations que les miracles sont opérés. L'une des cérémonies les plus en vue et déterminantes dans la société reste la célébration du jengui. Il s'agit d'un rite multidimensionnel. Il est avant tout un rite d'initiation qui confère certains droits dans la société et ouvre les portes de la vie adulte. Le jengui, c'est aussi l'instance judiciaire suprême à laquelle les Baka font recours quand les anciens s'avouent incompétents dans la résolution d'un conflit. En outre, le jengui a pour rôle de maintenir la paix. Du reste , les décisions qui sont prises à l'occasion sont inviolables car il est garant des pactes sociaux et tous les actes contractés en son nom sont sacrés et respectés comme tels.

7. Le temps et l'espace

Le temps et l'espace sont des repères qui rythment la vie du Baka. L'espace Baka reste la grande forêt équatoriale. Cette forêt ancestrale qui le nourrit, le protège et de laquelle il espère tout. Elle est le lieu d'expression de sa gaieté et de son action, le lieu d'épanouissement de ses rites et de ses légendes. En elle, fleurissent la liberté et la paix. D'où tout le sens de ce proverbe Baka lourd de signification : «a to bele ngue wé» c'est à dire qu' «en forêt, il n'y a pas de palabre».

L'intimité du Baka envers cette forêt est profonde, étroite, secrète, si bien qu'elle constitue son patrimoine. Voilà pourquoi, Séverin Cécile Abega pense que «l'arbre n'est pas un morceau de bois qu'on coupe pour se faire l'argent. C'est un être vivant [...] car le Baka a été fait pour la forêt et la forêt pour le Baka»2(*)3. Le vieux Moke Mboti du Zaïre ne dit pas le contraire, lorsqu'il déclare à Colin Turbull que : «si nous quittons la forêt ou que la forêt meurt, nous mourons aussi»2(*)4.

Cette conception de l'espace par le Baka détermine ses formes d'appropriation particulières. Aussi cet espace est géré en fonction de la disponibilité de ses ressources. Lorsque celles-ci sont épuisées, le Baka préfère déménager pour un autre site. D'où la grande mobilité qui le caractérise. Tout ceci façonne sa temporalité.

La gestion du temps est fonction des activités dictées par la nature. Il devient donc abstrait d'établir un quelconque calendrier, encore moins de faire les prévisions. Tel est le fondement de son système économique .

B. La vie économique

Le système économique des Baka reste fortement dominé par l'impératif de nutrition. Ainsi que le soulignent Laburthe Tolra et Warnier , «nous sommes ce que nous mangeons. D'une certaine manière, nous sommes ce que nous consommons »2(*)5. Autrement dit, l'homme se détermine à travers les techniques d'acquisition des biens, et leurs circuits d'échange, varient en fonction de son régime alimentaire. Le Baka dans son cas a développé des activités de production et d'échange susceptibles de lui fournir de la nourriture chaque jour. Cette nourriture, il la trouve dans son écosystème que Bahuchet nous présente comme riche en animaux et végétaux2(*)6. Cette abondance le dispense de toute forme d'accumulation. C'est la raison pour laquelle il est désigné de prédateur. ce terme pouvant paraître péjoratif, si nous n'examinons pas son mode de production avec diligence.

1. La production

Le régime alimentaire du Baka, centre névralgique de son économie, est constitué en majorité des animaux et des végétaux dont la prise exige une dépense de temps et d'énergie considérables2(*)7. Le temps consacré aux activités liées à cette production montre à quel point il s'agit d'un véritable travail qui obéit à une répartition des tâches entre les sexes.

La femme,  en plus d'aller à la pêche, est essentiellement chargée de glaner la nourriture végétale : igname sauvage, escargots, termites, larves, serpents et fruits sauvages2(*)8. Sa corbeille reste sa compagne fidèle dans ses allées et venues (Voir photo 7). C'est à elle que revient aussi la construction des huttes et l'artisanat.

L'homme se réserve la chasse et la collecte du miel car le Baka est avant tout un chasseur (voir photo 6). Il reste un piégeur chevronné qui, par son flair, reconnaît la présence des animaux, détermine les empreintes de chaque espèce et utilise des techniques et des outils adaptés à chaque type de gibier. L'activité de chasse apparaît comme un facteur de valorisation et détermine une certaine reconnaissance sociale2(*)9.

Le miel des abeilles est récolté sur les arbres et celui du mylopène dans les souches. Son extraction nécessite beaucoup de tact et de courage. D'où cette invite à la responsabilité contenue dans cet autre proverbe Baka : «wa sia poki ngue wadoo» c'est-à-dire « celui qui extrait le miel, doit supporter les piqûres des abeilles». Autrement dit, qui cherche les problèmes doit supporter les conséquences. Le miel est un produit d'une haute valeur . Il est utilisé comme appoint nutritif lors du sevrage des enfants et comme cadeau à un hôte.

Le Baka ne s'intéresse pas assez à l'élevage. Cette activité ne s'accommode pas de sa grande mobilité. En plus, la viande des animaux domestiques n'est pas appréciée dans la mesure où ces derniers la considèrent comme des hommes. Toute consommation s'assimilerait donc à une forme d'anthropophagie, en raison de leur cohabitation3(*)0. Seul le chien est admis en sa qualité d'auxiliaire de chasse.

L'agriculture reste le parent pauvre de l'économie des Baka et pour cause les plantes sont un don de Komba qui les a dotées de toute la puissance3(*)1. L'homme ne peut en aucun cas se substituer au créateur. Mais encore, la durée du cycle végétatif est un facteur de découragement étant donné que la vie du Baka est directement portée vers l'immédiateté. Il n'existe pas de frontières étanches entre la production et la consommation car le Baka ne thésaurise pas. Il produit essentiellement pour consommer et c'est le surplus qui est directement engagé dans les échanges.

2. L'échange des biens et services

Le communautarisme a eu raison de l'individualisme au sein de la société Baka. Ainsi, tous les produits issus de la chasse, de la pêche ou de la cueillette sont répartis au sein du groupe. Seuls les excédents sont remis à l'épouse pour la consommation. Un réseau d'échanges s'est ainsi établi entre les campements. La majeure partie des ressources des Baka est utilisée pour satisfaire les besoins immédiats, notamment ceux relatifs à l'habitat et à l'alimentation. Ces ressources, les Baka les prélèvent dans la forêt, de façon rationnelle. A présent que l'exploitation anarchique de la forêt limite les capacités productives du Baka, celui-ci se trouve déstabilisé. Bien plus, son arrimage à l'économie monétaire qui lui permet d'avoir du sel, du tabac, du chanvre, de l'alcool, des vêtements, des postes radio pour lesquels il a un goût très prononcé le met en difficulté. Plus que par le passé, il doit s'attacher au Bantou, son compagnon de toujours, dont la culture semble mieux adaptée au contexte ambiant.

II. De La culture chez les Bantou

Il nous a semblé complexe de parler de culture bantou étant donné qu'il n'existe pas de peuple encore moins de civilisation bantou comme l'ont avancé certains auteurs. Le terme Bantou a été forgé par Immanuel Wilhen Bleek en 1862 pour désigner un ensemble de populations aux langues apparentées que l'on retrouve en Afrique subsaharienne. Bien que chacune de ces populations dispose des caractères culturels spécifiques marquant son identité, celles-ci présentent néanmoins un faisceau de traits communs dans les domaines de la structure linguistique, la métallurgie du fer, les techniques économiques, l'organisation sociale et les mentalités religieuses.

A. La parenté linguistique

Les traditions orales des populations du Sud-Est ont situé leurs origines historique et géographique respectivement dans la vallée du Nil pour les Ngombe et la cuvette congolaise pour les Mpo'oh et les apparentés. Des données qui ont été entérinées par la linguistique. Celle-ci aura permis d'affirmer l'appartenance de ces groupes au complexe ethno-linguistique Bantou. Ipando Jean-Jacques dit à ce sujet que, «dans la Boumba et Ngoko, en dehors des Bangando et des Yanghéré, toutes les autres langues sont inter-compréhensibles »3(*)2.

Innocent Edjondj Mempouth relevant la parenté linguistique des langues Mpo'oh et apparentés écrit qu' «on n'a pas besoin d'un quelconque apprentissage pour comprendre les langues voisines»3(*)3. Cette même similitude est aussi constatée au niveau des structures politiques.

B. L'organisation socio-politique

La structure socio-politique des Bantous du Sud-Est reste conforme au modèle des sociétés lignagères, principale caractéristique des locuteurs bantous. Le lignage constitue à cet effet l'unité résidentielle, le cadre de référence de la vie sociale. La succession est patrilinéaire. Les individus s'identifient à leur clan d'origine dont ils portent le nom de l'ancêtre fondateur. Certains clans sont formés au cours des situations troubles comme les migrations et les guerres où les hommes, pour se tirer d'affaire, scellent des alliances avec des animaux ou des plantes qui deviennent ainsi leurs totems et constituent par conséquent leurs interdits alimentaires. Les clans ainsi formés prennent leurs noms. Tel a été le cas chez les Bangando dont voici la liste des clans.

Clans

Totems

Bodawa - Ndedi

- Kanga

- Malike

- Duse

- Ma

Singe

Bowe - Bowe

- Dolo

Feu

Bogo - Ngandja

- Tinge

Panthère

Bonue

Oiseau

Bongwea

Sanglier

Bofolo

Eléphant

Boyele

Buffle

Bo Mbela

Aigle

Bo Mbo'o

Antilope noire

Bo Go'o

Serpent

Bo Mbissa

Arbuste

Bo mbiko

Banane

Source : Jacques Wilhelm, Mwaabakumu, Le réconciliateur chez les Bangando du Sud-Est, p.8.

Le terme bo signifie, «ceux de», « les descendants de » ou encore « du lignage de».

Chez les Mpo'oh et apparentés, la famille qui est l'unité clanique de base est désignée par l'expression Ndjaw bot. Placée sous la direction d'un homme âgé appartenant à la dernière génération des parents, elle rassemble tous les individus issus d'un même ancêtre génétique. Le ndjwa bot s'identifie toujours par le nom de son ancêtre qui lui est attaché.

Un ensemble de Ndjawbot forment un beng bot, famille large qui est une unité plus large comme son nom l'indique. A la tête, on trouve un meneur d'hommes ; un rassembleur entouré d'un conseil d'anciens qui siège au hangar (mpanj), élevant indifféremment leurs enfants et mangeant ensemble conformément à la solidarité africaine. C'est en ce lieu que se décide la guerre ou la paix avec les autres unités sociales3(*)4.

Plusieurs beng bot forment à leur tour un koul bot ou clan. Il s'agit d'une unité large avec relâchement des liens de parenté.

La structure sociale des Mpo'oh peut ainsi être schématisée.

Ndjaw bot

* 18 Ngbengue Samuel, Baka, entretien du 5 février 2005 à Masiang.

* 19 S.C. Abéga, Pygmées Baka..., p.43.

* 20 Ngbengue Samuel, Baka, entretien du 5 février 2005 à Masiang.

* 21 Donny Elwood, un chansonnier camerounais dans l'un de ses tubes présente la gamme de services extraordinaires que les Pygmées rendent aux Bantou.

* 22 Trilles, L'âme du Pygmée..., p.215.

* 23 S.C. Abéga, Pygmées Baka..., p.84.

* 24 Ibid

* 25 P. L. Tolra et J-P. Warnier cité par O. C. Ossanga, «Pygmées Bédzang...» , p.6.

* 26 S. Bahuchet, «Les Pygmées Aka de la forêt centrafricaine», Se nourrir en forêt équatoriale, anthropologie alimentaire des populations des régions forestières humides d'Afrique, UNESCO, Paris, 1990, p.14.

* 27 Les femmes Baka nous ont appris qu'elles mettent près de trois heures pour déterrer les tubercules d'ignames.

* 28 Mvogo Suzanne, Baka, entretien du 9 avril 2005 à Nguilili.

* 29 G. Phillipart de Foh, Les Pygmées..., p.32.

* 30 S.C. Abéga, Pygmées Baka..., p.56.

* 31 Ndongo Pascal, entretien du 11 avril 2005 à Mbangoye I.

* 32 Ipando Jean-Jacques, Maire de Moloundou, entretien du 10 mars 2005 à Moloundou.

* 33 I.A. Edjondj Mempouth, «Etude ethno-historique des Mpo'oh... », p.46.

* 34 Ekwas, Sébastien entretien du 26 février 2005 à Mbol XII.

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