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Décentralisation et mise en Å“uvre des stratégies de développement local: analyse du système de gouvernance territoriale du cas de Croix-des-Bouquets

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par Edy FILS-AIME
Université d'état d'Haà¯ti département des sciences du développement - Maitrise en sciences du développement 2012
  

Disponible en mode multipage

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UNIVERSITE D'ÉTAT D'HAITI
FACULTÉ D'ÉTHNOLOGIE

DÉPARTEMENT DES SCIENCES DU DÉVELOPPEMENT

Décentralisation et mise en oeuvre des

stratégies de développement local:

ANALYSE DU SYSTEME DE GOUVERNANCE TERRITORIALE DU CAS
DE CROIX-DES-BOUQUETS

Mémoire de maîtrise
présenté par l'étudiant Edy FILS-AIME sous la direction du professeur Nelson SYLVESTRE
pour l'obtention du grade de Maître ès sciences du Développement

SOMMAIRE

LISTE DES PRINCIPAUX ACRONYMES 4

AVANT-PROPOS 6

INTRODUCTION 8

PREMIERE PARTIE :

EMERGENCE, STRATEGIES ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL 20

CHAPITRE I: ESSOR DU DÉVELOPPEMENT AU DEVELOPPEMENT LOCAL 21

CHAPITRE II : PRINCIPALES STRATEGIES DU DEVELOPPEMENT LOCAL 46

CHAPITRE III : DECENTRALISATION ET CONTRAINTES DU SYSTEME DE GOUVERNANCE POUR LE DEVEVELOPPEMENT LOCAL 60

DEUXIEME PARTIE:

DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LE CONTEXTE HAITIEN .84

CHAPITRE IV : CADRE INSTITUTIONEL DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL 85

CHAPITRE V : DIAGNOSTIC DES TENDANCES LOURDES DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL 108

TROISIEME PARTIE:

ETAT DES LIEUX DE LA DECENTRALISATION ET DE STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT LOCAL A CROIX-DES-BOUQUETS 121

CHAPITRE VII: PRECARITÉ ET FICTIVITÉ DE LA DECENTRALISATION 136

CHAPITRE VIII: DESARTICULATION DU SYSTEME DE GOUVERNANCE TERRITORIALE 146

CHAPITRE IX : OPPORTUNITÉS ET POTENTIALITÉS D'UN SYSTEME DE GOUVERNANCE TERRITORIALE POUR LE DEVELOPPEMENT 165

CONCLUSION 173

BIBLIOGRAPHIE 183

WEBOGRAPHIE 187

LISTE DES TABLEAUX 199

ANNEXE

LISTE DES PRINCIPAUX ACRONYMES

AD: Assemblée Départementale

ALI: Agence Locale des Impôts

AM: Assemblée Municipale

ASEC: Assemblée de la Section Communale

BM: Banque Mondiale

CASEC: Conseil de l'Assemblée de la Section Communale

CDC: Conseil de Développement Communal

CFGDCT: Contributions au Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales

CFT: Contrôleur Financier Territorial

CM: Conseil Municipal

CT: Collectivité Territoriale

DCT: Direction des Collectivités Territoriales

DGI: Direction Génerale des Impots

DSNCRP: Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté

ED'H: Electricité d'État d'HaitiFGDCT: Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales

FMI: Fonds d'Assistance Économique et Sociale

FMI: Fonds Mondial International

IHSI: Institut Haïtien des Statistiques et d'Informatique

MEF: Ministère de l'Économie et des Finances

MICTDN: Ministère de l'Intérieur, de Collectivités Territoriales et de la Défense Nationale MPCE: Ministère de Planification et de Coopération Externe

NTIC : Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication

OI: Organisation Internationale

ONG: Organisation Non-Gouvernementale

PDC: Plan de Développement Communal

SPN: Système de Planification National

TCC: Table de Concertation Communale TDC: Table de Concertation Départementale

DEDICACES ET REMERCIEMENTS

Ce travail est dédié à tous ceux et celles qui ont la ferme conviction que le sousdéveloppement est une oeuvre humaine, et donc humainement resolvable, surtout si à chaque fois que l'équilibre entre le `'local» et le `'global» est recherché et retrouvé. C'est aussi dédié à ma fille Krishna qui a le droit le plus entier d'espérer de vivre dans une Haïti libérée de la misère, de la pauvreté multidimensionnelle, et de la mauvaise gouvernance.

Nous remercions chaleureusement notre directeur de recherche, professeur Nelson Sylvestre, qui a su nous encadrer avec diligence et rigueur pour l'accomplissement de ce travail, et tous les chercheurs dont les travaux nous ont guidé et éclairé.

Nous ne terminerons pas sans remercier notre épouse Didine Louis, nos parents et amis qui nous ont tous supporté et encouragé. Nous ne terminerons pas non plus sans remercier notre actuel Directeur de Département. a.i, Professeur Gregory Guerrier, les étudiants de notre promotion et ceux qui nous ont précédés dont les réflexions ou travaux de recherche ont indubitablement aidé ; aux étudiants de la présente promotion, nous les souhaitons BONNE CHANCE !

AVANTPROPOS

Ce travail est l'aboutissement des efforts incessamment renouvelés pour vaincre les unes après les autres les difficultés rencontrées du début à la fin de notre étude de maîtrise. Les études ont été entreprises en octobre 2004 et devraient se terminer en Juin 2006, mais le contexte sociopolitique d'alors- particulièrement les mouvements liés au départ du président Jean Bertrand Aristide entre 2001 et 2004- a occasionné bien des brèches. Des enseignants- craintifs pour leur vie- avaient déjà laissé le pays, d'autres jugeaient l'espace de la Faculté d'Ethnologie non sécuritaire. Par conséquent, la majorité des étudiants se sont le plus souvent rassemblés en vain sinon pour débattre des problèmes sociopolitiques que connaissait le pays. Le cycle de l'étude a duré pour ainsi dire quatre (4) années jusqu'au début de 2008. Sans le dynamisme du Directeur de Département d'alors, en l'occurrence Docteur Nelson Sylvestre, le calvaire pour compléter l'ensemble des crédits aurait été encore plus pénible.

En fin, les crédits ont été satisfaits, et ce travail vient compléter les exigences académiques tout en approfondissant des recherches et des réflexions scientifiques antérieurement menées dans le domaine de la décentralisation, du développement local, et de la gouvernance territoriale en Haïti.

Nous espérons que ce travail de recherche tant dans ses visées théoriques que pratiques soit un petit pas de plus dans la recherche des solutions institutionnelles durables aux différents problèmes de gouvernance que connait le pays.

INTRODUCTION

Après la longue dictature des Duvalier de 1957 à 1986, pour implanter le pluralisme idéologique et l'alternance politique, en 1987, les forces vives d'Haïti (secteur privé, société civile, etc.) se sont mobilisés et engagés pour doter le pays d'une Constitution qui fait une place privilégiée à la participation citoyenne, à la séparation des pouvoirs, à la décentralisation de certaines compétences et des ressources de l'État central?. Au regard de cette Constitution, Haïti s'est dotée d'un État unitaire décentralisé comportant trois niveaux de Collectivités Territoriales (Départements, Communes, Sections Communales). Cette poussée à l'implication du citoyen à la prise des décisions du pays a eu une finalité triple : la démocratie à la base, la desserte des services publics, et le développement local.

Cependant, depuis la période de l'adoption de la Constitution de 1987, Haïti a adopté `'une transition démocratique qui n'en finit pas», selon l'expression tant utilisée par Pierre-Raymond Dumas, et s'enlise dans une crise sans précédent. Elle connaît une décapitalisation incontestable des ressources matérielles et humaines. Cette descente effrénée s'explique en grande partie à partir des facteurs internes comme les violences politiques, l'inflation galopante, les faiblesses institutionnelles, la croissance démographique incontrôlée, la répartition inégale des richesses, l'augmentation continue du chômage et du sous-emploi, sans oublier la dégradation environnementale.

François Duvalier, le père, a dirigé du 22 Octobre 1957 au 21 Avril 1971. Jean Claude Duvalier, le fils, a dirigé du 22 Avril au 07 Février 1986.

? Selon le dernier paragraphe du préambule de la Constitution de 1987, celle-ci est proclamée : `' Pour instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect des droits humains, la paix sociale, l'équité économique, la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale, par une décentralisation effective.

Même avec des avancées juridico-légales dans le sens de la décentralisation comme socle de la refondation de l'État, dans les faits, l'État haïtien demeure fortement concentré et centralisé. L'État est à peine déployé au niveau des Départements, encore moins au niveau des Communes et des Sections Communales. Par conséquent, Port-au-Prince, la capitale, s'attire toutes les activités socio-économiques, politiques et culturelles majeures du pays. L'État, devenu non-fonctionnel sous le poids de sa concentration et centralisation, laisse la plus grande partie de ses citoyens, particulièrement ceux du milieu rural, évoluer dans un marasme économique, dans une pauvreté absolue pour plus de 56% 1des ménages.

Le séisme qui a frappé le pays le 12 janvier 2010, par le nombre épouvantable des 300 000 morts et autant de blessés, des 105 000 résidences détruites et de 208 000 autres endommagés2, vient rappeler cruellement le degré effarant de centralité et de fragilité de l'aire métropolitaine de Port-au-Prince. En effet, déjà en 1990, plus de la moitié de la population urbaine du pays était localisée dans l'aire métropolitaine de Port-au-Prince3, et ceci n'a malheureusement pas cessé d'augmenter jusqu'au passage du terrible tremblement de terre.

Devant cet état de fait, les autorités haïtiennes se disent conscientes qu'il ne faut pas revenir à la situation d'avant 12 janvier 2010 et qu'il faut à plus forte raison une valorisation et un renforcement des capacités des Collectivités Territoriales pour une décentralisation effective suivant le voeu de la Constitution de 1987. En effet, le nombre des victimes seraient beaucoup moindre et l'aire métropolitaine de Port-au-Prince serait beaucoup moins vulnérable si les Collectivités Territoriales avaient une plus grande capacité de rétention des gens en mettant leurs territoires en état de prospérer. Ainsi, il va de soi que la décentralisation pour la démocratie à la base, la desserte des services publics, et le développement local devient un projet qui connait une sérieuse remontée dans les débats sociopolitiques et économiques.

1MPCE, Document de Stratégie Nationale pour la Croissance et la Réduction de la Pauvreté (2008-2010), Port-au-Prince, Novembre 2007, p.14

2MPCE, Plan d'action pour le relèvement et le développement national d'Haïti, Port-au-Prince, 2010 p.7

3 Marc-Urbain Proulx, Territoires, développement et emplois productifs sur l'espace haïtien, Port-au-Prince, Aout 2000, p. 15

Un projet vieux d'environ un quart de siècle, un projet dont le processus exige beaucoup de mise en oeuvre, va-t-il être enfin réalisé par un État démantibulé, victime de la plus grande catastrophe humanitaire du siècle, compte tenu du nombre des morts, des blessés et des dégâts matériels?

La question ci-dessus, inscrite dans une logique prospective, ne pourra être satisfaite que dans l'avenir. La priorité de l'étude est d'abord d'éclairer le présent, ainsi une logique rétrospective est-elle nécessaire pour investiguer les causes qui ont empêché le projet de décentralisation haïtienne d'aboutir depuis près de 25 ans.

A ce sujet, tant dans la presse écrite que dans la presse parlée, des citoyens et citoyennes avancent que la volonté de l'État de décentraliser certaines compétences administratives et politiques n'a jamais été sincère. Des lois ont été votées sans jamais être appliquées. Les autorités haïtiennes promeuvent la décentralisation, mais la mentalité sociopolitique semble être inchangeable et inchangée. D'autres avancent que l'État haïtien a tout simplement priorisé les grands projets dits structurants. La décentralisation en elle-même dans ses implications à la fois complémentaires et contradictoires serait incomprise aux autorités haïtiennes. La mobilisation des énergies et des fonds pour un projet tel que la décentralisation, qui parait peu utilitaire, serait tout à fait illogique dans un pays affaissé par la pauvreté et la misère. Cet état des choses a interpellé des études à la fois théoriques et empiriques.

Au cours des cinq (5) dernières années, il a été constaté la publication de plusieurs études scientifiques sur le développement local et/ou la décentralisation en Haïti, entre autres : seront signalées les toutes dernières en date:

`'Le financement de la décentralisation et du développement local en Haïti», publiée en 2009 par Frédéric Gérald CHERY4. L'auteur entend promouvoir un nouveau leadership local qui serait capable de seconder toute une nouvelle dynamique du développement socioéconomique du pays. Ce leadership local émergerait à partir des projets de la mise en valeur et l'exploitation des potentialités locales (sites touristiques, mobiliérisation des biens du domaine privé et public de l'État, système d'adduction d'eau potable, etc.) supportés par des grands aménagements agricoles et industriels dans les grandes régions du pays.

D'une part, Frédéric G. Chery critique l'approche de la décentralisation haïtienne qui passe par l'État, responsable de tous les services publics à offrir, et exige quasiment rien des citoyens. Ainsi cette approche de la décentralisation nierait la vie civile et laisse un État sans interaction avec la société civile. D'autre part, il avance que le processus du développement local en Haïti devrait, par exemple, cesser d'épuiser la fertilité des sols en adoptant de nouvelles normes de valorisation et d'exploitation des ressources, et en promouvant la formation d'une élite locale porteuse de nouvelles pratiques de gestion économique et financière. En fin de compte, l'auteur souligne que le problème du financement de la décentralisation ne s'explique point par un manque de ressources, mais plutôt par la tradition et le mode de fondement de l'État qui agit d'en haut sans intégrer la base.

`'Haïti, État, et paysans : repères pour un développement local», publié en 2009 par Yves Sainsiné5. L'auteur a mis l'accent sur le fait que le développement local ne charrie pas la même compréhension ni n'envoie aux mêmes pratiques concrètes de développement selon qu'on se réfère aux structures administratives centrales, aux structures académiques, ou aux communautés locales. Il a le mérite de mettre en évidence les différentes réflexions théoriques sur le développement local. Ces réflexions sont essentiellement liées à l'empowerment, à la

4 Chery, Frédéric, G., Le financement de la décentralisation et du développement local en Haïti, Henri Deschamps,

P-au-P, 2011, 215 p.

5 Sainssiné, Yves., Haïti, État et Paysans, repères pour un développement local. P-au-P, Presses Media-Texte, 2010, 190 p

participation et l'intégration dans la gestion du territoire. Pour mettre en exergue le développement local, il a mis en exergue trois (3) dimensions qu'il juge essentielles : l'inscription des pratiques locales dans le long terme, la diversité, et le lien social.

Dans son étude, Yves Sainsiné a particulièrement mis l'accent sur la restauration de la dimension historique et pratique des acteurs locaux. Il a offert un cadre de compréhension de la vie quotidienne paysanne- où sont étudiées les stratégies et pratiques relatives au travail, à la question foncière, l'artisanat, l'agriculture, les métiers, etc.- afin d'aider les acteurs du développement à mieux adapter leurs interventions et à maximiser donc leur appui au développement local particulièrement dans les zones rurales.

`'Gouvernance associative et développement local en Haïti», publié en 2011 par Fritz Dorvilier6 qui a démontré sous la base d'une étude de cas, Groupement Paysan de Belle-Fontaine, que les populations rurales- en s'investissant dans des associations communautaires- cherchent activement à occuper l'espace public en vue d'instituer un nouvel ordre local capable de redéfinir et prendre en charge des problèmes socioéconomiques et politiques auxquels elles sont continuellement confrontées. A travers son approche du territoire sociétaire qui lui a permis d'appréhender le développement local dans une perspective systémique et durable, il pose la gouvernance associative comme catalyseur et vecteur pour de nouvelles logiques et pratiques de développement local.

Il est évident que ces écrits approfondissent et renouvellent la réflexion sur la décentralisation et le développement local en Haïti. Frédéric G. Chery a attiré l'attention sur les

6 Dorvilier, Fritz., Gouvernance associative et développement local en Haïti, Editions de l'UEH, P-au-P, 2011, 255 p. Gouvernance associative se définit comme « un dispositif de définition, de coordination, de régulation, et d'orientation des préférences collectives au sein d'une association. Pour ce faire, les acteurs-militants mettent en oeuvre et développent une capacité de concertation, de discussion, de problématisation, d'innovation, de contestation et de restructuration d'un système social établi, et ce afin de pouvoir prendre le contrôle de son fonctionnement et de son développement. » Dorvilier, F. Gouvernance associative et développement local en Haïti, Editions UEH, 2011, p. 15

forces dormantes et inexploitées des agents civiles dans cette société subissant encore tout le poids du militarisme. Y. Sainssiné a ouvert la voie aux réflexions sur les métiers locaux nécessaires à l'accroissement et au management des ressources. F. Dorvilier a pour ainsi dire inversé la lecture de la question du local en Haïti. Contrairement à la théorie du pays en dehors dont le point fort est le repli sur soi des groupements, de la famille des Bossales devenus paysans, l'auteur souligne la dynamique des paysans- grâce à un mécanisme d'apprentissage collectif- qui refusent désormais de s'isoler, de se mettre de côté et envahissent progressivement l'espace public.

Cependant toutes ces études revues ont laissé pendantes certaines questions liées directement à la finalité triple de la décentralisation en Haïti : la démocratie à la base, la desserte des services publics, et le développement local. Par exemple, quel mode de répartition de compétences entre l'État et les Collectivités Territoriales? Quel est le degré d'efficacité et d'effectivité de ce mode de répartition des compétences? La décentralisation facilite t-elle la fourniture des services sociaux de base ? Les citoyens et citoyennes ont-ils la possibilité et la capacité à participer dans la prise des décisions ayant des incidences sur leurs vies (démocratie locale) ? Quels sont les freins du développement local liés à la décentralisation? Quelles sont les contraintes de la décentralisation et du système de gouvernance territoriale pour le développement? Quel est le degré de cohérence nécessaire au système de gouvernance territoriale pour impulser un développement soutenable?

Entre ce qui a été constaté en termes de travaux théoriques et empiriques sur l'état de la question et ce qu'il est jugé nécessaire de savoir à propos de la dynamique entre la décentralisation et le développement local, le questionnement antérieur a fait ressortir des écarts qui pourraient se formuler en la question fondamentale que voici: Dans quelle mesure la décentralisation favorise t-elle le développement local ?

A travers cette théorie, Gérard Barthelemy entend démontrer que le sous-développement en Haïti n'est pas lié à une quelconque inaptitude, mais plutôt à un profond antagonisme entre deux (2) systèmes culturels : Bossales et Créoles.

Hypothèse, objectifs et but de la recherche

Compte tenu des réflexions approfondies sur les divers éléments de la thématique et des résultats des pré-enquêtes, la réponse présumée se formule de la manière suivante: la décentralisation- étant fondée sur le partage des responsabilités et des ressources, et la participation citoyenne- ne favorise le développement local que dans la mesure oil elle est pratiquée dans un système de gouvernance territoriale cohérent.

Cette hypothèse cherche à atteindre des objectifs spécifiques tels que : (i) démontrer l'importance de la responsabilisation et la participation des citoyens et citoyennes dans la fabrication et la coordination de l'action de développement, (ii) démontrer la nécessité de la disponibilité des autorités et des cadres formés et motivés pour impulser le développement local. (iii) Démontrer l'impact de la gestion saine des services publics sur le développement local. Ces objectifs spécifiques se poursuivent dans le but d'identifier les conditions nécessaires pour faire de la décentralisation un levier optimal de développement local.

Limitation et approches méthodologiques de la recherche

Comme il n'est pas possible d'investiguer toutes les aspects de la décentralisation dans cette seule étude, il est aussi impossible, vu le temps et les moyens nécessaires, de conduire la recherche dans tout le pays. Pour des raisons d'accessibilité et de proximité, la Commune de Croix-des-Bouquets a été retenue. Sur une base chronologique et du point de vue synchronique, l'étude se limite de Mai 2010 à Février 2011. Cependant la plan diachronique a été profondément exploité afin de mieux synchroniser.

Pour accomplir les opérations qu'implique la recherche et tester l'hypothèse, a été suivie une approche déductive passant du général au particulier. Les notions de la décentralisation et des stratégies de développement ont été revues dans le contexte global, ensuite dans le contexte

haïtien, et finalement dans le cas précis qui est la Commune de Croix-des-Bouquets. Ont été effectués une critique des théories existantes, une analyse de la documentation, des enquêtes de terrain, etc.

Au début, le chercheur a mené des pré-enquêtes pendant une (1) semaine afin de resserrer sa curiosité autour des dimensions signalées par la question de départ. Le chercheur s'est intéressé aux faits et représentations relatives aux constats de départ et aux enjeux dégagés plus haut. Il s'est entretenu avec des interlocuteurs concernés et intéressés en posant des questions larges et ouvertes liées avec le développement, la décentralisation et la gouvernance. Comme résultats, tout un ensemble d'idées nouvelles ont été acquises et permis de mieux affiner les axes stratégiques de la recherche. Les pré-enquêtes ont été un préalable nécessaire pour l'élaboration et la finalisation de la méthodologie de la recherche. C'est ainsi que la méthodologie qualitative s'est révélée la plus approprié e et a été donc retenue.

Dans un second temps, après avoir consulté des leaders locaux et pris des rendez vous, le chercheur a démarré une série d'enquêtes afin d'obtenir des informations de nature privée en interrogeant des personnes. L'enquête devrait permettre au chercheur d'appréhender l'identité sociale, la position sociopolitique et idéologique des personnes interrogées tout en ouvrant du même coup l'accès aux phénomènes comme les attitudes, les opinions, les préférences, les représentations, dans le cadre du développement, de la décentralisation, et de la gouvernance.

Conformément à la nature de l'hypothèse, des objectifs de la recherche, et sous la base des pré-enquêtes, le chercheur a opté pour un échantillon du type non représentatif7 où sont visées les unités caractéristiques de la population sous étude. Car il est préférable d'interroger les personnes que la problématique en question concerne et des gens donnant présomption d'implication dans le problème.

7 Kevassay, S., Mémoire de recherche, Vuibert, Belgique, 2003, p. 100-101

Le chercheur a conduit des entrevues de groupes étant l'une de méthodes d'enquête utilisées pour obtenir des données auprès des groupes et des collectivités. L'entrevue de groupe a été essentiellement utilisée pour appréhender le partenariat entre la société civile et l'institution municipale, les réactions entre les citoyen(ne)s au sein de la Commune, etc. Ont été privilégiés et retenus six (6) groupes déjà constitués tels que groupe de chorale, groupe de jeunes, associations de base, Organisations de développement, groupe de métiers, et groupe de jeunesse. Dans l'ensemble, les groupes interviewés présentent les caractéristiques homogènes incluant des individus (entre 18 et 55 ans) de tendances différentes (voir Annexe I).

Par le fait que les groupes ne sont pas habitués à ce genre d'activités, pour réaliser les entrevues, l'expérience professionnelle, la maitrise de la conduite de réunions, et l'initiation à la dynamique de groupe du chercheur se sont révélés indispensables.

Le chercheur s'est servi d'un guide d'entretien (voir en Annexe IV) pour s'adresser aux différents groupes. Tout d'abord, un nombre de 200 personnes a été visé pour les entretiens, compte tenu de 41 cas de refus de prendre part aux entretiens et neuf (9) cas d'absence, dans l'ensemble seulement 150 personnes réparties en six (6) groupes ont été interviewées sur une période de deux (2) mois. Le chercheur a opté pour deux (2) types de questions : des questions fermées qui octroient très peu de choix et de liberté d'expression à l'enquêté et des questions ouvertes qui donne libre cours à l'enquêté pour organiser sa réponse tant du point vue de contenu et de la forme. L'objectif des entretiens était de faire ressortir la perception et la compréhension des citoyens et citoyennes de la politique du développement communal, du mode de gouvernance du territoire, de l'appropriation locale du développement, etc.

L'entrevue de groupes, étant la principale méthode d'investigation, a été complétée par l'observation participante, encore une des méthodes pour étudier les groupes, les collectivités, etc. L'observation participante a permis d'aller au-delà de la description des acteurs en situation. Le sens de la situation, de la dynamique et de l'orientation des acteurs ont été mis sous

projecteur. La Commune de Croix-des-Bouquets étant le lieu de résidence du chercheur, cela lui a facilité la compréhension des significations que les gens se font de la décentralisation et du développement local. Il a été donc relativement facile pour le chercheur, se faisant observateur et participant, de s'intégrer dans la population sous étude. Au cours de ses observations, le chercheur a tenu un journal de bord où il consigne régulièrement à la fois les notes strictement descriptives, qui vont du repérage sur le vif au compte rendu exhaustif, et ses réflexions personnelles concernant divers aspects et étapes de la recherche.

Pour traiter les données, une méthode mixte a été retenue. Dans un premier temps, le chercheur utilise l'approche quantifiante qui sera complétée par l'approche qualitative.

L'approche quantifiante est particulièrement adaptée aux questions fermées. Elle permet en fonction d'établir des typologies d'individus. Après avoir traité les réponses l'une après l'autre pour chaque question, les individus ont été classés ou catégorisés en fonction de leur appartenance à une ou plusieurs possibilités de réponse. Les individus sont repartis pour chaque variable donnée selon les différentes modalités.

Le cadre de l'approche qualitative a privilégié l'investigation thématique transversale, dans la laquelle un ensemble des réponses ou données est considéré comme un tout, générant un corpus d'informations à l'intérieur duquel est recherché et qualitativement analysé chaque unité, la présence et le poids de chaque indicateur à travers le nombre d'occurrences des thèmes, pensée, idéologie, positionnement ou mot ressenti. Ce travail de comptage résulte d'une synthétisation et conceptualisation qui serait explicitées à travers les interprétations.

Comme structure, la recherche est divisée en trois (3) grandes parties subdivisées en neuf (9) chapitres:

qui a été largement favorisé par la globalisation, étant une des étapes charnières du capitalisme. Les principales stratégies du développement ont été revues dans leurs différences et complémentarité, dans leurs filiations et ruptures notamment avec l'idéologie néolibéraliste. La notion de décentralisation, à son tour, est étudiée à la fois comme instrument de développement local et composante de tout système de gouvernance territoriale.

Dans la deuxième partie du travail, sont reconsidérées dans le contexte haïtien, les notions développement local et décentralisation, en tenant compte de la culture sociopolitique et institutionnelle du pays.

La troisième et dernière partie permet particulièrement de procéder à l'objectivation empirique de la recherche. Est présentée toute une sociographie de la Commune de Croix-desBouquets qui met également en évidence les potentialités et contraintes de celle-ci par rapport au développement communal et à la décentralisation. Dans cette partie, sont notamment présenté et discuté les résultats conduisant à la conclusion de la recherche, et est particulièrement traitée la congruence des hypothèses et de la réalité empirique tout en ébauchant des réflexions à visées pratiques.

PARTIE PREMIERE :

EMERGENCE, STRATEGIES ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT
LOCAL

PARTIE PREMIERE:

EMERGENCE, STRATEGIES ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL

Le développement local est en dépit de son acceptation comme réalité désormais incontestable reste et demeure un produit de l'histoire des contradictions sociopolitiques, économiques voire religieuses du monde occidental. Sa (re)production se comprend à partir de la fabrication de la notion du développement même, tantôt vue elle-même comme un fait naturel inévitable et irréversible, et tantôt comme la conséquence de la domination, de l'exploitation et de la dépendance de certaines catégories de pays par une autre catégorie donnée. Fort de cela, le chapitre I de cette partie du travail expose le cheminement et les ruptures qu'a subi la notion du `'développement» avant de conduire à l'avènement de la philosophie localiste du développement.

Afin d'expliquer la notion développement local de manière précise, le chapitre II reprend les principales stratégies de celle-ci. Que le développement local soit utilisé comme instrument de résistance pour se réapproprier et reconstruire des territoires, ou pour résister à l'acculturation et à la domination technologique et politique, ou comme outil issu du néolibéralisme pour mieux exploiter les avantages comparatifs, ou encore comme socle pour la territorialisation soutenable des actions publiques, la notion du développement local ne se défait jamais de ses spécificités liées à l'idée de proximité, de participation, et de partage de responsabilités et de compétences. D'où le lien inextricable entre le développement local et la décentralisation. Ce lien constitutif et instrumental est spécifiquement traité dans le chapitre III où la notion de décentralisation est placée dans la problématique globale de la gouvernance territorialle pour le développement. Ces trois (3) chapitres, pour le moins, servent essentiellement à dégager les invariants des notions de décentralisation et de développement local, et leurs liens organiques.

CHAPITRE I: ESSOR DU DÉVELOPPEMENT AU DEVELOPPEMENT LOCAL

Pour définir le développement, on fait référence généralement à la définition devenue classique de François Perroux : `'La combinaison des changements mentaux et sociaux d'une population qui la rendent apte à faire croitre cumulativement et durablement son produit réel et global»8. Mais le développement comme notion officielle tire son origine historique en 1949 précisément le 20 janvier au point IV du discours du président américain Harry S. Truman, dans le cadre du plan Marshall :

`'...Quatrièmement, il nous faut lancer un nouveau programme qui soit audacieux et qui mette les avantages de notre avance scientifique et notre progrès industriel au service de l'amélioration et de la croissance des régions sous-développées. Plus de la moitié des gens de ce monde vivent dans des conditions voisines de la misère. Leur nourriture est insatisfaisante. Ils sont victimes de maladies. Leur vie économique est primitive et stationnaire»9...

C'était la première fois que l'adjectif sous-développé était utilisé pour signifier `'économiquement primitive et stationnaire». D'où sera construit le substantif sousdéveloppement en introduisant un rapport inédit entre sous-développement et développement dans un paradigme qui n'avait jamais existé auparavant. Depuis fut inaugurée une nouvelle vision du monde, l'ère du développement. Wolfgang Sachs a constaté que l'épithète régions sous-développées du président Truman devenait :

8 In Deubel, P., Analyse économique et historique des sociétés contemporaines, 2008, p. 20

9Rist G., Le développement : histoire d'une croyance occidentale. Paris: Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1996. 462 p.

`'Un concept charnière depuis lors jamais remis en question qui engloutit l'infinie diversité des modes de vie de l'hémisphère sud dans une seule et unique catégorie : sous-développée''10.

Sachs poursuit :

`'Du même coup et pour la première fois, sur les scènes politiques importantes, surgissait une nouvelle conception du monde selon laquelle tous les peuples de la terre doivent suivre la même voie et aspirer à un but unique : le développement.

`'11

La notion du développement depuis son officialisation a soulevé toute une kyrielle d'interrogations et de critiques par rapport à ses origines, ses fondements et ses perspectives.

I.1.- PRINCIPAUX PARADIGMES DU DEVELOPPEMENT

C'est ainsi que la notion du développement sera t-elle l'objet d'un ensemble de théories et approches qui se succèdent et s'entrecroisent soit dans un paradigme évolutionniste soit dans un paradigme marxiste ou dans un paradigme historico-systémique.

A. PROCESSUS NATUREL ET CULTUREL

Dés son origine officielle en 1949, la notion du développement- étant théoriquement associé au naturalisme- est comprise comme un processus naturel de changements ininterrompus, cumulatifs, irréversibles (retour impossible au stade antérieur) et dirigés vers une finalité précise.

10 SACHS, Wolfgang (1996), « Le développement : une idéologie en ruine », in W. Sachs et E. Gustavo, Des ruines du développement, Montréal, Écosociété, P. 50

11 Idem

Cette conception présuppose que le sous- développement était, il y a des siècles, la condition générale de l`humanité et qu'aucune nation ne puisse éviter le développement. Les évolutionnistes présentent le développement comme le produit d'un ensemble de transformations à la fois naturelles et culturelles ou d'étapes de croissance décrites 12 en 5 étapes :

- La société traditionnelle non industrielle : ce serait l'étape initiale générale de l'humanité où la terre représente la source de richesses la plus importante. A proprement parler, la société traditionnelle n'est pas strictement statique. Elle a pour ainsi dire une science et connaît certaines inventions, mais non pas un courant suffisamment élaboré pour provoquer des innovations technologiques. C'est ainsi l'histoire de cette société est-elle cyclique. La société traditionnelle peut se développer jusqu'à un certain niveau, mais toujours elle se heurte à un plafond technologique qui la fait retomber dans des crises qu'elle n'a pas la capacité de résoudre.

- Les conditions préalables au changement : ce serait l'étape de la germination et de la diffusion des valeurs nouvelles favorables au changement de mentalité et de comportement pour le progrès. L'éducation et la formation se développeraient massivement et joueraient un rôle primordial dans les facteurs de production. La société développe ses infrastructures et cadres juridiques et institutionnels à un niveau plus fonctionnel. C'est l'étape de l'apparition d'une classe d'entrepreneurs sensibles à l'introduction de la technologie dans la production.

- Le décollage ou le take-off : ce serait l'étape où sont vaincus les anciens blocages et les anciennes résistances pour ouvrir la voie à une croissance continue. A cette étape, est constatée l'implantation des premières usines à effets industrialisants. La société connaît une transformation de ses structures politiques et sociales en faveur de sa

12 Rostow, W.W.: Les étapes de la croissance économique. Ed. du Seuil , Paris, 1970.

croissance économique auto-entretenue où l'État se fait très présent pour jouer son rôle moteur d'incitateur au développement.

- La marche vers la maturité : la société connaîtrait une expansion de la technologie moderne dans toutes ses activités économiques, ce qui entraîne une augmentation considérable du niveau de production (diversification des biens dans tous les secteurs, développement de spécialisations, etc.).

- L'âge de la consommation de masse : cette étape corresponderait au moment où tous les moyens techniques (coïncidant avec un revenu élevé) permettent de produire des biens de consommations durables (automobiles en série, des logements, des supermarchés, etc.). Tous les besoins essentiels de la population sont censés couverts. La classe moyenne ayant accès à la consommation de biens durables connaît un niveau de vie élevé.

La différence essentielle entre les pays développés et les pays sous-développés serait d'ordre culturel. Le sous-développement résulterait de l'incapacité de certains pays à appliquer à temps des politiques institutionnelles adéquates, de la résistance active et de l'inadaptation des systèmes de valeurs traditionnelles aux systèmes de valeurs modernes. Seraient donc sousdéveloppés les pays qui favorisent la tradition plutôt que l'innovation, les aspects communautaires ou régionalistes plutôt que les perspectives de conciliation nationale ou globale.

Comme remède au sous-développement, les évolutionnistes promeuvent la modernisation qui serait la stratégie parfaite pour accélérer le développement dans les pays en retard. Comme support, ces derniers devraient bénéficier de l'assistance technique, de la technologie industrielle des pays développés pour atteindre le démarrage et la croissance économique.

Cette approche étapiste du développement est vivement critiquée par les marxistes du fait que :

(i) La théorie présenterait une conception unilinéaire du développement et présuppose que tout pays aspirant au progrès doit nécessairement passer par une seule et unique voie.

(ii) La théorie renfermerait une vision trop simpliste de l'évolution de l'humanité. Les limites entre les étapes de la croissance seraient peu précises. Des étapes comporteraient des caractéristiques pour ainsi dire identiques. En plus aucune société des pays dits sous-développés ne représenterait les caractéristiques de la société traditionnelle qui constitue l'état initial de la théorie évolutionniste.

(iii) La théorie évolutionniste nierait les forces complexes. Car une société constituerait un ensemble complexe qui mériterait d'être pris comme un tout, en tenant compte de la dynamique globale des acteurs et des facteurs.

Les critiques de la théorie évolutionniste, se sont développées et approfondies particulièrement dans le cadre du paradigme marxiste du développement.

B. PRODUIT DE LA DOMINATION ET DE LA DEPENDANCE

Adoptant une visée critique par rapport au paradigme évolutionniste, le paradigme marxiste réunit un éventail de penseurs, les dependistas, qui s'accordent, dans des perspectives diversifiées, pour mettre en évidence les échanges inégaux prédominant dans les relations entre les pays riches et les pays pauvres.

instruments stratégiques de la production de la pauvreté et du développement du sousdéveloppement du tiers-monde.

Selon Pierre Jalée13, la dépendance politique et militaire du tiers monde aurait été principalement établie lors de la colonisation. Cette dépendance militaire et politique devait favoriser la dépendance économique. Aujourd'hui encore plus que jamais les survivances de la colonisation participeraient de la subordination du tiers monde par rapport au centre dominant. Cette subordination se manifesterait sous les formes de:

o La dépendance économique : Elle se manifesterait d'abord au niveau des échanges. Par exemple en 1969, le tiers monde et les pays du centre auraient échangé des marchandises valant 40 milliards dollars qui auraient représenté trois quarts du commerce extérieur total du premier et environs un cinquième du commerce extérieur du second. Ceci expliquerait dans ce cas précis que les pays du tiers monde seraient près de quatre fois dépendants des pays du centre14. Cette inégalité de forces constatées aurait pour effet une aggravation de la pauvreté des pays du tiers monde.

o La dépendance commerciale : Elle s'expliquerait notamment par le fait que les pays du centre auraient la possibilité d'offrir dans le cadre de l'échange international une gamme variée de produits, tandis que les pays tiersmondistes n'offriraient qu'un nombre de produits considérablement limités. Ainsi la production des principaux secteurs de l'économie d'un pays tiers mondiste se trouverait t-elle dominée par des facteurs externes qui influeraient négativement sur la rentabilité.

13 Jalee, P., Le Pillage du tiers monde, 1973, FM/petite collection maspero, Paris

14 Idem

o La dépendance financière : celle-ci serait étroitement imbriquée avec la dépendance économique, elles se conditionneraient mutuellement. Toutes les ponctions surtout commerciales effectuées par les pays capitalistes sur les économies du tiers-monde se répercuteraient sur les finances, particulièrement les finances extérieures des pays du tiers-monde. Si ces derniers se limitaient à leurs propres ressources, ils connaîtraient la catastrophe au plan économique et financier 15 . D'où la nécessité de l'aide internationale publique. Ainsi s'expliquerait t-il une dépendance fondamentale.

Une fraction importante des recettes d'exportation- qui appartiendraient en principe aux pays du Sud- serait récupérée par les pays impérialistes. Par exemple, les transports maritimes entraîneraient un prélèvement considérable des recettes des pays périphériques. L'exploitation s'opèrerait également par le rapatriement au centre des profits réalisés dans la périphérie où très peu des ces profits seraient réinvestis16.

Analysant le système de la subordination des pays du Sud à ceux du Nord, Albertini, J.-

M 17 a conclu que la dépendance et l'exploitation entraîneraient pour le tiers-monde des conséquences structurales au plan économique, politique, social et culturel:

o Au plan économique, la dépendance et l'exploitation auraient provoqué la déformation, le déséquilibre, et la déstructuration de l'économie. L'impérialisme en fonction de la période et des besoins ne ferait qu'exploiter une ou deux potentialités d'un pays périphérique au détriment d'autres qui ne répondraient pas à leurs besoins. Par voie de conséquence, l'économie des pays du Sud deviendrait déséquilibrée avec des secteurs modernisés,

15 ibidem

16 ibidem

17 Albertini, J.-M, les mécanismes du sous-développement, les éditions ouvrières, Paris, 1972, p.52

technologiquement très poussés avec de haut niveau de productivité, et d'autres secteurs archaïques avec des niveaux de productivité extrêmement bas. Les secteurs de l'économie ne seraient donc pas intégrés. Ceci empêcherait la réalisation simultanée du plein emploi du capital et de la main d'oeuvre. Il serait souventefois constaté un problème de structure caractérisé à la fois par un dualisme territorial (des régions économiquement développées et d'autres ayant des conditions proches de la misère) et un dualisme fonctionnel (des secteurs produisant exclusivement pour l'extérieur sans prendre en compte les besoins nationaux, des industries locales transformant des matières premières importées, etc.).

o Au plan politique et socioculturel, la dépendance et la domination- mettant en contact des hommes, des rapports économiques inégaux- suscitent inévitablement un complexe d'infériorité culturelle. En termes d'influence, les sociétés industrielles perturberaient gravement le mode d'organisation sociale des pays du tiers-monde dont le social s'appuierait sur un mode d'économie traditionnelle. Il arriverait presque toujours que la modernisation d'une économie tiers-mondiste s'amorce en parfaite inadéquation avec l'organisation sociale et les normes culturelles. La dépendance et domination politique des sociétés du tiers-monde s'expliqueraient avant tout par le colonialisme par lequel

`' Les colonisateurs tente de modeler les esprits et les institutions indigènes afin de rendre les populations locales semblables aux populations métropolitaines. Mais en même temps, il les maintient dans un état d'infériorité ; l'assimilation n'est jamais voulue.''18

Les séquelles, les traumatismes et l'automatisme de la colonisation ne seraient pas tout à fait disparus. Ils favoriseraient l'acceptation de l'idée selon laquelle les pays du tiers-monde ne seraient pas capables d'orienter le développement de leurs sociétés. Ainsi beaucoup de dirigeants tiers-mondistes laisseraient t-ils le champ libre aux instances internationales pour déléguer auprès de leurs ministres et/ou directeurs généraux des assistants techniques qui exerceraient le plus souvent la substance du pouvoir. L'assistance technique prendrait souvent la forme d'une `'mise sous tutelle» qui tuerait tout dynamisme endogène.

A la recherche d'une solution au sous-développement, Raúl Prebisch soutient que l'enrichissement des pays riches serait inversement proportionnel à celui des pays pauvres19, il serait donc impossible que les pays périphériques se développent au même temps que les pays du centre. Samir Amin, étant hostile à tout évolutionnisme, suppose que l'aide internationale ne pouvant déboucherait sur le développement ne ferait qu'éviter dans une certaine mesure que le sous-développement ne soit explosif. Selon lui, les pays du centre ne reflèteraient pas l'image de ce que seraient demain les pays périphériques, donc l'enjeu pour le tiers-monde ne serait pas `'le rattrapage» comme prescrit par le courant évolutionniste, mais plutôt l'édification d'une autre société en pratiquant une déconnexion comprise comme la soumission des rapports extérieurs à la logique du développement interne ou endogène.

L'idée du développement endogène a été lancée comme un nouveau discours qui intègrerait `'la culture comme fondement, dimension et finalité essentielles du développement. `'20 Le développement endogène se caractériserait par : (i) une attitude culturelle négative à travers le rejet des valeurs de la modernisation (industrialisation, schéma unique de

19 BELHEDI, A., PROBLEMATIQUE DE L'ESPACE LOCAL: Développement et aménagement de l'espace local, pp: 69 - 84, in "L'espace local. Développement et aménagement", Actes du VII° Colloque de Géographie Magrébine, mars 1996, Association des Géographes Tunisiens (AGT).

20 Tri, C. H. et all, Développement endogène : aspects, qualitatifs et facteurs stratégiques, Unesco, Parsi, 1988

développement, etc.), (ii) la critique de la notion capitalistique des besoins, (iii) le refus de confondre industrie et développement, (iv) et la promotion d'une vision qualitative du développement.

Le développement ne devrait pas être l'imitation servile de la trajectoire des peuples dits développés, mais de préférence le produit de la créativité, du génie globalement exercé d'un peuple. Le développement devrait résulter de la valorisation des ressources internes, de la répartition équitable des tâches et des bénéfices. Ce serait le lieu de la dignité reconquise de chaque être humain en puisant en lui et dans les formes de pensées et d'action propres aux nationaux pour s'enrichir et enrichir la culture humaine.

`'Chaque société doit vivre sa propre modernité à travers ses propres innovations multiples, multiformes et multidimensionnelles aussi bien dans les domaines technologique que social, culturel et idéologique par l'adoption des voies originales et diversifiés dans le développement»21.

Samir Amin propose de développer des actions systématiques en vue de construire un monde polycentrique capable d'ouvrir des espaces d'autonomie au progrès d'un socialisme mondial afin de transiter vers un au-delà du néoliberalisme22.

Convaincu que le développement du sous-développement tirerait son origine dans la structure même du système mondial capitaliste dominant, Andre Gunder Franck a conclu pour

21 Unesco, doc.115 /EX/SP/RAP 1, p. 60.

22 Amin Samir, Le Développement inégal- Essai sur les formations sociales du capitalisme périphérique, Editions de Minuit, Paris, 1973

sa part que la seule issue possible au problème du sous-développement serait une révolution socialiste, à la fois nécessaire et possible23.

Face aux critiques du paradigme marxiste, les tenants de l'approche évolutionniste du développement rétorquent que leur approche ne recouperait point l'explication marxiste du développement. Selon eux, les étapes de la croissance de Rostow ne seraient que décalées par rapport à celles de Marx qui seraient: le féodalisme, le capitalisme, le socialisme et le communisme.

Quant à la thèse selon laquelle le sous-développement résulterait d'une situation de dépendance, l`explication marxiste serait sans fondement réel selon les évolutionnistes. Car l'évolution à travers l'histoire ne se serait jamais faite à un rythme égal. Certains pays prendraient de l'avance pour être rejoints plus tard par d'autres sur la voie du développement. C'est dire que chaque pays connaîtrait à un moment donné une relative dépendance par rapport d'autres. Le sous-développement ne résulterait point de la dépendance, il ne serait que la preuve d'un certain retard de croissance qui peut donner une impression de dépendance et de vulnérabilité aux pays moins avancés. En plus et plus fortement, les tenants de l'approche évolutionniste affirment que l'histoire du développement ne ferait que contredire les théories marxistes selon lesquelles les nations arriérées devraient refuser la coopération internationale sous prétexte d'éviter les méfaits du capital étranger.

Il a été permis de voir que le paradigme évolutionniste et le paradigme marxiste du développement s'inscrivent tous deux dans les théories de la sociologie du changement social. Étant des théories du progrès, elles promeuvent le même modèle culturel des sociétés industrielles, elles se révèlent de la même idéologie du développement que les sociétés développées ont produite pour donner sens à leurs pratiques de développement. Les deux approches ont laissé la notion du développement imprécise tant sur son origine que sur sa compréhension. L'approche évolutionniste, présentant le développement à la fois comme une

23 Frank, A., Gunder; Dependent Accmulation and Underdevelopment, Editions MacMilan, Londres, 1978

avance naturelle et comme un niveau de culture, a nourri un ensemble de contradictions : Si le développement est un processus naturel, pourquoi les pays qui seraient en retard devraient-ils subir une accélération à la fois externe et artificielle? Ne serait-il pas contre-nature que de vouloir acculturer l'autre sous prétexte d'accélérer son développement? Cette accélération du développement en vaudrait-il la peine? A cette interrogation, Paul Bairoch répond :

`'Non, le développement rapide n'est pas inéluctable, il constitue une option dont il faut peser soigneusement l'actif et le passif.»24

L'auteur a ainsi répondu en considérant :

» le caractère effroyable du rouleau compresseur que constitue le processus du développement économique accéléré, ... la masse de souffrances qu'a entraînée en Occident la révolution industrielle, .... [que] l'harmonie de tant de sociétés risque en effet de se trouver complètement détruite et des traditions (folklore et art de vivre) irrémédiablement perdues.25

Toutefois, peu de contradictions de l'approche évolutionniste sont résolues par l'approche marxiste. Cette dernière a même renforcé certaines des contradictions: ethnocentrisme, linéarisme, holisme, etc. L'approche marxiste n'évalue la situation des pays du Sud qu'en référence aux standards du Nord, et elle tente de généraliser son explication du sousdéveloppement en mettant tous les pays sous-développés dans une même et unique catégorie, sans considérer leurs profondes disparités socioéconomiques et culturelles. Le développement endogène- comme alternative proposée à la modernisation- ne constitue pas en soi un modèle cohérent. Il se pressente de préférence comme un ensemble d'idées à la fois radicalement revendicatives et inatteignables dans le concret.

24 Bairoch, P., Le tiers-monde dans l'impasse, Editions Gallimard, 1983, p. 69

25 Idem

C. CONSEQUENCE DE L'EXPANSION D'UN SYSTEME-MONDE

Inscrit dans une perspective critique par rapport au paradigme évolutionniste et au paradigme marxiste du développement, les tenants du paradigme historico-systémique- reconnus comme des néo-marxistes pour la plupart- se proposent de dépasser le bipolarisme (centre/périphérique ou avancé/retardé) en soutenant que la notion du développement comme synonyme de `'progrès», serait le produit de l'histoire moderne ou de la modernisation.

Les historiens systémiques recourent au concept système-monde pour tenter de démontrer que le sous-développement des pays du Sud serait dû à leur place dans la structure de l'ordre économique international. Pour cela, ils démontrent la formation du système-monde occidentale qui aurait connu trois (3) phases de la mondialisation26 dans son développement :

(i) La mondialisation mercantiliste (1494-1763)

Les grands voyages maritimes et découvertes- de Bartolomeu Dias en Afrique en 1488
·
; de Christophe Colomb en Amérique en 1492? ; de Vasco de Gama vers les Indes en 1498?- ont permis à l'Europe de mondialiser son empire commercial à la fin du 15eme siècle. Les découvertes des nouvelles routes intercontinentales ont non seulement abouti au désenclavement des continents, mais aussi ont donné accès à un éventail de biens rares

Le concept du système-monde, tiré du concept d'économie-monde de Fernand Braudel, a été développé par Immanuel Wallerstein, Giovanni Arrighi et Samir Amin.

26 Gélinas, Jacques; La globalisation du monde, Ecosociété, Québec, 2000, p. 22-51


· En février 1488, Bartolomeu Dias fait escale avec ses caravelles dans l'océan Indien, à 370 km à l'est de la pointe de l'Afrique. En rentrant à Lisbonne, auprès du roi Jean II, Dias, le portugais, prouve qu'il est possible de contourner le continent africain par le sud pour gagner l'océan Indien et l'Asie des épices. Pour le petit royaume du Portugal, c'est la promesse d'une gloire immense et de richesses infinies. Pour l'Europe tout entière, c'est le début d'une expansion qui va la conduire en quatre siècles de domination sur le monde.

? Christophe Colomb la première personne de l'histoire moderne à traverser l'océan Atlantique en découvrant une route aller-retour entre le continent américain et l'Europe.

et exotiques. Cette période se caractériserait par l'enrichissement rapide des classes marchandes et des pouvoirs publics de l'époque. Ces derniers auraient financièrement et techniquement assisté les marchands, les navigateur-aventuriers, voire les pirates afin de s'attribuer en retour les plus grandes des bénéfices sous des formes de taxes peu transparentes.

Cette période qualifiée d'accumulation primitive et mercantiliste aurait fait le bonheur des pays d'Europe- notamment l'Espagne et le Portugal- qui devenant des puissances financières et commerciales, formeraient l'épicentre, le centre nerveux de la mondialisation mercantiliste qui continuerait à se développer au fil des siècles. Cette mondialisation- atteinte sous fond de violences, de pirateries, et d'exterminations systématiques des peuples- aurait favorisé : a) l'émergence de nouveaux fabricants parmi les marchands nouvellement riches et les premières grandes manufactures à haute intensité de main d'oeuvre ; b) une avance technologique, le développement d'un haut niveau de productivité dans le domaine de l'agriculture ; c) la formation d'un embryon de marché intérieur qui serait déjà une économie-monde
·
conduisant progressivement à l'éclatement du protectionnisme économique et sociale d'alors.

(ii) La mondialisation capitaliste (1763-1883)

Des auteurs définissent le 18eme siècle comme le siècle de la révolution industrielle27 pour signifier l'apparition en Angleterre d'une série d'inventions techniques qui changeront les conditions de la production dans les principales branches de

Des populations autochtones, par exemple, les Tainos et les Arawaks ont été exterminées par les espagnoles qui, pour continuer leur exploitation, font venir à Hispaniola (aujourd'hui Rép. Dominicaine et Haïti) à partir de 1503 des nègres d'Afrique traqués et vendus.

Révolution industrielle, expression créée par Adolphe Blanqui et dont l'utilisation scientifique est contestée par Fernand Braudel qui note le caractère brutal qu'impliquerait l'expression « Révolution Industrielle . Sselon Braudel, il conviendrait mieux de parler d'industrialisation, terme mettant en avant une idée de processus plus progressif.

l'industrie. La révolution industrielle traduit en principe le passage d'une société à dominante agricole et artisanale à une société commerciale et industrielle sous la base d'une idéologie technicienne et rationaliste. Contrairement aux idées reçues d'un Raymond Barre28 selon lesquelles les inventions techniques seraient à la base du progrès économique de l'époque, Paul Bairoch avance que :

`' L'examen des faits démontre assez clairement que ce sont des facteurs économiques, et notamment l'aiguillon d'un accroissement sensible de la production, qui ont permis l'utilisation, sinon l'invention de machines ou procédés nouveaux de travail»29.

Cependant, Bairoch reconnait que les inventions ont aidé à la continuation des progrès en jouant le rôle de briseur de goulots d'étranglement30 jusqu'à l'émergence d'un système de production nouveau (appelé capitalisme), basé sur l'abondance des capitaux et la nouvelle organisation du travail. Contrairement au mercantilisme dépendant toujours des aléas externes pour ses ressources, le capitalisme s'appuie sur une dynamique interne dont l'essence consiste en une transformation permanente du capital en production et de la production en capital de manière illimitée31.

La position de Bairoch permet de soutenir l'idée selon laquelle l'économie-monde dont le coeur bat en Angleterre continue à se développer, dans sa deuxième phase, à partir de deux schémas d'échanges : a) l'échange dit concurrentiel entre les marchands des métropoles européennes en plaine industrialisation, et b) l'échange dit inégal entre les

28 Barre, R., Economie Politique, manuel Thémis, vol 1, Paris 1956

29 Bairoch, P., révolution industrielle et sous-développement, Ed, école de hautes études en sciences sociales, France, 1984, p 19.

30 idem

31 Gélinas, Jacques; La globalisation du monde, Ecosociété, Québec, 2000, p. 22-51

métropoles et leurs colonies ou anciennes colonies. Le deuxième type d'échanges renfermerait les germes du sous-développement32 .

L'échange inégal serait possible, selon l'historien Fernand Braudel33, du fait que les marchands métropolitains détiennent trois (3) avantages sur ses vis-à-vis des colonies. Premièrement, le mécanisme de l'échange n'est pas transparent aux gens des colonies. Ces derniers sont pratiquement sans informations, sans connaissances sur la valeur de ce qu'ils échangent. C'est au marchand capitaliste de fixer les prix et les produits à exploiter ; deuxièmement, les interlocuteurs des colonies sont pauvres en capitaux, ils ont aucun moyen de stockage ni de transport ; en fin, contrairement aux marchands capitalistes dont les pouvoirs publics se font des alliés politiques impliqués, les gens des colonies n'ont aucun pouvoir politique ni pour les protéger ni pour financer leurs entreprises.

C'est dans ce contexte, que l'industrie britannique s'imposerait sur les marchés mondiaux. Accumulant d'important excédent commercial à partir des colonies, l'Angleterre se fait championne du libre-échange et impose donc la libéralisation du commerce à l'échelle planétaire. Cette deuxième phase de la mondialisation permet de poser les bases de la division internationale du travail.

(iii) La mondialisation multi nationaliste (1883-1980)

La deuxième révolution industrielle est marquée essentiellement par le boom de l'acier, le décollage de l'industrie chimique, l'irruption du pétrole et de l'électricité. L'économie entame un cycle de croissance jusqu'alors inimaginable, mais ce boom en

32 idem

33 F. Braudel, La dynamique du capitalisme, Paris, Editions Artaud, 1985

avant est dominé par les entreprises multinationales et les trust
· qui vont se donner les moyens pour amasser des fortunes colossales non seulement au niveau continental, mais aussi et surtout au niveau mondiale. La Standard Oil la première firme multinationale dès sa création ne manquera de susciter la création d'autres firmes de même genre et d'influencer l'expansion et la direction de l'économie-monde capitaliste déjà en pleine mutation :

`'L'année 1883 marque la création de la première multinationale, le Standard Oil Trust de John D. Rockefeller. A partir de cette date, la mondialisation connait un troisième déploiement avec l'émergence du Big Business américain qui ouvre l'ère de la multinationalisation des entreprises.''34

Cette période- où le coeur de l'économie-monde bat désormais aux Etats-Unis d'Amérique comme première puissance industrielle, même si la grande Bretagne demeure la puissance commerciale- se caractériserait par :

Une entreprise multinationale est en principe une entreprise de grande taille, qui a implanté à l'étranger à partir d'une base nationale, plusieurs filiales dans plusieurs pays, avec une stratégie et une organisation conçue à l'échelle mondiale.


· http://fr.wikipedia.org/wiki/Trust_(economie): `'Un trust est une grande entreprise qui a racheté d'autres plus petites entreprises afin de limiter la concurrence et gagner de l'ampleur au sein du marché... Le plus gros producteur dicte sa loi aux autres membres de l'industrie et règne sur les maillons fractionnés situés en amont et en aval de la chaîne. Si l'un d'entre eux résiste, le volume de ses affaires diminue rapidement jusqu'à l'évincer totalement du marché afin qu'il se fasse racheter pour une bouchée de pain par celui-là même qui l'avait conduit à la perte...Parce qu'il contrôle le marché concerné depuis l'exploitation de sa matière première, jusqu'au stockage et à la distribution du produit fini en passant par l'outil de transformation, le trust peut forcer le prix de vente à la baisse jusqu'en dessous du coût de production et aussi longtemps que nécessaire. Si la vente de ses produits à perte ne met pas nécessairement en danger le capital financier d'un trust, elle conduit rapidement les concurrents individuels à la faillite par la fuite de leurs clients, la perte des marchés puis de leur outil de production... Le trust est différent du cartel, où plusieurs petites entreprises s'associent afin de gagner du pouvoir de marché, de manière à générer plus de profit».

`'Une recherche constante de l'innovation et par l'organisation scientifique du travail dans le but d'utiliser au mieux la combinaison capital-travail''35.

En 1914, un nombre important d'entreprise États-unisiennes disposent déjà des filiales de production dans beaucoup d'autres pays. Et les entreprises européennes mettent en place des filiales dans les colonies ou néo-colonies. Toutes ces entreprises se lancent à la recherche d'un accès direct aux matières premières. Les colonies étant transformées en pays consommateurs voient l'implémentation chez elles qui produisent directement les biens qu'elles consomment. Ainsi les multinationales évitent les tarifs douaniers à l'importation, sans compter la main d'oeuvre à coûts très faibles dont elles bénéficient.

Après la seconde guerre mondiale, les américains qui lient les causes de la guerre au dysfonctionnement de l'économie internationale s'affirment comme seuls capables d'assumer le leadership dont l'économie mondiale a besoin pour se relever et prospérer. L'élite américaine considère trois (3) axes vitaux pour la nation étoilée :

(a) Libre accès aux matières premières du monde entier ;

(b) Libre accès aux marchés extérieurs du monde entier;

(c) Libre circulation de capitaux en vue d'investir facilement dans le monde entier.

Par cette position des États-Unis, c'est la fin des empires européens, plus de zones réservés aux puissances coloniales de l'Europe. Tous les pays sont sommés d'accepter les axes du credo américain. L'économie-monde, tout en développant avec plus de dynamisme, part définitivement de Londres vers Washington et New York.

En 1944 à Breton Woods, le président américain, Delano Roosevelt, établit un ordre économique mondial axé sur le libre-échange, la libre concurrence et la libre entreprise avec le dollar comme la nouvelle et l'unique monnaie du nouveau ordre économique international ; et du même coup trois (3) institutions sont créées pour superviser la mise en oeuvre du nouvel ordre économique établit : le Fonds Monétaire International (FMI), la Banque Mondiale (BM), et General Agreement on Tariffs and Trade (GATT).

(iv) La globalisation de la mondialisation à partir de 1980

Dans les années 80, la majorité des multinationales des Etats-Unis se sont transformées en compagnies transnationales. Par cette transformation, ces entreprises traduisent clairement leur volonté de supplanter les États-Nations. Elles transcendent les frontières étatiques et règnent en maitres au-dessus des pays en développement. Les pays développés étant frappés d'impuissance, se mettent à supprimer les législations contraignantes sur les prix, à créer l'environnement dont a besoin la machine de l'accumulation du capital qui réclame toujours davantage de franchises. C'est la privatisation et libéralisation complètes du commerce. En plus de la primauté du principe laisser-faire, les méga-entreprises établissent le principe forcer-à-faire. Les État-Nations sont mis sous pression, voire sous coupe réglé. Devant cet affaissement des pouvoirs politiques la mondialisation- que les pouvoirs publics contrôlaient jusque-là- change de nature et comprend mieux sous un nouveau concept la globalisation afin de prendre en compte les nouvelles dimensions planétaires et globalisantes. La référence pour situer l'économiemonde, qui est désormais tout un système-monde, n'est plus une nation ni une espace géographique défini, mais la planète toute entière sans frontières géopolitiques.

L'économiste Theodore Levitt a été le premier à utiliser le terme «globalisation» dans un article de la Harvard Business Review en 1983.

Relatant une réalité socio-économique et politique du jamais vue dans toute l'histoire humaine, la notion de globalisation ne renvoie point pour autant à une acception précise. Elle est à la fois comme un système, un processus, un alibi, une mythologie et une idéologie36 :

(a) La globalisation comme système : c'est le management stratégique de la planète avec tout qu'elle contient comme matériel et immatériel par des intérêts économiques tout puissants, supra-étatiques, concentrés, et défendus par une élite ultra-réduite dont l'ambition est de transformer le monde entier en un unique marché où tout (santé, éducation, air, sol, loisirs, vie humaine, etc.) est marchandise.

(b) La globalisation comme processus : vu qu'il est y a beaucoup de pays tiers-mondistes, pour la plupart, qui tardent à emboiter le pas. La globalisation constitue en ce sens un processus d'intégration des pays retardataires et des secteurs de la vie humaine dans la logique globale de l'expansion planétaire.

(c) La globalisation comme mythologie moderne : les tenants de la globalisation la présente toujours comme la victoire des vedettes du capitalisme sur le sous-développement, le communisme, et l'État social protectionniste qui sont vues comme des facteurs ou des périodes diaboliques de l'histoire humaine.

(d) La globalisation comme alibi et idéologie : la globalisation de la mondialisation est présentée comme évolution naturelle, inévitable et

36 Gélinas, Jacques; La globalisation du monde, Ecosociété, Québec, 2000, p. 43-51

irréversible devant laquelle personne n'ait le choix. La globalisation est un discours sur le monde, une rationalisation d'un ensemble de croyances, de convictions et d'idées pour tenter de convaincre les populations afin de se faire passer comme voie unique de salut qui soit légitime et digne pour un monde meilleure. L'idéologie de la globalisation pousse les principes du néolibéralisme à ses limites extrêmes.

Vu sous l'angle critique, le paradigme historico-systémique n'aura pas dépassé strictement le bipolarisme des deux paradigmes précédant. Cette tendance à mettre le développement d'un coté, et le sous-développement de l'autre se reproduit subtilement dans l'explication de l'économie-monde ou du système-monde. Cependant, pour Braudel et Wallerstein, il n'aurait pas un centre et une périphérie systématiquement tranchés, mais la réalité serait un continuum allant du développement au sous-développement. Tout comme les évolutionnistes et les dependistas, les historiens systémiques n'ont pas pu échapper à la téléologie rétroactive du développement 37 qui n'explique le sous-développement que rétrospectivement, ni n'ont t-ils pu expliquer le développement en dehors d'une domination hégémonique. Toutefois, le paradigme historico-systémique, notamment avec Braudel, aura le mérite de mettre l'accent sur l'existence ou la possibilité de co-existence de plusieurs économies-mondes. Contrairement donc au paradigme évolutionniste, la culture des pays avancés ne représenterait pas la seule alternative possible pour le développement.

Somme toute, les historiens systémiques du développement ont permis de retracer le parcours, les stratégies, et subterfuges ayant abouti à la globalisation vue comme progrès ou comme développement. Dans le cadre des dernières mouvances politico-idéologiques, le degré de développement d'un pays se calcule désormais par rapport à son degré d'ouverture et d'intégration dans le processus du libre échange, de la libre concurrence et de la privatisation, etc. Le processus de la globalisation- qui ne jure que par la déterritorialisation des pays riches ou

37 Wolfgang, S. et all, Des ruines du développement, Montréal, Ecosociété, 1996

pauvres, la déséconomie des moins intégrés ou des plus faibles- présente le monde comme un vaste espace homogène sans histoires, sans identités. Le globalisation entend détruire tout lien entre habitants et territoires au nom d'un vaste `'marché de marchandisation», sorte de `'territoire virtuel global» où seulement les plus puissants se reconnaissent. Cet initiative n'a pas manqué de créer des résistances visant à rattacher les liens entre populations et sociétés en essayant de reterritorialiser les espaces déshumanisés et déséconomisés.

I.2 DEVELOPPEMENT LOCAL : EMERGENCE D'UNE STRATEGIE REACTIONAIRE

La globalisation, par ses dimensions politiques et idéologiques, s'impose comme seule alternative au le développement des sociétés humaines. Elle fait la promotion d'une pensée unique imposée par une minorité d'Etats et d'institutions internationales tout puissants (les nouveaux maîtres du monde) qui transpose les Etats-Nations, surtout les pays pauvres, dans un contexte où ils ne peuvent plus réguler en toute autonomie leurs déterminants macroéconomiques du développement. Les Etats-Nations sont donc soumis aux pressions du haut de l'extérieur qui cherche à libérer les capitaux et à centraliser les espaces en faveur d'une économie unique et mondialisée. Cet état de chose ne fait qu'approfondir les crises des EtatsNations devant: l'extrême pauvreté, la faim, le chômage, l'analphabétisme, etc

.

C'est en résistance à cette globalisation homogénéisante, cette pensée globaliste, qu'émerge vers les années 70 et 80 une pensée localiste selon laquelle c'est à partir du niveau local, par ses moyens, ses philosophie propres, qu'on peut parvenir à reterritorialiser les espaces déséconomisés, à rendre viables les communautés, les sociétés, et même le monde.

Après avoir trop subi les failles d'un développement orchestré du haut par un état mis sous pression, d'une stratégie de développement qui ne prend pas en compte les sensibilités et les besoins spécifiques des communautés, les acteurs locaux s'accordent pour revendiquer une marge plus grande d'autonomie en vue d'une prise en main propre. Ce volontarisme de prise en

main localement a contribué à dégager une pratique et dynamique de développement que les théoriciens ne tardent pas à baptiser le développement local.

La philosophie du développement local, cette contre-culture de la non-domination38 , a suscité la résurgence, un peu partout dans le monde, du mouvement d'autonomisation des communautés, des microprojets de quartier, des coopératives communautaires. Cette transformation singulière dans la logique du développement mondial est comme un éclatement si l'on se réfère au propos de Paul Houée en ces termes :

`'..L'arrogance du modèle unique croit imposer ses règles marchandes comme valeurs universelles, mais n'entraîne que le réveil des tribus ou l'éclatement d'îlots dans une société d'archipels en pleine tempête''.39

C'est un éclatement donnant naissance à une nouvelle stratégie de développement qui se repose sur l'autonomisation et la protection des communautés. C'est en ce sens que Jeremy Rifkin fonde la résistance contre la globalisation sur la force des communautés :

`'Ce n'est qu'en bâtissant des communautés fortes et autosuffisantes dans tous les pays que les populations pourront résister à la déferlante des mutations technologies et à la mondialisation des marchés, qui menacent les moyens de subsistance et la survie même d'une grande partie de la famille mondiale''40.

38 Sainsine, Y., Mondialisation, développement et paysans en Haïti: Proposition d'une approche en termes de résistance. Louvain-la-Neuve, Presses universitaires de Lovain, 2007

39 in Methot, M., Le développement local au risque de l'utopie : Vers une interprétation des enjeux du développement local au 21 ème siècle (thèse de doctorat, université du Québec à Rismouski ) , p. 154

40 Idem

C'est toute une philosophie de faire-ensemble-pour-nous-mêmes, du vivre-ensemble local qui constitue une seconde pression (venant cette fois-ci du bas intérieur) sur l'Etat-Nation. Celui-ci n'aura d'autre choix que de s'y impliquer en concoctant des politiques plus axées sur la décentralisation, et en reconnaissant, par le fait même, que les acteurs locaux (individus et institutions) comme des intervenants tout aussi pertinents qu'incontournables en matière de développement.

CHAPITRE II
PRINCIPALES STRATEGIES DU DEVELOPPEMENT LOCAL

CHAPITRE II : PRINCIPALES STRATEGIES DU DEVELOPPEMENT LOCAL

S'élevant pour constater l'échec des politiques économiques ultralibéralistes, le développement local entend réintégrer- au développement des espaces déterritorialisés par la globalisation- les dimensions humaine, sociale, historique et culturelle. Le développement local constitue la stratégie par laquelle les micro-espaces luttent contre l'exclusion forgée, la paupérisation systématisée par les méga-entreprises et États maitres du monde. Les acteurs locaux, impliqués dans le processus du développement, misent essentiellement sur la mobilisation et la valorisation des potentialités propres pour résister et créer des alternatives à l'uniformisation déshumanisante du monde. Ils décident donc de se mettre au poste de commande pour piloter le processus de développement de leurs collectivités. Sans exclure pourtant l'assistance venant d'en haut ou de l'extérieur.

Les théoriciens, sans s'accorder sur une définition restreinte de la notion du développement local, partagent l'idée selon laquelle le `'local» impliquerait entre autres : (i) L'espace idéal pour construire les solidarités et les conditions d'une vie meilleure ; (ii) L'échelon le plus efficace pour faire fructifier les interactions quotidiennes des acteurs ; (iii) L'échelon immédiatement récupérable du néolibéralisme mondialisé.

II.1- REAPPROPRIATION ET RECONSTRUCTION DE TERRITOIRES

Face à la globalisation qui vide les territoires de leurs contenus économique, socioculturel et politique en imposant à tous un territoire virtuel, l'espace-marché, des acteurs déçus des illusions globalistes se mettent et cherchent à récupérer et à reconstruire leurs territoires dévitalisés ou déconstruits. Cette initiative, posant la réappropriation et la reconstruction du territoire comme fondement stratégique du développement, reconnait la dimension local comme: cadre de vie le plus intime et le plus proche à l'individu et à la collectivité imprégnant toutes les sphères de la quotidienneté et formant l'espace de vie, l'espace relationnel de base.

Par la dimension local ainsi comprise, s'établit un distinguo stratégique entre territoire et espace. Le territoire est cette entité qui invoque le sens et le symbolisme du temps et de l'histoire. Il est cet espace qu'on s'est approprié, qu'on a conquis avec le sentiment et la conscience de son appropriation et de sa conquête. Le territoire fait référence à la communauté dont on mesure l'autorité et la légitimité par ses capacités d'assurer l'intégrité spatiale et l'organisation de son territoire. Contrairement à l'espace qui n'implique pas nécessairement appropriation et appartenance, le territoire - faisant référence à la fois à la notion juridique (Etat, Département, Commune..), à la notion sociale (population, communauté, tribu...), et à la notion culturelle et affective (quartier, rue, ruelle....) - exprime l'identification, l'appropriation, la socialisation de l'espace dans une vision collective.

Dans cette perspective territorialiste, le développement se comprend alors comme :

`'...un processus collectif d'innovation territoriale inscrit dans la durabilité. Ce processus s'enracine dans un territoire pertinent, il y fédère et organise en réseau les acteurs économiques, sociaux, environnementaux et culturels pétris d'une culture Commune de projet dont la finalité est le bien-être collectif et la centralité: l'être humain''.41

Le développement est donc un système évoluant dans le temps dans le cadre duquel des acteurs développent cette culture Commune de projet en produisant et en consommant les activités.

`'Chaque processus de développement local est propre et singulier à un territoire et à ses acteurs dans un temps défini. En d'autres termes, chaque

41 DECOSTE, D-P., Guide de diagnostic de situation et de modèle de plan stratégique de développement local, Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Novembre 1998, p. 7.

territoire produit un processus de développement local qui correspond à sa propre identité et à celle de ses acteurs en fonction de la période oil il s'organise. Dès lors, chaque Commune ou association supra-communale produira son propre développement local''42.

Le développement territorial se justifie donc par la volonté des acteurs locaux d'enrayer ou d'atténuer la désintégration économique et sociale au niveau local, et de répondre à leurs besoins de trouver un environnement proche et rassurant pour s'épanouir et agir. C'est en ce sens que le développement territorial local se situe dans une transaction de proximité d'au moins trois (3) niveaux entre les humains et leurs ressources :

(i) La régulation politique : le développement local est envisagé sous l'angle de la

décentralisation et de la démocratisation. La crise de l'Etat- tant sur le plan de la gestion et de la représentativité- a suscité le besoin d'une gouvernance locale, c'est-à-dire la capacité à forger des compromis sociaux sans utiliser nécessairement l'Etat central. Pour ce faire, il importe un transfert aux Collectivités Territoriales (CT) des compétences antérieurement exercées par le pouvoir central ou l'attribution aux CT des compétences actuellement non exercées par une autre entité publique. Il est nécessaire non seulement d'encourager l'Etat central à jouer son rôle moteur dans le processus du développement, mais aussi faut-il appuyer les initiatives des forces locales en vue d'une promotion continue des valeurs de concertation et de démocratie.

(ii) La planification économique : le territoire est appelé à jouer pleinement son rôle d'intégrateur d'activités. La planification s'active à résoudre une des principales contradictions de l`aménagement du territoirequi entend:

»...d'une part, assurer la compétitivité des territoires ; d'autre part, rechercher pour tous ces territoires une égalisation des conditions de vie et un même accès aux principaux services publics»43.

Un ensemble d'actions seraient donc engagées afin de mettre le territoire en état de prospérer, de se développer et de mettre en oeuvre, par exemple, des politiques d'emplois en harmonie avec les potentialités du milieu.

(iii) L'intervention sociologique : le développement local constitue un système d'action et de création institutionnelle résultant d'une fermentation sociologique. Il serait nécessaire de considérer l'identité des territoires si l'on souhaite un développement qualitatif des individus dans leur milieu. Le lien social se place donc à la base du développement afin d'éviter la dispersion et la distorsion socioculturelles.

En fin, le développement territorial illustra une dimension culturaliste et existentialiste du développement. Dans la mesure oil sont essentiels, pour le processus du développement, les phénomènes de contact et d'interpénétration des cultures et des valeurs intersubjectives. Le développement local territorial placera les acteurs dans un être-ici-maintenant oil ils se

' L'action par laquelle une autorité politique se substitue, éventuellement sans leur consentement, aux personnes singulières pour déterminer à leur place à quelle fin et selon quelle modalité occuper et utiliser telle ou telle partie du territoire.

43 Nemery, JN-Claude et all, Gouverner les Territoires, juin 1994, datar/éditions de l'aube. P. 15

définissent dans l'acte quotidien aux seules fins de transformer l'espace approprié et conquis en un milieu innovateur.

II.2- RESISTANCE A L'ACCULTURATION ET A LA DOMINATION TECHNOLOGIQUE

La stratégie du développement local à bien des égards se présente comme une spécificité de la résistance locale contre l'introduction de nouvelles technologies et la modernisation dans son ensemble. La modernisation, par l'introduction inappropriée des technologies occidentales, a remis en cause le système de production dans les pays en développement. Obsédés par les produits exportables, les agents de la modernisation attaquent les secteurs vitaux des économies en développement, en détruisant le plus souvent la culture des produits de subsistance. De surcroit, ils contribuent à déstructurer les économies locales et les systèmes de valeurs des sociétés dites traditionnelles. Les agents de la modernisation ne prennent nullement en compte la structuration familiale et communautaire qui détermine l'organisation sociale qu'ils entendent modifier. De la stérilisation à la désertification des sols, l'introduction des techniques maladroites et inadaptées n'a pas contribué au grand miracle, qui était censé racheter les nonoccidentaux de leur mode de vie proche de la misère.

Ces échecs pour le moins chaotiques ont provoqué chez certains et renforcé chez d'autres, le besoin de culturaliser et de contextualiser la pensée globaliste de l'aide au développement en exhortant:

(i) Le respect de l'identité culturelle des collectivités:

Le développement ne doit pas broyer les différences identitaires. Il doit permettre aux collectivités de se transformer cumulativement et durablement sans altérer leur conformation typique, sans culturellement les aliéner, car :

`'C'est dans la culture, en effet, que le développement trouve son impulsion fondatrice, dans les besoins et les aspirations des individus comme des collectivités, dans les fins qu'ils s'assignent et dans les projets qui les concrétisent.''44

Ainsi, la revendication des diversités de cultures constituera le socle de la contestation locale de la modernisation péjorativement unificatrice. Une valorisation des identités culturelles est de nature à transformer les populations en acteurs réels de leur propre développement.

(ii) La valorisation de la technologie traditionnelle et l'adaptation fonctionnelle de la

technologie moderne :

Dans la perspective de la modernisation, les populations des communautés en développement ont été victimes du préjugé selon lequel elles ne possédaient d'aucune technologie, tandis qu'il n'existe ni de vide technique et ni de vide culturel45. Selon Jacques Perrin, les difficultés d'apprentissage- constatées chez les populations locales par rapport aux nouvelles technologies modernisantes- ne sont que l'interférence de cellesci avec les habitudes techniques traditionnelles. Ce n'est que par une vision occidentaliste systématiquement centrée qu'on ignore l'existence des technologies traditionnelles. Sinon, elles existent bel et bien:

44 Unesco, Examen et évaluation de l'application de la stratégie internationale du développement pour la troisième décennie des Nations Unies pour le développement, doc.119 EX/16, Paris, Unesco, 1984, p.44

45 Perrin, J., Les transferts de technologie, Editions La Découverte/Maspero, Paris.

`'Les technologies traditionnelles sont le fruit d'une interaction plusieurs fois millénaire entre la société humaine et la nature.46»

Le développement local ne ferme pas sur soi-même jusqu'à l'autarcie, car les contestataires de la globalisation ont reconnu que le:

`'Respect de l'identité culturelle ne saurait toutefois signifier négation de l'apport extérieur, mais la nécessité de leur assimilation (de leur `'digestion'') par les populations concernées». 47

L'occident doit chercher à se conformer à l'idée de Jacques Bousquet selon laquelle l'on doit aider les autres à se développer à leur manière.48 Au plan économique, le développement local cherche à établir une politique de substitution aux importations massives, de multiplication d'activités de petite dimension destinées au marché en vue d'une certaine autosuffisance, d'une diversification et intégration des activités et des produits locaux.

II.3 ATTRACTIVITE TERRITORIALE ET RECUPERATION NEOLIBERALISTE

Dans une perspective critique au développement local comme stratégie de résistance, un courant néolibéraliste tente de réadapter et de récupérer le développement local. Les tenants de

46 El-Mously, H-I, in Développement endogène : Aspects qualitatifs et facteurs stratégiques, Unesco, 1988, Paris, p. 25

47 Raulin. E et all, L'aide au sous-développement, Presses Universitaire de France, Paris, p.35

48 Bousquet, J., in Développement endogène : Aspects qualitatifs et facteurs stratégiques, Unesco, 1988, Paris, p.12

ce courant néolibéraliste critiquent des politiciens qui font du développement local un outil de gouvernance démagogique pour susciter et s'assurer du soutien des populations. Souventefois, le développement local constitue, entre les mains des leaders politiciens, une solution de la dernière heure, une vision à long terme piètre, et une planification politique économique au rabais qui vise à réconforter ceux qui n'ont pas la capacité de faire face à la concurrence du marché. En laissant une ouverture trop restreinte sur l'extérieur, les politiciens affaiblissent la capacité des territoires à minimiser les effets pervers externes et à profiter des principales opportunités du marché global49.

Devant ces territoires généralement non unifiés et passifs, les néolibéralistes pensent que le développement local, vu comme forme de résistance, n'est qu'un simple produit de la pensée localiste (au sens péjoratif du terme), ce n'est qu'une résurgence de l'amour du terroir, d'un indigénisme camouflé, ce n'est qu'un résidu des nationalismes décontextualisés et dépassés.

De point de vue des néolibéralistes, reconnaissant qu'un territoire ne permet aux investisseurs que de le distinguer et d'évaluer ses potentialités par rapport à d'autres, priorisent la stratégie de la décentralisation des responsabilités politiques ou de localisation des activités économiques. Promouvant la rationalité dans les investissements, ils priorisent les investissements locaux basés sur l'attractivité des territoires (ensemble de facteurs attirant les investissements externes) dont les principaux sont :

i. La situation géographique : Un espace de localisation idéale est de taille suffisant, coûtant un prix avantageux, avec la garantie d'extension dans l'avenir.

49 Davezies, L. & Estebe, Ph., L'autonomie politique dans l'interdépendance économique ?, Pouvoirs locaux No. 72, p. 63

Pour le courant néolibéraliste, territoire et espace sont synonymes

ii. Le niveau de transport : Un espace à plus de chance qu'un autre s'il possède un moyen de transport naturel (mer, grand fleuve) ; s'il est proche des marchés en amont et/ou en aval de la production, l'investisseur cherche à réduire les coûts de transport. Car les moyens de transport influent sur la disponibilité, la qualité et le coût du travail.

iii. Le niveau des infrastructures : Les moyens de communication (routes, autoroutes, voies d'accès, ports et aéroports) ; les adducteurs d'intrants (eau, électricité et gaz); les moyens d'évacuation de déchets. Les infrastructures ultramodernes (réseaux de téléphonie vocale, de transfert et d'échange de données informatisées, etc.) sont autant des facteurs qui déterminent la chance d'un espace d'attirer les investisseurs.

iv. La qualité de l'environnement : L'espace peut avoir plus de chance s'il a un charmant cadre de vie en offrant de multiples divertissements aux personnels expatriés.

v. le dynamisme socio-économique : L'investisseur est le plus souvent sensible à la présence d'autres entreprises de services plus ou moins spécialisés, de centres de recherches universitaires et d'établissements de formation de haut-niveau. Un espace possédant un entrepreneuriat dynamique, un climat général favorable aux affaires, peut avoir d'énormes avantages sur les autres.

vi. Les conditions institutionnelles et sociales : Ces conditions font référence à la législation économique et sociale, à la réglementation en matière d'aménagement du territoire. Elles prennent notamment en compte l'attitude des autorités publiques, la sécurité publique, la fiscalité (à charge des sociétés et des personnes physiques), et les aides publiques.

Toutefois, les facteurs explicatifs de la localisation- dans la perspective néolibéraliste- ne sont jamais considérés au même degré, car certains se révèleront plus importants que d'autres suivant la nature des entreprises à implanter et l'offre des espaces. Ceci résulte d'un ensemble des décisions d'investissements dont le contrôle échappe globalement au milieu d'accueil. L'idée d'amélioration et d'égalisation des conditions de vie n'est pas prise en compte. La course des richesses capitalistiques ne fait que continuer, on assiste encore au niveau local à la prépondérance de la logique `'humains au service de la croissance économique» et non l'inverse. En plus, le fait que les territoires régionaux et locaux ne sont pas tous égaux (quelquesuns se révélant plus attrayants que d'autres), le développement local néolibéraliste - en dépit de sa capacité de renforcer ou de créer la compétitivité des territoires- aura exacerbé la désarticulation multisectorielle des régions ou des pays.

II.4- SOUTENABILITE ET TERRITORIALISATION DES ACTIONS PUBLIQUES

Le développement local- étant diversement interprété et approprié, tantôt confiné dans une vision localiste stricte, tantôt dans une perspective ultra-capitaliste- devient des fois une stratégie ambiguë, insaisissable, d'autre fois un concept-valise, un fourre-tout, un simple mot de passe. Cet état de chose soulève pour plus d'un penseurs l'urgence de recentrer et de réorienter la notion de développement local. C'est ainsi, Bernard Vachon entre autres- a t-il ressenti :

`'..le besoin de repositionner le développement local sur ses bases d'origine et de rappeler les principes fondateurs qui intègrent dans une démarche unifiée l'ensemble des composantes du développement, soient les dimensions économiques, sociale, culturelle et environnementale..» 50

Un recentrement du développement local en y intégrant toutes les composantes du développement permettra de : (i) compléter la perspective de résistance en la dotant du degré

50 Vachon B., Le développement local intégré: une approche humaniste, économique et écologique du développement des collectivités locales, Diner-conference, Québec, novembre 2001. p.39

d'ouverture et de compétitivité nécessaires ; (ii) réajuster la perspective néolibéraliste en y réintégrant la primauté humaine, en tentant d'inverser son principe `'humains au service de la croissance économique `' en `'croissance économique au service des humains».

Par l'intégration de la composante environnementale, particulièrement, un recentrement du développement local signifiera la volonté de garantir la souténabilité des actions en dépassant l'hétérogénéité des différentes approches et théories du développement local et en créant des relations plus lucides entre le local et le global, d'où le sens du néologisme glocalisation qui se repose sur l'hypothèse de la forte interconnexion entre le niveau local et le niveau global, et conséquemment selon laquelle les actions au niveau de base ne sauraient être efficaces si ce qui se passe au niveau global n'est pas appréhendé. Ce désir de faire dialoguer efficacement les deux niveaux de développement s'exprime généralement par la formule `'Penser globalement, agir localement».

Le recentrement du développement local comme stratégie retrouve sa vigueur dans le rétablissement et l'approfondissement de la territorialité. Le territoire, est fondement réhabilité comme socle du développement local soutenable dans la vision la plus inclusive possible. La soutenabilité du développement local dépend donc à la fois :

i) d'une territorialisation des actions dans une démarche unifiant l'ensemble des composantes du développement, soient les dimensions économiques, sociale, culturelle et environnementale ;

ii) de l'intégration et l'harmonisation des réseaux d'acteurs où, particulièrement, les actions de développement des pouvoirs publics se trouvent reterritorialisées.

La transaction de proximité- dans ses trois (3) principes (régulation politique, planification économique, intervention sociologique)- contribue à la territorialisation des actions publiques où l'État, mis sous pression et accusé de connivence avec les méga-entreprises transnationales, est réhabilité dans sa fonction d'acteur de développement, cette fois-ci, partant des territoires. L'approche des politiques publiques mettra désormais l'accent sur les spécificités de chaque territoire, et non dans une approche verticale divisant l'action publique en secteurs d'activités cloisonnés comme avant.

A la faveur de la territorialisation des actions publiques, la mise en oeuvre des stratégies de développement adapte les politiques sectorielles aux contraintes locales. La territorialisation des actions publiques influe positivement sur les processus décisionnels et l'organisation des services administratifs. La territorialisation ne se réduit pas à la simple décentralisation des compétences et services administratifs de l'État, elle fait intervenir les acteurs locaux et notamment des Collectivités Territoriales en vue d'une meilleure appropriation des politiques publiques par les personnes concernées au niveau local, grâce à une meilleure information et à la prise en compte de leurs besoins.

La démarche de la territorialisation du développement local soutenable vise à consolider les programmes locaux de développement et à en augmenter l'impact sur l'amélioration des conditions de vie des populations à travers la promotion d'une gouvernance locale qui s'inscrit autant dans le processus de refonte de l'Etat qui vise à atténuer les effets pervers du centralisme d'autrefois et à transformer la démocratie représentative à la démocratie participative.

Tout compte fait, on a vu que le développement local comme stratégie de résistance ne parvient pas à dégager des pistes d'action soutenables, si des fois le développement local n'est pas que discours politicien sans fondement réel. Si, à ce point de vue, le développement local contribue à culturaliser ou contextualiser une idéologie globaliste sans repères socio-identitaire, il n'aura pas la capacité de revitaliser les territoires déséconomisés. La récupération néolibéraliste du développement local ne se constitue une alternative ni corrective ni soutenable.

Ce ne serait qu'une intégration sévère des territoires traînards dans le processus de globalisation de l'économie mondiale.

Au long de son parcours, la stratégie du développement local a exploré des extrêmes avant d'être recentré sur son postulat de base, sa territorialité, jusqu'à faire naitre la nécessité de réintégrer toutes les composantes du développement et de réhabiliter les réseaux d'acteurs, particulièrement les pouvoirs publics dont la territorialisation des actions représente des enjeux stratégiques entre l'État et les citoyens pour l'accomplissement d'un développement local soutenable. Sans un partenariat efficace entre l'État, première personne de droit public, et les personnes concernées aux échelons locaux, le processus de développement local est sujet à des désintégrations sociopolitiques, à des déstructurations socio-économiques, et au développement inégalitaire.

A ce tournant de la réflexion, il y lieu de s'interroger sur l'existence et la nature de modes de partenariat entre l'État et les collectivités. Y a-t-il un mode de coopération établie et légitime entre l'État et les collectivités pour la poursuite des objectifs de développement ? le chapitre III s'intéressera aux formes de partenariat et stratégies participatives entre l'État et les collectivités locales pour le développement.

CHAPITRE III

DECENTRALISATION ET CONTRAINTES DU SYSTEME DE GOUVERNANCE
POUR LE DEVELOPPEMENT

CHAPITRE III : DECENTRALISATION ET CONTRAINTES DU SYSTEME DE GOUVERNANCE POUR LE DEVEVELOPPEMENT LOCAL

Le développement local, comme tout niveau de développement, est à la fois un objectif ambitieux et une importante responsabilité. Ceux qui seraient chargés d'une telle entreprise doivent pertinemment être investis des voies et moyens nécessaires. C'est-à-dire, il leur faut certaines compétences et ressources propres et/ou partagées. En d'autres termes, il nécessitera une décentralisation des compétences des ressources en leur faveur. En plus, ce n'est qu'en vertu de la décentralisation que les invariants théoriques du développement local- tels que l'idée de proximité, de participation et de partage de responsabilité- trouvent effectivement leur fondement. L'idée de proximité, de participation, de partage de responsabilité, et autres, constituent alors un ensemble de contraintes inter-reliées à tout système de gouvernance pour le développement local.

III.1- DEFINITION ET TYPOLOGIE DE LA DECENTRALISATION

La notion de la décentralisation a suscité et suscite encore beaucoup de débats dans les sociétés occidentales, cependant une définition classique n'est encore arrêtée. Car la décentralisation comme notion renvoie à une variété d'arrangements institutionnels. Tout d'abord, il faut faire la différence entre décentralisation et fédéralisme. Ces deux notions généralement considérées soit comme synonymes ou opposées ne sont théoriquement ni opposées ni synonymes. La décentralisation comme mode de gestion est pratiquée dans les États unitaires tout comme dans les États fédéraux.

Le couple d'opposition est en réalité `'centralisation et décentralisation.» Car les trois (3) types de distribution de souveraineté étatique existant (État unitaire, État fédéré et confédérés) peuvent être plutôt centralisés ou décentralisés. La Constitution d'un État unitaire reconnait que toute souveraineté réside dans le gouvernement central qui peut céder une partie plus ou moins importante de cette souveraineté aux unités constituantes. Car il n'y pas d'État parfaitement

unitaire.

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Un État fé

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Source : W.E, Fiscal fe

Plutôt décentralisés

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52Ebel, R.

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al sur le désé quilibre fiscal, Rapport, Annexe 3, Commis s

le et survol m ondial », Sym
ion sur le dés équilibre fiscal

posium

, Québec, p. 4 2

en faveur d'une transition démocratique plus accélérée. En Afrique, la décentralisation serait utilisée davantage comme un instrument permettant de prendre en compte les particularismes tribaux et locaux dans le souci de préserver l'unité.

Le fait que l'impulsion de la décentralisation vient généralement de l'État central ne doit pas obscurcir l'existence de deux grands types de décentralisation : le type descendant (top-down) = devenir local et le type ascendant (bottom-up) = rester local.

· La décentralisation du type descendant est de nature à donner une priorité stratégique aux préférences du gouvernement central. Ce type de
décentralisation est pratiqué généralement dans le cadre d'une État unitaire dans lequel le gouvernement central reste et demeure en dernier ressort le gardien des intérêts nationaux. Ce type de décentralisation prévoit un transfert de pouvoir et de compétences antérieurement dévolues à l'Etat central, à des entités spécialisées (décentralisation fonctionnelle) ou à des entités dont l'action s'inscrit dans un cadre territorial donné (décentralisation territoriale
·
). Le type descendant est également pratiqué dans les Etats fédéraux dans lesquels le gouvernement central partage la souveraineté étatique avec les Etats constituants sans que ceux-ci ne dominent le centre.

· La décentralisation du type ascendant concerne les Etats fédérés dans lesquels la priorité est donnée aux préférences locales et à une autonomie substantielle des Collectivités Territoriales. Dans ce cas, généralement se posent deux questions fondamentales: Quelles fonctions qui doivent être transférées à l'échelon de gouvernement supérieur ? En tenant compte du

La décentralisation fonctionnelle ou technique permet à des établissements publics à vocation spéciale (universités , hôpitaux, etc.) de disposer d'une certaine autonomie administrative, avec leurs propres organes de décision et un budget autonome. C'est une façon d'externaliser le service public. La collectivité de rattachement assure néanmoins un pouvoir de contrôle.

· La décentralisation territoriale permet à des représentants élus (Conseil régional, Conseil général ou Conseil municipal) de régler des affaires administratives. Le préfet dans certains pays ou le délégué est chargé de vérifier la légalité des décisions prises par les autorités locales.

principe de subsidiarité et de suppléance ; S'agit-il de la concurrence et/ou de la coopération non seulement entre les collectivités décentralisées ellesmêmes, et aussi entre ces dernières et l'échelon supérieur de gouvernement ?

En réalité, diverses combinaisons d'organisation des États sont pratiquées : Des États fédéraux centralisés, des États fédéraux décentralisés, des États unitaires centralisés, des États unitaires décentralisés, et mêmes des États semi fédéraux. Cependant quand il s'agit de préciser le degré de décentralisation, trois (3) types d'arrangements institutionnels sont généralement évoqués:

· La déconcentration : Transférer des responsabilités du niveau central à ses représentations situées dans les régions (généralement en dehors de la capitale). La déconcentration sert à accélérer, à rendre plus opérationnel et plus efficace l'action de l'administration central au niveau local. Les services excentrés ne constituent que de simples relais administratifs subordonnés à l'autorité centrale. Pour parodier Odilon Barrot, homme politique français (1791 - 1873), la déconcentration `'c'est le même marteau qui vous frappe sur la tête avec un manche plus court».

· La délégation : Transfert de pouvoir et de responsabilité de l'Etat central à des entités généralement semi-autonomes (entreprises publiques, agences, etc.) évoluant dans un domaine de responsabilité spécialisée. L'État central ne

La subsidiarité est le caractère de ce qui est subsidiaire (ce qui va au renforcement de l'élément principal). Dans le domaine de gestion politico-administrative, la subsidiarité est le principe selon lequel une responsabilité doit être assumée (une tache doit être exécutée) par le plus petit niveau d'autorité publique compétent pour le faire. C'est la recherche du niveau le plus pertinent et le plus proche possible des citoyens. Il convient donc de ne pas permettre à un échelon plus élevé d'accomplir ce qui peut être exécuté avec le même degré d'efficacité à un échelon plus bas. Le niveau supérieur plus élevé n'interviendra que si le problème dépasse les capacités du niveau inférieur au nom du principe de suppléance : Par ce principe le niveau supérieur a le devoir de soutenir la plus petite entité seulement quand et si des problèmes de responsabilité publique excèdent les capacités de la plus petite entité dans les limites du principe de subsidiarité. En principe, les principes de subsidiarité et de suppléance visent la recherche du niveau pertinent, le plus efficace et efficient d'action publique, dans le cadre du respect de la loi et des compétences partagées.

contrôle pas directement ces entités semi-autonomes, car celles-ci jouissent d'une personnalité morale et ont budget autonome. Cependant elles sont légalement tenues de rendre des comptes au gouvernement central (décentralisation fonctionnelle). Ainsi les collectivités locales aussi peuvent être habilitées à offrir certains services bien précis qui leur sont délégués par l'échelon du gouvernement supérieur.


· La dévolution : Transfert de compétences et de responsabilités à des personnes morales de droit public élues par les administrés (décentralisation

territoriale en France). La dévolution désigne le niveau de décentralisation il y a la délégation des responsabilités et des ressources à des autorités

infranationales autonomes qui sont responsables, en principe, devant les citoyens des Collectivités Territoriales concernées à travers des conseils élus. En ce sens, les Collectivités Territoriales décentralisées jouissent du principe de libre administration (une certaine autonomie de décision et de budget propre) sous la surveillance d'un représentant de l'État, qui exerce la fonction de l'autorité de tutelle (sans être un supérieur hiérarchique) afin d'assurer uniquement le contrôle de légalité des actes émis par les Collectivités Territoriales. Ce, étant la contrepartie nécessaire du principe de libre administration des collectivités et consacrant le caractère unitaire de l'État.

Tableau II : Comparaison des trois degrés de décentralisation

Types

Responsables politiques

Responsables de l'exécution

Origine du financement

Déconcentration

Élus nationaux

Agents du gouvernement central

Budget national

Délégation

Élus nationaux
Et Élus locaux

Agents du gouvernement local supervisés par des employés du gouvernement central

Budget local, avec ou sans paiements

contractuels de l'État central, venant du

budget national ou local

Dévolution

Élus locaux

Agents du gouvernement local (incluant des corps d'employés nationaux)

Budget local : impôts

et taxes et /ou transferts de l'État central venant du budget national

Source : Tiré et adapté de `'La Décentralisation Dans Les Pays En Développement», Mohamed MOINDZE, p.56

Les premiers régimes de gouvernement humains sont en grande partie dominés par la centralisation comme méthode d'organisation unique qui attribue l'ensemble de pouvoirs de décision et des tâches administratives sur tout le territoire national à l'État qui agit à partir des commandes hiérarchiques et unifiées. Par la centralisation, l'État s'impose- à la population et sur tout le territoire national- comme le garant du centre unique d'impulsion politique qu'il soit dans une monarchie où le roi cherche à consolider l'unité de son royaume ou dans un pays communiste où le parti unique cherche à empêcher les fractions ou à combattre l'insubordination. Cependant, dès la moitié du 20ème siècle, la centralisation se porte naturellement vers son paroxysme jusqu'à succomber sous son propre poids. En accumulant, en entassant sur sa tête toutes les affaires de la nation, l'État unitaire centralisé se voit contraint de demander de l'aide en responsabilisant d'autres acteurs et échelons du territoire.

III.2- THEORIES NORMATIVES DE LA DECENTRALISATION

L'incapacité du keynésianisme à résoudre la crise économique des années 50 a occasionné, notamment aux États Unies et en Grande Bretagne, la naissance du néo-libéralisme qui s'est traduit en une véhémente réaction théorique et politique contre l'interventionnisme des Etats centralistes tombés en crise. La crise économique d'alors était multidimensionnelle. L'économie tournait au ralenti. La croissance était quasiment nulle. L'État centralisé et interventionniste devenait plus qu'une structure de production de pauvreté et de misère sociale. L'injection des fonds publics- pour tenter de résorber la crise à la keynésienne- poussait l'État davantage à la faillite. Les économistes libéraux ont donc remis en cause l'appareil d'État dont la bureaucratie est accusée d'entrave à la productivité et aux entreprises privées en tuant toute initiative personnelle et en déresponsabilisant les populations et territoires du pays. Les tenants néolibéralistes ont donc sommé l'État centralisé de se décentraliser en abandonnant son interventionnisme malsain et en remplaçant ses gigantesques plans globaux et collectifs par des politiques d'ouvertures et de privatisation.

Cependant, c'est vers les années 60 et 70 que les projets de reformes- dominées par la régionalisation et la décentralisation - ont été effectivement débattus et mis en application à travers différents niveaux de planification globale de territoire national. Le passage d'une organisation centralisée à une organisation libérale de l'État a consacré la décentralisation comme stratégie de sortie de crise.

Comme stratégie, la décentralisation a permis de recadrer l'idéologie interventionniste et de restructurer les politiques publiques. Les néolibéralistes- dont le crédo est `'moins d'État pour plus d'autonomie''- ont non seulement invité l'État à transférer certaines de ses compétences jusqu'alors jalousement gardées, mais aussi à régionaliser les divers territoires composant le territoire national. Ainsi selon les économistes néoliberalistes, les territoires régionalisés, ayant reçu des pouvoirs et compétences de l'État, seraient mieux aptes à faire fructifier leurs propres croissances et contribuer à la croissance globale.

Les explications, interprétations et recommandations venant de la tendance néolibéraliste ont permis d'élaborer un ensemble de théories dites normatives de la décentralisation dont D.A. Rondinelli53 est l'un des principaux tenants. Ces théoriciens posent la décentralisation comme un préalable à la stabilité, à la démocratie et au développement. Les vertus de la décentralisation s'expliqueraient par sa capacité à rapprocher autorités et citoyens, à institutionnaliser la participation citoyenne locale, à mobiliser les ressources locales pour des objectifs de développement économique tout en facilitant une gestion transparente et efficience des ressources.

Selon les théories normatives basées elles-mêmes sur la théorie du choix public, un individu est à même de percevoir lui-même si les biens publics locaux fournis répondent à ses préférences. Elles soutiennent que dans le cas d'un choix suffisamment libre, la fourniture de certains biens publics est économiquement plus efficace lorsqu'un grand nombre d'institutions locales sont engagées que lorsqu'un gouvernement central s'impose comme unique fournisseur. Un éventail de fournisseurs locaux offre aux citoyens plus de possibilités de choix. La décentralisation, particulièrement pour Steinich,54 serait donc mieux adaptée aux besoins locaux, du fait que la proximité géographique de la population permettrait une meilleure identification des besoins.

Les théoriciens normatifs avancent que la concentration des services soulèverait une kyrielle de problèmes et réduirait le degré de la satisfaction des consommateurs. Bon nombre de ces obstacles pourraient être surmontés grâce à la décentralisation qui permettrait de soulager les populations en fournissant les biens et services de manière efficace et sérieuse le fait que les autorités seraient plus engagées dans les structures décentralisées, car elles posséderaient plus de pouvoir.

53 Rondinelli, Dennis, A., Privatization and Economic Reform in Central Europe: The Changing Business Climate, Quorum Books, 1994

54 Steinich, M. 2000. Monitoring and Evaluating Support to Decentralisation: Challenges and Dilemmas. (ECDPM Discussion Paper 19). Maastricht: ECDPM.

III.3- THÉORIES DESCRIPTIVES DE LA DÉCENTRALISATION

Si pour les théoriciens normatifs, la décentralisation contribuerait au

développement socio-économique, un éventail d'autres théories dites descriptives soutiennent et tentent de démontrer empiriquement que dans les pays en développement la décentralisation n'a pour ainsi dire aucun effet incitatif sur le développement. Selon eux, la décentralisation a compromis la stabilité macroéconomique dans les pays où les impôts et taxes, les dépenses et les emprunts infranationaux sont excessifs et que les administrations centrales n'arrivent pas à contrôler la situation. Ces pays, comme Mali, deviennent incapables de remplir leur mission de gestion macroéconomique. Les difficultés compliquent alors l'atteinte de la réalisation des objectifs de politique publique et sociale.

Une étude de l'OCDE effectuée en 2004 a montré que la décentralisation avait provoqué peu d'amélioration en termes de réduction de la pauvreté dans un tiers de pays. Les chercheurs ont constaté que dans les pays où l'État est incapable de remplir ses fonctions de base et où, au départ, les inégalités sont criantes, il existe un risque réel que la décentralisation aggrave paradoxalement la pauvreté (Jütting, et autres, 2005, p.2-3).

Des recherches empiriques- dans divers pays en développement comme au Mali et au Niger55- ont démontré que les politiques de décentralisation en cours seraient réalisées sous les contraintes des donateurs internationaux. Ces derniers imposeraient la décentralisation comme stratégie pour résoudre les problèmes politiques liés à la gestion et à la redistribution des ressources nationales, ou encore pour faire accroître la participation citoyenne dans la gestion des affaires locales ou du processus de développement.

Ces programmes de décentralisation ne prendraient rarement en considération le rôle traditionnel des communautés locales. Or dans le cadre du développement, il serait important de

tenir compte de la capacité des communautés locales étant un complément des institutions nationales. Les décisions locales peuvent être meilleures si les pouvoirs locaux adoptent une vue d'ensemble, tout comme les décisions au niveau central peuvent être meilleures si les autorités centrales prennent en compte les spécificités des réalités locales. Au fur et à mesure que la décentralisation s'effectuerait en s'alignant à la fois sur les priorités locales et nationales, elle aurait plus de capacités à devenir un vecteur capable de servir d'impulsion vers un mode de développement qui donne aux communautés locales les responsabilités qu'il faut.

Contrairement à ce que ferraient croire les puissances occidentales, la décentralisation comme instrument de redistribution des pouvoirs socio-économiques et politiques ne serait efficace que très rarement dans les pays en développement. Elle serait même de nature à causer des pertes d'économies d'échelle et d'effritement du contrôle de l'État des maigres ressources financières dans ces pays. La faible capacité administrative ou technique au niveau local des pays en développement entraînerait généralement la baisse du degré d'efficacité et de rendement dans la fourniture des services de base. Le plus souvent les responsabilités administratives sont transférées à des niveaux locaux sans les accompagnements techniques ni les ressources financières nécessaires, ce qui entrave la répartition ou la fourniture équitable des services sociaux de base. Souventes-fois la décentralisation rend même plus complexe la coordination des politiques nationales et favorise des élites locales à s'emparer du pouvoir au détriment de la majorité des citoyens et citoyennes. Dans le cadre de certains programmes de décentralisation, il est courant que les méfiances éprouvées entre les autorités locales (secteur public) et les citoyens (secteur privé, société civile) minent la coopération préexistante.

De manière générale, des recherches ont prouvé que la décentralisation apporte pleins d'effets « pervers », particulièrement dans les pays en développement où les lignes de démarcation des rôles et des responsabilités des différents échelons administratifs ne sont pas clairement définies. Il y a alors risque de dilution de responsabilités faute d'un manque de clarification des compétences à chaque niveau de l'administration. La décentralisation peut aussi créer des déséquilibres au niveau national à cause de choix politiques différents ou contradictoires et des ressources réparties inégalement ou sans équité. Ces risques auraient pour conséquence un creusement des disparités entre les différents territoires. Par exemple, dans un pays caractérisé par des disparités régionales au niveau des activités et des revenus, certaines

régions sont naturellement plus riches que d'autres et les bases d'imposition par habitant se différencient d'une collectivité à une autre. Si c'est un pays d'État centralisé, une telle situation n'aurait pas d'incidence majeure, même si les collectivités les plus riches contribuent davantage (par habitant) au budget national. Tandis que les incidences seraient lourdes dans un État décentralisé, puisque les collectivités décentralisées « mal dotées » auront d'énormes difficultés à boucler leur budget s'il n'y a pas un mécanisme de péréquation fonctionnel.

III.4- PRINCIPES DE REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES ECHELONS DE GOUVERNEMENT

Le point de départ de toute politique de décentralisation est la définition claire des compétences au sein de divers niveaux de l'administration publique. Cette politique détermine qui, de l'autorité centrale ou des autorités locales, est mieux placée pour exercer telle ou telle compétence sous peine d'avoir des résultats contraires. Car toute mauvaise définition des responsabilités provoquera une mauvaise définition des ressources correspondantes ; des responsabilités vagues conduiront les autorités locales à s'investir dans des projets fantaisistes ou populistes à des résultats à court terme plutôt que dans de projets durables ayant un impact positif sur les conditions de vie des citoyens. Toute mauvaise définition des compétences provoquera immanquablement une dilution des responsabilités.

Les principes pour la répartition des compétences entre l'État central et les collectivités établis par les Institutions International (dont l'ONU, l'OCDE) de manière fondamentale stipulent que : (i) doivent être décentralisées toutes les activités de proximité, celles qui visent à satisfaire des besoins locaux ou/et qui font appel à des sources d'information ou des acteurs locaux pour leur mise en oeuvre ; (ii) doivent rester au niveau central celles qui mettent en cause l'indépendance du pays, l'environnement général des personnes ou des principes fondamentaux comme l'égalité devant la justice.

Tableau III: Critères de (dé)centralisation

Critère

Décentralisation

Centralisation

1

Préférence(s)

Hétérogène(s)

Homogène(s)

2

Économie d'échelle

Non

Oui

3

Effets de débordement

Non

Oui

4

Effets d'encombrement

Oui

Non

5

Coûts de décision

s'ils augmentent en fonction de la taille du

groupe

s'ils baissent en

fonction de la taille du groupe

Source : Auteur

1- Dans un pays où il y a des communautés partageant des préférences hétérogènes par rapport à un ou un groupe de services, le niveau de la qualité des services peut être plus efficace si les autorités locales de chaque communauté se trouvent responsabilisées avec les ressources qu'il faut pour adapter la desserte des services en prenant en compte les particularismes locaux. Les préférences homogènes, c'est-à-dire les préférences supra communautaires, peuvent être prises en compte par le niveau supérieur de gouvernement.

2- Le critère d'économie d'échelle correspond à la baisse du coût unitaire d'un produit qu'obtient une entreprise en accroissant la quantité de sa production. Il s'agit d'économie d'échelle si chaque bien produit coûte moins cher à produire lorsque les quantités

produites ou vendues augmentent. En présence d'externalités techniques et d'économies d'échelle, la centralisation devient nettement plus efficace que la décentralisation.

3- Le critère de débordement concerne les externalités territoriales positives s'agissant d'effets de débordement qui constituent les effets qu'une décision d'un territoire A, de fournir un service collectif, pourraient avoir sur les agents résidant en un territoire B, sans que ces derniers ne participent au processus de décision et au financement du service en question. Les effets de débordement peuvent être positifs ou négatifs. On distingue :

· L'effet de débordement de production intervient lorsque la production dans un territoire A provoque des effets sur les autres territoires limitrophes sans que ces dernières aient participé à la décision ou paient une partie du coût.

· L'effet de débordement de consommation intervient lorsque, un bien produit par le territoire A, peut être consommé par des résidants des territoires limitrophes qui se déplacent en A pour bénéficier de la prestation sans payer et sans qu'il soit possible de les exclure.

Donc, les services à effets débordant deviennent plus efficaces s'ils tombent dans les champs de compétences du niveau supérieur de gouvernement.

4- L'inverse de l'effet de débordement est l'effet d'encombrement qui constitue celui des externalités territoriales négatives. Pour exemplifier les effets d'encombrement, Dafflon et Madies se servent des mouvements pendulaires entre territoires permettant aux dits pendulaires de bénéficier des services du territoire de destination. Si la qualité de la consommation d'un service collectif dépend du nombre des consommateurs, leur surnombre peut causer, à partir d'un seuil, un encombrement coûteux. L'encombrement entrainera une perte pour le territoire producteur si les pendulaires ne tiennent que des

coûts moyens, sans tenir compte des coûts marginaux que leur passage provoque et que les membres du territoire d'accueil doivent subir. En cas d'encombrement, il serait mieux que chaque territoire prenne en charge la demande de ses membres qui bénéficieraient du même niveau de service sans entrainer le déficit pour les autres territoires.

5- Pour une population donnée, la structure optimale du secteur public serait la division en autant de séries de groupes, et de dimensions qui exigerait l'offre de services collectifs locaux. Chaque série garantirait une correspondance parfaite entre la dimension économique du service collectif et la dimension du groupe qui en assumerait la responsabilité budgétaire, le maillage fonctionnel serait alors identique au maillage institutionnel. Cependant, l'adhésion d'un utilisateur à une multitude de groupes (en fait : autant de groupes dont qu'il consomme au moins un service collectif) entraînerait des coûts élevés de décision, parce qu'il devrait participer à autant de processus de décision que l'organisation de l'offre de services collectifs requiert. Parmi ces coûts, on mentionnera:

· les coûts d'élection des organes exécutifs de chaque groupe;

· les coûts administratifs d'organisation et de gestion de l'offre;

· les coûts de l'information des participants qui décideraient des budgets.

Par exemple, un consommateur bénéficiant 50 services collectifs, il devra effectuer 50 fois la même démarche, qui consiste à s'informer sur le fonctionnement de chaque institution délivrant un service collectif. En d'autres termes, l'utilisateur appartenant à autant de «clubs« qu'il consomme de service collectif. Il se trouve dans une position qui rend impossible une participation active aux décisions. Pour faciliter, on pourrait confier à un seul groupe les tâches qui exigent approximativement une même dimension. Le groupe, de dimension n'offrirait pas qu'un seul service, mais un panier de trois services collectifs. Le consommateur n'aurait alors à se préoccuper que d'une seule procédure de décision au lieu de plusieurs.

III.5- DYNAMIQUE DU SYSTEME DE GOUVERNANCE POUR LE DEVEVELOPPEMENT LOCAL

Etymologiquement, les deux mots « gouvernance » et « gouvernement » sortent du latin « gubernare » et du grec « kubernân », pour signifier « pilotage des navires ». « Gouvernance » est utilisé en Europe vers le 13ème siècle dans le sens de `'art ou manière de gouverner. Aujourd'hui, les deux termes ne recouvrent plus le même sens. Gouvernance est réutilisée au 18ème siècle par les philosophes des Lumières, pour évoquer l'ambition de l'association d'un type de gouvernement éclairé qui respecte les intérêts et les valeurs du peuple.

D'un autre coté, le terme anglais governance est utilisé au 14ème siècle pour évoquer le partage du pouvoir entre les différents corps constitutifs de la société anglaise. Depuis le terme governance tombe en désuétude avant d'être ressuscité par les économistes pour faire référence à l'ensemble des dispositifs mise en place par les entreprises pour mener des coordinations plus efficaces que le marché. Vers les années 80 dans le milieu anglo-saxon, corporate governance se traduit par gouvernement ou gouvernance d'entreprise, qui évoque la ferme volonté des actionnaires pour prendre part à la direction des entreprises. La notion de « gouvernance mondiale » ou global governance est employée dans le champ des relations internationales pour traduire l'ensemble des règles Communes mises en place pour parvenir à une régulation structurée de la planète.

Dans la foulée de la mondialisation et devant la nouvelle complexité économique, sociale et politique créée par l'émergence de nouveaux acteurs (secteur privé, société civile) et par l'interdépendance des différents niveaux de coordination (local, national, international), les formes traditionnelles de gouvernement se sont révélées incapables à coordonner les actions collectives. Ainsi et les États centraux et les Collectivités Territoriales sont remis en cause par rapport à leur gestion de la chose publique. C'est dans ce contexte et en réponse à cette nouvelle complexité croissante, que le terme gouvernance dans son acception à la fois économique et politique a émergé dès les années 80 pour symboliser la nouvelle manière par laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d'un pays au service du développement.

La notion de gouvernance telle qu'il est comprise dans le discours des institutions internationales comprend l'État, le secteur privé et la société civile, comme nouveaux acteurs dans la conduite des actions publiques, même si d'aucuns ne distinguent pas le secteur privé de la société civile. Devant le constat de l'incapacité des États dépassés du Nord et des États affaissés ou remaniés du Sud à résoudre les problèmes de société de toutes sortes, les institutions internationales brandissent la société civile comme à la fois échappatoire et souffle de redressement aux pouvoirs publics. Dans ce cas, la société civile comme notion est généralement évoquée comme si elle référait à une réalité ou une compréhension homogène. Ainsi est t-il est courant de constater des groupes antagoniques se réclamer de la société civile. Parlent t-ils le même langage ? Partagent t-ils les mêmes valeurs? Ont-ils les mêmes intérêts?

En effet, des groupes se réclamant de la société civile poursuivent des objectifs apparemment inconciliables, et utilisent mêmes des méthodes autodestructrices pour la consolidation des intérêts propres.

De nos jours, les ambigüités que charrie la notion de société civile tendent à confondre sinon à décontenancer la notion de pouvoirs publics qu'on croyait pourtant précise. Les champs de responsabilité de la société civile et les pouvoirs publics ne sont plus précis ou définitivement arrêtés. Par une certaine montée ou résurgence de la société civile, celle-ci tente de concurrencer les pouvoirs publics, les édictent le comportement à suivre ou tout bonnement les remplacer. Pourtant les pouvoirs publics résistent en utilisant leurs forces et/ou leur légitimité pour consolider les acquis et/ou reconquérir leurs anciennes attributions. Ainsi la guerre est entre les deux camps est-elle froidement, mais sévèrement, lancée. Mais au-delà des rapports de tensions qu'ils connaissent, la société civile et les pouvoirs publics ont entretenu et entretiennent encore des relations inséparables qui ne datent pas d'aujourd'hui.

III.6- JEU DES ACTEURS ET DES FACTEURS DE LA GOUVERNANCE

Historiquement la notion de société civile remonte à l'antiquité grecque, environs 2000 ans avant Jésus Christ. Désignée sous le thème grec koinonï politikè (société citoyenne) par Aristote, la société civile (du latin societas civis) réfère à :

`' Une assemblée sans hiérarchie dominante, composée de personnes partageant les mêmes points de vue, ce qu'on appelait encore « polis », c'est -à- dire une société citoyenne ou politique.''56

Mais cette société citoyenne ne reconnait pas les femmes, les enfants et les esclaves qui jouissent aucun droit de participation. Seulement les sujets masculins propriétaires peuvent décider pour défendre ensemble et mutuellement des intérêts communs sans l'interférence de l'État.

Si dès le XVI è siècle le vocable `'État» était répandu surtout par Machiavel dans le sens d'une `'organisation politique et juridique des hommes vivant sous un pouvoir commun souverain dans les limites d'un territoire déterminé», c'est au milieu du XVII è que le vocable `'société civile» a, particulièrement sous l'influence de Hobbes, pris le sens d'un `'corps créé par les hommes pour assurer leur sécurité, la paix et le bien être». Comprise par Hobbes et Pufendorf comme la `'société des citoyens», la société civile se fait l'équivalent de la société politique ou l'État.

Pour sa part, Locke met en évidence l'opposition entre société civile et état de nature décrit comme `'état de parfaite liberté et d'égalité naturelle en vertu de la raison». Selon Locke, la société civile est formée et instituée pour résoudre les problèmes causés par l'état de nature. Par rapport à la construction uniquement politique de Hobbes, Locke concède à la notion de société civile d'autres dimensions: En plus d'être une société politique en charge de la sécurité

56 Cvetek Nina et Friedel Daiber, Qu'est-ce que la société civile ?, Paris, 1985, p.6

des citoyens, la société civile devient tout aussi un ordre économique garant de la propriété et un ordre juridique garant de la protection des droits des individus. D'où la tendance de Locke à établir la distinction entre État et Société civile. Mais c'est dans l'oeuvre de Rousseau que cette tendance à distinguer les deux vocables est la plus évidente.

Sous l'influence de Locke, Rousseau différencie l'État de la société civile. L'État fait alors référence à la société politique issue du contrat social et la société civile devient le stade intermédiaire entre l'état de nature
·
et cette société politique. Rousseau fait de la société civile l'endroit de la propriété privée et associe la société civile à l'idée de civilisation:

`' Le premier qui ayant enclos un terrain s'avisa de dire : ceci est à moi... fut le vrai fondateur de la société».57

Avant de se transformer en État, la société civile est la société de l'homme civilisé qui développe les sciences et les arts. Si pour le philosophe l'État est le résultat du contrat social, la civilisation est l'état où règne la loi de la propriété et de l'inégalité. A ce niveau, il valorise la société politique produit des libres choix d'hommes au détriment de la société civile ou civilisée qui corrompt l'homme qui est dans la société politique un citoyen sans intérêts particuliers.

Hegel, de son coté, explique la société civile à travers une trilogie : famille, société civile et État. La famille se donne comme la communauté première, entité indivise où les besoins d'échanges ne sont pas présents. Une famille n'a pas besoin d'entrer en contact avec d'autres du fait que tout y est mis en commun. Dans la famille il n'y a pas d'individus, car tout bien appartient à tous, tout le monde a accès à tout. Ce n'est que l'éclatement de cette communauté première qui fait naitre le besoin d'échanges. La famille une fois éclatée permet l'apparition des individus. Ces derniers étant des personnes privées (séparées, isolées) entrent en échange à la

Union volontaire et accord mutuel d'hommes qui agissent librement dans le choix des gouvernements et des formes de gouvernements.


· C'est le règne des appétits instinctifs, de l'impulsion pure.

recherche des intérêts propres. Les individus- en développant les échanges sous la pulsion de leur égoïsme- forment la société civile. Celle-ci se caractérise par le fait que les individus ayant des rapports de travail et d'échanges se font membres d'une collectivité rien que pour satisfaire des intérêts particuliers. Cependant l'intérêt particulier n'est pas nécessairement incompatible avec l'intérêt général. L'individu en se visant lui-même pratique les échanges dont le développement- par une `'ruse de la raison» ou une `'main invisible,» pour répéter Adam Smith- lui donnerait l'opportunité de faire émerger l'éthique sociale.

Sans le savoir les individus réalisent une cohésion axée sur l'intérêt général. La cohésion familiale perdue est retrouvée au sein de cette nouvelle cohésion qui marque l'apparition de l'État. Sous l'émergence de l'État, les échanges économiques et sociaux entre les individus se convertissent en une utilité Commune. D'où la différence faite par Hegel entre le bourgeois qui agit en ne visant que lui-même et le citoyen qui agit en visant l'universel (l'intérêt général). L'État se différencie de la société civile bourgeoise. Dans celle-ci les individus essayent de tirer des avantages égoïstes tandis qu'à l'État les actions individuelles sont déterminées par l'intérêt de la collectivité dans son ensemble. Cependant, tout en s'opposant à la tendance de la société civile, pour se définir l'État s'appui sur les institutions de la société civile. Au lieu de détruire la société civile, dans la vision hégélienne, l'émergence de l'État confère aux intérêts privés une certaine légitimité.

Dans la conception contemporaine de la société civile, l'oeuvre du philosophe Habermas représente l'une des sources les plus consultées. Selon le philosophe, la société civile est sujet de l'opinion publique. Celle-ci n'étant pas la somme des opinions privées se forme en public et présuppose donc l'existence d'un espace public où les débats publics prennent place, où les différents arguments ou thèses sont avancés et débattus. L'opinion publique est donc une opinion formée par l'usage public de la raison. Le citoyen habermassien détenteur d'opinion publique se distingue du particulier qui s'occupe exclusivement des affaires privées. Le particulier se transforme progressivement en citoyen en contribuant à la formation d'une opinion publique et en se faisant entendre dans les affaires politiques.

Habermas refuse de fusionner la société civile et le secteur privé qui est le monde de marché, d'échanges et de production. La société civile se développe en même temps que le monde du marché, mais comme instance politique, elle est une réalité différente de celle du monde d'échanges. Lorsque les particuliers entre en contact pour échanger des marchandises et services, ils échangent parallèlement des informations, des points de vue et des émotions. Ainsi se forme peu à peu un public informé (voir éduqué) qui confronte par l'usage de la raison les composantes de la chose publique. Le public bourgeois s'engage dans la politique, non parce qu'il désire y participer, mais seulement pour préserver l'autonomie de l'espace privé, pour repousser l'empiétement du secteur public dans le secteur privé. Par rapport à l'État, selon Habermas l'opinion publique constituée progressivement joue un rôle de témoin ou d'arbitre dans la gestion de la chose publique.

Cette révision des pensées philosophiques et historiques a permis de mettre en évidence trois (3) principaux paradigmes pour penser les rapports entre la société civile, le secteur privé et les pouvoirs publics:

a. La Société Civile cherche à contenir les actions de l'État

Ici la société civile se comprend comme l'espace des échanges et des relations entre les acteurs non-étatiques. C'est la sphère des acteurs privés qui s'opposent à la sphère publique. La société civile s'autorganisant et s'autorégulant réclame la non-intervention des pouvoirs publics dans la sphère privée. Par une séparation stricte entre les citoyens et le gouvernement, la société civile pose le marché des échanges et non le contrat politique comme le principal régulateur de la vie sociale. L'intérêt général résulte de la multiplicité des intérêts privés allant dans tous les sens possibles et non d'un État superpuissant qui possède toutes les solutions. Le rôle des pouvoirs publics se confine particulièrement dans l'assurance de l'ordre public, dans la garantie des droits de propriété et de la libre concurrence.

La société civile et le secteur privé revendiquent la responsabilisation de l'individu et de sa libre participation dans la construction du bien-être général. Pour faire valoir leurs pensées et défendre leurs intérêts, sans vouloir exercer directement le pouvoir politique, les membres de la

société civile et du secteur privé se regroupent en associations, forums, chambres de commerce, et coalitions fortement structurés qui interviennent le plus souvent avec force auprès des pouvoirs publics pour infléchir les politiques publiques. A côté de la primauté du privé sur le public, du marché libre sur le système politique, les néo-libéralistes défendent la marchandisation de toutes les activités humaines et la globalisation des marchés.

b. La Société Civile construit des partenariats avec l'État

Devant le dépérissement de l'État, surtout sous le poids de la globalisation néolibéraliste, la société civile se pose comme un correctif au désengagement civique et à la désolidarisation citoyenne. Le démantèlement des communautés et la destruction des liens sociaux sont vus comme un effet direct du néolibéralisme économique et politique. La société civile se définit alors comme la sphère de la citoyenneté reconquise, des citoyens se concertant pour entrer en partenariat avec les pouvoirs publics afin de répondre aux besoins vitaux non satisfaits par l'État.

Les communautaristes définissent le `'bien commun» comme prioritaire aux intérêts privés et exigent que l'ensemble des valeurs traditionnellement partagées (des compétences communautaires) soient prises en compte dans la planification et la gestion de la chose publique.

Généralement, cette forme de société civile se manifeste à travers des associations, des organisations de base formées par des comités de quartiers ou des citoyens. Dans la majorité des cas, elles fonctionnent à but non lucratif. Les coûts et les risques sont souvent partagés par les membres qui tiennent les dirigeants responsables de la gestion des ressources.

c. La Société Civile s'élève contre la subjugation de l'État

Les tenants de ce courant de la société civile sont reconnus pour être des farouches opposants à la globalisation néolibéraliste. Ils jugent nécessaire de contrebalancer les appétits démesurés des acteurs néolibéralistes en instaurant un nouvel ordre mondial, un autre monde. La société civile devient une sphère d'équité et de solidarité où un ensemble d'acteurs (ou institutions) non

publics s'activent dans la lutte contre la domination des puissantes institutions internationales telles que FMI, BM, OIT qui oeuvrent pour un assujettissement des États faibles du monde aux idéologies néolibéliralistes. Celles-ci auraient pour visée une déconstruction de l'ordre globalitaire.

A cet effet, les altermondialistes appellent a une résistance citoyenne tant au niveau local qu'au niveau international a l'affaiblissement des État-nations, a la déresponsabilisation des citoyens face a leur avenir. Des citoyens libres sont appelés a défendre l'appropriation du monde par quelques oligopoles et politiciens qui trafiquent les aliments, qui transforment l'eau et l'air en marchandises, etc. Des femmes et des hommes libres doivent renforcer les pouvoirs publics en aidant a résister a la privatisation et la marchandisation des biens publics vitaux.

La société civile dans ses fonctions aide a comprendre, a critiquer, a résister et surtout a construire un ordre alternatif a la globalisation néolibéraliste.

Tout compte fait, la décentralisation telle que pratiquée dans divers pays participe au renouvellement de la problématique sur la séparation des pouvoirs au sein de différents types d'État et sur le mode de gouvernance pour le développement. Dans les pays développés la décentralisation a aidé plusieurs États a ne pas s'effondrer. La dérégulation ou privatisation notamment a permis a certains États de respirer mieux en dépensant moins et en gagnant plus de recettes. Elle a permis aux secteurs autres que l'État d'exploiter leurs ressources a fonds, a entreprendre de manière autonome sans compter sur l'État providence pour faire accroitre les richesses. Même si les crises économiques ont été résolues sans égards a la justice ou a l'équité sociale, la décentralisation a prouvé que le centralisme d'État ne pouvait que mener le développement socioéconomique dans l'impasse.

Cependant, dans les pays en développement, la décentralisation comme contrainte de bonne gouvernance, devient donc source de conflits, de déstructuration ou de désolidarisation sociale. Au lieu de devenir un vecteur de développement a l'instar de ce qu'elle est dans certains pays développés, la décentralisation se conçoit comme un véritablement goulot d'étranglement

du fait qu'elle cherche davantage à répondre à des standards internationaux que de chercher à résoudre les problèmes internes rencontrés. Les États faibles - se trouvant dans l'obligation de transférer certaines de leurs compétences sous les conditionnalités des grands bailleurs- se font réticents à transférer les fonds et l'appui technique nécessaires dans le cadre de la décentralisation effective.

PARTIE DEUXIEME
DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LE
CONTEXTE HAITIEN

PARTIE DEUXIEME : DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LE CONTEXTE HAITIEN

La méthodologie la plus appropriée reste et demeure celle qui prend en compte mieux l'objet sous étude en cernant ceci dans sa réalité immédiate, dans ses aspects et dimensions multiples. Pour ce, il importe pour le moment de contextualiser les théories et approches de la partie précédente dans le contexte haïtien en général et de la Commune de Croix-des-Bouquets en particulier.

Le chapitre IV expose la cadre institutionnel de la décentralisation et du développement local en Haïti en mettant en exergue la culture politique militariste et centraliste qui a caractérisé, jusqu'à date, toute l'histoire d'Haïti. Le cadre légal est aussi revisité afin de mettre en évidence les contraintes institutionnelles, les problèmes et flous juridico-légaux freinant le processus de la décentralisation et du développement local dans les Communes. Le chapitre V présente le profil sociographique et territorial de la Commune de Croix-des-Bouquets. Les défis et les opportunités identifiées ont permis d'affiner la problématique, et préciser les méthodes et techniques préalablement sélectionnés.

CHAPITRE IV : CADRE INSTITUTIONEL DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL

Arrivé à la problématique du cadre institutionnel de la décentralisation et du développement local en Haïti, on ne peut s'empêcher de demander : Quelles sont les premières tentatives de la décentralisation en Haïti? Pourquoi serait-on obligé de décentraliser ? Décentraliser pour quels objectifs ? A-t-on réussi le pari de la décentralisation en Haïti ? Quels en sont les mécanismes, les spécificités, les difficultés du développement local en Haïti? Quelle perspectives à en dégager ?

IV.1 DECENTRALISATION DANS LA CULTURE POLITIQUE HAÏTIENNE (1804- 2010)

En 1804, l'État haïtien nécessitait un fort degré de centralisation pour mener à bien la guerre de l'indépendance. Apres l'indépendance, il fallait encore construire une unité nationale très forte pour se défendre contre un éventuel retour des colons. Tout cela semble justifier l'excessive centralisation des pouvoirs et des ressources du nouvel État entre les mains des affranchis et des créoles qui ont remplacé sur l'échiquier politique et économique les colons français chassés ou massacrés. Cependant les bossales, sans pouvoir ni ressources, n'attendaient qu'un certain partage pour participer et jouir de l'indépendance péniblement conquise. Même si les deux groupes n'avaient pas la même compréhension de l'indépendance, toutefois le besoin d'une majorité (les bossales) de participer était explicitement bafoué par les créoles minoritaires. La minorité dirigeante, gênée par les légitimes revendications des masses, ne cesse de feinter une certaine ouverture pour l'intégration des éléments de la majorité en prônant l'égalité et la fraternité. Bien que l'article 3 de la Constitution de 1805 stipule que tous les haïtiens sont des frères égaux devant la loi, mais cela ne correspondait nullement à la pratique.

Les créoles, personnes nées à St. Domingue et formant l'élite du pays après la guerre de l'indépendance, contrairement aux bossales, personnes venues de l'Afrique à St. Domingue pour y travailler comme esclaves et formant la masse des paysans après la guerre de l'indépendance.

L'empereur Dessalines possédait à lui et les sujets de l'empire et le territoire de l'empire. Dans un empire un et indivisible, la centralisation était à son paroxysme. Le territoire était distribué six (6) divisions militaires. Chaque division était commandée par un général indépendant des autres et correspondait directement à l'empereur.

En dépit de cette centralisation à outrance, la Constitution de 1805 a laissé une infirmité de pouvoir à la Commune dans le domaine de l'administration de la justice. Contrairement à ce que Jean Rénol Elie peut faire croire la notion de Commune ne parait pour la première fois dans la Constitution de 181658. La Constitution de 1805, dans son article 46 a placé un juge de paix dans chaque Commune qui pouvait connaitre toute affaire ne dépassant pas cent gourdes. Au cas où une affaire dépasserait la somme fixée, elle devrait être prise en compte par le niveau de tribunal supérieur :

Article 46. - Il y aura un juge de paix dans chaque Commune. Il ne pourra connaître d'une affaire s'élevant au-delà de cent gourdes, et lorsque les parties ne pourront se concilier à son tribunal, elles se pourvoieront par-devant les tribunaux de leur ressort respectif.

Quoi qu'il en soit, aussi bâtards qu'ils soient, les principes de subsidiarité et de suppléance sont ici retrouvés. Cette remarque est d'importance, dans la mesure on l'on cherche à construire une sociogenèse de la décentralisation en Haïti.

C'est effectivement en 1816 que les Communes allaient devenir de véritables circonscriptions administratives en remplaçant les anciennes paroisses coloniales. En 1843, la Constitution du pays a consacré une grande marge d'autonomie aux Communes qui déjà étaient dirigées par des maires élus.

`'C'était déjà une avancée notable, même si le militarisme de l'époque ne portait pas les dirigeants à construire tous les instruments légaux nécessaires à l'exercice de l'autonomie communale59

Depuis l'idée de la décentralisation, notamment l'autonomie communale tantôt renforcée tantôt supprimée, a connu des hauts et des bas suivant les sensibilités des gouvernements qui se sont succédés. On notera la période de l'occupation américaine, partant de 1915, qui ne fait qu'accentuer l'autoritarisme étatique en instaurant une centralisation à outrance. Les occupants ont éliminé toute alternative en termes de forces armées, budgets, marchés, et ports d'exportation au profit de Port-au-Prince, le super centre. La montée du courant nationaliste en 1932 a donné une des réponses à la centralisation des occupants en élaborant une Constitution dont l'article 108 déclare expressément l'autonomie de la Commune. Trois années plus tard soit en 1935, la Commune tombe sous le contrôle de l'exécutif.

Ce `'jeu de balancier» (pour répéter Jean Rénol Elie), par rapport à l'autonomie de la Commune, traduit l'incapacité et la peur de l'État d'Haïti de se décentraliser. Cela se comprend rapidement, car en dépit du fait que la décentralisation constitue un mode de gestion dont les dirigeants n'ont eu aucune connaissance, mais aussi donner l'autonomie aux entités locales, leur donner la voie aux chapitres, c'était ouvrir la voie à la montée des revendications des masses. C'était, pour l'élite dirigeante, couper l'arbre sur lequel on elle s'asseyait. C'est pourquoi les avancées dans l'autonomisation des entités locales ne pouvaient pas être consolidées. Tout cela a donné le flanc à l'État duvalierien de prendre pied et de s'installer en 1957, soit deux (2) décennies plus tard.

La Constitution de 1957 a réduit l'autonomie des Communes à travers des habiles subterfuges :

Article 129. -- La Commune est autonome. Cette autonomie est réglée par la Loi.

Article 132. -- Le Conseil Communal administre ses ressources au profit exclusif de la Communauté et rend un compte détaillé et documenté de sa gestion au Pouvoir Central. II nomme ses fonctionnaires et employés sans intervention d'aucune autre autorité. II établit ses tarifs d'impôt et ses taxes pour en faire proposition de loi au Pouvoir Central qui peut y apporter les modifications jugées nécessaires.

C'aurait été une grande avancée dans l'autonomisation des Communes qui exerceraient largement leur autonomie financière et administrative en faveur du développement socioéconomique des populations, même si la reddition des comptes descendante (vers les citoyens) était cruellement sacrifiée au profit de la reddition des comptes ascendante (vers l'État central). Mais, le discours duvalierien perd toute sa cohérence dans le mensonge, dans le marronnage :

Article 133. -- II est crée dans les Départements, au besoin, dans les Arrondissements la fonction de Préfet.

Les Préfets sont des fonctionnaires civils qui représentent directement le Pouvoir Exécutif.

La Loi détermine leurs attributions et le lieu de leur résidence.

Dans chaque Circonscription Préfectorale, des «CONSEILS TECHNIQUES ET ADMINISTRATIFS D'ARRONDISSEMENTS» présidés par le Préfet et composés de techniciens tirés des cadres des Services Publics, sont institués pour contrôler les Conseils Communaux de la Circonscription.

contrôle, en préparent ou coordonnant les plans et programmes de développement et s'assurent de la parfaite réalisation de ces derniers par les «SOUS-CONSEILS TECHNIQUES ».

Les Communes étaient autonomes, mais contrôlées par le préfet et ses cadres qui dépendent directement du président de la république. De quel type de contrôle s'agit t-il ? Contrôle de légalité qui porte sur le caractère légal de l'acte, ou contrôle d'opportunité qui apprécie le bien fondé de l'acte ? S'il est impossible de répondre cette interrogation de manière précise, tout au moins on sait que les préfets ne pouvaient prendre soin des intérêts politiques, administratifs, économiques, sociaux et culturels des Communes qu'exerçant un fort contrôle hiérarchique à la manière de leur chef suprême, en la personne de François Duvalier. Si le préfet contrôle `'les intérêts politiques, administratifs, économiques, sociaux et culturels des

Communes» au nom de l'exécutif, qu'est qu'il reste au magistrat communal à contrôler ? sont les affaires locales, les intérêts propres de la Commune dont le conseil municipal est le

principal gestionnaire? D'ailleurs, les maires n'étaient responsables ni d'élaboration ni de l'exécution des plans et programmes de développement des Communes. Des magistrats élus étaient hiérarchiquement contrôlés par de simples employés de la fonction publique soumis aux caprices de l'exécutif.

La période des Duvalier (1915-1986) est la période de la centralité autoritaire brutale. Les dirigeants d'alors ont marronné l'autonomie des communales. Ils ont su infiltré les entités locales, par le biais des tonton-macoutes recrutés dans le milieu même, pour soumettre les citoyens paysans. Cet État s'est érigé- en défenseur des sans voix, en époux légitime et authentique de la cause des masses paysannes, fils et petit-fils des bossales - pour mieux leur réduire à la soumission, à la subjugation infrahumaine. Le régime des Duvalier vide les Communes et les sections communales de leurs ressources tant humaines que matérielles. Au lieu de faire avancer l'autonomisation des Communes, la dictature a réutilisé et renforcé la formule des préfectures pour terroriser les populations locales.

A partir des années 1980, sous l'effet de crise du duvaliérisme, du pourrissement d'un État sectaire et mafieux, on a assisté la manifestation des groupes non-clandestins, des organisations sociopolitiques, des communautés de citoyens professionnels qui publiquement revendiquaient les droits civiques, politiques, économiques, sociaux et culturels. Des populations -sans le droit de participer à la vie politique, sans accès au logement, ni à l'éducation, ni aux soins de santé- se sont mobilisées dans les milieux urbains et ruraux pour créer une mouvance populaire qui contribuera irréparablement en 1986 à la chute d'une dictature de père en fils vielle de 29 ans
·
.

`'Pour instaurer un régime gouvernemental basé sur les libertés fondamentales et le respect des droits humains, la paix sociale, l'équité économique, la concertation et la participation de toute la population aux grandes décisions engageant la vie nationale, par une décentralisation effective».

Selon la lettre et l'esprit de la Constitution, le peuple haïtien a choisi la décentralisation comme stratégie pour refonder l'État et établir un schéma participatif entre celui-ci et la population de différentes collectivités du pays. La Constitution de 1987 a consacré l'autonomie politique, administrative et financière des Collectivités Territoriales reconnues au nombre de trois (3) : la Commune, le Département et la Section Communale. Cela constitue la plus grande avancée de la République d'Haïti en termes de démocratie locale participative et de lutte contre une République autoritaire et centralisateur depuis sa naissance en 1804.

Dans les années 60 - 70, la société civile haïtienne se composait en principe des groupes clandestins et de sorte de guérillas anti-duvaliéristes. La Constitution d'alors ne garantissait pas les libertés sociopolitiques des citoyens.


· Le changement de l'ordre politique et économique international- l'effondrement du communisme, la globalisation de l'économie (privatisation, intervention minimale de l'État, l'ère de la démocratisation, etc.)- a précipité la fin de la dictature qui ne servait plus les intérêts américains contre le communisme.

Extrait du préambule de la Constitution de 1987

VI.2 DECENTRALISATION DANS LA LEGISLATION HAÏTIENNE A PARTIR DE 1987

La Constitution de 1987 a tracé, depuis son préambule60
·
, le mécanisme méthodologique et institutionnel de la décentralisation, particulièrement, à travers les articles 61, 63, 66, etc. (voir annexe II).

La Constitution a crée donc de nouvelles institutions et donné de nouvelles orientations à d'autres. Elle établit pour la première trois niveaux de Collectivités Territoriales (CT) et des instances hautement participatives (les assemblées, les conseils de développement, etc.) Conformément aux principes de la décentralisation, sont partagées certaines compétences comme l'éducation, la formation professionnelle, l'administration de la justice, la gestion des biens fonciers du domaine privé de l'État, la planification du développement, etc. Certaines compétences partagées sont explicites, d'autres sont implicites (voir annexe III) :

La décentralisation, en droite ligne aux textes de loi haïtiens, se caractérise par le transfert de compétences et de pouvoirs en faveur des Collectivités Territoriales autonomes jouissant de la personnalité juridique (voir annexe IV).

IV.3 DECENTRALISATION HAITIENNE AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT LOCAL

Depuis Mars 1987, la Constitution prévoit que le mode d'organisation et de fonctionnement des Collectivités Territoriales soit réglé par la loi (art. 63, 69, 82). Mais ce n'est qu'en 2006, soit 19 ans après, que soit publié un arsenal de cinq décrets ayant pour objectif de


·
60 idem

Même si la Commune jouissant de personnalité morale dans des constitutions antérieures comme celle de 1843, mais c'est en mars 1987, à partir de la nouvelle constitution, que la Commune devient une collectivité territoriale dans le sens plein du terme avec ses nouvelles attributions.

fixer le cadre général de la décentralisation, de l'organisation et du fonctionnement des Collectivités Territoriales départementale, communale et de section communale, crées par la Constitution.

Si la décentralisation, comme stratégie a été choisie par le peuple haïtien, pour instaurer un régime politique basé sur les droits de l'homme, la justice sociale, l'équité économique, la concertation et la participation stratégique de toute la population, c'est le décret fixant le cadre général de l'organisation et du fonctionnement des Collectivités Territoriales qui allait spécifier les objectifs spécifiques de la décentralisation. Ces objectifs sont au nombre de trois (3)61 :

(i) La fourniture adéquate des services publics à la population ;

(ii) Le développement local ;

(iii) Et la démocratie participative.

Pour faciliter le développement local et la participation citoyenne, le décret a mis en place un Conseil de Développement (CD) dans chacune des Collectivités Territoriales. Le CD est composé des autorités locales, des représentants des secteurs de la Société Civile locale enregistrés dans le Conseil de la Collectivité, des techniciens de l'administration déconcentrée, et des représentants des ONG ou OI oeuvrant dans la collectivité Le CD constitue l'instance participative par excellence pour la prise des décisions, la planification, l'exécution et le suivi des actions de développement de la collectivité. 62

61 Décret cadre-général de la décentralisation, de l'organisation et du fonctionnement des Collectivités Territoriales haïtiennes, 2006, Port-au-Prince, Article 1

62 Idem, Article 58

Les citoyens et citoyennes ayant besoin suffisamment d'information et de formation pour participer à la vie collective, sont censés être régulièrement informés des décisions prises par es organes des CT. En plus, ils ont le droit de participer aux séances des Assemblées et le libre accès aux documents (budgets, projets, plan de développement, etc.) traitant de la vie collective. Les Conseils peuvent consulter les citoyens et citoyennes pour toutes les affaires locales sous forme de referendum. Dans le cadre de la loi, les habitants d'une collectivité peuvent faire valoir leurs positions sous la forme de pétitions adressées aux organes des CT. Les Conseils des CT sont contraints par la loi de mettre en place des structures de participation, de concertation regroupant divers secteurs et espaces géographiques- en protégeant particulièrement les secteurs marginalisés- afin de d'établir une gouvernance locale participative. 63

Les citoyens et citoyennes sont donc en position de participer et d'exiger la reddition des comptes de leurs élus locaux qui sont chargés, au travers des institutions qu'ils dirigent, de fournir les services publics de proximité à la population. Les citoyens et citoyennes exercent leur contrôle sur la gestion des affaires locales des CT au moyen des Assemblées qui regroupe des représentants des associations de quartiers reconnus par les Conseils des CT (Article 28, 29). Les Assemblées ont comme attributions, entre autres, de délibérer sur le budget, le plan de développement local, l'état d'exécution des activités du Conseil, la décision de convoquer des consultations locales sur des sujets relevant du ressort des CT.

Pour permettre aux CT de faire face à leurs charges et obligations courantes, les CT reçoivent la contribution des citoyens et citoyennes par le biais des recettes fiscales, des droits, des conventions, des revenus d'investissement, etc. (article 130). En plus des apports des contribuables locaux, les CT bénéficient des finances décentralisées de la République. Le budget national contient en principe une ventilation territoriale des dépenses où la différence est clairement établie entre les ressources alloués aux services déconcentrés et celles destinés aux CT (article 118). Vu la multiplicité des acteurs engagés dans le développement local au niveau

63 Idem, Article 82- 84

des CT, celles-ci reçoivent des financements additionnels en provenance des coopérations décentralisées, des ONG et des OI (article 119).

La stratégie participative mise en place par le décret cadre sur la décentralisation (2006) en Haïti s'aligne sur les prescrits de la Constitution (1987) qui établit les CT en trois piliers (article 61) emboités. Le Département est composé des Communes. La Commune est composée des Sections Communales. Par exemple, chacune des CT est censée mettre en oeuvre un plan de développement local dans le strict respect de l'unité nationale et des Lois de la Républiques (Article 3). Par cette structure d'emboitement, d'aucuns pensent qu'il serait impossible de parler des affaires locales car :

`'Chaque citoyen, par son lieu de résidence, appartient à trois Collectivités Territoriales, en même temps. Chaque bâtiment, chaque équipement se trouvent sur le territoire de trois Collectivités Territoriales à la fois64''

Encore plus impossible d'envisager des plans de développement pour chacune des CT dans une logique de coordination efficace de la planification de développement national. Vu que chaque CT soit autonome et, par le fait même, capable de se doter des plans de développement qui ne s'aligneront pas nécessairement sur le pallier supérieur, en terme de division territoriale. Des auteurs pensent que la planification du développement local représente une difficulté épineuse en ce qui a trait à la coordination du développement de l'ensemble du territoire haïtien.

`' Additionnera-t-on les plans communaux, pour avoir ceux des départements ? Ou les départements réaliseront les leurs sans tenir compte de

ceux des Communes ? Comment procède-t-on pour la planification nationale

dans tous les cas, nous sommes en présence de problème sérieux.''65

Cependant, nous pensons que le problème soulevé par Elie ne se pose même pas, car ce même décret cadre (2006) que l'auteur cherche à critiquer stipule en son article 6 que :

`' Les Collectivités Territoriales ont les vocations respectives suivantes :

a) La Section communale est le premier cadre de regroupement, de mobilisation et de participation de la population. Elle est le premier niveau de prise de décision collective et de prise en charge directe des services publics de proximité, de planification et de gestion des ressources locales.

b) La Commune a pour vocation d'assurer la priorisation et l'harmonisation des intérêts collectifs des Sections communales qu'elle regroupe. Elle prend en charge les services collectifs de proximité dont la loi lui confie la charge ainsi que ceux qui pour une raison ou pour une autre ne peuvent pas être assurés par des Sections communales. Elle assure également la planification stratégique du développement et l'aménagement du territoire communal.

c) Le Département a pour vocation d'assurer la priorisation et l'harmonisation des intérêts collectifs des Communes qu'elle regroupe. Il coordonne la définition et la mise en oeuvre des politiques de développement et d'aménagement du territoire élaborées par les collectivités qui le constituent. Il concourt également à la définition et à la mise en oeuvre des politiques d'aménagement du territoire et de développement économique, social et culturel, au niveau national».

Par vocation, les CT sont inscrites dans un mode et un niveau de planification de développement précis. Pour expliquer ce mode de planification, il importe de préciser le concept

affaires locales qui renvoient aux affaires qui engagent seulement et uniquement une CT. Par exemple, les affaires locales de la Section Communale n'engagent que la Section Communale sans affecter fonctionnellement la Commune. Ce sont par exemple des problèmes qui affectent uniquement le bon fonctionnement de la Section Communale pendant que la Commune ou le Département continuent à fonctionner normalement. Pour être plus précis, la population d'une Section Communale peut avoir besoin d'un moulin de maïs ou d'une garderie pour enfants sans que ces besoins paraissent évidents pour la Commune. Le désenclavement des Sections Communales entre elles mêmes est une des affaires communales, cependant le désenclavement d'une Section Communale donnée vers une direction ou une autre reste une affaire locale propre à la Section Communale. De même une Commune peut ravagée par l'insécurité (des actes de criminalité, de banditisme, etc.) pendant qu'elle fait partie d'un Département réputé tranquille et sécurisé.

De par les vocations circonscrites, la Section Communale planifie son développement sur la base des ses affaires ou besoins propres. Toute affaire passant outre les besoins propres d'une Section Communale donnée, ou impliquant à la fois plusieurs Section Communales (supra section communale) tombe automatiquement dans le cadre de la planification communale. Ce qui est vrai pour une Section Communale par rapport à une Commune est tout aussi vrai pour une Commune par rapport à un Département, et d'un Département à une région.

Tout ceci est pour démontrer que les craintes de Renol Elie ne sont pas tout à fait justifiées à ce niveau. Le Plan de Développement de la Section Communal (PDSC) se base sur les affaires locales de la Section Communal, le Plan de Développement Communal (PDC) est tout à fait l'objet de priorisation et l'harmonisation des intérêts collectifs des Sections communales, et le Plan de Développement Départemental (PDD) doit refléter la priorisation et l'harmonisation des intérêts collectifs des Communes.

Les craintes d'Élie sont aussi injustifiées par rapport au fait que chaque citoyen ou chaque bâtiment qui- par son lieu de résidence ou de localisation- appartiendrait à trois Collectivités Territoriales à la fois. Car les lois du pays sont sans ambiguë là-dessus. Chaque citoyen sait ce qu'il doit à sa Section Communale, à sa Commune ou au Département suivant la transaction ou le problème administratif à régler ou encore les services à exiger.

Le décret cadre est encore plus claire dans son titre III, chapitre I traitant du développement et de l'aménagement du territoire. Il est précisé que les CT élaborent et exécutent leurs politiques et plans de développement dans le respect des grandes orientations de l'État (article 90). C'est dire que les CT étant autonomes, mais non indépendantes, ne sont pas libres de se doter des Plans de Développement sans tenir compte aucunement des autres paliers. En principe, les CT sont appelées à aligner leur Plan de Développement sur les axes prioritaires nationaux servant de niveau stratégique par rapport au niveau local estimé comme opérationnel.

Dans le domaine du développement et de l'aménagement du territoire, les compétences des CT sont clairement définies : La Section communale doit, entre autres, élaborer son plan de développement; participer à l'élaboration du plan de développement et du schéma d'aménagement de la Commune ; participer à la construction et à l'entretien des routes vicinales; entretenir la voirie, les places publiques et de loisirs. La Commune doit réaliser le zonage de son territoire ; élaborer son PDC et schémas d'aménagement communaux et urbains, construire la voirie ; établir et exécuter des plans de lotissement, délivrer les autorisations de construire, des certificats de conformité, réglementer la circulation urbaine, construction des places publiques, des espaces de loisirs, des infrastructures d'assainissement, etc. Le département doit élaborer, entre autres, son Plan de Développement et Schéma d'aménagement et participer à l'élaboration du Schéma d'aménagement du territoire national.

Par exemple, les impôts locatifs sur les résidences sont réglés par la Mairie et la DGI. Suivant l'ampleur d'une affaire le citoyen va au tribunal de paix, au parquet ou au tribunal de première instance, voire directement au palais de justice. Des affaires sont réglées par un sous-commissariat, d'autres ne peuvent être traitées que par le Commissariat.

Le développement local, comme signalé avant, n'est pas seulement l'affaire des CT. L'État devrait mettre en place un ensemble de mécanismes et de structures pour encadrer les CT. Les fonctions de celles-ci, dans le cas d'Haïti, se révèlent importants pour appréhender les contours du développement local dans le pays.

IV.3.1 Instances d'encadrement et de régulation du processus de développement local en Haïti

La présentation des instances qui encadre le processus du développement local exige que soit pris en compte un CT spécifique afin de limiter notre propos, car toutes les CT n'ont pas les mêmes relations avec toutes les institutions participant au processus de leur développement. Dans le cadre de notre communication, la Commune reste le pallier privilégié des CT.

La Commune est dirigée par le Conseil Municipale (CM) ou Conseil Communal, comme organe exécutif chargé d'exercer les compétences et les attributions propres de la Commune, et d'administrer le patrimoine et les ressources de la Commune sous le respect des attributions de l'Assemblée Municipale (AM) qui est l'organe de délibération et de contrôle. Le CM entretient des relations de collaboration et de coordination avec le Conseil d'Administration de Section Communale (CASEC) et le Conseil Départemental qui assiste le CM, assure la suppléance en cas vacance, finance des projets, et règle certaines allocations au profit de la Commune.

Conformément à l'esprit de la Constitution, la décentralisation est accompagnée d'une déconcentration adéquate des services de l'État afin de renforcer les capacités d'action des CT. Par le principe de suppléance, les services publics de proximité dont les CT ne peuvent assurer, faute de capacités, sont automatiquement pris en charge par la CT supérieure ou par l'État (Décret cadre de la décentralisation: article 4 et 5). Ainsi tout un ensemble d'institutions étatiques interviennent directement ou in directement pour collaborer et coordonner avec la Commune :

 

Contrôle de tutelle ou de légalité des Collectivité Territoriale

Selon le décret du 17 Mai 1990, la mission du Ministère de l'Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICTDN) est de définir et de concrétiser la politique du pouvoir exécutif en ce qui concerne l'Immigration et l'émigration, la protection civile et la tutelle des Collectivités Territoriales. Le MICTDN, à travers sa Direction des Collectivités Territoriales (DCT), constitue le lien administratif et technique privilégié entre l'État et les Collectivités Territoriales. Ainsi le MICTDN pilote la politique de l'Exécutif dans le domaine de la décentralisation, de la déconcentration des services administratifs de l'État et du développement local.

La DCT défini les règles de fonctionnement et l'organisation des Collectivités Territoriales, veille à la répartition des compétences entre l'État et les CT et celles transférées à celles-ci. La DCT organise et élabore conjointement avec les autorités concernées le programme de renforcement technico-administratif des CT, participe à l'exécution dudit programme, à la préparation des budgets, à la réforme de la fiscalité locale, et collabore étroitement avec toutes les autres institutions impliquées dans le processus de décentralisation et du développement local.

Les deux organes de Délégation placés sous la tutelle du MICTDN sont définis par la Constitution de 1987 dans ses Articles 85 et 86 :

Article 85 : » Dans chaque Chef-lieu de département, le Pouvoir Exécutif nomme un Représentant qui porte le titre de Délégué. Un Vice-Délégué est également nommé dans chaque Chef Lieu d'arrondissement».

Article 86: `'Les Délégués et Vice-Délégués assurent la coordination et le contrôle des Services publics et n'exercent aucune fonction de police répressive».

Les Délégations et Vice-délégations participent au contrôle de tutelle sur les CT. Représentation du pouvoir exécutif et délégataire de ministère, et donc du MICTDN, la Délégation (et vice-délégation) est une structure de proximité qui permet d'encadrer les CT. Le Délégué constitue l'interlocuteur privilégié des élus locaux et du MICTDN. La Délégation assure le contrôle de légalité a priori et/ou à posteriori des actes financiers des Communes à travers les Contrôleurs Financiers Territoriaux (CFT).

 

Système de planification du développement local

Le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE) a pour mission d'élaborer des plans de développement national, d'améliorer les systèmes de planification afin de permettre l'utilisation maximale et optimale des ressources disponibles pour un développement économique et social harmonieux (décret du 6 avril 1989). Ses principaux champs d'intervention sont entre autres:

· La planification globale,

· La planification sectorielle,

· La planification régionale,

· La planification spatiale (regroupant l'aménagement du territoire et le développement local).

Conformément à l'esprit de la Constitution de 1987 et au décret du 6 avril 1989 fixant l'organisation et le fonctionnement du Ministère, le MPCE, par son cadre d'intervention territoriale, est appelé à mettre en oeuvre une approche de la planification décentralisée. Par cette approche, le MPCE entend promouvoir une stratégie de planification visant à diagnostiquer les problèmes de manière localisée et dispersée afin de répondre aux besoins des populations des CT en proie à des difficultés structurelles. Par la planification décentralisée, le Ministère peut

identifier les problèmes, les moyens, les stratégies, les buts et objectifs à la base pour une meilleure harmonisation du Système de Planification Nationale (SPN).

La démarche à suivre en vue de la réalisation de la planification décentralisée passe par le l'élaboration des programmes départementaux qui regroupent plusieurs sous-programmes :

o Le sous-programme de développement local

Pour améliorer le niveau socio-économique des collectivités locales, le MPCE construit- à partir d'un processus de planification locale participative incluant les élus locaux et la société civile- une banque de microprojets générateurs de revenus et porteurs de croissance. Le Ministère vise, en ce sens, la consolidation et l'extension des infrastructures de base, l'établissement de filets de sécurité particulièrement dans les bassins de poche de pauvreté extrême.

o Le sous-programme municipal

Le cap est mis sur le renforcement de la capacité des municipalités à transformer leurs collectivités en des milieux incubateur d'entreprises. Il s'agit d'aider les municipalités à étendre la couverture et à améliorer la qualité de la fourniture des services publics locaux, notamment dans le domaine de l'eau et assainissement, d'infrastructures sanitaires, d'infrastructures éducatives, etc.

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o Le sous-programme d'interventions spécifiques

A ce niveau, le Ministère met en oeuvre des microprojets susceptibles de renforcer les actions structurantes en faveur de la protection des démunis et des populations locales des plus

vulnérables comme les vieillards, les enfants orphelins, les personnes déplacées, les sans-logis, etc.

La première étape de la démarche pour la planification décentralisée part des Sections Communales comme CT de base. Tel est le niveau d'identification des besoins, d'évaluation des moyens, et de priorisation. Les idées de projets sont formulées, et les projets sont élaborés sous la demande et la direction des CASECS qui bénéficient l'appui technique des Directions départementales sectoriels (de tous les ministères), des ONG, des OI, etc. Pour finir, les projets sont soumis à l'assemblée des Sections Communales pour validation et approbation.

Pour la deuxième étape de la démarche se poursuit au niveau des municipalités avec le même processus d'identification et d'élaboration pour des projets d'envergure communale. A ce tournant, est évalué le niveau de cohérence et d'interpénétration des deux catégories de projets (section communale et communale). La consolidation et la priorisation des projets s'effectuent au regard des moyens disponibles avec l'appui technique des Directions départementales sectoriels (de tous les ministères), des ONG, des OI, etc. Pour boucler cette étape, comme pour les Sections Communales, les projets retenus sont soumis à l'AM pour validation et approbation.

L'ensemble des projets des Sections Communales et des Communes sont analysés, évalués, consolidés et priorisés au niveau départemental et soumis à l'Assemblée Départementale (AD) pour validation et approbation. Au cours de cette troisième étape, le processus d'élaboration conduit aux sous programmes sectoriels contribuant à l'élaboration des programmes départementaux.

Comme quatrième et dernière étape, les programmes départementaux de développement constitue le document stratégique du Conseiller départemental siégeant au Conseil Indépartemental qui est l'organe chargé de présenter et défendre les projets au Conseil des Ministres. Le MPCE, comme organe central de planification, assure la consolidation et

l'harmonisation de l'ensemble des programmes départementaux dans le cadre du programme national de développement économique et social.

 

Mode de financement de la gestion et du développement des Collectivités Territoriales

 

Le Ministère de l'Économie et des Finances (MEF) a pour mission de formuler et de mettre en application la politique économique et financière de l'état, et exerce entre autres les attributions suivantes :

· Déterminer la politique fiscale de l'état, assurer la perception des impôts et taxes, gérer les biens de l'état ;

· Coordonner les travaux d'élaboration du budget général de la république et en assurer l'exécution ;

· Fixer les normes de la comptabilité publique et veiller à leur application;

· Exercer le contrôle financier des Collectivités Territoriales des entreprises et établissements publics ou mixtes ;

En plus de sa Direction Générale, assistées par une Direction Administration et des Directions techniques, le MEF a des Directions déconcentrées dont la Direction Générale des Impôts (DGI), l'Administration Générale des Douanes (AGD), et le Fonds d'Assistance Économique et Sociale (FAES) qui entretiennent des relations directes avec les CT.

É La Direction Générale des Impôts (DGI) :

Les attributions de la DGI sont essentiellement l'application des lois fiscales et la collecte de droits, de taxes, impôts, redevances, et autres revenus de l'État et des Collectivités Territoriales. La DGI est pratiquement déployée sur tout le territoire national. Elle établit en principe dans

chaque Commune une Agence Locale des Impôts (ALI) coiffée par une Direction Départementale des Impôts (DDI) située dans le chef lieu de Département. Les DDI sont au moins au nombre de dix. Les DDI sont coordonnées par l'Unité de Coordination des Directions Départementales (UCDD) qui assure la liaison entre le pouvoir central et le reste du pays.

A partir de Juillet 1996, l'État créé un Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales (FGDCT) qui est alimenté par :

I Les dotations et allocations de l'Administration Centrale;

I Les dotations prévues aux programmes de coopération, d'aide, de dons et accords financiers impliquant les Collectivités Territoriales;

I Un régime fiscal particulier déterminé par la loi;

I Les revenus, impôts, centimes additionnels ou toutes autres contributions au profit des Collectivités Territoriales.

Les articles 4 et 6 du FGDCT précisent respectivement que :

`' Les revenus du Fonds sont destinés exclusivement à financer les activités des Collectivités Territoriales (Départements, Communes et Sections Communales) suivant les modalités fixées par la Loi.»

`'Chaque Département, chaque Commune et chaque Section Communale est gestionnaire exclusif des valeurs qui lui sont allouées par le Fonds.»

En septembre 1996, l'État haïtien a créé des droits internes nommés "Contributions au Fonds de Gestion et de Développement des Collectivités Territoriales" (CFGDCT) qui est alimentée, suivant son article 3 par :

9 5% sur les primes d'assurance;

9 Vingt (20) gourdes sur les plaques ou vignettes d'immatriculation de véhicules à percevoir en même temps que la taxe d'immatriculation;

9 Huit (8) gourdes par appel téléphonique international placé en Haïti à percevoir au moment du règlement de la facture;

9 2% de majoration des bordereaux de douane, excepté les bordereaux de produits pétroliers, de produits pharmaceutiques, de colis postaux, de produits alimentaires. des intrants agricoles et de papier à percevoir par l'Administration Générale des Douanes en même temps que la TCA ou d'autres droits internes;

9 Vingt-cinq gourdes (Gdes 25.00) par billet d'avion à destination de l'étranger à percevoir à l'émission du billet;

9 1% de retenue sur tout salaire à partir de cinq mille gourdes (Gdes 5,000.00) par mois, à percevoir à la source;

9 1% du revenu net imposable de tout contribuable (personne physique et morale), calculé en tenant compte des impôts déjà acquittés suivant l'alinéa 3 (g);

9 5% des montants gagnés à la loterie ou tous autres jeux et paris assimilés.

La CFGDCT couvre, suivant son article 4, les charges de :

· Tenue des Assemblées des Collectivités Territoriales;

· Fonctionnement des CASEC de la République;

· Fonctionnement des Mairies;

· Fonctionnement des Conseils Départementaux;

· Fonctionnement du Conseil Interdépartemental.

Le CFGDCT couvre en priorité les salaires du personnel des services administratifs et les indemnités des élus locaux. Les autres charges et activités des CT sont couvertes par des crédits en proportion de leurs recettes respectives. Il est prévu des subventions spéciales, suivant les

disponibilités, pour les activités sociales (activités scolaires et sanitaires) des Communes aux plus faibles revenus (article 5).

- Fonds d'Assistance Économique et Sociale (FAES)

Le Fonds d'Assistance Économique et Sociale (FAES), créé en 1990 est un organisme public autonome à caractère financier placé sous la tutelle du MEF. Il a pour mission d'accompagner les communautés défavorisées dans le développement de leurs capacités et la valorisation de leurs potentialités en vue de dégager une vision commune de leur avenir en apportant l'appui nécessaire à leur renforcement et en finançant des projets prioritaires identifiés par ces communautés. De ce fait, il constitue un des instruments utilisés par le gouvernement dans le cadre de sa lutte contre la pauvreté.

Le FAES intervient dans les secteurs de l'Éducation, la Santé, l'Assistance Sociale, la Nutrition, l'Assainissement, l'Eau Potable, l'Agriculture l'Artisanat, la Micro finance, l'Environnement et le Transport, en s'assurant du respect des normes établies par les ministères sectoriels concernés.

Les projets financés par le FAES sont répartis sur l'ensemble du territoire national et une attention particulière est accordée aux régions les plus défavorisées, aux zones rurales et aux régions marginales urbaines généralement démunies. Les projets financés par le FAES dans le cadre de ces programmes sont de courte durée, leur période de mise en oeuvre varie généralement entre six à dix mois et dépasse rarement une année.

CHAPITRE V

DIAGNOSTIC DES TENDANCES LOURDES DE LA
DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL

CHAPITRE V DIAGNOSTIC DES TENDANCES LOURDES DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL

Ont été diagnostiquées les tendances de la décentralisation et du développement local suivant un rapport trimestriel juillet-septembre 2010 des Nations Unies sur la gouvernance locale en Haïti. Ce rapport traite de la Gestion administrative et du fonctionnement du Conseil Municipal, de la gestion financière, des services d'urbanisme, et du développement local avant de dresser une classification générale des Communes et de refléter les caractéristiques par Département.

Gestion administrative et fonctionnement du Conseil Municipal

Au niveau de la gestion administrative des municipalités, l'un des problèmes des plus récurrents est l'absentéisme. 77% Communes 138 fonctionnent soit sans aucun un système d'enregistrement des présences, ou avec un système d'enregistrement des présences jamais appliqué. Ces 106 Mairies fonctionnent avec environs 50% de leurs ressources humaines. Parmi les 138 Communes étudiées, environs 15% souffrent de l'absence chronique des maires. Le reste des Communes peut compter sur la présence d'au moins un des maires au cours de la semaine. Le niveau de dysfonctionnement des administrations municipales se manifeste par le fait que seulement 41 sur 138 des Conseils Municipaux, soit 29%, se réunissent au moins une fois par mois et produisent un procès verbal de réunion. Généralement se sont des dysfonctionnements internes aux cartels qui expliquent cette situation, car souvent les maires titulaires ne se sentent pas obligés d'agir de concert avec ses assesseurs et prennent donc des décisions de manière informelle et unilatérale. En vertu de la corrélation directe entre le bon fonctionnement des Conseils Municipaux et la performance des Mairies : 10 sur 11 mairies les mieux gérés sont les mieux performantes.

Le rapport concerne seulement 138 communes sur 140 vue l'impossibilité de collecter des données pour les mairies de Cornillon et Delmas dans l'Ouest.

La tendance à gérer la chose publique dans l'informel est confirmée, car seulement 31 sur 138, soit 22% des Mairies, adoptent des arrêtés selon les normes prévues par la loi. Une corrélation positive entre les maires qui adoptent des arrêtés municipaux et leur performance semblerait aussi être établie en positif. 21 sur 31 mairies adoptant des arrêtés figurent parmi celles qui performent le mieux.

Gestion financière et les finances locales

Des importantes remarques ont été enregistrées au niveau de la tenue des livres et des documents comptables, et dans la soumission des rapports financiers: 76 mairies (soit 55%) maintiennent leur documentation comptable en ordre, pendant que 82 mairies (59%) présentent leurs rapports financiers à temps au MICTDN ou avec un délai ne dépassant pas un mois.

Un manque de dynamisme émerge des indicateurs sur le recensement des propriétés bâties et le recouvrement de la CFPB avec des conséquences entrainant d'affaiblissement des recettes locales et donc de la capacité des mairies à gérer un budget au delà des simples allocations du MICTDN.

La majorité des mairies attend une initiative du MICTDN pour procéder au recensement et à la réévaluation des propriétés bâties. Seulement 35 mairies ont pris l'initiative avec leurs propres moyens, ou ceux de partenaires externes, de recenser et de réévaluer les propriétés bâties dans les centres urbains. La corrélation positive entre ces activités et la performance des mairies est confirmée par l'amélioration dans le recouvrement de la CFPB et donc par l'augmentation des recettes locales. Cependant, la majorité des mairies ne sont ni en mesure, ni intéressés, à faire un suivi sur les listes des contribuables et des redevances attendues. En effet, 23 mairies ne disposent même pas d'agents fiscaux, et 47 autres embauchent des agents fiscaux qui ne sont pas opérationnel. Seulement dans 5 mairies sur le 138, les agents fiscaux travaillent avec la DGI pour assurer le suivi du paiement de la CFPB et des contribuables récalcitrants.

Les services liés au génie municipal et l'urbanisme

Au niveau de la gestion des marchés, le rapport a révélé 41% des mairies n'ont aucun contrôle des marchés et 38% es mairies qui contrôlent entièrement les recettes de leurs marchés et qui, dans plusieurs cas, fournissent des services pour l'assainissement des marchés.

L'analyse des services fournis par les mairies à travers leurs services de génie municipale ou d'urbanisme est tout à fait négative. Selon les données collectées 84 mairies ( soit 60%) ne disposent pas d'un service de génie municipal opérationnel et seulement 2 sur 138 maries (Cabaret et Kenskoff) disposeraient d'un service actif dans la gestion des cimetières, des terrains communaux, et dans la livraison des permis de construire. Selon le rapport, ce type de dysfonctionnement relativement uniforme à travers le pays, est particulièrement marqué dans la Grand Anse, l'Artibonite et le Nord Est.

La situation de l'entretien des routes, faisant partie des responsabilités de la mairie, est mieux dans le cas de 34% mairies qui arrivent à entretenir les routes (au moins dans les centres urbains) contre 42% autres qui n'ont pas la capacité de le faire. C'est surtout dans les Nippes et la Grand Anse que l'entretien des routes serait le plus efficace pendant que la situation serait tout à fait catastrophique dans l'Artibonite et encore pire dans le Sud.

Les mairies performent un peu mieux dans le service d'assainissement (souvent dans les limites du centre ville). 54% des mairies sont en mesure de ramasser et disposer des ordures et de faire le curage des caniveaux, contre 21% restent passive et incapables de fournir même le service minimal. Encore une fois, certaines différentiations géographiques sembleraient émerger avec 91% des Communes dans la Grand Anse qui fournissent un service d'assainissement de base, 84% dans le Nord-est et 83% dans le Sud. Sur le versant négatif se distingueraient le Nord, avec 57% des mairies incapables de fournir un service d'assainissement, et le Plateau Central, avec 46%.

Dans l'ensemble, il ressort clairement la difficulté systématique de la majorité des mairies de fournir des services de base à la population. Il est à remarquer le manque de moyens (matériels et financiers), mais la question demeure sur la volonté des mairies à publier des arrêtés qui leur permettraient de collecter des redevances pour le ramassage des ordures. Cette passivité semble caractériser un bon nombre d'administrations municipales qui pourraient être bien plus efficaces si seulement elles oseraient utiliser les pouvoirs que la loi met à leur disposition.

La Mairie, institution maitre d'ouvrage de la gouvernance locale et de la coordination des activités de protection civile, est appelée à jouer des rôles de médiation et de coordination pour lesquels elle n'est pas préparée et équipée. Moins de 50% des mairies organisent des réunions avec leurs partenaires institutionnels afin de renforcer la coordination et de discuter des sujets d'intérêt commun. Cette faiblesse ne semble pas occulter une situation de conflits institutionnels et politiques, et d'un manque d'engagement des autorités locales. En effet, environs 15% des mairies s'abstiennent d'entretenir des relations formelles avec les autres institutions présentes dans la Commune.

Le développement local

Les indicateurs sur le développement local et l'approche participative traduisent les plus grandes faiblesses. En effet, seulement 15 sur 138 (soit 11%) des Communes ont adopté un Plan de Développement Communale (PDC), souvent sur impulsion des partenaires externes comme le FENU, le PDLH, et seulement 21 sur 138 des Communes (soit 15%) ont défini les priorités de la Commune à travers une approche participative. Sur le 15 PDC qui existeraient, 5 ont été développés dans le Nord-est, 3 dans le Nord-ouest et 3 autres dans le Nord. La majorité des Communes (soit 56%) ne disposent d'aucun instrument de planification.

forces vives de la Commune. Seulement 40 mairies (soit 29%) ont travaillé avec la société civile, et d'autres acteurs locaux, à fin de développer une stratégie pour le développement local. Il faut aussi noter que la plupart des ces rencontres ont été facilité par des partenaires externes dans le cadre de la validation du PDC, même si cette approche n'est pas généralisée à Mirebalais et à l'Azile les PDC ont été adoptés sans presqu'aucune consultation.

Pourtant, la nécessité d'adopter une approche participative serait confirmée par la corrélation positive entre cet indicateur et la performance de la mairie : En effet, sur les 17 mairies qui ont adopté une approche participative, 13 rentrent dans la catégorie des mairies à performance moyenne ou élevé, pendant que sur les 22 mairies qui n'ont entretenu aucun dialogue avec leurs communautés se sont retrouvés 18 mairies entre `' non opérationnel et à performance minime»

La classification générale

Sur les 138 Communes considérées seulement celle de Jean Rabel dans le Nord-ouest, démontrerait un bon niveau de performance, suivi par 56 Communes (donc le 40.5%) qui auraient une performance moyenne. Ce dernier groupe représente la majorité relative de l'ensemble des Communes. Mais en sachant que 35.5% des mairies sont classifiés comme à peine opérationnelles 18% des mairies comme dysfonctionnelles et (5%) comme virtuellement non opérationnelles. La majorité des mairies sont donc dans une situation d'extrême difficulté. Pour mieux apprécier certaines des caractéristiques des Communes, une classification par département s'avère nécessaire:

Principales tendances par département Les Nippes

non opérationnelles et 2 autres seraient dysfonctionnelles. Seulement 3, soit 27% des mairies, performeraient à un niveau acceptable. Dans l'ensemble les Nippes se placent en dessous de la moyenne nationale et en dessous de la moyenne arithmétique avec de rares exceptions positives comme pour la ponctualité dans la soumission des rapports financiers ou le respect de l'équilibre des opérations budgétaires. Les Nippes se distingueraient aussi dans le domaine du développement local avec 3 mairies ayant adopté un PDC à travers une approche participative.

C'est surtout dans la gestion administrative que les Nippes accusent des difficultés. Ce département enregistre le taux moyen plus bas en termes de fonctionnement des Conseils Municipaux ainsi que dans la tenue des documents et archives. C'est le seul département où la tenue des documents et archives, les livres comptables se révèle aussi problématique avec environs 8 Communes ne tiennent aucune documentation selon des principes de bonne administration.

Au niveau des finances locales, le département des Nippes enregistrent le taux de recensement de CFPB le plus bas avec, bien évidement, un impact négatif sur le taux de recouvrement des recettes locales qui est parmi les plus bas du pays.

Face à cette sombre image il est surprenant de constater que le département des Nippes offrirait en moyenne un niveau de service supérieur ou proche à la moyenne nationale pour l'entretien des routes et l'assainissement.

Le Sud-est

Tout en restant un des départements avec des taux de performance parmi les moins élevés du pays, aucune des mairies du Sud-est ne serait non-opérationnelle. Cependant, 4 mairies sont catégorisées comme dysfonctionnelles, 4 autres comme des mairies à performance minimale et seulement 2 autres comme des mairies à performance acceptable.

Les principales faiblesses du département se situent au niveau du développement local. En plus de l'absence d'un PDC, il n'y a aucune structure participative. Très peu de mairies du Sud-est ont un service de génie municipal et d'urbanisme capables de desservir la population. La présence des maires et le fonctionnement des Conseils Municipaux est au dessous de la moyenne nationale, sont aussi au dessous de la moyenne nationale le taux de recouvrement de la CFPB, et le taux des recettes locales en générale. Par Contre, la tenue des documents et des archives, comme celle des documents comptables, rentrent dans la moyenne et contribuent aux bons indicateurs en matière de soumission des rapports financiers. Les constats ont révélé des problèmes fréquents entre les mairies et la DGI comme un des éléments qui affectent négativement les finances locales dans le Sud-est.

Le Sud

Dans le Département du Sud, les indicateurs sont particulièrement positifs dans le domaine de la gestion administrative. Le niveau de gestion des finances locales est acceptable. Les Communes du Sud cumulent parmi les résultats les plus décourageants dans le domaine du développement local et des services rendus par le génie et l'urbanisme.

Dans le Sud, 44% des mairies rentrent dans la catégorie à performance moyenne et 8 autres dans la catégorie à performance minimale, et seulement 2 (Port Salut et Tiburon) sont classifiés comme dysfonctionnelles. Paradoxalement, le Sud compte la moyenne la plus élevé du pays en termes de bon fonctionnement des Conseils Municipaux, mais cela ne semble pas aboutir à des décisions qui se traduiraient en arrêtés municipaux, car le Sud enregistre à ce niveau la moyenne la plus basse.

La Grand Anse

moyenne, 4 autres dans la catégorie à performance minimale, seulement 2 mairies sont classées comme dysfonctionnelles.

Ce succès serait basé plutôt sur une bonne gestion financière, et non administrative. Car les défaillances administratives sont nombreuses surtout en termes de mauvaise répartition des taches et d'absentéisme chronique des maires. Ceci résulte en un mauvais fonctionnement des Conseils Municipaux et en un faible nombre d'arrêtés publiés.

Mais au niveau du taux de recouvrement de la CFPB et des recettes locales en générale, la Grand Anse se place parmi les départements les plus performants, même si cela ne se traduit pas dans une production précise et ponctuelle des rapports financiers.

Si d'un coté le génie municipal et l'urbanisme seraient parmi les services les plus dysfonctionnels du pays, cela n'empêcherait pas que la Grand Anse de faire partie des plus performants dans le domaine de l'entretien des rues et d'assainissement. Les faiblesses enregistrées au niveau des relations interinstitutionnelles, surtout de nature politique, se reflètent d'une faiblesse de l'approche participative aux questions du développement local où la Grand Anse enregistre l'indicateur moyen le plus bas du pays.

L'Ouest

Les indicateurs moyens pour le Département de l'Ouest se situent dans la moyenne nationale, chose qui est assez surprenante en considérant la destruction et les pertes subies par plusieurs de ses mairies lors du tremblement du 12 janvier 2010. A l'exception des mairies de Cornillons et de Delmas, pour lesquelles il n'a pas été possible d'obtenir les informations, aucune mairie est rentrée dans la catégorie des municipalités non-opérationnelles et seulement 5 sur 20 seraient dysfonctionnelles. Ce n'est pas surprenant de trouver parmi celles-ci les mairies de Gressier, Petite Goave et Grande Goave dans la région des Palmes ainsi que Cité Soleil et

Anse à Galets sur l'Ile de la Gonâve. Neuf sur 20 mairies rentrent dans la catégorie de celles à performance moyenne et sont retrouvés ici presque toutes les mairies de la zone métropolitaine à l'exception de la mairie de Port-au-Prince qui est classifié comme mairie à performance minimale.

Les mairies de l'Ouest enregistrent des problèmes dans la gestion administrative particulièrement au niveau du Payroll, de l'absentéisme des employés ainsi que dans la sous performance des Conseils Municipaux. Ce qui ne corresponde pas pourtant à un absentéisme des maires, au moins un maire est présent au cours de la semaine dans 13 sur 19 mairies.

Au niveau de la gestion financière et comptable, les résultats sont moins positifs surtout en termes d'exécution des opérations budgétaires où les mairies de l'Ouest cumulent les indicateurs les plus bas du pays. Le recouvrement de la CFPB, et donc les revenus locaux, est aussi faible dans l`ensemble des mairies, mais cela s'explique en large partie à partir des conséquences du tremblement de terre. La plupart des indicateurs liés aux services fournis par le génie et l'urbanisme se classent dans la moyenne nationale, à l'exception de l'assainissement qui serait en dessous. Situation similaire au niveau du développement local où les indicateurs se conforment à la moyenne nationale.

Centre

Le Centre, sur la base des indicateurs, présente un niveau moyen dans la gestion administrative, avec des valeurs qui se situent au-dessous de la moyenne nationale sauf dans le cas de la tenue des archives. La situation est essentiellement positive dans le cadre de la gestion financière même si des faiblesses sont manifestes au niveau du recouvrement de la CFPB et des recettes en générale.

Si le niveau des services fournis par le génie municipal et l'urbanisme se classent dans les moyennes nationales, au niveau de l'assainissement la majorité des mairies accusent une défaillance : 6 mairies ne disposent d'aucun service d'assainissement opérationnel et 3 sur 12 mairies fournissent seulement un service sporadique et dysfonctionnel. Dans l'ensemble, le Centre compte 4 mairies dans la catégorie à performance moyenne et 7 à performance minime et seulement la mairie de Cerca-la-Source est classifiée comme dysfonctionnelle.

L'Artibonite

La performance moyenne des administrations municipales dans l'Artibonite est pénalisée par la situation d'une mairie classée comme non-opérationnelles (Grande Saline) et 3 classées comme dysfonctionnelles. Cinq (5) mairies sont classées à performance moyenne. Dans le cadre de la situation générale de l'Artibonite, le dysfonctionnement des Conseils Municipaux et l'absentéisme des employés émergent comme des caractéristiques dominantes. La situation est compensée partiellement par une présence plus ou moins assidue des maires et une bonne tenue des documents et des archives.

Le recouvrement des recettes locales, et de la CFPB représentent le point faible dans la gestion financière. Le département est en-dessous de la moyenne nationale, même si la tenue des livres comptables et la soumission des rapports financières serait au-dessous des moyens nationales. Comme d'autres départements, l'Artibonite semble fournir seulement des services minimes dans le champ de l'urbanisme et du génie. Pour l'assainissement, l'indicateur de mesure rentre dans la moyenne nationale, avec 6 mairies en mesure d'assainir le centre ville et 8 autres offrant un service sporadique. Malgré l'indicateur négatif pour ce qui concerne les PDC, et des résultats médiocres dans l'approche participative, l'Artibonite se distingue positivement pour avoir des TCC établies dans toutes les Communes, même si seulement 6 sont considérés comme opérationnelles.

Le Nord

Sur la base des indicateurs collectés le Nord se classifie comme le moins performant juste après les Nippes : 1 Commune non opérationnelle (Plaine du Nord), 7 autres qui sont dysfonctionnelles et une majorité (9 sur 19), qui rentrent dans la catégorie des performances minimes. Seulement deux mairies, Acul du Nord et Limbe, se classifient comme mairies à performance moyenne.

Les valeurs moyennes des indicateurs du département du Nord sont entre les plus faibles du pays pour ce qui est de la présence des employés dans les mairies et du fonctionnement des Conseils Municipaux et de la publication des arrêtés. Paradoxalement l'indicateur moyen relatif à la présence des maires est parmi le plus élevés de tout le pays, mais cette présence ne semble apporter aucun bénéfice à leurs administrations.

La majorité des administrations municipales dans le Nord n'ont aucun contrôle sur la gestion des marchés et semblent être encore moins efficace dans la provision du service d'assainissement. 7 sur 19 mairies ne disposent aucun service pour le ramassage des ordures et 4 autres ne disposent d'un service seulement de nom. Seulement 3 mairies (Borgne, Limbe, Quartier Morin et Pilate) fournissent un service de ce type. L'absence de plans de développement où d'une approche participative s'ajoute aux difficultés des mairies du Nord (avec l'exception notables d'Acul du Nord, Limbe et Bas-Limbe qui ont toutes adopté un PDC).

Le Nord-ouest

Le Nord-Ouest est le seul département à compter une municipalité, Jean Rabel, classée à performance élevée. A l'opposé, la mairie de Baie de Henne se classifie comme nonopérationnelle. A coté des deux, il y a 5 mairies à performance moyenne et 3 à performance minime.

Au niveau de la gestion administrative, le Nord-ouest ne présente pas de problèmes particuliers si ce n'est pas pour le Payroll et l'absentéisme des employés. Mais c'est au niveau de la gestion financière et comptable que les mairies du Nord-ouest semblent particulièrement briller. Elles enregistrent des indicateurs moyens les plus élevés du pays en termes de soumission de rapports financiers, de recensement et de recouvrement de la CFPB. Les indicateurs relatifs aux services fournis par le génie et l'urbanisme sont aussi très positifs dans leur ensemble.

Le Nord-est

Le département du Nord-est se présente comme celui qui compte le nombre le plus élevé de municipalités performantes. A la différence du Nord-ouest, ces données ne cachent pas de différences radicales, mais se basent plutôt sur une réalité apparemment extrêmement homogène, avec 12 sur 13 mairies qui se classifient à une performance moyenne et seulement (1) une, Caracol, qui est à une performance minime. Il y a dans le département de bon niveau des indicateurs de gestion administrative, particulièrement pour ce qui concerne la présence des maires et le fonctionnement des Conseils Municipaux, ainsi que le bon niveau des services fournis par le génie municipal et l'urbanisme. Ce qui par contre soulève quelques appréhensions concerne la gestion financière des mairies qui totalisent ici les moyennes les plus basses du pays pour les indicateurs qui concernent le recouvrement de la CFPB et les recettes locales.

PARTIE TROISIEME

ETAT DES LIEUX DE LA DECENTRALISATION ET DE STRATEGIES DE
DEVELOPPEMENT LOCAL A LA COMMUNE DE CROIX-DES-BOUQUETS

PARTIE TROISIEME

ETAT DES LIEUX DE LA DECENTRALISATION ET DE STRATEGIES DE DEVELOPPEMENT LOCAL A LA COMMUNE DE CROIXDESBOUQUETS

Dans les parties précédentes, premièrement, nous avons présenté les grandes théories classiques des notions sous études. Les principales stratégies du développement ont été revues dans leurs différences et complémentarité, dans leurs filiations et ruptures. La notion de décentralisation est étudiée à la fois comme instrument de développement local et composante de tout système de gouvernance territoriale. Deuxièmement, sont reconsidérées dans le contexte haïtien les notions sous études en tenant compte de la culture particulièrement sociopolitique et institutionnelle du pays.

Dans cette dernière partie, consacrée à l'objectivation empirique de la recherche, sera présentée toute une sociographie de la Commune de Croix-des-Bouquets qui mettra en évidence les potentialités et contraintes de celle-ci par rapport au développement et à la décentralisation. Dans cette partie, seront notamment présentés et discutés les résultats conduisant à la conclusion de la recherche, et sera particulièrement traitée la congruence des hypothèses et de la réalité empirique. Des réflexions à visées pratiques seront aussi ébauchées.

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CHAPITRE VI : PRATIQUES DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVLOPPEMENT LOCAL A CROIX-DES-BOUQUETS

Étant dans l'impossibilité de conduire la recherche de manière systématique sur toute l'étendue de la Commune de Croix-des-Bouquets, il a été décidé de privilégier et de retenir l'espace urbain pour mener les enquêtes proprement dites, bien que les observations participantes nous aient amené à parcourir les dix (10) sections communales de la dite Commune. A ce tournant, il importe de dresser une sociographie et de préciser les niveaux de territorialité de la Commune en générale et de l'espace urbain en particulier.

V.1 VUE SYNOPTIQUE DES REALITES SOCIODEMOGRAHIQUES, SOCIOECONOMIQUES, HISTORICO-POLITIQUES ET CULTURELS

Histoire et idéologies

Selon Moreau de St Méry, pendant la période coloniale et après l'indépendance de 1804, Croix-des-Bouquets possédait de nombreuses guildiveries, de manufactures, des indigoteries et de vastes plantations de vivres alimentaires. La Commune de Croix-des-Bouquets a été le théâtre de beaucoup d'évènements historiques. L'armée des Mulâtres et des Libres de couleur commandée par Beauvais et Rigaud , chassée de Port-au-Prince, se reforma à Croix-desBouquets. L'arrivée de cette troupe provoqua un soulèvement brutal des esclaves de la plaine du Cul-de-Sac. Ceux-ci avaient pris pour chef Yacinthe et se joignirent à l'armée de Beauvais et

En principe, la sociographie fait référence aux études des réalités et faits sociaux, sans nécessairement traduire les effets et les transformations qu'opèrerait le travail humain sur l'espace géographique qui se transformerait en territoire. En ce sens que la territorialité- regroupant tout ce qui a trait à l'espace comme facteur des comportements humains- ressort à la fois de ce qui a été (de l'espace précédent le territoire), de ce qui est (le territoire tel qu'il se présente) et de ce qui aurait pu être. Sociographie et études de territorialité paraissent donc inextricablement complémentaires s'il faut dégager une compréhension globale et profonde du milieu sous étude.

Rigaud. Les Blancs et leurs alliés décidèrent d'attaquer ce rassemblement. Le 22 mars 1792, le
grand combat s'engagea à Croix-des-Bouquets pour occasionner 1 200 morts parmi les insurgés

er

et 100 morts dans le camp adverse. Le 1janvier 1807, Croix-des Bouquets aussi a connu la grande bataille qui eut lieu à Sibert entre forces armées du général Alexandre Pétion et celles du général Henri Christophe. Ce dernier assiégea Port-au-Prince pendant une semaine avant de repartir pour le Nord où résida son gouvernement.

Élevée au rang de Commune en 1959, dans sa vie contemporaine, la Commune de Croix-des-Bouquets est reconnue pour être un milieu conservateur et pro-duvaliériste. Le vaudou, le catholicisme et le protestantisme sont les religions les plus pratiquées dans la Commune.

Espace, géographie et démographie

La Commune de Croix-des-Bouquets est géographiquement bornée à l'est par Thomazeau, Ganthier et Saut-d'eau; au sud par Belle-Anse ; à l'ouest par Cité Soleil, au nord par Tabarre, Pétion-Ville, Kenscoff, de Cabaret et le Golfe de la Gonâve. La Croix-des-Bouquets est la première Commune de l'arrondissement du même nom, elle est subdivisée en dix (10) sections communales: 1re Section des Vareux, 2e Section des Varreux, 3e Section Petit-Bois, 4e Section Petit-Bois, 5e Section Petit-Bois, 6e Section Belle Fontaine, 7e Section Belle Fontaine, 8e Section Belle Fontaine, 9e Section des Crochus, 10e Section des Orangers.

Tableau IV: Carte géographique de la Commune de Croix-des-Bouquets

Source : IHSI-2005 / Inventaire des Ressources et des Potentialités des Communes

Croix de Bouquets est une Commune intérieure dont la moitié des sections communales ont pour relief dominant le morne et l'autre moitié leur relief dominant est la plaine. Ont été inventoriés dans la Commune, cinquante sept (57) sources, dix huit (18) rivières et cinq (5) lagons ont été inventoriés dans la Commune. De plus, près de mille cinq cent cinquante sept (1 557) puits ordinaires et huit cent soixante dix sept (877) forages ou puits artésiens ont été également répertoriés.

En 2005, la population de la Commune de la Croix-des-Bouquets était estimée à 205 410 habitants. La population féminine était en supériorité numérique, 107 501 femmes contre 97 909 hommes. Au cours de la période intercensitaire 1982-2003, la population de la Commune a

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connu un taux moyen d'accroissement annuel de 3,3%. Pour une superficie de 634,62 km , la

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densité était de 324 habitants/km . La répartition de la population par grand groupe d'âges de la Commune présente la structure suivante : 34,5% de la population de la Commune ont moins de 15 ans, 61,5% sont âgés de 15-64 ans et ceux de 65 ans et plus représentent 4,0%.

Ruralité et urbanité

En 2007, selon IHSI la population urbaine s'estime à 12,4%, et donc la population rurale s'estime à 87,65. De nos jours, beaucoup de gens des sections communales reculées s'installent en affluence à la ville de Croix-des-Bouquets. Ils sont à la recherche d'emplois, de meilleures écoles pour leurs enfants. L'exode des sections communales vers la ville de la Commune entraine un déséquilibre majeur dans la répartition spatiale et la composition de la population (dépeuplement accru de certaines sections communales). A coté de ce surpeuplement stable, la ville de la Commune est victime d'un surpeuplement passagère, mais régulier, le vendredi (le principal jour de marché) où notamment les Communes limitrophes (Ganthier, Thomazeau, cornillon, etc.) viennent s'approvisionner ou régler d'autres transactions. Sans compter, des cadres techniciens de Port-au-Prince, de Tabarre, de Carrefour ou autres qui viennent travailler chaque matin à Croix-des-Bouquets, ce qui donne `'un effet d'usine» au fonctionnement de la Commune.

Après le séisme du 12 janvier 2010, la Commune de Croix-des-Bouquets a reçu plus de 300 000 personnes déplacées. Se sont donc terriblement aggravées, les difficultés de la Commune dont la population s'est plus que doublée en moins d'une année. La désertification des Sections Communales et l'hypertrophie de la ville mettent rudement à l'épreuve la capacité de la Mairie à exercer ses compétences propres ni celles partagées avec l'État. Les déchets ne sont ni collectés ni ramassés, par exemple.

L'invasion des ONG, des OI et des déplacés fortunés contribuent fortement aux opérations des spoliateurs des terrains étatiques ou municipaux. Devant l'incapacité des autorités locales, des spoliateurs ont profité de l'arrivée désordonnée pour vendre des biens fonciers privés de l'État ou de la Mairie. L'insécurité est au paroxysme, vols et viols se font beaucoup plus courants. A l'image de la République, les institutions déjà faibles de la Commune deviennent comme effondrées ou affaissées.

Education et santé

L'éducation de la population crucienne est assurée par cinq cent soixante seize (576) institutions scolaires dont cinquante deux (52) établissement de niveau préscolaire, trois cent dix huit (318) écoles primaires et deux cent six (206) établissements secondaires. Plus de quatre vingt pourcent (81,8%) des institutions scolaires sont localisés en milieu rural. Plus de 4/5 des établissements scolaires de Croix-des-Bouquets sont privés. La Commune dispose de quinze (15) écoles supérieures et de quatre vingt douze (92) institutions techniques et professionnelles.

La Commune possède soixante quinze (75) établissements sanitaires. L'effectif du personnel des établissements sanitaires répertoriés s'élève à cinq cent cinquante cinq (555). Ce personnel est constitué de médecins (144) et d'auxiliaires (141). Les institutions sanitaires avec 85,3% d'établissements privés sont plus nombreuses en milieu rural (59) qu'en milieu urbain (16).

Economie et commerce

Les mangues, la canne à sucre, le café, le coton, le sisal, le tabac, les haricots et les huiles essentielles constituent les produits forts de l'économie de la Commune de Croix-desBouquets. Pour les infrastructures économiques, on a dénombré dans la Commune vingt (20) hôtels, sept (7) pensions et quatre (4) auberges. Croix-des-Bouquets détient également sept cent

Le nombre de spoliateurs s'estime à près de 600 par jour.

quarante deux (742) autres établissements financiers parmi lesquels on trouve trois cent quarante et un (341) banques de borlette et trois cent dix sept (317) guérites.

Le commerce, l'agriculture et l'élevage des animaux représentent les principales activités économiques de Croix-des-Bouquets. Mille quatre cent dix (1 410) établissements commerciaux parmi lesquels cinq cent vingt neuf (529) boutiques dont trois cent dix huit (318) petites boutiques et deux cent onze (211) grandes et moyennes boutiques, cent soixante et un (161) dépôts de boissons gazeuses, de ciment, matériaux de construction, friperie (pèpè), de charbon, de clairin, cent cinquante deux (152) magasins de provisions alimentaires et cent quarante et un (141) matériaux de constructions ont été inventoriés dans la Commune.

Culture et loisirs

Du coté des loisirs, neuf (9) bibliothèques privées, un musée, deux (2) salles de théâtre et huit (8) salles de cinéma ont été inventoriés dans la Commune. Quatre vingt (80) espaces aménagés de manière circonstancielle pour pratiquer le sport dont 53 terrains de football, quarante huit (48) gaguères et trois (3) places publiques constituent également des lieux de loisirs et de divertissement des cruciens. Environ onze (11) sites coloniaux, quatre (4) sites naturels et deux cent soixante treize (273) lieux ou temples vaudou ont été trouvés dans la Commune.

Gestion de services publics locaux

Dans la Commune de Croix-des-Bouquets, les services publics sont fournis ou gérés essentiellement par deux (2) catégories d'institutions :

un tribunal de première instance, un tribunal de paix, un commissariat de police et deux sous-commissariats de police, un bureau de la DGI, un bureau d'État civil, un bureau de l'EDH, et un bureau de Natcom.

(ii) Les institutions locales décentralisées : La Mairie et les dix (10) Casecs. Ni

l'Assemblée Municipale ni les Assemblées de Section Communales ne sont fonctionnels.

Conformément à la Loi, la Mairie et les Casecs exercent respectivement leurs attributions locales à travers une gestion autonome usant leurs moyens propres et les subventions régulières de l'État. En plus, les institutions locales de Croix-des-Bouquets, comme toutes les autres CT, bénéficient de l'expertise technique des institutions déconcentrées qui sont présentes à la fois pour encadrer les institutions locales dans le cadre des compétences partagées et pour exercer les compétences non-partagées.

Dans le domaine du développement, il a été constaté que la Commune de Croix-desBouquets ne possède ni un PDC ni programme communal. L'Administration de la Commune existe, mais gravement dysfonctionnels. La Mairie de Croix-des-Bouquets n'a aucun contrôle des associations et des ONG oeuvrant dans la Commune. Les forêts restant non-protégés constituent une source de revenu abusé par les coupeurs de bois. La perception des recettes de la Commune très faible. La Police administrative municipale n'existe pas. Aucun plan de l'aménagement de la Commune n'est officiellement communiqué. Des lois, des décrets, des arrêtés, promulgués par le pouvoir central et qui concernent la Commune ne sont que circonstanciellement respectés.

La voierie communale ne fonctionne pas. Dans la période post séisme, les déchets urbains sont gérés par quelques ONG et OI à travers des programmes de Cash for work qui n'atteignent que le Centre-Ville de la Commune. Les Sections Communales éloignées du Centre

ville sont des laissées-pour-compte, car elles ne sont pas en mesure de fournir la visibilité exigée des ONG et OI. Les ménages des ces Sections Communales éloignées (formant 80% du territoire) sont contraints de traverser toute la Commune de Croix-des-Bouquets avec leurs déchets afin de les déposer dans une poubelle d'une Commune limitrophe, Tabarre ou Petion Ville, par exemple.

La majorité des routes étant en terre battue sont péniblement trouées. Les lots des immondices et les eaux usées non canalisées freinent piteusement la circulation publique aux moments des pluies. Les marchands sont entassés dans l'espace du marché public (deuxième marché du pays après celui de Croix-des-Bossales), aux moments des pluies, ils sont contraints d'étaler leurs produits sur de boues contenant ordures et excréments animaux et humains. Aux moments de sécheresse, ils sont constamment exposés aux poussières contaminant et malodorant. Il n'y a pas de toilettes publiques, les marchands s'arrangent pour faire leurs besoins là où ils sont. La santé de la collectivité est constamment menacée sans jamais interpeller la conscience des responsables. Au niveau sécuritaire, les marchands sont constamment rançonnés en plein jour où ils trouvent leurs dépôts grand ouverts le matin et leurs marchandises emportés. La police et la justice paraissant indifférentes n'engagent aucune action préventive ou punitive.

La population crucienne évolue dans une méfiance collective par rapport aux autorités publiques en générale, et des autorités municipales en particulier qui sont accusées de n'être que promptes à faire payer des taxes, à confisquer des biens sans fournir des services en retour. Il a été constaté que les citoyens de Croix-des-Bouquets font tout pour éviter d'être en contact avec les autorités publiques en général et des autorités municipales en particulier. Cet évitement constant s'explique par toute une multitude de causes qu'on élucidera plus loin.

V.II - CONSTATS ET CONTRAINTES LIES A LA DECENTRALISATION ET AU DEVELOPPEMENT DE LA COMMUNE DE CROIX-DES-BOUQUETS

Les données sur la Commune ont révélé de grandes faiblesses de sécurité alimentaire, et sanitaire, d'infrastructures éducatives de qualité, de logement, etc. Seulement une minorité de la

population crucienne jouit d'un niveau de vie pour ainsi dire acceptable. C'est une Commune la pauvreté frappe tout le monde, à l'exception de cette minorité. Le rythme de la croissance de
la population va en s'accroissant pendant que la Commune entre dans un processus de décapitalisation et de dévitalisation sévère depuis la chute des Duvalier en 1986.

Cette minorité dont le niveau de vie est estimé élevé par rapport à la moyenne réside dans la Commune sans y vit à proprement parler. Car pour elle, la Commune ne joue que la fonction de dortoir. Les gens participant de la minorité privilégiée ne font que dormir dans la Commune pour la laisser très tôt le matin avec leur famille pour aller travailler ou à l'école à Port-au-Prince, à Pétion ville... Ce faisant, ils ne développent peu de sentiment d'appartenance à la Commune. Souvent, ils parlent de `' moun Kwadèboukè» (les originaires de Croix-desBouquets) pour marquer leur distance par rapport aux cruciens pour ainsi dire originaires. Cette distanciation est encore renforcée par les originaires de Croix-des-Bouquets qui traitent ces gens de `'moun vini» (les gens fraichement venus). Ces derniers font tout pour se tenir hors de la gouverne de choses de la Commune. Les empreintes sur l'espace communale ne relèvent que de consommation. Ils achètent des terres spoliées qu'ils acceptent de payer plusieurs fois, ils utilisent la main d'oeuvre à bon marché, ils profitent des négligences ou des incapacités des institutions pour ne pas payer le fisc et les services
·
. Pour cette catégorie, la Commune reste et demeure un simple espace pour lequel ils ne déploient aucun effort de territorialisation. D'autre

Quand ils achètent des terres d'un héritier sans le reste des héritiers, un autre héritier peut appeler en justice pour faire repayer les terres sous peine de les faire confisquer. Dans la majorité des cas, les terres vendues sont du domaine privé de l'État ou d'un propriétaire résidant à l'étranger qui entame généralement un procès au retour. Le plus souvent, l'acheteur qui a eu le temps de construire sur les terres est contraint de se racheter les terres soi - disant du bon vendeur .


· Ils peuvent construire sans verser à la Mairie les frais du permis de construire, du droit d'alignement, etc. Car personne n'apporte de bordeaux pour l'électricité, le téléphone, etc.

en plus, les cruciens soit disant originaires se distinguent en `'moun nan bouk» (les gens habitant la ville) et `'moun deyò bouk» (les gens venant hors de la ville), c'est pour dire la population crucienne est fondamentalement différenciée.

La pauvreté de masse qui sévit à Croix-des-Bouquets est donc accentuée par les fortes inégalités entre hommes et femmes, entre les urbains et ruraux... la masse de la population crucienne n'a pas accès aux services publics de base qui sont dominés par le secteur privé. Cette façon de faire renforce l'exclusion des citoyens ou citoyennes à faible revenu ou sans revenus, et qui ont donc toutes les peines du monde pour couvrir leurs besoins fondamentaux. La population de la Commune de Croix-des-Bouquets vit donc dans toutes les formes d'insécurité (sanitaire, alimentaire, environnemental, politique, etc.). Les contraintes du développement communal deviennent nombreuses et épineuses. Elles partent pour ainsi dire de la défaillance des institutions étatiques (déconcentrées ou décentralisées), du manque d'action collective organisée et réflexive de ses agents civils, à la départicipation des citoyens et citoyennes de la Commune.

Pour clarifier ces constats et contraintes soulevés, il importe de préciser l'hypothèse selon laquelle : la décentralisation- étant fondée sur le partage des responsabilités et des ressources, et la participation citoyenne- ne favorise le développement local que dans la mesure oil elle est pratiquée dans un système de gouvernance territoriale cohérent.

Sont ainsi précisés, délimités et clarifiés dans le tableau ci-dessous les principaux concepts: décentralisation, développement local, système de gouvernance territoriale- participant de la formulation de l'hypothèse de travail.

Cet aspect est largement développé par Fritz Dorvilier dans son ouvragre `' Gouvernance associative et développement local en Haïti, Éditions de l'UEH, 2011». Cette recherche part d'ailleurs de Belle-Fontaine, espace de la Commune de Croix-des-Bouquets.

Variable(s) Décentralisation Développement local Système de Gouvernance

territoriale

Définition (s) opératoire (s)

Transfert de certains pouvoirs, de certaines compétences et de certaines attributions de l'Etat vers

des Collectivités Territoriales (CT) pour qu'elles disposent d'une personnalité morale et juridique, d'une autonomie administrative et financière.

Capacités mentales d'une collectivité qui lui permet de participer au façonnement de son territoire immédiat dans le but d'améliorer de manière continue et soutenable ses conditions et qualités de vie.

Mise en réseau des différents acteurs institutionnels, politiques, économiques et sociaux dans la perspective d'un programme de développement soutenable de leur territoire.

Dimension(s)

- Valorisation des potentialités locales; -Existence d'une vision

stratégique partagée;

- Garantie Constitutionnelle du transfert des pouvoirs, des compétences et des attributions de l'Etat vers des CT ;

- Mise sur les acteurs locaux et la dynamique qui les anime ;

-Concertation et coordination des niveaux d'acteurs ;

-Election au suffrage universel direct

des autorités locales ;

- Non-existence de contrôle hiérarchique des CT par l'État ;

- Pouvoirs et compétences à imposer des taxes, et à relever des taxes propres selon la loi ;

- Transfert régulier et non- conditionné d'une portion de taxes de l'État vers les CT selon la loi ;

- Transparence de la gestion publique territoriale ;

- Alignement des priorités sur les grands axes de développement régionaux et nationaux ;

- Primauté du droit dans la gestion des conflits;

- Mise en place des stratégies inscrites dans une démarche partenariale tripartite entre société civile, secteur privé et les institutions publiques municipales ;

- Appropriation locale du développement

- Les institutions publiques municipales jouent le rôle de maitre d'oeuvre du développement;

- Responsabilité dans le domaine de l'éducation, santé, infrastructures, police et fournitures de certains services publiques de base, et la planification et gestion du développement.

Indicateur (s) -Cadre législatif et réglementaire disponible ;

- Intégration harmonieuse des composantes économique, sociale, culturelle, politique et environnementale.

- Les potentialités locales sont valorisées;

- Autonomisation des citoyens et citoyennes

- Existence d'un Plan local de développement traduisant la vision stratégique ;

-Les transferts de pouvoirs et des ressources aux CT sont effectués dans le cadre de la loi ;

- Les autorités locales sont élus au suffrage universel direct ;

- Les acteurs locaux et leur dynamique sont pris en compte ;

- Les priorités sont alignées sur les grands axes de développement régionaux et nationaux

- les acteurs sont concertés et leurs actions sont coordonnées ;

- La gestion publique territoriale est transparente ;

municipales ; -La dynamique du

développement vient du milieu et est supportée les citoyen (nes) locaux ;

-Fonctionnement autonome des CT jouissant de personnalité morale et juridique ;

-Relevée de revenu propres à partir de taxes imposées par les CT de concert avec l'État

- Les CT partagent des responsabilités dans le domaine de l'éducation, santé, infrastructures, police et fournitures de certains services publiques de base, et

- Sont mise en place des stratégies inscrites dans une démarche partenariale tripartite entre société civile, secteur privé et les institutions publiques

-Le rôle de maitre d'oeuvre du développement est rempli par la Municipalité

- Le droit prime dans la gestion des conflits;

- Les citoyen (nes) sont responsabilisés et détiennent les capacités pour participer.

la planification et gestion du développement.

- Les composantes économique, sociale, culturelle, politique et environnementale sont

harmonieusement intégrées.

CHAPITRE VII: PRECARITÉ ET FICTIVITE DE LA DECENTRALISATION EN HAITI

L'organisation politique de l'État est régie par la Constitution dont la supériorité sur la loi ordinaire tient de la consécration des droits et libertés fondamentales des citoyens. La garantie fondamentale de tout processus de décentralisation doit être Constitutionnelle. Ceci constitue l'un des indices majeurs qui aident à identifier si la volonté de décentraliser est réelle. Un État dont le principe de la décentralisation ne s'inscrit que dans les lois ordinaires et non dans la loi suprême de la nation (la Constitution) souffre de la menace constante du centralisme. La tendance centraliste en soi est tellement vigoureuse qu'elle peut, sous de simples prétextes, sauter les arrêtés, décrets, les décrets-lois, etc. constituant de très faible verrou, surtout dans le contexte d'instabilité politique des pays récemment dirigés par des dictateurs.

Dans le contexte haïtien, on l'a vu précédemment, le processus de la décentralisation charrie tout un ensemble d'arguments revendicatifs qui ont abouti à la refondation de l'État par une nouvelle Constitution en 1987 qui consacre la décentralisation effective comme mode de concertation et de participation de toute la population aux décisions majeures de la vie nationale.

.

VII.1. Ambigüité des statuts des Collectivités Territoriales haïtiennes

Cependant, l'analyse du contenu des 298 articles de la Constitution de 1987 a permis de relever des ambigüités dans le principe de l'égalité66 de la décentralisation en Haïti. Dans un État unitaire décentralisé, les Collectivités Territoriales (CT) sont en principe des entités administratives jouissant de la personnalité morale et juridique, et elles sont égales au niveau statutaire. Par contre, la Constitution haïtienne établit implicitement des différences statutaires au niveau des CT. L'article 66 consacre l'autonomie administrative et financière aux Communes de

66 L'égalité est le principe qui fait que les hommes doivent être traités de la même manière, avec la même dignité, qu'ils disposent des mêmes droits et sont soumis aux mêmes devoirs

la république, sans leur accorder la personnalité morale à l'instar des Départements. L'autonomie administrative et financière n'implique pas forcement la reconnaissance de la personnalité morale et juridique. Au regard de la Constitution, les Communes haïtiennes ne sont pas explicitement titulaires de droits et d'obligations. La situation des Sections Communales (SC), étant des CT, est encore plus alarmante. Les SC ne jouissent explicitement d'aucune autonomie administrative et financière, encore moins de personnalité morale et juridique.

Cet état de chose crée un véritable flou juridique. Les CM et Casecs peuvent-ils entrer en litige avec l'État central ? A quelle limite peuvent-ils disposer d'eux mêmes ? Par contre la situation des Départements est sans ambigüités par rapport à ces interrogations. L'Analyse du statu des trois (3) Collectivités Territoriales reconnues (article 61) a permis de signaler ceci:

Tableau V: Problématique des statuts des CT

Collectivité Territoriale

Statut Constitutionnel

Degré de décentralisation

Section Communale

Entité territoriale

administrative (art. 62).

Très faible

Commune

Autonomie administrative et
financière (art. 66)

Moyen

Département

Personne morale.

Autonome. (art. 77)

Forte

Source : Auteur

Pourquoi cette discrimination statutaire ? Y aurait-il donc en Haïti des CT supérieures à d'autres CT existantes ? Les Sections Communales et Communes sont dirigées des élus au suffrage universel tout comme le président de la république, tout comme les parlementaires,

mais sans la personnalité morale et juridique. S'agit-il d'une confusion conceptuelle ou d'un fait calculé sur mesure ? L'histoire de `'jeu de balancier» de l'autonomie des Communes, comme démontré dans les différentes Constitutions haïtiennes, peut laisser croire qu'il s'agit non d'une confusion conceptuelle, mais plutôt d'une fenêtre laissée entrouverte sur le statut incertain des Communes, question de précariser particulièrement la décentralisation effective des Communes et le processus de la décentralisation en générale.

VII.2. Tentations recentralisatrices des autorités haïtiennes

Cette compréhension de `'fait calculé sur mesure `' est d'autres en plus renforcée, car, après environ un quart de siècle depuis l'adoption de la Constitution de 1987, les organes Constitutionnellement prévus dans le processus de la décentralisation ne sont qu'infirmement mis en place et ceci dans une logique pour ainsi très déconcertante. Les Conseils Municipaux fonctionnent sans les Assemblées Municipales, organes de contrôle, de délibération et de participation. Aucun conseil départemental ne fonctionne, ce qui entraine automatiquement le non-fonctionnement du Conseil Interdépartemental. La configuration- des institutions fonctionnelles et non fonctionnelles de la décentralisation- soulève un paradoxe dans le processus. Les conseils exécutifs des Communes dont le statu est mitigé existent. Les conseils exécutifs des Départements dont le statu est sans ambigüité n'existent point. Les Communes fonctionnent dans une précarité juridique. Les Départements qui auraient la latitude légale nécessaire pour fonctionner pleinement comme entité décentralisée n'ont ni conseils exécutifs, ni Conseils délibératifs ou participatifs (Assemblées Départementales) dans la réalité. Tel est aussi le cas du Conseil Interdépartemental (CI) qui travaillerait directement avec l'Exécutif, et participerait au Conseils de ministres dans le cadre l'étude et de la planification des projets de décentralisation et de développement du pays (article 87-87.5 de la constitution de 1987).

Pourquoi des entités ont été mises en place et d'autres non ? Pourtant toutes les Délégations et Vice-Délégations sont fonctionnelles. Les entités délégataires même de l'exécutif et de chaque ministre du gouvernement ont vue ces dernières années leur situation en parfaite amélioration. On a assisté à un plus grand déploiement territorial de l'État centrale par le biais

des Directions départementales dont les conditions matérielles ont sensiblement amélioré. L'État semble se renforcer sans accompagner les entités décentralisées à se renforcer. Assiste t-on à un retour du centralisme d'autrefois?

VII.3. Absence de vision stratégique unifiée et de volonté politique de l'État haïtien

En 2006, soit 19 ans après, est publié le parquet de cinq (5) décrets qui viennent régler le mode d'organisation et de fonctionnement des Collectivités Territoriales. Cependant ces décrets sont frappés d'interdit politique. L'État n'a pas une position arrêtée des décrets. Ils ont été publiés dans le journal officiel du pays par l'exécutif. Il n'y a jamais eu d'arrêté ni de décrets contraires aux cinq décrets, cependant ils ont été politiquement mis en veilleuse. Puisqu'en dehors de ces décrets c'est le vide au niveau du mode de fonctionnement et d'organisation des CT, le MICTDN, exerçant le contrôle de tutelle sur les CT, en fait un usage mitigé. Les décrets constituant la `'Charte des Collectivités Territoriales» sont mis en ligne sur le dite du MICTDN, mais aucun officiel ne les assume publiquement. Le MICTDN a publié en Avril 2011 le Recueil de textes normatifs entourant l'action locale (648 pages) où ces cinq décrets ont été largement cités et exploités dans la régulation du mode de fonctionnement et d'organisation des CT, cependant contrairement à tous les autres textes cités, les décrets ne figurent dans l'annexe. Ces décrets à la fois utilisés et mis sous suspicion créent une confusion monstre sur l'organisation et le fonctionnement des CT. On est donc devant un État marron qui n'assume pas ses actes, qui ne tranche pas et qui joue sur les confusions pour se déresponsabiliser.

Dans cette confusion ou flou juridique grave, l'État qui est censé être un organe unifié de décisions est déchiré par ses propres contradictions. Le MPCE et le MICTDN sont bien connus pour leurs guerres intestines dans le cadre de leurs interventions dans les Collectivités Territoriales. Le MICTDN armé de sa mission de définir et concrétiser la politique du pouvoir exécutif en ce qui concerne la tutelle des CT, et le MPCE conscient de sa mission d'élaborer des plans de développement national, ces deux entités étatiques s'affrontent incessamment afin de déterminer celui qui agit sur et contrôle les actions des CT.

Selon la stratégie du MPCE, les Communes et les Sections Communales ne que des niveaux territoriaux opérationnels dont les politiques de développement doivent s'aligner sur les priorités définies au niveau de l'arrondissement qui n'est selon la Constitution n'est qu'un découpage administratif. D'ailleurs, le Plan national de relèvement et de développement du pays se fonde essentiellement sur les arrondissements et les Vice-Délégués pour promouvoir l'aménagement du territoire et le développement local. Le MPCE, privilégiant la déconcentration, soutient que la mise en place de services administratifs locaux serait plus fonctionnelle à l'échelle de l'arrondissement qu'à ceux des Communes et des Sections communales. Alors que le MICTDN veut que la décentralisation- comme mode de responsabilisation et de capacitation des Maires et des Casecs- soit au centre des décisions stratégiques. Ainsi deux (2) visions d'organisation territoriale s'affirment et s'affrontent. Des activités du MPCE sont parfois paralysées, car il n'a pas la capacité de mobiliser les Maires et Casecs qui sont pour ainsi dire contrôlés pour le MICTDN. Ce dernier, à son tour, s'enlise dans un certain renforcement de l'administration locale sans pouvoir effectivement accompagner le processus du développement territorial des Communes et des Sections Communales. Car pour cela, l'expertise en planification et aménagement du territoire du MPCE serait nécessaire.

La stratégie de l'organisation et du développement territorial est d'autre en plus ambiguë que d'autres acteurs comme les députés, les sénateurs, et même le président outrepassent leurs prérogatives Constitutionnelles pour piétiner les attributions des Délégués, des Maires, des Casecs. Bien que le Maire soit le premier responsable de développement de la Commune, Souventefois c'est le député et/ou le sénateur qui reçoivent du gouvernement central les fonds pour faire opérer des projets de développement, et ceci à l'insu même du premier citoyen de la Commune qui est le Maire. Quand les Casecs ne sont pas directement convoqués au Palais national pour recevoir les dons et les instructions de l'exécutif, ils sont recrutés sur terrain via le MICTDN pour devenir des agents locaux du pouvoir exécutif. N'ont-ils récemment reçu des cellulaires et des motocyclettes pour mieux faire les campagnes électorales du pouvoir en place ? Les délégués départementaux ont été mis en poste pour des fins uniquement politiques. On a observé récemment des délégués démissionnaires qui s'enorgueillissent d'avoir fait leur job en contribuant à la victoire des sénateurs du président de la république qui l'a nommé. Les

représentants de l'État central feignent une mécompréhension totale des organisations et attributions des institutions locales. Ils les domestiquent par l'abus du pouvoir et les corrompre avec les ressources mêmes qu'ils devraient mettre à leur disposition.

Toutefois, cette pratique déroute l'idéal explicite de la Constitution de 1987. L'absence des CI laisse le champ libre à l'exécutif et au gouvernement de faire les grandes décisions de la nation sans la concertation et la participation des populations locales. Les Conseils Municipaux et Casecs en poste se trouvent dans des conditions vulnérables qui ne leur permettent point d'exercer les pouvoirs et compétences octroyés. Les observations directes ont révélé que les élus locaux (Maires, Casecs) sont peu conscients des compétences qui leur sont octroyés. Ceux qui en sont plus ou moins conscients par moments n'ont pas nécessairement la faculté, la capacité ou la possibilité matérielle d'en exercer. C'est ainsi qu'il a été aussi observé que de manière pratique les Casecs fonctionnent sous le contrôle des Maires, qui se jettent à leur tour dans les mains du pouvoir centrale, notamment le MICTDN dont le contrôle de tutelle devient en réalité un véritable contrôle hiérarchique. Au lieu d'encourager la mise en place des Assemblées Constitutionnelles, le pouvoir centrale, par le biais du MPCE fait tout pour établir des structures non-constitutionnelles parallèles : les Tables Départementales de Concertation (TDC), les Tables Communales de Concertaion (TCC) et des Tables Sectoriels (éducation, santé, environnement, justice, agriculture, etc.). Les TDC, TCC et TS bénéficient- depuis le passage du cyclone Jane en Haïti (2004) notamment à Gonaïves- d'une attention particulière de l'État et des bailleurs de fonds internationaux. Présidés respectivement par le délégué départemental, le Maire et le directeur départemental sectoriel, ces structures sont financièrement appuyées par l'ONU, les ONG, les OI qui les utilisent comme espace de concertation et de participation entre le secteur public, la société civile et le secteur privé.

VII.4. Changement de paradigme et récupération internationaliste du processus de la décentralisation

A la moitié des années 80, sont engagées à travers les mouvances pro-démocratiques en Haïti des luttes contre le centralisme d'État et pour une appropriation des espaces politiques tant locale que nationale. Cette ferme volonté d'occuper l'espace politique et de réorganiser les rapports sociopolitiques projette une refondation inclusive de l'État par le bas. Ces luttes des années 80 étaient supposées renforcer la symbiose entre la participation et la décentralisation. Les administrations locales étant plus près des citoyens administrés, elles devraient mieux répondre aux besoins de la population. Cependant il n'existe pas d'un flux d'informations efficace entre les citoyens et les administrations locales. Les habitants ne sont ni informés des décisions du Conseil Municipal ni n'ont t-ils été consultés dans le cadre de l'élaboration des documents vitaux, comme le budget de la Commune. Du coté du Conseil n'est mise en place aucune instance de concertation et de participation afin de faciliter la participation effective de la société civile. Le mode de gouvernance territoriale instauré demeure concentré et centralisé
·
.

Contrairement aux attentes populaires, la décentralisation n'a pas permis les interactions régulières entre les citoyens et l'Etat. La situation actuelle ne traduit que de très peu les ambitions populaires des années 80. Toutefois, la demande de la décentralisation se fait de plus en plus exigeante. A la différence, ce nouveau souffle de décentralisation vient carrément de l'extérieur. Cela s'expliquera à partir des théories normatives qui posent la décentralisation comme préalable à la stabilité, à la participation démocratique et au développement. Aujourd'hui, ce sont davantage et surtout les bailleurs de fonds internationaux (ACDI, PNUD, MINUSTAH, CF, UE, etc.) qui sont au poste de commande de la décentralisation en Haïti. Ces bailleurs sont

L'article 82 du décret cadre sur la décentralisation (2006) garantie le droit à l'information et de consultation des habitants.


· L' article 84 du même décret exige le mise en place des instances de participation au profit de la société civile.~

unanimes à croire que la décentralisation constitue la meilleure stratégie pour reformer la gouvernance en Haïti. Agissant ainsi, ils font de la décentralisation une partie substantielle de leurs recettes qui sont censées remédier à tous les malheurs qui pourrissent la vie des haïtiens.

En incarnant une version minimaliste par rapport au rôle de l'État, les bailleurs internationaux tentent de transformer la décentralisation haïtienne en un véritable instrument de régulation devant faciliter l'expansion et l'accumulation du capital international. D'ailleurs ils n'entendent rien engager avec une Collectivité Territoriale sans l'approbation de l'État central, même si la CT jouit de la personnalité morale et juridique. Ils claironnent appuyer la décentralisation, mais seulement ils le font à travers des démarches très centralistes et internationalistes. C'est le cas de la Commune de la Croix-des-Bouquets où 75% des ONG et OI interrogées affirment avoir l'autorisation de l'État central, et 15% déclarent être en pourparlers avec l'État central. Aucune de ces entités ne juge nécessaire d'aller voir la Mairie de la Commune.

Par conséquent, comme les théories descriptives le soutiennent, les ONG et OI à la Commune de Croix-des-Bouquets mettent en oeuvre des projets non conformes à la réalité du milieu. Par exemple, n'ayant aucune idée de la tracée territoriale de la Commune, un bailleur a construit une école communautaire au beau milieu d'une route secondaire. Malheureusement, peu de temps après, cette école a dû être démolie pour faciliter le passage public. Pertes de ressources, pertes d'énergie, et pourtant le besoin de l'école demeure au sein de cette communauté. Les autorités locales, étant enquête de subventions, se plient docilement sous les contraintes des donateurs qui cherchent plus à se justifier par-devant son quartier général sis à l'étranger que de répondre pertinemment aux besoins locaux. Par la force des subventions

financières et d'influence politique, les donateurs arrivent à vider la décentralisation haïtienne de ses substances originaires et l'oriente vers un paradigme internationaliste uniforme.

Les dirigeants ne manifestent aucune volonté pour mettre en place de manière pratique l'arsenal de la décentralisation prévue par la Constitution. Quand Ils n'encouragent pas la duplication, le court-circuitage, ils violent carrément la Constitution. Ainsi donc, le vide laissé par l'absence des Assemblées, du CI, et du statut explicite des SC et des Communes font l'affaire les dirigeants qui n'entendent ni rendre compte, ni être contrôlés, encore moins exercer démocratiquement le pouvoir. La rêve démocratique du peuple haïtien se trouve estropié par le manque de volonté politique et d'une culture centraliste qui entrave subtilement et substantiellement le grand le projet de décentralisation nécessaire pour l'instauration d'un État basé entre autres sur les libertés fondamentales, le droit, l'inclusion, la justice sociale, la participation.

Synthétisé dans le préambule de la Constitution haïtienne de 1987

CHAPITRE VII

DESARTICULATION DU SYSTEME DE GOUVERNANCE TERRITORIALE
DE LA COMMUNE DE CROIX-DES-BOUQUETS

CHAPITRE VIII: DESARTICULATION DU SYSTEME DE GOUVERNANCE TERRITORIALE

Par définition, le fait de gouverner incombe à l'État. Les dernières réformes de l'État en Haïti ont opté pour une stratégie qui appuie la décentralisation des activités gouvernementales et des prestations de services publics. Cela transforme les Collectivités Territoriales en de véritables maîtresses et animatrices de la gouvernance au niveau local. Par ces reformes de la fonction publique, l'État central crée des autorités intermédiaires ou locales autonomes ou jouissant de la personnalité morale et juridique. Mais la décentralisation elle seule ne suffit ni pour provoquer la desserte efficace de services, ni pour amorcer le processus de développement soutenable escompté. Car ceci nécessite un mode d'interaction entre les autorités, le secteur privé et la fonction publique qui serait plus apte à encourager la participation citoyenne, le partenariat, la concertation et la coordination entre les acteurs-clés du territoire. Ce mode de d'interaction, décrit sous le vocable de gouvernance, favoriserait entre autres la mutualisation des ressources, l'émergence de la compétence transdisciplinaire des acteurs locaux, l'optimisation des flux d'information, la transparence, la reddition des comptes, la primauté du droit en faveur du développement intégré du territoire.

L'enquête et les observations ont révélé que les principales composantes du système de gouvernance de la Commune connaissent un niveau de désarticulation extrêmement poussé, il parait logique de se demander s'il n'y a jamais eu un système de gouvernance pratiquement mis en place. Cette désintégration du système de gouvernance se manifeste sur plusieurs formes dont les plus remarquables sont les suivantes :

VIII.1 Manque de leadership et de vision à long terme de développement

processus de la décentralisation- maillon stratégique de la gouvernance territoriale- n'aboutit pas. Plusieurs visions stratégiques contradictoires traversent le même État dans le cadre du projet de la décentralisation dans le pays. Les flous juridiques, le marronnage étatique, la vassalisation des autorités élus ne laissent ni de possibilité, ni de capacité au Conseil Municipal de la Commune pour exercer son leadership dans la gouvernance de la Commune. Envahis par les ONG et les OI, asservis par le pouvoir central, le contrôle de la Commune échappe de plus de plus à ces autorités locales.

Le Conseil Municipal ne dégage aucune vision à long terme de la Commune. Sous l'égide des ONG et des OI, les projets se distribuent à qui le veut et s'exécute en dehors de toute planification cohérente du développement de la Commune. Des entretiens avec des autorités municipales ont permis de comprendre que les élus à Croix-des-Bouquets ne disposent pas toutes les informations nécessaires pour prendre des décisions solides et pour transmettre aux citoyen (ne)s des informations précises. A l'image du pays, ni l'AM ni le Conseil de développement ne fonctionne dans la Commune, même une TCC n'y est pas trouvée. Il n'existe pratiquement aucune structure de partage d'information, de concertation et de participation des acteurs intervenant dans la Commune. Ni la capacité ni la volonté de coordonner la vie collective n'existe chez les autorités de la Commune.

VIII.2 Contradiction des stratégies de développement mise en oeuvre dans la Commune

Des observations les plus minutieuses n'ont pas permis d'arriver à la compréhension d'une stratégie homogène du développement de la Commune. En termes de construction de territoire, la Commune de Croix-des-Bouquets constitue effectivement un cadre de vie intime pour la 85% des personnes interrogées. Cependant, c'est une appropriation passive du territoire qui ne déclenche aucune velléité pour le revitaliser et le reconstruire.

J'habite la Commune de Croix-des-Bouquets. C'est la que j'ai ma demeure, je m'y sens donc bien. Je ne suis pas très prête à laisser la Commune. Je ne participe à aucune gestion de la Commune.

La Commune souffre du processus collectif d'innovation territoriale. Des citoyen(ne)s y vivent. Ils se sentent attachés à la Commune, mais ce n'est que dans une vision individuelle. Par l'absence de régulation politique, de planification économique, et d'intervention sociologique efficace, la population crucienne est incapable de générer un processus de développement local propre et singulier dans un temps défini.

Pour le moment, surtout après le séisme du 12 janvier 2011, le territoire de Croix-desBouquets jouit d'une sérieuse attractivité par rapport à sa localisation géographique, proche de Port-au-Prince, la Capital. Elle représente l'espace de relocalisation idéale pour des entreprises, des organisations, des centres éducatifs victimes du grand séisme. Ils s'y réinstallent à peu de frais tout en restant accessibles à leurs clients. Cependant, la Commune n'a pas su profiter de cette opportunité, car le faible dynamisme socio-économique, la précarité des conditions institutionnelles et sociales n'ont pas permis de rentabiliser ces investissements. Les revenus ne font que passer dans la Commune. Sa capacité de rétention de revenus est quasiment nulle, qu'il s'agit de taxes à prélever, de services ou produits à offrir.

Les ONG et OI assiègeraient la Commune pour y sauver des vies (assistance humanitaire) et pour accélérer son décollage en termes de développement économique. Selon leurs communications dans le cadre de leurs forums de discussions internes, Croix-des-Bouquets serait une communauté traditionnelle à majorité rural où la terre représenterait encore la plus grande source de richesse. La tendance désormais dominante dans la Commune renvoi au paradigme moderniste et évolutionniste qui représente le développement comme un processus naturel susceptible d'être accéléré par l'introduction de la technologie de pointe. Toutefois, la population crucienne ne connait pas encore l'introduction de grandes technologies promises.

Il a été observé, à la Commune de Croix-des-Bouquets, la coexistence ou la collusion des deux (2) principales stratégies de développement local : stratégie à tendance néolibéraliste et stratégie à tendance de résistance. Des entrepreneurs et autres organisations cherchent à y installer à cause de son attractivité territoriale. Des gens de la Commune affichent une certaine méfiance et craignent de ne plus pouvoir contrôler les ressources par rapport à l'invasion des étrangers. Ainsi les remarques de Solange sont très explicites :

Avec l'arrivée en masse de ces étrangers dans la Commune, nous, des fils originaires de la Croix-des-Bouquets, sommes exposés aux grands dangers. Ces étrangers sont bourrés de fric, ils vont acheter toute la Commune hectare par hectare et nous mettre à la porte comme des chiens. C'est à nous de faire quelque chose pour résister à ces menaces, sinon ils viendront nous dire comment manger, comment éduquer notre enfants, etc. C'est vrai, je vous dis, la dernière fois, j'ai entendu un de ces parvenus dire « les gens de Croix-des-Bouquets sont des congos
·
». Ils ont raison, on n'est pas unis nous autres et ils profitent de ce vide.

Le besoin de résister à la sorte de modernisation des autres se fait ressentir parmi une bonne franche de la population crucienne. Des citoyen(nes) de la Commune exigeraient le respect de leur identité culturelle et la valorisation de leur mode de vie et de leurs techniques existantes, mais les velléités pour concrétiser ou organiser cette résistance sont complètement absentes.

La Commune de Croix-des-Bouquets a des voies faciles sur Port-au-Prince, sur le Nord, le Centre et Malpasse (la frontière principale entre la Dominicanie et Haïti).

Les étrangers ici sont tous ceux qui sont non-originaires de la Commune (haïtiens ou des gens d'une autre nationalité)


· `'Congo»se dit des gens non civilisés, peu intégrés dans la vie moderne (ignorance des technologies et des normes sociétales dites modernes).

VIII.3 Déficit de l'autonomisation des citoyens et des citoyennes

Dans tout processus de développement, il faut considérer la capacité des citoyen (nes), surtout des plus vulnérables, à influencer les décisions qui ont une incidence sur leurs vies, et à maitriser les ressources de leur communauté. Un des enjeux majeurs du développement, est de permettre les citoyen (nes) de mieux s'impliquer dans le processus. Pour cela, ils ont besoin d'accroitre continuellement leurs avoirs et capacités afin d'améliorer leurs rapports avec l'État et les autres institutions.

Il a été démontré que là où les citoyen (nes) n'ont pas les capacités à prendre des décisions sur leurs vies et à gérer leurs ressources, se sont développées progressivement, entre les citoyen (nes) et l'État, et entre les groupes de citoyen (nes) eux-mêmes, des relations institutionnelles inadéquates qui atrophient davantage les velléités et capacités des gens à se retirer du sous-développement. Dans le combat contre le sous-développement, il est donc nécessaire que les gens sortent de l'impuissance en développant des capacités leur rendant aptes à négocier, participer, influencer, maitriser et responsabiliser les institutions en présence. Le développement de ces capacités exige une série de conditions minimales : Accès à l'information, participation démarginalisée, mécanismes de responsabilisation, etc.

 

Manque d'accès à l'information

Le flux d'information entre les citoyen (nes) de la Commune et les autorités municipales est peu efficace. En témoignent les résultats de l'enquête :

Les `'avoirs»constituent des biens physiques ou financiers (épargnes, voitures, la terre, maisons, moyens de productions, etc.). Les `'capacités»sont les facultés ou les conditions (santé, éducation, intelligence financière, etc.) permettant aux citoyen (nes) d'exploiter leurs avoirs de façon optimale.

Tableau VI: Extrait de questionnaire I

Questions adressées à 150 personnes (96 hommes et 54 femmes)

Taux de réponses en pourcentage (%)

Oui

Non

Avez-vous déjà essayé sur un sujet ou un autre de vous informer auprès de la Mairie?

25%

75%

Etes-vous informé des grands projets communaux pour les 2 ou 5 ans à venir ?

5%

95%

Avez-vous une idée du montant et de la planification du budget municipal?

0%

100%

Savez-vous la durée du mandat des Maires ?

20%

80%

Source : Auteur

Les citoyens et citoyennes n'ont presque aucun contact avec la Mairie. La minorité soit 25% de ceux qui entretiennent des relations avec l'Institution Municipale sont des gens qui y vont afin de régler quelques trucs personnels comme régler leurs documents de titre propriétaire ou un permis de construire qu'ils ont besoin pour aller voir un consul ou aller prêter de l'argent d'un organisme de crédit. Les 25% concernés ne sont point motivés par la participation ni leur responsabilisation dans la vie de la Commune. Les 75% n'ayant aucun contact avec la Mairie sont en grande partie des gens qui ne travaillent ou n'entreprennent pas d'activités nécessitant des transactions avec les autorités locales. L'institution municipale comme institution moteur du développement communal n'est consultée que par nécessité par ses citoyens et citoyennes.

Contrairement à l'esprit et la lettre de la Constitution de 1987 et de la Charte de la décentralisation
·
en Haïti, la majorité (soit 95% dans le cadre de notre étude) des cruciens et cruciennes ignorent les grands projets de leur Commune. Ils se trouvent donc marginalisés dans


· Formé du parquet des cinq décrets de 2006 dont le décret cadre sur la décentralisation.

la prise des décisions qui auront de grandes incidences sur leur avenir. Ces derniers ne sont pas non plus trop motivés à s'informer. Ils ne verraient aucune utilité à prendre une partie active dans l'implémentation des projets de développement, car ils ne pensent pas pouvoir influencer quoique ce soit en termes de décisions. Les 5 % des informés des grands projets communaux sont en majorité des gens qui sont directement impliqués dans la gestion municipale
·
, d'autres travaillent pour un service déconcentré impliqué dans des projets de la Mairie. C'est encore plus inquiétant quand aucune (0%) de nos interviewés a une idée de la planification et du montant du budget communal. Et cela se comprend car l'idée de budget communal n'était pas une réalité deux (2) avant dans la vie de la mairie. Ce n'est que la troisième budgétaire depuis que le MICTDN et ses partenaires appuient et obligent les Mairies à se doter d'un budget allant de 1 octobre au 30 septembre de chaque année conformément aux lois des finances du pays. La Commune de Croix-des -Bouquets est le lieu de non communication et de la non participation par excellence, en témoignent les 80% des enquêtés qui affirment n'être pas informé même de la durée du mandat des maires. Ils sont allés élire des autorités et c'est fini. Ceux-ci évolueraient tranquillement sans obligation de résultats ni de compte à rendre à personne.

Même les données tirées des observations abordent dans le même sens que les citoyen (nes) ne sont pas suffisamment outillé(e)s pour exploiter les opportunités qui se présentent. Ils ne sont donc pas en situation pour exiger de l'État les services auxquels ils ont droit. Ils ont montré une infime capacité à négocier et à tenir les institutions de la Commune responsables de leurs actions :

...Qui sommes nous pour leur demander de compte ? Ils sont tous des autorités. Ils font comme bon leur semble. ...Si nous posons des questions, on pensera que nous voulons faire de la politique.»


· Ces gens ou leurs très proches font des petits jobs avec la Mairie.

Tels sont les propos recueillis d'une citoyenne qui refusait de participer à un de nos focus group. Elle a été donc interviewée hors du groupe en compagnie de son époux Josias encore plus sceptique.

La diffusion de l'information dans cette Commune est tout un pari. Il n'y a ni station de radio ni de télévision communautaire qui informerait sur la vie spécifique de la Commune. La population est bombardée par un ensemble d'informations (venant des stations de radio ou de télévisions à caractère national) qui ne traitent que des intérêts nationaux. Ainsi les cruciens et cruciennes sont peu informés sur ce qui les intéresserait directement. Sous l'effet de ces informations traitant des intérêts macros, la population crucienne se voit même détournée de ses intérêts directs. Elle est plus informée des enjeux nationaux que de ceux qui ont une incidence directe et immédiate sur sa vie. La Commune n'a pas une culture de discussion et de débats. Les informations restent concentrées et monopolisées. D'ailleurs, le fait de n'être pas curieux de s'informer passe une qualité et une marque de sagesse dans la culture des cruciens.

Aucun effort n'a été observé de la part des institutions oeuvrant de la Commune en vue de mettre en place des mécanismes et des moyens pour informer les gens. Elles semblent ignorer les bénéfices des rétroactions sociales dans le processus du développement. La non communication et la non participation participent des obstacles majeurs du processus de développement de la Commune.

 

Faible degré de responsabiisation des citoyen et des citoyennes

A l'instar du niveau du faible niveau de communication et de participation, le niveau de responsabilisation s'est révélé extrêmement faible, à partir de l'enquête effectué :

Tableau VII: Extrait de questionnaire II

Questions adressées à 150 personnes (96 hommes et 54 femmes)

Taux de réponses en pourcentage (%)

Oui

Non

Etes-vous prêt à collaborer (avec les autorités locales) pour l'amélioration de la gestion de la chose publique de la Commune?

20%

80%

Sentez- vous responsable de l'état des choses (mauvaises conditions de vie, mauvaise gestion, extrême pauvreté etc.) de la Commune ?

2%

98%

Estimez-vous que les autorités locales respectent vos droits (santé, éducation, sécurité, loisir, etc.) ?

5%

95%

Estimez-vous que vous remplissiez bien vos devoirs de citoyen?

20%

80%

Source : Auteur

La plus grande partie des enquêtés soit 80% d'entre eux se disent n'être pas prêts à collaborer (avec les autorités locales) pour l'amélioration de la gestion de la chose publique de la Commune. Ils avancent que leur volonté de collaborer peut être interprétée comme une intention politique visant à remplacer les autorités locales. Pour éviter des éventuels ennuis, ils se disent prudents par rapport aux gens impliqués dans la gouverne publique de la Commune. Cela révèle entre autres comment le poids de culture de la politique centraliste et machiavélique a marqué l'histoire du peuple haïtien. Une sorte de psychose de peur, le plus souvent infondé,

habite constamment l'imaginaire des citoyens et citoyennes de la Commune. Cette perception citoyenne du politique est souventefois renforcé par les conflits relativement ouverts entre les instituions du même État. Pour exemplifier, citons le cas de la vice-délégation de l'Arrondissement de Croix-des-Bouquets qui n'arrive pas exercer le contrôle de tutelle ou de légalité sur l'institution municipale. Celle-ci ne reconnait à peine les compétences octroyées de l'État central à la vice-délégation. Ces institutions ne ratent jamais l'occasion pour s'affronter publiquement. Des aspirants candidats à la magistrature communale et à la députation sont trouvés morts dans des conditions mitigées. Les batailles hégémoniques et les incidents insolites traduiraient une dangerosité extrême à laquelle seraient exposés ceux qui se seraient immiscé dans la gestion de la chose publique.

Même si la plus grande partie de la population ne serait pas volontiers pour jouer un rôle actif pour le changement communal, la population quasi entière (soit 95% selon l'enquête) estime que les autorités locales ne respectent pas les droits collectifs, c'est-à-dire les droits que possède la population à la santé, éducation, sécurité, loisir, etc. Leur comportement semble confirmer l'hypothèse de Gerald Chéry selon laquelle tout est exigé de l'État et rien des civils. C'est sans surprise quand 80% des enquêtés admettent ne rien fait pour faciliter la tache des autorités locales, en termes de la tenue d'un comportement digne d'un citoyen ou d'une citoyenne (respecter des principes établis, l'entraide, etc.). De part leur comportement, ils semblent être des citoyens et des citoyennes qui rentrent en rébellion contre les institutions locales ou du moins ils n'y croient même pas :

... quand ils ont besoin de nos votes ou de notre appui ils se font dociles et attentifs comme des chiens bien apprivoisés, après c'est la merde, ils font leur affaire avec leurs proches copains on devrait incendier ces boites de mairie, de tribunal, de DGI et tout...ils sont bon à rien...

Tels sont les propos d'un jeune homme de 30 environs qui nous faisait rencontrer son groupe afin de préparer une rencontre d'entretien.

Comment amorcer le développement de la Commune si les citoyens et citoyennes ne se responsabilisent pas ? Surtout s'ils rentrent en rébellion contre les institutions ou les autorités ? Les cruciens et cruciennes semblent perdre (s'ils l'ont eu) toute aptitude à s'adresser aux autorités, aux fonctionnaires, aux fournisseurs de services publics pour que ces derniers justifient et ajustent leurs actions dans l'intérêt collectif. Cette anémie de responsabilisation se manifeste tant sur plan politique que social et à la fois de manière horizontale et verticale. Personne n'est tenu pratiquement responsable de quoi que ce soit, quand la collectivité crucienne ne s'enlise dans un je-m'en-foutisme, elle se console dans bondieurisme lamentable qui ne fait freiner davantage le processus de développement local.

 

Marginalisation des citoyen et citoyennes dans la prise des décisions

Dans la pratique de la politique de décentralisation à la Commune de Croix-desBouquets, la participation citoyenne n'est pas encouragée. Bien que les dispositions pour la participation soient théoriquement prises au niveau des lois haïtiennes, les citoyen (nes) sont pratiquement mis hors de la gouvernance de la vie publique communale. Les autorités locales au niveau communal ne se préoccupent pas de la participation. Le plus souvent, les autorités locales passent sous silence le devoir de communiquer avec les citoyen (ne)s. Si jamais, un groupe de citoyen (nes) revendique une certaine participation, elles font alors appel à diverses formes de boycott.

`'Les autorités dans cette Commune ne font nullement cas de la démocratie locale.
D'ailleurs elles ne savent pas ce que c'est, comment peuvent t-ils en faire une priorité ?
Elles ont peur de la solidarité des citoyens à Croix-des-Bouquets. Elles savent qu'elles

Conception de certains haïtiens qui consisterait à tout laisser sur le dos du Bon Dieu qui fera tout à leur place.

ne sont pas compétentes. Elles barrent la route partout et tout le temps, même avec le président de la république... `'
·

Les autorités semblent ignorer que la participation citoyenne constitue un élément fondamental dans le cadre du développement qu'elles promettent à la population cruccienne. Elles devraient appliquer de manière efficace et efficiente les dispositions participatives prévues par la loi ou mettre en place les mécanismes qui garantissent le modèle de participation que requiert la Constitution du pays.

`' Le maire qui est là n'incite pas les citoyens à participer à la vie communale. Ils sont gardés en dehors de tout. Le budget, on n'en sait pas, les personnels, on n'en sait pas, et on ne cherche pas non plus à savoir, on veut rester en vie»

Les citoyen (ne)s de la Commune de Croix-des-Bouquets sont pour ainsi dire marginalisé(e)s. Ils plus intéressés à voter pour designer le président de la république ou le sénateur dans leur département que de s'informer sur le profil de ceux qui seront maires dans la Commune. La participation électorale pour les postes municipaux est faible. Les maires sont élus généralement par une minorité d'activistes qui leur sont proches. Le processus de démocratisation à la base est tout à fait compromis à la Commune de Croix-des-Bouquets.

 

Corruption et manque d'accès aux services sociaux de base

L'accès de la population crucienne aux services sociaux de base ne constitue pas une préoccupation majeure des autorités municipales, quoique l'État l'aie situé au coeur de ses politiques de décentralisation et de développement. En effet, la fourniture des services sociaux de base à la population locale est l'un des trois (3) objectifs visés par le cadre général de la


· Propos recueillis d'un monsieur qui avait raté notre séance defocus groupe au centre ville et à qui on a eu une conversation sur les thèmes débattus lors du focus groupe. Ce monsieur dirige une organisation émergeant dans le centre ville de Croix-des-Bouquets.

Propos recueilli d'un jeune de 27 ans qui vit dans la Commune depuis dix (10) ans.

décentralisation en Haïti. De surcroit, cette préoccupation figure en bonne place dans le Plan d'Action National de Relèvement et de Développement d'Haïti dont elle constitue un des axes prioritaires. Toutefois, la mise en oeuvre de cette politique de fourniture de services sociaux de base n'a pas produit à date les résultats escomptés et tant attendus par la population crucienne. Désormais, la corruption est perçue dans la Commune comme un phénomène qui ne cesse de répandre ses effets malsains sur tous les secteurs sociaux de base du milieu. Dans un tel contexte de pénurie en services sociaux de base, des citoyen (nes) voient la seule façon d'accéder à certains services nécessaires est de passer par la corruption (pots de vin, passe droits, etc.) comme voie rapide. Des agents de l'administration publique, de leur point vue, voient la corruption comme l'unique voie pour satisfaire ses besoins et se procurer le minimum de bienêtre et de confort social nécessaire. Qui pis est, la corruption se répand à un niveau scandaleux dans tous les secteurs sociaux de base (santé, éducation, environnement, infrastructures, eau, électricité, propriété foncière, etc.). Le constat est d'autre en plus amer qu'elle n'appelle aucune action vigoureuse ni des autorités locales ni de l'État central pour lutter contre ce fléau.

Santé

La corruption dans le secteur de santé s'est particulièrement accentuée à cause de la croissance démographique et l'étroitesse de l'offre de service. Ce déséquilibre entre l'offre et la demande crée les possibilités au personnel de santé de s'enrichir au moyen de la corruption. Des professionnels dans ce secteur, au travers de multiples formes, abandonnent progressivement les valeurs déontologiques du métier pour se livrer à pratiques illicites par lesquelles ils banalisent la souffrance humaine et la mort au profit de l'appât du gain rapide :

`' Si tu n'as pas d'argent, tu es plus qu'un chien, car un chien dont le maitre est riche a son vétérinaire. On nous prend ici pour des laissés pour compte. Quand nous demandons au personnel de prendre soin de nous ou de nos parents, il nous conseille d'aller vers les centres privés si on est pressé. Là-bas, ils sont sûrs de pouvoir nous rançonner tranquillement. On fait la queue depuis des heures, mais ceux qui ont payé de pot de vin

passent avant nous. Nous sommes des humains, même si nous sommes pauvres, ce n'est pas une façon de nous traiter. `'

Cette jeune dame, qui exprimait ses colères lors d'une de nos séances d'observation, résume toute la corruption dans le secteur. La fixation des rendez-vous est le plus souvent fonction de la capacité du patient à payer. Pour une consultation de deux cents clinquantes gourdes (250 gdes), le patient voit un médecin dans environs dix (10) minutes, par contre pour une consultation de 50 gourdes, le patient doit attendre plus d'une heure. Souvent cela se passe dans le même centre hospitalier, sous le fameux prétexte que le centre a une partie communautaire et une partie privée. Généralement, les patients dont la capacité financière répond sont délocalisés dans des cliniques privés pour toute petite chirurgie. Qui pis est, ces chirurgies mineures sont pratiquées avec les mêmes instruments du centre dit communautaire. Cela vaut pour les examens de laboratoires.

Par voie de conséquence, la corruption renforce et entretient l'inégalité d'accès aux soins. L'appât du gain facile tente à déshumaniser la pratique de la médecine. Des professionnels corrompus dérégulent le fonctionnement des services de santé en utilisant les services publics à des fins privées, ils contribuent donc à détériorer progressivement la qualité des services rendus. Les autorités municipales semblent n'avoir aucun contrôle de ce jeu pervers.

Education

Encore dans le secteur de l'éducation, le déséquilibre entre l'offre et la demande renforce les possibilités de corruption. En principe, les écoles privées, mêmes celles dites semi-lycée, sont les plus couteux. Pour éviter les coûts trop élevés des écoles privées, beaucoup de parents sont prêts à s'acheter une place au lycée public de la Commune. Les dirigeants qui sont donc très

Des types d'écoles où l'on paie soi-disant la moitie des frais régulières. Cette stratégie n'est utilisée en réalité que pour bâtir la clientèle scolaire au tout début. Le plus souvent la qualité de l'enseignement de ces écoles laisse à désirer.

sollicités sont enclins à la corruption. De fait, la corruption se pratique sous forme de recrutement parallèle des élèves, de favoritisme (des enseignants qui présentent des clients comme des proches parents, etc.), et de magouilles (falsification des résultats des concours, etc.). C'est un constat malheureux que d'entendre Yves Joël, jeune de 13 ans, exprimer sa joie pour avoir réussi aux concours d'entrée du lycée communal:

`' Au premier affichage des résultats du concours, j'étais à la troisième place. Au nouveau affichage je suis le treizième, ca ne fait rien je suis quand même admis au lycée. Je n'avais pas payé ils ont le droit de protéger leurs clients pourvu que je sois encore parmi eux, ce qu'on veut c'est être admis au lycée, non ! `'

La corruption se manifeste également dans le mode d'expulsion des élèves du lycée. En principe, la répétition des classes (le redoublement) n'est pas acceptée au lycée. Cependant, il y a un réseau, selon l'avis des parents, qui reçoit de l'argent afin de permettre aux élèves qui n'ont réussi de reprendre les classes ou même d'aller en classe supérieurs certaines fois.

En fin de compte, l'impact de la corruption sur le secteur éducation à Croix-des Bouquets devient de plus en plus dévastateur, la corruption a occasionné une baisse progressive et tendancielle de la qualité de l'enseignement. Les effectifs pléthoriques dans les classes entravent sévèrement la qualité de la formation. Le recrutement des enseignants- tout comme celui des élèves- se fait sous la base de favoritisme. Des parents se plaignent du comportement de certains enseignants qui abusent des jeunes filles sous prétexte de leur souffler les questions d'examens ou des concours. En plus de l'iniquité sociale dans l'accès à l'éducation au niveau de la Commune, celle-ci risque de fournir au pays entier des citoyen (nes) sans aucun repère civique et moral.

Eau et électricité

Il n'existe pas un système de distribution d'eau dans la Commune de Croix-desBouquets. La population se sert davantage de puits artésiens. Sans les moyens pour s'acheter de l'eau traitée vendue à des points fixes dans la Commune, la majorité des citoyen (ne)s boivent

de l'eau des puits artésiens sans pouvoir la potabiliser. Qui pis est, certains des points fixes on l'on vend d'eau, subissent les méfaits de la corruption. Il a été constaté des faux documents de

laboratoires sur la porte de ces entreprises. Des inspecteurs des Travaux Publiques et de Santé publique ont livré de faux documents d'autorisation. Sous peine de voir leurs entreprises fermées pour cause d'hygiène ou de non potabilisation de l'eau, certains entrepreneurs- refusant de soumettre un spécimen de leur produit aux testes de laboratoire comme exigé- s'achètent de faux documents d'autorisation par ci par là. Même si tous les documents exigés sont sur la porte de l'entreprise, la corruption ne recule pas, car les inspecteurs voient les entrepreneurs comme des richards dont on doit enlever une partie de biens. Si l'on se réfère au propos d'un petit entrepreneur anonyme du centre ville, on ne manquera pas de comprendre les menaces que ces pratiques placent sur l'économie communale.

`'L'inspecteur d'hygiène, celui de la DGI et de la Mairie sont comme des actionnaires dans mon petit business. Chaque deux ou trois mois, ils viennent comme pour balancer les comptes et arracher leur part des gains. C'est un calvaire avec ces gens. Les bénéfices sont déjà très maigres, en plus on doit partager avec l'État. Nous ne pourrons pas tenir longtemps dans cette situation. ?

La situation de distribution d'électricité ne se différencie très peu de celle de l'eau. Il y a un bureau d'EDH dans la Commune sans la capacité de satisfaction des besoins de la population. 80% des équipements électriques (transformateurs, cables, poteaux, etc.) sont achetés par des

particuliers voulant électrifier leurs demeures. La population peut passer deux à cinq jours sans électricité au moment où il' n'y pas de problèmes techniques graves. Il peut arriver qu'il n'y a pas d'essence, ou l'employé qui gère l'essence est à Port-au-Prince pour quelques jours à cause des problèmes familiales, ou parce qu'il est malade, ou autres. A son absence, personne d'autre ne voudra bosser à sa place :

`'Elle (une employée absente) gagne tout son argent ce n'est pas moi qui vais bourriquer à sa place. J'ai fait mon propre job, donc personne n'a le droit de me dire quoi que ce soit. Je ne suis pas le mari de cette dame, ni la personne qui la baise».

L'employé s'exprimait ainsi devant une vingtaine de clients (dont l'auteur de cette recherche) parce qu'un lui a suggéré ceci :

`'Je sais que d'habitude c'est la dame qui reçoit sur la caisse, nous sommes là à attendre depuis ce matin, si elle ne viendra pas aujourd'hui, tu pourrais nous recevoir à sa place pour aujourd'hui, tu ne sembles pas trop occupée d'ailleurs».

Non seulement le souci du client et le respect des clients sont absents dans le comportement de cet employé de l'EDH, mais aussi son propos dévoile la discrimination contre les femmes qui existe dans les rapports au niveau de l'entreprise. Les hommes jouissent d'un traitement largement plus favorable au détriment des femmes qui remplissent le même niveau de fonction. Cette inégalité se décline à différents niveaux : inégalité en droit, inégalité de traitement, mais aussi inégalité des chances et égalité.

La corruption dans le secteur de l'électricité se manifeste également au niveau des travaux de branchement. Généralement, l'EDH invoque les raisons de manque de personnel pour effectuer les travaux, manque d'équipements nécessaires ou tas de travaux en attente

depuis longtemps et qu'on devrait urgemment réaliser. Mais ces subterfuges ne visent qu'àdécourager le client qui devient impatient et finit par conclure un marché avec un agent pour

accélérer le processus. En passant par ce chemin pour avoir le branchement, les clients qui ont satisfait les négociations sont servis sans attendre. Cette situation favorise le nombre de branchements illégaux qui ne semblent pas déranger trop les agents de l'EDH. Quand ils découvrent un branchement illégal, ils préfèrent le plus souvent passer un "deal" avec le client fautif. Ce que l'État perd quotidiennement est gagné comme une rente mensuelle par des agents malhonnêtes qui gardent le silence.

CHAPITRE IX

OPPORTUNITES ET POTENTIALITES D'UN SYSTEME DE
GOUVERNANCE TERRITORIALE POUR LE DEVELOPPEMENT

CHAPITRE IX : OPPORTUNITES ET POTENTIALITES D'UN SYSTEME DE GOUVERNANCE TERRITORIALE POUR LE DEVELOPPEMENT

En dépit des vides, des dérives et contraintes constatées, la question de la décentralisation et du développement local en Haïti ne devrait être pas mise de coté. Au contraire, les constats interpellent des actions pressantes et efficaces afin de consolider et de maximiser les acquis de la décentralisation dans le pays et de permettre au processus de la décentralisation de jouer son rôle catalyseur dans la desserte des services publics, dans la démocratisation à la base, et dans l'impulsion de la prise en main des territoires de la fabrication de leur propre développement. Pour ce faire, il importe que les autorités et citoyens, citoyennes prennent conscience et s'attellent à neutraliser, sinon à résoudre, certains problèmes structurels qui ont déjoué et déjouent encore la mise en oeuvre des meilleures stratégies de développement dans les Communes. Pour briser les plus coriaces de ces goulots d'étranglement, il faudra décider de prendre une série de mesures dont les plus pertinentes sont ci-dessous mentionnées :

IX.1. ÉVALUATION DE LA REPARTITION DES COMPETENCES ET DES RESSOURCES ENTRE LES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET L'ÉTAT CENTRAL

Comme indiqué dans la première partie de l'étude, la définition claire des compétences entre les Collectivités Territoriales et l'État central constitue la première chance de réussite de tout processus de décentralisation. Dans le cas d'Haïti, à cause de l'absence des lois et des règlements internes et de la volonté politique existe un certain chevauchement des compétences entre les divers paliers de gouvernement en présence. Par conséquent, il y a une mauvaise définition des ressources correspondantes; ces responsabilités vagues ont laissé la possibilité d'engager des fonds à des projets fantaisistes des ambiances populaires, des campagnes électorales au profit du gouvernement central, par exemple. Il arrive des cas où des élus locaux sont transformés carrément en propagandistes ou en ouvriers de campagne du parti au pouvoir. Des fonds- que les élus devraient normalement recevoir pour investir dans le développement de

leur territoire- ne sont reçus que sur la base des conditionnalités politiques en dehors de toute transparence. Par conséquent, les risques de corruption abondent.

S'il faut contribuer effectivement au développement des Communes, suivant le voeu de la Constitution de 1987, le budget de la république devra être effectivement décentralisé avec les ressources financières qui vont clairement en faveur de chacune des 140 Communes du pays. A quoi servent des pouvoirs techniques et politiques sans les moyens matériels et financiers ? Les subventions reçues de l'État central ne tenant nullement compte des besoins de financement réels des Communes ne sert qu'à rendre ces dernières économiquement et politiquement plus dépendantes.

Au plan technique, contrairement au voeu de la Constitution de la république, les Communes, la Commune de croix-des-bouquets en exemple, n'arrivent pas bénéficier l'appui des services techniques déconcentrés de l'État. Ceci, à la fois à cause du degré avancé de la défaillance de ceux-ci et de l'ambigüité au niveau de la répartition des responsabilités respectives.

La mauvaise répartition des compétences et des ressources contribuent à alimenter l'inaction de certaines autorités locales qui tentent à se déresponsabiliser en s'enlisant dans un attentisme sévère des autorités centrales. Une évaluation et une redéfinition claire des compétences et des ressources s'avère donc être une nécessité afin d'une meilleure politique de décentralisation.

IX.2. STRUCTURATION, PROFESSIONNALISATION ET STABILISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

Les conditions désorganisées du personnel territorial public dans le pays ont montré la nécessité de structurer, de professionnaliser et de stabiliser la fonction publique territoriale qui, dans une certaine mesure, n'existe pas. Car il n'y pas un cadre légal à ce sujet, le décret de 2006 y relatif est non seulement contesté, mais aussi inapplicable du fait qu'il soit dépend d'autres

mesures préalables. Cette situation s'empire régulièrement à cause de la nomination et révocation des personnels à chaque fin de mandat des élus. Ainsi la gestion municipale continue t-elle d'être de plus en plus boiteuse. Les Mairies deviennent donc incapables d'agir en maitre d'ouvrage conformément à l'esprit de la Constitution.

A la Commune de croix-des-Bouquets, le mode de recrutement est mitigé. La population n'est pas informée s'il y a des vacances ou pas. Il faut le contact au moins d'un ami pour se faire embaucher à l'administration municipale. A la fin du mandat des élus, les agents sont en grande partie virés pour faire place aux partisans ou aux proches des nouveaux élus ou nommés. Il n'y a pas une culture de concours dans le mode du recrutement au niveau de la Commune. La Mairie est souvent remplie de petits fonctionnaires sans compétences et/ou sans taches réelles.

Le niveau de salaire pratiqué à la Mairie de Croix-des-Bouquets, comme dans le reste des Mairies, excepté peut être deux ou trois grandes Mairies de l'aire métropolitaine, est le plus bas de la fonction publique en Haïti. Les agents de la voierie oeuvrent dans des conditions pour ainsi dire infrahumaines. Ne possédant aucun statut, les agents travaillent en principe en dehors de toute sécurité sociale. Ils n'ont pas de plan de carrière. Ils sont comme de simples vendeurs de services ponctuels. Cette situation ne peut qu'influer négativement sur leur(s) motivation et performances.

Pour rendre l'administration municipale plus performante, dans la desserte des services publics, il faudra un personnel plus compétent et dévoué. Il faudra operer des changements capables de rationaliser la gestion municipale pour que celle-ci puisse offrir au moins les services publics de base. Ces changements impliqueront autres : un nouveau mode de recrutement en dehors du favoritisme et du clientélisme :

v' Un haussement du niveau de salaire :

v' Existence d'un plan de carrière

v' Une amélioration générales des conditions de travail

Les changements au niveau de la gestion municipale- en renforçant les processus et structures organisationnelles-, doit conduire à une refonte des mentalités des agents de services. D'où la nécessité de structurer la fonction publique territoriale afin de rechercher les meilleures stratégies pour distribuer les rôles, doter des fonctions, répartir les services en harmonisant les rapports latéraux et verticaux entre eux, et en fonction.

Les fonctionnaires publiques territoriaux devraient être assujettis, comme en France, à une formation statutaire obligatoire qui comprendrait à la fois une formation d'intégration et une formation de professionnalisation. La formation d'intégration se donnerait l'année de l'entrée en fonction afin de doter le nouveau ou la nouvelle des connaissances de base relatives au fonctionnement de la Mairie, à l'environnement municipal, et à la mission des municipalités. La formation de professionnalisation interviendrait après titularisation de l'agent et tout au long de sa carrière. Le fonctionnaire recevrait des formations nécessaires pour maintenir et améliorer son niveau de compétence qu'il doit adopter à chaque moment de l'environnement.

Mais, à quoi servirait des fonctionnaires bien formés s'il n'ont pas un plan carrière ? Si la structuration et la professionnalisation de la fonction publique territoriale constituent des fondamentaux de la décentralisation, leur garantie d'exploitation reste et demeure la stabilisation de l'administration territoriale. La stabilisation de la fonction publique territoriale entrainera un coût considérable, mais les effets positifs et impact de celle-ci sur la gouvernance et développement territorial resteraient nettement supérieurs.

IX.3. DEMARGINALISATION PAR LA RESPONSABILISATION ET LA PARTICIPATION CITOYENNE

Il a été démontré que les cruciens et cruciennes ne sont pas pratiquement intégrés du fait de leur manque de capacités et leur faible niveau de responsabilisation dans la gestion communale. L'un des obstacles majeurs de la participation citoyenne est le fait que les autorités locales ne privilégient pas le reddition des comptes ascendantes. Ils se considèrent libres et deviennent indifférents par rapport à une quelconque perception de la population de leurs performances. Les élections - étant des plus grandes manifestations de la participation citoyenne- s'organisent généralement dans un environnement de fraude massive. N'importe qui peut donc sorti vainqueur des élections suivant ses accointances politiques, ses moyens financiers, son charisme, etc.

Pourtant, il va de soi qu'un maire- qui inciterait les citoyens et citoyennes à participer à planification, au montage des budgets, à la gestion des choses publiques locales en général- aurait automatiquement plus de chance d'être réélu. Le contexte haïtien a déjà défié plein de cas similaires. Les autorités n'hésitent point à expliquer leur inaction dans le domaine de la participation par l'absence des moyens. Pourtant des moyens pour améliorer l'intégration et la responsabilisation de population sont à la portée de toutes autorités locales dans le pays. De manière simple et pratique, la Mairie peut s'informer des avis et besoins des citoyens, à travers, entre autres, des petites enquêtes et des boites de suggestions qui sont capables d'informer sur les préoccupations et préférences locales aussi valablement que des techniques et méthodes pointues et couteuses.

La formation civiques et la sensibilisation des citoyens est faisables à travers des émissions de radio, des activités culturelles. Un inventaire des associations et organisations existantes dans la Commune devrait être un bon départ pour marcher vers le renforcement la de société civile. Les compétences que la Mairie partage avec l'État central dans des domaines tel que l'éducation pourraient être utilisées pour que la Commune exerce effectivement son rôle dans la construction de la citoyenneté. Le déficit de la citoyenneté dans les Communes d'Haïti s'explique aussi du fait les autorités locales ne se soucient pas suffisamment du contenu des curricula des écoles de leurs Communes. Chaque Commune aurait l'obligation d'intégrer dans le cursus scolaire des cours capables de préparer les citoyens à vivre de manière fonctionnelle dans leur milieu immédiat. Ainsi le citoyen ou la citoyenne deviendrait un sujet valable et agissant au service de sa Commune et de son pays.

En fin de compte, tous les aspects ci-dessous analysés ont montré que la Commune de la Croix-des-Bouquets est prise dans un cercle vicieux qui pourrait être illustré par le schéma ci-dessous:

Tableau VIII : Cercle vicieux du sous-développement à Croix-au-Bouquets

SOUS-DEVELOPPEMENT
LOCAL

SYSTEME DE
GOUVERNANCE LOCALE
DEFAILLANTE ET
DESARTICULEE

DECENTRALISATION
FICTIVE

( SANS LES POUVOIRS
ET LES RESSOURCES
NECESSAIRES)

MARGINALISATION DES CITOYEN (NE)S DANS LA PRISE DES DECISIONS LIEES A LEUR AVENIR

MANQUE DE SERVICES
SOCIAUX DE BASE

DEFICIT DE CAPACITES DES CITOYEN(NE)S ASE RESPONSABILISER ET RESPONSABILISER LES AUTORITES PUBLIQUES

170 Source : Auteur

A cause de son sous-développement (mental et matériel), la décentralisation demeure fictive de plus en plus précaire, car elle n'est pas accompagnée de transfert de pouvoirs et de ressources nécessaires, ce qui influe négativement sur la capacité des autorités locales à fournir les services sociaux de base et à animer la dynamique de développement de la Commune comme les lois haïtiennes l'exigent.

Une population- dont la majorité de ses membres n'ont pas accès à l'éducation, l'information, la santé, l'eau potable, l'électricité, infrastructures de loisirs, etc.- accusera naturellement un déficit de capacités à se responsabiliser et à responsabiliser ses autorités, sur lesquelles il y a normalement très peu de pression pour faire participer les citoyen (ne)s dans la prise des décisions stratégiques. A ce moment, on se trouve dans un système de gouvernance dont deux (2) de ses composantes fondamentales - la Société Civile et le Secteur Privé- deviennent hyper atrophiées et dont la composante principale - le secteur public- devient hyper dominant. Les actions de gouvernance entrent automatiquement en déphasage pour provoquer la désarticulation du système de gouvernance déjà défaillant. Le système de gouvernance ne coordonne, ni n'oriente alors les actions pour le développement. Le système perd donc toute son essence démocratique, sa vertu décentralisante et ses qualités à soutenir la croissance économique, la justice sociale, la promotion et protection des droits humains, etc.

CONCLUSION

CONCLUSION

Les années 70 ont marqué le début du déferlement de la vague de démocratisation sur le monde, c'est-à-dire le passage de diverses formes de régimes autoritaires à la démocratie. Ce processus est d'autant en plus accentué avec l'écroulement du rideau de fer, du mur de Berlin en 1989. Cet événement a facilité la propagation de la démocratie un peu partout dans le monde, en Europe, en Amérique Latine, en Afrique, etc. Haïti n'a pas échappé à cette vague de démocratisation. En effet, en 1990, Haïti a organisé en grande pourpre ses premières élections dites démocratiques. Cependant, la transition démocratique en Haïti a une double explication.

Premièrement, ce passage du mode de gouvernance autoritaire à un mode de gouvernance démocratique traduit les desiderata du peuple haïtien de rompre avec la dictature et les pratiques sanguinaires dont il est victime, particulièrement sous les Duvalier. Cette volonté ferme d'y mettre fin s'explique indubitablement à partir des événements de février 1986 qui ont abouti au changement de régime politique. La dynastie duvalierienne a pris fin et fait place à un régime démocratisant. Ce moment historique propre aux haïtiens a suscité le besoin et la volonté de casser le jeu politique pour le réorganiser de manière ouverte et démocratique.

Secondement, Haïti- étant le pays le plus pauvre de son hémisphère, et vivant donc en grande partie de l'aide internationale- ne pouvait pas se soustraire de la vague de démocratisation. En effet, depuis les années 80, à l'instar des pays africains, devant les crises sociopolitiques et économiques que traversait Haïti, les principaux bailleurs du monde ont réévalué le fondement et les mécanismes de l'aide au développement en l'axant sur la démocratisation comme nouvel fondement et conditionnalité. L'injonction était faite désormais à Haïti, comme aux autres pays bénéficiaires, d'accepter l'idée selon laquelle `'la démocratie apporte le développement». Ils devaient donc s'approprier de la démocratie comme cadre politique de l'État de droit et de la protection des droits de l'Homme afin de se retirer de la misère ou mieux de s'attirer le maximum d'aides internationales possibles.

Sous l'effet conjugué de ces deux (2) forces à la fois interne et externe, Haïti a engagé à travers la Constitution de 1987 une reforme ou du moins une modernisation de l'État qui a fait de la décentralisation l'une des pièces maitresses pour amorcer le développement à la base. On a assisté donc à un changement de paradigme de développement en Haïti. Le schéma de développement de haut de l'État, pour s'optimaliser, devrait cette fois-ci intégrer la dynamique de bas qui lui donne son assise et légitimité.

Ans le cadre de la recherche, ont été revisités dans une perspective critique les grands courants en théories et stratégies de développement telles que les théories évolutionnistes, les théories marxistes et les théories historico-systémiques.

Les théories évolutionnistes posent le développement comme un processus naturel à la fois inévitable et irréversible. Le sous-développement ne serait qu'un simple retard qu'un changement culturel (au plan mental et technologique) pourrait aider à accélérer. Ce courant libéral a contribué largement à la propagation de l'idéologie de la modernisation, du pluralisme intégré, et de l'efficacité novatrice comme préalables au développement.

Les dependistas, du courant marxiste, n'ont pas dépassé la modernisation, cependant ils ont eu le mérite de mettre en évidence les contradictions, la polarisation des groupes sociopolitiques de la modernisation. Les confusions et les divergences entre les dependistas euxmêmes ont forcé de regarder vers d'autres horizons pour chercher à comprendre davantage le phénomène du développement.

C'est ainsi que l'approche historico-systémique du développement a été introduit. Si les théories évolutionnistes ont permis de saisir le contexte de l'avènement officiel du développement, si les dependistas ont attiré l'attention sur bien des faiblesses des théoriciens libéraux, c'est surtout l'approche historico-système qui a permis d'apprécier la trajectoire du

développement au développement local. Avec les historiens systémiques surtout, on a revu la genèse et la phylogenèse du capitalisme dont la globalisation constitue l'étape la plus décisive. C'est justement en réaction à cette étape charnière du capitalisme, que la pensée localiste du développement va prendre forme.

Le passage en revue des principales stratégies du développement local ont permis de faire valoir l'hétérogénéité et la complexité de la pensée localiste du développement. Dans un continuum partagé entre les politiques de droite et de gauche, le développement local se fonde respectivement sur la compétitivité économique, la notion de territoire, l'identité culturelle, etc. Les différentes stratégies du développement local, aussi contradictoires qu'elles paraissent, possèdent un dénominateur commun : La nécessité de reformer tout État centralisateur afin d'encourager la participation et la responsabilisation des citoyen (nes), des membres de la société civile ou du secteur privé. En ce sens, on est en droit d'avancer qu'aucune stratégie de développement local ne puisse se concevoir sans un certain degré de décentralisation de l'État. Étant un élément constitutif et instrumental de la gouvernance territoriale, la décentralisation a été comprise dans la perspective de ses théories normatives et de ses théories descriptives.

Transposée dans le contexte haïtien, la problématique de la décentralisation et la mise en oeuvre des stratégies de développement local ont offert l'opportunité de scruter la culture politique haïtienne, le cadre institutionnel de la décentralisation et du développement local dans le pays, et l'étude du cas précis de la Commune de Croix-des-Bouquets.

Dans le cadre de la recherche, ont été notammnet démontrés :

(i) la necessité de la responsabilisation et la participation des citoyens et citoyennes dans la fabrication et la coordination de l'action de développement : La faible capacité des cruciens et cruciennes à influencer les décisions a occasionné une non maitrise de leur part des ressources de leur communauté. Ils ne sont donc pas en mesure de s'impliquer valablement dans le processus du développement. Leurs rapports avec l'État, les

institutions locales et autres institutions sont défaillants. Étant irremplaçable dans la chaine de fabrication et de coordination de l'action de développement, l'engagement des citoyens et citoyennes laisse un vide qui contribue à perpétuer le sous-développement de la Commune de Croix-des-Bouquets.

(ii) la nécessité de la disponibilité des autorités et des cadres formés et motivés pour impulser le développement local : La Mairie de Croix-des-Bouquets, étant l'institution maitre d'ouvrage du développement de la Commune, ne possède pas une batterie de professionnels imbus de leurs fonctions et motivés à desservir la population locale. Cette institution est regorgée des agents qui y sont faute de mieux. Ce sont des agents relativement livrés à eux-mêmes sans obligation de résultats. Le rôle de leader de cette institution à impulser le développement- en incitant les acteurs, en coordonnant les actions, en mobilisant et distribuant les ressources- se trouve nettement atrophié. Ceci donne à la Commune l'air d'être navire sans capitaine et dont l'équipage est en désarroi.

(iii) l'impact éventuel de la gestion saine des services publics sur le développement local : L'incapacité des autorités locales à gérer efficacement les affaires de la Commune a renforcé le degré d'innaccessibilité des services sociaux de base. La seule façon d'accéder à certains services semble de passer par la corruption comme une voie rapide. La corruption ne cesse de répandre ses effets malsains sur tout le processus de développement de Croix- des-Bouquets. Les recettes propres de la Commune se voient volatilisées. Les petites et moyennes entreprises se trouvent découragées à la fois par la corruption (taxes surélevées, difficultés d'acquérir des documents administratifs) et l'insécurité (vols organisés, etc.). La corruption- affectant l'économie locale et se répandant essentiellement dans les secteurs sociaux- contribue à baisser continuellement la compétitivité de la Commune.

Toutes les démonstrations ci-dessous ont conduit au fait que le système de gouvernance du territoire de Croix-des-Bouquets est foncièrement désarticulé et incohérent. la Commune de Croix-des-Bouquets souffre d'un manque sévère de leadership. La Mairie n'a pas la capacité de jouer son rôle de maitre d'ouvrage qu'elle est censée jouer dans le processus du développement. La Société Civile non plus n'est organisée de manière à pousser les autorités municipales à prendre ses responsabilités. Par conséquent, il n'existe pas une vision à long terme du développement de la Commune. Des stratégies de développement de plus en plus contradictoires, ayant même des effets négatif, sont mises en oeuvre dans la Commune en dehors de tout schéma d'aménagement de territoire, d'urbanisme ou de plan de développement. Il va de soi que la pratique de la décentralisation déjà fictive et précaire dans la Commune ne peut avoir aucun impact majeur sur le développement.

Les démonstrations ont conséquemment permis d'avancer que la responsabilisation et la participation des citoyens et citoyennes, une bonne allocation et gestion des ressources, permettrons aux autorités locales d'exercer mieux leur leadership, les compétences administratives et politiques transférés de l'échelon central au niveau Communal. Ceci a permis de confirmer avec certaines réserves l'hypothèse de départ selon laquelle la décentralisation- étant fondée sur le partage des responsabiités et des ressources, et la participation citoyenne- ne favorise le développement local que dans la mesure où elle est pratiquée dans un système de gouvernance territoriale cohérent.

Car il appartient toujours aux autorités comme premier chef d'oeuvrer pour fabriquer ou faciliter la cohérence de la gouvernance du territoire. Quand les institutions locales sont défaillantes, et que les citoyens et citoyennes sont marginalisés, la décentralisation devient coquille vide sans impacts réél sur le développement local.

Théoriquement, s'est renforcé l'évidence de la relation directe décentralisation et développement local. Pour être efficace, entre décentralisation et développement local, il est démontré qu'il doit y avoir une harmonisation, une articulation, une intégration même minimale.

Notre recherche a amené à des trouvailles permettant de renforcer certaines idées déjà en circulation dans le milieu et d'autres projetant des horizons contraires. Aussi vrai que la décentralisation est foncièrement inscrite dans la loi fondamentale du pays, la décentralisation demeure dans le pays un processus précaire dans le sens fort du terme, c'est-à-dire elle n'a rien de stable, d'assuré, tout le processus en cours depuis 1987 reste incertain, provisoire, et fragile. Cette précarité s'origine dans la Constitution même du pays qui ne reconnait pas un statut égalitaire des Collectivités Territoriales. Les Départements sont reconnus comme des personnes morales, les Communes ne jouissent pas de personnalité morale, elles ne jouissent que de l'autonomie administrative et financière, et le statut des Sections Communales est tout simplement absent dans la Constitution.

Compte tenu du statut des Communes et des Sections Communales, on aurait pu nommer les autorités à la tête des Communes et des Sections Communales. Mais la confusion est à son comble quand cette Constitution exige le même mécanisme (suffrage universel) pour faire élire les dirigeants des trois (3) niveaux de CT. Même si les statuts différenciés des CT font croire que les départements sont plus importants que les autres CT, les autorités des CT sont toutes des élus au suffrage universel. Ceci crée une sacrée contradiction dont les autorités centrales peuvent à tout moment résoudre en nommant des autorités à la tête des Communes et des Sections Communales conformément à leur statut Constitutionnelle, car du point de vue statutaire seules les autorités départements devraient être élus au suffrage universel.

Cependant toute éventuelle décision pour faire nommer au lieu d'élire les Maires, les Casec, Asec, etc. serait un accroc majeur au processus de la décentralisation en Haïti. Ce serait le retour en force des temps anciens. Cette épée de Damoclès placée sur le processus de décentralisation en Haïti est d'autres en plus renforcé par l'absence de vision stratégique et le manque de volonté politique de l'État dont les tentations recentralisatrices sont omniprésentes. Le manque de velléités pour doter le pays d'un cadre légal cohérents sur la décentralisation est le signe d'une volonté manifeste de rétention de pouvoirs et de ressource au niveau central. D'ailleurs, on a vu que le vocable décentralisation est dévidé de tout son contenu d'après 1986,

il est devenu un concept valise, un mot de passe, qui ne charrie plus rien des revendications antimacoutistes, anti-autoritatrisme, et anti-impérialistes qui ont dessiné le contexte socio-historique et politique de l'adoption de la Constitution de 1987.

Des deux (2) contraintes qui ont vu l'avènement de la décentralisation en Haïti, il ne subsiste qu'une seule qui soit encore de mise, voire renforcée : la conditionnalité internationale, la poursuite de la vague de démocratisation à l'occidental. La décentralisation est devenue entre les mains de l'État haïtien un vil instrument de démagogie et de manipulation politique. L'État haïtien se transforme en une vaste ONG étatique qui amasse des sous l'étiquette de la décentralisation. Ayant été un cheval de bataille dans les années 80, la décentralisation est désormais un pot au beurre dans toute la société haïtienne. N'étant pas une valeur ancrée dans la société haïtienne, un simple changement de contexte international- par exemple, l'élimination de certaines conditionnalités par les bailleurs ou la non-disponibilité des fonds pour les projets de décentralisation- peut occasionner le retour au grand jour du centralisme exacerbé qui a toujours marqué la culture politique du pays.

En effet, environ un quart de siècle depuis l'adoption de la Constitution de 1987 qui consacre la décentralisation comme un des piliers stratégiques de l'État, le mode de gouvernance d'Haïti n'a pas permis de tenir les promesses de la modernisation de l'État, ni l'amélioration des conditions de vie de la population. Haïti s'enfonce davantage dans le processus de décapitalisation et de l'effritement des ressources. La situation de la Commune de Croix-desBouquets en est un exemple patent. Cette Commune n'a pas la capacité à planifier, budgétiser, passer des marchés de réalisation d'infrastructures et de fourniture de services, contrôler l'exécution, ni assurer la bonne gestion. Ce n'est pas le processus de décentralisation qui, tout précaire qu'il est, peut automatiquement inverser cette tendance perverse de la Commune de Croix-des-Bouquets. Car tous les structures et mécanismes, y compris les acteurs de la gestion de la chose publique de la Commune semblent entrer dans une logique contradictoire qui a pour effet la désorganisation et la déstructuration du système de gouvernance pour le développement.

Comme apports de la recherche, il faut souligner:

· Du point de vue théorique, la réaffirmation de la dépendance du développement local du processus de la décentralisation.

En Haïti, à l'instar d'autres pays en voie de développement, des institutions nationales et de la coopération internationale- impliquées dans la construction du développement local- oeuvrent indépendamment des élus locaux et du cadre normatif des actions locales. Elles érigent, par exemple, des écoles, des centres de santé partout et n'importe où sans se soucier de la stratégie d'ensemble du milieu. Leurs efforts se conjuguent davantage vers le renforcement des petites infrastructures physiques et des séances de formation à impacts quasiment nuls sur les conditions de vie de la population. Contrairement à ces idées et pratiques, même trop répandues à la Commune de Croix-des-Bouquets, qui court-circuitent l'État au niveau local, l'appui de ces institutions devrait être dirigé, entre autres priorités, vers le renforcement de la capacité des élus locaux, de la Société Civile, de rendre effective le processus de la décentralisation dont les dysfonctionnements ont pour effet automatique de freiner la dynamique de développement local.

· La confirmation d'un `'système de gouvernance cohérent» comme préalable au développement local.

En plus de la dépendance du développement local du processus de la décentralisation, la recherche à la Commune de Croix-des-Bouquets a permis de confirmer que le processus du développement local nécessite, comme avancé par les fonctionnalistes, que le secteur public, le secteur privé et la Société Civile agissent en synergie à partir d'une vision à long terme de développement. La désarticulation du mode de construire ensemble entraine la désintégration des forces et des actions sur le territoire. Les conclusions sur la situation de la Commune de Croix-de-Bouquets en reste un exemple patent.

É La mise en évidence de la précarité de la décentralisation en Haïti.

Contrairement à une idée courante selon laquelle le pays a fait des avancées considérables dans le domaine de la décentralisation, cette recherche a le mérite de démontrer que la décentralisation haïtienne est encore très fragile et que les démons du centralisme hantent encore ce processus de décentralisation dont la grande dépendance internationale accroit la vulnérabilité.

A ce tournant, il importe de signaler les faiblesses méthodologiques et théoriques que recèle la recherche. Tout d'abord, il faut mentionner le caractère non extrapolable des résultats. D'autres chercheurs devront approfondir les investigations entamées. En second lieu, on mentionnera l'absence de représentation des acteurs tels que les Maires, les Casecs, les techniciens des institutions locales et déconcentrés dont la consultation aurait probablement modifié les conclusions de la recherche.

Toutefois, cette recherche ne manquera pas de fournir des pistes pour le moins fiables à d'autres chercheurs engagés dans le même domaine ou préoccupés par des problématiques similaires. Comme réflexions sur les retombées pratiques de cette recherche, on mentionnera : (i) qu'il y a lieu de mener une réflexion plus en profondeur sur la Constitution de 1987 par rapport au cadre de la décentralisation en générale, et par rapport au statut des CT, du mode de désignation des autorités locales en particulier, et de leur pouvoir à exercer effectivement les compétences octroyées sans être à la merci d'autres autorités mieux loties. (ii) la mise en place des structures et mécanismes d'autonomisation des citoyen (ne)s afin de pallier au maximum à leur déficit de capacités. Ainsi, on facilitera la démarginalisation de leur participation, leur responsabilisation dans le système de la gouvernance de leur territoire. Tout ceci aurait pour vertu de permettre une appropriation locale du processus de développement.

BIBLIOGRAPHIE

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau I: Continuum des systèmes de gouvernement selon Oates Tableau II: Comparaison des degrés décentralisation

Tableau III: Critères de (dé) centralisation

Tableau IV: Carte géographique de la Commune de Croix-des-Bouquets Tableau V: Problématique au niveau des statuts des CT

Tableau VI: Extrait de questionnaire I

Tableau VII : Extrait de questionnaire II

Tableau VIII: Cercle vicieux du Sous-développement à Croix-au-Bouquets

TABLE DES MATIERES

LISTE DES ACRONYMES 4

AVANT-PROPOS 6

INTRODUCTION 8

Problème de recherche 10

Hypothèse, objectifs et but de la recherche 14

Limitation et approches méthodologiques de la recherche 14

PREMIERE PARTIE:

EMERGENCE, STRATEGIES ET CONTRAINTES DU DEVELOPPEMENT LOCAL 20

CHAPITRE I: ESSOR DU DÉVELOPPEMENT AU DEVELOPPEMENT LOCAL 21

I.1.- PRINCIPAUX PARADIGMES DU DEVELOPPEMENT 22

I.2 DEVELOPPEMENT LOCAL : EMERGENCE D'UNE STRATEGIE REACTIONAIRE
42

CHAPITRE II : PRINCIPALES STRATEGIES DU DEVELOPPEMENT LOCAL 46

II.1- REAPPROPRIATION ET RECONSTRUCTION DE TERRITOIRES 46

II.2- RESISTANCE A L'ACCULTURATION ET A LA DOMINATION TECHNOLOGIQUE 50

II.3 ATTRACTIVITE TERRITORIALE ET RECUPERATION NEOLIBERALISTE 52

II.4- SOUTENABILITE ET TERRITORIALISATION DES ACTIONS PUBLIQUES 55

CHAPITRE III : DECENTRALISATION ET CONTRAINTES DU SYSTEME DE GOUVERNANCE POUR LE DEVEVELOPPEMENT LOCAL 60

IIII.1 - DEFINITION ET TYPOLOGIE DE LA DECENTRALISATION 60

III.2- THEORIES NORMATIVES DE LA DECENTRALISATION 66

III.3- THÉORIES DESCRIPTIVES DE LA DÉCENTRALISATION 68

III.4- PRINCIPES DE REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES ECHELONS DE

GOUVERNEMENT 70

III.5- DYNAMIQUE DU SYSTEME DE GOUVERNANCE POUR LE DEVEVELOPPEMENT
LOCAL 74

II.6- JEU DES ACTEURS ET DES FACTEURS DE LA GOUVERNANCE 76

a. La Société Civile cherche à contenir les actions de l'État 79

b. La Société Civile construit des partenariats avec l'État 80

c. La Société Civile s'élève contre la subjugation de l'État 80
DEUXIEME PARTIE :

DECENTRALISATION ET DEVELOPPEMENT LOCAL DANS LE CONTEXTE HAITIE 84

CHAPITRE IV : CADRE INSTITUTIONEL DE LA DECENTRALISATION ET DU
DEVELOPPEMENT LOCAL 85

IV.1 DECENTRALISATION DANS LA CULTURE POLITIQUE HAÏTIENNE (1804-

2010) 85

VI.2 DECENTRALISATION DANS LA LEGISLATION HAÏTIENNE A PARTIR DE 1987 91
IV.3 DECENTRALISATION HAITIENNE AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT LOCAL 91

IV.3.1 Instances d'encadrement et de régulation du processus de développement local en Haïti 98

Contrôle de tutelle ou de légalité des Collectivité Territoriale 99

Système de planification du développement local 100

Mode de financement de la gestion et du développement des Collectivités Territoriales

103

CHAPITRE V : DIAGNOSTIC DES TENDANCES LOURDES DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVELOPPEMENT LOCAL 108

TROISIEME PARTIE

CHAPITRE VI : PRATIQUES DE LA DECENTRALISATION ET DU DEVLOPPEMENT
LOCAL A CROIX-DES-BOUQUETS 122

V.1 VUE SYNOPTIQUE DES REALITES SOCIODEMOGRAHIQUES, SOCIOECONOMIQUES, HISTORICO-POLITIQUES ET CULTURELS 122

Histoire et idéologies 122

Espace, géographie et démographie 123

Ruralité et urbanité 125

Éducation et santé 126

Économie et commerce 126

Culture et loisirs 127

Gestion de services publics locaux 127

V.II - CONSTATS ET CONTRAINTES LIES A LA DECENTRALISATION ET AU DEVELOPPEMENT DE LA COMMUNE DE CROIX-DES-BOUQUETS 130

CHAPITRE VII: PRECARITÉ ET FICTIVITE DE LA DECENTRALISATION EN HAITI 136

VI.1. Ambigüité des statuts des Collectivités Territoriales haïtiennes 136

VI.2. Tentations recentralisatrices des autorités haïtiennes 138

VI.3. Absence de vision stratégique unifiée et de volonté politique de l'État haïtien 139

VI.4. Changement de paradigme et récupération internationaliste du processus de la décentralisation 142

CHAPITRE VIII: DESARTICULATION DU SYSTEME DE GOUVERNANCE TERRITORIALE 146

VIII.1 Manque de leadership et de vision à long terme de développement 146

VIII.2 Contradiction des stratégies de développement mise en oeuvre dans la Commune 147

VIII.3 Déficit de l'autonomisation des citoyens et des citoyennes 150

- Manque d'accès à l'information 150

- Faible degré de responsabilisation des citoyen et des citoyennes 153

- Marginalisation des citoyen et citoyennes dans la prise des décisions 156

- Corruption et manque d'accès aux services sociaux de base 157

Santé 158

Éducation 159

Eau et électricité 161

CHAPITRE IX : OPPORTUNITES ET POTENTIALITES D'UN SYSTEME DE GOUVERNANCE TERRITORIALE POUR LE DEVELOPPEMENT 165

IX.1. ÉVALUATION DE LA REPARTITION DES COMPETENCES ET DES RESSOURCES ENTRE LES COLLECTIVITES TERRITORIALES ET L'ÉTAT CENTRAL
165

IX.2. STRUCTURATION, PROFESSIONNALISATION ET STABILISATION DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE 166

n haussement du niveau de salaire : .. 168

xistence dun plan de carrière ... 168

ne amélioration générales des conditions de travail ... 168

IX.3. DEMARGINALISATION PAR LA RESPONSABILISATION ET LA PARTICIPATION CITOYENNE 169

CONCLUSION 173

BIBLIOGRAPHIE 183

WEBOGRAPHIE 187

LISTE DES PRINCIPAUX TABLEAUX 199
ANNEXE

ANNEXE

ANNEXE I:

CARACTERISTIQUES DE LA POPULATION SOUS ETUDE

Identification du groupe

Spécificité du groupe

Sexe des

membres

F

M

Groupe de chorale

Des jeunes entre 18 à 31 ans qui chantent régulièrement à l'Église chrétienne de Séguy.

18

5

Organisation de

développement

Des jeunes entre 20 à 42 ans qui se rencontrent régulièrement au sein de l'Organisation de Développement de l'Arrondissement de la Croix-desBouquets.

25

8

Groupe de jeunesse

Des jeunes entre 17 à 29 ans qui se rencontrent

régulièrement au sein de la paroisse Rosaire pour discuter et planifier des affaires culturelles, civiques, religieuse et sociales.

7

18

Groupe de métier

Un club d'artisans entre 22 à 45 ans qui se rencontrent pour travailler ensemble, mutualiser les moyens et partager les techniques.

17

8

Groupe de jeunes

Regroupement régulier de jeunes chômeurs et étudiants entre 20 à 37 pour s'amuser et analyser les actualités sportives, culturels et politiques (section communale)

7

5

Groupe de marchands et

marchandes

Regroupement express de marchands et marchandes entre 23 et 55 ans qui travaillent dans le secteur informel.

21

10

TOTAL

150

96

54

ANNEXE II :

DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES SUR LA DECENTRALISATION DES CT

Article 61:

Les Collectivités Territoriales sont la section communale, la Commune et le département.

Article 63:

L'administration de chaque section communale est assurée par un conseil de trois (3) membres élu au suffrage universel pour une durée de quatre (4) ans. Ils sont indéfiniment rééligibles. Son mode d'organisation et de fonctionnement est réglé par la loi.

Article 66:

La Commune a l'autonomie administrative et financière. Chaque Commune de la République est administrée par un Conseil de trois (3) membres élus au suffrage universel dénommé Conseil

Municipal

Article 72:

Le Conseil municipal ne peut-être dissous qu'en cas d'incurie, de malversation ou d'administration frauduleuse légalement prononcée par le tribunal compétent.

En cas de dissolution, le Conseil départemental supplée immédiatement à la vacance et saisit le Conseil Electoral Permanent dans les soixante (60) jours à partir de la date de la dissolution en vue de l'élection d'un nouveau Conseil devant gérer les intérêts de la Commune pour le temps qui reste à courir. Cette procédure s'applique en cas de vacance pour toute autre cause.

Article 73:-

Le Conseil municipal administre ses ressources au profit exclusif de la municipalité et rend compte à l'Assemblée municipale qui elle-même en fait rapport au Conseil départemental.

Article 83:

Le conseil départemental administre ses ressources financières au profit exclusif du département et
rend compte à l'Assemblée départementale qui elle-même en fait rapport à l'administration centrale

Article 77:

Le département est une personne morale. Il est autonome.

Article 78:

Chaque département est administré par un Conseil de trois (3) membres élus pour quatre (4) ans par l'Assemblée départementale.

Article 78:

Chaque département est administré par un Conseil de trois (3) membres élus pour quatre (4) ans par l'Assemblée départementale.

Article 87.4:

La décentralisation doit être accompagnée de la déconcentration des services publics avec délégation de pouvoir et du décloisonnement industriel au profit des départements.

Article 200.1:

La Cour Supérieure des Comptes du Contentieux Administratif connait des litiges mettant en cause l'Etat et les Collectivités Territoriales, l'Administration et les fonctionnaires publics, les services publics et les administrés.

ANNEXE III:

COMPETENCES PARTAGEES ENTRE ÉTAT ET C T

Article 32.1:

L'éducation est une charge de l'Etat et des Collectivités Territoriales. Ils doivent mettre l'école gratuitement à la portée de tous, veiller au niveau de formation des Enseignements des secteurs public et privé.

Article 32.2:

La première charge de l'Etat et des Collectivités Territoriales est la scolarisation massive, seule capable de permettre le développement du pays. L'Etat encourage et facilite l'initiative privée en ce domaine.

Article 32.4:

L'enseignement agricole, professionnel, coopératif et technique est une responsabilité primordiale de l'Etat et des Communes.

Article 32.9:

L'Etat et les Collectivités Territoriales ont pour devoir de prendre toutes les dispositions nécessaires en vue d'intensifier la campagne d'alphabétisation des masses. Ils encouragent toutes les initiatives privées tendant à cette fin.

Article 64:

L'Etat a pour obligation d'établir au niveau de chaque section communale les structures propres à la formation sociale, économique, civique et culturelle de sa population.

Article 81:

Le Conseil départemental élabore en collaboration avec l'administration centrale, le plan de développement du département.

Article 74:

Le Conseil municipal est gestionnaire privilégié des biens fonciers du domaine privé de l'Etat situés dans les limites de sa Commune. Ils ne peuvent être l'objet d'aucune transaction sans l'avis préalable de l'Assemblée municipale.

Article 90:

Chaque collectivité municipale constitue une circonscription électorale et élit un (1) député.

La loi fixe le nombre de députés au niveau des grandes agglomérations sans que ce nombre n'excède trois (3). En attendant l'application des alinéas précédents, le nombre de députés ne peut être inférieur à soixante-dix (70).

Article 87

L'Exécutif est assisté d'un (1) Conseil interdépartemental dont les membres sont désignés par les assemblées départementales à raison d'un (1) par département.

Article 87.1:

Ce représentant, choisi parmi les membres des assemblées départementales sert de liaison entre le département et le pouvoir exécutif.

Article 87.2:

Le conseil interdépartemental, de concert avec l'Exécutif, étudie et planifie les projets de décentralisation et de développement du pays, au point de vue social, économique, commercial, agricole et industriel.

article 94.2:

Le sénateur de la République est élu au suffrage universel à la majorité absolue dans les assemblées primaires tenues dans les Départements géographiques, selon les conditions prescrites par la loi électorale.

Article 217:

Les Finances de la République sont décentralisées. La gestion est assurée par le Ministère y afférent. L'Exécutif, assisté d'un Conseil interdépartemental élabore la loi qui fixe la portion et la nature des revenus publics attribués aux Collectivités Territoriales.

Article 218:

Aucun impôt au profit de l'Etat ne peut être établi que par une loi. Aucune charge, aucune imposition soit départementale, soit municipale, soit de section communale, ne peut être établie qu'avec le

consentement de ces Collectivités Territoriales.

Article 250:

Aucun monopole ne peut être établi en faveur de l'Etat et des Collectivités Territoriales que dans l'intérêt exclusif de la Société. Ce monopole ne peut être cédé à un particulier.

Article 175:

Les juges de la Cour de Cassation sont nommés par le Président de la République sur une liste de trois (3) personnes par siège soumise par le Sénat. Ceux des cours d'appel et des tribunaux de première instance le sont sur une liste soumise par l'Assemblée départementale concernée; les juges de paix sur une liste préparée par les Assemblées communales.

Article 192:

Le Conseil Electoral comprend (9) neuf membres choisis sur une liste de (3) trois noms proposés par chacune des Assemblées départementales:

3 sont choisis par le Pouvoir exécutif;

3 sont choisis par la Cour de Cassation;

3 sont choisis par l'Assemblée Nationale.

Les organes sus-cités veillent, autant que possible, à ce que chacun des départements soit représenté.

ANNEXE IV:

GLOSSAIRE DES TERMES CLES

Compétence : c'est l'attribution d'un ou des champs d'intervention à une instance.

Pouvoir : c'est la capacité dévolue à l'instance, d'utiliser les moyens propres à exercer la ou les compétences qui lui sont attribuées par la Loi. Il importe de distinguer le pouvoir de la compétence, mais dans la pratique cette distinction est inhabituelle, car il va de soi que sans pouvoir pour l'exercer, la compétence ne serait pas attribuée.

Autonome : jouissant de l'autonomie qui est la possibilité, pour un territoire ou une communauté, de s'administrer librement dans le cadre régie par un pouvoir central. L'autonomie est généralement limitée par la tutelle administrative ou Constitutionnelle du gouvernement central. Un pays ou un Etat fédéré peut être en situation d'autonomie partielle s'il dispose de larges compétences dans certains domaines tels que la culture, l'éducation, le développement économique, mais dépend d'une autre structure dans d'autres domaines tels que les affaires étrangères, la défense et la monnaie...

Personnalité morale : concept juridique par lequel on reconnaît à une personne morale (une société, un regroupement, une association, une circonscription etc.) des droits et des attributs. L'entité disposant de la personnalité morale peut ester en justice (exercer une action juridique), contracter en son nom ou encore acquérir des biens.

Collectivité Territoriale : on indistinctement collectivité territoriale ou collectivité locale pour définir une circonscription administrative, dotée d'une personnalité morale. C'est une partie du territoire d'un Etat qui dispose d'une certaine autonomie dans la gestion des affaires propres, même partielle.

ANNEXE V

QUESTIONNAIRE DE RECHERCHE

1- Faites- vous partie d'une organisation, d'une association ou d'une structure de la société civile communale ?

Oui

Si non, pourquoi pas?

2- Comment décrivez-vous les conditions de vie dans la Commune ?

3- Avez-vous déjà essayé de vous informer sur un sujet ou un autre auprès de la Mairie ?

Oui

Si non, pourquoi pas?

4- Etes-vous informé (e) des grands projets communaux pour les 2 ou 5 ans à venir ?

Oui

Non

5- Selon vous, quels sont les obstacles au développement de la Commune ?

6- Avez-vous une idée du montant et de la planification du budget municipal?

Oui

Non

7- Quelles sont vos opinions de la gestion municipale ?

Si oui, pourquoi ?

Si non, pourquoi pas ?

9- Savez-vous la durée du mandat des Maires ?

Oui

Non

10- Etes-vous prêt (e) à collaborer (avec les autorités locales) pour l'amélioration de la gestion de la chose publique de la Commune?

Si oui, pourquoi ?

Si non, pourquoi pas ?

11- Sentez- vous responsable de l'état des choses (mauvaises conditions de vie, mauvaise gestion, extrême pauvreté, etc.) de la Commune ?

Oui

Non

12- Sentez-vous intégré(e) dans la communauté de la croix-des-Bouquets ?

Si oui, pourquoi ?

Si non, pourquoi pas ?

13- Estimez-vous que l'État (y compris les institutions locales) respectent vos droits Constitutionnels (santé, éducation, sécurité, loisir, etc.) ?

Si oui, pourquoi ?

Si non, pourquoi pas ?

14- Estimez-vous que vous remplissiez bien vos devoirs de citoyen?

Oui

Non

15- Attendez-vous à une amélioration des conditions de vie de la Commune ?

Si oui, pourquoi ?

Si non, pourquoi pas ?

 
 





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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand