WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Mouvement associatif et dynamique de développement au nord-Kivu. cas des associations de tendance religieuse en territoires de Beni et Lubero

( Télécharger le fichier original )
par Emmanuel MUSONGORA SYASAKA
Université catholique de Louvain - Diplôme de master complémentaire en développement-environnement et société 2007
  

sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

Mouvement associatif et dynamique de développement

au Nord-Kivu. Cas des associations de tendance

religieuse en territoires de Beni et Lubero.

Mémoire présenté par Emmanuel MUSONGORA SYASAKA
En vue de l'obtention du Diplôme de Master complémentaire
en développement-environnement et sociétés

Jury composé de :

Promoteur : Prof. Marc PONCELET (Ulg)

Co-Promoteur : Prof. Pierre- Joseph LAURENT (UCL)

Lecteur : Prof. Gautier PIROTTE (Ulg)

Année académique 2007 - 2008

DEDICACE

A l'Université Catholique du Graben de Butembo et à la famille Syasaka,
Je dédie ce travail

3 REMERCIEMENTS

Certes, nous avons fourni des efforts pour élaborer ce mémoire, mais il est de notre devoir de remercier tous ceux qui nous ont soutenu d'une manière ou d'une autre. Que ceux dont les noms ne sont pas repris ci-dessous, ayant contribué à sa réalisation, trouvent ici l'expression de notre profonde gratitude.

Mes remerciements s'adressent :

- aux membres du jury, le professeur Marc Poncelet qui a accepté la responsabilité académique d'assurer la direction ce mémoire avec disponibilité, les professeurs Laurent Pierre-Joseph et Gautier Pirotte pour la lecture et leurs remarques pertinentes, - à la Commission Universitaire pour le Développement pour la bourse d'étude accordée,

- au professeur Mafikiri Tsongo Angélus, recteur de l'université catholique du Graben, pour ses orientations,

- au professeur, abbé Apollinaire Malumalu pour les conseils fournis,

- aux amis de l'Université Catholique du Graben, en formation en Belgique pour la bonne compagnie,

- à mes parents et ma famille qui ne cessent de manifester leur affection

- aux responsables des associations consultées sur terrain pour leur disponibilité. Nous pensons à l'abbé Giovanni Piumatti, Ezecca Tsongo, Ephrem Syasaka et Balihesima Kadukima,

- au professeur émérite Jacques Delcourt pour la lecture du document final,

- aux camarades étudiants en master complémentaire en développement, environnement et société,

- aux amis et/ou frères de Butembo, Beni et Lukanga qui ont aidé lors de la collecte des informations, plus particulièrement Bertrand Katsongeri, Musubaho Kivuyirwa, Vitya Vithimo, Musendwa Syasaka, Pascaline Syasaka, Agnès Kyakimwa Siriwayo, Guy Boyoma, Makelo Kasereka Syataghalene, Finay Mulando, Masma Maneno, Papy Visiha et Titina Simisi,

- au Père Charles Delhez, Henrik Gharibian, au groupe AGAPE et à la communauté chrétienne de la paroisse de Blocry, Monique Fragnière, Antonio et Marie Gislaine Pincetti, Régine Van Vaerenbergh, Christiane Goedemé, Louis et Gabi Minet, Denis et Chantal Heymans, Jean-Marie et Yvette pour leur sympathie durant notre séjour en Belgique.

INTRODUCTION

1. Etat de la question

Parler du mouvement associatif revient à évoquer la problématique de définition de la société civile. En effet, pour Bonnet et Degryse1, le phénomène associatif est un fait de société. Depuis la reconnaissance légale de la liberté de création des associations en France, celles-ci prolifèrent et leur expansion s'est considérablement accrue au cours de deux dernières décennies. Selon les estimations de plusieurs sources en 1997, poursuiventils, un individu sur deux serait membre d'une association et 15% de population exerceraient des responsabilités à différents niveaux dans ce domaine. Cette affirmation nous pousse à croire qu'elles jouent un rôle majeur dans la société française pour que les individus adhèrent à celle-ci de cette manière.

C'est dans cette optique que Jacques Defourny dit :

« par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, les besoins qu'elles rencontrent et les services marchands ou non marchands2 qu'elles fournissent, de très nombreuses associations sont largement économiques, et participent incontestablement à la production de richesses et à l'accroissement du bien-être général » 3.

Cela se renforce par les déclarations de Chantal Philippe et Jean-Louis Laville qui disent:

« les associations dont les ressources émanent largement de la redistribution et du bénévolat développent des institutions que l'économie marchande traditionnelle ne suscite pas »4.

Toutefois, la situation est observée différemment dans le temps et dans l'espace. Le continent africain en est un bon exemple. Dans l'histoire de la République Démocratique du Congo (RD. Congo), plus spécialement au Nord-Kivu, les associations et ONG sont des acteurs qui ont été jugés compétents et légitimes qui été identifiés pour canaliser

1 BONNET, Francis et Oliver DEGRYSE, le Management associatif, De Boeck & Larcier, Bruxelles/Paris, 1997, p.5.

2 Ici on peut retenir, selon Jacques DEFOURNY, que les biens et services marchands sont ceux vendus à un prix couvrant au moins le coût de production alors que les biens et services non marchands sont fournis gratuitement ou à un prix sans rapport avec leur coût de production. La différence entre le coût et le prix est couverte généralement par un financement extérieur au marché sous forme de subvention, cotisations ou dons.

3 DEFOURNY, Jacques, « Le secteur de l'économie sociale en Belgique », in : Jacques DEFOURNY - José L. MONZÓN CAMPOS (Eds), Economie sociale. Entre économie capitaliste et économie publique, CIRIEC/ De Boeck Université, Bruxelles, 1992, p.229.

4 CHANIAL, Philippe et LAVILLE, Jean-Louis, « L'économie sociale et solidaire en France », in : LAVILLE J.-L, MAGNENJ.-Ph., De FRANCA FILLO G.C. et MEDEIROS A. (dir), Action publique et économie solidaire. Une perspective internationale, ERES, Ramonville Saint-Agne, 2005, p.61.

officiellement l'aide jusqu'à la base suite à la disqualification de l'Etat5. Ainsi, on assiste à une prolifération des associations avec divers objectifs.

A ce propos, MIREMBE dans sa thèse de doctorat en 2005 dit :

« De plus en plus à Butembo, comme ailleurs en République démocratique du Congo, se développe le groupement des personnes à dessein commun généralement non lucratif. Des micro-entrepreneurs se regroupent en associations qui revêtent diverses formes : mutuelles, corporation, syndicat, groupement de village de provenance, comités divers, etc. Plus de 70% des enquêtés à Butembo, se sont déclarés membres d'une association »6.

En RD. Congo, les confessions religieuses sont régies par la loi7 des associations sans but lucratif. Comme acteur collectif de développement, on trouve parmi celles-ci d'autres regroupements qui jouent aussi un rôle important dans la finance populaire comme mobilisateurs de fonds. C'est le cas des bureaux diocésains de développement, des communautés ecclésiales vivantes et des mouvements d'actions représentés dans tout le pays8.

De la littérature trouvée dans la région du Nord-Kivu, en RD. Congo, plus particulièrement dans les territoires de Beni et Lubero, se dégage une image autour du mouvement associatif. MIREMBE Omer porte son intérêt sur les associations dont les membres sont impliqués dans le commerce transnational. Les associations sont ici analysées comme faisant partie des acteurs qui, à travers leurs pratiques, permettent et facilitent la connexion des opérateurs économiques locaux au commerce transnational. KAKULE KAPARAY Christian, quant à lui, démontre la part qu'ont les associations de ces territoires dans les systèmes de mobilisations des ressources importantes au sein d'une économie populaire. Par ailleurs, l'analyse de KATSUVA MUHINDO9, en s'appuyant sur les associations religieuses démontre que l'Eglise catholique constitue un acteur social et

5 MAFIKIRI TSONGO, Angélus, « Coopération au développement, mode de financement des ONG et gouvernance locale : cas des microréalisations du Kivu (République Démocratique du Congo », in : A.-R. KIONI KIABANTU (ed.), La République Démocratique du Congo face aux défis du 21è siècle, Academia Bruylant, 1998, pp.135-150.

6 KAMBALE MIREMBE, Omer, Echanges transnationaux, réseaux informels et développement local. Une étude au Nord-Est de la République Démocratique du Congo, thèse de doctorat en sciences sociales : développement, population et environnement, UCL, Presses universitaires de Louvain, Louvain-la-Neuve, 2005, p.180.

7 Loi n°004/2001, du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but lucratif et aux établissements d'utilité publique

8 KAKULE KAPARY, Christian, Finance populaire et développement durable en Afrique au Sud du Sahara. Application à la région nord-est de la République Démocratique du Congo, thèse de doctorat en sciences sociales: développement, population et environnement, UCL, Presses de l'imprimerie CIACO, Louvain-la-Neuve, 2006, p.106.

9 KATSUVA MUHINDO, Alphonse, Catholicisme, engagement politique et processus démocratique en République Démocratique du Congo, thèse de doctorat en science politique, Université Pierre Mendès France-Grenoble 2, Instituts d'études politique de Grenoble, Grenoble, janvier 2008.

politique important. Dans cette analyse, les dynamiques religieuses constituent aujourd'hui en Afrique, surtout en RD. Congo, des éléments principaux des processus de changement social et politique. L'appartenance religieuse apparaît comme un déterminant dans la construction des identités politiques nationales.

Notre étude, par contre, sort de ce contexte et essaie d'analyser la manière de constitution et de fonctionnement des associations en mettant l'accent sur les associations de tendance religieuse. Il ne s'agit pas de faire une analyse des confessions religieuses mais d'étudier les associations qui ont une tendance religieuse.

Etant majoritairement chrétiens et habités par le peuple Yira appelé également Nande, les territoires de Beni et Lubero enregistrent dans leur bilan plusieurs actions et réalisations au sein de la société civile qui a des empreintes religieuses. La société civile locale, depuis une décennie, est influencée par les confessions religieuses. Ses différents bureau de coordination, celui de Beni et Butembo, ont été alternativement dirigés soit par des prêtres, soit par des pasteurs religieux, soit encore par des leaders du mouvement associatif : Organisations non gouvernementales de développement (ONGD), coopératives agricoles, mutuelles de solidarité, ... Dans ce contexte, il ressort que la société civile de Beni et Lubero semble trouver son fondement ou s'enraciner dans les confessions religieuses.

2. Problématique

Dans le contexte actuel de post-conflit en RD. Congo, on observe une multiplication des initiatives locales permettant aux populations de faire face aux problèmes courants (la pauvreté, l'accentuation des inégalités, l'insatisfaction des besoins fondamentaux, le chômage, la faiblesse de revenu, la croissance, la cohésion sociale, la famine) et de subvenir aux besoins urgents et élémentaires.

Ces initiatives revêtent plusieurs formes : il peut s'agir d'organisations non gouvernementales locales et internationales, de petites et moyennes entreprises, de coopératives, des sectes, des églises, d'institutions de formation et d'éducation, ou encore de maisons de santé, d'organisations d'épargne et de prêt formel ou informel, de fédérations associatives, de réseaux d'associations, d'associations caritatives, d'associations confessionnelles, ... Cette situation montre une véritable diversité qui stimule la création des groupes spécifiques s'organisant autour de leurs propres activités ou des bailleurs intérieurs ou extérieurs. Une concurrence s'instaure ainsi entre les organisations entraînant d'une part une disparition rapide de certaines institutions locales et d'autre part l'émergence d'autres organisations disposant des moyens très importants. Cette concurrence est accentuée par la multiplicité des intervenants et la multiplicité des formes de la société civile.

Une des formes dynamiques est celle des confessions religieuses. Il s'observe dans celles-ci un foisonnement d'associations catholiques, protestantes, islamiques, et celles dites de réveil assimilées au pentecôtisme. Les acteurs qu'on y rencontre mobilisent et rassemblent les fidèles pour résoudre les problèmes quotidiens et urgents : adduction d'eau, appui aux déplacés des guerres et des catastrophes naturelles, assistance aux prisonniers,... En effet, ces associations religieuses représenteraient 20% de l'ensemble des associations se trouvant sur les territoires de Beni et Lubero10.

Au regard de cette représentation et des actions sur le terrain, il y a lieu de se poser mille et une question sur la part de chacune d'elles. Elles posent un problème fondamental, à savoir:

Quelle est la part des associations religieuses dans la dynamique de développement de Beni et de Lubero ?

Cette question nous pousse à soulever quelques sous questions :

- Comment se constituent ces initiatives locales ?

- Quels sont les facteurs explicatifs de leur prolifération rapide ?

- Quelle perception a la population des actions des associations de tendance religieuse ? Ce sont d'ailleurs ces associations que nous prenons comme étude des cas.

Ces quelques questions nous permettent de voir l'impact de ces institutions sur le développement local. Pour reconnaître cet impact, il faudra faire une analyse des activités dans lesquelles ces associations sont impliquées. Il s'agira de voir : quelles sont les activités auxquelles les associations d'obédience religieuses se livrent ? Quelles raisons les poussent à les adopter ? Comment arrivent-elles à réaliser leurs objectifs ? On examinera dans quel contexte les associations ciblées (suivant les confessions religieuses) sont en interaction et à quel niveau.

3. Hypothèses de travail

Les réponses anticipatives à ces questions constituent dans cette investigation nos hypothèses.

En effet, nous estimons qu'il est possible que la multiplication des associations ait un impact sur le développement. Dans la plupart de cas, la religion semble jouer un rôle important dans cette dynamique à travers ses associations enregistrées dans la société civile congolaise en général et celle de Beni-Lubero en particulier. Cependant, parmi elles, les

10 Pourcentage calculé par nous même sur base du tableau synoptique des acteurs et associations de développement de Beni et Lubero. Nous l'avons constitué pendant la récolte des données effectuée en juinjuillet 2007. Il sera mis en annexe du travail. Par ailleurs, le mode conditionnel est utilisé dans cette phrase pour montrer que la liste de ces associations n'est pas exhaustive. D'autres fonctionnent sans textes légaux et ne sont pas répertoriées au service des affaires sociales. Le pourcentage est à revoir à la hausse.

unes paraissent plus impliquées dans les actions matérielles alors que d'autres le sont dans des actions immatérielles. Les premières sont engagées dans les actions de développement concrètes alors que les secondes se penchent sur la formation morale des fidèles. Toutes, essaieraient d'atténuer les souffrances des populations et de jouer le rôle d'un Etat providence à la place de l'Etat plongé dans une crise politique et économique qui serait elle-même la cause principale de la multiplication des associations tant religieuses que non religieuses. C'est sur base des actions de ces dernières au sein de la société civile que nous serons en mesure de prendre position, surtout d'émettre un jugement sur l'amélioration des conditions générales de vie de la population. Ceci est soutenu par les propos de Laurent Pierre-Joseph qui dit :

« le développement n'est pas une abstraction, mais renvoie à des pratiques concrètes. Au village, le développement passe essentiellement par la création d'une association.» 11.

Sans se lancer dans le débat et la polémique actuelle sur des indicateurs de développement, nous tentons dans cette investigation de vérifier la part de chacune des associations ciblées dans l'étude des cas.

4. Objet et but de la recherche.

Cette étude est consacrée à l'analyse de la dynamique sociale des associations de tendance religieuse au sein de la société civile des territoires de Beni et Lubero. Pour y arriver nous nous appuyons sur quelques associations considérées comme un échantillon. Elles dépendent des catholiques et des protestants qui sont deux confessions religieuses prédominant dans la région d'étude.

Nous prenons comme cible les associations issues d'une dynamique locale bien que certaines soient encadrées par des responsables confessionnels comme les prêtres et les pasteurs. Cette démarche permet de se rendre compte des actions issues des efforts locaux contrairement aux associations religieuses et organisations non gouvernementales à caractère institutionnel, voire internationales dont la politique de conception, d'exécution et de gestion des actions relèvent souvent des quartiers généraux se trouvant à l'étranger (Italie, France ou encore Belgique pour les associations catholiques comme Caritas ou Misereor ; Allemagne ou Suisse pour les protestants comme la Lutheran World Federation, LWF ou encore Actions by Church Together). Cette dernière catégorie d'organisations, que nous excluons de notre champ d'investigation, dispose des moyens importants étant

donné qu'elles font partie des vastes réseaux qui leur ouvrent l'accès à des fonds à travers le monde.

Ainsi, pour répondre à la question principale, cette étude se fixe les objectifs spécifiques suivants :

- expliquer le mécanisme de constitution et de fonctionnement de différentes

associations locales portant une empreinte confessionnelle au sein d'une société civile. Cela permet de voir comment elles sont issues des besoins locaux ;

- identifier les facteurs explicatifs et déterminants de la prolifération

institutionnelle locale et ses effets sur l'amélioration de bien-être de la population de Beni et Lubero;

- évaluer les stratégies mises en oeuvre pour la réussite sans prétendre faire

une évaluation des projets mais seulement une analyse de la dynamique sociale à travers les effets des activités exercées. Dans cette analyse, il s'agit de comprendre quelles sont les perceptions des populations par rapport aux actions entreprises par ces associations;

- dégager leurs difficultés et leurs conséquences sur le développement;

- proposer un cadre pour un meilleur avenir associatif de la zone étudiée.

5. Méthodologie

Du point de vue méthodologique, cette étude cherche à vérifier si la prolifération des associations locales et de leurs interventions a un effet réel sur le développement local. Tout en utilisant une démarche inductive, nous utilisons pour ce travail trois approches.

Une approche historique qui permet de faire l'analyse du processus du christianisme et de la formation dans le temps des associations à obédience religieuse. Une approche systémique qui facilite l'analyse des interactions entre les différents acteurs autour de ces institutions locales et des enjeux de développement. Enfin, une approche du développement local qui permet d'étudier les effets réels de ce type d'institutions sur le développement local. Elle permet de voir si elles répondent aux besoins réels des acteurs locaux.

Pour mener cette étude, deux sources de données sont utilisées : les sources documentaires et l'enquête.

Les sources documentaires qui permettent d'obtenir les éléments nécessaires sur les différentes études antérieures relatives aux institutions de développement et le rôle des acteurs traditionnels et nouveaux. Elles sont constituées des informations recueillies dans les ouvrages, dans les revues, dans les notes des cours, dans les monographies, dans divers

rapports, mémoires et thèses, dans la littérature grise comme l'internet etc. Une analyse de certains documents nous permettra de comprendre le fondement théorique de ces institutions et les facteurs qui déterminent leur existence et dynamisme. Le traitement et l'analyse statistique des données obtenues ont permis d'aboutir aux chiffres et pourcentages calculés sur base du questionnaire ou protocole d'enquête. Ce protocole a été ensuite complété non seulement par d'autres informations complémentaires éventuelles obtenues sur le terrain (les rapports des associations) mais aussi de nos observations en tant qu'originaire de la région.

L'enquête nous permet de recueillir des données sur les organisations locales de développement, sur les acteurs locaux et sur l'impact réel à la fois sur le développement institutionnel local et sur l'amélioration du bien être des populations. Dans cette étape, nous nous sommes servis du questionnaire d'enquête, des observations et des interviews que nous avons réalisés en juin et juillet 2007. Cette période a été choisie suite au message de la Commission Universitaire pour le Développement (CUD), organisation qui a soutenu notre formation en Belgique, selon laquelle l'étudiant devait disposer d'un maximum des matériaux pour le mémoire parce que le retour sur terrain (au pays) n'est pas prévu.

Du point de vue méthodologique, nous avons analysé les actions de cinq associations dans l'étude des cas. Pour l'église catholique nous avons analysé les activités du réseau « Tuungane », l'association « Waibrahimu » et l'Appui au Développement Local (ADL-assomption), alors que du côté protestant nous nous sommes intéressé aux activités de MAAMS (Multi Actions d'Assistance aux Marginalisé et aux Sinistrés) et de PEAC (Province de l'Eglise Anglicane au Congo). Les associations retenues sont celles qui nous sont apparues comme de tendance chrétienne et qui, outre le fait de répondre aux critères énoncés dans la suite, ont des activités remarquables sur terrain pouvant faire l'objet d'une analyse approfondie.

Bien que nous nous sommes intéressé à 5 associations seulement, nous avons consulté dans les deux territoires les responsables ou animateurs des associations ci-après.

Dans le territoire de Lubero, en plus de l'association Tuungane, Waibrahimu et de l'ADL-assomption, nous avons rencontré les responsables de COPERMA (communauté des planteurs et éleveurs de la région maraîchère), de l'IFED (intégration de la femme dans les activités de développement), de l'ADDF (association pour la défense des droits de la femme),de l'AVO (action d'aide aux veuves et orphelins), de la FEPSI (femmes engagées pour la promotion de la santé intégrale), de P.D.D (paix sociale et développement durable), du CEFADES (centre d'étude, de formation et d'animation pour un développement solidaire), de SOPROP (solidarité pour la promotion sociale et la paix), de

la LIDE (ligue de développement au Congo) et du COTEDER (conseil technique pour le développement rural).

Dans le territoire de Beni, en plus de MAAMS et PEAC, nous avons consulté les responsables de CERAO (centre d'encadrement des enfants rescapés non-accompagnés et orphelins), de LLB (Ligue de la lecture de la Bible), du CHP Heshima Letu-asbl (centre pour handicapé physique Heshima letu), de la FUFEP (fédération des femmes protestantes) et de la CAD (coordination d'aide aux déplacés).

Le fait qu'il n'existe pas une vraie ligne de démarcation entre les protestants et les pentecôtistes, les deux associations de tendance protestante ont été sélectionnées pour leur penchant vers l'Eglise du Christ au Congo (ECC), une plate-forme nationale des confessions protestantes présidée actuellement en République Démocratique du Congo par l'église anglicane. Cette plate-forme ou réseau confessionnel comprend 62 communautés considérées comme protestantes y compris quelques communautés pentecôtistes. Cependant, il faudra préciser au départ que nous ne maîtrisons pas les critères de leur adhésion à cette plate forme.

Pour des raisons de simplification et d'efficacité, notre analyse se limite seulement aux associations chrétiennes ou de tendance chrétienne. Les associations musulmanes sont ainsi écartées du champ d'analyse. Toutefois, il n'est pas question de minimiser leurs actions dans la société civile. La société civile est ici considérée comme lieu de contestations ou d'oppositions mais aussi d'innovations sociales12. Ces innovations sont portées par toutes les confessions religieuses sans distinction.

Le questionnaire d'enquête a été adressé à trois groupes : d'abord aux responsables ou leaders des associations, aux membres et aux personnes non membres de celle-ci. Cent trente personnes ont été ainsi consultées à travers les deux territoires. 36 personnes à Lukanga dont 6 responsables du réseau « Tuungane » et de l'association « waibrahimu », 10 membres et 20 autres personnes n'appartenant pas à la base de ces associations, c'est-àdire des non-membres. 40 personnes ont été consultées à Butembo dont 11 responsables des ONG locales. Le reste est composé des étudiants et assistants de l'Université Catholique du Graben. A Beni, par contre nous avons consulté 54 personnes dont 7 responsables d'associations, 1 vice-président de la société civile locale, 23 membres de ces associations et 23 autres qui ne les sont pas. La plupart de ces derniers sont des étudiants et assistants de l'institut supérieur de développement rural : ISDR-Beni.

Notons que pour les responsables des associations, leur choix a été raisonné. Il fallait s'orienter vers une personne disposant des informations nécessaires et plus ou moins

12 PIROTTE, Gautier, La notion de société civile, La Découverte, Collection Repères, Paris, 2007, p.4.

complètes. Les données ayant été recueillies en vrac, nous n'étions pas sûr que toute information recueillie allait nécessairement nous servir au regard des orientations des membres du jury rencontrés après.

Certains membres d'associations nous ont été indiqués par leurs responsables et les autres, par les membres eux-mêmes. Les non-membres ont été contactés au hasard soit par nous-mêmes, soit par les amis qui ont aidé à recueillir les informations.

En contactant les membres et non membres nous avons pu réfléchir sur leurs points de vue et comprendre si la confession religieuse, dans laquelle est issue l'association, apporte d'important ou de nouveau (sociale, économique, culturelle,...) au développement local.

Pour sélectionner les cinq associations, les critères suivants nous ont permis de considérer l'appartenance religieuse ou non de l'association. Nous considérons que l'association est de tendance religieuse lorsque :

- Elle porte une dénomination religieuse qui permet de la distinguer des

autres associations.

- Elle inclut dans ses activités celles qui sont religieuses. Il s'agit, outre les

activités habituelles, d'organiser des séances des prières au courant de la journée soit au bureau soit directement auprès des bénéficiaires.

- Elle est une émanation d'une confession religieuse pour canaliser la politique de développement de cette dernière à la base. Il s'agit par exemple d'un comité de développement issu d'une paroisse.

- Elle a une inspiration biblique pour sa création. Il s'agit par exemple

d'une association qui, pour sa création, s'inspire d'un verset biblique. Ce verset peut apparaître directement sur les documents officiels de l'association : dépliant, préambules statutaires, règlement d'ordre intérieur, carte des membres, ...

- Elle recrute son personnel en ne s'adressant qu'aux communautés

religieuses. Pour leur recrutement, certaines organisations non gouvernementales (ONG) en RD. Congo, ne publient ou n'affichent jamais les offres d'emploi mais leur personnel n'est réuni qu'à travers des quotas attribués aux communautés religieuses. C'est le cas de quelques ONG protestantes qui recrutent le personnel au sein de l'ECC. Le coordonnateur de projet peut provenir de la communauté anglicane, l'administrateur financier de la communauté CECA20, le logisticien de la communauté baptiste,...

- Elle a tendance à poser des actions ou à collaborer avec les églises bien

que nulle part dans ses documents officiels la tendance religieuse n'apparaisse clairement. En effet, cette stratégie est adoptée par certaines organisations non seulement pour avoir accès aux donateurs qui manifestent une certaine réticence aux activités en connotation religieuse mais aussi pour mobiliser la masse populaire facile à obtenir à travers les relations avec les prêtres ou pasteurs. Dans les faits, on se rend compte qu'à travers ces actions l'association a une tendance religieuse. C'est la raison pour laquelle nous avons aussi consulté les associations que d'emblée nous considérions comme n'ayant pas de tendance religieuse. C'est en analysant leurs activités et relations qu'on se rend compte de leur obédience.

D'autres critères permettent de distinguer la religiosité de l'association et pourraient être ajoutés, car la liste n'est pas exhaustive.

6. Subdivision du travail

Outre l'introduction et la conclusion, ce travail s'articule autour de quatre chapitres.

Le premier chapitre est consacré à l'orientation conceptuelle. Il donne un éclairage théorique sur les associations, la société civile et le développement local. Le deuxième chapitre présente non seulement le milieu d'étude mais aussi son historique sur le christianisme et la société civile. Le troisième chapitre expose les études de cas relatives à cinq associations qui illustrent le dynamisme associatif des territoires de Beni et Lubero. Enfin, le dernier chapitre est consacré aux analyses. Ce chapitre essaie de montrer les apports, les limites et les perspectives des associations de tendance religieuse.

7. Difficultés rencontrées

Dans un travail scientifique les problèmes ne manquent pas. Pour notre cas, le principal problème a été rencontré lors de la collecte des données parce qu'elle a été faite avant d'amorcer la formation. Cette difficulté est causée par la Commission Universitaire pour le Développement, organisme qui soutient notre formation. La commission exige de collecter le maximum d'informations au pays avant d'amorcer la formation. Dès lors, après soumission du sujet de recherche aux différents membres du jury, le travail se trouve orienté autrement alors que les données ont déjà été récoltées. La conséquence d'une telle mesure est que certaines informations recueillies deviennent inutiles pour l'analyse. Nous aurions voulu faire une approche anthropologique pour étudier en profondeur le phénomène associatif de tendance religieuse mais cela n'a pas été possible.

Pendant les enquêtes, les responsables de certaines associations ne sont pas prêts à livrer certaines informations surtout celles relatives à l'aspect financier de l'organisation. Dans le monde associatif et des organisations non gouvernementales congolaises, parler de leurs activités conduit à évoquer la notion des projets. Or les responsables estiment pour qu'un projet ne puisse pas être détourné, il faut donner aux chercheurs le moins d'informations possibles sur l'organisation pour que des opportunistes ne saisissent pas l'occasion de les devancer en recourant aux publications faites à cet effet. Ce qui constitue une deuxième difficulté.

Pour résoudre ces différents problèmes d'autres informations complémentaires (rapports et autres) ont été obtenues à partir des amis se trouvant à Butembo et Beni. Il s'agit essentiellement des assistants travaillant dans les universités locales. Pour la seconde difficulté, nous estimons que la solution a été trouvée en analysant les perceptions des membres et non-membres des associations qui, en général, ne cachent pas leurs points de vue à propos de l'impact des activités.

8. Zone d'étude

Nous focalisons notre étude sur les associations de tendance religieuse dans les territoires de Beni et Lubero au Nord-Kivu à l'Est de la République Démocratique du Congo. La région s'illustre par les cartes suivantes13

Carte 1 : La RD. Congo

Carte 3: Les territoires de Beni et Lubero

Carte 2 : Le Nord-Kivu

 
 
 

LUBERO

Parc National de la Maïko

Vers l'Ituri

Semuliki

BENI

Parc National

Mayango's des Virunga

Beni

Kalau

Kanyatsi

Butembo

Kannuma Uganda

Kyavirimu

Lubiriya

Kyavinyonge

Kisaka Lac Edwouard

Kamandi

Uganda

Points chauds

Vile

Route Vers Goma

 
 
 

13 Sources : carte 1 disponible sur http://fr.wikipedia.org/wiki/Nord-Kivu, carte 2 disponible sur http://www.maplibrary.org consulté le 5 août 2008 et carte 3 lire KATEMBO VIKANZA Paul, Populations, gestion des ressources naturelles et développement dans la région du Nord Kivu : cas du parc des Virunga en territoires de Beni et Lubero (R D Congo), mémoire DEA-UCL, 2006.

CHAPITRE I
CADRE THEORIQUE : ORIENTATION CONCEPTUELLE

Il existe une relation entre développement et association. Son analyse paraît cependant difficile en raison de l'ambiguïté liée à la définition de ces deux concepts. Une telle ambiguïté s'explique, en grande partie, par les différences dans leurs trajectoires14. La notion du développement est complexe. Ce chapitre cherche à comprendre ses diverses connotations en partant de la littérature scientifique qui en montre l'évolution. Par ailleurs, il s'agit de cerner ce que l'on attend par mouvement associatif, par société civile ainsi que par économie sociale. Nous essayons ensuite de donner quelques liens entre ces différents concepts en vue de voir l'effet sur le développement local.

En effet, dans la dynamique de développement, surtout de la RD. Congo, il est presque difficile d'opposer associations, ONG, société civile et économie sociale. Toutes ces composantes évoluent dans une même sphère. C'est dans cette logique qu'il est important de passer en revue le contexte historique du mouvement associatif occidental avant de faire un tour sur le contexte africain plus spécialement dans les territoires de Beni et Lubero en RD. Congo.

I.1. Les associations

L'appréhension du mouvement associatif nécessite de remonter dans le temps pour comprendre en fait que le phénomène n'est pas nouveau et qu'il prend plusieurs formes. Par ailleurs, le contexte de foisonnement associatif n'est pas expliqué de façon identique dans les différents pays. Qu'est-ce qu'en fait une association ?

1. Quelques définitions

Parmi les trois secteurs (coopératives, mutuelles et associations) qui composent l'économie sociale, celui des associations est le plus malaisé à délimiter et à définir. Pourtant si l'on se réfère aux recherches précédentes, on remarquera que le fait associatif est aussi vieux que l'humanité. Il est à l'origine de toute forme de vie en société. Comme le fait remarquer Laloy15, il précède et est à la racine de toutes les autres formes d'organisation qui structurent la société en général. Il en est, poursuit-il, le levain contestataire, celui qui fermente les potentialités de changement. C'est ce qui explique que, dans une société autoritaire, le fait associatif soit ou complètement absent ou sévèrement

14 BENGUERNA, Mohamed, « Développement et associations », in : Momar-Coumba Diop et Jean Benoist (dir), L'Afrique des associations. Entre culture et développement, CREPOS KARTHALA, Dakar-Paris, 2007, p.233

15 LALOY, Marie-José, « Associations et enjeux de société », in Les fonctions collectives dans une économie de marché, 10ème congrès des économistes belges de langue française, Centre interuniversitaire de Formation Permanente, Mons, du 26 au 27 novembre 1992, p.11

contrôlé et encadré. Chaque Etat essaie d'ailleurs d'encadrer les associations en son sein à travers une réglementation bien appropriée.

Plusieurs définitions ont été données pour caractériser le monde associatif. Pour la Commission Européenne:

«À la base, une association est tout simplement un groupe de personnes réunies en vue d'atteindre un but quelconque» 16.

Pour le Petit Larousse illustré :

« L'association est un groupement de personnes réunies dans un intérêt commun, différent de la poursuite de bénéfices » 17.

En dépit de la diversité dans les définitions, on peut remarquer que certaines caractéristiques communes sont mises en évidence. Francis Bonnet et Olivier Degryse 18 les évoquent dans l'ordre suivant :

- La liberté d'association qui suppose que celle-ci n'est pas forcée,

- La mise en commun par laquelle les associés manifestent leur volonté d'agir dans un but commun,

- Le but non lucratif. Une association peut poursuivre n'importe quel but (pour autant qu'il ne soit contraire à la législation) à l'exclusion du lucre. Cependant, cela n'interdit pas les activités générant un bénéfice financier mais bien le partage de ce dernier entre les membres. Ce gain doit être affecté au but commun.

- La permanence. L'association se distingue encore du groupe informel par la notion de permanence, de continuité dans l'action. Une permanence qui n'est pas synonyme de pérennité, mais déterminée par la durée ou à la durabilité de projet. Elles se distinguent plutôt des groupements informels ou ponctuels de nature purement sociale ou familiale par un certain degré d'existence formelle ou institutionnelle.

Dans cette logique, la Commission Européenne ajoute d'autres critères qui peuvent être énumérées comme suit :

- Elles sont indépendantes, en particulier des pouvoir publics

- Elles doivent prendre une part relativement active dans la vie publique et

leur action doit viser l'intérêt général.

16 COMMISSION EUROPEENNE, Communication sur la promotion du rôle des associations et fondations en Europe, Office des publications officielles des communautés européennes, Luxembourg, 1997, p.6

17 Petit Larousse , 1980, p69

18 BONNET, Francis et Oliver DEGRYSE, op. cit., p.5

2. Historique du mouvement associatif : quelques origines

Dans sa longue marche, comme nous l'avons déjà dit précédemment, l'association est aussi vielle que la vie en société. Dans une optique historique, il est important de distinguer les formes primitives ayant inspiré le mouvement associatif occidental de celles du mouvement associatif africain.

Selon, Jacques DEFOURNY19, des corporations et des fonds de secours collectifs existaient déjà dans l'Egypte des Pharaons. Les grecs avaient leurs "hétairies"20 pour se garantir une sépulture et pour l'organisation rituelle des cérémonies funéraires tandis que les romains se groupaient en collèges. Avec l'effondrement de l'Empire romain, ce seront les associations monastiques qui deviendront partout en Europe les refuges de l'associationnisme primitif autant que des arts, des sciences et des traditions : couvent, monastères, abbayes, prieurés, commanderies, chartreuses, ermitages, etc. Au IXe siècle, les premières guildes apparaissent dans les pays germaniques et anglo-saxons, puis à partir du XIe siècle émerge la confrérie, groupement organique de laïcs qui s'affirme en dehors des couvents pour répondre à des besoins pratiques d'assistance, d'entraide et de charité. Quant aux associations compagnonniques, elles se développent dès le XIVe siècle et, progressivement, elles s'assurent dans les métiers les plus qualifiés une certaine maîtrise du marché du travail.

Cependant, les associations médiévales n'étaient pas autonomes. Celles-ci ne pouvaient exister en dehors de l'Eglise ou de l'Etat que sous des formes précises dont les règles d'admission et de fonctionnement sont strictement codifiées. Cette mise sous tutelle vigoureuse fait apparaître alors des privilèges pour l'association qui devient une corporation d'Etat. Toutefois, en marge du monopole corporatif aux structures rigides et hiérarchiques, subsistent ou apparaissent de nombreuses formes associatives qui inquiètent le pouvoir et que celui-ci tente continuellement de réprimer, d'interdire ou de soumettre.

En Afrique, il existe des repères historiques et primitifs du mouvement associatif. Ils sont relatifs aux confréries d'artisans. La plupart des repères relevés par les chercheurs sont ceux obtenus lors de la période coloniale, la période précoloniale étant caractérisée pour ce continent par la tradition orale.

Quant à la période post coloniale, Hakim Ben Hamouda21 écrit :

19 DEFOURNY, Jacques, « Histoire et actualité du fait associatif : quelques repères » in Les fonctions collectives dans une économie de marché, 10ème congrès des économistes belges de langue française, Centre interuniversitaire de Formation Permanente, Mons, du 26 au 27 novembre 1992, p23.

20 Les hétairies, dans la Grèce antique, sont des associations sociopolitiques des grandes familles

21 HAKIM BEN HAMMOUDA, BRUNO BEKOLO-EBE et TOUNA MAMA, L'intégration régionale en Afrique Centrale : Bilan et perspectives, Karthala, Paris, 2003, p.263.

« Déjà au début des indépendances, des organisations non gouvernementales (ONG) s'étaient établies sur le continent. La plupart de ces ONG étaient d'obédience confessionnelle et leurs activités généralement orientées vers des opérations humanitaires qui, de par leur nature, étaient intermittentes et dépendantes de l'incidence de désastres tels que la sécheresse, les inondations, les feus de brousse, les épidémies, etc. ».

Ce n'est que vers les années quatre vingt du 20ème siècle que sera observé un foisonnement d'associations et ONG en milieu urbain. A ce propos Marc Poncelet dit :

«La décennie quatre-vingt-dix a connu, notamment en zone urbaine, une

exubérance associative multiforme, annonçant un enrichissement de l'analyse

sociopolitique au Sud. Cette effervescence précisément contemporaine d'une crise

et d'un appauvrissement sans comparaison, s'inscrit dans le contexte très

particulier d'une critique et d'une révision radicale du rôle de l'Etat comme acteur

du développement économique et politique. Dans ce contexte de démocratisation

institutionnelle ou de décompression recomposition autoritaire, émergent en outre

des centaines d'organisations aussitôt dites non gouvernementales (ONG)» 22. Evoquant l'étude réalisée par Mario Bettati, Hakim Ben Hamouda affirme que, si le continent africain a enregistré le taux d'implantation d'ONG le plus élevé au cours des années 80, cette prolifération est due en partie au fait que l'Afrique s'est trouvée confrontée à une crise sans précédent à partir de 1980. Du coup, les pays africains ont été contraints à se lancer dans les programmes d'ajustement structurel qui les ont conduits à fermer ou à privatiser la plupart des entreprises qui employaient les populations urbaines. A la suite, des ONG ont été créées par des agents économiques et/ou d'anciens fonctionnaires de l'Etat, désireux de mettre leur compétence à la disposition de leurs régions dans la promotion de certains secteurs de l'économe nationale.

Pour la RD. Congo, on peut relever particulièrement que pendant la période coloniale les coopératives n'existaient qu'au sein de la population blanche. A ce propos, Patrick Develtere23 affirme qu'en 1921, la coopération incluant la participation des indigènes fut rendue possible par l'extension de la législation métropolitaine belge aux colonies. Ainsi, les Belges et les indigènes dans les colonies purent mettre sur pied des sociétés coopératives s'ils en recevaient l'autorisation du Gouverneur Général de la colonie. Sous l'égide des missionnaires catholiques, un nombre limité de sociétés

22 PONCELET Marc, Gautier PIROTTE, Gregor STANGHERLIN & Emmanuel SINDAYIHEBURA, Les ONG en villes africaines. Etudes de cas à Cotonou (Bénin) et à Lubumbashi (RDC), Academia Bruylant, Louvain-la-Neuve, 2006, p.11.

23 DEVELTERE, Patrick, Economie sociale et développement. Les coopératives, mutuelles et associations dans les pays en développement, Jalons-De Boeck Université, Paris/Bruxelles, 1998, p.79.

coopératives de crédit et de sociétés coopératives d'épargne furent créées. Ces initiatives furent des structures coopératives mises en place par les autorités coloniales pour essayer de soutenir les structures administratives indigènes. Le contexte coopératif colonial au Congo se trouve presqu'entièrement dans le secteur de l'épargne et du crédit.

A coté des coopératives, comme composante de l'économie sociale, on peut constater la présence d'associations relevant avant tout des confessions religieuses. A ce propos Noir Homme dit :

« Les oeuvres de développement ont existé au Congo surtout à travers différents mouvements d'action catholique. Ils ont construit des chapelles, des écoles, et organisé des champs de travail pour les étudiants en vacance avec comme objectif l'amélioration de l'habitat dans le milieu rural. Par ailleurs, différents mouvements d'actions catholiques envoyés au Congo vers 1950, étaient des laïcs européens ayant comme mission de lancer ou d'organiser à l'échelon national des mouvements tels que la J.O.C (Jeunesse Ouvrière Catholique), le mouvement Familial, les mouvements de jeunesses (Chiro, Scout, ...) » 24.

Le contexte actuel de création des associations en RD Congo paraît d'abord lié aux structures étatiques fragiles après l'indépendance. Cela a été renforcé non seulement par la vague des programmes d'Ajustement Structurels mais aussi des guerres qui ont caractérisé l'Afrique. Dans cette logique, les fidèles (chrétiens surtout) cherchent des stratégies visant à répondre eux-mêmes à leurs besoins à travers des structures socioreligieuses. Seoln certains, cela justifie la montée en puissance à travers tout le pays de communautés ecclésiales de base ou vivantes (CEV ou CEB) et des CARITAS au sein de l'Eglise Catholique. René Okitundu Avoki25considère ces communautés comme favorisant la gouvernance locale qui est un mode qui a caractérisé les sociétés et communautés congolaises d'antan. Dans le même ordre d'idées Chistian Kaparay estime que ces associations, groupant surtout les femmes, sont un lieu de prévention et de résolution des conflits internes, un espace permettant de faire davantage connaissance de l'autre et aussi un espace de sensibilisation à d'autres systèmes de mobilisation de l'épargne dont les mutuelles de quartier.

En somme, comme le soutient Poncelet, le renouveau associatif africain contemporain doit être saisi à la lumière du contexte politique, économique et social qui,

24 NOIR HOMME, L'Eglise au Congo en 1963. Rapport d'une enquête socioreligieuse, Centre de Recherches sociologiques, Léopoldville, 1964, p.60.

25 OKITUNDU AVOKI, René, « Gouvernance locale et communauté de base au Congo (RD) », in Sophie CHARLIER, Marthe NYSSENS, Jean-Philippe PEEMANS et Isabel YEPEZ DEL CASTILLO (dir.), Une solidarité en actes. Gouvernance locale, économie sociale, pratiques populaires face à la globalisation, Presses universitaires de Louvain, Louvain-la-Neuve, 2004, p.253.

dès les années quatre-vingt, connaît une redéfinition des termes de la dépendance africaine et plus largement une crise des Etats postcoloniaux.

3. Motifs de création et typologies

Par principe toute association naît d'un besoin. Celui-ci peut être de nature différente. Il est le moteur de la volonté de quelques-uns de faire naître une association. Cependant, il n'est pas question d'hiérarchiser les besoins comme le fait Abraham Maslow dans sa pyramide des besoins de l'être humain. Nous ne tenons pas compte de cette hiérarchisation non seulement parce que cette théorie a fait l'objet des contestations farouches des certains chercheurs mais aussi parce que, dans la plupart, elle ne se vérifie pas dans les pays en développement en général et dans la République Démocratique du Congo en particulier.

D'un point de vue typologique, les associations sont aussi difficiles à classer qu'à définir. Une partie de la difficulté tient d'abord à leur diversité. Une autre est la tendance qu'ont les associations à combiner plusieurs objectifs. La commission européenne estime néanmoins que la plupart des associations, y compris les fondations, remplissent les conditions suivantes.

- Fourniture ou prestation de services : cette catégorie inclut toutes les organisations qui rendent à leur clients des services dans les domaines de l'action sociale, de la santé, de l'éducation, de l'information ou de l'assistance-conseil sur un sujet particulier.

Militantisme : cette catégorie comprend toutes les organisations qui ont

pour objectif de promouvoir, en agissant comme groupe de pression ou par tout autre moyen de publicité, une cause ou les intérêts d'un groupe de population en vue d'amener un changement d'attitude à son égard soit de l'opinion publique, soit des décideurs politiques.

- Auto-assistance ou secours mutuel : il s'agit d'organisations formées de groupes ou des individus partageant un intérêt ou un besoin commun en vue de s'entraider et de s'échanger des informations.

- Ressources et coordinations : il s'agit dans ce cas d'organismes dits

« intermédiaires » qui coordonnent les activités soit d'organisations individuelles spécialisées dans un créneau particulier, soit de tout un secteur en fournissant information et assistance. Ces organismes jouent le rôle essentiel d'interface entre le secteur considéré et les pouvoirs publics.

L'hétérogénéité auquel ce monde fait face explique la difficulté d'établir une typologie unique. Des facteurs multiples interviennent et chacun d'entre eux peut donner

lieu à plusieurs interprétations. Aucune classification ne peut être considérée isolement. Ainsi, d'autres chercheurs peuvent établir des classifications selon :

- La forme juridique. Dans ce cadre on voit les associations déclarées ou reconnues d'utilité publique, des associations sans but lucratif, ...

- Le champ géographique. Certaines associations ont une vocation strictement locale, à l'échelle de la commune, d'un quartier, voire d'une institution. D'autres ont un rayonnement plus large par la nature de leur activité. C'est le cas des associations étrangères ou internationales qui sont soumises à des règles particulières. Dans cette catégorie, nous classons les organisations non gouvernementales (ONG). L'ONG est considérée par le Département d'Information des Nations Unies 26 comme un groupe des citoyens volontaires, sans but lucratif et organisé à l'échelon local, national ou international. Les organisations non gouvernementales remplissent divers types de services et de fonctions27. Au départ les ONG sont d'abord des associations mais qui se distinguent des autres associations par le fait qu'elles visent la coopération au développement. Malheureusement, lorsqu'on aborde la question de celles-ci, on se rend compte avec Francois Houtart28 qu'on se trouve face à une diversité énorme, véritable auberge espagnole abritant tout et son contraire. Leur définition, elle-même, est purement négative : elles n'appartiennent pas aux structures de l'Etat, et rien n'est dit sur leurs critères internes de l'organisation, ni externes de leurs fonctions. Il n'est donc pas facile de s'y retrouver.

- L'importance. Celle-ci peut s'évaluer de plusieurs manières : le nombre des membres, le rythme des activités, le public drainé par ces dernières, le volume des ressources humaines et financières, l'infrastructure, la médiatisation,...C'est donc une notion très relative.

- Les finalités. On peut voir ainsi des associations sportives, de culture au sens large, d'éducation et de formation, de défense d'idées, d'intérêts, de valeurs et aussi des associations de solidarité et d'action sociale.

4. Rôle et importance des associations

Plusieurs études montrent que la plupart des organisations sont de petite taille mais que le secteur associatif est, dans son ensemble, important. En effet, il mobilise d'importantes ressources humaines. Quelques rôles peuvent lui être assignés soit sur le

26 RUBIO, François, Dictionnaire pratique des Organisations Non Gouvernementales (ONG), Ellipses, Paris, 2004, p.126

27 Les services et fonctions évoqués sont surtout d'ordre humanitaire, d'information aux gouvernements sur les préoccupations de leurs citoyens, de surveillance des politiques des gouvernements et de promotion de la participation politique au niveau communautaire, etc.

28 HOUTART, François, « Les ONG : instruments du projet néolibéral ou bases solidaires des alternatives populaires », in Alternatives Sud. Les ONG instruments du néo-libéralisme ou alternatives populaires ?, CETRI/L'Harmattan, Vol. IV(1997).4, Louvain-la-Neuve/Paris, 1998, p.5

plan social, politique, de la citoyenneté, de la promotion de la démocratie, ainsi que des activités marchandes.

Importance sociale. C'est aux associations et à leurs organisations soeurs (les fondations) qu'on doit la naissance de nombreux services comme l'éducation, l'assistance sociale, la santé,... Les associations ont joué un rôle essentiel dans la diffusion des connaissances scientifiques et découvertes technologiques et ont abrité des débats d'idées sur l'concernant ensemble des préoccupations humaines. Elles ont été à la pointe du combat pour la reconnaissance des droits et de la dignité de la personne humaine ainsi que pour la sauvegarde de l'héritage culturel et de l'environnement.

Importance politique et citoyenneté. Pour de nombreuses personnes, adhérer à une association et militer bénévolement pour elle est un moyen vital d'exprimer leur sens civique et de démontrer l'intérêt qu'elles portent à leurs citoyens et à la société en général.

L'importance dans les activités marchandes. Pour réaliser leurs objectifs, les associations ont évidemment besoin de ressources. Il est rare que les cotisations des adhérents suffisent à cet effet. Les subventions des pouvoirs publics, dans la plupart des pays, pallient parfois à la difficulté. D'autres, pour vivre ou survivre, recourent à d'autres moyens comme des fêtes, des tombolas mais également à la vente de produits, de publications ou de services. Les activités de cette dernière catégorie sont proches du secteur marchand et concurrencent parfois ce dernier.

Les retombées pour l'économie. Certaines activités, ayant un caractère répétitif, sont souvent soumises à l'imposition. Cependant, le régime fiscal diffère selon la législation nationale. Bien que des exonérations soient prévues, les pouvoirs locaux peuvent également lever des taxes. Beaucoup d'activités et exigences de fonctionnement ont des retombées positives pour les entreprises publiques ou paraétatiques.

I.2. Notion de société civile

Définir le mot société civile est bien compliqué. Il est difficile d'appréhender son sens en profondeur. Pour Céline Thiriot29, la société civile est un concept qui reste très flou et ambivalent : faute d'une définition unitaire et précise, cela le rend très peu opératoire. Cette idée, revenue à la mode ces dix dernières années, a en fait une longue histoire. Le concept est attaché à un travail plus général de la redéfinition de l'ensemble des rapports entre Etat et société civile. Elle part de la définition de Gramsci pour qui la société civile

29 THIRIOT Céline, « Rôle de la société civile dans la transition et la consolidation démocratique en Afrique : éléments de réflexion à partir du cas du Mali », Démocratie et société civile. Une vue du Sud. Revue Internationale de politique comparée, vol. 9, N°2, De Boeck & Larcier, Bruxelles, 2002, p.279.

correspond à l'ensemble des organismes vulgairement dits privés qui confortent la fonction d'hégémonie que le groupe dominant exerce sur toute la société.

Dans ce contexte, il y aurait aujourd'hui un consensus de base sur la notion. La société civile englobe la vie économique, sociale et culturelle des individus, des familles, des entreprises et des associations dans la mesure où elle se déroule en dehors de l'Etat et sans visée politique. Elle recherche la satisfaction des besoins ou des intérêts matériels, le soin des autres, la convivialité, le bonheur privé, l'épanouissement intellectuel ou spirituel. C'est pourquoi la société civile désigne cet espace flou existant entre la sphère étatique et la sphère politique. Elle se caractérise par plusieurs traits : un retrait par rapport au politique, voire même une dénégation du politique; elle est hors de l'Etat mais en interaction avec lui ; elle est souvent son principal interlocuteur ; elle présente une pluralité de genres, mais se constitue toujours de mouvements de rassemblement et de mobilisation autour d'un objectif ou d'une cause.

Dans son évolution, le concept de société civile vient de la philosophie politique occidentale : il n'a pas à l'origine de sens sociologique et ne désigne pas une étape historique de la construction de l'Etat moderne (...)30. Pour René OTAYEK:

« ce qui est davantage problématique avec ce concept de société civile, c'est plutôt

son extraordinaire polysémie, qui n'a d'ailleurs d'égal que son succès depuis son

retour en force dans les ex-démocraties populaires au début des années 1970 » 31. D'autres définitions sont proposées par les « praticiens » du développement. Le forum international tenu au Canada en février 200832, estime que la notion de société civile englobe toute une gamme d'organisations. Dans son sens général, elle comprend les organisations et les structures non marchandes et non étatiques au sein desquelles des individus poursuivent des objectifs et des idéaux communs. Dans le domaine du développement, elle fait surtout référence aux organisations non gouvernementales (ONG) ayant un mandat expressément et strictement lié au développement. Elle peut toutefois aussi inclure des associations d'agriculteurs, des associations professionnelles, des organismes communautaires, des groupes environnementaux, des instituts de recherche indépendants, des universités, des organismes d'origine religieuse, des syndicats, des médias à but non lucratif, ainsi que d'autres groupes qui ne s'occupent pas de

30 ROY, Olivier, « Asie Centrale : la société civile en débat », Démocratie et société civile. Une vue du Sud. Revue internationale de politique comparée, vol. 9, N°2, De Boeck & Larcier, Bruxelles, p.171.

31 OTAYEK, René (dir.), « Démocratie et société civile. Une vue du Sud. Avant propos ». in Revue internationale de politique comparée, vol. 9, N°2, De Boeck & Larcier, Bruxelles, 2002, p. 168.

32 Groupe consultatif sur la société civile et l'efficacité de l'aide. Un dialogue à intervenant multiples sur la société civile et l'efficacité de l'aide. Rapport final du Forum International, tenu du 3 au 6 février, Hôtel Château Cartier, Gatineau (Québec), disponible sur http://www.ccic.ca/f/002/aid.shtml#intl forum visité en date du 15 juillet 2008.

développement. Cette définition très large est communément acceptée parmi les praticiens du développement.

En revanche, cette définition ne nous apprend rien sur les rôles en matière de développement qu'il est d'usage d'attribuer à la société civile. Pour cette raison, il faut établir un cadre simplifié pour comprendre le rôle de la société civile.

Pour parler des rôles de la société civile, il convient d'identifier plusieurs cadres qui rendent compte des rôles constructifs associés à la société civile. Le forum international sur la société civile tenu au Canada, identifie ou recense trois cadres de ce type.

Le rôle de la société civile dans la participation des citoyens. Ce cadre port de l'image d'un tabouret à trois pieds formés par la société civile, le secteur privé et l'Etat. Ils constitueraient les piliers de l'espace social dans lequel les citoyens s'organisent sur une base volontaire pour promouvoir des valeurs et des objectifs partagés. Dans cette optique, la société civile est perçue comme essentielle au bon fonctionnement de la société et à la croissance du capital social.

Une conception connexe assimile la société civile à l'un des cinq piliers de la démocratie de pair avec le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire et les médias indépendants. Cette conception présente le rôle de la société civile en termes de bonne gouvernance.

Le rôle de la société civile dans les programmes de développement. En règle générale ceux qui travaillent avec des organisations de la société civile (OSC) ou des ONG du domaine du développement adoptent une perspective plus pratique. La société civile est ici une constellation d'organisations engagées dans les programmes et des opérations de développement.

Le rôle de la société civile dans le renforcement du pouvoir social. Dans une approche axée sur les droits de la personne, la société civile est considérée comme un instrument de renforcement du pouvoir social de certains groupes, tels les pauvres et les dépossédés, les femmes, des groupes ethniques ou autres.

En somme ces trois perspectives, bien que distinctes, sont complémentaires. Elles font ressortir trois grandes catégories de rôles pour la société civile et les organisations de la société civile. La première catégorie où les OSC sont une composante d'une société bien ajustée, d'un système de gouvernance responsable et efficace, et d'une saine démocratie. Ensuite la deuxième où les OSC sont des prestataires des services à travers les programmes et opérations de développement. Enfin, les OSC sont des instruments de renforcement du pouvoir social de certains groupes et de réalisation des droits de la personne.

I.3. Confessions religieuses et développement local

Le concept « développement » a reçu plusieurs contenus et suscite la polémique. Les chercheurs des différents domaines tentent, chacun en ce qui le concerne, de donner ce qu'il entend de ce mot. Qu'il s'agisse des économistes, des anthropologues ou d'autres, aucun terrain d'entente n'est obtenu.

Pour les économistes, comme Amartya Kumar Sen, le processus de développement est lié à l'amélioration de la qualité de vie (quality of well-being). Dans ses travaux sur la famine, le développement humain ou encore sur l'économie du bien-être et le mécanismes fondamentaux de la pauvreté, Sen considère le processus du développement comme étant porté, au niveau local, par des initiatives en vue de favoriser l'accès des individus aux facilités économiques (facilités à produire, à consommer et à échanger), l'accès aux opportunités sociales favorisant l'équité et la justice sociale (l'éducation, la santé, ...), à la promotion des capacités33.

Si Sen le définit comme dit précédemment, les socio-anthropologues comme JeanPièrre Olivier De Sardan34, rétorqueront en disant que le développement peut-être défini de façon méthodologique comme l'ensemble des processus sociaux induits par des opérations volontaristes de transformation d'un milieu social, engagées par le biais d'institutions ou d'acteurs extérieurs à ce milieu mais cherchant à mobiliser ce milieu, et reposant sur une tentative de greffe de ressources et/ou techniques et/ou savoirs. Il y a du développement du seul fait qu'il y a des acteurs et des institutions qui se donnent le développement comme objet ou comme but et y consacrent du temps, de l'argent et de la compétence professionnelle. Ce n'est ni un idéal, ni une catastrophe. C'est avant tout un objet d'étude.

Ces deux exemples illustrent la polémique face à laquelle on se trouve pour définir ce concept. Pour nous, il ne s'agit pas d'entrer dans cette polémique mais de regarder les choses en face, surtout en RD. Congo. Avec la faillite de l'Etat congolais, les initiatives de prise en charge de tout genre ont gagné du terrain. Les populations elles-mêmes cherchent à trouver des solutions alternatives à leurs problèmes.

Ces initiatives locales sont considérées comme du développement local dont parle Omer Mirembe35. Pour ce dernier c'est de préférence au niveau local qu'il y a lieu de mieux considérer les individus et les groupes sociaux comme des acteurs à part entière de leur développement, tirant part des opportunités à leur disposition, essayant de maîtriser

33 SEN, Amartya Kumar,., Un nouveau modèle économique. Développement, justice, liberté, traduit de l'anglais par Michel Bessières, Paris, éd. Odile Jacob, 2000, pp. 49-50.

34 De Sardan, Olivier, Anthropologie et développement. Essai en socio-anthropologie du changement social, APAD-Karthala, Paris, 1995, p.7.

35 KAMBALE MIREMBE, Omer, op.cit., p. 84.

leur destin et non comme des destinataires passifs d'un développement offert par l'État ou les projets. Il n'y a donc pas de distinction à établir entre acteurs et bénéficiaires. Le développement local, poursuit-il, constitue un processus d'initiatives (sociales, économiques, culturelles) à la base, portées par des acteurs localisés (individuels et collectifs), en fonction des demandes locales précises et qui se réalisent dans des espaces localisés. Ce processus local n'est pas monolithique mais pluriel. Généralement, ces initiatives ne pèsent pas lourd, au point de vue quantitatif.

A l'échelle locale, il s'agit des petits pas du processus de développement. Dans l'optique des populations, le processus de développement est lié à des initiatives leur donnant accès à des conditions de vie plus décentes, et fournissant des réponses aux demandes de sécurisation et de renforcement des capacités et du lien social. Les acteurs de ce développement peuvent être des individus ou des associations. La dynamique peut être portée par différents acteurs : des églises, des commerçants, des associations de quartier, des groupements de femmes, des clubs de jeunesse, des mutuelles, etc.

De tous ces acteurs, ceux qui nous intéressent sont les associations en tendance religieuse qui font partie, dans la classification de Mafikiri Tsongo36, des intervenants sur le marché du développement. Pour lui, dans les pays du Sud, il existe quatre catégories de courtiers de développement : les organisations et réseaux confessionnels, les cadres originaires d'un pays, d'une région ou d'une localité, les mouvements culturels ethniques et les leaders politiques et paysans.

Les associations et confessions religieuses sont très actives dans le développement local en RD. Congo, surtout dans le Nord-Kivu. Les associations religieuses ou de tendance religieuse ainsi que les réseaux auxquels elles appartiennent sont devenues incontournables. Chez les chrétiens, par exemple, comme le dit Litambala Mbuli Edouard37 la Bible devient une arme de contestation contre l'oppression, de quelque nature qu'elle soit. Elle est la voix des sans-voix et propose une dynamique libératrice.

En fait, on peut voir à travers les autocollants et étiquettes affichées sur les parebrises des voitures, taxis et bus des extraits bibliques du genre : « Crois au Seigneur Jésus et tu seras sauvé, toi et toute ta famille », « Le Seigneur est mon berger et mon protecteur », ... Parmi les ONG et autres associations sans but lucratif, des pareils extraits figurent même sur la première page des dépliants et sont considérés comme carte postale

36 Mafikiri Tsongo, Angélus, « Analyse du marché de développement dans les régions déshéritées de l'Afrique subsaharienne du Nord-Kivu », in Parcours et Initiatives, Le marché, N° 5 octobre 2006, Centre de Recherches Interdisciplinaires du Graben- CRIG, Presses de l'UCG, Butembo, p.26.

37 Litambala Mbuli, Edouard, Formations théologiques dans l'Eglise catholique de la République Démocratique du Congo. Enjeux théologiques et méthodologiques, L'Harmattan, Paris, 2007, p243.

de l'organisation. Il peut s'agir des versets bibliques qui ont inspiré les membres fondateurs à prendre l'initiative.

La question est de savoir comment évaluer ces utilisations ou cette lecture biblique dans la société ? Il ne s'agit pas d'entrer dans une discussion théologique mais de comprendre quel lien existe d'une part entre les confessions religieuses et la société civile et d'autre part comprendre ce lien dans la dynamique de développement locale en s'appuyant sur les associations qui naissent dans ce contexte.

En somme, pour comprendre ce lien, il a été important de rappeler les composantes de la société civile. Concept aux notions imprécises, la société civile englobe une diversité d'acteurs dans ses composantes. Faut-il, en outre, comprendre l'historique du christianisme et du mouvement associatif dans notre zone d'étude pour passer aux études des cas ? Ce qui sera l'objet des chapitres suivants.

sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Je voudrais vivre pour étudier, non pas étudier pour vivre"   Francis Bacon