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Lire la fin du monde dans le jour de la fin du monde,une femme me cache de Patrick Grainville.

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par Vincent de Paul BISSIEMOU
Université Omar Bongo de Libreville - Maà®trise de lettres 2009
  

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INTRODUCTION GENERALE

1

D'après le dictionnaire Petit Larousse1, le terme littérature renferme une double acception. Elle est d'abord l'ensemble des oeuvres écrites ou orales auxquelles on reconnaît une finalité esthétique. Elle désigne ensuite les oeuvres littéraires considérées du point de vue du pays, de l'époque, du milieu où elles s'inscrivent, du genre auquel elles appartiennent2.

La littérature évolue avec la société qui l'engendre. C'est dans ce sens que Mme de Staël s'écrit :

« La littérature est l'expression de la société, à chaque société correspond une littérature »3.

Ainsi, le XX ème siècle qui a été frappé par plusieurs tragédies a connu une crise profonde des valeurs morales, sociales et religieuses. Cette crise s'est répercutée sur les arts et la littérature.

En effet, les deux Guerres Mondiales et attentats ont infligé à l'homme une conscience douloureuse, des blessures morales et spirituelles suscitant un pessimisme.4

Ce pessimisme outrancier favorise dans les écrits une culture du négatif et une volonté de déviation. La majorité des écrivains de ce siècle s'insurgent contre les règles établies et sont animés d'une fureur

1 Le Petit Larousse illustré, Paris, Larousse, 1998, p. 606.

2 Op.cit.

3 Mme de Staël, De la littérature, Paris, Gallimard, 1900.

4Mme NGOU Honorine, Les révélations littéraires, du XX ème siècle, Séminaire de Licence, UOB, 2002- 2003, cité par.

3

barbare. C'est l'avènement du nihilisme qui désigne la négation de la tradition et de toute valeur. Cette rupture avec les Anciens marque en effet l'explosion et l'expansion de la modernité.

La majorité des écrivains du XX ème siècle tels que Breton, Genette, Butor et Céline sont caractérisés par un élan d'anticonformiste.

L'écriture de Patrick Grainville s'inscrit dans cette logique transgressive.

Patrick Grainville est particulièrement sensible à la violence, à l'atrocité de la guerre, aux divers attentats et aux catastrophes. C'est pourquoi son style est en marge des normes établies.

1- Résumé du corpus

En une ouverture magistrale, le livre nous plonge en plein enfer : explosions, calcinations, kérosène enflammé, débris éparpillés, rien ne manque à ce début de roman en forme de fin du monde.

« Un avion s'est écrasé dans une cité proche de Paris, faisant 260 victimes. Voleur de voitures peut-être traqué par la police. Jérôme profite de l'atmosphère de fin de monde qui règne sur le quartier pour s'emparer d'une des boites noires de l'avion et trouver refuge chez Romane. Celle-ci vit seule dans une cité voisine et accepte d'héberger l'étrange locataire. La ville plonge dans un mélange d'effroi et d'effervescence médiatique. Spectacle auquel participent témoins de l'accident et familles des victimes: Aiwala, un adolescent noir qui, comme Jérôme, est obsédé par les noms des disparus; et Lenny Croft, un affabulateur de haut vol, ou Pierre Damnaglia dont les lettres

érotiques à sa femme sont retrouvées dans les décombres. Ces mots de l'amour arrachés à la mort diffusent une magie paradoxale au coeur même du deuil. Romane et Jérôme vont se découvrir peu à peu, dans une intimité semée de silence, de détours de demi-vérités, jusqu'aux aveux échangés. Chacun cache en effet sa boîte noire, comme celle qu'à volée Jérôme : car l'avion et ses passagers sont la figure même du destin, de ses envoûtements, de ses révélations ténébreuses ou luxuriantes »5.

2- Formulation du sujet

Le traitement de la question de la fin du monde dans la littérature française ne date pas d'aujourd'hui. Bien au contraire, c'est une préoccupation qui a jailli depuis bientôt plusieurs siècles. L'expression fin du monde désigne le moment supposé d'une destruction de l'univers, de la Terre, ou de la seule humanité6. On retrouve ce thème dans de nombreuses religions, philosophies et mythologies. C'est également un thème très utilisé dans l'art et la fiction. Son étude est l'eschatologie.

Bien évidemment, notre préoccupation n'est pas celle de l'eschatologie bien qu'elle ne lui soit pas totalement étrangère, mais plutôt consiste à Lire la fin du monde dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache7 de Patrick Grainville, suppose ici qu'il faut faire ressortir dans ce roman toutes les indices se rapportant à la fin du monde selon Grainville.

5 http://www.revueanalyses.org

6 Les Saintes Ecritures, Traduction du monde nouveau, Watchtower, Bible, 1995.

7 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.

De plus, il nous semble judicieux de relever la portée du titre de notre corpus de base ; Le jour de la fin du monde, une femme me cache8. OEuvre dont le titre a une dimension expressive et agressive et crée un effet de choc au lecteur.

Lorsque nous nous referons au titre de l'oeuvre la portée antithétique apparait directement de par l'expression fin du monde traduit déjà la pensée de l'auteur. La fin du monde dans notre corpus a plusieurs pans. Elle se lit d'une part, à travers le crash de l'avion, puis les personnages et leurs parcours dans l'oeuvre, enfin à travers les écrits.

3- Délimitation du sujet

Cette étape de notre travail consiste à définir les limites de notre question. Toutefois, il convient de signaler que l'oeuvre de Grainville, à savoir Le jour de la fin du monde, une femme me cache, n'a jamais fait l'objet de travaux sur le thème au sein de notre Département.

C'est par souci d'originalité que nous avons choisi ce contemporain aussi prolixe.

On nous reprochera sûrement le fait de n'avoir choisi qu'une seule oeuvre romanesque pour ce travail de recherche.

Une étude portant sur plusieurs textes nous aurait contraints à une analyse sommaire, superficielle de chaque texte, ce qui ne nous aurait pas permis d'apprécier la richesse et la finesse de différentes oeuvres du corpus.

8 Op. cit.

5

Or, la recherche thématique pour exister doit plonger dans les profondeurs, doit traverser l'épaisseur du texte afin de reconstituer la complexité des structures de signification qui y sont mises en procès.

4- Problématique

A cette étape de notre travail il est question de signaler l'orientation de notre recherche. Jérôme est un ancien voleur de voiture repentit. Bouleversé par les affres de la vie, souhaite qu'il y ait une catastrophe afin de détruire la Terre et tous ses maux, puis subitement, un avion vient s'écraser non loin de lui et créant une atmosphère de fin du monde dans une banlieue Parisienne.

L'oeuvre de Grainville est ambigüe en ce sens qu'elle nous entraine à partir des ressentiments d'un personnage, Jérôme vers les alcanes d'une fin du monde décrite par Grainville. Pour lui, le remède du mal existentiel serait une éventuelle fin du monde, enfin qu'après elle, il y est une nouvelle génération saine. Grainville se situe donc en marge du monde contemporain, auquel il reproche son manque de pragmatisme.

5- Hypothèse de recherche

L'oeuvre de Grainville nous introduit dans un univers chaotique, catastrophique et de malheurs.

Ainsi de l'articulation problématique de la principale notion qui ponctue notre recherche à savoir, lire la fin du monde fait référence à la déchéance, à la désolation, aux différentes incohérences existentielles des personnages dans le texte ainsi que, les différentes formes

d'écritures relevées dans l'oeuvre. Trois étapes ponctueront cette recherche, dont voici les grandes lignes ;

D'abord, en faisant parler le texte, nous présenterons les indices thématiques de la fin du monde. Ensuite, nous examinerons la toile de fond à travers l'analyse du discours. Enfin, la poétisation de la fin du monde dans l'oeuvre.

Avant de commencer, qu'il nous soit permis de faire quelques remarques sur le choix du thème. Ainsi, si nous avons retenu la fin du monde, ce n'est nullement pour en faire l'apologie. Simplement, nous pensons qu'il n'y a pas de sujet tabou et surtout les maux existentiels nous l'ayant permis, nous le traitons avec les mêmes appréhensions que nous aurions eu en face d'un autre sujet. Si tout au long du bégaiement qui va suivre, certains de nos propos tendaient à identifier en nous un partisan de la fin du monde, il ne s'agira sûrement que d'une mauvaise maîtrise de notre outil de travail : le français.

Au vu de la multiplicité des métaphores obsédantes, ressort une récurrence chez Grainville le désir d'une écriture rivée vers les catastrophes. Ainsi, quelques interrogations pourront nous édifier davantage sur la question.

- Quelles sont les caractéristiques de la fin du monde ?

- Comment la fin du monde se donne t-elle à lire dans l'oeuvre ?

- Comment la fin du monde est-elle poétisée dans l'oeuvre ?

Telles seront les quelques interrogations auxquelles nous devons

répondre tout au long de notre travail.

7

6- cadre méthodologique

Le but de toute investigation thématique est la recherche de l'architecture du sens9sous-entendu un système structuré de signes ; aussi, notre travail devra-il laisser apparaître dans une large mesure les traits relatifs à la fin du monde dans l'univers romanesque. Mais le risque ne demeure t-il pas de tomber dans le "réductionnisme" de certains critiques qui, au nom sans doute d'un certain positivisme ou réalisme historique, n'hésitent pas à ramener le texte contemporain à sa seule référence ? Une oeuvre romanesque ou poétique ne saurait pourtant en rien restituer un précis d'histoire.

L'analyse thématique telle que nous projetons de la pratiquer ici cherche à rétablir une sorte d'équilibre entre ces différents pôles descriptifs. Si nous reconnaissons la nécessité d'investir le signe littéraire de sa valeur intrinsèque de "signe vide", c'est-à-dire ouvert à un sens pluriel, non fermé sur un sens unique et non indexé sur une réalité extérieure mais plutôt psychique, nos investigations pourront quelque fois être socioculturelles du signe littéraire, car une écriture véhicule aussi d'une certaine manière un référent culturel qui ne peut être qu'extérieur au signe.

Si l'oeuvre ne peut pas être le reflet direct de la réalité, elle est néanmoins la représentation fantasmée. Les rapports qui se tissent entre la réalité fictive d'un texte et la réalité objective sont nécessairement des rapports de correspondance.

De plus, le texte narratif ne saurait en aucune façon se ramener à sa seule littérarité. Il est investi d'un pouvoir second qui l`institue en objet

9 Groupes d'Entrevernes, op.cit., p. 8.

de communication. La communication doit être prise ici dans le sens de transmission d'un message d'un émetteur à un récepteur10. Car ce qui caractérise en propre le discours littéraire, c'est bien le fait qu'il postule toujours une intention de signifier11 .

La critique thématique s'est partiellement constituée en réponse au thématisme et à ses problèmes. Attachée au nom de Jean-Pierre Richard, elle a reçu sa meilleure définition dans l'introduction de L'Univers imaginaire de Mallarmé (1961). Il y a pour Richard une manière proprement critique d'envisager les thèmes de la littérature. La psychologie doit se subordonner à l'herméneutique des thèmes internes à une oeuvre. Ainsi considérés, ces thèmes permettent une interprétation dite « totalitaire », et qui fonctionne au niveau de la sensation, de l'appréhension intellectuelle et du système d'écriture.

La critique de Jean-Pierre Richard est bel et bien une poétique, prenant appui sur une analyse transversale de faits récurrents. Une semblable ambition générale commande le recours à une science de l'esprit. Or celle-ci se constitue essentiellement à partir de deux ensembles élaborés dans le premier demi-siècle, la clinique (dont la psychanalyse et la psychologie française avec Bachelard, et, par lui, Bergson) et la phénoménologie.

Nous retrouvons dans la critique thématique la question de la conscience créatrice. Il y est bien question des perceptions de l'auteur et de l'imaginaire de Mallarmé ou Proust. On se concentre sur un sujet qui doit beaucoup à la monade de Husserl. Son inconscient s'exprime aussi, et voilà l'apport de la psychanalyse. Est valable tout ce qui aide le lecteur

10 J. Courtès, Initiation à la sémiotique narrative et discursive, Paris, Hachette Université, 1076, p. 33.

11 Charles Boulon, La signification : Contribution à une linguistique de la parole, Paris, Klincksieck, 1979, p. 155.

9

à reconstituer l'unité de l'esprit qui écrivait. Le thème répété « signale l'obsession » « ici comme ailleurs », affirme Richard. La perspective unitaire est donc soutenue par la scansion thématique. Non seulement il n'est « point de contradictions » dans les grandes oeuvres comme celle de Mallarmé, mais le thème est « un principe concret d'organisation » de cette conscience écrite; « autour [de lui] aurait tendance à se constituer et à se déployer un monde ».

En d'autres termes, et sans échapper à la tautologie, le thème est posé dans un univers textuel, il est l'axe d'un univers littéraire. Le foisonnement, les différences dans la répétition sont arasées au profit d'un élément organisateur. Du moins dans son projet, Richard rejoint en ce sens le structuralisme : « La critique peut s'assigner pour tâche de vaincre, pas à pas, l'apparent désordre de l'oeuvre. ».La thématique offre une vision globale, unifiée, ordonnée et rationalisée des textes, dont elle rend la stratification interne (perception, réflexion, poétisation).

La diversité des approches sera l'un de nos principaux soucis. Nous voulons aborder ce texte sans présupposés, car recherche ainsi que l'assure Greimas, n'a de sens que si elle permet de découvrir ce que l'on n'a pas cherché et prévu à l'avance, une quête dont seul le parcours peut être entrevu, mais dont l'objet de valeur est à constituer, une épreuve dont l'issue n'est pas certaine12.

Notre travail est précisément une quête vers les formes multiples de la présence du sens et les modes de son existence13.

12 Greimas, avant-propos à Les enjeux de la sémiotique, op. cit., p. 6.

13 Greimas, Du sens, Paris, seuil, 1970, p. 17.

PREMIERE PARTIE

10

LES INDICES THEMATIQUES DE LA FIN DU MONDE

CHAPITRE PREMIER

LA VISION DE LA FIN DU MONDE SELON GRAINVILLE

Soulignant que le roman est un art, un genre littéraire qui exprime une vision du monde, une conception de la vie et de l'existence (temps, espace, histoire, identité...) Elle évolue, se transforme et s'adapte.

L'expression fin du monde dans un premier temps pourrait être définie comme étant une apocalypse. Grainville quant à lui utilise cette expression pour peindre les imperfections, les maux et déboires, et catastrophes observées dans la société.

Dans cette partie, il nous revient d'étudier quelques éléments de fond se rapportant à la thématique de la fin du monde dans ce roman.

Nous nous intéresserons d'abord, à la vision du monde selon Patrick Grainville à travers les personnages. Ensuite, aux signes avant- coureurs de la fin du monde. Enfin, à l'esthétique de la fin du monde dans l'oeuvre.

12

1.1.1. La fin du monde, vue à travers les personnages de Jérôme, Dolorès et Romane.

Si le sens d'une oeuvre, passe avant tout par l'étude textuelle. Greimas14 dit que le sens d'une oeuvre est donné à travers le parcours des personnages, et leurs relations dans le texte. Mais avant tout, nous devons procéder à leur étude.

Le roman dans sa composition et dans sa narration, présente des personnages qui participent à l'histoire narrée par l'auteur. De ce fait dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache15, l'étude de la fin du monde passe donc intrinsèquement par la présentation conceptuelle des personnages autours desquels la fin du monde se donne à lire.

Dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache, la manifestation de la fin du monde est perceptible à travers le parcours et le comportement de ceux-ci. Parmi ces personnages certains vivent dans l'incapacité de dire ce qu'ils voient et ce qu'ils savent. Condamnés à parler et voir pour eux-mêmes, leur solitude et frayeurs face, non seulement au dégoût qu'ils ont désormais de la vie, mais aussi les horreurs du crash de l'avion les contraint au radotage, au silence et donc à une fin du monde. La fin du monde est alors liée aux différentes expériences. C'est le cas de Jérôme, Dolores et Romane qui chacun à sa manière a côtoyé le pire.

Ce point est très particulier en ce sens que Patrick Grainville commence par nous présenter un tableau de ressentiments de différents personnages qui constituent des pôles d'attractions de notre récit-objet.

14 - Cours de Linguistique textuelle, Licence, 2007-2008

15 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001

À travers un style d'écriture simple, l'auteur rappelle les différents passés mélancoliques de ses personnages fictifs qui constitueraient de facto une fin du monde. De manière générale ; la fin du monde peut être définie comme une catastrophe effrayante qui évoque l'apocalypse. Or, hormis cette définition conventionnelle de la fin du monde, la voit de plusieurs manières.

Pour une meilleure étude des figures actorielles, il nous semble intéressant de l'envisager sous l'angle d'un couplage. La binarité s'impose en effet comme une règle de construction dans ce récit.

Les personnages de Jérôme et de Dolorès sont peints par l'auteur ici pour illustrer l'intention première de celui-ci. Il les peint dans le but de faire ressortir à travers non seulement leurs actes, mais également leur séparation, un sentiment de fin du monde.

Ceci étant, Jérôme est l'incarnation même d'un être voué à un destin si l'on peut dire insignifiant. Rien n'a d'importance pour lui. Il a mené une vie de vagabond.

Et le fait d'avoir assisté à un meurtre pendant qu'il exerçait sa profession de voleur de voitures accompagné de son complice Hervé qui attise encore plus son dégout total à la vie au même titre que sa séparation d'avec Dolorès.

Dolorès qui signifie : douleur, sera la première à le conduire à une remise en question de sa propre personne.

Cette fin du monde relève de prime abord d'une rupture du personnage de Jérôme avec Dolorès.

14

Ainsi, le récit romanesque fonctionne comme un univers fermé. Il est la représentation d'un monde avec ses lois, ses exigences déterminées ; cet univers de fiction est peuplé des personnages qui y évoluent. Parmi ces personnages, il y en a toujours un qui, placé au centre du récit sert de prétexte à l'auteur pour exprimer ses idées.

C'est à cette exigence littéraire que répond par exemple Sony Labou Tansy, lorsqu'il parle de Nitu Nadou au centre de son roman pour illustrer la situation d'un honnête homme au sein d'une société impitoyable et corrompue9

C'est aussi à cette même exigence qu'obéit Patrick Grainville en plaçant Jérôme et Romane au centre de son ouvrage.

Jérôme, fils unique d'un personnage nominé par l'auteur sous le vocable de mon «Mon Père »10, se démarque cependant du héros ordinaire par le degré de puissance et de présence qui lui est imprégné par l'auteur et qui le caractérise dans le texte.

Jérôme orphelin de mère dès sa prime enfance, ayant perdu des repères, excelle dans le vol de voitures accompagné de son complice Hervé. Après un meurtre commis lors de l'un de leurs cambriolages, Jérôme se sent comme happé par une sorte de malaise inénarrable qui le conduit au bord de l'évanouissement, vers un désir profond inexorablement vers la mort. Il n'éprouve plus la moindre envie de vivre. Et souhaite une fin du monde.

9 LABOU TANSI, SONY, L'ANTE PEUPLE, édition du Seuil, 1965

10 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, page 20 ; 2001

Ajouté à sa rupture d'avec Dolorès, il reste perplexe. Il est soumis par ces faits marquants qui le tiennent sous un climat de fin du monde qu'il désir tant. Jérôme apparaît comme un être tourmenté en perpétuelle recherche de soi.

Face au personnage de Jérôme, le lecteur peut être aussi gêné qu'intrigué par la nature particulière de cet actant intra diégétique et en même temps fuyant, insaisissable.

« J'ai téléphoné à mon père dès le lendemain de ma fuite. Il connaît ma vie de vagabond »11

Jérôme être instable, ayant le pré-sentiment qu'il était désormais suivi par des policier, va commencer par paniquer et va finir par abandonner son appartement prenant l'essentiel de ses affaires pour une destination inconnue.

L'auteur-narrateur utilise nombre de procèdes en vue d'accéder à une peinture efficiente d'une fin du monde dans le corpus. Aussi parlerons-nous de Romane.

Personnage métaphorique de l'oeuvre dans la mesure où, c'est par elle que Jérôme retrouvera le goût à la vie. S'agissant de ce personnage, la fin du monde se traduit par la déception dont elle a été victime.

Ce qui est sûr à travers ce roman, l'auteur cherche à toucher sensibilité du lecteur ; ceci étant, Grainville, à travers ce personnage qui

11 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 20.

16

est Romane, met sur la sellette l'épineuse inquiétude de la condition humaine.

Romane, jeune femme aux longs cheveux noirs12. Elle est professeur d'Anglais dans un collège à Cergy. Tout comme Jérôme, elle aussi a été victime d'une forte déception.

Déjà toute jeune elle avait eu une aventure avec un homme qui l'avait engrossé puis ce dernier avait sans ambages nié cette grossesse. Face à cela, elle s'était vue obligée de s'en débarrasser.

Suite à cette déception, elle éprouvait désormais une sorte de dégoût de la vie.

Tout comme Jérôme, Romane subit une rupture qualifiée de trahison et celle-ci met un terme à son goût à la vie. Elle va jusqu'à commettre un crime passionnel, délibéré. Ici cette trahison constitue une fin du monde en soi ; en ce sens que son ex amant au départ ne lui avait pas dit qu'il était marié. Or, elle avait totalement confiance en lui, qui n'a pas hésité de la tromper après l'avoir en grossie.

« Et Romane a commencé son lent récit... Juste avant de me connaître, elle avait un amant sans véritable amour. Une dépendance assez froide. Elle était tombée enceinte, le lui avait avoué. Il avait soudain révélé qu'il avait une autre femme, qu'il l'aimait, qu'il était marié avec elle, qu'il ne voulait pas gâcher sa vie. C'est ce trivial «gâcher sa vie» qui blessa, humilia Romane. Elle se détacha

12 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 17, op. Cit.

immédiatement de l'enfant futur. Elle avorta sans pleurer. »13

Grainville peint un personnage totalement affligé, meurtri et indigné. Il nous présente là un personnage plus ou moins naïf aveuglé par un amour fictif sans issue voir humiliant.

Chaque personnage se présente finalement comme une figure spécifique devant marquer d'une empreinte singulière le mouvement général du récit. Pour être exhaustif, des approches diverses doivent aussi pouvoir rendre compte du mécanisme ludique qui règle les différents types de rapports mis en procès dans le récit.

1.1.2 : Définitions de la violence : Une analyse multiple de la notion de violence

Selon Lucien MEHL16 ,

Le pluriel du mot définition dans l'intitulé de ce point laisse entendre qu'y seront proposées plusieurs définitions de la violence. Pour justifier cette pluralité, mieux vaut éviter d'entreprendre une analyse scolastique (au sens non péjoratif de cet adjectif) de la notion de définition, fût-ce en cherchant l'inspiration chez Socrate, Descartes et Leibniz. Il ne s'agit pas de donner des définitions formelles du concept de violence. Mais plutôt d'en évoquer les différents aspects en recourant successivement à trois voies d'analyse: linguistico-sémantique, historique et systémique.

13 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache édition du Seuil, page 227

16 Conseiller d'Etat honoraire, Président d'honneur de l'AFSCET. E-mail : lucien.mehl@wanadoo.fr

18

Pour progresser dans la connaissance de la notion de violence, il est utile de la rapprocher d'autres notions qui lui sont connexes ou sous- jacentes. C'est ainsi que les mots qui désignent d'une part la force et d'autre part la violence, deux notions proches mais distinctes, ont, assez fréquemment, dans plusieurs langues, actuelles ou anciennes, des racines communes, remontant le plus souvent à un lointain. Les mots qui désignent la violence expriment, en général, un abus ou une exacerbation de la force, un passé outre à celle-ci.

Violence, viol, violer, violation viennent du latin violare, lequel signifie porter atteinte, attaquer, transgresser, profaner, déshonorer. Les dérivés latins de viol, violence, tels que violencia, violatio, etc., ont le même sens que leurs dérivés français. Les mots de cette famille suggèrent bien qu'une atteinte illégitime ait été portée à quelqu'un, quelque chose, qu'une limite a été franchie, qu'il y a eu transgression, mot qu'il convient de rapprocher d'agression. La violence ne doit pas pourtant être identifiée au mal ou regardée simplement comme une catégorie du mal, notion qui a une portée à la fois différente et plus large. Elle doit aussi être distinguée de l'agression qui, étymologiquement, signifie que l'on va vers autrui (ad-gredior), avec une attitude plus ou moins exigeante ou menaçante, mais non nécessairement violente. Elle doit aussi être distinguée de la force, la violence étant l'usage illégitime de la force. Comme l'avait relevé Conrad Lorenz17, qui a étudié en profondeur le comportement animal et humain, la vie animale, y compris humaine et même végétale, ne se maintient qu'avec un certain niveau d'agressivité. A cet égard Lorenz développe des conceptions proches de celles de Darwin18, du Struggle for life : concurrence et compétitivité

17 Ethnologue autrichien Histoire et Sociologie Né le 07 novembre 1903 Décédé le 27 février 1989.

18 Naturaliste, scientifique né en 1809.

entre espèces; comportements prédateurs, notamment pour la recherche de la nourriture. Même chez les végétaux, certaines espèces cherchent à étendre leur localisation et leur influence sur leur environnement, voire en l'envahissant. Cependant la vie ne se maintient pas seulement par l'agressivité. Il existe des cas de symbioses ou de coopérations entre espèces animales; entre espèces animales et végétales (les abeilles et la pollinisation). La vie sexuelle comporte des traits d'agressivité, parfois violents, notamment chez les mammifères ; mais, en général, cette agressivité est maîtrisée, donc limitée; elle comporte aussi des attitudes de séduction: parade nuptiale chez les oiseaux. Il faut noter que plusieurs langues, mais non toutes, distinguent la force et le pouvoir; en latin, vis pluriel vires, la force est distinguée de potestas, autorité, pouvoir.

L'étymologie et le rappel des évolutions sémantiques offrent des éléments de perspective historique. Il convient maintenant de présenter, par quelques exemples, un bref aperçu des comportements de violence, tels qu'ils apparaissent dans l'histoire, qui montre l'intérêt de la méthode historique, souvent indispensable pour expliquer le présent, voire pour tirer des enseignements du passé et pour imaginer l'avenir. On donnera ensuite quelques exemples de l'analyse systémique appliquée à la violence, démarche qui a souvent le mérite d'aider efficacement à la préparation et à la prise de décision dans des situations complexes se rapportant à la violence. Pour ce faire, dans notre récit-objet, la violence est observable à travers les faits relatés par le narrateur.

En revanche, notre récit-objet décrit une autre sorte de violence. Il peint une violence drue, funeste, accablante, meurtrière. Il s'agit d'une brutalité qui ne saurait trouvée d'adjectif adéquat : l'avion qui se crash dans une banlieue de Paris, plus précisément à Nanterre faisant 260

20

morts et plongent ainsi la cité dans un deuil total. Explosions, crépitement etc. Et faisant plusieurs sans abris.

On ne saurait lire la fin du monde dans le jour de la fin du monde, une femme me cache sans relever toute la symbolique qui se dissémine derrière la violence catastrophique qui culmine à Nanterre ; entre la cité des sources et celle des merles théâtre de la catastrophe.

« Le roulement et la violente averse de l'orage avaient diminué. Alors, dans un crachat formidable, le ciel à éclaté. Une explosion jaillie du coeur du monde. »19

La violence se lit également comme un indice de la fin du monde. On s'accordera que, de la faute commise par Jérôme et son complice Hervé ; le meurtre du propriétaire de la Mercedes qu'ils avaient volé est une sorte de violence.

Ce passage est très illustratif en ce sens qu'il peint la violence de l'explosion de l'avion lors du crash. Le roulement de la violente averse de l'orage ; Grainville voudrait ici montrer la dimension exagérée de cette explosion. L'endroit où l'avion s'est écrasé.

Hormis cette violence, nous assistons également à ce que l'auteur qualifie de violence barbare : des rapines et autres agissements négatifs.

« Des rituels en somme rallumés par le tonnerre de l'avion, une violence hors normes, une barbarie du destin. »20

19 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache édition du Seuil, page 9. op.cit..

20 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache édition du Seuil, page 79. op.cit..

Ces quelques indices mettent en exergue la thématique de la fin du monde dans ce récit-objet. La fin du monde est donc liée aux personnages et à la violence existentielle. Mais comment la fin du monde est-elle poétisée dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache ?

22

CHAPITRE DEUXIEME

LES SIGNES AVANT-COUREURS DE LA FIN DU MONDE

Abordant ce chapitre deuxième, il y va sans dire que dans presque la quasi totalité des drames, des signes avant-coureurs sont observables.

On entend par signes avant-coureurs, des signes précurseurs, annonciateurs d'un évènement à venir.

Pour ce qui concerne notre récit-objet, Grainville, au début de son roman, le personnage narrateur annonce ce qui va arriver à travers la première phrase.

« C'était avant la fin du monde. »20

Cette expression "fin du monde" qui nous fait froid dans le dos met déjà le lecteur comme d'aucuns le diraient dans le bain. Nous sommes dans une situation où le narrateur-auteur de notre récit-objet prédit un évènement funeste, tragique. Le lecteur a une idée de ce qui pourrait arriver : une catastrophe, un cataclysme etc..

Cela nous conduit à dire qu'il y a eu effectivement la fin du monde et que l'auteur-narrateur l'affirme. Cette manière d'énonciation nous le relate à l'imparfait. C'est pour dire qu'au moment de la narration, la fin du monde s'était déjà produite.

20 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 7.

I. 2.1. Les données temporelles

Dans un texte, le temps du déroulement des actions est une donnée majeure en cela qu'il participe de la dynamique et de la structuration de l'intrigue. Le jour de la fin du monde, une femme me cache de Grainville dont la thématique est constituée par la fin du monde manifeste cela par le fait que la plupart des actions se déroulent à des moments précis.

En effet, Jérôme dans la description de la chronologie des événements rompt d'avec Dolorès un mois avant la catastrophe.

« Un moi avant la catastrophe, j'avais rompu avec ma femme. C'avait été déjà la fin du monde. Je me suis retrouvé vide et nu. Sans doute m'étais-je secrètement initié à l'extinction des choses.»21

Nous voyons ici comment Grainville, à travers Jérôme annonce qu'il s'était déjà préparé à la fin du monde quelque temps avant. Comment une séparation pourrait-elle constituée une fin du monde en soit. Pour l'auteur, une rupture pourrait être considérée Comme une fin du monde en ce sens qu'elle affection le coeur.

C'est comme dirait d'aucun ; elle ou il m'a brisé le coeur. Ce n'est peut-être pas quelque chose de physique d'abord, mais plutôt sentimental.

L'encrage temporel s'avère aussi digne d'intérêt dans la manifestation de la fin du monde dans le texte par la récurrence des unités phrastiques telles que :

21 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 8.

24

« Plus tard, à la télé, j'ai vu des familles, des
survivants, pleurer devant les décombres.22»

Là encore, le lecteur n'est pas surpris par ce qui arrive; c'est-à-dire cette catastrophe qui selon certaines personnes dans l'oeuvre, la voit comme une fin du monde. Jérôme reste stoïque imperturbable face à ce tapage médiatique sur le crash de l'avion de air France.

Ou

« Tout était déjà accompli, irrévocable dans cette soirée de mars, et presque apaisé. L'Orque s'accolait contre l'énorme tour. »23

Une fois de Grainville libre ici le mois du crash et la période de la journée ; cette soirée de mars ; le crash s'est précisément passé au mois de mars et en soirée.

Nous pouvons dire que Grainville essaie de représenter fidèlement les faits dans les moindres détailles.

Ou encore

« Sorte de reste, de relique, d'obélisque graffité de ténèbres mais rosi, irisé, par les tendres rayons de mars et du soir. »24

22 Idem.

23 Idem. Page 11.

24 Ibidem. Page 11.

Le mois de mars revient à nouveau. A bien observer, nous remarquons qu'au mois de mars il y a des tendres rayons au coucher du soleil, le soir.

Puis

« Vers quinze heures, elle me quitte. »25

Ici, il serait aléatoire de vouloir dissocier dans une sorte d'opération théorique la personne de l'auteur de celle du narrateur. Les deux instances se confondent désormais dans l'acte unique et ultime de la narration.

C'est parce que la mémoire de l'auteur physique et concret est encombrée d'une foule de détails diffusés au cours de son existence que le narrateur peut nous décrire ses scènes. Le narrateur ne devient alors qu'une sorte de mémoire seconde chargée de restituer, non pas les réflexions, mais le vécu existentiel de l'écrivain. L'opération de retour en arrière qu'illustre le récit ne saurait ainsi déborder le cadre existentiel de l'auteur lui-même.

Nous assistons à un tassement progressif de la donnée temporelle. Cela est dû à la nature particulière de la mémoire humaine, à son incapacité à restituer fidèlement et entièrement les évènements trop éloignés dans le temps. L'enjeu du récit étant de monnayer un temps dans un autre temps26, la restitution sera désormais fonction de l'éloignement ou du rapprochement de l'évènement narré par rapport au moment de la narration. En d'autres termes, la précision du récit sera

25 Ibidem. Page 61.

26 Christian Metz, Essai sur la signification au cinéma, Paris, Klincksiek, 1968, p. 27, cité par Nicolas MBA ZUE dans sa thèse de docorat.

proportionnelle à la durée qui sépare les évènements de l'acte narratif qui les réactualise.

L'analyse des données temporelles nous a permis ainsi de cerner la fin du monde et ses différents corolaires, à quelle période le crash a eu lieu dans la mesure où elle contribue à l'élucidation de celle-ci dans l'oeuvre. Du moment que les actions se déroulent majoritairement le soir, on voit alors une volonté chez l'auteur-narrateur de captiver le narratairelecteur.

Mais les indications temporelles qui jalonnent notre récit-objet n'ont pas pour seul but de nous indiquer la chronologie évènementielle. Elles se chargent aussi d'une intention rhétorique certaine. Comme tel, leur fonction est de marteler le texte narratif, mais surtout la conscience du narrataire-lecteur pour qui ces jalons mnémotechniques27 servent à la fois de repères taxinomiques et de points de référence.

Toutes ces indications temporelles concourent à donner une base de vérité au message narratif.

Le romancier est ainsi davantage soucieux de la réalité existentielle qu'il doit décrire le plus fidèlement possible. Les indications dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache répondent à ce souci de description exacte.

« Le lendemain, au petit déjeuner, elle s'est détournée de n'avoir revu le chat. Je lui ai avoué que je l'avais donné à Hervé. »

27 Mémorisation.

26

28

« Le lendemain, au petit déjeuner » Grainville nous spécifie avec exactitude le déroulement de la scène. Mais, est-il obligé de le faire ?

L'ambition est finalement claire : transcrire la réalité telle qu'elle a été vécue. Les indications temporelles de notre texte-objet tendent à nous exprimer ce réel historique vécu et fidèlement conservé par la mémoire de notre narrateur-auteur.

I. 2.2 : La pertinence du phénomène affabulatoire

Le phénomène affabulatoire faisant partie des sept péchés capitaux est très récurrent dans notre récit-objet. Patrick Grainville peut être considéré comme un avant-gardiste en ce sens qu'il restitue exactement les faits de la société. Le mensonge, la calomnie, font partie intégrante des signes avant-coureurs de la fin du monde dans la Bible.

La quasi-totalité de ses personnages a, de près ou de loin flirté le mensonge. Partant de Jérôme, Lenny Croft, Aiwala, Bani, ou Romane, le constat demeure le même. Des petits mensonges par ici, des gros mensonges par là, etc.

Grainville peint une société en déclin progressif. De part sa description des faits on a l'impression que cette société est vouée à une destruction totale. Et donc, lui faisant partie de cette société, voudrait qu'un évènement libérateur surgisse afin de mettre fin à toutes les imperfections de l'Homme.

Jérôme, auteur-narrateur de notre roman, est de prime abord celui- là qui utilise le mensonge pour se libérer de son complice et ami Hervé ;

car celui-ci en volant un véhicule a par inadvertance enfreint une des règles très capitale : Ne jamais tuer.

Jérôme ne désire plus rencontrer Hervé son co-équipier voleur et se sert d'un précepte capital, qui consistait à ne jamais tuer lors de leurs opérations le plus souvent nocturnes. Il ne cesse de le lui jeter à la face à chaque fois que ce dernier désire le rencontrer.

« Je ne sais pas. Laisse-moi réfléchir. De toute façon, c'est fini. Le boulot, c'est fini ; Hervé, je te l'ai déjà dit, il y a un mois, après ta faute...On pouvait plus continuer. Il se tait. Sa faute. Il remâche son regret. Il a fichu tout par terre ».28

Nous observons un autre cas de figure plus flagrant, celui de Lenny Croft un affabulateur de haut vol. Il se fait passer pour le frère d'une des passagères de l'avion. Or cette dernière n'était autre qu'une fille de joie, qui lui vendait ses services, à qui il était tombé passionnément amoureux. On a affaire à un véritable mythomane de grande envergure. Il n'hésite pas à passer dans les médias, et est désormais l'avocat des parents des victimes du crash de l'avion.

I.2.3. Le crash de l'avion une tragédie

« Il y avait pour tous les goûts... Deux cent quarante cas différents qu'on pouvait regrouper par catégorie, ventilé sur des listings, selon l'âge, le sexe, l'origine. Des Japonais, des Italiens, des Allemands, des Hollandais, des Chinois,

28 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 38.

des Américains, des Français, des Anglais, des Zaïrois, des Sénégalais... Tous les pays étaient là dedans, des échantillons du monde entier... »29

Comme sus-indiqué tout au début de notre travail, nous avons là une fois de plus des indices qui nous montrent le caractère globalisant de ce crash. Faisant appel à l'histoire, il y a que le 11 septembre 2000 reste une date historique avec la destruction des deux tours jumelles aux Etats-Unis.

Aussi, pouvons -nous établir un parallélisme entre le crash décrit dans notre récit-objet.

Contemporain, Grainville, se fait à coeur joie le transcripteur des évènements de son siècle.

Pour donner plus de force à sa description, Grainville, nous livre le répertoire des victimes du crash.

A bien scruter ce répertoire, nous remarquons une multiplicité de nationalités ; des français, des anglais, des asiatiques, des africains etc.

L'indentification des cadavres se fait désormais à travers des fragments d'os, de peaux, de vêtements, des rapprochements s'opèrent avec les photos des victimes.

29 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 25

30

CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de cette première partie, nous pouvons retenir que les personnages évoluent dans un univers chaotique.

Nous pensons qu'à travers les indices thématiques que nous avons pu déceler, l'auteur montre avec précision une catastrophe endeuillant plus des 260 familles.

Enfin, Grainville témoin attentif de ces différents bouleversements qui ne cessent de survenir de jours en jours n'a pas hésité une fois de plus à nous interpeller la dessus.

DEUXIEME PARTIE
L'ANALYSE DU DISCOURS

Le discours a ses unités, ses règles, sa "grammaire" : au-delà de la phrase et quoique composé uniquement de phrases, le discours doit être naturellement l'objet d'une seconde linguistique30.

30 Roland Barthes, " Introduction à l'analyse structurale des récits", in Communication 8, 1966, p.3

32

CHAPITRE TROISIEME : LA TRANSMISSION DU MESSAGE NARRATIF

La présente partie, qui s'intéresse à la matérialité superficielle ou apparente du texte narratif englobe deux aspects que sont la narration (l'énonciation) et le signifiant discursif (l'énoncé).

Le projet sémiotique étant la recherche des conditions d'existence de la signification-ici littéraire, c'est-à-dire l'appréhension du sens sous- entendu au système structuré des signes textuels dans le cadre d'une sémiotique littéraire ou textuelle, la prise en compte de la narratologie comme pratique d'investigation permet d'interroger le texte littéraire à partir de ses constituants immédiats.

S'interroger sur la narrativité d'un texte, c'est à la fois chercher à comprendre dune part le mécanisme de production qui le fait naitre et la fonde en tant que discours, et d'autre part les règles de distribution et ses éléments internes.

Ces deux aspects seront envisagés dans les deux sous chapitres qui suivent. Comme toute pratique analytique au sens étymologique de décomposition/restructuration, l'analyse narratologique révèlera sous la calme horizontalité des syntagmes successifs, le système accidenté des choix et des relations paradigmatiques. Si son objet est de bien éclairer les conditions d'existence(de production) du texte, ce n'est donc pas, on le dit souvent, en réduisant le complexe au simple, mais au contraire en

faisant apparaître les complexités cachées qui sont le secret de la simplicité31 .

II.3.1. L'instance narrative

Les faits qui composent l'univers narratif sont divisés en deux niveaux : le premier niveau, extra textuel concerne les relations auteur- lecteur : un second niveau, entre le narrateur et le narrataire. Notre étude concerne l'examen de ces deux niveaux

II.3.2-Le statut du narrateur

Dans son "Discours du récit", Genette nous dit qu'une

Situation narrative, comme tout autre, c'est un ensemble complexe dans lequel l'analyse, ou simplement la description, ne peut distinguer qu'en déchirant un tissu de relations étroites entre l'acte narratif, ses protagonistes, ses déterminations spatio- temporelles, son rapport aux autres situations narratives impliquées dans le même récit, etc.32.

La complexité de la texture du récit n'étant pas susceptible d'être saisie globalement au niveau du discours critique, ce n'est pas par fractionnements et déchirements que l'analyse doit chercher à faire parler le texte. Les principes narratologiques que nous abordons dans le

31 Gérard Genette, Figures III, Paris, Seuil, 1972, p. 165.

32 Ibid., p. 227.

présent chapitre doivent nous amener à interroger directement les différents éléments du dispositif narratif. Comme pour premier élément de ce dispositif, l'instance narrative. Prévenant la confusion qui est souvent faite d'une part entre l'instance narrative et l'instance d'écriture, c'est-à-dire le narrateur et l'auteur, et d'autre part entre le destinataire du récit(ou narrataire) et le lecteur de l'oeuvre, Genette pose clairement que la situation narrative d'un récit de fiction ne se ramène jamais à sa situation d'écriture33. Le narrateur est ainsi un rôle purement fictif qu'il convient de distinguer soigneusement de la personne physique qui assume l'acte concret d'écriture. Mieke Bal l'assimile au "it "anglais34, qui est l'instance la plus impersonnelle de la conjugaison anglaise, ce qui de ce fait le décharge des racines existentielles de la personne humaine à laquelle certains critiques ont quelque fois tendance à l'assimiler35.

Dresser un statut du narrateur, c'est élucider le problème de la "voix" dans le récit, c'est-à-dire répondre à la question "qui parle ? ". Si l'instance narrative ne saurait être assimilée à la personne physique de l'auteur, grammaticalement pourtant, il ne se conçoit de narrateur qu'à la première personne, et Genette affirme à ce propos :

En tant que le narrateur peut en tout instant intervenir
comme tel dans le récit, toute narration est, par
définition, virtuellement faite à la première personne

34

33 Ibid., p. 226.

34 Mieke Bal, Narratologie, Paris, Ed. Klincksieck, 1977, p. 31.

35 Une investigation narratologique d'un récit ne saurait se concevoir sans un repérage préalable de ses instances. La critique traditionnelle, pas trop réductrice, passait directement de l'auteur au personnage, ce qui n'allait pas sans une certaine confusion au niveau de l'interprétation globale de l'oeuvre littéraire : à partir de l'auteur, on essayait d'expliquer le personnage, et vis-versa. Une simplification abusive de la réalité textuelle ou narrative conduisait sans contexte une lecture/interprétation biographique de l'oeuvre littéraire. Celle-ci n'était plus qu'un prétexte qui permettait au critique de retracer l'histoire personnelle de l'auteur. La grande innovation de la narratologie a été de voir dans le fait textuel une hiérarchie de niveaux théoriques identifiable et autonomes.

pour désigner l'un de ces personnages. On distinguera donc ici deux types de récits : l'un à narrateur absent de l'histoire qu'il raconte, et l'autre au narrateur présent comme personnage dans l'histoire qu'il raconte. Je nomme le premier type, pour des raisons évidentes, hétérodiégétiques et le second homodiégétiques36.

Le narrateur est donc nécessairement un "je", c'est-à-dire une première personne, même s'il raconte une histoire à la troisième personne. Le "il" diégétique est justement prise en charge par un "je" narrant ne saurait finalement se confondre, ni avec le personnage fictif impliqué dans le récit, ni avec le "Je" écrivant qui n'est autre que la personne physique et biologique de l'auteur.

Concernant Le jour de la fin du monde, une femme me cache, il ne fait aucun doute que la relation qui lie narrateur et la diégèse est une relation hétérodiégétique, ce qui institue d'emblée un certain rapport de domination/subordination entre eux. Ce type de relation, le plus courant dans la narration littéraire, constitue presque la marque, le masque, de la fiction romanesque, à l'instar du passé simple et du "il" dont parle Barthes dans son Degré zéro de l'écriture37. La relation hétérodiégétique permet en effet au narrateur de poser entre son récit une ligne de démarcation qui l'oblige à présenter les faits dans leur "objectivité". Cette frontière pourtant n'est jamais étanche, imperméable, hermétique. De multiples indices, telles que les métalepses narratives, rendent compte

36 Gérard Genette, op. cit., p. 252.

37 Roland Barthes, "L'écriture du roman", in Le degré zéro de l'écriture, Paris, Seuil, 1953 et 1972 pp.25-32.

de fréquentes interférences et instruisions du narrateur dans le monde clos de l'histoire.

Le narrateur, que nous avons défini comme une instance neutre, est en principe "indépendante" de la personne physique de l'auteur. Cependant, en l'absence d'un narrateur nommément désigné dans le texte narratif, il arrive que la personne de l'auteur remplisse la fonction de narrateur. C'est ce qui justifie l'expression " narrateur-auteur" que nous avons employée jusqu'ici et que nous continuerons à utiliser. Les deux instances sont tellement imbriquées l'une dans l'autre qu'on ne saurait indéfiniment les différencier. Le narrateur peut être tout au plus un intermédiaire entre la personne de l'auteur et le récit.

Le narrateur formant donc un tout invisible, son statut de première personne par conséquent reste fixe. Les problèmes de changement de narrateurs, ou tout simplement de délégation du droit narratif, résultent en réalité du changement de niveaux narratifs.

Si tout narrateur est d'abord intra narratif dans ce sens qu'il est en premier chef concerné par l'acte de narration, la délégation de son droit narratif à l'un des délocuteurs constitue un indice supplémentaire, en plus des métalepses narratives qui dénote sa présence dans le récit.

Le jour de la fin du monde, une femme me cache est un texte à "vision avec"38, c'est-à-dire un récit à focalisation interne où le narrateur (Jérôme) est égal au personnage central. Il sait autant que le personnage est présent comme personnage dans l'histoire qu'il raconte. Jérôme a un statut homodiégétique et est aussi intradiégétique parce qu'il est le personnage principal de Le jour de la fin du monde, une femme me cache.

36

38 Jean Pouillon, Temps et roman distinguait trois types de vision : la vision par derrière, la vision avec est celle où le narrateur sait autant que le personnage.

La cession de la parole à l'un des personnages témoigne d'un changement de niveau, le narrateur intra diégétique [devenant] extra diégétique par rapport au nouveau récit, formé par le discours direct, hypo-diégétique, dont le personnage-sujet devient le narrateur.39

En dépit d'une différence de dénomination chez Genette et Bal40", le changement de narrateur signifie bien passage d'un niveau à l'autre. Comme dans tout texte narratif, la narration dans notre récit est alternativement prise en charge par le narrateur et par les personnages diégétiques. Le premier niveau narratif sera assuré par le narrateur lui- même, et le second niveau, au discours direct, par les personnages. Sur le plan discursif et modal, cela se concrétise par la présence de deux modes narratifs : le récit d'événements et le récit de paroles.

En dehors de ces considérations théoriques, la distinction des deux niveaux narratifs révèle un fort déséquilibre au niveau de notre récit. Le second niveau qui concerne les micro-récits, c'est-à-dire les récits dans un récit, est nettement moins fourni que le premier. Pour en être convaincu, il convient de distinguer soigneusement discours dialogue et micro récit, car tout échange de paroles- entre deux ou plusieurs personnages-ne constitue pas nécessairement un micro récit. Celui-ci doit conter une histoire, ce qui suppose un début et une fin.

39 Mieke Bal, op. cit., p. 35.

40 Pour Genette, " tout événement raconté par un récit est à un niveau diégétique immédiatement supérieur à celui où se situe l'acte producteur de ce récit", sera alors métarécit tout récit dans le récit, et métadiégétique l'univers de ce second récit. (Voir Figure III, P. 238-239). Bal rejette l'utilisation du préfixe "méta-" et préfère celui de "hypo-" : hypo-récit, hypo-diégétique ; concernant les rapports hiérarchiques entre récit et hypo-récit, le terme supérieur de Genette est remplacé par celui de dépendance (Voir Narratologie, p. 35.)

Comme tout récit, le micro-récit doit être quasi autonome- toute proportion gardée et doté d'une armature architecturale propre. Malgré une intense activité communicative, le niveau "méta-diégétique" (ou "hypo-diégétique") reste sous alimenté dans notre récit-objet. Tout se passe comme si les personnages restaient rivés à la réalité immédiate.

Et Romane a commencé son lent récit... Juste avant de me connaître, elle avait un amant sans véritable amour. Une dépendance froide. Elle en était tombée amoureuse, le lui avait avoué. Il avait soudain révélé qu'il avait une autre femme, qu'il l'aimait, qu'il était marié avec elle, qu'il ne voulait pas gâcher sa vie41.

Ce micro-récit est très illustratif en ce sens que nous voyons là Romane qui raconte à Jérôme le malheur qui lui était arrivé. Elle avait, aveuglée par l'amour donné son coeur à quelqu'un qui, lui avait un engagement conjugal : il était marié.

Finalement, Grainville aime peindre des situations plus ou moins contradictoires. Et ce sont ces situations qui sont l'élément catalyseur aux divers agissements des personnages dans ce récit-objet.

38

41 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 277.

CHAPITRE QUATRIEME : LES FONCTIONS DU NARRATEUR

Considérons dès lors les fonctions que Grainville assigne au narrateur et au narrataire dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache42.

II. 4. 1. La fonction narrative

Il n'y a pas de récit sans narrateur. Raconter une histoire consiste pour Jérôme (narrateur) à mettre en place les conditions de sa recevabilité et sa lisibilité. Jérôme, omniprésent dans la trame narrative, est l'organisateur et le régisseur de l'énonciation de l'histoire ; ainsi, pour justifier une accélération de la narration ; Jérôme dit ;

« Un moi avant la catastrophe, j'avais rompu avec une femme. Ca avait été déjà la fin du monde. Je me suis retrouvé vide et nu. Sans doute m'étais-je secrètement initié à l'extinction des choses.43»

Jérôme régente la présentation de l'énoncé narratif :

42 Idem.

43 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 008.

40

« Plus tard, à la télé, j'ai vu les familles, des survivants, pleurés devant les décombres. Moi, je n'ai pas eu des regrets. Pas une larme pour le quartier44 ».

A coté de ces interventions de caractère anaphorique, on rencontre des observations métadiégétiques qui indiquent des abandons, des ruptures des choix narratifs, qui marquent des transitions ou qui annoncent tout simplement de nouveaux événements.

II. 4. 2. La fonction de régis

Cette fonction permet à Jérôme de marquer ou de désigner les articulations, les connections de l'organisation interne de Le jour de la fin du monde, une femme me cache ; elle lui permet en fait de structurer son récit ; ainsi la phrase introductive du texte :

« Tout était déjà accompli, irrévocable dans cette soirée de mars, et presque apaisé. L'Orque s'accolait contre l'énorme tour. 45»

Jérôme règle ainsi le rythme et le débit du récit en ménageant les accélérations, des ralentissements et des reprises.

44 Idem.

45 Ibid., p.11.

II. 4. 3. La fonction de communication

Dans notre récit-objet cette fonction est observable lorsque le narrateur (Jérôme) sollicite l'attention de son interlocuteur immédiat.

En face du narrataire, Jérôme la fonction de guide : dans la narration, il s'interrompt pour expliquer le sens de telle ou telle pratique que le narrataire est censé de pas connaître.

La fonction de communication est souvent vue comme le souci de dialogue du narrateur et de la transformation de l'autre. Toutes les traductions intra textuelles de noms de personnes de choses n'ont d'autre but que d'instruire le narrataire des éléments sur des faits existentiels.

II.4. 4. La fonction testimoniale

On parle de fonction testimoniale lorsque le narrateur rend compte de soi-même. La fonction d'attestation détermine l'orientation du message sur le narrataire. Elle rend compte de la part que le narrateur attache à l'histoire qu'il raconte ou du rapport qu'il entretient avec elle :

«J'ai fini par me mettre à quatre pattes. Je n'osais pas
me lever. J'ai avancé ainsi. J'ai ressenti un plaisir mêlé

42

d'angoisse. Je n'avais plus envie de me redresser jamais. »

Cette fonction peu donner lieu à une autre fonction appelée fonction idéologique. Ainsi, dans notre récit-objet ; celui qui parle dans cet extrait n'est autre que Jérôme. Il y a là une relation étroite entre le narrateur et le personnage de Jérôme.

II. 3. 5 Les Fonctions du Narrataire

Le narrataire est quelqu'un qui entend de plus, si l'ont peut dire, la surdité même des personnages qui parlent avec lui. Il est aussi « l'espace où s'inscrivent sans qu'aucune ne se perde toutes les citations dont est faite une écriture.46 »

Les fonctions du narrataire sont multiples et ont été répertoriées par Gérard Prince dans son « introduction à l'étude du narrataire 47»

- Le narrataire constitue un relais entre le narrateur et le lecteur.

- Il aide à préciser le cadre de la narration.

- Il sert à caractériser le narrateur et met en relief certains thèmes.

46 BENVENISTE Emile, Problèmes de linguistique générale. Op. Cit. p. 72-80.

47 Gérard Prince, cité par Tzvetan TODOROV dans « qu'est-ce que le structuralisme ? » in Poétique, Paris, Gallimard, 1972, p. 59.

En ce qui concerne le narrataire, il semble que sa nature et sa fonction dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache ne peuvent être perçus que par la déduction à travers le discours de Jérôme. Le moins que l'on puisse dire, est qu'à cet égard le narrataire jouit de la part de Jérôme d'une attention constante qui se matérialise au début du roman.

CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de la deuxième partie de notre travail, nous retiendrons que la fin du monde est perceptible à travers les différentes fonctions du narrateur dans l'oeuvre de Grainville.

Enfin, après cette réflexion menée sur les fonctions du narrateur dans notre corpus, il nous revient d'aborder la dernière partie consacrée à la poétique de la fin du monde dans ; Le jour de la fin du monde, une femme me cache ; de Patrick Grainville.

TROISIEME PARTIE
DE L'ECRITURE AU MYTHE DE L'AUTEUR

44

La création littéraire apparaît désormais comme une expérience, ou même une pratique de soi, comme un exercice d'appréhension et de genèse au cours duquel un écrivain tente à la fois de se saisir et de se construire.

Pourquoi même écrire si ce n'est, comme disait Rimbaud, pour changer la vie, pour découvrir un monde où nous soyons vraiment au monde? On a donc vu dans l'écriture une activité positive et créatrice à l'intérieur de laquelle certains êtres parviennent à coïncider pleinement avec eux-mêmes.

En effet, L'élaboration d'une grande oeuvre littéraire n'est rien d'autre que la découverte d'une perspective vraie sur soi-même, la vie, les hommes. Et la littérature est une aventure d'être.

L'écriture cathartique de Grainville est pour lui un exutoire pour purifier sa conscience et se débarrasser du trauma causé par les atrocités du crash ; d'où la révolte contre le mal. De là il ressort une thématique obsessionnelle dans laquelle se dessine le mythe personnel de l'auteur. Il y a chez Grainville la récurrence à un passé dépravé, au vide, à un manque voire à la perte.

CHAPITRE CINQUIEME : LA FIN DU MONDE DANS L'OEUVRE

Après avoir vu les différentes descriptions de la fin du monde, nous soulignons dans ce chapitre la thématique que l'on retrouve dans la plupart des oeuvres de Grainville. Il a un style d'écriture à lui ; l'écriture de la perte, une obsession dans la description des lieux dans le récit, et une référence sans cesse aux mythes anciens. Dans ce chapitre nous nous appuierons essentiellement sur l'écriture, le lieu du crash et les références mythologiques auxquelles Grainville fait allusion dans le texte.

III.5.1. l'écriture de la perte

Grainville à travers une écriture que nous pourrons qualifier d'impressionniste, nous édifie sur son oeuvre. Il dit ceci au sujet de son écriture :

« Mon écriture est plutôt impulsive, instinctive mais retravaillée, élaborée après relecture. J'aime la cadence la sonorité les longs mouvements aussi bien que les rythmes hachés, les éclaires. Cette spontanéité va de pair avec un travail prémédité sur le plan, les masses les chapitres burlesques, épiques. J'adore avoir rendez vous avec une scène que j'ai prévue, par exemple la moitié du roman. [...] J'aime qu'un roman soit un volume. Un navire bourré de choses. L'Arche de NOE, et le radeau de la Méduse.

46

L'Éros et la mort. L'Épiphanie et le naufrage. Un roman est un arbre que j'ai admiré et photographié dans le monde entier. [...] Arbres cosmiques, telluriques et luxuriants, symphoniques et redondants. Arche ou arbre : c'est le roman. Le tronc de la déflagration des branches. »48

Pour rester dans la perte, dans cette notion de vide, Grainville maintient que c'est ce qui lui paraît être la clé la plus importante qui ouvre la compréhension de son oeuvre.

A travers cette citation, nous voyons, le côté grand étalage de mots, grand débordement carnavalesque, dans une écriture qui fait le paon, qui fait la roue et qui veut épater, qui veut arborer. Le ressort de ces masses, de cet excès, c'est le manque, c'est une angoisse de la perte. C'est le manque qui devient alors le moteur de l'apparition de masses, de plis et de toutes ces choses.

On a l'impression que Grainville a l'aire d'être une espèce de super Bacchus, animant le langage, s'en régalant, sans voir que cette boulimie cache quand même un affolement, une panique. D'ailleurs, nous pouvons dire le dieu Pan, lui-même a quelque chose d'effréné, de fou.

À l'origine de l'écriture de Grainville, il y a quelque chose de plus tragique. Il y a une séparation. Il a écrit un roman sur ce sujet, L'Orgie, la neige, où il montre le rapport au sein originel, au sein maternel, avec une

48 Revue littéraire Humanité 2008.

expérience de l'enfance qui est l'histoire d'une relation un peu difficile... sa mère était... Enfin, il y avait un problème, sa mère ne s'était pas aperçue qu'il mourait à son sein, parce qu'il n'arrivait pas à téter, il n'arrivait pas à se nourrir. Il était devenu complètement jaune et des amis le lui ont dit. Cela lui a été rapporté plus tard et l'a beaucoup frappé. Par divers biais, ce roman familial racontait l'histoire de cet enfant, en train de mourir au sein de sa mère.

Il y a ce refus de s'impliquer dans une relation qui le mettrait en rivalité avec sa mère. De plus, il idéalise son père. Ce trouble risque, il le sent bien, de le conduire sur un chemin dangereux qu'il ne maîtriserait plus. C'est cela qu'il craint, il ne veut pas tomber dans un univers qu'il ne pourrait plus contrôler. Mais le héros me semble tout de même beaucoup plus concerné par cette question du vide. En même temps, tout être envisagé sous l'angle du désir est pris dans la logique de la perte. Si nous n'avions rien perdu, nous ne pourrions rien désirer, nous serions dans un grand bain rayonnant, placentaire et paradisiaque.

Donc, la perte c'est le ressort du désir même. Mais de cette perte, c'est vrai, il y a des gens qui en font leur deuil facilement, qui subliment, qui trouvent des substituts, et d'autres qui, au fond, n'acceptent pas la frustration, qui n'acceptent pas la castration. Aussi, à travers le langage (qui est pour lui le langage du poète) sémiotique, sensoriel, loin de la définition saussurienne de l'arbitraire du signe, l'écrivain cherche à contredire cette contingence des signes. Chez lui, il y a un déni de la perte; il se manifeste à travers un langage luxuriant, organique, à multiples facettes, comme une espèce de ventre verbal ou de phallus où tout s'unit. C'est une manière de ne jamais accepter le langage comme

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séparation. Il sait qu'il ne devrait pas, que l'on signifie à travers lui, qu'il a ses règles. Mais dans le langage poétique qu'il revendique, c'est un langage qui se veut comme équivalent du monde objectif; mais bien subjectif avec ses rythmes, ses pulsions, ses sonorités, des métaphores. C'est une manière de créer une sorte de lui monde, et donc, par le style, de refuser la loi de séparation. C'est pourquoi, dans ses romans, il y a ce balancement entre les personnages qui acceptent la séparation et ceux qui n'acceptent pas. Mais, en ce qui le concerne, le bonheur d'écrire vient de cette recherche d'un narcissisme originel où l'on est fondu au tout, avant toute séparation!

Tout n'est pas un jeu dans le langage (les jeux dans leur aspect formel, acrobatique, ne l'intéressent pas même s'ils sont à la mode) mais bien une nécessité pour lui. Les jeux sur les codes du langage, il n'a pas assez de distance pour les jouer. Et encore, ce sont des jeux où l'on escamote le corps à corps avec le langage. Non, son rapport au langage est pulsionnel, il est affectif. C'est cet aspect oral, organique, qui est intéressant pour lui. Il lui faut du vivant, il faut que sa phrase ne soit pas tout à fait rationalisable, il faut qu'elle roule des matériaux polysémiques. Il l'envisage comme un magma. Selon Grainville une phrase trop minimale ne pourrait pas lui venir à l'esprit, ces phrases peuvent dégager, dans certains cas, beaucoup de présence comme une aura, elles réverbèrent tout ce qu'elles ne disent pas, le non-dit se cristallise dans le peu qui est dit. Il ne peut pas, il faut qu'il ballait tout le champ des possibles, et là il est très à l'aise, car il récupère enfin sur ce fameux manque. Il le remplit et il le déplie. Il faut que ce soit affectivement fort, il ne peut pas prendre de distance avec le langage, c'est très physique, finalement.

Contrairement à certains écrivains, Grainville à un style d'écriture plutôt violent, il ne ménage pas son lecteur, il décrit les scènes telles quelles, il n'a pas besoin de quelques tournures que ce soit ; cela nous le voyons dans une bonne partie de sa narration. Il décrit le crash de l'avion dans les moindres détailles en spécifiant au tant que faire se peut comment l'avion s'est-il retrouvé au sol, les dégâts causés par cet accident de manière spontanée et soignée.

L'Atlantique et les amants, son nouveau roman, procède du même parti pris esthétique que Le jour de la fin du monde, une femme me cache.

Ainsi, Grainville orchestre avec une rigueur inattendue, au fil des thèmes qui s'enlacent et se répondent, rencontres improbables, coïncidences invraisemblables, laissant la magie du récit opérer jusqu'à ce que le sens s'impose. D'ailleurs il suffit d'attendre : les dernières catastrophes montrent que la réalité se rapproche dangereusement de la fiction. L'invraisemblable n'est que l'avance de l'art sur le vrai.

Nous pouvons tout de même relever quelques passages poétiques illustratifs :

«Ca l'a rendu folle, cette nuit sans nuit, cette lumière qui n'en fini pas [...] C'est, oui ce soleil qui ne voulait pas mourir, qui ne se couchait jamais. L'infini vous angoisse tout à coup. L'extase est trop forte. On a

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peur de la facilité, de l'immortalité dans l'étendue sans fard du bleu miraculeux49»

Nous voyons à travers ce passage, comment Grainville utilise les mots. Sorte de chorégraphie, ce roman de Patrick Grainville est un long poème lyrique nourri de toutes les mélancolies humaines.

Grainville, bien que décrivant un instant tragique, y met une touche poétique. Cette nuit sans nuit ; nous renvoie au moment du crash de l'avion. On n'avait pas l'impression que le temps s'était arrêté, tellement il y avait du monde, tous bougeaient de partout sur le lieu de l'accident. Il y avait, des policiers, des journalistes, des médecins, des voleurs des spectateurs etc. .Tous constataient avec amertume ce triste spectacle.

Cette lumière qui n'en fini pas [...] C'est, oui ce soleil qui ne voulait pas mourir, qui ne se couchait jamais ; cette expression métaphorique renvoie directement à l'explosion qui s'est produite, l'éclat, l'éclat produite par l'explosion.

L'infini vous angoisse tout à coup. L'extase est trop forte. On a peur de la facilité, de l'immortalité dans l'étendue sans fard du bleu miraculeux ; l'infini ici renvoie directement à la mort ; de même que la facilité, de l'immortalité. Ce on pronom impersonnel employé par l'auteur renvoie directement à l'être humain refusant de mourir comme disait un grand homme : « la mort cette grande faucheuse»50.

49 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 58.

50 Expression extraite du discours du Président Léon MBA à son retour de France alors qu'il sortait d'une hospitalisation.

En parcourant la production littéraire de Grainville on constate que la fin du monde y occupe une place importante, car il aborde de façon récurrente, ce mystère dans la plupart de ses oeuvres.

A part Le jour de la fin du monde, une femme me cache, où la fin du monde est assez bien représentée aussi bien sur le plan formel que dans l'action des personnages, d'autres de ses oeuvres peignent elles aussi un « mystère à découvrir » c'est le cas dans L'Orgie, la neige, pour ne citer que ces deux oeuvres.

III.5. 2 La fin du monde chez d'autres auteurs

La fin du monde semble être l'une des thématiques principales des oeuvres de Grainville, notamment Le jour de la fin du monde, une femme me cache, l'Orgie, neige, la main blessée.

Toutefois, nous retrouvons également cette thématique chez d'autres écrivains à savoir :

Le poète Jean Grosjean, par exemple, qui, dans un recueil de poèmes de 1962 significativement intitulé Apocalypse peint l'univers et son mystère sacré centré sur la présence absence d'un dieu dont l'existence se révèle dans la vie changeante du monde. On retrouve dans ce texte une intuition Gidienne qui mêle à une vision poétique du Monde des références au Christ qui ouvre le champ de l'interprétation théologique.

Puis,

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Pierre Emmanuel, grand poète chrétien engagé dans la Résistance durant la seconde guerre mondiale, qui évoque dans Tu, en 1978, un cauchemar qui lui restitue l'atmosphère affreuse des camps nazie, camps de la honte qui lui font douter de l'homme et de ses progrès. Dans ce cas précis, nous avons à faire à une forme d'utilisation politique du texte qui aboutit sur une méditation spirituelle.

Enfin, l'examen de la poétique de la fin du monde dans le texte de Grainville nous amène à comprendre cette thématique à travers aussi d'autres époques de la littérature. Par conséquent, la fin du monde pourrait être considéré comme un élément de littérarité en cela qu'elle est un invariant dans le vaste champ de la littérature.

CHAPITRE SIXIEME : L'ESTHETIQUE DE LA FIN DU MONDE DANS L'OEUVRE

La fin du monde est certes représentée à travers les personnages et leurs actions, ou encore à travers les éléments textuels, mais ici, nous pouvons également dire que les thèmes utilisés par l'auteur sont aussi évocateurs dans l'univers de la fin du monde.

En effet, il faudrait signaler que fort de notre constat les thèmes de la rue, des reporters des psychologues renferment donc cette onde de mystère que l'auteur a voulu représenter dans son discours. Toutefois, nous irons plus loin pour connaître les réelles motivations de l'auteur dans le choix de cette esthétique qu'est entre autre la fin du monde.

III.6.1. La scène comme lieu de théâtralisation des faits narratifs51 :
les rues, les reporters et les psychologues.

La définition de la scène, ou du moins l'énumération de ses caractéristiques fondamentales, nous l'emprunterons à Lintvelt dans son Essai de typologie narrative :

51 La scène apparaît dans le "discours du récit" de Genette dans le chapitre consacré à la durée narrative. Avec le récit sommaire, l'ellipse temporelle et la pause descriptive, elle constitue l'une des formes canoniques du tempo romanesque. Mais ce qui intéresse davantage Genette, c'est le rapport temporel qui régit discours et histoire. Ainsi, entre la "vitesse infinie qui est celle de l'ellipse, ou un segment nul de récit correspond à une durée quelconque d'histoire" et la "lenteur absolue qui est celle de la pause descriptive, ou un segment quelconque du discours narratif correspond à une durée diégétique nulle", se situe la scène, qui "réalise conventionnellement l'égalité de temps entre récit et histoire "et le récit sommaire, "forme à mouvement variable qui couvre avec grande souplesse de régime tout le champ compris entre la scène et l'ellipse" (Figure III, op. cit., p. 128, 129).

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La scène, souvent pratiquée dans les points culminants d'un roman se caractérise par :

a) Présentation complète. La scène décrit les événements romanesques dans tous leurs détails et rapporte in extenso le discours des acteurs ;

b) Présentation visualisée. Grâce à la présentation complète, la scène crée l'illusion d'une représentation directe, se déroulant, pour ainsi dire devant les yeux du lecteur52.

Toutes scènes combinent généralement deux types de discours : le récit d'événements et le récit de parole chez Genette53, scène d'événements non verbaux et du discours des acteurs chez Lintvelt54. Au-delà de ces subtilités langagières, le fait important qui doit retenir notre attention est le principe du détail de la scène, ce qui nous permet de l'analyser sous les deux angles de la synchronie et de la diachronie.

La rue est définie comme étant « une voix publique aménagée dans une agglomération entre les maisons ou les propriétés »55. C'est le thème utilisé tout au long de l'oeuvre de Grainville afin de mieux représenter la fin du monde. Toutes les actions se passent dans la rue.

En effet, tout au début du texte, l'auteur-narrateur fait un long discours au sujet de la rue, et plus précisément des rues de Nanterre qu'il va d'ailleurs citer, et même personnifier. Mais ici, l'auteur passe par ce long discours pour arriver à un fait, c'est que, c'est dans la rue que le

52 Jaap Lintvilt, Essai de typologie narrative, Paris, Librairie José Corti, 1981, p. 50.

53 Gérard Genette, op. cit., p. 186, 189.

54 J. Lintvelt, op. cit., p. 50.

55 - Encyclopédie, Larousse, 1996, p 1240

mystère va débuter dans l'esprit de Jérôme d'une part, et du lecteur d'autre part.

Les rues ne renferment pas une pointe de mystère, l'auteur les utilise afin de les présentées comme étant elles aussi des témoins privilégiés de la catastrophe, car voyant, connaissant, entendant tout, puisqu'elles appartiennent à tout le monde. Les rues assistent à tout ce qui se passe, elle voit le déroulement du crash et des vols. Nous avons ce passage :

« Parmi les autres civières qui circulaient, recueillaient les blessés, les habitants de la cité. Un ado coincé sous des gravats avait été amputé sur place les deux jambes. »56

C'est dans la rue que l'on observait tous ces faits, les gens circulaient ; faisaient des va-et-vient dans tous les sens. C'est également dans la rue que l'on a amputé les deux jambes à l'ado, qui coincé par la carlingue de l'avion ne pouvait sortir.

De même le jeu des reporters est très important dans le texte de Grainville, il se base dessus pour faire vivre le mystère du début jusqu'à la fin de l'oeuvre.

«... La télé n'en finissait pas, sur toutes les chaines, de montrer les images du premier soir et la nuit, du lendemain matin... Des colonnes de cercueils en

56 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 22 L. 20.

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matières plastique, stéréotypés, gris cahotaient, zigzaguaient, ondulaient entre les décombres. »57

A travers donc l'action des reporters, une pléthore d'hypothèses sortaient. Les reporters avaient pour objectif de montrer au monde entier ce qui s'était réellement passé le soir du crash.

En effet, les reporters jouent un important rôle dans l'esthétique du crash en ce sens qu'ils sont sans cesse à l'affût des informations. Par exemple, la liste des passagers du Boeing qui s'est écrasé. Nous avons également divers interviews effectuées. C'est eux que le narrateur utilise afin de nous édifier quant aux différentes confrontations qu'ont la compagnie aérienne Aire France et les compagnies d'assurance, mais également avec les parents des victimes. Nous avons ce passage :

« Les avocats des familles, de Boeing et Air France se disputaient l'immense énigme, les assureurs qui oubliaient la mort n'évaluaient qu'un nombre de victimes, des passagers, de clients, de sièges... »58

Toutes ces informations nous sont données par des journalistes ou encore des reporters.

En plus, les psychologues, dans notre corpus ont occupés une place de choix dans la question qui fait l'objet de notre étude. Face à une telle horreur. Il y avait des corps sans vie sur le théâtre du crash, les psys comme Grainville les nomment, avaient pour rôle, d'écouter les traumatisés du crash.

57 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 22-23.

58 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 46. L 6.

« Les psys allaient s'en donner à coeur joie. Car ils étaient vénus, toute une antenne, un cabinet spécial, une vraie cohorte installée dans une tour voisine. Ils recevaient les traumatisés, se les disputaient [...] aussi. »59

Le rôle des psychologues étaient très important. Non seulement ils recevaient des traumatisés du crash, ils avaient également pour objectif ; le rétablissement psychique de ces derniers. Et ces grâce à eux que les journalistes ou reporters étoffaient leurs article ou bulletin d'informations.

III. 6.2. L'inceste : Aiwala et Bani ou le mythe d'Isis et d'Osiris.

Aiwala est un jeune Africain de nationalité Camerounaise, ex-élève de Romane. Comme Jérôme, il entre en possession de la seconde boîte noire de l'avion qui contenait des paramètres susceptibles d'informer sur l'origine du crash de l'avion.

Ainsi, à travers ces écrits, Grainville n'hésite pas une fois plus à nous ressortir un de ces nombreux indices qui appartiennent à l'univers de la fin du monde. Grainville nous entraine une fois de plus dans les alcanes de son univers imaginaire en peignant une relation incestueuse entre un frère : Aiwala et sa soeur Bani ; il dénonce avec vigueur ce fait hautement interdit par la société, quand bien même certaines personnes pourraient apporter des avis contraires.

59 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 52-53.

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« La première fois que j'ai couché avec ma soeur, après l'amour elle m'a tout dit... qu'elle avait caché le trésor d'Alba dans l'Arche où elle travaille.»60

Nous avons là une confession faite par Aiwala à Jérôme et Romane lors d'une conversation.

Ceci étant, à travers cette révélation Grainville peint un fait qui a existé dans la mythologie gréco-latine : le mythe d'Isis et Osiris.

«Le mythe est une histoire vraie qui s'est passée au commencement des temps et qui sert de modèles aux comportements humains »61.

En imitant les actes exemplaires d'un dieu ou d'un héros mythique, ou simplement en racontant leurs aventures, l'homme des sociétés "archaïques"(d'oralité) se détache du temps profane et rejoint magiquement le grand temps, le temps sacré (mythes, rêves, mystères).

Le mythe est une tradition sacrée, une révélation primordiale. Claude Lévi-Strauss pense que son interprétation se développe de façon nébuleuse sans jamais rassembler de manière durable ou systématique la somme totale des éléments dont elle tisse la substance.

En effet, le terme mythe étant délicat, nous ne pouvons le définir sans nous perdre en conjectures.

60 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme cache, édition du Seuil, 2001.page 241.

61 Selon Mircea Eliade.

Notons tout de même, qu'il est question dans le sujet qui nous concerne d'un mythe de situation qui se réfère à des actes qui présuppose une réalité absolue, extra humain.

En effet le narrateur éprouve le désir de mourir comme Orphée, pour mourir et faire renaître un corps nouveau. Le narrateur éprouve la volonté de pousser jusqu'à l'outrance la violence des passions ou la force des caractères.

Aussi, permettez nous de faire un bref rappel historique du mythe osirien.

Il existe plusieurs versions du mythe osirien, dont la plus récente nous fut transmise par Plutarque. Fils de Geb et de Nout, époux d'Isis, Osiris fut roi d'Égypte.

« En effet, Geb, au soir de sa vie, aurait donné en partage le monde à ses deux fils, Osiris et Seth. À Osiris la Terre Noire d'Égypte, à Seth, le stérile, les Terres Rouges, les déserts qui entourent le Double Pays.

La légende fait d'Osiris et d'Isis, son épouse, des souverains bienfaiteurs. Osiris enseigna aux humains les rudiments de l'agriculture et de la pêche, tandis qu'Isis leur apprit le tissage et la médecine. Pendant ce temps, Seth régnait sur les contrées désertiques et hostiles ainsi que sur les terres étrangères. Jaloux de son frère, il projeta son assassinat. Pendant un banquet en l'honneur d'Osiris, Seth offrit à

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l'assistance un magnifique coffre, jurant de le céder à celui qui l'emplirait parfaitement. Quand vint le tour d'Osiris, qui fut le seul à y parvenir, Seth fit refermer et sceller le coffre, tandis que ses complices chassaient les invités et tenaient Isis à l'écart. Seth jeta le coffre dans le Nil, qui l'emporta dans la Méditerranée. Osiris mourut noyé et c'est pour cela qu'il est souvent représenté le visage de couleur bleue ou verte.

Après l'assassinat de son époux, Isis se mit à la recherche de son corps. Elle le retrouva à Byblos, au Liban, d'où, après maints stratagèmes, elle le ramena en Égypte pour l'enterrer et le pleurer. Seth finit par découvrir le tombeau, sortit le corps du caveau et le dépeça en quatorze morceaux qu'il dispersa dans le Nil. Isis, l'épouse et veuve fidèle, retrouva les lambeaux du corps de son bien-aimé, sauf le phallus, avalé par un poisson. Elle le reconstitua en argile, puis elle entreprit de rassembler le corps meurtri de son défunt mari, avec l'aide de sa soeur Nephtys. Elle embauma le cadavre, assistée par Anubis, lui redonnant une dernière étincelle de vigueur. Lorsqu'il fut ranimé temporairement par Isis, qui lui insuffla la vie, Osiris put la féconder. Elle lui donna un fils, Horus, « Le vengeur de son Père », qui combattit son oncle Seth dans des joutes interminables. Le tribunal des dieux finit par trancher : Horus entra en possession de son héritage et occupa le trône d'Égypte, comme Pharaon, après lui.

Reconstitué par les rites de l'embaumement, Osiris devint la première momie, Ounen-Néfer (« L'éternellement beau ») car protégé de la putréfaction, et revint à la vie telle la terre d'Égypte elle-même après chaque inondation. Devenu le dieu des morts et le Seigneur de l'au-delà, il transforma son royaume en champs fertiles, les champs d'Ialou.

Depuis il préside le tribunal divin pendant la pesée du coeur, avec l'aspect que nous lui connaissons, les bras croisés sur la poitrine, portant la couronne Atef, momifié et gainé dans un linceul de lin ne laissant paraître que sa tête et ses mains nues qui tiennent les insignes de sa royauté sur le monde des « Occidentaux ». « Juge suprême des âmes », il accorde aux défunts la vie éternelle ou au contraire la leur refuse et les condamne au néant.

À l'origine, Osiris était vraisemblablement un dieu de la fécondité, personnification du renouveau végétal, par opposition à Seth le stérile. Son aspect funéraire dérive sans doute d'Andjety, divinité locale de Bousiris, à laquelle il emprunte les attributs tels que le Heka et le Nekhekh, symboles du pasteur, et insignes de pharaon, protecteur de son peuple. Par un syncrétisme fréquent dans la religion égyptienne, il fut aussi identifié au dieu chacal d'Abydos, Khenty-Imentyou, « Celui qui est à la tête des Occidentaux »»62.

Osiris est donc le dieu du renouveau, celui qui renaît éternellement. Il est aussi la personnification de la terre fertile du delta et des champs cultivables, le garant de l'équilibre du monde la Maât - et des cycles naturels : mort et renaissance, sécheresse et fertilité, disparition et réapparition de l'étoile Sothis.

On a pu identifier d'autres sépultures d'Osiris dont celle de Gizeh, récemment découverte, celle de Philae, sur une île voisine du grand temple d'Isis, celles de Dendérah et de Karnak. D'autres encore sont

62

62 Wikipédia.

attestées par les historiens antiques comme Hérodote, qui en a visité une à Saïs.

Ainsi, Osiris, c'est un dieu qui est détruit comme Vulcain, il est mutilé. Dans une version, le Dieu Seth s'acharne sur lui. Ces morceaux sont éparpillés, perdus, et Isis va les reprendre et les réunir. Isis est là pour recomposer, bouturer, faire renaître ce corps perdu, morcelé. Isis, c'est l'écriture. C'est ce qu'il y a de plus beau comme métaphore de la littérature, avec son mythe solaire, la présence du Nil, sa fécondité et tous ces tombeaux qui le bordent. Osiris, ce dieu blanc, gardien des tombeaux, a le visage vert, symbole de résurrection. Cela le touche beaucoup. Sans faire du Caillois et établir les liens syncrétiques entre Shiva, Dyonisos, Quetzacoatl, etc., on voit tout de même qu'il y a des dieux qui se ressemblent.63

Ainsi, les personnages d'Aiwala et de Jérôme sont la représentation même des personnages mythiques que sont Isis et Osiris. C'est dire que l'auteur-narrateur affectionne les références mythologiques.

III. 6.3. La symbolique des arbres de vie ou le mythe d'Atys et de Cybèle

Grainville, nous plonge une fois de plus dans un univers mythique. Dans notre corpus, l'auteur peint une société qui, après un crash d'avion, va chercher à immortaliser victimes de l'accident en les personnifiant, en plantant des arbres ; qu'elle qualifiera « d'arbres de vie ».

63 Wikipédia.

« J'avais entendu parler du projet. Mais il se réalisa plus vite que prévu. Le conseil régional avait décidé de planter deux cent soixante arbres dans la cité des sources, manière de compenser le sacrifice par une forêt de vie »64

Pour Grainville, ce crash d'avion est un sacrifice et que chacun de ces arbres représente une victime ; Dans son autofiction Grainville fera référence au mythe d'Atys et de Cybèle.

Nous voyons chez ce contemporain, une volonté manifeste d'établir un parallélisme, entre les faits du passé, et ceux du présent.

Un bref rappel historique du mythe d'Atys et de Cybèle nous permettra de mieux cerner la ressemblance faite par l'auteur lorsqu'il fait allusion, aux arbres plantés dans la cité des Merles.

Divinité de Phrygie, importée en Grèce et à Rome, personnifiant la nature sauvage. Présentée comme la Grande Mère, la Mère des dieux ou encore la Grande Déesse.

Varron décrit la déesse phrygienne en donnant d'abondants détails sur sa représentation : Portant un tambourin signifiant qu'elle est le disque terrestre, des tours en couronne ornant sa tête symbolisant les villes qui lui sont vouées, assise et accompagnée d'un lion, symbolisant ainsi l'immuabilité de son règne sur le muable et le sauvage. Varron en fait la déification de la terre.

64 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 200

Horace se fait l'écho d'un clergé eunuque servant la déesse65 Ces prêtres s'appelaient Galles, du nom d'un fleuve de Phrygie selon Pline66. La castration de ces prêtres trouve sa justification première dans les liens qui unissent Cybèle à Atys Les amours entre Cybèle et Atys sont évoqués par de nombreux poètes dont Catulle 67et Ovide. Ce dernier présente Attis comme le favori de la déesse qui prit la forme d'un arbre lorsqu'il mourut68. Cette mort eut lieu dans des conditions atroces puisqu'il fut rendu fou et s'émascula.

Une comparaison d'Attis et de Cybèle avec Adonis et Vénus s'impose, surtout au regard des fêtes du printemps célébrées en l'honneur d'Attis ou d'Adonis. Cybèle fut aussi assimilée à Cérès.

Fille du Ciel et de la Terre, Cybèle incarne l'énergie enfermée dans le sol arable, la source de toute fécondité. Son char tiré par des lions est signe de sa maîtrise sur la puissance vitale et pour illustrer son pouvoir sur les cycles biologiques, elle est représentée parmi les fleurs, assise sous l'arbre de vie, ceinte d'une couronne d'étoiles à sept branches et d'un croissant de lune.

64

65 (Satires I, 02. )

66 (L.V, 22)

67 (Poèmes, 63)

68 (Métamorphoses X, 104)

CONCLUSION PARTIELLE

Au terme de ce pan de notre travail, il ressort par l'écriture de l'auteur, son mythe et son engagement. Grainville est un auteur qui a pour leitmotiv la peinture des maux de la société. De ce fait dans Le jour de la fin du monde, une femme me cache69, les personnages Grainvilliens sont enclins au désespoir et à la déchéance. Son écriture porte un aspect cathartique en cela que nous retrouvons l'engagement de l'auteur.

L'oeuvre à cet effet est un exutoire pour se débarrasser du trauma des désastres qui ne cessent de se produire d'où cette thématique obsessionnelle qui mine sa production.

69 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 200

66

CONCLUSION GENERALE

Le jour de la fin du monde, une femme me cache70 présente un univers en adéquation entre le moral des personnages, leur environnement et le sort final de ces personnages. La nature et tout ce qui l'entoure crée un climat qui annonce les malheurs que rencontrent les personnages Grainvilliens. Elle influe sur la psychologie des personnages.

L'évolution de la lecture que le personnage de Jérôme fait de la fin du monde dans le jour de la fin du monde, une femme me cache71 est intéressante en ce sens qu'elle résume, d'une certaine manière, l'histoire de la réception de ce texte, telle que nous avons essayé de l'observer à travers quelques exemples significatifs. Au début du roman, ce personnage utilise le crash de l'avion en le situant à la lumière d'une actualité troublée marquée par une violence extérieure.

Mais au fur et à mesure que les reporters, Jérôme, Romane, Aiwala, aire France et la compagnie d'assurance alimentaient les conversations au sein du groupe et au sein des familles des victimes, la portée idéologique du texte de ce que l'on pourrait nommer de fin du monde lui paraît de moins en moins significative. Jusqu'au jour où il s'aperçoit que le crash d'avion est une réalité existentielle. Cette intériorisation, Victor Hugo mais aussi et surtout Rimbaud, Claudel et Gide, à sa manière, l'ont mise en oeuvre. Ils sont passé de l'expression d'un conflit humain et

70 Patrick GRAINVILLE, le jour de la fin du monde, une femme me cache, édition du Seuil, 2001.page 200

71 Op. cit.,

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collectif à celle d'un conflit intime et individuel ou, pour ce qui est de Gide, à une énergie créatrice.

Ainsi, Ce retournement, de la lecture de la fin du monde, peut s'expliquer assez simplement par l'évolution de l'histoire littéraire elle- même qui est marquée par un certain individualisme, au bon sens du terme, en tous les cas dans le sens non péjoratif du terme. A partir du milieu du XIXème siècle en effet, la littérature devient une sphère autonome d'activité. Les sociologues de la littérature expliquent assez bien ce phénomène. Ils montrent comment, en particulier, le marché des produits littéraires se développe à cette époque, faisant vivre un nombre d'écrivains importants, qui cessent donc, à partir de ce moment-là d'être dépendants de quelque pouvoir que ce soit.

Le narrateur met l'accent sur le crash de l'avion qu'il considère comme étant une fin du monde ; ensuite sur des meurtres et vols, enfin sur des faits contre nature ; tel que le rapport incestueux qu'Aiwala entretien avec sa soeur Bani, et l'excès de mensonge qui existe ici et là. Face à de tels agissements, il est très important de dire que le comportement des Hommes face à une telle catastrophe pourrait être qualifié de pas commode.

C'est en tenant compte de toutes ces apories que nous avons retenu la démarche thématique de Jean Pierre Richard. C'est aussi grâce aux multiples autres approches que nous avons été à mesure de faire ressortir les caractéristiques de la fin du monde Grainvillienne. Le choix de cette démarche se justifie pour nous parce qu'elle parait

cohérente dans la catégorie définie telle que l'immanence textuelle. Car le sens est émanant au texte et seul le texte détient son sens.

Enfin étant donné que la fin du monde peut être perçue de diverses manières, mais nous nous sommes appesanti uniquement sur les écrits de Grainville pour mieux discerner sa conception singulière de la fin du monde. Quant bien même d'autres peuvent la dépeindre autrement, mais nous nous sommes passé du hors texte pour éviter tout contresens de notre problématique quand bien même nous nous sommes servi d'autres approches afin de mieux ressortir certain points importants de notre problématique.

Pour ce qui est des perspectives, nous allons nous référer à l'oeuvre de Jean-Luc Lagarce qui aborde quelques années plus tôt dans son oeuvre ; Juste la fin du monde. Juste la fin du monde est écrit par un homme qui se savait condamné. Sans doute faut-il être proche de la mort pour avoir ce souci obsessionnel de la justesse des mots. Chez Lagarce, il ne s'agit pas d'une quelconque coquetterie de langage. C'est constitutif de son écriture, exigeante, précise, absolument pas naturaliste. Cette exigence de la forme transcende cette histoire de famille et lui confère un caractère universel propre à toutes grandes oeuvres littéraires. Comme dans l'oeuvre de Grainville celle de Lagarce parle aussi de la fin du monde. Ainsi la fin du monde sur le plan physique se fait par rapport au crash de l'avion. C'est le fait que ce crash ait causé la mort de plus de 260 victimes dans une banlieue parisienne qui déclenche la fin du monde morale chez Jérôme, Romane, Aiwala etc.

La fin du monde dans la Bible, c'est aussi l'apocalypse. L'Apocalypse est le dernier livre de la Bible chrétienne. C'est une révélation sur la fin du monde

Si le personnage de Jérôme étonne par son caractère antithétique et insaisissable, il se démarque aussi par la force et l'existence avec lesquelles il domine le récit.

Cette caractéristique du héros Grainvillien constitue l'originalité de son ouvrage : il est difficile sinon rare de trouver une oeuvre qui décrive et analyse avec autant vigueur.

70

GLOSSAIRE

Ce glossaire est nécessairement succinct. Pour des définitions plus détaillées, le lecteur voudra bien se reporter aux ouvrages cités en référence.

Actant/acteur : L'actant chez Greimas se conçoit comme une classe d'acteurs. A ce titre, il relève plutôt d'une syntaxe narrative, tandis que l'acteur, lui reste reconnaissable au niveau du discours? particulier où il se trouve manifesté.72

Analepse : Anachronie narrative se traduisant par u retour en arrière. L'analepse se définit toujours par rapport à un récit? premier sur lequel elle se greffe ou dans lequel elle s'insère. Sur le plan temporel, Genette la considère comme un récit ?second qui reste subordonné au récit? premier dans la syntaxe narrative73.

Diégèse : la diégèse est l'autre terme pour désigner l'histoire. C'est l'univers événementiel ou spatio-temporel désigné par le récit.

Discours : Le discours se définit à la fois comme le résultat d'une performance (réalisé par un locuteur donné) et comme ·le résultat(ou l'opération) de la concaténation de phrase·74. Cette deuxième définition, qui apparente le discours du texte ou à l'énoncé narratif, est celle qui apparaît dans la plupart des occurrences de ce terme.

72 Voir : -Sémantique structurale, Paris, Larousse, 1966, p. 175

- « Les actants, les acteurs et les figures», in Sémiotique narrative et textuelle, ouvrage collectif

présenté par Claude Chabrol, Paris, Larousse, 1973,pp. 161-176.

73 G. Genette, Figure III, Paris, Seuil, 1972, p.

74Voir : Greimas et Courtes, op. cit., p. 87.

Générateur de texte : Mots ou groupe de mots sui se répètent dans le texte. Les générateurs tissent un réseau de redondances qui donnent sa cohérence sémantique au texte narratif. Ils élaborent pour ainsi dire l'architecture signifiante du récit littéraire.

Intertexte : C'est l'ensemble constitué par les textes (écrits ou oraux), les référents politique, historique ou socio-culturel qui forment la texture de l'oeuvre littéraire.

Littérarité : Caractéristiques propres au texte littéraire et qui permettent de le distinguer de toute autre production. La recherche des conditions de littérarité permet d'éviter entre autres l'explication biographique de l'oeuvre littéraire.

Métalepse narrative: Définie par Genette comme une intrusion du narrateur ou du narrataire extradiégétique dans l'univers diégétique·75, la métalepse narrative désigne tout segment discursif n'ayant aucune valeur diégétique en soi, mais trahissant la seule présence du narrateur dans l'histoire qu'il génère. Elle relève du seul discours du narrateur par opposition au discours des personnages.

Métaphore/métonymie : Métaphore et métonymie font parti des figures du discours qui donnent à la fois son charme et sa vigueur-persuasive ou didactique-au texte narratif. La métaphore opère par assimilation totale entre deux termes dont un seul se trouve manifesté. Elle consiste à une substitution lexicale qui modifie nécessairement le sens du lexème présent. La métonymie quant à elle juxtapose les lexèmes qui entrent en relation. Elle assimile à partir d'un point de ressemblance les deux réalités évoquées par les termes coprésents. Il s'agit donc d'une

75G. Genette, op. cit., p. 244.

72

assimilation partielle, d'une relation partielle, d'une relation par contiguïté, d'un rapport contextuel.

Micro-séquence : La plus petite unité fonctionnelle de l'analyse structurale. La micro-séquence représente une unité d'action identifiable et nommable lors de la décomposition/déconstruction de l'univers romanesque. Barthes la considère comme le ·grain le plus fin du tissu narra tif·76.

Narrateur/narrataire : Narrateur et narrataire sont les deux protagonistes de la communication littéraire. Instance fictive (et neutre) qui assume l'acte de narration ou d'énonciation, le narrateur ne saurait se confondre avec la personne physique de l'auteur. Son corollaire, immédiat est le narrataire, instance-toujours fictive- à laquelle est adressé le message narratif. Lui aussi est nécessairement présent ou virtuel dans l'acte de narration auquel il est étroitement lié.

Récit : Nous proposons nous proposons ici deux des trois définitions qu'en donne Genette77 :

a) Enoncé narratif, discours oral ou écrit qui assume la réaction d'un événement ou d'une série d'événements. Ce sens apparente le récit au texte.

b) Succession d'événements, réels ou fictifs, qui font l'objet de ce discours, et leurs diverses relations d'enchaînement, d'opposition, de répétition. Le récit devient alors synonyme d'histoire, de diégèse.

76 R. Barthes, op. cit., p. 14.

77 G. Genette, op. cit., p. 71.

Référent : Réalité non linguistique à laquelle renvoie le signe. Le référent est extérieur au signe et n'entretient aucun rapport direct avec celui-ci.

Rhétorique : La rhétorique est à la fois l'art du bien parle et l'art du discours efficace. Elle témoigne d'une utilisation intentionnelle des éléments du discours. Elle se propose de toucher, d'émouvoir, de persuader, de convaincre le destinataire du discours littéraire.

Scène/sommaire : la scène et le sommaire sont les deux formes canoniques de restitution de l'action romanesque.

a) La scène se charge de reporter/restituer dans le détaille certains faits ou actions de la trame narrative. Elle réalise de ce fait une sorte d'égalité entre le temps d'histoire et le temps du récit.

b) Le sommaire quant à lui résume les faits dont il doit prendre compte. Il opère pour cela une condensation des faits et une compression du temps d'histoire.

Sémiotique/sémiologie : Si initialement sémiotique et sémiologie ont des visées similaires, se proposant toutes deux l'étude du signe en général, il faut bien reconnaître qu'elles ne recouvrent plus guère le même espèce de définition. La sémiologie nous dit Barthes, · a pour objet tout système de signes, quelle qu'en soit la substance, quelles qu'en soient les limites·78. Puis que la sémiologie constitue l'englobant des systèmes de significations, la sémiotique dans désignera les englobés(ou systèmes particuliers) de cette science générale des signes.

78 R. Barthes, Présentation de Communication, n°4, Paris, Seuil. 1964, p. 1.

Signe : Le signe est la combinaison d'un concept (signifié) et d'une image acoustique (signifiant). L'unité du signe réside dans l'indissociabilité du signifiant et du signifié, dans la relation de solidarité réciproque(ou fonction sémiotique qui les lie.

Syntagme/paradigme : Syntagme et paradigme sont les deux axes du langage. L'axe syntagmatique, ou horizontal, représente l'axe des combinaisons. C'est la chaine linéaire qui enchaine bout à bout les différents éléments manifestés dans l'énoncé. L'axe paradigmatique, ou vertical, représente l'axe des substitutions. Il désigne la ·classe d'éléments susceptibles d'occuper une même place dans la chaine syntagmatique, ou ensemble d'éléments substituables les uns aux autres dans un même contexte·79.

Texte : Ensemble structuré de signes se caractérisant par une autonomie, un contenu sémantique homogène et une clôture. Le texte est autonome dans ce sens qu'il a un début et une fin. Mais le texte quelquefois peut être pris dans le sens de ·corpus·, d'où l'expression ·texte-objet·. Quant à l'emploi de ·texte narratif·, se trouve privilégiée ici l'activité énonciatrice qui donne forme et existence au texte.

74

79 Greimas et Courtès, op., p. 267.

Patrick Grainville
Ecrivain français et critique littéraire
Né à Villers-sur-Mer en 1947

BIOBIBLIOGRAPHIE

Après une enfance non loin de Deauville, Patrick Grainville devient agrégé de lettres et professeur de français. Il est également critique littéraire et membre du jury Médicis. Son premier roman 'La Toison' sort en 1972, suivi de 'La Lisière' en 1973 et de 'L'Abîme' en 1974. En 1976 il obtient le prix Goncourt pour 'Les Flamboyants'. Il est aussi l'auteur de 'La Diane rousse' (1978), 'Les Forteresses noires' (1982), 'L' Orgie, la neige' (1990) qui obtient le prix Guillaume le Conquérant, 'Le Lien' (1996), 'Le Tyran éternel' (1998), 'Le Jour de la fin du monde, une femme me cache' (2001) et 'La Joie d'Aurélie' (2004). Dans 'La Main blessée', publié en 2005, le héros ne peut plus écrire, malgré toutes sortes de traitements. Un roman dans le style foisonnant typique de Grainville, une écriture folle, un univers délirant où il mêle femmes, chevaux, Eros et écriture. Patrick Grainville habite Maisons-Laffitte et est professeur de français au lycée de Sartrouville, un métier qui, selon ses propres dires, lui garde les pieds dans la réalité. Ses envolées lyriques lors de ses participations récurrentes à l'émission de Bernard Pivot lui ont valu une certaine notoriété. En 2008, Patrick Grainville écrit 'Lumière du rat', un roman plein de fantaisie, d'érotisme et d'humour.

76

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

CORPUS DE BASE

Grainville(P.), Le jour de la fin du monde, une femme me cache, Points, 2002.

I- CORPUS GENERAL DE L'AUTEUR

- La Toison, Gallimard, 1972

- La Lisière, Gallimard, 1973

- L'Abîme, Gallimard, 1974

- Les Flamboyants, prix Goncourt, Seuil, 1976 et « Points », n° P195

- La Diane rousse, Seuil, 1978 et « Points », n° P838

- Bernard Louedin, Bibliothèque des arts, 1980

- Le Dernier Viking, Seuil, 1980 et « Points », n° P1210 - L'Ombre de la bête, balland, 1981

- Les Forteresses noires, Seuil 1982 et « Points », n° P839

- La Caverne céleste, seuil, 1984 et « Points Roman», n° R 246

- Le Paradis des orages, Seuil, 1984 et « Points », n° P24 - L'Atelier du peintre, Seuil, 1988 et « Points », n° P420

- L'Orgie, la neige, Seuil, 1990 et « Points Roman », n°

R421

- Colère, Seuil, 1992 et « Points Roman », n° R615

- Egon Schiele, Editions Flohic, 1992, réédité sous le titre de l'Ardent Désir, Editions Flohic, 1996

- Georges Mathieu(en collaboration), Nouvelle Editions française, 1993

- L'Arbre-Piège, Seuil, 1993, « Petit », n° PPT57

- Les Anges et les Faucons, Seuil et « Points », n°P203

- Richard Texier, La Différence, 1995, réédité revue et augmentée 1999

- Le Secret de la pierre noire, Nathan, 1995

- Le Lien, Seuil, 1996, et « Points », n° P338

- Le Tyran éternel, 1998 Seuil, et « Points », n° P620 - Les Singes voleurs, Fleurus, 2000

- Le Rire du géant, Fleurus, 2000

- La Joie d'Aurélie, Seuil, 2004, et « Points », n° P1311

- Le Nu foudroyé (en collaboration avec Lucien Clergue et Gérard Simoën) Actes Sud, 2004

- Les Princes de l'Atlantique, (en collaboration avec François Rousseau), Fitway, 2005

- La Main blessée, Seuil, 2006

- Lumière du rat, Seuil, 2008

II- AUTRES OEUVRES SUR LE THEME

- Les Saintes Ecritures, Traduction du monde nouveau, Watchtower, Bible, 1995.

III- OEUVRES CRITIQUES ET METHODOLOGIQUES

78

Benacle, H, 1998, Guide des idées Littéraires, Hachette, Paris.

Brunel, Pierre, 1974, L'évocation des Morts et la descente aux enfers, « Homère Virgile Dante Claude, »Paris, Sedes.

Berguez, D, 1990 Introduction aux méthodes critiques, Bordas. Tadié, J, Y, La critique littéraire au XXè siècle.

Genette, (G), 1982, Palimpsestes, Paris, seuil, p. 20.

Michel Arrivé, 1982, La sémiotique littéraire, In sémiotique, l'école de Paris, Paris, Classiques Hachette, 145 p.

J. Courtés, 1076, Initiation à la sémiotique narrative et discursive, Paris, Hachette Université, p. 33.

Charles Boulon, 1979, La signification : Contribution à une linguistique de la parole, Paris, Klincksieck, p. 155.

Greimas, avant-propos à Les enjeux de la sémiotique, op. Cit. p. 6. Greimas, 1970, Du sens, Paris, seuil, p. 17.

Christian Metz, 1968, Essai sur la signification au cinéma, Paris, Klincksiek, p. 27, cité par Nicolas MBA ZUE dans sa thèse de doctorat.

Jaap Lintvilt, 1981, Essai de typologie narrative, Paris, Librairie José Corti, p. 50.

Roland Barthes, 1966, " Introduction à l'analyse structurale des récits", in Communication 8, p.3

Gérard Genette, 1972, Figures III, Paris, Seuil, p. 165.

Mieke Bal, 1977, Narratologie, Paris, Ed. Klincksieck, p. 31.

79

Roland Barthes, 1953 et 1972, "L'écriture du roman", in Le degré zéro de l'écriture, Paris, Seuil, pp.25-32

Jean Pouillon, Temps et roman 1997 Gallimard (Editions)

BENVENISTE Emile, Problèmes de linguistique générale, 1, 1966, Paris, Gallimard.

Gérard Prince, 1972, cité par Tzvetan TODOROV dans « qu'est-ce que le structuralisme ? » in Poétique, Paris, Gallimard, p. 59.

IV- DICTIONNAIRE

Micro Robert, Paris, Hatier, 1998.

V- MOTEURS DE RECHERCHE

http://www.revueanalyses.org

http://www.google.com

http://www wikipédia.com

80

TABLE DES MATIERES

SOMMAIRE

DEDICACE

REMERCIEMENTS

EXERGUE

INTRODUCTION GENERALE 1

PREMIERE PARTIE : LES.INDICES THEMATIQUES DE LA FIN DU MONDE 10

CHAPITRE PREMIER : La vision du monde selon Grainville .11

1.1.1. La fin du monde, vue à travers les personnages de Jérôme, Dolorès et Romane 12
1.1.2. Définitions de la violence : Une analyse multiple de la notion de

violence 17

CHAPITRE DEUXIEME : Les signes avant- coureurs de la fin du monde 22

I. 2. 1. Les données temporelles ..23

I. 2. 2. La pertinence du phénomène affabulatoire 27

I. 2. 3. Le crash de l'avion une tragédie ..28

CONCLUSION PARTIELLE .29

DEUXIEME PARTIE : L'ANALYSE DU DISCOURS .31

CHAPITRE TROISIEME : La transmission du message narratif 32

II. 3. 1. L'instance narrative 33

II. 3. 2-Le statut du narrateur .33

CHAPITRE QUATRIEME : Les Fonctions du Narrateur ..39

II. 4. 1 La fonction narrative

 

39

II. 4. 2. La fonction de régis

40

II. 4. 3. La fonction de communication

.41

II. 4. 4. La fonction testimoniale

41

II. 4. 5. Les Fonctions du Narrataire

.42

TROISIEME PARTIE : De l'écriture au mythe de l'auteur

44

CHAPITRE CINQUIEME : La fin du monde dans l'oeuvre

..45

III. 5. 1. L'écriture de la perte

.45

III. 5. 2. La fin du monde chez d'autres auteurs

.51

CHAPITRE SIXIEME : L'esthétique de la fin du monde dans l'oeuvre.. .53

III. 6. 1. La scène comme lieu de théâtralisation des faits narratifs : les

rues, les reporters et les psychologues

III. 6. 2. L'inceste : Aiwala et Bani ou le mythe d'Isis et d'Osiris

..53

.57

III. 3. 4. La symbolique des arbres de vie ou le mythe d'Atys et de

 

Cybèle

62

CONCLUSION PARTIELLE

..65

CONCLUSION GENERALE

.66

GLOSSAIRE

70

BIOBIBLIOGRAPHIE

..75

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUE

.76

TABLE DES MATIERES

80






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